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Montréal Janvier 2015 © 2015 Bryan Campbell, Laurence Allaire, Robert Normand. Tous droits réservés. All rights reserved. Reproduction partielle permise avec citation du document source, incluant la notice ©. Short sections may be quoted without explicit permission, if full credit, including © notice, is given to the source Rapport de projet Project report 2015RP-02 Le programme AccèsLogis Québec de la SHQ : À la recherche d’améliorations financières Bryan Campbell, Laurence Allaire, Robert Normand

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Montréal

Janvier 2015

© 2015 Bryan Campbell, Laurence Allaire, Robert Normand. Tous droits réservés. All rights reserved.

Reproduction partielle permise avec citation du document source, incluant la notice ©.

Short sections may be quoted without explicit permission, if full credit, including © notice, is given to the source

Rapport de projet

Project report

2015RP-02

Le programme AccèsLogis Québec de la SHQ :

À la recherche d’améliorations financières

Bryan Campbell, Laurence Allaire, Robert Normand

CIRANO

Le CIRANO est un organisme sans but lucratif constitué en vertu de la Loi des compagnies du Québec. Le

financement de son infrastructure et de ses activités de recherche provient des cotisations de ses organisations-

membres, d’une subvention d’infrastructure du Ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, de

même que des subventions et mandats obtenus par ses équipes de recherche.

CIRANO is a private non-profit organization incorporated under the Québec Companies Act. Its infrastructure and

research activities are funded through fees paid by member organizations, an infrastructure grant from the

Ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, and grants and research mandates obtained by its

research teams.

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École Polytechnique de Montréal

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McGill University

Université Concordia

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Université du Québec à Montréal

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Le CIRANO collabore avec de nombreux centres et chaires de recherche universitaires dont on peut consulter la liste sur son site

web.

ISSN 1499-8629 (Version en ligne)

Partenair e financier

Le programme AccèsLogis Québec de la SHQ :

À la recherche d’améliorations financières

Bryan Campbell

CIRANO et Université Concordia, [email protected]

Laurence Allaire

CIRANO

Robert Normand

CIRANO

Groupe Finance

du

Centre Interuniversitaire de Recherche en Analyse des Organisations

(CIRANO)

REMERCIEMENTS

L’équipe du Groupe Finance du Centre Interuniversitaire de Recherche en Analyse des

Organisations (CIRANO) ayant travaillé sur ce mandat aimerait remercier certaines personnes

ayant contribué à l’effort de recherche. Ceci autant au niveau administratif dans l’appareil d’État

qu’au niveau du partage des idées et des connaissances liées à l’habitation communautaire et

sociale.

Nous remercions donc : Martin Desrochers, James McGregor, Manon Labrie, Derek

Ballantyne, Clément Roberge, Jacques Charest.

iii

SOMMAIRE EXÉCUTIF

Lors de travaux précédents, nous avons proposé une structure financière qui, ceteris paribus,

augmenterait le nombre annuel d’unités potentielles livrées par la SHQ jusqu’à 50 % pour une

même enveloppe budgétaire. Cette proposition, surnommée le « 10-30 », a été bien reçue par la

SHQ et a mené au présent mandat, entrepris avec le support conjoint de la SHQ et du Ministère

des Finances. Notre objectif a été d’explorer la faisabilité pratique et la viabilité financière d’un

programme incorporant le « Produit 10-30 », et de déterminer si d’autres alternatives pouvaient

incorporer certains éléments de ce produit en ayant un impact égal ou supérieur à la proposition

initiale. Il est important de mentionner que ces approches impliquent des allongements de

maturité des prêts et une restructuration du financement; toute modification incorporant ces

éléments doit prendre en compte des enjeux comme les besoins de rénovations des projets ainsi

que l’acceptabilité des modifications par les organismes concernés.

Ce rapport se divise en deux grandes parties sur l’analyse des propositions de produits financiers :

l’approche « hypothécaire », ou d’intermédiation financière, et l’approche des marchés financiers,

soit de désintermédiation financière.

En utilisant des paramètres de projets représentant la cohorte la plus récente de projets des Volets

I & II du programme AccèsLogis, et des données historiques des taux de croissance sur plusieurs

années, nous avons procédé à des analyses quantitatives générant plusieurs milliers de scénarios

de taux d’intérêt hypothécaires et d’inflation.

La première étape était d’effectuer une simulation pour mesurer la portée du statut quo, soit le

programme actuel AccèsLogis avec une maturité de 35 ans. La portée du programme, si le

gouvernement décide de verser l’équivalent d’une subvention à la réalisation de 120

M$ annuellement, est la construction de 1 980 unités (soit environ les 2 000 unités annoncées

dans le budget 2011-12 du Ministère des Finances du Québec).

Le résultat principal de cette simulation du cas de base est une Valeur à Risque (VaR)

représentant 2,1 % des coûts de réalisation, soit environ 3 220$ par unité, en valeur actuelle. La

raison de quantifier le risque en pourcentage des coûts de réalisation est que ces pertes

potentielles sont supportées par le gouvernement, via la garantie de prêt octroyée aux projets.

Ainsi, dans ce cas, la subvention initiale est d’environ 39 % et, considérant le risque, on pourrait

établir que le coût total s’établirait donc à 41 %. Par rapport au budget annuel, ces pertes

potentielles représentent 6,4 M$ additionnels pour chaque cohorte de 1 980 unités (avec VaR

unitaire de 3 220$).

Utilisant une approche hypothécaire, deux propositions d’institutions financières ont été

analysées. Un produit théorique est aussi présenté, soit le « Produit 10-30 » sous une forme de

prêt hypothécaire modifié. Utilisant une approche de marchés financiers, deux autres

propositions d’institutions financières ont été analysées. Un produit théorique est aussi présenté,

soit le « Produit 10-30 » sous une forme d’obligations sur les marchés financiers.

iv

En les présentant selon les gains d’efficacité réalisés, le tableau suivant offre une liste des

différentes propositions.

Tableau 0.1 : Propositions financières

VaR fixe à 2,1 % des coûts de réalisation

35 ans AccèsLogis (Statut quo)

Nombre d'unités 1 980

Propositions Hypothécaires

40 ans Proposition A

Taux sur 10 ans, renouvelé

Nombre d'unités 2 064

Gain d'efficacité net 4,2 %

50 ans Proposition B

Hypothèque 50 ans*

Nombre d'unités 2 190

Gain d'efficacité net 10,6 %

Propositions Marchés Financiers

50 ans Proposition C

Obligations sur 30 ans

Nombre d'unités 2 482

Gain d'efficacité net 25,4 %

Flexible Proposition D

Produit structuré

Gains selon structure choisie, selon marché

* Entente limitée à 30 ans. Renouvelable aux 5 ans subséquents.

Les détails sur les calculs et les résultats sont présentés aux Sections 2 et 3.

Dans les propositions hypothécaires, la plus prometteuse est la proposition A puisque la

proposition B manquait l’engagement formel pour 50 ans, mais permet de s’engager sur 30 ans

puis renouveler subséquemment aux 5 ans. La proposition A est toutefois limitée en termes de

gains d’efficacité ; 4 % de gain ne semble pas suffisant pour tout remanier le programme

AccèsLogis en faveur d’une telle approche. Par contre, nous avons proposé des variantes

« théoriques » (c’est-à-dire non formellement approuvées par une institution financière). En effet,

grâce à la proposition A, nous savons maintenant qu’il est possible pour une institution

financière d’offrir un produit qui reconfigure les flux financiers, et ce, à l’intérieur d’un produit

v

hypothécaire. À partir de ce modèle, nous considérons les variations suivantes, ainsi que la

proposition « 10-30 ».

Tableau 0.2 : Propositions Théoriques (CIRANO)

40 ans Variante théorique #1

Taux fixe sur 20 ans

Nombre d'unités 2 142

Gain d'efficacité net 8,2 %

50 ans Variante théorique #2

Taux sur 10 ans, renouvelé

Nombre d'unités 2 246

Gain d'efficacité net 13,4 %

50 ans Variante théorique #3

Taux fixe sur 20 ans

Nombre d'unités 2 354

Gain d'efficacité net 18,9 %

50 ans Produit 10-30

Approche hypothécaire (Qc + 120)

Nombre d'unités 2 425

Gain d'efficacité net 22,5 %

Les détails sur les calculs et les résultats sont présentés aux Sections 2 et 3.

Dans son contexte actuel, les institutions financières consultées ne peuvent s’engager à offrir ces

produits. Néanmoins, un modèle global sur 40 ou 50 ans, avec point(s) de refinancement à (aux)

l’année(s) 10, 20, ou 30 et avec taux fixes sur les portions à refinancer nous semble une avenue à

explorer par la SHQ auprès de ses partenaires financiers ou auprès d’autres institutions

financières. Par exemple, un produit sur 50 ans, avec point de refinancement à l’an 20 et taux

fixe sur cette période (Qc + 120 pdb) génère 19 % de gains pour la SHQ. Deux points de

refinancement aux années 10 et 30, avec taux fixes (Qc + 120 pdb) génère plus de 22 % de gains.

Concernant les propositions utilisant les marchés financiers, en retournant au tableau précédent,

la proposition d’obligations sur 30 ans (proposition C) est la seule pouvant être quantifiée

directement et génère plus de 25 % de gains. Combiner une structure à obligations avec un

produit structuré comme celui de la proposition D, pourrait accroître davantage ces gains. Il faut

noter que la proposition de produit structuré pourrait s’appliquer à tous les produits financiers

présentés dans ce rapport afin de réduire leur coût d’emprunt.

vi

Recommandations Globales

En somme, si le gouvernement décide d’opter pour une solution sur les marchés financiers, il

pourrait le faire en un premier temps avec un produit de titrisation simple comme les obligations

à zéro-coupon sur 30 ans, pour ensuite appliquer une structure comme celle de la proposition D.

Si toutefois le gouvernement préfère s’en tenir aux produits hypothécaires, les produits

actuellement proposés ne génèrent pas de gains suffisants pour justifier un changement du

programme. Or, grâce à la proposition A, nous savons maintenant qu’il est possible pour une

institution de modifier ses prêts standards et que, en poursuivant des travaux avec eux ou auprès

d’autres institutions financières, des gains potentiellement importants (jusqu’à 22 %) pourraient

être réalisés, et sans recours aux marchés financiers.

Sur un autre ordre d’idées, le capital investi dans les projets AccèsLogis et l’équité immobilière

générée ne peuvent être directement utilisés afin de générer des bénéfices sociaux autres que de

maintenir des loyers sous les niveaux du marché ambiant pour les gens à l’intérieur des projets.

Conséquemment, ce capital ne peut être utilisé pour générer de nouveaux projets et d’accroître la

taille du parc immobilier. Cette réalité vient de plus limiter le fonctionnement de la SHQ ainsi

que sa capacité à utiliser divers outils financiers pour remplir sa mission. De tels constats nous

poussent à recommander que le gouvernement étudie des possibilités quant à des changements à

apporter à la structure du capital de la SHQ faisant en sorte de lui permettre de générer et utiliser

du capital afin d’ensuite maximiser l’impact social des investissements publics dans le secteur de

l’habitation communautaire et social sur le territoire québécois.

vii

TABLE DES MATIÈRES

Section 1 Introduction ............................................................................................................................. 1

1.1 Mandat .......................................................................................................................................... 1

1.2 Méthodologie ................................................................................................................................ 3

1.3 Organisation du Rapport ............................................................................................................... 4

Section 2 Améliorations financières : L’Approche Hypothécaire ....................................................... 6

2.1 Introduction : Axes d’Amélioration Financière ............................................................................ 6

2.2 Allongement de la Maturité : Impact Financier .......................................................................... 12

2.3 Reconfiguration des Flux Financiers : Outil de Gestion des Risques ......................................... 27

2.4 Conclusion-Synthèse ................................................................................................................... 32

Section 3 Coût d’Emprunt et Marchés des Capitaux ......................................................................... 33

3.1 Les Gains Financiers liés à la Compétitivité ............................................................................... 33

3.2 L’Avantage des Marchés Financiers ........................................................................................... 35

3.3 Obligations 30 ans à intérêt capitalisés (proposition C) .............................................................. 38

3.4 Produits Financiers Structurés (proposition D) ........................................................................... 42

3.5 Conclusion .................................................................................................................................. 49

Section 4 Conclusion et Pistes de Réflexion ........................................................................................ 50

4.1 Retour sur les Propositions de Produits Financiers ..................................................................... 50

4.2 Recommandations Globales concernant les Produits Financiers ................................................ 53

4.3 Autres Pistes de Réflexion .......................................................................................................... 54

Annexe A : Détails sur la Méthodologie de Simulation Financière ...................................................... 57

Annexe B : Acronymes ............................................................................................................................. 59

1

Section 1 Introduction

1.1 Mandat

Ce projet est né de travaux précédents effectués pour le Ministère des Finances du Québec. Le

mandat de ces travaux était de mesurer la demande financière en économie sociale, liée à un

potentiel marché secondaire, avec une ouverture vers de nouvelles approches de financement

pour ce secteur. Notre travail s’est naturellement divisé en deux sections : d’un côté, la

composante des Biens et Services et, de l’autre côté, la composante de l’Habitation. La section

sur l’habitation s’est presque exclusivement concentrée sur l’étude du programme AccèsLogis

Québec (ci-après AccèsLogis ou ACL) de la Société d’Habitation du Québec (SHQ), qui a pour

but la réalisation et l’accroissement du parc d’unités de logement d’habitation communautaire et

sociale au Québec. Dans ce contexte, et lié à d’autres idées du milieu de l’habitation, nous avons

proposé une structure financière qui, ceteris paribus, augmenterait le nombre annuel d’unités

potentielles livrées par la SHQ jusqu’à 50 % pour une même enveloppe budgétaire. Cette

proposition, surnommée le « 10-30 », a été bien reçue par la SHQ et a mené au présent mandat,

entrepris avec le support conjoint de la SHQ et du Ministère des Finances. Notre objectif a été

d’explorer la faisabilité pratique et la viabilité financière d’un programme incorporant le

« Produit 10-30 », et de déterminer si d’autres alternatives pouvaient incorporer certains

éléments de ce produit en ayant un impact égal ou supérieur à la proposition initiale.

Dans une perspective opérationnelle, le programme AccèsLogis est un succès. Depuis ses

premiers projets réalisés en 1998, il a livré environ 20 000 unités de logement à travers le

Québec, avec 50 % dans la grande région de Montréal, 15 % dans la région de Québec, et 35 %

dans le reste du Québec. Le programme regroupe les ressources locales d’une manière

participative et imaginative. Une culture de gestion autonome dans la gestion des projets s’est

bien ancrée dans le milieu. Aussi, très peu d’organismes ont échoué et rarement la SHQ est

intervenue pour leur enlever la gouverne de l’immeuble. Nous pourrions ainsi dire qu’un

équilibre s’est établi dans la livraison de nouvelles unités et la gestion subséquente des projets.

Par contre, cet équilibre est fragile. Le gouvernement doit renégocier à intervalles réguliers les

taux hypothécaires avec ses partenaires financiers, la Banque Nationale du Canada et le

Mouvement Desjardins, pour établir ces taux à des niveaux suffisamment bas pour être

abordables par rapport aux revenus des projets. Ce pré-requis est crucial dans un contexte où la

valeur initiale et l’évolution des revenus de loyers sont contraintes à plusieurs normes. Ensuite, la

gestion des projets est décentralisée, mais la viabilité fondamentale de chaque projet est garantie

par la SHQ, donc par le gouvernement. De plus, selon les normes initiales du programme, la

SHQ a acquiescé à ce que les projets transfèrent des fonds, le capital hypothécaire remboursé sur

les premiers 10 ans, vers une entité se nommant le Fonds québécois d’habitation communautaire

(FQHC) sans réels plans spécifiques quant à l’utilisation de ces fonds. Finalement, le programme

est financé d’une année à l’autre avec le nombre (variable) d’unités annoncé dans le budget

annuel du Québec.

2

Malgré tous ces défis, l’équipe du CIRANO impliquée dans ce projet s’est efforcé d’établir une

perspective méthodologique fondée sur une évaluation neutre de la structure actuelle du

programme AccèsLogis; cette approche a permis l’évaluation des nouvelles directions que

pourrait prendre le financement du programme.

Ce rapport présente nos évaluations et recommandations.

3

1.2 Méthodologie

La préoccupation centrale de notre analyse concerne le risque.

Il a toujours été compris dans nos travaux que tout gain d’efficacité lié à une nouvelle approche

financière, comme une plus grande offre d’unités pour un même budget ou une épargne

budgétaire, ne peut être recommandée si elle est accompagnée d’un plus grand risque financier

pour le gouvernement ; un plus grand risque se traduit par de plus grandes dépenses potentielles

futures et, s’il est anticipé dans les provisions, par une expansion de la dette publique. Nous

avons donc interprété notre mandat de façon à trouver des améliorations financières permettant

une plus grande offre de logements, à partir des budgets actuellement disponibles, et en

préservant le niveau actuel de risque du programme.

Par conséquent, nous avons d’abord soigneusement procédé à la modélisation et à l’évaluation

des risques financiers (ici, risques liés aux taux d’intérêt et à l’inflation) auxquels fait face le

programme AccèsLogis dans sa structure la plus récente et avec les paramètres les plus récents.

L’efficacité actuelle du programme, en considérant ces risques, est le point de référence pour

notre analyse. Il faut d’ailleurs mentionner que notre approche représente la seule approche

systématique d’analyse de risque pour ce programme.

D’autres propositions financières ont été justifiées à partir d’un seul scénario d’évolution future

des variables financières sur une période de plus de 30 ans. Une telle approche n’est pas

appropriée en finance. L’approche que nous avons adoptée est donc de modéliser le risque de

taux d’intérêt et d’inflation à partir de milliers de scénarios futurs pour ainsi mesurer plus

précisément les fluctuations auxquels font face les projets dans des environnements plus

extrêmes. Cette méthodologie par simulations est un standard dans l’industrie financière mais

reste très peu utilisée dans un contexte de politiques publiques. Nous avons, de plus, créé des

logiciels de simulation financière afin de mieux permettre l’accès à cette approche.

L’autre grand risque auquel fait face le programme AccèsLogis est le risque de projet. Ce type de

risque incorpore les problèmes potentiels liés à la mauvaise construction (qui apparaissent

souvent quelques années plus tard), et les problèmes liés à une potentielle mauvaise gestion au

niveau des organismes. Il est clair que toute évaluation adéquate de ces risques doit être basée

sur un suivi de l’évolution des projets dans le temps, telle que révélée par l’information contenue

dans leurs rapports annuels et états financiers. Toutefois, même si l’entente entre la SHQ et les

projets recevant du financement gouvernemental stipule que ces derniers doivent envoyer leurs

rapports annuels, cette exigence n’est pas appliquée strictement. Les organismes qui les envoient

ne peuvent être évalués que sur une base individuelle. Somme toute, une analyse financière

globale de l’évolution du parc immobilier est nécessaire. Qui plus est, dans ce contexte, il sera

important d’informatiser ces données. Les rapports annuels sont actuellement conservés en

format papier puis, après environ sept ans, ils sont archivés pour ensuite être détruits après

environ dix ans. Finalement, nous recommandons une approche informatisée qui reflète

l’évolution des projets. Avec cet outil, une meilleure évaluation du risque des projets sera

possible.

4

Ensuite, au cours des six derniers mois notre mandat, nous avons eu plusieurs rencontres et

échanges avec plusieurs institutions financières afin de discuter la mise en place d’une

proposition financière « 10-30 » ou d’autres variantes générées dans le même esprit. Les

institutions consultées ont investigué et ont émis des propositions ; celles-ci sont analysées dans

les sections subséquentes de ce rapport.

Synthèse

En somme, nous avons utilisé le programme AccèsLogis dans sa plus récente version comme

point de référence afin d’évaluer le potentiel de différentes propositions financières visant à

améliorer l’efficacité du programme. Ces analyses se fondent sur une modélisation des risques

financiers afin que les gains d’efficacité mesurés pour chaque proposition n’entraînent aucune

hausse des risques financiers auxquels fait face le gouvernement du Québec.

1.3 Organisation du Rapport

Lorsque nous entamerons la Section 2, avant de procéder à l’évaluation des propositions

financières liées à ce mandat, un bref aperçu des axes d’amélioration financière sera offert. On

peut comprendre ces axes comme des outils analytiques qui serviront à modifier le programme

actuel, ou statut quo, avec pour objectif d’en bonifier l’offre et l’efficacité. Par la suite, ces

concepts seront concrètement mis en application pour générer et évaluer de nouvelles structures

financières. Ce faisant, une analyse des structures financières sera présentée à partir d’une

méthodologie de mesure du risque financier. Cette méthodologie sera appliquée uniformément à

tous les produits de façon à pouvoir les comparer d’une manière objective et quantifiée.

La Section 2 couvrira tous les produits financiers de type hypothécaire, alors que la section

suivante couvrira les produits impliquant les marchés des capitaux. Par « hypothécaire », nous

faisons référence à un financement par prêt, directement d’une institution financière. Un prêt

hypothécaire sur 35 ans, correspondant à la situation actuelle du programme AccèsLogis, ferait

donc partie de ce type de produits hypothécaires. Une structure regroupant des prêts afin

d’émettre des obligations sur les marchés correspondrait plutôt au type de produits utilisant les

marchés des capitaux. Ces produits seront analysés à la Section 3.

Au cours de son mandat, l’équipe du CIRANO a rencontré des institutions financières afin de

leur présenter une approche théorique de financement des projets AccèsLogis surnommée le

« Produit 10-30 » dans ses travaux précédents. Cette approche, dans un contexte de prêts sur 50

ans, prévoit des gains considérables en termes d’unités AccèsLogis supplémentaires pouvant être

construites avec un même budget gouvernemental. Les institutions financières ont donc été

approchées afin de tester si elles pouvaient fournir des instruments financiers dans le même

esprit que la proposition théorique du CIRANO. Les produits financiers présentés dans la Section

2 et dans la Section 3 reflètent ainsi cet objectif.

Dans la Section 4, la conclusion, nous offrons d’abord un retour sur les travaux présentés dans le

rapport avec les recommandations leur étant liées. Dans la dernière partie de cette section nous

5

abordons des pistes de réflexion traitant d’une importante lacune perçue dans le programme

AccèsLogis : le capital investi dans les projets et l’équité immobilière générée ne peuvent être

directement utilisés afin de générer des bénéfices sociaux autres que de maintenir des loyers sous

les niveaux du marché ambiant pour les gens à l’intérieur des projets. Conséquemment, ce capital

ne peut être utilisé pour générer de nouveaux projets et d’accroître la taille du parc immobilier.

Cette réalité vient de plus limiter le fonctionnement de la SHQ ainsi que sa capacité à utiliser

divers outils financiers pour remplir sa mission. De tels constats nous poussent à recommander

que le gouvernement étudie des possibilités de changement de structure de la SHQ faisant en

sorte de lui permettre de générer et d’utiliser du capital afin maximiser l’impact social des

investissements publics dans le secteur de l’habitation communautaire et social sur le territoire

québécois.

6

Section 2 Améliorations financières : L’Approche Hypothécaire

Avant de présenter les propositions financières analysées au cours de ce mandat, un bref aperçu

des axes d’amélioration financière sera offert ; on peut comprendre ces axes comme des outils

analytiques qui serviront à modifier le programme actuel, ou statut quo, avec pour objectif d’en

bonifier l’offre et l’efficacité. Par la suite, ces concepts seront concrètement mis en application

pour générer et évaluer de nouvelles structures financières. Ce faisant, une analyse des structures

financières sera présentée à partir d’une méthodologie de mesure du risque financier. Cette

méthodologie sera appliquée uniformément à tous les produits de façon à pouvoir les comparer

d’une manière objective et quantifiée.

Cette section couvrira tous les produits financiers de type hypothécaire, alors que la section

suivante couvrira les produits impliquant les marchés des capitaux. Par « hypothécaire », nous

faisons référence à un financement par prêt, directement d’une institution financière. Un prêt

hypothécaire sur 35 ans, correspondant à la situation actuelle du programme AccèsLogis, ferait

donc partie de ce type de produits hypothécaires. Une structure regroupant des prêts afin

d’émettre des obligations sur les marchés correspondrait plutôt au type de produits utilisant les

marchés des capitaux.

Au cours de son mandat, l’équipe du CIRANO a rencontré des institutions financières afin de

leur présenter une approche théorique de financement des projets AccèsLogis surnommée le

« Produit 10-30 » dans ses travaux précédents. Cette approche, dans un contexte de prêts sur 50

ans, prévoit des gains considérables en termes d’unités AccèsLogis supplémentaires pouvait être

construites avec un même budget gouvernemental. Les institutions financières ont donc été

approchées afin de valider si elles pouvaient fournir des instruments financiers dans le même

esprit que la proposition théorique du CIRANO. Les produits financiers présentés dans la Section

2 et dans la Section 3 reflètent ainsi cet objectif.

2.1 Introduction : Axes d’Amélioration Financière

Trois grandes modifications peuvent être effectuées pour améliorer l’efficacité ou diminuer le

risque d’un produit financier :

1. Allongement de la maturité

2. Reconfiguration des flux financiers

3. Réduction du coût d’emprunt

Toutes les propositions de produits financiers présentées dans ce rapport ne sont, ultimement,

que l’application de ces axes d’amélioration au programme AccèsLogis actuel. Ainsi, bien

comprendre ces concepts devient un outil d’analyse très puissant, et facilite autant la

compréhension que l’élaboration de nouvelles idées. Il est important de mentionner que toute

modification incorporant ces éléments doit prendre en compte des enjeux comme les besoins de

rénovations des projets ainsi que l’acceptabilité des modifications par les organismes concernés.

Voici ces concepts présentés en plus de détails.

7

Allongement de la maturité

Le statu quo actuel prévoit une période d’amortissement de 35 ans pour les projets AccèsLogis.

À prime abord, cette durée semble raisonnable, voire normale pour un prêt hypothécaire. Rien

n’est moins certain. En effet, une telle durée représente probablement davantage le cycle de vie

d’un individu avec une carrière professionnelle coïncidant, grosso modo, avec son prêt

hypothécaire, donc en lien avec sa capacité de payer. Qui plus est, ce particulier vise une équité

de 100 % (propriété totale) sur sa maison avant ou à sa retraite (fin d’une carrière de 35 ans). À

l’opposé, puisque les projets : 1) n’ont pas de visée en terme de propriété ou de gain en capital; 2)

n’ont pas le cycle de vie d’un particulier (plutôt un certain roulement de plusieurs locataires),

augmenter la maturité ne devrait en rien constituer un obstacle financier. La maturité devrait

donc, plus adéquatement, refléter la durée de vie utile du bâtiment locatif qui génère les

paiements sur le prêt lui étant attribué, en considérant les charges de maintenance affectant cette

durée de vie. De plus, l’objectif de loger des gens à des loyers convenant à une situation

financière précaire n’est pas remis en question par un allongement de la maturité.

Toutefois, un amortissement plus long occasionne un risque additionnel pour le gouvernement en

raison de la dette hypothécaire qui serait supérieure et de la garantie hypothécaire au prêteur qui

durera plus longtemps. À l’opposé, un amortissement hypothécaire plus court entraînera une

hausse de la contribution gouvernementale si les paramètres initiaux du programme sont

reconduits. Un amortissement plus court fait en sorte également que les membres de la

coopérative d’habitation et l’organisme sans but lucratif bénéficieront d’une baisse importante de

leur loyer lorsque la dette sera complètement remboursée. On assiste donc à un compromis entre

le nombre de logements sociaux potentiels accrus suite à la réduction de l’aide gouvernementale

et le niveau d’endettement des projets et sa durée.

On nous a fait part de pays optant pour des maturités de 100 ans; pour d’autres, la durée de vie

d’un bâtiment atteint 75 ans. Dans le cadre de notre mandat, nous avons proposé 50 ans.

Gestion des flux financiers

Deuxième axe d’optimisation : la gestion des flux financiers d’un projet. En termes simples, un

projet génère des revenus de loyers et encourt des dépenses d’exploitation et de contributions

budgétées aux réserves. L’excédent du revenu sur les dépenses est le revenu net, montant

pouvant être versé sur un prêt de financement.

Le revenu net est une composante cruciale dans la dynamique d’un projet à travers le temps. La

portion des revenus (loyers) évolue selon des normes de programme strictes : un loyer de départ

fixé selon une fraction du loyer médian, et une hausse annuelle généralement soumise aux règles

de la Régie du Logement du Québec. La composante des dépenses est, quant à elle, exposée aux

différentes inflations (services, énergie, etc.). La marge est donc limitée (les revenus

généralement plus fixes que les dépenses) et pour rester fidèle aux objectifs de loyers abordables

ceux-ci ne peuvent être majorés arbitrairement.

8

Conséquemment, puisqu’il sert à couvrir les versements sur le prêt, le revenu net ne doit pas être

exposé outre mesure aux fluctuations financières, sans quoi l’on verrait une grande volatilité et

grand risque au niveau des surplus et déficits (revenu net moins versement sur prêt). Si cet

endettement est sous la forme d’un prêt hypothécaire standard et que son taux d’intérêt (donc ses

paiements) varie à tous les cinq ans, on pourrait chercher à reconfigurer l’endettement, et

conséquemment les flux financiers. C’est l’idée de base de gel d’une portion du capital

d’emprunt qui est héritée du Fonds d’Investissement de Montréal (FIM) et reprise par le Chantier

de l’Économie sociale. Geler une portion de l’endettement à un taux fixe, pour une durée

prédéterminée (ex. 10, 15, 20 ou 30 ans) vient réduire le risque de fluctuation des paiements

basés sur un renouvellement aux cinq ans.

Par contre, avec une structure normale des taux d’intérêt (dans laquelle les taux à plus courts

termes sont inférieurs aux taux à plus longs termes), une dette gelée pour une durée plus longue

que cinq ans devrait se voir attribuée un taux supérieur au taux cinq ans. On peut donc voir cette

différence de taux comme une prime d’assurance contre une volatilité à la hausse.

En somme, si au lieu d’emprunter 45 000$ en prêt hypothécaire standard pour un projet de

100 000$, on empruntait 60 000$ mais que sur ce montant 40 000$ étaient en prêt hypothécaire

(renouvelé aux cinq ans) et que 20 000$ étaient empruntés sous la forme d’un prêt à capital et

intérêts différés, l’effet levier par l’emprunt serait atteint et le risque financier contrôlé. Le risque

financier serait contrôlé par un montant de 20 000$ emprunté au début, mais remboursé par un

versement unique (capital et intérêts) à l’échéance. Par exemple, l’emprunt de 20 000$ au taux

de 4 % sur 10 ans serait remboursé par un paiement de 9 600$ à la fin de la 10ème

année. Pour

financer ce remboursement dans le futur, le projet utilise sa capacité d’emprunt future, elle-

même accrue par un allongement de maturité globale. Les impacts sur le risque seront mesurés et

présentés plus loin dans cette section.

Coût d’emprunt

Le troisième et dernier axe d’optimisation est la réduction du coût d’emprunt. Avec des taux

d’intérêt plus bas, la capacité d’emprunt est directement augmentée.

La situation actuelle des projets du programme principal de logement communautaire et social,

AccèsLogis, est que ceux-ci contractent des prêts chez deux grandes institutions financières du

Québec : le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale du Canada. Dans cette approche,

malgré une garantie pleine et entière du gouvernement sur le prêt contracté par un projet, ces

institutions sont contraintes à offrir du financement à un coût reflétant leur propre contexte de

crédit, de frais institutionnels et de rendement sur le capital. Par contraste, cette méthode semble

moins favorable que si le gouvernement du Québec lui-même prêtait aux projets.

La conséquence présumée est un taux d’intérêt plus élevé que si le Québec émettait lui-même

des obligations et faisait des prêts aux organismes (à titre d’exemple, c’est une méthode utilisée

par la Société Canadienne d’Hypothèques et de Logement, ou SCHL). Les chiffres sont

éloquents à cet égard; par exemple, pour décembre 2011, un nouveau projet se retrouvait avec un

prêt avec coût d’emprunt de 3,333 % par année alors que le rendement sur des obligations cinq

9

ans du gouvernement du Québec se transigeaient à 1,745 %, un écart d’environ 160 points de

base (ou 1,6 %). Ainsi, simplement pour mesure l’ampleur des coûts supplémentaires, sur un

parc de prêt d’environ 750 millions de dollars (la somme des prêts présentement contractés

seulement par les projets dans le cadre d’AccèsLogis), un écart de 100 points de base (1 %)

entraîne des coûts supplémentaires de 7,5 M$ annuellement.

Cet écart de taux, s’il était affecté à des paiements supplémentaires de dette hypothécaire par les

projets (plutôt qu’en intérêts sur cette dette), pourrait représenter un gain pour le parc immobilier

représentant environ 400 unités par année.1

Le deuxième endroit où les coûts d’emprunt affectent l’efficacité du programme est au niveau de

la subvention à la construction provenant de la Société d’Habitation du Québec (SHQ). Celle-ci

n’est pas versée directement aux projets comme subvention monétaire. Au lieu de cette approche,

le projet contracte un prêt supplémentaire, correspondant au montant de subvention, et c’est le

gouvernement qui remboursera capital et intérêts sur ce prêt pendant 15 ans. Pour illustrer,

supposons qu’un projet contracte un prêt de 45 000$ sur le 100 000$ de notre exemple, les

municipalités donnent 15 000$, il reste un 40 000$ de « subvention » de la SHQ. Ces

40 000$ seront en fait contractés comme emprunt par le projet; amenant l’emprunt total du

projet à 85 000$ (40 000$ plus 45 000$). Le projet fait ensuite des paiements sur sa portion de

45 000$ alors que le gouvernement, la SHQ, rembourse mensuellement la portion correspondant

à 40 000$. Ainsi, la totalité de l’emprunt, le 85 000$, est légalement contracté par le projet...le

tout évidemment au coût d’emprunt des institutions financières. Il en encore une fois concevable

que ce prêt contracté par le gouvernement aurait pu facilement être directement effectué via les

marchés en obligations du Québec, à un coût probablement moindre. En chiffres, par la même

estimation qu’avant, en plus des 7,5 M$ mentionnés plus tôt, il faudrait donc ajouter environ

5M$ de coûts supplémentaires pour tenir compte de la portion gouvernementale des prêts

contractés chez les institutions financières. En combinant les deux effets, c’est maintenant un

potentiel de 500 unités qui ne seront pas construites annuellement.2,3

Suite à une recommandation du CIRANO, le programme Accès Logis transfère désormais les

montants prévus au Fonds québécois d’habitation communautaire (FQHC) au temps t=0.

L’avantage pour la SHQ est que ces montants ne sont plus liés aux fluctuations des taux d’intérêt

qui influent sur la portion de capital remboursée. Le second avantage relève d’une simplicité de

gestion accrue pour les projets.

D’une manière similaire, si le gouvernement ramenait sa subvention au temps t=0, le

gouvernement serait à même de se financer à un taux inférieur à celui du taux négocié dans

l’entente d’Accès Logis. De plus, la gestion du programme Accès Logis en serait simplifiée.

1 Sur un budget de 120M$, et un coût de réalisation unitaire de 150k$, si le gouvernement construisait 2000 unités,

son financement par unité serait de 40 % par unité, et le projet aurait une hypothèque (sur 35 ans) représentant 45 %.

Si le taux d’intérêt hypothécaire passait de 4 % à 3 %, le projet pourrait financer jusqu’à 52 % des coûts. La part par

projet du gouvernement passerait donc de 40 % à 33 %, soit maintenant 50k$ par projet. À partir du même 120M$,

le programme aurait alors 2 400 unités livrées. Cette augmentation de l’emprunt est seulement un potentiel théorique

et ne tient pas compte du risque. 2 En reprenant les chiffres de la note de bas de page précédente, un montant supplémentaire de 5M$ annuellement

octroyé par le gouvernement correspond à 100 unités, si le gouvernement finance 50k$ par unité. 3 Toutefois, en date du 1

er avril 2012, la portion en subvention sera en effet rapportée au temps t=0.

10

Évidemment, plusieurs raisons peuvent contraindre le gouvernement du Québec à ne pas émettre

davantage de dette directe sur les marchés financiers, notamment au niveau de la gestion de son

passif. Toutefois, si ces emprunts pouvaient constituer de l’actif pour le gouvernement, la

situation pourrait être différente. Cette question sera élaborée à la Section 4 du rapport.

La situation actuelle fait tout de même face à certains enjeux concernant la dette

gouvernementale.

Autre conséquence de la situation actuelle : impact sur la dette

En constatant que la subvention du gouvernement du Québec aux projets AccèsLogis n’est pas

une contribution monétaire au temps t=0, mais est en fait une promesse de paiements échelonnée

dans le temps, il est intéressant de comprendre les conséquences comptables de cette situation.

La raison pour laquelle cet enjeu est abordé dans ce rapport est que toute initiative financière

proposée doit l’être dans un contexte minimisant l’impact sur la dette du gouvernement du

Québec. La compréhension fine du statu quo s’impose donc comme point de départ.

Ce qui est constaté est donc deux types d’emprunts : un emprunt sous la responsabilité de

l’organisme ; et, un emprunt sous la responsabilité du gouvernement. Les deux emprunts sont

contractés au nom de l’organisme, le projet AccèsLogis, et ce, auprès d’institutions financières

(Mouvement Desjardins et Banque Nationale).

L’emprunt sous la responsabilité de l’organisme reçoit une garantie de prêt du gouvernement.

Ainsi, une provision pour pertes sur garanties de prêts entre dans les livres gouvernementaux

sous la forme de passif. Au 31 mars 2011, cette provision s’élevait à 22,5M$ pour AccèsLogis, et

à 31,8M$ pour l’ensemble des programmes de la SHQ. Dans le cas d’AccèsLogis, cette

provision représente environ 3 % de la dette contractée par les projets.4

L’autre type d’emprunt, la dette sous la responsabilité du gouvernement, n’entre, quant à elle,

qu’aux notes des états financiers du gouvernement. Plus précisément, cette dette contractée par le

gouvernement au nom d’une tierce partie n’entre pas dans le passif gouvernemental, mais

représente au niveau comptable ce qui est appelé des « obligations contractuelles ». Au 31 mars

2011, ces obligations contractuelles représentaient 504,4M$ pour AccèsLogis, et 833,2M$ pour

l’ensemble des programmes de la SHQ.

Ces obligations contractuelles, pour l’instant perçues comme dépenses futures de programme

plutôt que comme dette, pourraient toutefois s’inscrire à titre de passif dans un futur rapproché.

En effet, il est de l’avis du Vérificateur général, qu’« elles constituent des dettes implicites,

actuelles ou à venir, pour le secteur public québécois » et que de nouvelles normes comptables

4 Il pourrait être intéressant de voir si la règle actuelle de provisionnement pourrait être bonifiée par les données

fournies et l’analyse de risque dans ce présent rapport.

11

devraient en tenir compte.5 Ces modifications pourraient ajouter davantage de pression sur la

Société d’Habitation du Québec pour trouver d’autres mécanismes de financement. Par contre, si

la subvention gouvernementale, actuellement comprise dans les obligations contractuelles,

devenait une composante de passif en bonne et due forme, utiliser l’émission d’obligations du

Québec pour réduire le coût d’emprunt n’aurait aucun effet sur la dette.

Synthèse

Ci-dessus, nous avons présenté trois grands axes d’amélioration financière qui peuvent

s’appliquer au mécanisme de financement d’habitation communautaire dans le cadre des

programmes du gouvernement du Québec, via la SHQ. L’amélioration financière vise à

augmenter l’efficacité financière du programme en ayant à la fois l’objectif d’augmenter l’offre

de logement et l’objectif de mieux gérer les risques financiers du gouvernement.

Ils sont : l’allongement de la maturité, la reconfiguration des flux financiers, et la réduction du

coût d’emprunt. C’est à travers ce prisme que seront analysées toutes les propositions de

mécanismes financiers dans ce rapport.

Finalement, des modifications à la structure financière du programme peuvent avoir des

incidences sur le passif du gouvernement. La structure particulière du programme actuellement

en place entraîne certaines conséquences directes au passif de l’État québécois, et cette contrainte

a constamment fait partie des préoccupations de l’équipe du CIRANO tout au long des travaux

menant à la rédaction de ce rapport.

5 Voir : Rapport annuel du Vérificateur général du Québec à l'Assemblée nationale, 1

er mars 2012, Introduction et

Chapitres 8 et 11.

12

2.2 Allongement de la Maturité : Impact Financier

Le programme actuel, AccèsLogis, permet aux nouveaux projets de contracter un emprunt

hypothécaire traditionnel sur une période de 35 ans.6 Sans modifier la capacité de payer des

projets, l’entente sur les taux d’intérêt, ou la structure des flux financiers, il est facile d’allonger

la maturité pour constater les gains potentiels.

Les paramètres de base

Le tableau suivant, s’inspirant de discussions avec les gens impliqués dans le secteur du

logement abordable, présente les paramètres de base qui serviront tout au long de ce rapport.

Tableau 2.1 : Paramètres de Projet (par unité), Ensemble du Québec

Loyer médian mensuel 603 $ Hausse annuelle des Loyers 2,19 %

Part du Loyer médian 95 % Hausse annuelle des Frais d'Exploitation IPC +

1 %*

Taux de Vacance 2,4 % (*IPC : Indice des Prix à la Consommation, ou Inflation)

Loyer mensuel payé 559 $ Hausse annuelle des Contributions aux

Réserves 0 %

Taux d'intérêt hypothécaire initial 3,426 %

Frais d'Exploitation mensuels 227 $ (Entente SHQ, 1er mars 2012)

Contributions mensuelles aux Réserves 42 $

Remboursement hypothécaire mensuel 290 $

Dépenses totales mensuelles 559 $

Surplus/Déficit initial

(Normes du Programme AccèsLogis)

0 $

Le loyer médian mensuel provient de la moyenne des loyers des états financiers pour les projets AccèsLogis (Volets

I & II) les plus récents et est calculé afin d’atteindre le 559$ mesuré pour la cohorte 2009 à l’année 2010 après

norme SHQ de 95 % et taux de vacance. Le taux de vacances provient de la SCHL pour le Québec. Les frais

d’exploitation proviennent des mêmes états financiers d’où sont déduits les frais non liés à l’habitation, tels que

mesurés par les autres revenus des projets. Les contributions aux réserves proviennent des mêmes états financiers.

Le montant hypothécaire est calculé de façon à ce que le projet ne génère ni surplus ni déficit à au temps t=0, et

permettra de déterminer le montant d’emprunt selon la maturité et les taux. La hausse annuelle de loyer provient

des états financiers pour les années 2006 à 2009. La hausse des frais provient d’un écart entre les frais et l’inflation.

L’écart de 1 % est établi pour générer une VaR d’environ 2 %, un niveau jugé raisonnable et cohérent avec le

niveau actuel de provisions pour pertes du gouvernement. La hausse des contributions aux réserves à 0 % vient du

fait que les provisions sont à l’heure actuelle mesurées en dollars et sont fixes dans le temps. Le taux d’intérêt vient

de la SHQ. Source : SHQ, SCHL, et Calculs des auteurs.

6 La version originale du programme comportait un prêt hypothécaire s’amortissant sur 25 ans, puis procédait à un

refinancement sur 25 ans à la 10ème

année. La période totale était donc de 35 ans, mais le mécanisme de

refinancement visant à transférer un montant au Fonds québécois d’habitation communautaire (FQHC) a été modifié

pour que la contribution se fasse au temps t=0. L’amortissement actuel est donc sur 35 ans dès le départ, mais les

coûts initiaux sont plus élevés dû au transfert vers le FQHC.

13

Ces paramètres reflètent les moyennes empiriques calculées pour la plus récente cohorte avec

données annuelles (cohorte 2009, données 2010). Utilisant un loyer payé de 559$ par mois, et

connaissant la norme du programme délimitant le loyer à 95 % du loyer médian, ainsi que le taux

de vacances moyen calculé pour le Québec par la SCHL7, nous établissons un loyer médian

implicite de 603$ mensuellement. Ensuite, pour retirer l’effet des activités des organismes non

liées au logement (ex. services aux personnes âgées dans les projets du Volet II), nous avons

déduit des dépenses d’exploitation mesurées des autres revenus des projets. Ainsi, les dépenses

d’exploitation présentées ici ne reflètent que les dépenses liées aux activités locatives. Les

contributions aux réserves sont telles que mesurées dans les états financiers. Maintenant, pour se

soumettre aux normes du programme qui veulent qu’un projet démarre sans surplus ni déficit,

nous mesurons qu’une unité a une possibilité de verser un montant mensuel de 290$ sur son prêt

hypothécaire. Ainsi, la différence entre les revenus de loyer et les dépenses d’exploitation, de

contributions aux réserves et de prêt hypothécaire s’établit à 0$. La hausse annuelle du loyer

correspond aux données des différents projets ; la hausse des frais d’exploitation correspond au

niveau permettant une viabilité du parc immobilier, soit 1 % au-dessus de l’inflation (ou 3 %

comme valeur moyenne à long terme, suivant l’objectif de la Banque du Canada) ; et, la hausse

des contributions aux réserves est de 0 %, c’est-à-dire que les projets contribuent un niveau fixe

en dollars pour toute la durée du projet. Finalement, le taux d’intérêt sur prêt hypothécaire

correspond au taux d’entente entre la SHQ et les institutions financières8 et s’établit à 3,426 %

lors de la rédaction de ce rapport.

Il est important de souligner que, puisque l’objectif est de simuler divers propositions financières

pour l’ensemble du parc immobilier (Volets I & II), ces paramètres reflètent des moyennes

incorporant les deux volets impliqués, tous les types d’organismes, toutes les régions, etc. Une

analyse plus fine avec des paramètres spécifiques selon ces dimensions peut être effectuée à

partir des logiciels créés par l’équipe du CIRANO.

Maintenant, à partir des paramètres du projet, nous pouvons immédiatement dériver le montage

financier d’un projet ayant les paramètres présentés ci-dessus.

Tableau 2.2 : Montage Financier (par unité, selon paramètres de base)

Coûts de Réalisation (incluant FQHC) 155 000 $ 100,0 %

Contribution du Milieu 23 250 $ 15,0 %

Emprunt hypothécaire du Projet 71 144 $ 45,9 %

Subvention de la SHQ 60 606 $ 39,1 %

Les coûts de réalisations totaux sont basés sur la moyenne de la dernière année disponible (2010-2011) soit

142 182$, mais arrondis à la hausse et incluant un montant forfaitaire à verser au FQHC, selon leur entente avec la

SHQ. La contribution du milieu est établie à son minimum de 15 %. L’emprunt hypothécaire provient de la capacité

de payer mensuelle de 290$, du taux au 1er

mars 2012 de 3,426 % et d’un amortissement de 35 ans (plus de détails

concernant ce calcul plus bas dans le texte). Pour d’analyse, la subvention de la SHQ est le montant résiduel.

7 Société canadienne d’hypothèques et de logement, 9 juin 2011.

http://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/inso/sapr/co/2011/2011-06-09-0815.cfm 8 L’entente stipule que le taux, à partir de la Date d’Ajustement des Intérêts (DAI), soit établit au niveau des Titres

Hypothécaires LNH 5 ans de la SCHL, majorés de 115 points de base, ou TH-LNH5 + 1,15 %.

14

Le coût de réalisation représente la somme des coûts réels de réalisation et de la contribution au

Fonds québécois d’habitation communautaire (FQHC). Pour ne pas entrer dans le débat du

montant versé au FQHC (qui pourrait être modulé selon les taux d’intérêt et/ou selon le type de

projet), nous présentons un montant global de 155 000$ qui pourrait représenter des coûts de

réalisation de 145 000$ et un versement au FQHC de 10 000$, ou des coûts de 150 000$ et un

versement de 5 000$, etc. Ensuite, la contribution du milieu reste fixe à 15 % pour tous les

calculs effectués même si cela ne représente pas les normes actuelles du programme. En effet,

nous avons utilisé le montant de la SHQ comme résiduel simplement afin de quantifier l’offre de

logement pour une enveloppe budgétaire de 120 M$. L’emprunt hypothécaire représente le

montant d’emprunt qu’un projet peut effectuer basé sur son revenu net d’exploitation (290$) afin

que son surplus/déficit atteigne 0$, selon les normes du programme. Ce montant d’emprunt

dépend aussi du taux hypothécaire courant (3,426 %) et de la maturité du prêt (35 ans).

Simulations financières avec les paramètres de base

À partir de ces paramètres, nous pouvons procéder aux simulations du programme AccèsLogis,

qui serviront de point de référence pour comparer chaque proposition financière présentée dans

ce rapport. Tous les résultats de simulation sont générés à l’aide du logiciel de simulation créé

pour ce rapport.

Les simulations effectuées ne font qu’appliquer divers taux de croissance et taux d’intérêt sur les

variables présentées ci-dessus. Plus précisément, on prend les paramètres de projet comme point

de départ et on applique plusieurs scénarios d’évolution de ces variables dans le temps.9

Pour le paramètre de loyer, nous prenons le point de départ de 559$ par mois (ou 6 708$ par

année) et nous l’indexons au taux de croissance empirique de 2,19 %.Voici l’évolution projetée

de cette variable sur les premiers cinq ans d’un projet :

Tableau 2.3 : Projection Annuelle du Loyer

Avec hausse annuelle de 2,19 %

Année 1 2 3 4 5

Loyer annuel 6 708 $ 6 855 $ 7 005 $ 7 158 $ 7 315 $

À partir d’un point de départ de 6 708$ (soit le 559$ mensuel du Tableau 2.1 multiplié par 12), nous multiplions

chaque valeur annuelle par (1+2,19 %) pour refléter la croissance annuelle.

Pour le paramètre de dépenses d’exploitation, les simulations entrent directement dans les

calculs. En effet, notre logiciel de simulation génère différents scénario de taux d’inflation. Des

explications précises du modèle de simulation sont présentées en annexe à la fin du rapport. Dans

le tableau suivant, à partir d’un point de départ de 227$ par mois (ou 2 724$ par année), nous

utilisons un exemple de scénario simulé d’inflation (ou IPC) pour générer les dépenses projetées

sous ce scénario sur une période de cinq ans. Ainsi, la hausse des frais observée durant la

9 Notre préoccupation dans cette analyse se limite aux risques liés aux taux d’intérêt et à l’inflation. Il s’y rajoute

invariablement ce que l’on peut appeler un risque de projet (associé aux problèmes de construction et de gestion),

mais ce type de risque est probablement indépendant des structures de financement présentées dans ce rapport et,

ainsi, ne sont pas inclus dans l’analyse.

15

première année (3,28 %) s’applique au montant de la première année (2 724$) pour obtenir les

dépenses de la deuxième année (2 813$).

Tableau 2.4 : Projection Annuelle des Dépenses d’Exploitation

Avec hausse annuelle simulée, IPC + 1 %, Un exemple de scénario d’IPC

Année 1 2 3 4 5

Dépenses d’exploitation 2 724 $ 2 813 $ 2 912 $ 3 011 $ 3 101 $

Un scénario simulé d’IPC 2,28 % 2,51 % 2,38 % 2,01 %

Hausse annuelle (IPC+1%) 3,28 % 3,51 % 3,38 % 3,01 %

À partir d’un scénario aléatoirement choisi parmi les 10 000 simulations, quatre années d’inflation sont projetées et,

une fois majorées de 1 %, sont appliquées au point de départ de dépenses de 2 724$ (soit le 227$ mensuel du

Tableau 2.1 multiplié par 12).

Contrairement à la hausse des loyers qui est fixe et constante, la hausse des dépenses provient de

scénarios simulés pour montrer l’impact des fluctuations économiques sur les organismes. La

hausse des loyers est quant à elle établie par les organismes, selon différents objectifs et normes.

Pour les cinq premières années d’un projet, les autres variables à être incorporées sont fixes

(contributions aux réserves et dépenses hypothécaires). Nous pouvons donc générer la situation

des flux financier pour ce projet type, avec l’exemple de scénario de hausses de dépenses

simulées.

Tableau 2.5 : Projection Annuelle des Flux Financiers d’un Projet sur Cinq Ans

Un exemple de scénario d’IPC

Année 1 2 3 4 5

Loyer annuel 6 708 $ 6 855 $ 7 005 $ 7 158 $ 7 315 $

Dépenses d’exploitation 2 724 $ 2 813 $ 2 912 $ 3 011 $ 3 101 $

Contributions aux réserves 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $

Dépenses hypothécaires10

3 480 $ 3 480 $ 3 480 $ 3 480 $ 3 480 $

Surplus/Déficit 0 $ 58 $ 109 $ 164 $ 230 $

Marge (Surplus, % revenus) 0,0 % 0,8 % 1,6 % 2,3 % 3,1 %

Agrégeant l’information des tableaux précédents et ajoutant la composante des réserves et de l’hypothèque, le tout

sur une base annuelle, nous pouvons calculer les surplus/déficits (soit le loyer moins les dépenses d’exploitation, les

contributions aux réserves et les dépenses hypothécaires) ainsi que la marge (soit les surplus/déficits en pourcentage

des revenus, ici de loyer). Les loyers sont indexés à un taux de 2,19 %, les dépenses au scénario d’IPC simulé + 1 %,

les réserves sont fixes, ainsi que les dépenses hypothécaires pour ces premiers cinq ans.

Dans ce scénario de dépenses, les hausses sont modérées et le projet génère de légers surplus,

donc aucune perte financière.11

10

Capital et intérêts. D’un point de vue comptable, le versement en capital ne serait pas une « dépense ». Ici,

« dépense » est utilisé comme flux monétaire lié à l’hypothèque. 11

Il faut informer le lecteur que cette simulation est présumée plus optimiste que la réalité actuelle puisque la hausse

des dépenses est établie à l’inflation plus 1 %, ce qui rend le programme probablement plus viable, alors que la

16

Maintenant, l’autre paramètre simulé, celui du taux d’intérêt hypothécaire entrera dans la

simulation en calculant les flux financiers d’un projet au-delà des cinq premières années, puisque

les projets ont une entente de taux fixes sur cinq ans, et donc renouvelables à chaque cycle de

cinq ans. Le tableau suivant montre tous les flux financiers pour les 35 premières années d’un tel

projet AccèsLogis, selon un exemple donné de taux d’inflation et d’intérêt hypothécaire.

Ce scénario d’inflation et de taux d’intérêt ne représente pas notre perspective financière de

l’avenir, mais plutôt un exemple arbitraire de taux simulé. Il sera montré plus loin que notre

analyse fournit 10 000 scénarios différents pour ces taux et que la distribution des résultats est le

résultat important, et non les résultats individuels de chacun de ces scénarios.

Le phénomène d’intérêt pour ce scénario est une hausse marquée du taux d’intérêt hypothécaire à

partir de la 6ème

année, passant de 3,43 % à 5,49 %. Ce taux est par la suite peu volatile en

oscillant entre 5,17 % (années 11 à 15) et 5,76 % (années 21 à 25). Il s’agit davantage d’un

scénario de hausse rapide suivi d’une certaine stabilité. D’autres scénarios pourraient générer des

résultats très différents. Les hausses annuelles de dépenses, qui sont simulées en corrélation avec

les taux d’intérêt, sont aussi relativement stables.

La conséquence de ces fluctuations est que le projet génère certaines pertes pour les années 6 à

12. C’est cette composante qui est à la base de notre analyse de risque. En effet, pour chacun des

scénarios, et pour chacune des propositions financières, nous mesurons le risque d’un projet

selon les pertes générées dans le futur, qui sont ensuite ajustées en dollars d’aujourd’hui, puis

additionnées pour mesurer l’ampleur total des pertes futures.12

Ici, sans ajustement en dollars

actuels pour simplifier, la somme des pertes futures s’établirait à 2 646$. Pour donner un ordre

de grandeur, ces pertes projetées représentent 1,7 % des coûts de réalisation. Avec ajustement, ce

montant s’élève à 2 052$, soit 1,3 % des coûts de réalisation.

réalité empirique se rapproche de hausses à l’inflation plus 2,5 %. Les conséquences de telles hausses dans les

simulations seront aussi abordées. 12

La courbe zéro-coupon d’obligations canadienne est utilisée.

17

Tableau 2.6 : Projection Annuelle des Flux Financiers d’un Projet sur 35 Ans

Un exemple de scénario d'IPC, et de taux d'intérêt hypothécaire

Année 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Loyer annuel 6 708 $ 6 855 $ 7 005 $ 7 158 $ 7 315 $ 7 475 $ 7 639 $ 7 806 $ 7 977 $ 8 152 $

Dépenses d'exploitation 2 724 $ 2 813 $ 2 912 $ 3 011 $ 3 101 $ 3 189 $ 3 277 $ 3 367 $ 3 466 $ 3 569 $

Contributions aux réserves 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $

Dépenses hypothécaires 3 480 $ 3 480 $ 3 480 $ 3 480 $ 3 480 $ 4 421 $ 4 421 $ 4 421 $ 4 421 $ 4 421 $

Surplus/Déficit 0 $ 58 $ 109 $ 164 $ 230 $ (639 $) (563 $) (486 $) (414 $) (342 $)

Marge (Surplus, % revenus) 0,0 % 0,8 % 1,6 % 2,3 % 3,1 % -8,5 % -7,4% -6,2 % -5,2 % -4,2 %

Taux hypothécaire 3,43 % 3,43 % 3,43 % 3,43% 3,43 % 5,49 % 5,49 % 5,49 % 5,49 % 5,49 %

Hausse des dépenses 3,28 % 3,51 % 3,38 % 3,01 % 2,84 % 2,76 % 2,73 % 2,95 % 2,97 % 3,09 %

Année 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Loyer annuel 8 331 $ 8 513 $ 8 699 $ 8 890 $ 9 085 $ 9 284 $ 9 487 $ 9 695 $ 9 907 $ 10 124 $

Dépenses d'exploitation 3 679 $ 3 791 $ 3 899 $ 4 005 $ 4 115 $ 4 237 $ 4 359 $ 4 491 $ 4 630 $ 4 762 $

Contributions aux réserves 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $

Dépenses hypothécaires 4 284 $ 4 284 $ 4 284 $ 4 284 $ 4 284 $ 4 335 $ 4 335 $ 4 335 $ 4 335 $ 4 335 $

Surplus/Déficit (136 $) (66 $) 12 $ 98 $ 182 $ 208 $ 290 $ 365 $ 438 $ 523 $

Marge (Surplus, % revenus) -1,6 % -0,8 % 0,1 % 1,1 % 2,0 % 2,2 % 3,1 % 3,8 % 4,4 % 5,2 %

Taux hypothécaire 5,17 % 5,17 % 5,17 % 5,17 % 5,17 % 5,31 % 5,31 % 5,31 % 5,31 % 5,31 %

Hausse des dépenses 3,04 % 2,85 % 2,70 % 2,77 % 2,95 % 2,88 % 3,05 % 3,09 % 2,84 % 2,82 %

En utilisant les paramètres de base de projet du Tableau 2.1, sur une base annuelle (les données de la colonne 1 du présent tableau), nous appliquons un taux de

croissance des loyers de 2,19 %, un taux de hausse des dépenses équivalent à un scénario aléatoire d’IPC simulé + 1 % (voir ligne Hausse des dépenses), des

contributions aux réserves fixes dans le temps et des dépenses hypothécaires basées sur le montage financier du Tableau 2.2 et sur un scénario aléatoire de taux

d’intérêt hypothécaire, simulé en corrélation avec l’IPC (voir ligne Taux hypothécaire). Pour chaque année de 2 à 35, les taux de croissance sont appliqués afin

de calculer les surplus/déficits ainsi que la marge, soit les surplus/déficits en pourcentage des revenus.

18

Tableau 2.6 : Projection Annuelle des Flux Financiers d’un Projet sur 35 Ans (suite)

Un exemple de scénario d'IPC, et de taux d'intérêt hypothécaire

Année 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30

Loyer annuel 10 346 $ 10 572 $ 10 804 $ 11 040 $ 11 282 $ 11 529 $ 11 782 $ 12 040 $ 12 303 $ 12 573 $

Dépenses d'exploitation 4 896 $ 5 036 $ 5 187 $ 5 334 $ 5 504 $ 5 674 $ 5 856 $ 6 058 $ 6 252 $ 6 462 $

Contributions aux réserves 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $

Dépenses hypothécaires 4 461 $ 4 461 $ 4 461 $ 4 461 $ 4 461 $ 4 416 $ 4 416 $ 4 416 $ 4 416 $ 4 416 $

Surplus/Déficit 484 $ 571 $ 652 $ 741 $ 813 $ 935 $ 1 006 $ 1 062 $ 1 132 $ 1 191 $

Marge (Surplus, % revenus) 4,7 % 5,4 % 6,0 % 6,7 % 7,2 % 8,1 % 8,5 % 8,8 % 9,2 % 9,5 %

Taux hypothécaire 5,76 % 5,76 % 5,76 % 5,76 % 5,76 % 5,53 % 5,53 % 5,53 % 5,53 % 5,53 %

Hausse des dépenses 2,84 % 3,01 % 2,84 % 3,18 % 3,10 % 3,20 % 3,44 % 3,20 % 3,37 % 3,32 %

Année 31 32 33 34 35

Loyer annuel 12 848 $ 13 130 $ 13 417 $ 13 711 $ 14 011 $

Dépenses d'exploitation 6 677 $ 6 906 $ 7 127 $ 7 360 $ 7 609 $

Contributions aux réserves 504 $ 504 $ 504 $ 504 $ 504 $

Dépenses hypothécaires 4 432 $ 4 432 $ 4 432 $ 4 432 $ 4 432 $

Surplus/Déficit 1 235 $ 1 287 $ 1 354 $ 1 415 $ 1 466 $

Marge (Surplus, % revenus) 9,6 % 9,8 % 10,1 % 10,3 % 10,5 %

Taux hypothécaire 5,69 % 5,69 % 5,69 % 5,69 % 5,69 %

Hausse des dépenses 3,44 % 3,20 % 3,26 % 3,38 %

En utilisant les paramètres de base de projet du Tableau 2.1, sur une base annuelle (les données de la colonne 1 du présent tableau), nous appliquons un taux de

croissance des loyers de 2,19 %, un taux de hausse des dépenses équivalent à un scénario aléatoire d’IPC simulé + 1 % (voir ligne Hausse des dépenses), des

contributions aux réserves fixes dans le temps et des dépenses hypothécaires basées sur le montage financier du Tableau 2.2 et sur un scénario aléatoire de taux

d’intérêt hypothécaire, simulé en corrélation avec l’IPC (voir ligne Taux hypothécaire). Pour chaque année de 2 à 35, les taux de croissance sont appliqués afin

de calculer les surplus/déficits ainsi que la marge, soit les surplus/déficits en pourcentage des revenus.

19

Simulations et mesure du risque : Valeur à Risque

La dernière étape de simulation consiste à répéter les projections de flux financiers d’un projet

un nombre prédéfini de fois, pour dériver une courbe, ou distribution, de pertes simulées. Par

exemple, quelle est la situation relative de la perte projetée de 1,7 % calculée précédemment ?

Est-ce un scénario près de la moyenne, optimiste, pessimiste ?

Afin d’obtenir de bons résultats statistiques, nous avons choisi de générer 10 000 scénarios de

taux d’inflation et d’intérêt. Ces scénarios permettent par la suite de calculer 10 000 différents

montants de pertes projetées (le montant de 2 052$, ou 1,7 %, est l’un d’eux). Pour présenter

tous ces résultats de simulation en un seul graphique, le suivant présente la distribution des pertes

projetées pour chacun des scénarios, en dollars actuels.

Graphique 2.1 : Distribution des pertes projetées, ajustées en dollars actuels, par unité

Ce graphique, provenant du logiciel Matlab, présente les 10 000 scénarios de pertes simulées pour le programme

AccèsLogis, selon les paramètres de base. Chaque déficit est compilé et ramené en dollars de 2012. La somme de

ces pertes actualisées est calculée pour chacun des 10 000 scénarios et leur fréquence relative est illustrée sous la

forme d’une distribution. L’axe des x donne les pertes cumulées sur 35 ans en dollars de 2012 et l’axe des y donne la

fréquence relative de chaque montant de perte réalisée. Par exemple, si une perte de 3 000$ (axe des x) se produit à

une fréquence d’environ 10 % (axe des y), c’est qu’environ 1 000 scénarios sur 10 000 ont généré une telle perte.

Un premier constat qui peut être fait en observant cette distribution, qui présente les pertes en

dollars actuels sur l’axe des x et la fréquence relative (en %) de ces pertes sur l’axe des y, est

qu’une grande quantité des scénarios ne génère aucune perte. Ensuite, une grande proportion se

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 80000

5

10

15

20

25

30

35

Pertes ($ actuels)

Fré

quence (

%)

20

situe sous les 2 000$, et une plus faible vers la droite pour atteindre un maximum d’environ

7 000$. Notre scénario précédent, avec 2 052$ de pertes, n’est donc pas nécessairement très

optimiste par rapport aux autres scénarios simulés, mais ne représente pas non plus le pire de

ceux-ci.

Pour synthétiser l’information statistique de cette distribution d’une manière plus précise, le

tableau suivant présente les principales mesures statistiques généralement utilisées.

Tableau 2.7 : Mesures Statistiques de la Distribution de Pertes

(Cas de base, AccèsLogis, 10 000 scénarios)

$ actuels % coûts

Moyenne 1 342 $ 0,9 %

Médiane 1 135 $ 0,7 %

Minimum 0 $ 0,0 %

Maximum 7 743 $ 5,0 %

Percentiles

50ème

1 135 $ 0,7 %

75ème

1 915 $ 1,2 %

95ème

(VaR) 3 220 $ 2,1 %

Ces données viennent quantifier l’information du Graphique 2.1 en effectuant des opérations sur le vecteur des

10 000 scénarios de pertes. Les opérations de moyenne, médiane, minimum et maximum sont utilisent les

définitions standards en statistiques. Les mesures de percentiles utilisent aussi l’approche standard ; le 50ème

percentile est la médiane, soit le 5 000ème

scénario dans un vecteur ordonné des 10 000 scénarios de pertes. Chaque

mesure statistique est aussi présentée en pourcentage du coût total de réalisation, pour donner une échelle de

grandeur. Ces données proviennent d’une simulation utilisant les paramètres du cas de base appliqués au programme

AccèsLogis. Ces pertes se limitent aux pertes provenant des risques financiers et excluent les risques liés à la

construction, aux conflits légaux, etc. soit ce que nous avons appelé les risques de projet.

Nous pouvons constater que la perte moyenne de ces 10 000 scénarios de simulations s’établit à

1 342$ (en dollars actuels), soit 0,9 % des coûts totaux de réalisation. Cette mesure, ainsi que la

médiane (ou le 50ème

percentile), le minimum et le maximum, est intéressante, mais celle qui

nous intéresse davantage se situe dans la queue de la distribution, vers la droite. Il s’agit de la

Valeur à Risque (VaR) établie au 95ème

percentile.13

Cette mesure est préférable à la moyenne,

ou autre mesure de tendance centrale, puisqu’elle incorpore la possibilité de scénarios extrêmes.

Une VaR établie à 3 220$, ou 2,1 %, deviendra le maximum de risque qu’une proposition

financière devra supporter pour être comparée à une autre.

13

Cette mesure, régulièrement utilisée dans la gestion de risque des institutions financières à travers le monde, peut

aussi s’établir pour d’autres percentiles (ex. 99 %, 99,98 %, etc.). Une valeur de 95 % sera utilisée tout au long de ce

rapport, uniformément pour toutes les propositions financières.

21

Mise en garde empirique

Cette mesure de 2,1 % provient toutefois d’une hypothèse où les dépenses d’exploitation

croissent à un niveau équivalent à l’inflation majorée de 1 %. La mesure empirique de hausse des

dépenses d’exploitation des projets actuels se situe par contre aux environs de l’inflation majorée

de 2,5 %. Dans un tel contexte, l’impression est que la viabilité du parc immobilier actuelle

pourrait être remise en question, et toute initiative d’amélioration financière ne semble pas

adéquate à ce stade. En effet, avec un écart de 2,5 % au-dessus de l’inflation pour les dépenses

d’exploitation des projets, la VaR mesurée s’établit à 22 651$ soit 14,6 % des coûts de

réalisation.14

Tant qu’un contrôle des dépenses, les ramenant à un écart de 1 % par rapport à

l’inflation, n’est pas atteint, il semble précoce d’instaurer tout nouveau produit financier pouvant

potentiellement aggraver la situation. C’est pourquoi toutes les analyses subséquentes de produits

devront prendre l’hypothèse d’un écart de 1 % comme condition de départ.

Un standard de comparaison

L’efficacité d’une proposition financière se mesure par le nombre d’unités pouvant être livrées

par le gouvernement, avec une enveloppe budgétaire donnée. Le gouvernement peut aussi

décider d’utiliser ces gains d’efficacité pour réduire ses dépenses budgétaires, ou une situation

mixte. Nous présenterons nos résultats selon la première formule, celle décrite dans notre mandat

de recherche, mais la conversion d’une formule à l’autre est directe.15

Ainsi, pour toute analyse subséquente de produit financier, le gain d’efficacité sera mesuré selon

le nombre d’unités que le gouvernement pourra livrer, pour une enveloppe budgétaire fixe. Le

« coût » de maximiser le nombre d’unités est le risque auquel fait face le gouvernement, qui est

garant des prêts hypothécaires à la charge des projets, donc des flux financiers permettant de

couvrir ces dépenses hypothécaires.

Le standard de comparaison, qui est dérivé de nos paramètres de départ, est une contribution

moyenne de 60 606$ de la Société d’Habitation du Québec par unité. Avec une enveloppe

budgétaire de 120 M$, soit le montant approximatif alloué par le budget 2011-2012, la SHQ peut

réaliser 1 980, soit environ la quantité visée de 2 000 unités.

14

Incorporer cette réalité aux provisions pour pertes sur prêts garantis pourrait faire bondir cet élément de passif

d’environ 23 M$ présentement à un montant supérieur à 100 M$. 15

Une structure permettant de livrer, par exemple, 2 400 unités avec 120 M$ (donc 50k$ par unité) pourrait livrer

2 000 unités (supposant que le coût moyen reste à 50k$ chacune) pour 100 M$, donc une économie de 20 M$.

22

Tableau 2.8 : Standard de Comparaison

Paramètres de base

AccèsLogis 35 ans / Statu Quo

Enveloppe budgétaire 120 M$

Nombre d’unités 1 980

Valeur à Risque (VaR) 3 220 $

Dollars actuels

Valeur à Risque (VaR) 2,1 %

% des coûts de réalisation

Les données de ce tableau proviennent des calculs effectués dans cette section à partir des paramètres de base, dans

le contexte du programme AccèsLogis. Utiliser 120 M$ pour réaliser 1 980 unités avec une Valeur à Risque (VaR)

de 3 220$ (dollars de 2012), ou de 2,1 % des coûts de réalisation, devient donc un standard de comparaison pour

évaluer toute nouvelle proposition financière présentée dans ce rapport.

Conséquences d’un allongement de la maturité

Maintenant que l’approche analytique et méthodologique est expliquée (d’autres détails plus

techniques sont présentés en annexe à la fin du rapport), il est possible de comparer toutes les

propositions financières sur la base du nombre d’unités potentiellement produites avec une

enveloppe de 120 M$ et le niveau de risque financier lui étant associé.

La variation la plus simple est l’allongement de la maturité. Plus tôt, avec 35 ans de maturité et

un taux d’intérêt annuel de départ de 3,426 % (ou, environ 0,283 % par mois16

), une unité de

logement générant 290$ de revenus disponibles pour versements hypothécaires pouvait

contracter un emprunt de 71 144$ (ou 45,9 % des coûts totaux). Ce montant d’emprunt provient

d’un calcul standard de prêt hypothécaire :

La variable K représente le capital d’emprunt, P représente le paiement mensuel, i représente le

taux d’intérêt mensuel, et m représente le nombre de mois de la période d’amortissement.17

16

Les institutions financières convertissent le taux annuel en taux mensuel en utilisant la formule :

17 Réorganiser cette équation nous donne le montant à payer sur un emprunt donné :

Cette formule est celle utilisée dans le logiciel Excel sous la fonction =VPM(.) dans la version française, ou =PMT(.)

dans la version anglaise.

23

Ici,

En gardant la capacité de payer mensuelle à un niveau fixe, ainsi que le taux d’intérêt, il est

possible de voir quels montants pourraient être empruntés pour des maturités de 40 ans et 50 ans.

Pour 40 ans :

Pour 50 ans :

La relation est ici directe. Augmenter la maturité augmente la capacité d’emprunter.

Deux questions restent à être répondues : l’effet global de tels changements sur la livraison

d’unités, et l’effet sur le risque supporté par le gouvernement.

On peut chiffrer l’impact en nombre d’unité d’une manière directe. Augmenter l’emprunt à

76k$ (40 ans) ou à 84k$ (50 ans), pour une contribution fixe du milieu, réduit la contribution par

unité de la SHQ à 55 741$ (40 ans) ou à 48 171$ (50 ans). Avec l’enveloppe fixe de 120 M$, on

peut donc réaliser 2 152 unités (40 ans) ou 2 491 unités (50 ans). À partir des 1 980 unités

initiales, on réalise donc un gain d’unités de 8,7 % (40 ans) ou de 25,8 % (50 ans).

Toutefois, ces gains ne prennent pas en compte l’effet sur le risque. En utilisant l’analyse par

simulations, telle que décrite plus haut, nous pouvons présenter la VaR pour chacune de ces

variantes.

24

Tableau 2.9 : Effets de l’Allongement de la Maturité

(avec Risque)

Paramètres de base

AccèsLogis 35 ans, 40 ans, et 50 ans

Enveloppe budgétaire 120 M$

35 ans Nombre d’unités 1 980

Valeur à Risque (VaR) 2,1 %

40 ans Nombre d’unités 2 152

Gain d’efficacité brut 8,7 %

Valeur à Risque (VaR) 2,8 %

50 ans Nombre d’unités 2 491

Gain d’efficacité brut 25,8 %

Valeur à Risque (VaR) 4,4 % Ces analyses de risque sont effectuées sur la prémisse que les allongements de l’amortissement hypothécaire sur 40

et 50 ans sont directement utilisés en augmentation au maximum de l’emprunt hypothécaire. Les simulations

utilisent ces montants maximaux d’emprunt et calculent, avec la méthode de VaR, le niveau de risque associé au

nombre d’unités potentielles sous ces structures.

Ce que nous constatons dans cette table de résultats est l’accroissement du risque lorsque toute la

marge de manœuvre d’emprunt est utilisée par l’allongement de la maturité. En effet, la formule

d’emprunt utilisée plus haut nous donne la valeur maximale d’emprunt, c’est-à-dire que la

totalité du 290$ par mois est utilisé pour une hypothèque de plus longue maturité.

Ce qu’il faut effectuer ici comme ajustement est la réduction du montant d’emprunt pour chaque

maturité afin que le niveau de risque résultant de la simulation soit équivalent à celui du statut

quo, soit 2,1 % des coûts de réalisation. C’est pourquoi l’appellation « gain d’efficacité brut » est

utilisée, car on n’ajuste pas pour le risque.

À partir du logiciel de simulation, nous pouvons dériver qu’un emprunt de 73 750$ plutôt que de

76 009$ (40 ans), ou de 76 975$ plutôt que de 83 579$ (50 ans) permet d’obtenir un niveau de

risque équivalent à celui du statut quo.

Le tableau suivant présente les « gains d’efficacité nets », c’est-à-dire ceux qui peuvent être

réalisés sans augmenter le risque financier du gouvernement.

25

Tableau 2.10 : Effets de l’Allongement de la Maturité

(Risque Constant)

Paramètres de base

AccèsLogis 35 ans, 40 ans, et 50 ans

Enveloppe budgétaire 120 M$

35 ans Nombre d’unités 1 980

Valeur à Risque (VaR) 2,1 %

40 ans Nombre d’unités 2 068

Gain d’efficacité net 4,4 %

Valeur à Risque (VaR) 2,1 %

50 ans Nombre d’unités 2 190

Gain d’efficacité net 10,6 %

Valeur à Risque (VaR) 2,1 %

Ces analyses de risque sont effectuées sur la prémisse que les allongements de l’amortissement hypothécaire sur 40

et 50 ans sont utilisés en augmentation d’une manière contrôlée l’emprunt hypothécaire. Les simulations utilisent

ces montants contrôlés d’emprunt et calculent, avec un niveau de risque constant, le nombre d’unités potentielles

sous ces structures.

On y constate maintenant des gains d’efficacité moindre que dans une situation où toute la marge

de manœuvre provenant de l’allongement de la maturité est utilisée, sans contrôler le risque

financier. Par rapport au programme AccèsLogis actuel sur 35 ans, un allongement de la maturité

génère maintenant 4,4 % (40 ans) et 10,6 % de gains nets d’efficacité (50 ans). L’effet de

contrôler le risque est, dans ce contexte-ci, une réduction de moitié du gain d’efficacité (brut vs.

net).18

Propositions d’institutions financières

Dans nos discussions avec les institutions financières, aucune n’a proposé (ni rejeté) un

allongement de la maturité à 40 ans. Pour ce qui est d’une hypothèque sur 50 ans, un produit a

été proposé (proposition B). Toutefois, l’institution financière mentionne qu’elle ne désire pas se

commettre totalement pour une durée de 50 ans; elle serait plutôt commise sur un période de 30

ans. Dans ce cadre, l’institution financière se commettrait donc pour des termes de 5 ans au-delà

18

Les niveaux de risque sont par unité, ou par projet, mais bien entendu augmenter le nombre d’unités, ou de projets,

augmente le niveau de risque en dollars, et la provision pour pertes (en dollars) doit considérer le volume. Pour parer

à ce phénomène, la SHQ pourrait utiliser une portion des gains d’efficacité pour financer un fonds de réserve venant

atténuer ou annuler l’effet sur le passif d’une augmentation de la provision pour pertes.

26

de l’engagement initial de 30 ans et chaque prêt serait sujet à renégociation à la fin de ce terme

jusqu’à l’amortissement final de 50 ans.

Bien que la proposition entraîne une baisse de la contribution gouvernementale, elle apporte

donc un risque additionnel où l’institution financière pourrait se retirer du financement pour des

projets en cours au-delà de la 30ième

année. Ce risque serait difficile à gérer ou à couvrir pour le

gouvernement et l’équipe du CIRANO ne recommande pas la poursuite en ce sens.

De plus, les paramètres utilisés par l’institution financière ne sont pas ceux de ce rapport.

Advenant une décision favorable à l’égard de leur proposition, la SHQ devra elle-même établir

les paramètres d’emprunt selon ses critères propres et son contexte de réalisation de projets.

Notre appréciation des différentes propositions financières se retrouvera à la fin du rapport avec

nos recommandations, une fois tous les produits décrits et analysés.

27

2.3 Reconfiguration des Flux Financiers : Outil de Gestion des Risques

Comme nous l’avons vu dans la sous-section précédente, l’allongement de la maturité est un

outil très puissant d’augmentation de la capacité d’emprunt. Toutefois, utiliser directement cette

marge de manœuvre peut entraîner des risques financiers indésirables. Nous avons présenté une

manière d’atténuer ces risques en réduisant la marge de manœuvre utilisée. Il se pourrait par

contre que cette manière ne soit pas la plus efficace, et une autre approche peut être envisagée.

Jusqu’à maintenant, les flux financiers des projets étaient orientés vers un paiement hypothécaire

standard qui verse périodiquement un montant divisé en capital et en intérêts. Ces versements

sont liés à l’ensemble de la dette du projet, ce qui les rend très sensibles aux fluctuations de taux

d’intérêt (l’une des composantes de risque simulées dans notre modèle). Ainsi, une hausse des

taux d’intérêt après les cinq années d’un cycle s’applique sur la totalité de la dette résiduelle au

moment où elle est vécue; ce risque se renouvelle à chaque fin de cycle de cinq pendant la

totalité des 35, 40, ou 50 ans. C’est pourquoi augmenter directement le capital d’emprunt, par

l’allongement de la maturité, augmente directement le risque mesuré par les fluctuations de taux

d’intérêts.

Maintenant, une autre manière de gérer ce risque est la reconfiguration du montage financier, et

conséquemment des flux financiers liés à la dette. Cette reconfiguration a été mentionnée plus

haut, lors de la description des axes d’amélioration financière. La méthode générale proposée est

de geler une (des) portion(s) de la dette sur une période prédéfinie, sur laquelle les versements

(flux financiers) sont séparés des versements sur l’hypothèque standard.

La proposition A

Dans un contexte d’institution financière traditionnelle, un produit financier utilisant ce concept

nous a été soumis. La version finale de ce produit est un emprunt hypothécaire sur 40 ans, avec

une portion de la dette gelée sur 20 ans. Sur cette portion, le projet n’aurait ni remboursement en

capital, ni paiement d’intérêts à faire sur les premiers 20 ans. Les premiers 20 ans seraient plutôt

consacrés à payer en totalité la portion non gelée du prêt.

Structure :

L’emprunt est séparé en deux portions (A et B, pour l’exemple) ;

Portion A : Remboursement sur 20 ans, paiements mensuels en capital et intérêts, avec

taux d’intérêt hypothécaire de l’entente actuelle ;

Portion B : Report du remboursement en capital et en intérêts durant les premiers 20 ans ;

remboursement capital et intérêts sur les seconds 20 ans (an 21 à 40) ;

28

Taux d’intérêt de la Portion B : Taux fixe « 10 ans » sur les premiers 10 ans, puis

renouvelé à l’an 10, pour s’appliquer à la dette entre l’an 10 et l’an 20.19

Maturité totale : 40 ans.

Puisque les premiers versements hypothécaires s’appliquent à la Portion A, nous pouvons

directement, à partir de la formule d’emprunt hypothécaire (voir la sous-section 2.2, dans la

partie intitulée Conséquences d’un allongement de la maturité), trouver le montant d’emprunt lui

étant rattaché.

Le montant de 290$ est le revenu mensuel net des dépenses d’exploitation, soit le montant

disponible à verser sur un prêt hypothécaire, le taux 0,283 % est le taux mensuel basé sur le taux

annuel d’entente entre la SHQ et ses partenaires financiers (au 1er

mars 2012), et l’exposant 20

multiplié par 12 représente la maturité (en mois) du prêt.

Cet emprunt de 50 440$ représente 33 % du coût total de réalisation. Considérant le 15 % du

milieu, il reste 52 % à financer : une partie par la Portion B du prêt, et l’autre par la subvention

de la SHQ. Le partage entre cette portion de la dette et la subvention gouvernementale est

effectué selon le niveau de risque « désiré ».

En visant une VaR équivalente à 2,1 % des coûts de réalisation (notre standard de comparaison),

il est possible d’obtenir un financement de la Portion B à hauteur de 15 %. Conséquemment, il

reste 37 % (soit 52 % - 15 %) à financer par la SHQ. Ce financement permettrait, pour une

enveloppe budgétaire de 120 M$, la réalisation de 2 064 unités; c’est un gain de 4,2 % par

rapport au statut quo.

Ce résultat ne semble pas être un gain énorme, ni même un gain tout court si comparé avec

AccèsLogis sur 40 ans. La raison est que la proposition actuelle conserve un élément de risque

puisque l’on utilise deux fois un taux « 10 ans » sur une période de 20 ans, et qu’un risque existe

au niveau du renouvellement de ce taux après les 10 premières années.

Nous avons tenté d’explorer des solutions avec un taux fixe sur 20 ans, mais cette variante n’est

pas possible pour l’institution financière. Toutefois, si une autre institution financière pouvait

offrir cette variante, le produit pourrait livrer 2 142 unités avec le même niveau de risque.20

Il

s’agit donc d’un gain de 8,2 % pour ce produit sur 40 ans. C’est exactement ce résultat qui était

anticipé ; lorsque l’on reconfigure les flux financiers en incorporant une portion fixe de la dette,

avec un taux fixe, et un report des intérêts dans le temps (zéro-coupon), un gain d’efficacité se

dégage par rapport au simple allongement de maturité dans un contexte hypothécaire standard.

19

La proposition A établit un taux « 10 ans » au niveau des obligations 10 ans, à zéro coupon, du Québec majoré de

120 points de base. Au 27 mars 2012, ce taux est 3,241% + 1,2%, soit 4,441 %. Le taux après 10 ans est basé sur nos

simulations. 20

Ici, on utilise un taux zéro coupon « 20 ans » du Québec, majoré de 120 points de base. Au 27 mars 2012, ce taux

est 3,765 % + 1,2 % = 4,965 %.

29

Finalement, il serait intéressant de tester ces modèles avec un allongement supérieur de la

maturité et mesurer l’impact si l’on permettait une maturité totale de 50 ans. Encore une fois, il

ne s’agit que de résultats « théoriques » dans l’optique où ils proviennent de variantes de la

proposition A, sans que cette institution en ait approuvé les paramètres. Il s’agit plutôt d’outil de

discussions et de négociation pour le gouvernement.

Tableau 2.11 : Effets de la Reconfiguration des Flux Financiers

(Risque Constant)

Point de refinancement à l'an 20

VaR fixe à 2,1 % des coûts de réalisation

40 ans Proposition A

Taux sur 10 ans, renouvelé

Nombre d'unités 2 064

Gain d'efficacité net 4,2 %

40 ans Variante théorique #1

Taux fixe sur 20 ans

Nombre d'unités 2 142

Gain d'efficacité net 8,2 %

50 ans Variante théorique #2

Taux sur 10 ans, renouvelé

Nombre d'unités 2 246

Gain d'efficacité net 13,4 %

50 ans Variante théorique #3

Taux fixe sur 20 ans

Nombre d'unités 2 354

Gain d'efficacité net 18,9 % Ce tableau présente d’abord les résultats de la proposition A, offerte par une institution financière, soit un produit

sur 40 ans avec point de refinancement à l’an 20. Le taux d’emprunt sur 10 ans initial est de 4,441 % et est simulé

par la suite. La proportion du prêt hypothécaire des premiers 20 ans est de 32,5 % et la proportion de l’emprunt gelé

sur 20 ans est de 15 %. Les proportions des différentes portions de prêts sont établies par l’équipe du CIRANO afin

d’optimiser le ratio rendement (nombre d’unités) – risque (VaR). Pour les autres produits, le taux fixe sur 20 ans est

de 4,965 %, et les proportions de la première hypothèque sont toutes à 32,5 %. Les proportions de l’emprunt gelé sur

20 ans sont de 16,3 % (Var. #1), 18 % (Var #2), et de 19,6 % (Var. #3).

S’attardant aux deux derniers items de ce tableau synthèse pour les produits avec point de

refinancement à l’an 20, on peut constater directement la valeur ajoutée nette d’une

reconfiguration de la dette. Encore une fois, c’est par l’incorporation des facteurs de risque que

nous dérivons ces résultats. Avec une maturité totale de 50 ans, une telle structure génère des

gains nets d’efficacité de 13,4 % en gardant le taux « 10 ans » (et son risque de renouvellement

futur, après 10 ans), et de 18,9 % lorsque l’on utilise un taux fixe sur 20 ans. Le constat est clair,

30

les gains nets sont ici supérieurs aux gains mesurés de 10,6 % mesurés avec une hypothèque 50

ans.

Il est crucial de mentionner que tous ces calculs ont été effectués sur la base d’un taux d’intérêt

basé sur les obligations du Québec, majoré de 120 points de base, tel que proposé par

l’institution financière. Toutefois, le gouvernement pourrait potentiellement négocier pour

obtenir des termes plus avantageux si l’ensemble du programme utilisait cette voie ; des

montants élevés aideraient à éliminer certains frais de gestion des institutions financières. Ces

enjeux de réduction de coût d’emprunt seront abordés dans la section suivante.

Maintenant, pour conclure ce chapitre, nous présenterons une autre possibilité de produit

financier qui, au lieu d’un seul point de refinancement à l’an 20, utilise deux points de

refinancement aux années 10 et 30. Ce produit, surnommé « Produit 10-30 », a été présenté à la

SHQ dans notre précédent rapport comme piste à suivre pour toute proposition financière, étant

donné son fort potentiel d’efficacité pour le gouvernement. Nous le présentons à ce stade

puisqu’il pourrait théoriquement être incorporé dans un contexte hypothécaire, autant que dans

un contexte de marchés financiers. Dans un contexte hypothécaire, il pourrait être livré

exactement comme le produit de la proposition A, c’est-à-dire en un seul prêt avec différentes

portions de capital réparties dans le temps. Nous allons aussi établir les taux d’intérêt avec la

mesure présentée dans la proposition A, soit les obligations du Québec + 120 points de base.

Structure :

L’emprunt est séparé en trois portions (A, B et C pour l’exemple);

Portion A : Remboursement sur 10 ans, paiements mensuels en capital et intérêts, avec

taux d’intérêt hypothécaire de l’entente actuelle;

Portion B : Report du remboursement en capital et en intérêts durant les premiers 10 ans;

remboursement capital et intérêts sur les 20 ans suivants (an 11 à 30);

Taux d’intérêt de la Portion B : Taux fixe « 10 ans »;

Portion C : Report du remboursement en capital et en intérêts durant les premiers 30 ans;

remboursement capital et intérêts sur les 20 ans suivants (an 31 à 50);

Taux d’intérêt de la Portion C : Taux fixe « 30 ans »;

Maturité totale : 50 ans.

Comme pour le produit précédent, la Portion A est délimité par la capacité de payer initiale de

290$ par mois. Celle-ci est donc égale à :

Ce montant correspond à 19 % des coûts de réalisation ; considérant le 15 % du milieu, il reste

donc 66 % à financer par les Portions B et C, et par la SHQ. Un avantage central de ce produit

est qu’il reste une possibilité de répartir la dette entre les Portions B et C d’une manière optimale

selon les taux d’intérêt « 10 ans » et « 30 ans ». En effet, ces taux varient de manière à ce qu’à

certains moments, les taux « 10 ans » diminuent sans que les taux « 30 ans » suivent, ou vice-

31

versa. La flexibilité de deux portions à deux maturités permet de diriger davantage de dette vers

la portion relativement la moins chère.21

Avec cette structure et ces paramètres, le « Produit 10-30 » offre les résultats suivants :

Tableau 2.12 : Reconfiguration des Flux Financiers – Approche « 10-30 »

(Risque Constant)

Produit 10-30

VaR fixe à 2,1% des coûts de réalisation

50 ans Nombre d'unités 2 425

Gain d'efficacité net 22,5 %

Ce tableau présente les résultats de la proposition théorique énoncée par le CIRANO (version hypothécaire), soit un

produit sur 50 ans avec points de refinancement aux années 10 et 30. Le taux d’emprunt sur 10 ans est de 4,441% et

sur 30 ans de 4,944%. La proportion du prêt hypothécaire des premiers 10 ans est de 19% et les proportions des

emprunts gelés sur 10 ans et 30 ans sont de 23,3% et de 10,8% (respectivement). Les proportions des différentes

portions de prêts sont établies afin d’optimiser le ratio rendement (nombre d’unités) – risque (VaR).

Ainsi, avec nos paramètres de base, et des taux d’intérêt de 4,441 % (10 ans) et de 4,944 % (30

ans) qui reflètent les taux des obligations à zéro-coupon du Québec22

, majorés de 1,2 %, le

« Produit 10-30 » génèrent des résultats supérieurs aux variantes théoriques #2 et #3 présentées

plus haut.

Dans le contexte de l’habitation communautaire et sociale du Québec, ce produit reste le plus

efficace afin de livrer un plus grand nombre d’unités par la Société d’Habitation du Québec.

21

Nous verrons plus loin qu’une structure similaire, sur 50 ans, mais avec portion sur 30 ans seulement, offre des

gains comparables, mais perd cette flexibilité au niveau des taux d’intérêts relatifs. 22

Le taux zéro-coupon « 30 ans » provient plutôt du taux avec coupons, majoré de 10 points de base pour refléter la

prime de liquidité entre obligations à zéro-coupon et à coupons d’un même émetteur et d’une même maturité. Au 27

mars 2012, le taux « 30 ans » est donc de 3,644 % + 10 pdb (liquidité) + 120 pdb.

32

2.4 Conclusion-Synthèse

Cette section du rapport comporte plusieurs thématiques. L’approche analytique y est d’abord

présentée en établissant les trois axes d’amélioration financière dans le contexte du mandat :

l’allongement de la maturité, la reconfiguration des flux financiers, et la diminution du coût

d’emprunt. Le tout s’effectue dans un contexte de contraintes au niveau de la dette du

gouvernement du Québec.

Nous avons utilisé deux de ces trois axes, dans un contexte « hypothécaire ». Ce contexte est

celui où un produit financier est offert par une institution financière comme un prêt standard,

mais modulé. Cette approche s’effectue sans directement passer par les marchés financiers.

Une autre proposition d’institutions financières (proposition B) offre une hypothèque sur 50 ans,

mais avec des contraintes de refinancement au-delà de la 30ème

année. Cet aspect semble risqué

pour le gouvernement et les projets. Par conséquent, cette approche semble peu attrayante. De

plus, la reconfiguration des flux financiers démontre que sur cette maturité, une hypothèque

standard n’est pas le produit optimal.

La proposition A est un produit avec reconfiguration des flux financiers, sur une période totale

de 40 ans. Ce produit est prometteur et démontre qu’une institution financière peut adapter son

offre à la réalité financière du logement communautaire et social. Certaines limites techniques

(utilisation de deux taux « 10 ans » sur une période de 20 ans, maximum de maturité à 40 ans,

etc.) contraignent un gain d’efficacité plus grand, mais il pourrait valoir la peine de poursuivre

les discussions avec cette institution afin d’élaborer un produit encore plus avantageux.

Finalement, quoique toujours théorique, la proposition de « Produit 10-30 » génère les résultats

les plus prometteurs dans un contexte de prêts hypothécaires modifiés.

33

Section 3 Coût d’Emprunt et Marchés des Capitaux

Au moins deux approches permettent la réduction du coût d’emprunt d’un projet avec une

composante de financement. Premièrement, injecter un élément de compétitivité entre les

partenaires financiers potentiels ; deuxièmement, l’utilisation directe des marchés financiers, ou

marchés des capitaux, comme source de capital sans passer par un intermédiaire bancaire. Nous

décrivons ici brièvement le premier aspect, qui doit rester une considération pour n’importe quel

produit financier. C’est toutefois le deuxième élément qui constitue le principal thème de cette

section ; c’est sous cette perspective que les produits financiers y seront présentés.

3.1 Les Gains Financiers liés à la Compétitivité

Le financement via l’intermédiation financière classique23

offre l’avantage d’être simple et

efficace. Les propositions dites hypothécaires de la Section 2 sont considérées comme des

solutions par intermédiation financière.

Dans la situation actuelle, chaque projet du programme AccèsLogis peut choisir sa succursale

parmi les deux institutions financières participantes, le Mouvement Desjardins et la Banque

Nationale. Les institutions financières ont une grande expertise dans la gestion hypothécaire et

peuvent fournir un certain suivi.

Par contre, les taux d’intérêt sont négociés directement avec seulement deux institutions

financières (en même temps) qui sont par la suite les seules à offrir les hypothèques aux projets.

On favorise de cette façon la formation d’un oligopole où les institutions financières ont un

incitatif à négocier conjointement pour obtenir le meilleur taux possible. Cette façon de faire,

selon l’équipe du CIRANO, peut mener à des taux d’intérêt supérieurs à un processus de

négociation où le nombre d’institutions financières admises à gérer le projet serait supérieur.

Ainsi, des institutions financières voulant être présentes dans ce marché pourraient

potentiellement offrir des hypothèques dans le cadre de ce programme à un meilleur coût

d’emprunt. D’autre part, l’ouverture à plusieurs institutions financières permettrait au

gouvernement d’avoir une meilleure idée des marges de profit des institutions financières dans

ce marché. À cet égard, la possibilité offerte aux différents projets d’utiliser un nouveau produit

financier (ou un nouvel acteur, même non bancaire, comme le capital patient) peut permettre

d’accroître la compétitivité de ce secteur en autant que les projets soient libres de choisir l’option

la plus profitable pour eux et que la SHQ n’ajuste pas son aide pour compenser un coût de

financement supérieur.

23

L’intermédiation financière se manifeste lorsqu’une institution se finance sur les marchés (dépôts, émission de

dette, émission d’actions) et utilise ces montants pour ensuite financer des prêts et des investissements. La

rémunération de cette institution provient de la différence entre les intérêts chargés et son coût en capital (intérêts

sur les dépôts et dettes, dividendes sur actions, et proportion des réserves devant être détenues pour les prêts

octroyés). Le coût d’emprunt d’un projet dépend donc du coût en capital des institutions financières. Si un véhicule

permettait aux projets d’aller directement sur les marchés, ceux-ci utiliseraient leur propre qualité de crédit et

n’auraient pas à rémunérer un tel intermédiaire, quoique d’autres frais administratifs existeraient. L’objectif d’éviter

un intermédiaire (ou, désintermédiation financière) est d’avoir un coût global d’emprunt moindre et de diversifier

ses sources de financement.

34

Ensuite, dans la situation actuelle, les taux d’intérêt sont négociés pour un terme de cinq ans. Les

paiements hypothécaires des cinq premières années sont donc connus. Toutefois, cette structure

expose les projets au risque de taux lors du renouvellement à chaque cycle de cinq ans. Des taux

d’intérêt de maturité plus longue permettraient de réduire ce risque. Toutefois, étant donné que la

structure à terme des taux d’intérêts est généralement positive24

, cet allongement de maturité

pourrait coûter plus cher aux projets. Nous croyons que le gouvernement pourrait négocier avec

les institutions financières non pas un seul taux mais également sur des taux d’échéances

diverses selon la structure financière choisie. Le gouvernement et les projets pourraient donc

opter entre différents profils coûts/risques en fonction des taux d’intérêt du moment.

Finalement, il est important de rappeler que le gouvernement doit garantir les prêts hypothécaires

auprès des institutions financières en raison de l’impossibilité de saisie des actifs immobiliers

suivant un défaut de paiement. Ainsi, les institutions financières ne supportent aucun risque de

défaut de paiement. La marge chargée par les institutions au-delà du taux sur les obligations du

Québec représente essentiellement la rémunération pour les frais de gestion (très minimes pour

des prêts hypothécaires, surtout garantis) et une marge bénéficiaire. Une quantification de cet

écart est présentée dans la Section 2 du rapport, dans la sous-section concernant le coût

d’emprunt.

24

C’est-à-dire : plus la maturité du prêt allonge, plus le taux d’intérêt augmente.

35

3.2 L’Avantage des Marchés Financiers

Dans cette portion du rapport, nous analysons le potentiel de l’utilisation des marchés financiers

au-delà des produits de type « hypothécaire », ou intermédiation financière classique. L’objectif

est d’étudier différents véhicules permettant à la SHQ de regrouper les créances liées aux projets

d’habitation communautaire et sociale afin d’accéder directement aux marchés financiers sans

intermédiaire pour diminuer les charges liées à l’emprunt. Toute cette analyse se fait donc selon

le troisième axe d’amélioration financière ; la réduction des coûts d’emprunt.

Deux grandes catégories de véhicules sur les marchés financiers

Les produits financiers permettant l’accès aux marchés financiers qui seront ici analysés se

divisent selon deux grandes approches : la titrisation simple, et le financement structuré. Ces

deux approches procèdent à une agrégation de prêts, à une vente de ceux-ci à des investisseurs

sous la forme d’un transfert des droits et, conséquemment, de flux financiers liés à ces actifs

sous-jacents. Ces produits agissent donc comme outils de transfert du risque de crédit (lorsque

les prêts ne sont pas garantis) et des flux financiers vers des investisseurs désireux de participer à

ce marché.

La titrisation simple, soit sans aucune transformation des flux de paiements (ou, pass-through),

est la plus élémentaire des méthodes d’agrégation, et est souvent utilisée pour les créances

hypothécaires.25

Le financement structuré se distingue de la titrisation par l’existence d’une

restructuration des flux financiers et des créances, s’il y a lieu. En raison d’un découpage

particulier, les montages contractuels peuvent modifier les caractéristiques rendement/risque.26

De plus, il y a une demande actuelle sur les marchés financiers pour des actifs ayant une longue

durée, soit de 30 ans ou plus, dans un contexte d’appariement des caisses de retraite, notamment,

puisque celles-ci anticipent leurs obligations de rentes à verser dans le futur. Il nous a été indiqué

que des obligations « 30 ans », générées par titrisation de prêts hypothécaires et avec une qualité

de crédit comparable à celle du gouvernement du Québec, seraient actuellement en forte

demande. Peu de produits correspondraient à ces critères. La structuration et la titrisation de prêts

dans le contexte d’AccèsLogis contribueraient donc à créer des marchés financiers plus complets.

Finalement, les prêts issus du programme AccèsLogis s’associent bien à ces deux types de

produits car ces prêts sont homogènes, ayant toutes la même durée de départ et des taux d’intérêt

similaires, car tous ont des termes de 5 ans, et car ils ne comportent pas de risque de prépaiement

pour les investisseurs.

25

Par exemple, la SCHL émet au-delà de 100G$ annuellement de titres agrégeant des prêts hypothécaires provenant

des banques commerciales, incluant même une portion de prêts dédiés au logement social. Ces produits s’appellent

« Titres hypothécaires LNH », ou « NHA Mortgage-Backed Securities ». 26

Suivant l’exemple de la note précédente, la SCHL procède aussi à l’émission de produits structurés utilisant les

prêts hypothécaires agrégés, mais modifiant leurs flux financiers pour que les flux financiers du produit final soit

identiques à ceux d’obligations du Canada. Ces produits s’appellent « Obligations hypothécaires du Canada », ou

« Canada Mortgage Bonds ».

36

Éléments à considérer

Premièrement, compte tenu de son contexte, le financement sur les marchés des capitaux

(structuré ou par titrisation) est, depuis l’origine, très dépendant de la notation. Particulièrement

pour les investisseurs, il est souvent préférable pour eux de déléguer une partie de l’évaluation de

ces instruments à des tiers. En outre, les politiques de placements des investisseurs institutionnels

requièrent généralement des notations de crédit.

La qualité de crédit des produits titrisés ou structurés devrait s’établir à un niveau proche de celui

du gouvernement du Québec. Outre une prime de liquidité, les taux d’intérêt sur ces titres

devraient avoisiner ceux du gouvernement du Québec. La prime de liquidité dépendra du

montant à être émis. Un faible montant émis réduirait considérablement la liquidité du nouveau

titre et entraînerait possiblement un élargissement des écarts de taux requis par les investisseurs.

Les propositions présentées dans cette section quantifieront cette prime et cet écart.

Ensuite, pour les projets d’AccèsLogis, l’utilisation de produits structurés ou de titrisation ne

change à rien dans leur façon de fonctionner quant à l’impact sur la gestion de l’hypothèque

auprès des clients de l’institution financière. En effet, l’arrivée d’une nouvelle structure

financière et d’un nouveau produit se ferait de façon à ce que le projet ne gère qu’une

hypothèque à la fois, comme dans la situation actuelle. C’est son institution financière qui aurait

à procéder aux transferts de flux financiers vers le véhicule choisi d’accès aux marchés financiers,

et non les projets eux-mêmes.

Finalement, la mise sur pieds d’un tel programme nécessite un certain effort au niveau légal et

comptable dans la mise sur pieds de la structure légale, soit la SPE (« Special Purpose Entity »)

qui devra être créée. De plus, tout projet d’émission directe sur les marchés nécessite une équipe

de vente qui approchera les clients.

Le Produit « 10-30 » sur les marchés financiers

Dans la Section 2, concernant les produits de type « hypothécaire » offerts dans le contexte de

prêts modifiés par les institutions financières, le Produit « 10-30 » a été présenté comme une

formule de reconfiguration des flux financiers à l’intérieur d’un prêt hypothécaire. Cette même

formule pourrait être transférée vers les marchés financiers en émettant des obligations

correspondant aux portions 10 ans et 30 ans. Ainsi, seuls le prêt hypothécaire de base et ceux

servant au refinancement aux années 10 et 30 resteraient chez l’intermédiaire financier. Les

portions initiales de prêt 10 ans et 30 ans deviendraient, quant à elles, des obligations de type

zéro coupon émises sur les marchés financiers. C’est cette structure qui a servi de point de départ

au mandat de l’équipe du CIRANO et qui a servi d’inspiration aux institutions financières

consultées, notamment le produit sur 40 ans présenté dans la Section 2 et le produit d’obligations

30 ans présenté plus bas.

37

Synthèse

Nous avons ici passé en revu quelques uns des enjeux liés à l’utilisation des marchés financiers ;

l’objectif étant de réduire le coût d’emprunt des projets.

Deux grandes catégories de produits existent et correspondent aux produits financiers présentés

dans cette section.

La première, la titrisation simple, ne fait qu’agréger des prêts hypothécaires en les transférant

dans un véhicule émettant des titres adossés à l’actif hypothécaire sur les marchés financiers. Ce

véhicule peut bénéficier de tous les gains liés à la valeur des actifs sous-jacents, ainsi qu’à une

qualité de crédit reflétant le contexte particulier d’un programme gouvernemental offert par le

gouvernement du Québec. Nous verrons que la proposition d’obligations « 30 ans » (proposition

C) est un produit procédant à de la titrisation simple. La version du « Produit 10-30 » utilisant les

marchés financiers est aussi un produit de titrisation simple.

La deuxième, le produit structuré, est très similaire à la titrisation simple, mais reconfigure les

flux financiers à l’intérieur du véhicule d’agrégation afin de mieux répondre aux demandes des

marchés financiers, et ainsi à réaliser de plus grandes économies au niveau du coût d’emprunt.

Cette approche est plus complexe, mais reste tout de même une opération standard pour les

acteurs traditionnels sur les marchés financiers. Nous verrons que la proposition D est un produit

structuré procédant à une modification des flux financiers des prêts agrégés afin d’améliorer

leurs conditions d’emprunt.

Des résultats concernant le « Produit 10-30 » seront aussi présentés puisque ce produit a servi de

point de départ aux propositions des intervenants consultées. Les résultats restent pertinents dans

l’optique où d’autres intervenants, non consultés pour le moment, pourraient favoriser un tel

véhicule.

38

3.3 Obligations 30 ans à intérêt capitalisés (proposition C)

La proposition C d’institutions financières suggère de procéder à l’émission d’obligations de

type zéro-coupon d’une maturité de 30 ans. Ce produit est très près de produits procédant à la

reconfiguration des flux financiers, mais utilise les marchés financiers pour permettre des gains

additionnels. La maturité totale de la dette y est aussi allongée à 50 ans. En somme, ce produit

pourrait être compris comme une variante du « 10-30 », sans les obligations à maturité de 10 ans.

Enfin, en agrégeant des prêts, en conservant les flux financiers des projets tels quels, puis en les

transférant aux investisseurs, ce produit se classifie comme un produit de titrisation simple.

Les détails de la proposition

Très similaire aux structures reconfigurant les flux financiers présentées en Section 2 du rapport

(ex. proposition A et « 10-30 »), cette proposition crée une portion de dette à rembourser dans 30

ans, sans versement de capital ou d’intérêts durant cette période. Un prêt hypothécaire serait

remboursé sur les premiers 30 ans, et un second prêt sur 20 ans serait contracté à l’an 30 pour

rembourser cette nouvelle portion de dette. Ainsi, la structure est très similaire à la proposition

de type hypothécaire (proposition A) mais avec un point de refinancement à l’an 30 (plutôt qu’à

l’an 20) et une durée totale de 50 ans (plutôt que 40 ans). Toutefois, pour financer ces nouveaux

prêts sur 30 ans, l’institution financière émettrait des obligations 30 ans de type zéro-coupon.

Cette nouvelle tranche, financée par un « Special Purpose Entity » (SPE), serait à intérêts

capitalisés, soit une obligation sans coupons, et émise pour un montant d’environ 10 % des coûts

de réalisation des projets. À l’échéance de cette dernière, le projet AccèsLogis devrait contracter

une nouvelle hypothèque sur 20 ans afin de rembourser la tranche à intérêts capitalisés.

Selon les auteurs de la proposition, il serait possible de réduire potentiellement le financement de

la SHQ. Néanmoins, elle émet certaines mises en garde relativement à sa proposition et son

exemple chiffré.

1. L’appétit des investisseurs pourrait être grandement réduit par le manque de liquidité si

les montants émis est insuffisant ;

2. Les côtés légaux et comptables devraient être analysés en détails dont notamment en ce

qui a trait à la titrisation des hypothèques ;

3. L’intérêt des investisseurs doit être sondé en regard de la notation de crédit ;

4. Les conditions de marché peuvent changer en regard des écarts de crédit et de liquidité.

Concernant le premier point, plusieurs intervenants nous ont mentionné un montant d’émission

minimal d’environ 100 M$. À ce niveau, le marché devrait répondre favorablement. Toutefois, la

portion en obligations utilisées dans la proposition C ne pourrait offrir qu’environ

40 M$ annuellement.

Les deuxième et troisième points relèvent de travaux supplémentaires suivant une décision

favorable du gouvernement vers une solution de marchés financiers.

39

Le quatrième et dernier point vient mettre en relief la principale différence entre un produit avec

l’émission d’un seul type d’obligations, ici sur 30 ans, et un produit à obligations multiples

comme le « 10-30 » avec des obligations avec maturités de 10 ans et de 30 ans. En effet, n’avoir

qu’une seule maturité, rend vulnérable aux conditions de marché à ce point dans le temps alors

que d’en avoir plus d’une permet un certain rééquilibrage de la dette en direction de la maturité

pour laquelle les conditions de marchés sont les plus favorables. Un produit structuré comme

celui de la proposition D (voir plus bas) permet aussi de modifier certaines modalités du prêt afin

de profiter de meilleures conditions selon différentes maturités, donc selon différents segments

du marché.

Analyse d’efficacité

En utilisant la même méthode qu’en Section 2, nous procédons maintenant à une analyse

quantitative de cette proposition afin d’en mesurer le potentiel gain d’efficacité. Le résultat

principal est que ces gains sont comparables à ceux d’un « Produit 10-30 » utilisant les marchés

financiers.

Les auteurs de la proposition C ont utilisé les hypothèses suivantes :

Taux hypothécaire des projets équivalent au taux AccèsLogis en vigueur ;

Taux d’intérêt applicable à l’obligation à intérêts capitalisés correspondant au taux d’une

obligation sans coupons du Québec, majoré de 100 points27

de base divisés comme suit :

La tranche titrisée aurait un rendement exigé par les investisseurs égal au taux

d’une obligation sans coupons du Québec, majoré de 60 points de base.

(Le SPE devra obtenir une notation de crédit équivalente à celle du Québec)

La marge de 60 points de base est celle généralement estimée pour un

émetteur public mais le marché pourrait exiger une prime supplémentaire.

Une marge estimée à 40 points de base est requise pour couvrir les frais de

l’émetteur financier.

Les autres hypothèses sont celles de notre cas de base afin de pouvoir comparer les résultats de

cette proposition avec ceux de toutes les propositions de ce rapport.

Le tableau suivant montre des résultats avec gains d’efficacité de 25,4 % en nombre d’unités

réalisées avec un budget fixe. Ici, le budget gouvernemental est fixé à 120 M$ et le nombre

d’unités potentiellement livrées avec ce montant est de 2 482 par rapport à 1 980 dans le cas du

statu quo actuel, soit AccèsLogis sur une période totale de 35 ans.

27

Au 27 mars 2012, ce taux s’établissait à 3,644% + 10 pdb (liquidité) + 100 pdb = 4,744%.

40

Tableau 3.1 : Utilisation des Marchés Financiers – Proposition C

(Risque Constant)

Obligations 30 ans

VaR fixe à 2,1% des coûts de réalisation

50 ans Nombre d’unités 2 482

Gain d’efficacité net 25,4 %

Ce tableau présente les résultats de la proposition C, soit un produit sur 50 ans avec points de refinancement à l’an

30. Le refinancement sert à rembourser une obligation zéro-coupon de 30 ans émise au temps t=0. Le taux

d’emprunt sur 30 ans de 4,744 %. La proportion du prêt hypothécaire des premiers 30 ans est de 42,2 % et la

proportion de l’emprunt obligataire (capital gelé) sur 30 ans est de 11,6 %. Les proportions des différentes portions

de prêts sont établies afin d’optimiser le ratio rendement (nombre d’unités) – risque (VaR).

Ces gains sont comparables à un « Produit 10-30 » utilisant également les marchés financiers en

émettant des obligations sur 10 ans et sur 30 ans. Afin de comparer avec la proposition C, l’écart

entre les taux chargés aux projets et ceux du gouvernement du Québec est de 100 points de base

(plutôt que 120 dans la section précédente, dans le cadre d’un produit hypothécaire).

Tableau 3.2 : Utilisation des Marchés Financiers - Approche « 10-30 »

(Risque Constant)

Produit 10-30

VaR fixe à 2,1% des coûts de réalisation

50 ans Nombre d'unités 2 488

Gain d'efficacité net 25,7 %

Ce tableau présente les résultats de la proposition théorique énoncée par le CIRANO (version marché des capitaux),

soit un produit sur 50 ans avec points de refinancement aux années 10 et 30. Le taux d’emprunt sur 10 ans est de

4,241 % et sur 30 ans de 4,744 %. La proportion du prêt hypothécaire des premiers 10 ans est de 19 % et les

proportions des emprunts gelés sur 10 ans et 30 ans sont de 24,7 % et de 10,5 % (respectivement). Les proportions

des différentes portions de prêts sont établies afin d’optimiser le ratio rendement (nombre d’unités) – risque (VaR).

On constate que ces deux produits sont très près en termes de gains pour le gouvernement. La

principale différence est l’utilisation de deux maturités, dans le cas du « 10-30 », permettant une

flexibilité accrue au cas où les taux sur 30 ans augmentaient plus rapidement que les taux sur 10

ans.

Il faut aussi spécifier que l’écart de 100 points de base proposé les auteurs de la proposition n’est

pas un écart provenant de négociations dans laquelle plusieurs joueurs seraient invités à

« miser ». Nous croyons donc que ce taux pourrait être réduit en injectant davantage de

compétitivité chez les intervenants financiers potentiellement impliqués dans un projet de

financement. À titre informatif, si l’écart passait de 100 à 75 points de base, les gains d’efficacité

passeraient à 29 % et à 31 % pour le produit de la proposition C et pour le « Produit 10-30 »,

respectivement.

41

Synthèse et autres éléments

La proposition C utilise des obligations à intérêts capitalisés sur 30 ans. Le remboursement de

ces obligations s’effectue par les projets à l’échéance en reprenant une hypothèque, cette fois sur

20 ans. La durée totale du financement est ainsi de 50 ans.

Un véhicule (SPE) doit être mis sur pieds afin de regrouper les prêts et émettre les obligations

sur les marchés financiers.

Les gains d’efficacité liés au produit atteignent 25 %. Ce gain est réalisé dans un contexte où les

obligations « 30 ans » sont « bon marché » par rapport à d’autres maturités. En effet, selon les

auteurs de la proposition, la demande à ce moment pour des titres ayant une maturité de 10 ans

est faible et l’émission de tels titres nécessiterait un écart de liquidité ou de crédit supérieur.

C’est donc pourquoi l’institution financière a choisi de présenter un exemple avec une obligation

de 30 ans uniquement.

En outre, une tranche de dette ne supporte aucun risque de taux car son rendement est connu au

temps 0. Ainsi, le montant à refinancer dans 30 ans, soit la valeur du notionnel et des intérêts

capitalisés, est également connu au temps t=0. Les projets et la SHQ pourraient donc planifier la

création d’une réserve en fonction de l’hypothèque qui devra être contractée dans 30 ans.

Les inconvénients sont reliés à la mise sur pieds de la structure, son coût de gestion et l’ampleur

requise pour obtenir une liquidité suffisante. Les risques de marché sont présents et pourraient

influer sur les écarts de taux demandés par le marché.

Somme toute, il est intéressant de voir dans cette proposition qu’une institution financière est

prête à offrir un produit de titrisation utilisant une partie de la créance des projets AccèsLogis.

Les estimations de taux sont probablement conservatrices, et un intérêt du gouvernement d’aller

de l’avant pourrait stimuler une compétitivité entraînant de meilleures conditions pour une telle

initiative.

42

3.4 Produits Financiers Structurés (proposition D)

La proposition D suggère la mise sur pieds un véhicule, sous la forme d’une fiducie, dans lequel

seraient transférés les prêts hypothécaires émis par les institutions financières, pour les projets

d’habitation communautaire. Ce transfert serait effectué de manière à ce que le véhicule donne

un montant de l’équivalent du capital aux institutions financières lui transférant les prêts. À partir

de ce moment, le véhicule deviendrait percepteur des paiements mensuels en capital et intérêts

sur ces prêts, via les institutions financières. Afin de financer ce transfert, le véhicule émettrait,

de son côté, des titres sur les marchés des capitaux.

Par contre, étant un produit structuré, la proposition D ferait en sorte que les titres émis par le

véhicule seraient des titres du marché monétaire, ici du papier commercial à échéance d’un mois

mais avec flexibilité d’échéance selon les conditions de marché. Le véhicule pourrait émettre des

billets à long terme si le marché monétaire (court terme) devenait moins liquide. Par exemple, le

véhicule pourrait émettre des obligations à intérêts capitalisés 30 ans dans une structure identique

à celle de la proposition C.

Structure et flux financiers

En premier lieu, les institutions financières contracteraient des prêts hypothécaires avec les

projets d’habitation, tout comme dans la situation actuelle. L’ensemble des institutions

financières accumuleraient ainsi un groupe de prêts jusqu’à ce que la somme des prêts de ce

groupe soit suffisamment grande pour effectuer une émission de titres (à valeur équivalente au

capital d’emprunt de ces prêts) sur les marchés financiers. À ce moment, avec un opérateur sur

les marchés des capitaux, le véhicule procéderait à une émission de titres à court terme dont le

produit servirait à « acheter » le groupe de prêts détenus par les institutions financières, qui

transféreraient la propriété des prêts au véhicule. Les institutions financières resteraient

gestionnaires et resteraient en charge du suivi des prêts. Le fait de transférer les prêts des

institutions financières vers le véhicule ne constitue pas un risque moral étant donné que

l’approbation des prêts se fait par le gouvernement et non les institutions financières elles-mêmes.

Utilisation d’un swap

Un fois le transfert d’actifs et l’émission de titres effectués, le véhicule devient le percepteur, via

les institutions financières, des remboursements en capital et intérêts sur les prêts hypothécaires.

La structure proposée dans la proposition D offre un taux fixe sur 10 ans pour les emprunteurs.

Ainsi, le véhicule recevrait un revenu d’intérêt basé sur un taux 10 ans, ainsi qu’une portion de

« revenu » en remboursement de capital. Pour annuler la disparité de flux financiers entre les

paiements sur un prêt hypothécaire à long terme28

(entrées de fonds) et des émissions de titres sur

un mois29

(sorties de fonds), le véhicule entrerait dans un contrat de swap de taux d’intérêts.

Selon cette entente, au lieu d’utiliser ses entrées de fonds (taux 10 ans) pour couvrir ses sorties

28

Par exemple, amorti sur 35 ans, et renouvelé deux fois aux 10 ans, avec un 5 ans supplémentaire. 29

Une émission est remboursée le mois suivant, avec intérêts, en réémettant le montant nécessaire sur le même

marché et en utilisant les entrées de fonds pour couvrir les frais d’intérêts.

43

de fonds (taux 1 mois), le véhicule utiliserait ses entrées de fonds (taux 10 ans) reçues à chaque

mois pour verser un montant mensuel fixe, basé sur un taux 10 ans, à une contrepartie de swap.

En échange, la contrepartie verse un montant mensuel variable, basé sur un taux 1 mois, qui sera

ensuite utilisé par le véhicule pour couvrir les intérêts contractés auprès des investisseurs qui

seront remboursés à chaque mois. Pat l’entremise du swap de taux d’intérêt, il n’y a donc plus

d’inadéquation entre la maturité des paiements hypothécaires et les sorties de fonds liées au titre

émis, soit le risque de taux.

Utilisation d’une ligne de crédit

En plus de s’être protégé du risque de taux d’intérêt par le contrat de swap, le véhicule se protège

ensuite contre le risque de liquidité, dans l’éventualité où les investisseurs ne soient pas présents

au moment de renouveler le papier commercial sur une base mensuelle. La première mesure de

protection est la plus simple ; émettre à une différente échéance si les investisseurs ne sont pas au

rendez-vous pour des titres 1 mois. Par exemple, émettre des titres 3 mois, 6 mois, 1 an, etc. En

cas de crise de liquidité « globale » (toutes les échéances), le véhicule aurait recours à une ligne

de crédit, contractée au préalable. Cette ligne de crédit est aussi un élément essentiel pour obtenir

une bonne note de crédit. Plus précisément, grâce à la qualité de crédit des prêts hypothécaires

sous-jacents (garantis par le gouvernement du Québec), et grâce aux bonifications de la qualité

de crédit comme le swap et la ligne de crédit, les analystes consultés estiment qu’il serait

possible d’obtenir une note de R-1 (high), soit la meilleure cote attribuable pour les produits

« court terme » par l’agence de notation Dominion Bond Rating Service (DBRS).

Pour résumer la structure et les flux financiers, le schéma suivant illustre les éléments

mentionnés plus haut.

Schéma 3.1 : Flux financiers d’un produit structuré pour prêts hypothécaires

Source : Institutions financières consultées.

44

Ce schéma montre, à gauche, l’entrée des paiements hypothécaires provenant des projets (capital

et intérêts), basés sur un taux d’intérêt fixe « 10 ans ». Le véhicule, au centre, reçoit ces

paiements et transfère les intérêts fixes « 10 ans » directement à la contrepartie de swap qui, en

échange, verse des intérêts variables « 1 mois ». Dans les faits, les deux parties ne s’échangent

que le montant net de la différence des taux.30

Ayant reçu les intérêts variables « 1 mois », le

véhicule peut rembourser les investisseurs de papier commercial en capital et intérêts. Le

montant pour les rembourser étant supérieur au montant reçu des projets, le véhicule procède à

une autre émission de papier commercial « 1 mois » (ou autre, selon les conditions de marché) et

utilise les montants liés à la nouvelle émission pour rembourser la majorité de celle qui est venue

à échéance. Au cas où cette nouvelle émission était un échec (soit une crise de liquidité sur les

marchés), le véhicule pourrait utiliser sa ligne de crédit afin de rembourser les investisseurs qui

sont rendus à échéance.

Autres paramètres

Comme l’avantage principal réside dans la réduction des coûts de financement, les paramètres

principaux sont ceux qui touchent aux frais estimés à la mise en place et à l’opération d’une telle

structure.

La durée proposée d’une telle structure est de 10 ans, renouvelable (par exemple, cinq fois pour

une hypothèque sur 50 ans). Les premiers frais à inclure sont les frais initiaux d’émission. Ceux-

ci sont des frais fixes comprenant : des frais d’administration et légaux pour la mise en place

d’un véhicule en forme de fiducie, des frais légaux liés à la ligne de crédit, et des frais

d’obtention d’une note de crédit. La somme de ces frais, amortie sur 10 ans, et en proportion du

capital moyen sur 10 ans pour un financement initial d’environ 250 M$, est équivalente à 2,3

points de base prélevés en frais annuels.

Ensuite, les frais récurrents annuels. Ceux-ci sont ajoutés aux frais initiaux amortis et la somme

annuelle déterminera le taux chargé aux emprunteurs. Les frais annuels incluent : les frais

d’émission et de distribution des titres, les charges annuelles pour l’agence de notation, les frais

comptables, ainsi que les frais de base sur la ligne de crédit. En chiffres, la somme de ces frais

équivaut à 80 points de base qui seront ajoutés au taux offert aux investisseurs. Il faut noter que

dans ces 80 points de base, 25 points de base représentent les frais de base sur la ligne de crédit

même si celle-ci reste inutilisée. En cas d’utilisation, le taux d’emprunt chargé au véhicule est

d’environ 125 points de base au-dessus du taux 1 mois.

Finalement, les frais doivent aussi incorporer les charges relatives au swap, et elles représentent

25 points de base. Les frais totaux chargés aux investisseurs représentent donc environ 100

points de base au-dessus du rendement donné aux investisseurs.

30

Par exemple, si le montant, en dollars, à verser en intérêts « 10 ans » est de 100$ et que le montant à recevoir en

intérêts « 1 mois » est de 95$, les parties ne s’échangent que la différence de 5$.

45

Un exemple chiffré

Ici, puisque la structure est trop différente des autres produits financiers présentés jusqu’à ce

stade, nous ne procéderons pas à une analyse par simulations mais plutôt par un exemple chiffré

avec un seul scénario de taux d’intérêt (arbitraire) afin de bien comprendre la structure. Les

paramètres de projets sont aussi quelque peu simplifiés pour faciliter la compréhension.

En utilisant un programme de prêts hypothécaires standards dans le cadre d’AccèsLogis pour la

réalisation de 2 000 unités, les projets empruntent pour une période de 35 ans et le gouvernement

sur une période de 15 ans. Selon la capacité de payer des projets, ceux-ci peuvent emprunter un

montant global d’environ 135 M$. Avec des coûts de réalisation de 150 000$ par unités (donc

des coûts globaux de réalisation de 300 M$), et avec une contribution du milieu fixée à 15 %,

soit 45 M$, la part résiduelle du gouvernement s’élève à 120 M$. La dette totale (projets +

gouvernement) contractée s’élève donc ici à 255 M$.31

Le tableau qui suit illustre les flux financiers d’une telle structure : on émet 255 M$ auprès

d’investisseurs que l’on rembourse après un mois, capital et intérêts (le taux du mois précédent,

divisé par 12). Ici, on présente une structure qui décroit dans le temps (avec le remboursement de

capital), pour fins de simplicité. Le véhicule, dans les faits, pourrait ajouter de nouveaux prêts au

fur et à mesure et garder constant, voire augmenter le capital d’emprunt dans le temps.

Simultanément, le véhicule reçoit un remboursement en capital et intérêts des emprunteurs (les

projets), ce qui réduit le montant en capital (solde), qui sera réémis aux investisseurs et qui

génère des revenus d’intérêts, ici basé sur un taux fixe pour 10 ans.

Ces revenus d’intérêts servent surtout à verser un taux fixe 10 ans à la contrepartie de swap

équivalent au taux des obligations canadiennes 10 ans, plus le swap spread de 25 points de base,

divisé par 12. Dans le tableau, le taux Canada 10 ans est de 1,84 %.

En échange du versement fixe, la contrepartie de swap verse le taux 1 mois (CDOR /

acceptations bancaires) qui est celui ultimement versé aux investisseurs.

Le véhicule génère donc un revenu net équivalent au paiement hypothécaire moins le flux net du

swap (qui est négatif quand le taux variable est plus petit que le taux fixe, et vice-versa). Il doit

ensuite couvrir l’écart entre le montant remboursé aux investisseurs et le nouveau montant émis

sur les marchés, et puis verser les frais d’administration au gestionnaire de la fiducie (soit 82,3

points de base divisé par 12, multiplié par le solde en capital). Le véhicule, dont le gouvernement

est le bénéficiaire, génère ainsi une marge qui pourra être utilisée pour rembourser le capital plus

vite. Il est important de spécifier que, grâce au swap de taux d’intérêt, la marge n’est pas affectée

par les fluctuations de taux sur 1 mois.

La marge provient directement de l’écart de taux entre le taux hypothécaire chargé et le swap à

payer. Le gouvernement peut donc décider de réduire ses propres mensualités en réduisant son

taux d’emprunt pour ramener la marge à zéro. Il peut aussi diminuer le taux des projets si ceux-ci

31

Toutefois, en date du 1er

avril 2012, la portion en subvention sera en effet rapportée au temps t=0. Ceci a pour

effet de réduire le volume total d’émission.

46

ont de la difficulté à payer, ou les deux. Aussi, il peut accumuler la marge pour parer à certaines

éventualités comme l’utilisation de la ligne de crédit en cas de crise de liquidité. Cette flexibilité

de gestion financière comporte donc des avantages indéniables pour le gouvernement, tout en

s’ajustant à la structure de prêt hypothécaire choisie (AccèsLogis 35 ans, prêts à capital et

intérêts reportés comme proposé par les institutions financières consultées).

47

Tableau 3.3 :

Exemple de Flux Financiers d’un Véhicule d’Émission de Titres à Court Terme Adossés à des Prêts Hypothécaires

Ce tableau montre un exemple de scénario de taux d’intérêt (annuel) 1 mois (1ère

colonne) sur un horizon de 10 ans, en ne conservant que les 5 premiers et 5

derniers mois (2ème

colonne). Le véhicule émet d’abord un montant de 255 M$, que les investisseurs lui transmettent (3ème

colonne), et que le véhicule transfère

aux emprunteurs via la titrisation par les institutions financières (6ème

colonne). Un mois plus tard, le véhicule doit rembourser le montant initial (255 M$) avec

les intérêts mensuels (4ème

colonne). Des emprunteurs, le véhicule reçoit un versement en capital et intérêts, basé sur la structure du prêt hypothécaire sous-jacent

(5ème

colonne) avec un versement en intérêts (taux 10 ans) qu’il transfère directement à la contrepartie de swap (9ème

colonne) en échange d’un versement en

intérêts (1 mois) (8ème

colonne). Le véhicule refait une émission équivalente au montant initial moins le capital remboursé par les projets (3ème

colonne). Ses

revenus d’intérêt, moins ses dépenses de swap et d’intérêts à verser aux investisseurs, moins ses frais de gestion, constituent la marge bénéficiaire du véhicule.

Investisseurs Emprunteurs Swap Véhicule / Fiducie

Taux

1 mois Mois Émissions

Rembourse-

ments Entrées Sorties Solde Entrées Sorties Net Revenus nets

Dépenses

(inv)

Dépenses

(gest) Marge

1,120 % 0 255 M$ 0 $ 0 $ 255 M$ 255 000 000 $ 0 $ 0 $ 0 $ 0 $ 0 $ 0 $ 0 $

0,893 % 1 254 336 636 $ 255 238 000 $ 1 441 528 $ 0 $ 254 336 636 $ 238 000 $ 445 188 $ (207 188 $) 1 234 340 $ 901 364 $ 174 859 $ 158 117 $

0,908 % 2 253 671 248 $ 254 525 950 $ 1 441 528 $ 0 $ 253 671 248 $ 189 314 $ 444 029 $ (254 715 $) 1 186 812 $ 854 702 $ 174 404 $ 157 706 $

1,072 % 3 253 003 830 $ 253 863 235 $ 1 441 528 $ 0 $ 253 003 830 $ 191 987 $ 442 868 $ (250 881 $) 1 190 647 $ 859 405 $ 173 948 $ 157 294 $

0,906 % 4 252 334 375 $ 253 229 948 $ 1 441 528 $ 0 $ 252 334 375 $ 226 118 $ 441 703 $ (215 584 $) 1 225 943 $ 895 573 $ 173 490 $ 156 880 $

1,064 % 5 251 662 876 $ 252 524 827 $ 1 441 528 $ 0 $ 251 662 876 $ 190 453 $ 440 534 $ (250 081 $) 1 191 447 $ 861 951 $ 173 031 $ 156 465 $

2,127 % 115 163 778 717 $ 164 942 507 $ 1 441 528 $ 0 $ 163 778 717 $ 224 919 $ 287 569 $ (62 650 $) 1 378 877 $ 1 163 791 $ 112 950 $ 102 136 $

2,244 % 116 162 836 980 $ 164 068 961 $ 1 441 528 $ 0 $ 162 836 980 $ 290 244 $ 285 930 $ 4 314 $ 1 445 842 $ 1 231 981 $ 112 307 $ 101 554 $

2,281 % 117 161 892 369 $ 163 141 552 $ 1 441 528 $ 0 $ 161 892 369 $ 304 572 $ 284 286 $ 20 286 $ 1 461 813 $ 1 249 182 $ 111 661 $ 100 970 $

2,252 % 118 160 944 876 $ 162 200 050 $ 1 441 528 $ 0 $ 160 944 876 $ 307 681 $ 282 637 $ 25 044 $ 1 466 571 $ 1 255 174 $ 111 013 $ 100 384 $

2,131 % 119 159 994 491 $ 161 246 858 $ 1 441 528 $ 0 $ 159 994 491 $ 301 982 $ 280 983 $ 20 999 $ 1 462 527 $ 1 252 367 $ 110 363 $ 99 797 $

1,963 % 120 159 041 207 $ 160 278 675 $ 1 441 528 $ 0 $ 159 041 207 $ 284 184 $ 279 324 $ 4 860 $ 1 446 388 $ 1 237 469 $ 109 712 $ 99 208 $

48

Synthèse

Ce produit structuré agrège les prêts des projets AccèsLogis, ou de toute autre structure, et

transforme les flux financiers de façon à pouvoir émettre des titres de la maturité désiré,

indépendamment de la maturité des prêts sous-jacents. Ainsi, cette structure peut être utilisée peu

importe le choix de mécanisme de financement hypothécaire. En effet, des prêts hypothécaires

avec amortissement plus ou moins long, ou encore avec portion(s) de capital et intérêts reportés

dans le temps pourraient être transférés dans cette structure qui a une grande flexibilité et un bon

potentiel d’adaptation aux conditions du marché. Cette grande flexibilité s’explique par le fait

que le véhicule, après un mois peut émettre un titre d’une durée de trois mois, si le taux 3 mois

est plus favorable.

L’avantage principal de cette structure est de minimiser les coûts de financement chargés autant

aux projets d’habitation qu’au gouvernement. Puisque les taux à court terme sont généralement

inférieurs aux taux à long terme, le véhicule génère des gains quant aux coûts d’emprunts en

émettant des titres à court terme (ici, un mois). L’entente de swap ainsi que la ligne de crédit

protègent contre les fluctuations de marché et contre une crise de liquidité entre les différentes

maturités. La structure peut changer la maturité des titres selon les conditions de marché.

Par rapport aux coûts de financement, le gouvernement a au moins deux options : un taux sur

cinq ans environ 100 points de base plus bas que le taux actuel d’AccèsLogis, soit une économie

potentielle annuelle de 10 M$ sur un stock de capital d’emprunt ayant atteint une valeur de 1 G$;

autrement, utiliser un taux fixe pendant 10 ans pour bénéficier d’une absence d’incertitude

financière pendant cette période. Le taux 10 ans serait légèrement plus élevé que le taux 5 ans;

c’est un compromis à évaluer.

49

3.5 Conclusion

Cette section du rapport concerne les méthodes de réduction des coûts d’emprunt pour les projets

AccèsLogis. Une approche de compétitivité entre les institutions financières est un premier pas

dans cette direction et devrait toujours être incorporée dans toute entente financière entre le

gouvernement et les milieux financiers. C’est toutefois l’utilisation des marchés financiers qui

constitue l’élément central de cette section. Certes, l’approche peut sembler plus complexe

qu’une simple approche « hypothécaire », mais il est important de se rappeler que ces approches

sont standards dans les milieux financiers, et que des gains substantiels peuvent être réalisés.

Un premier constat à faire dans cette section est que ces approches peuvent exister dans le

contexte AccèsLogis. En effet, à partir d’un produit théorique, le « Produit 10-30 », les

institutions financières ont pu offrir des propositions utilisant les concepts d’allongement de la

maturité, de reconfiguration des flux financiers et, surtout, d’utilisation des marchés financiers.

Un second constat est que des gains d’efficacité substantiels peuvent être réalisés. La proposition

de titrisation simple, sous la forme d’obligations « 30 ans », offre des gains de l’ordre de 25 %,

voire davantage si le taux d’intérêt est négocié plus activement. La proposition de produit

structuré (proposition D) ne se prête pas au même type d’analyse car la modélisation du risque

est différente, mais le potentiel de gains y est aussi substantiel de par sa flexibilité.

Par contre, l’utilisation des marchés financiers comporte certains risques et désavantages. Le

principal risque demeure celui de la liquidité. Un programme non liquide pourrait entraîner des

écarts de taux d’intérêt contrebalançant les avantages visés. Enfin, la complexité de la structure

et les frais de mise sur pieds doivent être pris en considération. Par exemple, les frais initiaux

(légaux, comptables, notation de crédit, etc.) pourraient atteindre 500 000$. C’est une raison

pourquoi un niveau d’émission de 100 M$ et plus semble un niveau acceptable puisque ces frais

n’y représenteraient que 0,5 % de l’émission.

Il s’y trouve aussi certainement ce que l’on peut appeler un risque opérationnel associé à la mise

en place de telles structures de financement. Une expertise considérable est requise à la fois pour

la mise en place que pour l’exécution. Dans ce contexte, il est probable que le mandat de la SHQ

pourrait être modifié pour incorporer une supervision des entités sur les marchés des capitaux.

50

Section 4 Conclusion et Pistes de Réflexion

Ce rapport peut se diviser en deux grandes parties sur l’analyse des propositions de produits

financiers : soit l’approche « hypothécaire », ou d’intermédiation financière, et l’approche des

marchés financiers, soit de désintermédiation financière.

Dans cette section concluant le rapport, nous procédons à un survol des propositions financières

pouvant améliorer l’offre de logements avec une appréciation du potentiel de chacune, selon nos

mesures de gains et de risques financiers. La section se termine avec des pistes de réflexion.

4.1 Retour sur les Propositions de Produits Financiers

En utilisant des paramètres de projets représentant la cohorte la plus récente de projets des Volets

I & II du programme AccèsLogis, et des données historiques des taux de croissance sur plusieurs

années, nous avons procédé à des analyses quantitatives générant plusieurs milliers de scénarios

de taux d’intérêt hypothécaires et d’inflation.

La première étape était d’effectuer une simulation pour mesurer la portée du statut quo, soit le

programme actuel AccèsLogis avec une maturité de 35 ans. La portée du programme, si le

gouvernement décide de verser l’équivalent d’une subvention à la réalisation de 120

M$ annuellement, est la construction de 1 980 unités (soit environ les 2 000 unités annoncées

dans le budget 2011-2012 du Ministère des Finances du Québec).

Le résultat principal de cette simulation du cas de base est une Valeur à Risque (VaR)

représentant 2,1 % des coûts de réalisation, soit environ 3 220$ par unité, en valeur actuelle. La

raison de quantifier le risque en pourcentage des coûts de réalisation est que ces pertes

potentielles sont supportées par le gouvernement, via la garantie de prêt octroyée aux projets.

Ainsi, dans ce cas, la subvention initiale est d’environ 39 % et, considérant le risque, on pourrait

établir que le coût total s’établirait donc à 41 %. Par rapport au budget annuel, ces pertes

potentielles représentent 6,4 M$ additionnels pour chaque cohorte de 1 980 unités (avec VaR

unitaire de 3 220$).

Utilisant une approche hypothécaire, deux propositions d’institutions financières ont été

analysées. Un produit théorique est aussi présenté, soit le « Produit 10-30 » sous une forme de

prêt hypothécaire modifié.

Utilisant une approche de marchés financiers, deux autres propositions d’institutions

financières ont été analysées. Un produit théorique est aussi présenté, soit le « Produit 10-30 »

sous une forme d’obligations sur les marchés financiers.

51

En les présentant selon les gains d’efficacité réalisés, le tableau suivant offre une liste des

différentes propositions.

Tableau 4.1 : Propositions financières

VaR fixe à 2,1% des coûts de réalisation

35 ans AccèsLogis (Statut quo)

Nombre d'unités 1 980

Propositions Hypothécaires

40 ans Proposition A

Taux sur 10 ans, renouvelé

Nombre d'unités 2 064

Gain d'efficacité net 4,2 %

50 ans Proposition B

Hypothèque 50 ans*

Nombre d'unités 2 190

Gain d'efficacité net 10,6 %

Propositions Marchés Financiers

50 ans Proposition C

Obligations sur 30 ans

Nombre d'unités 2 482

Gain d'efficacité net 25,4 %

Flexible Proposition D

Produit structuré

Gains selon structure choisie, selon marché

* Entente limitée à 30 ans. Renouvelable aux 5 ans subséquents.

Les détails sur les calculs et les résultats sont présentés aux Sections 2 et 3.

Dans les propositions hypothécaires, la plus prometteuse est la proposition A puisque la

proposition B manquait l’engagement formel pour 50 ans, mais permet de s’engager sur 30 ans

puis renouveler subséquemment aux 5 ans. La proposition A est toutefois limitée en termes de

gains d’efficacité ; 4 % de gain ne semble pas suffisant pour tout remanier le programme

AccèsLogis en faveur d’une telle approche. Par contre, nous avons proposé des variantes

« théoriques » (c’est-à-dire non formellement approuvées par une institution financière). En effet,

grâce à la proposition A, nous savons maintenant qu’il est possible pour une institution

52

financière d’offrir un produit qui reconfigure les flux financiers, et ce, à l’intérieur d’un produit

hypothécaire. À partir de ce modèle, nous considérons les variations suivantes, ainsi que la

proposition « 10-30 ».

Tableau 0.2 : Propositions Théoriques (CIRANO)

40 ans Variante théorique #1

Taux fixe sur 20 ans

Nombre d'unités 2 142

Gain d'efficacité net 8,2 %

50 ans Variante théorique #2

Taux sur 10 ans, renouvelé

Nombre d'unités 2 246

Gain d'efficacité net 13,4 %

50 ans Variante théorique #3

Taux fixe sur 20 ans

Nombre d'unités 2 354

Gain d'efficacité net 18,9 %

50 ans Produit 10-30

Approche hypothécaire (Qc + 120)

Nombre d'unités 2 425

Gain d'efficacité net 22,5 %

Les détails sur les calculs et les résultats sont présentés aux Sections 2 et 3.

Dans son contexte actuel, les institutions financières consultées ne peuvent s’engager à offrir ces

produits. Néanmoins, un modèle global sur 40 ou 50 ans, avec point(s) de refinancement à (aux)

l’année(s) 10, 20, ou 30 et avec taux fixes sur les portions à refinancer nous semble une avenue à

explorer par la SHQ auprès de ses partenaires financiers ou auprès d’autres institutions

financières. Par exemple, un produit sur 50 ans, avec point de refinancement à l’an 20 et taux

fixe sur cette période (Qc + 120 pdb) génère 19 % de gains pour la SHQ. Deux points de

refinancement aux années 10 et 30, avec taux fixes (Qc + 120 pdb) génère plus de 22 % de gains.

Concernant les propositions utilisant les marchés financiers, en retournant au tableau précédent,

la proposition d’obligations sur 30 ans (proposition C) est la seule pouvant être quantifiée

directement et génère plus de 25 % de gains. Combiner une structure à obligations avec un

produit structuré comme celui de la proposition D, pourrait accroître davantage ces gains. Il faut

noter que la proposition de produit structuré pourrait s’appliquer à tous les produits financiers

présentés dans ce rapport afin de réduire leur coût d’emprunt.

53

4.2 Recommandations Globales concernant les Produits Financiers

En somme, si le gouvernement décide d’opter pour une solution sur les marchés financiers, il

pourrait le faire en un premier temps avec un produit de titrisation simple comme les obligations

à zéro-coupon sur 30 ans, pour ensuite appliquer une structure comme celle de la proposition D.

Si toutefois le gouvernement préfère s’en tenir aux produits hypothécaires, les produits

actuellement proposés ne génèrent pas de gains suffisants pour justifier un changement du

programme. Or, grâce à la proposition A, nous savons maintenant qu’il est possible pour une

institution de modifier ses prêts standards et que, en poursuivant des travaux avec eux ou auprès

d’autres institutions financières, des gains potentiellement important (jusqu’à 22 %) pourraient

être réalisés, et sans recours aux marchés des capitaux.

Nous recommandons la création d’une réserve centralisée. Les projets garderaient un compte en

leur nom, et les fonds ne seraient pas mutualisés (un bon gestionnaire ne paierait pas pour un

mauvais gestionnaire). L’objectif est au niveau de la gestion de ces fonds. En plus de permettre

un retour des montants dans des investissements socialement responsables ainsi que de générer

des rendements supérieurs pour les projets cotisant périodiquement à leurs réserves, le

gouvernement pourrait faire un suivi des dépôts afin de voir si un ou des projets est en difficulté.

Avant de mettre en place toute nouvelle structure financière visant l’augmentation de la capacité

d’emprunt des projets, il faut en mesurer l’impact sur la dette publique. Pour ce qui est des

propositions hypothécaires, leur similarité institutionnelle au statut quo permet de croire que

l’effet sur la dette serait le même qu’avec les prêts hypothécaires actuels, si la garantie est

maintenue. Le montant ajouté au passif serait potentiellement plus élevé si l’emprunt est plus

grand et dure plus longtemps. Un programme de gestion de risques et d’assurance pourrait

atténuer cet effet. Dans le cas de produits émis sur les marchés financiers (ou par placement

privé), le traitement comptable d’une garantie (le cas échéant) demeure incertain. La hiérarchie

du prêt hypothécaire et l’introduction d’un nouveau véhicule sont des composantes nouvelles.

Dans tous les cas, ces enjeux sont importants, mais soulève la question du compromis entre dette

et gains d’efficacité. En effet, si une structure permet au gouvernement de livrer davantage

d’unités, ou de générer des économies budgétaires, l’effet sur la dette pourrait être justifié.

Encore une fois, des mécanismes de gestion de risque (ex. réserves, assurances, suivi, etc.)

pourraient atténuer ces effets. Qui plus est, et c’est le thème central des pistes de réflexion

présentées plus bas, il se pourrait que le gouvernement puisse effectuer des modifications au

programme de telle sorte à lui générer de l’actif. Dans une telle situation, sa dette nette pourrait

se voir diminuée substantiellement.

54

4.3 Autres Pistes de Réflexion

Nous terminons ce rapport avec quelques réflexions sur la présente structure financière du parc

immobilier bâti sous l’étendard du programme AccèsLogis.

L’équité inerte

Les projets AccèsLogis sont réalisés grâce à une structure d’emprunt, un prêt hypothécaire.

Aussi, tous ces projets entament leur existence avec un certain niveau d’équité, ou de capitaux

propres. Par exemple, si une bâtisse coûte (et a une valeur marchande de) 100 000$, avec une

mise de fonds de 20 000$ et un emprunt de 80 000$, son équité initiale sera l’équivalent du

20 000$, ou 20 %, versé en argent; dans notre cas, en subventions. Dans le cas des logements

bâtis au Québec dans le cadre du principal programme gouvernemental, l’équité initiale du point

de vue du projet représente plutôt 60 %.

Ensuite, tout remboursement sur l’emprunt, jusqu’à la fin des paiements sur la dette, génère de

l’équité supplémentaire. Dans ce contexte concernant l’équité, il faut se positionner sur le bien-

fondé de générer de l’équité privée par des projets créés et maintenus par du financement public.

À cet égard, il faut d’ailleurs ajouter que les versements faits à travers le temps par les projets

proviennent en partie de suppléments publics aux loyers (subvention) et que les versements

hypothécaires en capital sont augmentés par un taux d’intérêt en-deçà du taux commercial, grâce

à une garantie de prêt gouvernementale (subvention).

Tout de même, force est de constater que l’équité réelle dégagée par ces projets n’appartient ni

totalement aux projets (légalement oui, mais socialement et économiquement non), de par leur

structure collective, ni au gouvernement qui la finance massivement. De plus, le milieu

communautaire est très clair à cet égard; les locataires dans les projets ne sont pas là pour

générer de l’équité ou du gain en capital sur leur part des projets.

Pour l’instant, cette équité est socialement, économiquement, et financièrement inerte. Le capital

ayant été dispersé à travers le parc immobilier dans les projets individuels ne peut être ensuite

utilisé pour générer un effet social positif via un quelconque effet levier basé soit sur le projet

lui-même (ayant probablement généré des gains de valeurs considérables) ou soit sur la totalité

des projets constituant le parc (qui a très certainement gagné en valeur). 32

De plus, le

gouvernement continue ultimement d’assumer tous les risques associés aux projets, de telle sorte

que les interventions financières vers les projets en difficulté se font au détriment de la

croissance du parc.

Ces constats rendent donc beaucoup plus envisageable toute initiative augmentant l’emprunt des

projets, puisque toute réduction de l’équité a un effet nul si elle n’appartient à personne. Cette

mesure se fait donc dans l’optique d’en faire bénéficier les (plus nombreux) futurs locataires. Le

concept d’équité reprend alors tout son sens.

32 Cette situation de capital inerte est dans l’esprit des propos de l’économiste Hernando de Soto et de son livre The Mystery of

Capital (2000). Il y élabore sur l’impact de droits de propriété clairs dans le développement économique.

55

Une fois qu’il est socialement justifié de diminuer l’équité individuelle des projets ou, par

ricochet, ranimer l’équité inerte d’un parc de projet, la question repose sur quel outil de

financement pourra être utilisé pour générer cet effet levier, tout en préservant le but ultime de

l’initiative; loger des gens dans le besoin à des niveaux de loyers abordables et non d’utiliser des

fonds publics pour générer de l’équité privée. De plus, quel outil atteindra cet objectif en

diminuant, ou gardant équivalent, le niveau de risque supporté par le fournisseur de fonds et

l’endosseur d’emprunt; le gouvernement.

Actif et Passif

L’argument ci-dessus mettait en valeur le bien fondé d’augmenter l’emprunt des projets

puisqu’ils ne sont pas constitués dans le but de générer de l’équité. Par contre, ils en génèrent. Le

problème est qu’ils en génèrent d’une manière atomisée et sans potentiel effet levier pour

construire davantage de projets de logements.

L’atomisation de l’équité du parc immobilier d’AccèsLogis en plus de 700 entités légales

séparées a au moins deux conséquences défavorables pour le gouvernement et la société, surtout

cette portion de la société nécessitant une disponibilité de logements à loyers correspondant à des

revenus plus faibles.

La première conséquence est pour le gouvernement, et par ricochet, pour l’ensemble des

contribuables. Par ses obligations contractuelles (perçues comme étant intégrées sous peu dans la

dette du Québec), provenant de sa subvention à la réalisation, et par sa garantie sur les prêts

hypothécaires, le gouvernement fait non seulement face à du passif comptable, il ne fait aussi

face qu’à des pertes financières en cas de problèmes financiers des projets. Tous ses

investissements dans le logement communautaire sont actuellement invisibles dans ses livres

comptables puisque l’actif est atomisé, divisé et transféré aux différents projets, malgré un

montant très élevé de subventions pour créer et maintenir cet actif. Avec un actif correspondant à

ses investissements la dette nette du Québec serait réduite, et les modalités d’emprunt globales

du gouvernement pourraient être améliorées.

La deuxième conséquence est pour le financement du parc lui-même. Si l’actif était rassemblé

sous un seul toit, sous une seule entité, cette entité aurait une capacité d’emprunt beaucoup plus

favorable, dans des conditions certainement plus avantageuses que d’introduire des centaines de

prêts hypothécaires via les institutions financières. L’exemple mentionné plus tôt dans ce rapport

concernant l’agrégation des réserves se situe dans la même lignée d’avantages financiers lorsque

les actifs sont rassemblés.

Quelques pistes pourraient être explorées. D’une part, la taille (en nombre d’unités) des

coopératives et des OBNL pourrait être accrue. Ainsi, à l’intérieur de ces organismes, l’équité est

mutualisée et pourrait permettre d’augmenter la capacité de financement. En outre, les gains de

certaines unités peuvent compenser les pertes d’autres à l’intérieur même d’un organisme.

L’accroissement de la taille permet également de mettre en commun certains frais et dépenses.33

D’autre part, certains intervenants rencontrés ont émis l’opinion que les terrains pourraient

33

Une étude mesurant les impacts financiers relatifs à la taille des projets pourrait être envisagée par la SHQ.

56

appartenir au gouvernement (ce qui constituerait en quelque sorte la subvention à la réalisation)

alors que les édifices seraient la propriété des projets. Ainsi, se réaliserait une mutualisation

partielle du parc, tout en créant de l’actif pour le gouvernement. Des frais de location pourraient

aussi être considérés, notamment après la période d’amortissement hypothécaire, qui pourrait

refléter la valeur de la garantie octroyée par le gouvernement et qui serviraient à bonifier le

programme global.

Enfin, il pourrait être intéressant pour la SHQ et le gouvernement du Québec d’évaluer des

possibilités de ramener complètement l’actif, soit la propriété des projets AccèsLogis, sous un

même toit dans une entité appartenant au gouvernement. Les projets pourraient continuer

d’opérer comme coopératives, organismes à but non lucratif, ou offices d’habitation sans être

nécessairement propriétaires, ce qui n’est pas un objectif principal pour un programme de

logement communautaire et social; des loyers abordables sont l’objectif principal.

Un exemple de parc mutualisé

Lors du mandat de l’équipe du CIRANO, l’organisme Toronto Community Housing Corporation

(TCHC) a été rencontré afin de mieux comprendre le succès de leur montage financier menant à

l’émission d’obligations à long terme (30 ans) pour financer un vaste projet de revitalisation d’un

important quartier de la ville de Toronto, Regent Park. Cette entité, TCHC, détenue par la

municipalité de Toronto est propriétaire de l’actif immobilier qui est réalisé sous son initiative.

Les loyers versés par les locataires reviennent donc à TCHC qui peut ainsi honorer ses

engagements financiers liés à l’emprunt. Le volume atteint par cette initiative permet l’accès

direct aux marchés financiers; en effet, ils ont pu procéder à deux émissions d’obligations de 250

M$ et de 200 M$ en 2007 et en 2010, respectivement.34

Une condition essentielle à ces

émissions est l’obtention d’une note de crédit (ici, par l’agence Standard & Poor’s). Cette

nécessité impose une discipline de gestion et d’information financières qui nous apparaît

fondamentale.

En somme, un modèle où l’actif immobilier est entre les mains du gouvernement existe ailleurs

et permet des gains intéressant, permettant par la suite de réaliser davantage d’unités d’habitation

dans un contexte où les finances publiques sont plus serrées.

Ranimer le capital pour maximiser l’impact social

Nous terminons donc ce rapport avec cette recommandation finale : le gouvernement devrait

investiguer dans la direction de solutions réorganisant la structure de capital de la SHQ, et son

lien légal avec les projets de programmes comme AccèsLogis, de façon à ce que le capital

engagé dans leur développement puisse, au moins en partie, être incorporé à titre d’actif pour

l’entité publique. Ce capital pourra ensuite servir de levier à la SHQ pour bonifier son impact

social.

34

Les détails de leur méthode et de leur contexte ont déjà été déposés au gouvernement et un document

complémentaire est disponible sur le site Web du rapport.

57

Annexe A : Détails sur la Méthodologie de Simulation Financière

Simulation des Taux d’Intérêt et Inflation

1. Données historiques mensuelles (Banque du Canada, 1914-2010, selon données disponibles) :

Obligations Canada 10 ans

Papier commercial 3 mois

Taux hypothécaire 5 ans

Inflation

2. Régression linéaire sur données annuelles (1973-2010)

Résultats :

* Les taux hypothécaires sont déterminés en fonction de leur relation historique avec les taux

long terme et court terme. L’imputation est faite à partir d’un modèle de régression linéaire.

Pour plus de détails sur la régression linéaire, voir :

Greene, W. H. (2011) : « Econometric Analysis », 7th

ed., Pearson International Edition.

3. Simulation du taux hypothécaire 5 ans et de l’inflation

Modèle pour chaque intrant (Canada 10 ans, PC 3 mois, Inflation) : Cox-Ingersoll-Ross

Source : Huynh, H.T., V.S. Lai, I. Soumaré (2008) : « Stochastic Simulation and Applications in

Finance with Matlab Programs », Wiley Finance.

58

Paramètres utilisés :

Inflation

κ = 0,25

θ = 2%

σ = 1,5%

= 2,5%

Papier commercial 3 mois

κ = 0,25

θ = 3,06%

σ = 3,1%

= 1,16%

Obligations Canada 10 ans

κ = 0,25

θ = 4,73%

σ = 2%

= 1,98%

Structure de corrélation pour (copule gaussienne) :

Matrice de corrélation (Inflation-PC3m-Obl10a)

Simulation stochastique

Fonction randn de Matlab pour générer 10 000 scénarios de 3 variables N(0,1) indépendantes

puis reliées par une matrice de factorisation de Cholesky pour intégrer la structure de corrélation.

Une fois les 3 vecteurs d’inflation, de taux Canada 10 ans, et de taux papier commercial 3 mois

simulés, les deux vecteurs de taux entrent dans la formule de régression linéaire pour générer un

vecteur pour les taux hypothécaires 5 ans.

Deux vecteurs (corrélés) générés :

Inflation

Taux hypothécaires 5 ans

Source : Cherubini, U., E. Luciano, W. Vecchiato (2004) : « Copula Methods in Finance »,

Wiley Finance.

59

Annexe B : Acronymes

ACL Programme AccèsLogis Québec

CDOR Canadian Dealer Offered Rate

DAF Demande d'Aide Financière

DAI Date d'Ajustement des Intérêts

FQHC Fonds Québécois d'Habitation Communautaire

GRT Groupe de Ressources Techniques

IPC Indice des Prix à la Consommation

MFQ Ministère des Finances du Québec

OBNL Organisme à But Non Lucratif

OH Office d'Habitation

pdb Points De Base

RDQ Reste Du Québec

SCHL Société Canadienne d'Hypothèques et de Logement

SHQ Société d'Habitation du Québec

TCHC Toronto Community Housing Corporation

VaR Valeur à Risque