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United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture International Bioethics Committee (IBC) Comité international de bioéthique (CIB) Distribution: limitée CIP/BIO/95/CONF.002/4 Paris, 15 décembre 1995 Originale : anglais Le conseil génétique ______________ Rapporteur : Michel Revel

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United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture International Bioethics Committee (IBC) Comité international de bioéthique (CIB)

Distribution: limitée

CIP/BIO/95/CONF.002/4 Paris, 15 décembre 1995

Originale : anglais

LLee ccoonnsseeiill ggéénnééttiiqquuee ______________

Rapporteur : Michel Revel

Ce rapport concerne le conseil génétique et ses implications bioéthiques. Il est une suite logique des Rapports de 1994 sur le dépistage et les tests génétiques et sur la thérapie génique(1, 2), puisqu'il concerne l'impact de ces applications scientifiques sur l'individu (né ou à naître) et quelquefois sur la société.

Des tests génétiques de plus en plus nombreux sont à notre disposition, ce qui confère à la spécialité du conseil génétique une place sans cesse plus importante dans la pratique médicale. Le conseil génétique fait le lien entre les technologies génétiques, dont certaines ont été acquises grâce au Projet sur le Génome Humain, et le traitement des patients. On peut le définir comme un processus de communication qui inclut un diagnostic, une explication et des choix (section II.1). Le présent rapport examine d'une part les objectifs et la pratique du conseil génétique aujourd'hui, d'autre part les enjeux bioéthiques liés aux questions scientifiques, à la protection des personnes qui reçoivent le conseil (les consultants) et les problèmes moraux qu'ils posent à la société dans son ensemble.

I. Les objectifs du conseil génétique Le Rapport du Comité international de bioéthique de l'UNESCO (CIB) de 1994 (1) dresse une liste des tests génétiques, auxquels il faut ajouter en 1995 plusieurs nouveaux tests d'ADN. Il indique qu'il est possible :

• de diagnostiquer des maladies congénitales et héréditaires sur des patients malades atteints avec une certitude et une précision accrues (par exemple, en définissant la mutation en cause) ;

• d'évaluer les risques de contracter la maladie chez des individus ou des familles non encore atteints (par exemple, maladies à déclenchement tardif et gènes de susceptibilité, porteurs sains) ;

• de prendre des mesures pour tenter d'atténuer l'expression clinique de cette maladie, de diminuer le risque de la contracter et de tenter de la prévenir (par exemple, par le contrôle, par un diagnostic clinique précoce, par une thérapie génique somatique) ;

• d'évaluer les risques de naissance d'enfants porteurs d'une maladie génétique et de prendre des décisions sur le destin du foetus (mesures à prendre à la naissance, interruption volontaire de grossesse) ;

• de donner des moyens d'éviter la conception ou l'implantation d'embryons porteurs de maladies génétiques (par exemple, consultation prénuptiale, implantation sélective, stérilisation).

Les tests génétiques devraient s'accompagner, dans la mesure du possible, du conseil génétique. L'objectif du conseil génétique est de communiquer aux patients, aux parents ou aux familles, des informations et des possibilités de choix, décrites plus haut. Cette activité doit être considérée comme un acte médical concernant un état pathologique pour lequel un patient (y compris une future mère) ou une famille viennent chercher de l'aide auprès d'un médecin. Le conseil génétique vise également à faciliter la prise de décision d'un individu face à différentes options.

Cependant, puisque les tests génétiques se multiplieront à mesure qu'on disposera de nouvelles sondes génétiques pour les 3000 maladies génétiques connues (peut-être 5% de la totalité des gènes humains), et qu'il pourrait y avoir une tendance à développer le dépistage génétique, le domaine de la consultation pourra progressivement s'élargir :

• aux familles ayant une histoire de maladies (par exemple, cancers, avortements, problèmes psychiatriques) ;

• aux populations à risque du fait de l'âge de la reproduction, de l'environnement (exposition à des radiations ou à des mutagènes, modes de vie) ou de facteurs géographiques (régions présentant une haute fréquence d'une maladie génétique, telle que la ß-thalassémie à Chypre et en Sardaigne, ou la maladie de Tay-Sachs chez les Juifs originaires d'Europe de l'Est) ;

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• à l'ensemble de la population (programmes de dépistage, tests génétiques "vendus en grande surface"), avec toutes les inquiétudes qu'il peut soulever et qui doivent être appréciées par rapport aux éventuels bénéfices de santé publique.

En maints aspects le conseil génétique se situe donc parmi les objectifs de la pratique médicale (médecine prédictive). Cependant, certaines des questions qu'elle soulève doivent être considérées comme relevant plutôt du domaine de la recherche scientifique, puisque les connaissances concernant les gènes impliqués dans l'étiologie des maladies humaines, les limites de leur variabilité normale et de leur polymorphisme, leur interaction avec les facteurs environnementaux et avec d'autres gènes, sont encore en train d'évoluer. Ceci devrait se répercuter sur le processus d'information et de communication qui est une partie du conseil génétique. Ce processus est délicat et requiert une grande expertise dans l'information des consultants (section III).

La manière dont les choix pratiques ouverts aux consultants sont présentés est une part importante du conseil génétique : elle touche à des conceptions morales, sociales ou traditionnelles, ce qui renforce le cadre éthique du conseil. Celui-ci devrait faire bénéficier les consultants des aspects bénéfiques des tests génétiques : une meilleure évaluation des risques génétiques qui souvent rassure, la possibilité d'une préparation ou d'une intervention, des capacités plus sûres d'une reproduction saine (section IV). Toutefois, les questions morales, l'incidence des intérêts et des pièges socio-politiques, devraient être le souci constant du conseiller génétique (section V).

II. La pratique du conseil génétique : une enquête Cette partie du rapport se fonde sur les réponses à un questionnaire visant à obtenir des informations sur la manière dont le conseil génétique est pratiqué dans différents pays. Ces réponses ont été fournies par des membres du CIB et des professionnels éminents. (Etats-Unis d'Amérique : Dr A. Robinson, "National Jewish Center for Immunology and Respiratory Medicine", Denver, Colorado ; Prof. V.B. Penchaszadeh, Génétique médicale, "Beth Israel Medical Center", New York ; Royaume-Uni : Dr D. Shapiro, "Nuffield Council on Bioethics" ; Italie : Prof. A. Bompiani, Société italienne de bioéthique, Comité national de bioéthique ; Chili : Dr R. Cruz-Coke, Service de génétique, Hôpital J.J. Aguirre, Université du Chili ; Mexique : Dr R. Lisker Y. ; Argentine : Dr L. Vidal-Rioja, IMBICE ; Japon : Dr D. Macer, "Institute of Biological Sciences", Université de Tsukuba ; Israël : Dr R. Carmi, Service de génétique, Hôpital Soroka, Ben Gurion University, Beer-Sheba ; Chine : Dr Qiu Renzong, Bioéthique, Académie chinoise des sciences sociales, Pékin ; Zaïre : Rev. J.-M. Mpendawatu, Vatican.) Nous donnons ici, pour éclairer leurs opinions, quelques extraits de leurs réponses, mais il serait souhaitable, pour une étude plus complète, de consulter l'ensemble des documents.

2.1 Définition du conseil génétique Les définitions données convergent pour admettre qu'il s'agit d'une communication d'informations concernant un état génétique diagnostiqué, permettant de prendre une décision, aussi autonome que possible, tout en protégeant les particularités psychologiques et éthiques de la personne qui demande la consultation. S'il est défini dans de nombreux pays comme une relation médecin-patient, le conseil génétique, du fait de sa complexité, a fait naître une nouvelle profession, notamment aux Etats-Unis d'Amérique : celle de conseillers génétiques non-médecins.

• ETATS-UNIS D'AMERIQUE : Un procès de communication qui suppose un diagnostic, des explications et des choix (comme toute consultation médicale). Toutefois, dans le conseil génétique, il existe un besoin plus grand de détails, en particulier pour l'explication et la décision, pour lesquels un soutien humain et psychologique joue un rôle essentiel. Les conseillers sont engagés dans l'éthique du "droit des gens au savoir".

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• ROYAUME-UNI : Le conseil génétique comprend la précision du diagnostic, une appréciation des risques et un rôle de soutien, afin de s'assurer que les personnes sont en mesure de bénéficier tant de l'information génétique que des interventions disponibles.

• ITALIE : Les objectifs, les méthodes et les indications de la consultation génétique sont les suivants :

Objectif : apporter une information aux patients (et/ou à leurs consanguins), risquant de contracter une maladie qui peut être héréditaire, sur : - les conséquences de la pathologie en question - la probabilité de la contracter et de la transmettre - la possibilité de la tenir en échec et de la soigner

Méthodes : - construction et analyse des antécédents familiaux - calcul (mendélien ou empirique) du risque de récurrence - estimation du coefficient de consanguinité - analyses plus spécifiques

Cas où la consultation est indiquée :

- maladie connue ou présumée dans la famille du patient - malformation congénitale - retard mental - consanguinité - avortements répétés, infertilité (également section II.3).

• CHILI : Un processus médical de communication entre un médecin et un consultant dans lequel le savoir scientifique, les données et les faits sont échangés afin de fournir un cadre permettant de comprendre le problème génétique du patient et de la famille.

• ARGENTINE : Mieux nommée "information génétique" - un instrument utile à la médecine préventive.

• ZAIRE : Information sur une éventuelle pathologie, non thérapeutique mais prédictive.

II.2 Qui fait du conseil génétique ? Combien compte-t-on de conseillers, grosso modo ? Quelles sont leurs qualifications professionnelles ? Sont-ils titulaires d'une autorisation ou d'un diplôme ?

Des différences apparaissent entre les pays où le conseil génétique est fait par des médecins spécialisés, ou par des généralistes possédant plus ou moins de compétence et d'expérience en génétique médicale, et des pays où il existe en outre un corps professionnel de conseillers génétiques qui ne sont pas médecins. Des psychologues et des spécialistes de l'éthique peuvent y prendre part dans certains pays. La demande croissante de conseillers génétiques de tous les types est évidente dans tous les pays. Lorsqu'il est donné, le nombre de conseillers par million d'habitants varie de 6-4 (Israël, Etats-Unis d'Amérique, Italie), à 2,9 (Royaume-Uni), à 1,1 (Chili), et 0,3 (Chine).

• ETATS-UNIS D'AMERIQUE : Plusieurs groupes de professionnels qualifiés :

- médecins généticiens : médecins, souvent pédiatres - docteurs (PhD) en génétique médicale - conseillers : niveau d'une maîtrise scientifique

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- certaines consultations sont faites par des médecins non spécialisés, tels que des obstétriciens, d'autres par des infirmières et des travailleurs sociaux (ces derniers n'étant pas très bien formés pour le moment).

La majorité des conseillers bien formés et qualifiés (les trois premiers groupes) travaillent dans des cliniques approuvées et certifiées par le "American Board of Medical Genetics" (Bureau américain de génétique médicale). La plus grande part du conseil génétique professionnel aux Etats-Unis est faite par des conseillers génétiques qui possèdent le niveau d'une maîtrise ès sciences et qui ont eu deux ans de formation en génétique médicale (au cours de leurs études supérieures) après leur sortie du Collège (au niveau d'un troisième cycle). Cette formation doit être certifiée par "l'American Board of Genetic Counselling" (ABGC). Le programme inclut tous les aspects de la génétique humaine et médicale et les étudiants doivent être supervisés par des médecins généticiens certifiés par le Bureau. Ils doivent présenter un rapport sur 50 cas qu'ils ont suivis. L'enseignement inclut : génétique clinique, génétique moléculaire, cytogénétique, techniques de consultation, facteurs psychosociaux influençant le conseil, éthique et génétique des populations. Pour être qualifiés, les conseillers génétiques doivent réussir un examen préparé par l'ABGC. Ceux qui possèdent le niveau d'une maîtrise ès sciences travaillent sous la supervision d'un médecin généticien qui possède un doctorat, sous le nom duquel les responsabilités sont prises.

Il y a actuellement environ 950 conseillers génétiques ainsi qualifiés aux Etats-Unis et 60 équipes de formation. Il existe également une organisation professionnelle, la "National Society of Genetic Counsellors" (NSGC), qui publie une revue (Journal of Genetic Counselling) et qui possède un programme actif de formation continue. La NSGC a rédigé un Code d'éthique auquel tous les conseillers doivent adhérer et qui souligne la nécessité de la confidentialité, du respect de l'autonomie et de la vie privée.

La demande de conseillers génétiques qualifiés excède l'offre mise à la disposition du public. La demande devrait encore s'accroître, du fait du Projet sur le Genome Humain et de l'importance accordée aujourd'hui aux risques de maladies génétiques.

Du fait de la demande, les soignants non spécialisés devront se procurer des services génétiques dont on a communément besoin. On voit de plus en plus fréquemment des médecins non spécialisés se partager les services d'un conseiller génétique spécialisé. Les médecins généralistes ont en général une connaissance insuffisante de la génétique humaine et de la génétique médicale. Un petit nombre d'infirmières, en particulier celles qui s'occupent de la santé maternelle et infantile, ont été certifiées par l'ABMG et il y existe une Société d'infirmières spécialisées en génétique.

Les suggestions pour l'avenir sont :

- d'enseigner davantage la génétique médicale dans les écoles médicales ; - de former davantage de conseillers génétiques ; - d'enseigner la génétique dans les écoles d'infirmières.

Dans le futur, tous ceux qui font du conseil génétique devront posséder des connaissances beaucoup plus complexes en génétique moléculaire (pour être au courant des différents laboratoires de recherche spécialisés dans des tests permettant de déceler des maladies particulières), afin de pouvoir comprendre et expliquer au consultant ce qui est en jeu et obtenir son consentement éclairé. Il sera question des besoins particuliers des minorités ethniques aux Etats-Unis d'Amérique à la section II.6.

• ROYAUME-UNI : En 1990, le personnel médical dans les centres génétiques était composé de 125 spécialistes, dont 48 généticiens cliniques. De plus, environ 40 personnes, chargées de tenir les registres, bien que n'étant pas médecins, ont une formation sanctionnée par le "Joint Committee on Higher Medical Training". Ils sont tenus d'établir des relations avec les familles à haut risque. L'équipe comprend en outre 80 membres du personnel paramédical, dont des infirmiers et des infirmières spécialisés. Une formation de deux semaines leur est proposée par le "Institute of Child Health", suivie d'un stage de 6 mois sur le terrain. La formation des généralistes et des infirmiers est encouragée par un groupe de volontaires, le "Genetic Interest Group" (GIG).

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La majorité des individus et des couples qui présentent un degré élevé de risque sont conseillés par des spécialistes suivant des principes d'éthique professionnelle bien établis. Ceci devrait être étendu au service communautaire de dépistage génétique. A l'avenir, la génétique médicale devrait être intégrée au cursus éducatif de base des médecins et des infirmiers. Le dépistage et le conseil génétiques devraient être assurés dans le cadre du système de soins primaires, à savoir dans les centres de planification familiale. Ils devraient être intégrés aux soins obstétriques généraux, avec l'aide d'obstétriciens qui peuvent fournir un soutien adéquat en matière de conseil prénatal. Chaque unité obstétrique devrait comprendre au moins une sage-femme formée dans ce domaine. Une information génétique devrait être introduite dans les programmes scolaires en langage simple.

• ITALIE : La fonction de conseiller génétique est considérée comme un service médical. Il n'existe pas de régulations particulières. Il peut y avoir des accords entre hôpitaux et universités ou centres de recherche afin d'effectuer des tests génétiques.

Il existe 54 centres publics, affiliés à la Société italienne de génétique médicale (ISMG), avec environ 3 à 5 conseillers par centre (150-250 au total). Le nombre de centres privés n'est pas connu. Un centre peut comprendre entre 3 et 5 professionnels, en général :

- un généticien médical ou un médecin spécialisé en génétique médicale ; - un ou deux biologistes en cytogénétique et/ou en biologie moléculaire ; - un psychologue ; - un spécialiste de l'éthique.

Il existe aussi 1500 lieux de consultation familiale publics et gratuits (essentiellement pour la contraception) qui pourraient être autorisés à donner des consultations génétiques, uniquement sous forme d'orientation.

La qualification professionnelle des conseillers varie : il existe généralement des chefs de centres universitaires ou de services de génétique humaine ou médicale. La majorité d'entre eux sont des médecins, des enseignants ou des spécialistes de génétique humaine et médicale. Les médecins et les biologistes ont reçu une qualification universitaire de troisième cycle ("initial post-graduate") dans des écoles spécialisées en génétique médicale, en génétique humaine ou en cytogénétique. Pour devenir spécialiste en conseil génétique, il faut avoir accompli une période de formation, qui n'est pas encore officialisée.

• CHILI : Seuls les médecins (généticiens médicaux et médecins non spécialistes ayant reçu une formation en génétique médicale) sont responsables de ce service médical spécialisé. Ils ont des responsabilités légales et éthiques.

• MEXIQUE : Environ une centaine de médecins ayant reçu une formation spécialisée pratiquent le conseil génétique. De nombreux conseillers ont précédemment exercé au moins une année en pédiatrie. La plupart des conseillers reçoivent une formation de deux ans en génétique médicale, qui est donnée dans plusieurs grandes villes mexicaines. Les conseillers sont diplômés du Bureau national d'éthique médicale.

D'autres médecins s'occupent de patients atteints de maladies génétiques : obstétriciens, pédiatres, chirurgiens. Ils n'ont pas de formation particulière en génétique, mais ils ont la confiance des familles et répondent à des questions qui sont du domaine du conseil génétique. Il n'a pas été possible jusqu'ici de créer une véritable formation.

• ARGENTINE : Le conseil génétique est généralement exercé par des médecins qui possèdent une qualification en génétique médicale. L'enseignement de cette spécialité étant rare dans les facultés de médecine, la plupart des généticiens actuels ont été formés en Amérique du Nord ou en Europe. Leur qualification a été ensuite évaluée par le Jury de la Société de génétique d'Argentine, qui leur accorde le titre de spécialistes. Récemment, une formation théorique et

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pratique à la génétique médicale a été mise en place à l'Institut national de génétique médicale, elle inclut aussi l'étude des aspects pratiques et théoriques du conseil génétique.

Ainsi, le conseil génétique fait partie de l'exercice de la génétique médicale et ne requiert pas d'autre formation ou diplôme que ceux de généticien médical.

Les services de génétique clinique, de cytogénétique et des domaines associés, sont peu nombreux et sont concentrés dans les grandes villes. La demande, dans régions isolées, excède l'offre. Il n'existe guère de projets d'Etats visant à accroître le nombre des services de génétique médicale, de médecine légale et de diversité génétique, ou à développer l'enseignement de la génétique.

• JAPON : Le conseil génétique est effectué par des médecins soignants, en particulier des obstétriciens et des gynécologues, des pédiatres. Sur 80 écoles de médecine, quelques unes seulement ont des professeurs de génétique. L'enseignement en conseil génétique n'existe pas encore, mais pourrait être mis en place dans un futur proche.

• ISRAEL : Le conseil génétique est effectué à la fois par des généticiens médicaux (médecins) et des conseillers génétiques (titulaires d'une maîtrise ès science, parfois d'un doctorat) ces derniers étant chargés d'effectuer les tests cytogénétiques "de routine". La génétique médicale est une sous-spécialité, qui requiert une formation en pédiatrie, en obstétrique et gynécologie (OB&G), ou en médecine interne, suivie de 2-3 ans d'internat et d'un examen devant un jury qui délivre un diplôme. Les conseillers génétiques ne constituent pas encore une profession, mais doivent posséder une maîtrise scientifique en biologie, plus deux ans d'expérience de terrain dans un institut de génétique reconnu, avant de recevoir une habilitation par le Ministère de la Santé en tant que généticiens cliniques spécialisés en conseil génétique. Il y a environ 30 conseillers en Israël (pour 5,3 millions d'habitants), la moitié d'entre eux étant médecins. Environ 10% d'entre eux exercent dans des centres médicaux privés.

• CHINE : Les généticiens travaillent dans des hôpitaux généraux (médecine interne, OB&G, pédiatrie, départements de psychiatrie), instituts de protection maternelle et infantile, des instituts de science et de technologie spécialisés dans la planification familiale. Ils sont diplômés d'une école de médecine, ils ont reçu une formation en génétique dans des écoles de médecine en Chine, mais surtout à l'étranger. Pas d'enseignement spécialisé en génétique médicale, même à Pékin, aucun diplôme spécifique. Environ 400 généticiens travaillent en Chine (pour une population de 1,2 milliard) - un tout petit nombre.

• ZAIRE : Absence de qualifications et de diplômes, malgré un besoin urgent. Les jeunes générations devraient être sensibilisées aux problèmes génétiques, dès le lycée.

II.3 Par quels moyens les individus ou les couples accèdent-ils au conseil génétique ? Ce dernier bénéficie-t-il de l’aide du gouvernement ou bien est-il pris en charge par des organisations bénévoles ? Est-il associé uniquement aux services de recherche des hôpitaux ? Les frais encourus sont-ils couverts par la sécurité sociale nationale ?

Dans la plupart des pays, l'accès au conseil génétique se fait par l'intermédiaire de médecins généralistes. Selon le système médical pratiqué dans les différents pays (médecine d'état ou privée) le conseil génétique peut être gratuit, ou partiellement remboursé, ou fonction de l'assurance maladie du patient. Certains pays reconnaissent la nécessité de mettre le conseil génétique à la disposition des personnes dans le besoin (en particulier, les étrangers, les immigrés), ou de mettre en place des programmes spéciaux. Quelques pays favorisent au niveau national le dépistage et le conseil génétiques.

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• ETATS-UNIS D’AMERIQUE : Les couples ont accès au conseil génétique, en général, par l'intermédiaire de médecins généralistes, ou par leur propre décision. Plusieurs médecins généralistes peuvent partager les services d'un conseiller génétique qualifié. Le conseil peut être également effectué dans des cliniques spécialisées, pour la neurofibromatose, pour la neurologie, les hémoglobinopathies, ou pour le diagnostic prénatal.

• ROYAUME-UNI : Le dépistage et le conseil génétique réitéré sont activement encouragés, au niveau des soins de santé primaires, y compris avant la conception, autrement dit, ces services devraient être disponibles au niveau de la planification familiale. Du matériel éducatif devrait être fourni par un centre national d'information génétique. Une Enquête nationale confidentielle portant sur les anomalies génétiques, effectuée pour le compte du Département de la Santé (dans le cadre de son programme d'évaluation clinique), indique qu'il conviendrait de favoriser, au-delà des cliniques génétiques spécialisées, une prise de conscience et une compréhension accrue de l'importance de la génétique dans la pratique clinique.

• ITALIE : L'accès se fait habituellement par un médecin généraliste ou spécialiste (OB&G, pédiatre), mais il existe aussi un accès direct, suscité par l'information générale ou médicale. Il existe 1500 Bureaux de consultation familiale subventionnés par l'Etat, spécialisés dans la planification familiale (contraception) et qui devraient recevoir l'autorisation de donner des consultations génétiques. Il existe des programmes spécialisés au niveau régional (par exemple, diagnostic de ß-thalassémie en Sardaigne et en Latium).

Remboursement. Il est possible que les consultations génétiques soient remboursées par le service de santé local, mais le problème demeure des immigrés clandestins, qui n'ont pas de couverture sociale. Les consultations peuvent avoir lieu dans des cliniques universitaires, dans des centres de recherche publics ou privés. La consultation est souvent gratuite, mais les analyses de laboratoire doivent être payées et sont seulement dans certains cas remboursées par le Service national d'Assistance sociale. L'Etat pourrait intervenir de façon plus efficace par l'intermédiaire des bureaux de consultation familiale qui sont gratuits et des programmes spécialisés dans les régions affectées par des maladies génétiques telles que la ß-thalassémie.

• CHILI : Accès par indication du médecin ou par décision personnelle. Le conseil génétique est un service médical normal dans les hôpitaux et les cliniques où les patients viennent consulter pour leurs problèmes génétiques.

• MEXIQUE : Accès par les hôpitaux d'Etat (pas nécessairement des hôpitaux de recherche) et la médecine privée. La décision d'envoyer un patient chez un médecin-généticien est prise par d'autres médecins qui estiment que cette personne a besoin d'une consultation.

• ARGENTINE : Le conseil génétique fait partie de l'activité des médecins généticiens. Les services hospitaliers régis par l'Etat (départements administratifs d'Etat ou universités publiques) sont gratuits. Les dépenses afférentes au conseil génétique dans des centres semi-publics ou privés sont remboursées par la compagnie d'assurance médicale du patient.

• JAPON : L'accès se fait par l'intermédiaire d'une assurance médicale obligatoire et les patients peuvent s'adresser directement à des cliniques publiques ou privées. La recommandation d'un médecin traitant facilite l'accès à certains hôpitaux universitaires. Le diagnostic prénatal n'est pas couvert. Des financements locaux, dans certaines villes ou préfectures, qui couvrent les frais de maternité, peuvent être utilisées pour alléger les frais qu'il représente pour certains patients. Mais ceci ne fait pas partie de l'assurance médicale nationale (l'accouchement n'est pas considéré comme une "maladie").

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• ISRAËL : L'accès se fait par l'intermédiaire d'hôpitaux pour enfant, services de néonatalogie, cliniques de jour, aussi bien que par des cliniques "pour la santé de la mère et de l'enfant", mais de nombreuses visites sont décidées par le patient lui-même. Le conseil génétique existe dans tous les grands hôpitaux, qui sont tous affiliés à des universités, mais aussi dans quelques centres médicaux privés ou cliniques d'assurance médicale. Le coût est couvert par l'Assurance médicale nationale, mais le taux de remboursement des analyses de laboratoire varie et il est l'objet de discussions.

• CHINE : Seuls les hôpitaux ou les instituts qui sont sous la responsabilité du Ministère de la Santé ou des bureaux médicaux relevant du gouvernement de la municipalité ou de la province peuvent faire du conseil génétique, et cela gratuitement. Mais si la clinique n'est pas celle qui est en contrat avec l'unité de travail du patient, un payement est requis. Une réforme en cours du système de protection de santé propose que tous les clients payent une petite partie de ces dépenses.

• ZAÏRE : Le conseil génétique n'est pas remboursé par la sécurité sociale, tandis que certains examens (par exemple, la détermination du caryotype) sont remboursés.

II.4 Quand le conseil génétique intervient-il généralement ? S’adresse-t-il essentiellement aux individus ou aux futurs couples ou parents ? A-t-on fixé des limites à la recherche d’informations génétiques concernant des enfants lorsqu’il n’existe pas de traitement ?

Dans la plupart des pays, le conseil semble être destiné à tous les cas où une maladie génétique est diagnostiquée, voire même suspectée. Le plus souvent, à des couples qui ont un enfant atteint et dans le cadre des examens prénataux. Le conseil prénuptial, pour des individus porteurs de maladies à déclenchement tardif, est plus délicat. Il semble cependant qu'il n'y ait pas de limites à la recherche d'informations sur des enfants affectés de maladies traitables. On reconnaît aussi l'importance de déterminer clairement qui est le porteur d'une maladie génétique incurable, pour une meilleure recherche sur ces maladies, et pour disposer de renseignements plus tard, au cas où un traitement serait découvert. L'information génétique peut souvent aider à identifier une maladie, par exemple dans des cas de retard ou de désordres neurologiques, psychiatriques, et le conseil est alors important. La possibilité de dépister des maladies génétiques chez les nouveau-nés est encore mal définie dans son extension comme dans ses objectifs.

• ETATS-UNIS D’AMERIQUE : Fréquemment, pour des couples dont les enfants précédents ont des maladies congénitales ou un retard mental. Egalement, dans des cas d'histoire familiale de cancer, de maladies cardiaques ou de désordres psychiatriques. Le rôle du conseil est alors important. Autres indications : avortements répétés, infertilité, histoire familiale de problèmes génétiques, ou grossesse au-delà de 35 ans. Egalement, exposition connue à des substances tératogènes.

Des nouveau-nés dépistés reconnus porteurs d'une maladie génétique doivent être amenés en consultation de conseillers génétiques, car l'état de porteur doit être identifié indépendamment du traitement. Ceci s'applique aussi aux groupes ethniques porteurs de maladies génétiques spécifiques. Cette partie du conseil génétique est pratiquée dans des cliniques spécialisées (section II.3).

• ROYAUME-UNI : Les risques génétiques devraient être connus avant qu'une grossesse n'intervienne afin qu'une personne s'étant entouré du conseil génétique puisse bénéficier de tests disponibles dans le cadre d'une procédure préétablie (avant la conception, c'est-à-dire dans le cadre de la planification familiale). La plupart des couples informés qui présentent des risques de maladies génétiques graves optent pour le diagnostic prénatal. Le conseil génétique dans le

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cadre du diagnostic prénatal doit intervenir le plus tôt possible pendant la grossesse. Les conseillers doivent maintenir des contacts avec les couples en question et les informer régulièrement de tous développements médicaux récents, afin que les couples à haut risque puissent en connaissance de cause décider, s'ils le souhaitent, de recourir à des tests appropriés en vue d'avoir des enfants sains (par exemple, prélèvement de villosités chorioniques ou test d'ADN). Le dépistage génétique au niveau communautaire peut s'adresser à toute femme enceinte en vue de détecter des anomalies du foetus. Les besoins en matière de conseil génétique déjà fort importants sont appelés à s'étendre.

Le diagnostic prénatal encourage la reproduction. En effet, quand un test n'est pas disponible, environ 50% des couples à risque qui bénéficient d'un conseil génétique préfèrent s'abstenir de reproduire. En revanche, quand le diagnostic prénatal est disponible, 98% des couples à risque (par exemple, dans le cas de la thalassémie) y ont recours pour fonder une famille saine.

• ITALIE : La consultation génétique vise à la fois les individus et les couples ou les parents. Le point de départ est un diagnostic précis établi par un médecin ou une équipe médicale. Il est aussi de la plus grande importance de connaître les raisons des parents de s'adresser au conseil génétique, afin de comprendre leurs attentes, qui peuvent parfois varier à l'intérieur même du couple.

Aucune limite n'est fixée à la recherche d'informations génétiques concernant les personnes, principalement les enfants, affectées par des pathologies incurables. Avec le consentement de la personne concernée ou de la personne qui en a la responsabilité, la collecte des données est essentielle afin d'acquérir une plus grande connaissance du cas étudié et de poursuivre les recherches de la maladie sur une base génétique/moléculaire. Le but dernier est d'améliorer les perspectives thérapeutiques.

• CHILI : Le conseil s'adresse aux individus, aux parents potentiels, aux couples et aux individus présentant des risques de consanguinité - en fait, à tous les membres de leur famille. Les indications les plus fréquentes sont :

- malformations congénitales, avortement répétés, infertilité ; - diagnostic prénatal, exposition à des substances tératogènes, recherche en

paternité ; - retard mental, désordres psychiatriques, déviations sexuelles.

Le dépistage génétique est appliqué aux nouveaux nés seulement pour la phénylcétonurie et l'hypothyroïdie dans les zones urbaines.

• MEXIQUE : Le conseil est indiqué surtout après la naissance d'un enfant atteint d'une maladie ou d'une malformation génétique. Il est généralement fait dans une clinique de jour. Les femmes enceintes qui redoutent d'avoir un enfant porteur d'une affection d'origine génétique, ou les couples consanguins ayant l'intention de se marier, peuvent recevoir une consultation.

Le dépistage génétique des nouveaux nés et le conseil parental est effectué de façon limitée, seulement pour la phénylcétonurie et dans les cas d'hypothyroïdie.

Pour les maladies non curables, les gens ne souhaitent généralement pas recevoir d'information.

• ARGENTINE : On admet généralement que le conseil doit être prodigué une fois que la maladie a été diagnostiquée et le pronostic émis de façon adéquate, mais chaque cas particulier doit être considéré séparément. Le conseil génétique (des couples) peut rendre des services à la médecine préventive ; cependant, il ne doit jamais outrepasser la décision des parents.

Une information doit être donnée aux adultes qui risquent de contracter une maladie à déclenchement tardif, mais il n'y a pas de règle rigide à suivre dans ce cas.

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Pour les enfants atteints d'une maladie incurable ou pour lesquels un pronostic de survie à court terme a été prononcé, une information doit être donnée aux parents ; toutefois chaque cas doit être considéré individuellement (ce point est développé en section II.5).

• JAPON : Le conseil génétique n'est fait qu'à la demande, sauf s'il s'agit d'une maladie qui intéresse un chercheur particulier.

• ISRAËL : Le conseil génétique est effectué tout au long de la vie : après la naissance d'un enfant atteint d'une malformation génétique, chez des couples ou des parents potentiels ayant une histoire familiale suspecte. Actuellement le conseil prénuptial ou préconceptionnel est effectué même en absence d'antécédents familiaux. La demande de conseil par le public est indépendante de la question de savoir si le dysfonctionnement est curable ou non. Elle est volontaire, non dirigée.

• CHINE : Le conseil est ouvert aux couples inquiets de savoir si leur bébé est génétiquement normal, qui ont eu un enfant ou un proche atteint, ou encore qui ont pris connaissance, par la lecture de journaux ou de livres, de l'existence de maladies héréditaires et qui s'inquiètent au sujet d'un enfant déjà né ou à naître. Il n'y a aucune limite, même lorsqu'il n'existe pas de traitement.

• ZAÏRE : Le conseil est ouvert à ceux qui s'inquiètent des risques généraux de la procréation ou qui ont eu un proche affecté. Surtout pour des couples, mais aussi pour des individus. Il semblerait correct de ne pas effectuer d'investigations génétiques chez des mineurs lorsque le seul risque est lié à la procréation ou lorsque aucun traitement n'est possible.

II.5 Quelle est l’éthique des conseillers génétiques en matière d’information ? Se considèrent-ils comme simples "agents" de la transmission non-directive de l’information génétique (aussi complexe que soit l’idée de transmettre une information sans exprimer d’avis), ou se considèrent-ils comme des personnes prenant part aussi aux intérêts sociaux de la santé publique ?

Il y a une ambiguïté certaine dans l'aspect non-directif du conseil : en effet, une simple liste de tous les choix possibles peut être tendancieuse. Tandis que les conseillers non-médecins ou les infirmières essayeront d'expliquer seulement les faits, le conseil du médecin traitant sera souvent plus directif. L'éthique du conseil varie avec les personnes qui donnent le conseil génétique, mais aussi avec la nature des cas en question. Les réponses données insistent sur le fait que l'action du conseiller doit se situer toujours au-dessus de toute considération de la "santé publique" ou des "intérêts de la société". Ceci est en fait bien admis dans la Convention européenne de bioéthique, approuvée par l'Assemblée du Conseil de l'Europe le 2 février 1995, qui affirme “la reconnaissance de la suprématie de l'intérêt et du bien-être des êtres humains sur l'intérêt de la société et de la science”.

• ETATS-UNIS D’AMERIQUE : Le conseil effectué par des conseillers génétiques du niveau d'une maîtrise (ou d'un Doctorat) ès-Sciences est non-directif, tandis que le conseil effectué par des médecins (spécialement des obstétriciens) peut être plus souvent directif. Le conseiller génétique (non-médecin) ne cherche pas à servir des intérêts sociaux ni ceux de la santé publique. Sa principale préoccupation est le bien-être des consultants.

Tandis que la non-directivité est un principe éthique largement accepté, l'expérience a enseigné que des patients originaires d'Amérique latine, par exemple, interprètent cette attitude comme une sorte d'indifférence de la part du conseiller. Le défi éthique est de donner aux patients les moyens de prendre leurs propres décisions, tout en leur apportant un soutien affectif.

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• ROYAUME-UNI : Le conseil génétique tend à être non-directif, en dégageant les options possibles et leurs éventuelles conséquences ainsi que leurs avantages et inconvénients. Cependant, cela ne revient pas à l'énoncé de faits, en abandonnant les personnes concernées à prendre leur décision. Le conseil génétique suppose qu'une aide soit apportée au couple à prendre des décisions dans le cadre de leur situation singulière médicale, morale et sociale.

• ITALIE : La règle est celle de la non-directivité. Mais si, du fait des convictions personnelles du conseiller, il lui apparaît nécessaire de prendre en compte l'intérêt de la société ou de la santé publique, ces considérations feront partie de l'ensemble de l'information donnée. Le conseil génétique s'attache principalement aux problèmes de l'individu (plus qu'à ceux de la société). L'objectif n'est pas d'apporter une solution préétablie fondée sur des normes du bien-être individuel ou social, mais de présenter toutes les solutions aussi objectivement que possible, pour permettre un choix libre et conscient. Ceci peut être difficile à réaliser. C'est pourquoi le psychologue joue, dans le centre de conseil génétique un rôle fondamental, comme superviseur du travail du généticien, dans son contenu comme dans sa forme.

• CHILI : Le conseil tend à être directif, mais dans des problèmes complexes le conseil est non-directif (par exemple dans les tests prénataux ou dans les recherches en paternité). L'information éthique du conseil génétique est fondée sur l'éthique médicale classique. Elle doit respecter l'autonomie du consultant.

• MEXIQUE : La plupart des conseillers génétiques considèrent qu'ils apportent une information non-directive. Cependant, les faits montrent que lorsqu'ils se trouvent confrontés à des problèmes cliniques concrets, leur attitude est en réalité directive.

• ARGENTINE : Les détails du conseil dépendent des cas particuliers : par exemple, un syndrome de Down dans le cas d'une mère âgée relèverait d'un "simple" conseil. Un examen génétique concernant un enfant pourvu d'organes sexuels ambigus serait plus complexe : le conseiller pourrait prévoir le risque pour les enfants à venir, conseiller de préserver l'équilibre hydroélectrolytique et recommander une détermination génétique du sexe avant de déclarer le sexe de l'enfant à l'état civil. Dans le conseil prénatal, l'avis du conseiller ne doit pas se substituer à la décision des parents.

Le conseil qui viserait à éviter la diffusion de gènes récessifs dans la société semble être peu pertinent, à cause du grand nombre de gènes récessifs et de la grande fréquence de mutation de certains gènes.

L'information doit être fournie aux adultes porteurs de risques de maladie à déclenchement tardif, bien qu'il n'y ait pas de règle rigide à suivre dans ce cas. L'information doit être donnée aux parents dont les enfants sont affectés de maladies incurables, ou dont l'espérance de vie est limitée. Cependant chaque cas doit être considéré individuellement.

Il est très important que les conseillers prennent soin d'éviter que le conseil lui-même devienne iatrogène et produise plus de mal encore. Afin de protéger le bien-être d'un consultant, l'information donnée peut être seulement partielle. Ainsi, un couple - ayant largement dépassé l'âge reproductif - avait un fils affecté d'une maladie liée au sexe et condamné à brève échéance. L'étude des données généalogiques du fils révélait qu'il s'agissait d'une mutation récente et le risque de maladie chez les autres membres de la famille ne se situait pas au-delà de la probabilité habituelle. La mère était si profondément affectée par l'état de son enfant qu'il aurait été trop cruel de la désespérer encore plus. Elle ne fut donc pas informée qu'elle était elle-même porteuse de cette maladie liée au sexe et l'information concernant le gamète sur lequel la mutation avait eu lieu fut omise.

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• JAPON : Formellement, le conseil génétique est non-directif. Toutefois, étant donné la relation inégale entre le client et le conseiller, la non-directivité absolue peut s'avérer très difficile. Par exemple, certains médecins pourraient recommander une interruption de grossesse pour le syndrome de Down, tandis que d'autres refuseront d'effectuer une telle interruption de grossesse.

• ISRAËL : Fondamentalement non-directive, apportant une information bien à jour, précise, exacte, de la façon la plus compréhensible, sans qu'intervienne un jugement, ni des considérations liées à la santé publique ou à des facteurs sociaux. Dans la mesure où l'Etat d'Israël est un mélange ethnique et accueille beaucoup de nouveaux immigrants, les conseillers se trouvent confrontés à des situations où les consultants ont besoin d'être guidés dans les décisions qu'ils doivent prendre. Toutefois, c'est toujours l'intérêt du consultant et non celui de la santé publique qui est déterminant.

• CHINE : Les conseillers génétiques semblent se situer à l'intersection d'une information non-directive et du service des intérêts sociaux et de la santé publique. Ils ne doivent pas prendre de décisions fondées sur leurs propres valeurs pour leurs clients, même lorsque ceux-ci, à cause de leur ignorance et de leurs frustrations, souhaiteraient que leur conseiller leur dise ce qu'ils doivent faire. Ils ont un rôle de guide. Souvent, les conseillers partagent les mêmes valeurs que les patients. Ils se sentent cependant tenus de suivre la politique gouvernementale, qui prône de réduire la population en nombre et de l'élever en qualité : qualité de vie et prévention des anomalies génétiques les plus graves. Cependant, si le client insiste pour que l'enfant naisse, le conseiller ne peut intervenir. Il n'y a pas de directive gouvernementale, mais de nombreux conseillers font ce qu'ils pensent être à la fois l'intérêt du client et l'intérêt de la société.

• ZAÏRE : Le cadre est celui d'une information non-directive, qui inclut les moyens de remédier à la situation. Cependant, il ne faut pas raisonner seulement en terme "d'interruption de grossesse". Le conseil, fait par deux experts, doit concerner la gravité de la pathologie et être clairement séparé d'une éventuelle décision de la mère.

II.6 Les conseillers génétiques tiennent-ils compte des difficultés de langage - ou autres - qu’ils peuvent rencontrer en transmettant informations ou conseils, à des individus en provenance de minorités ethniques par exemple ?

La communication verbale est essentielle pour assurer l'autonomie du consultant et la liberté de ses décisions. Les difficultés dans l'exercice du conseil génétique sont nombreuses, elles sont souvent dues à la difficulté de traduire des concepts techniques, tels que ceux de probabilité, d'héritabilité, en mots qui peuvent être compris dans tout ce qu'ils englobent. Ces difficultés s'aggravent à mesure que les possibilités techniques de diagnostic génétique se diversifient rapidement.

Il peut y avoir des sensibilités différentes dans des groupes ethniques chez lesquels une certaine fréquence de maladies génétiques particulières est relevée. Cette fréquence doit être considérée comme déterminée par des causes régionales ou écologiques et non comme des traits ethno-raciaux. Le langage du conseil ne doit pas seulement transmettre l'information, mais aussi s'harmoniser avec l'environnement culturel, social et religieux. Par exemple, le soutien apporté au patient est plus important dans des groupes de faible niveau socio-économique et le conseil non-directif peut être perçu comme une forme d'indifférence ou de manque d'intérêt de la part du conseiller. Plus encore, les immigrés et les étrangers sont souvent mal couverts par les assurances médicales.

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• ETATS-UNIS D’AMERIQUE : Les groupes ethniques comportant un risque important de maladies génétiques spécifiques doivent avoir accès au conseil génétique. Les maladies, lorsqu'elles sont diagnostiquées, doivent être signalées.

L'exemple du conseil génétique des latino-américains a été étudié par Penchaszadeh(3). La fréquence totale de maladies génétiques est semblable à celle des autres groupes ethniques, avec une incidence plus grande des hémoglobinopathies et des malformations du tube neural. Cependant, 1/3 des sud-américains des Etats-Unis n'a aucune assurance-maladie. Le fait qu'ils s'adressent de préférence à des soignants parlant l'espagnol contribue à réduire encore leur accès aux soins, dans la mesure où les professionnels sont en nombre insuffisant, notamment les conseillers génétiques. La préoccupation éthique première en ce qui concerne le conseil génétique dispensé au latino-américains est leur difficulté d'accéder à ces services. Un autre danger est celui des stéréotypes : les conseillers doivent être conscients de l'hétérogénéité et, au-delà des différences culturelles, chaque patient doit être considéré comme un individu. Les croyances spirituelles/religieuses doivent être prises en compte si l'on veut pratiquer le conseil génétique d'une manière responsable, au niveau éthique. Les individus ont des interprétations très personnelles des enseignements religieux, surtout en ce qui concerne les décisions liées à la reproduction, qui sont aussi influencées par des préoccupations liées à l'économie, à l'éducation, au manque d'aides familiales. L'éthique du conseil non-directif est mise en difficulté lorsque, comme cela arrive souvent chez les latino-américains, le patient se considère non comme un individu autonome, mais comme un subordonné de celui qui exerce un métier médical. Les femmes sont parfois trop soumises aux volontés de leurs maris. Un grand nombre des femmes enceintes sont jeunes, seules, accablées de problèmes socio-économiques, ce qui rend le risque génétique ridiculement peu important, en comparaison. Le refus de croire aux risques génétiques et aux résultats des analyses, à cause de superstitions et de croyances en des explications surnaturelles, oblige le conseiller à beaucoup de doigté et de respect. Leur habitude des documents écrits, acquise par l'éducation, les oblige à faire un effort pour s'ajuster au niveau d'éducation et à la culture de leur interlocuteur. La tendance, chez ces consultants, à impliquer toute la famille, dans le soutien et la prise de décision, peut conduire à des situations de consultation "peu orthodoxes". Les consultants peuvent considérer la non-directivité comme une attitude "d'indifférence" de la part du conseiller : les exigences éthiques doivent conduire ce dernier à s'efforcer de rendre ses patients capables de prendre leurs décisions eux-mêmes, tout en leur apportant un véritable soutien psychologique. Les valeurs culturelles et le contexte social plus large de l'expérience des immigrants, la pauvreté, la peur d'alourdir ses charges par le poids d'une malformation génétique, doivent être pris en compte pour éviter deux risques éthiques : celui du paternalisme, qui peut conduire à l'autoritarisme et à faire le jeu des impératifs de "l'eugénisme" ou de la "santé publique" ; le risque inverse, qui est de ne pas apporter un soutien adéquat. Des services accessibles et culturellement appropriés, une aide sociale fournie aux individus susceptibles d'être confrontés au risque d'une maladie génétique chez un enfant à naître, aussi bien que pour ceux nés avec une malformation génétique, doivent être préconisés : ils sont essentiels pour que le droit de décider soit une réalité.

Les difficultés de langage existent en un sens plus large dans la société américaine. La possibilité de réaliser des diagnostics moléculaires, grâce aux résultats du Projet sur le Génome Humain, conduira à un conseil mieux informé et plus complexe dans le cas de situations telles que : la maladie de Huntington (déclenchement variable à l'âge adulte, mais avec une issue prévisible) ; la maladie d'Alzheimer (déterminisme polygénique, déclenchement tardif, rôle de l'environnement) ; les gènes de susceptibilité au cancer (déterminisme polygénique, calcul de probabilités, possibilité de traitement précoce si le diagnostic est précoce grâce à des contrôles fréquents, mesures préventives). Des tests de dépistage pour un grand nombre de cancers peuvent être prématurés, mais la question soulevée ici touche à l'éthique du "droit des gens à savoir".

• ROYAUME-UNI : Un diagnostic génétique et ses implications doivent être communiqués de manière efficace à une personne en vue de respecter son autonomie. Ceci peut représenter un réel défi compte tenu des divers niveaux sociaux, culturels et de compréhension sémantique des

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consultants. La décision d'un couple de s'engager dans la voie d'une grossesse, ou de recourir au préalable au diagnostic prénatal, peut dépendre très largement de la manière dont l'information est communiquée.

• ITALIE : Difficulté de traduire des termes techniques et des concepts comme celui de probabilité en mots qui peuvent être compris par des non-spécialistes. Il faut que le conseiller prenne en compte la personnalité, la culture, l'environnement social et culturel, du consultant. Ce qui est particulièrement difficile avec les immigrés, dont le contexte culturel est moins familier au conseiller.

• CHILI : Les minorités ethniques n'ont pas accès au conseil génétique, du fait de l'absence de conseillers au niveau des institutions de santé qui relèvent du Service national de santé.

• MEXIQUE : Il est nécessaire de faire attention aux difficultés de langage en transmettant l'information, non seulement lorsque le patient appartient à une minorité ethnique, mais aussi lorsque le niveau socio-économique et culturel est bas.

• JAPON : Tous les patients éprouvent en général des difficultés à comprendre le langage des médecins. Certains médecins peuvent utiliser des termes allemands ou anglais, plutôt que japonais, afin de dissimuler la nature d'une maladie ou d'une drogue.

• ISRAËL : La barrière du langage est une des préoccupations les plus importantes dans le conseil génétique. Les conseillers sont conscients de cela et s'efforcent de traduire. Il est nécessaire aussi de prendre en compte, dans leur usage du langage et des concepts, le fait que la société est une fusion de groupes culturels et ethniques différents.

• CHINE : Le savoir génétique est fondé sur la langue de l'atome et de la molécule, tandis que les Chinois traditionnels sont familiers de la langue du Yin et du Yang. L'éducation peut aider. Il y aussi une barrière culturelle : le fait de ne pas croire et de s'en remettre à la bonne fortune.

• ZAÏRE : Il faut prendre conscience des ambiguïtés du langage et de la culture afin d'apporter une information aussi précise que possible. Certains médecins prennent trop de liberté avec cela.

II.7 Le gouvernement est-il impliqué d’une manière ou d’une autre dans les décisions qui pourraient être prises dans le cadre du conseil génétique ?

L'Etat ne contrôle pas ouvertement ce qui est dit ou décidé dans le cadre du conseil génétique. Cependant, on sait que certains pays (par exemple, la France et l'Allemagne) ont fait voter des lois qui donnent à l'Etat un accès aux décisions et aux choix en rapport avec le conseil génétique.

• ETATS-UNIS D’AMERIQUE, JAPON, ISRAËL : Pas d'intervention de l'Etat dans les décisions concernant ce qui est dit dans le cadre du conseil génétique. Cependant, des tentatives ont été faites (notamment en matière d'interruption de grossesse) pour limiter ce qu'un médecin peut dire lorsqu'il travaille dans une institution étatique (par exemple, la loi du "baillon" qui fut en vigueur pendant un moment aux Etats-Unis d'Amérique) (section IV.2).

• ROYAUME-UNI : Pas d'intervention de l'Etat dans le domaine considéré, bien que le Département de la Santé ait exprimé de l'intérêt pour l'information et les utilisations bénéfiques des tests et du dépistage génétiques. Il a également souhaité que les conseillers génétiques gardent le contact avec les familles qui en auraient besoin.

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• ITALIE : L'Etat ou les autorités régionales de santé interviennent seulement pour définir les niveaux d'assurance santé, générale ou spécialisée. Les lois actuellement en vigueur, qui sauvegardent la santé des individus, y compris ceux qui ne sont pas encore nés, doivent être observées à tous égards ; cependant, il n'existe pas actuellement de législation susceptible de réglementer les pratiques médicales concernant la procréation assistée et qui mettrait la loi au niveau des progrès techniques en cette matière.

• CHILI, MEXIQUE : Ni l'Etat ni le Ministère de la Santé ne sont impliqués. Le conseil génétique est une affaire privée entre les personnes, l'Etat en est exclu.

• ARGENTINE : L'intervention de l'Etat en ce qui concerne les programmes de génétique dans le cadre de la santé publique est limitée, bien qu'il participe à des campagnes publiques visant à faire diminuer ou à prévenir les maladies infectieuses, parasitaires, celles liées à la nutrition ou à l'usage de drogues.

• CHINE : Jusqu'ici, aucune intervention de l'Etat. Cependant, avec le renforcement des lois concernant la santé maternelle et infantile, il pourrait exister davantage d'intervention officielle. Mais comme disent les fonctionnaires du Ministère de la Santé : "la loi n'est pas rigide et sur beaucoup de points elle ne fait que suggérer des conseils aux citoyens".

II.8 L’information est-elle communiquée aux responsables de la santé publique ? Dans un couple, l’information donnée par l’un des conjoints est-elle communiquée à l’autre ? Est-elle communiquée à d’autres membres de la famille ? Ce type de relation est-il régi par une réglementation, l’usage ou d’une autre façon ?

L'information génétique concernant le patient conseillé n'est pas transmise aux autorités de santé publique. Il peut y avoir un intérêt à conserver des données sur les maladies génétiques à des fins de recherche, mais dans ce cas il faut veiller à respecter l'anonymat. Le problème des fuites d'information en direction des compagnies d'assurances, ou celui de savoir s'il est ou non de l'intérêt du patient d'informer sa compagnie d'assurances, peut être un point important à discuter pendant la consultation. La communication des informations au conjoint est dans la plupart des cas soumise au consentement du patient ou des personnes qui demandent la consultation. Pour le foetus ou pour l'enfant, ce sera le plus souvent la mère et le mari n'est pas automatiquement informé. La recherche en paternité est un des cas pour lesquels la confidentialité à l'égard du conjoint doit à l'évidence être respectée. Des problèmes peuvent surgir lors d'examens prénuptiaux. Le fait d'informer les autres membres de la famille, y compris ceux qui risquent d'avoir une maladie génétique ou de la transmettre, est aussi généralement soumis au consentement. Actuellement, ces questions semblent être discutées au cas par cas avec le conseiller, qui doit être préparé à affronter ces problèmes délicats.

• ETATS-UNIS D’AMERIQUE : La confidentialité est un point très important et elle n'est rompue qu'en de rares occasions, lorsque d'autres vies sont en danger et que le consultant ne se montre pas coopératif. L'impact potentiel des compagnies d'assurance sur la vie privée des individus est d'une importance de plus en plus grande. Les conseillers discutent de cette question avec les couples en détail, sans leur dire ce qu'ils doivent faire, mais en soulignant que l'information est tenue secrète s'ils le désirent. L'information n'est pas transmise aux autorités de la santé publique sans le consentement du consultant. L'information n'est généralement donnée au conjoint qu'avec l'autorisation de la personne qui a bénéficié d'une consultation. Le conseiller suggère d'informer les autres membres de la famille des risques de maladie génétique qu'ils peuvent encourir en s'adressant eux-mêmes à une consultation appropriée.

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• ROYAUME-UNI : Les exigences de confidentialité les plus élevées sont respectées.

• ITALIE : Le secret professionnel, qui est de règle en médecine, s'applique au conseil génétique. La réponse doit être donnée à l'individu qui a demandé une consultation et c'est lui (ou elle) seul(e) qui peut donner son consentement pour que l'information soit divulguée. Les généticiens ou le psychologue peuvent, dans des cas particuliers, donner les raisons pour lesquelles il serait conseillé d'informer le conjoint ou les proches, mais dans ce cas, le consentement de la personne, qui s'est adressée à la consultation, est de toute façon requis.

• CHILI : La confidentialité et la vie privée sont légalement protégées des intrusions de l'Etat et des compagnies d'assurance. L'information est apportée au conjoint seulement avec l'accord du consultant et elle est de toute façon limitée à sa famille.

• MEXIQUE : L'information n'est pas transmise aux autorités de la santé publique. Le conseil s'adresse surtout à des couples, il n'est transmis aux autres membres de la famille qu'avec leur accord. Il n'y a pas de règles préétablies et chaque cas est négocié avec les patients.

• ARGENTINE : Les généticiens ne rendent pas compte aux autorités de santé des informations qu'ils possèdent sur la fréquence et la gravité des maladies génétiques affectant différentes populations. Cependant, chaque centre enregistre ses activités dans ses propres bases de données. De plus, des accords pour créer un registre national des maladies génétiques ont été récemment signés entre le Ministère de la Santé publique et les instituts universitaires.

• JAPON : Il n'y a pas de centralisation des informations, ni de bases de données pour les maladies génétiques. Il dépend d'un des conjoints d'informer son partenaire, sauf dans le cas d'une maladie mortelle, où le conjoint et la famille peuvent être informés avant le patient. Le problème de savoir qui doit être informé dépend davantage du médecin que de la coutume. Des informations peuvent être soustraites à la connaissance même du patient, par exemple dans le cas de la maladie de Huntington.

• ISRAËL : Aucun rapport ne doit être fait aux autorités de santé publique. Le secret médical engage toutes les personnes exerçant la médecine. L'accord du patient est nécessaire pour transmettre quelque information que ce soit au conjoint ou à un membre de la famille. Un médecin peut, dans un but raisonnable (par exemple, conseil prénatal, lorsqu'il existe une possibilité de maladie génétique dans la famille et que le diagnostic doit être vérifié), demander des informations génétiques sans l'accord du patient. Cependant, il s'agit d'une exception qui n'obéit à aucune règle écrite.

• CHINE : L'information obtenue par le conseil génétique ne doit pas être transmise aux autorités de santé publique, comme c'est le cas pour les maladies contagieuses. Si la maladie génétique peut affecter un des autres membres de la famille, ce membre doit transmettre l'information. D'une manière générale, il faut obtenir l'accord du consultant, sauf au cas où le fait de garder la confidentialité pourrait causer un préjudice à un tiers. Si le client insiste pour ne pas transmettre l'information, et si cette transmission ne lui cause aucun tort, le conseiller doit peser les conséquences positives ou négatives de diffuser ou non cette information. Ces relations sont réglées par la coutume et la tradition ; cependant d'importants efforts ont été faits pour en établir des règles.

• ZAÏRE : Le secret professionnel est de règle dans la transmission de l'information génétique au conjoint, à la famille, et même au médecin traitant, à moins d'être autorisé par la personne examinée. Le médecin qui exerce le conseil génétique doit conduire le client à révéler lui-

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même la pathologie ou le risque, si cette information peut être utile à autrui. Le secret peut aussi être gardé à l'égard de l'un des parents, sauf si le patient est mineur, auquel cas les parents ont le droit d'être informés. La confidentialité est aussi maintenue à l'égard de l'assurance médicale et des services officiels de la sécurité sociale.

III. Problèmes scientifiques du conseil génétique III.1 Techniques génétiques Il est important de faire la distinction entre les techniques "qui ont fait leurs preuves" et les techniques nouvelles ou en cours d'élaboration. Cette distinction s'applique à la fois au type de test génétique qui est à la disposition du conseiller et au type d'échantillon humain sur lequel le test est effectué. Les nouvelles technologies multiplient les possibilités de choix que le conseiller peut indiquer au consultant, rendant souvent ces choix plus problématiques que par le passé. Comme l'a dit un chercheur : “(...) en génétique, la technologie précède de loin la réponse à la question de savoir ce qu'on pourra en faire” (4).

Types de tests génétiques. Aux techniques éprouvées, telles que la cytogénétique, la détermination du caryotype, les tests enzymatiques, s'ajoutent de nombreuses sondes génétiques moléculaires. Les sondes génétiques peuvent détecter des polymorphismes associés à des maladies génétiques et distinguer ainsi les individus qui ont hérité de tels fragments de chromosomes "pathologiques", de ceux qui possèdent un polymorphisme d'ADN non pathologique. Il apparaît cependant que de nombreuses mutations peuvent se produire dans des gènes en rapport avec une maladie et que la signification de chacune de ces mutations peut être différente, en termes de maladie clinique. Une analyse détaillée par des techniques de séquençage PCR de ces mutations, ou d'autres régions variables (courtes séquences répétées), apporte une information qui doit être interprétée correctement pour effectuer un bon conseil génétique. Par exemple, les mutations affectant le gène de la maladie de Gaucher ou le gène BRCA-1 du cancer du sein familial sont nombreuses. Dans la mesure où la signification pathologique de chacune d'entre elles ne peut pas être dégagée, on ne peut prédire avec certitude la maladie.

Il faudra du temps pour que les récents résultats des recherches mûrissent jusqu'à devenir des pratiques médicales "ayant fait leurs preuves". Bien que ces techniques soient de nature diagnostique, elles ont un profond impact sur la vie et sur la qualité de vie et devront peut-être être soumises aux mêmes règles d'autorisation que les médicaments.

Le grand nombre de sources possibles d'échantillons humains utilisés pour les tests peut soulever de nouveaux problèmes. Le fait de tester du sang ou des échantillons de tissus de nouveau-nés, d'enfants ou d'adultes, peut être motivé par l'existence d'une maladie visible, d'une histoire familiale de maladies, ou par des programmes de dépistage d'extension variable. Les tests prénataux peuvent être faits in utero, avec l'aide de l'échographie et en prélevant des cellules foetales dans le liquide amniotique, le sang du foetus ou des fragments des villosités chorioniques (CVS), rendant ainsi possibles des tests dès le premier trimestre de la grossesse. Ces techniques, y compris l'amniocentèse, présentent de faibles risques pour la mère et le foetus et doivent souvent être approuvées par plusieurs médecins différents. Le moment de la grossesse où les résultats sont obtenus peut être d'une extrême importance pour une éventuelle intervention. Les nouvelles techniques de tests génétiques sur des embryons de pré-implantation au stade de 4 cellules(5) consistant à tester par PCR l'ADN d'une unique cellule embryogénique, peut être utilisé dans un contexte de procréation assistée (FIV). Leur succès a été prouvé dans plusieurs cas et ils permettent en principe l'implantation sélective d'embryons testés sains chez des couples à haut risque (exemples d'interventions pratiquées aux Etats-Unis d'Amérique et en Israël dans des cas de maladie de Tay-Sachs, de mucoviscidose, de choix d'un enfant du sexe féminin dans le cas de maladies liées au chromosome X, d'incompatibilités de groupes Rhésus sanguins). Même si la FIV est complexe, longue et coûteuse, elle se répand largement dans beaucoup de pays. Plus récemment, des tests non intrusifs effectués sur des cellules foetales circulant dans le sang de la mère(6) offrent de nouvelles possibilités de transformer le diagnostique prénatal en procédure de routine applicable à des maladies génétiques à faible risque, pour lesquelles les

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techniques intrusives (amniocentèse, FIV) sont trop risquées ou trop chères. Les tests génétiques prénuptiaux, visant à détecter des porteurs de gènes et à conseiller à des couples hétérozygotes de ne pas avoir d'enfants ensemble, est une forme d'intervention pré-conceptionnelle(7, 8). Les avantages, la précision et la sécurité de chacune de ces techniques, devront être évalués avec soin.

III.2 Catégories de gènes dans le conseil génétique L'information donnée au public au sujet des mutations génétiques en rapport avec les maladies s'accroît rapidement, elle résulte surtout du Projet sur le Génome Humain. Cependant, elle n'est pas toujours présentée d'une manière qui permet de comprendre la signification de la fonction pathologique d'un gène et moins encore sa fonction normale. L'équation "gène = maladie" est souvent perçue sans qualification : c'est pourquoi il peut être utile de classer les gènes afin de qualifier les rapports qu'ils entretiennent avec les pathologies cliniques. On propose ici de distinguer les altérations génétiques en au moins 5 groupes, chacun d'eux ayant une signification différente dans le cadre du conseil génétique.

Classification des altérations génétiques nécessitant un conseil génétique (avec quelques exemples)

I. Malformations létales ou graves de l'enfance • Tay-Sachs (accumulation de gangliosides GM2, déficience en hexaminidase, durée de vie 4

ans) • Mucopolysaccharidoses (Hurler, San Filipo, décès au cours de la seconde décennie) • Gaucher Type II (bétaglucosidase, létal dans l'enfance) • Mucoviscidose (maladie respiratoire, durée moyenne de vie de 25 ans) • Achondroplasie (nanisme, malformations, récepteur I de FGF) • Trisomie 21 (syndrome de Down, non héréditaire)

II. Maladies héréditaires viables si elles sont traitées • Phénylcétonurie (régime à basse teneur de phényalanine) • Galactosémie (élimination du lait) • Hémophilie (liée au chromosome X, remplacement du facteur VIII ou IX)

III. Maladies génétiques à déclenchement tardif • Chorée de Huntington (40 ans, précoce si la séquence CAG se répète >>32 dans le gène ID) • Dystrophie myotonique (intervenant à l'âge adulte, CTG se répète dans le gène DM-1) • Hypercholesterolémie familiale (intervenant entre 30 et 40 ans, réagit au traitement) • Maladie d'Alzheimer (au moins 3 gènes, preséniline I, II, APO-E)

IV. Gènes de prédisposition • Spondylarthrite (HLA B27 - chances multipliées par 600) • Cancer : mélanome, de la bile (facteurs environnementaux), du sein (BRCA-1, -2 dans

des cancers familiaux qui représentent 5% des cancers du sein et dont le rôle est incertain dans la plupart des cas)

• Schizophrénie (mais, dans les maladies psychiatriques, le phénotype peut être malléable)

V. Maladies multifactorielles et leurs gènes • Diabète 5% d'incidence, mais 6 gènes (par exemple, MODY = gène de la glucokynase) • Maladies cardio-vasculaires 20% d'incidence, mais combien de gènes ? (par exemple,

récepteurs du cholestérol, locus de l'angiotensine, facteur V de coagulation)

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Remarques sur la classification des gènes :

Les exemples donnés plus haut en fait correspondent à plus d'une catégorie. Cette classification n'a pas d'autre but que celui d'un simple constat : les tests génétiques n'ont pas tous la même signification, le conseil génétique, par conséquent, devrait s'y adapter.

Dans le groupe I, le problème est surtout celui de la prévention. L'examen prénuptial et le conseil génétique sont déjà pratiqués pour les porteurs de la maladie de Tay-Sachs dans les communautés juives à risque(7, 8). C'est sans doute la meilleure approche, car les porteurs sont identifiés et conseillés de ne pas se marier, tandis qu'il est préservé leur anonymat. Il existe un diagnostic pré-implantatoire de la maladie de Tay-Sachs(6), mais il est évidemment à la source de bien davantage de problèmes éthiques et juridiques. La détection des porteurs de mucoviscidose commence à être largement pratiquée(9). Il est certain que l'acceptation du degré de risque d'avoir un enfant affecté varie selon les couples et les familles. Cependant, on ne discutera guère le fait que de telles conditions génétiques ne sont pas compatibles avec le genre de vie que les parents souhaitent pour leur progéniture. C'est pourquoi il est compréhensible que l'on souhaite éviter de mettre au monde de tels enfants.

Le groupe II devrait s'accroître au cours des années qui viennent, à mesure que de nouvelles maladies deviendront curables. Ainsi, on peut espérer mettre au point une thérapie génique pour la mucoviscidose, par le transfert au poumon de gène inclus dans un virus (adénovirus ou autres). Cependant, certaines thérapies engendrent de nouveaux problèmes : les hémophiles ont payé un lourd tribut de vies du fait des contaminations du sang par le virus HIV, lors de transfusions de sang et de plaquettes, et on peut comprendre que les parents qui aient perdu un garçon - non du fait de la maladie génétique, mais du fait de la thérapeutique - ne souhaitent pas avoir un autre enfant malade. La détermination du sexe par pré-implantation est un choix possible dans des situations de ce genre.

Le groupe III soulève davantage de difficultés pour le conseil génétique. Même si les données génétiques sont telles que la maladie est presque inévitable, comme pour la chorée de Huntington, le sujet peut avoir une vie normale jusqu'à 38-40 ans. La longueur anormale des séquences CAG répétées dans le gène de la protéine HD (ce qui conduit probablement à une accumulation de polyglutamine) est variable et cette longueur permet de prédire l'âge du déclenchement de la maladie. Cela justifie-t-il une prévention ? D'autres maladies qui apparaissent à un âge tardif, et qui sont attribuables à des causes génétiques héréditaires, peuvent être ajoutées à ce groupe, dans la mesure où la probabilité de contracter la maladie est élevée. Certaines, comme la maladie d'Alzheimer, peuvent impliquer plusieurs gènes(10).

Le groupe IV soulève en outre la question de la distinction entre maladies génétiques et susceptibilité génétique(11). Le conseil suppose un calcul de la probabilité de la maladie, probabilité qui dépend aussi du mode de vie et de l'environnement. On a beaucoup parlé des modifications génétiques héréditaires qui accroissent la probabilité d'acquérir certains cancers, ou de certaines maladies psychiatriques, mais le conseil génétique doit tenir compte d'incertitudes importantes.

Un exemple, que nous devons discuter ici, est celui du nombre croissant de gènes du cancer. Un cas relativement simple est celui des mutations géniques dominantes BRCA-1 et BRCA-2, qui pourraient rendre compte de 60% des cancers du sein familiaux et de 5% de l'ensemble des cancers du sein(12). Même si la probabilité est élevée (peut-être 85% de risque de cancer du sein ou de l'ovaire au cours d'une vie) de nombreuses questions doivent être posées en ce qui concerne l'âge de la maladie (40% des femmes porteuses du BRCA-1 n'auront pas de cancer avant l'âge de 50 ans), les possibilités d'un diagnostic précoce (mammographie annuelle à partir de l'âge de 20 ans), afin d'éviter que la découverte de mutations du BRCA-1 ne soit une sentence de mort. La mastectomie préventive apparaît comme une mesure extrême. La question reste ouverte de savoir si le BRCA-1 est impliqué dans des cancers sporadiques et le test génétique devrait être réservé aux familles à cancers du sein à déclenchement précoce. On connaît un grand nombre de gènes impliqués dans divers cancers, mais les mutations somatiques dans les cellules cancéreuses sont sans doute plus nombreuses que les gènes héréditaires (par exemple, cancer du colon(13)). Faire disparaître un gène héréditaire ne fait pas disparaître le risque de cancer(4). C'est pourquoi il est important de garder le sens de la mesure et de ne pas créer une hystérie des tests génétiques du cancer. La

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détection précoce du cancer par dépistage clinique est importante, mais il se pourrait bien que l'insistance récente sur la détection génétique des différents cancers n'apporte pas grand chose à la prévention de cette maladie.

Le dernier groupe (V) concerne un plus grand nombre de gènes, impliqués dans des maladies les plus fréquentes chez l'homme, telles que les maladies cardio-vasculaires, le diabète et d'autres maladies liées à la nutrition. Ces maladies sont multifactorielles et elles impliquent beaucoup de malformations génétiques : six sont connues pour le diabète, probablement davantage pour les maladies cardiaques(14). La mise en évidence d'une ou plusieurs malformations peut être précieuse dans les examens familiaux, mais elle ne permet pas encore d'évaluer l'augmentation du risque de contracter la maladie chez des individus non sélectionnés. D'autre part, le mode de vie et l'environnement jouent ici aussi un rôle considérable.

IV. Questions éthique liées au conseil génétique

IV.1 Toutes les possibilités sont-elles ouvertes ? Valeurs éthiques et choix en conseil génétique

Le code éthique du NSGC (Etats-Unis d'Amérique) affirme que les conseillers “s'efforcent de rendre leurs clients capables de prendre des décisions informées et indépendantes, sans contrainte, en leur donnant ou en mettant en lumière les éléments nécessaires, en formulant des alternatives claires et en anticipant les conséquences” (15). Les alternatives ou les choix qui doivent être expliqués recouvrent souvent d'importantes questions éthiques. Tous ces choix sont-ils également ouverts au consultant ? Toutes ces alternatives sont-elles pratiquement et moralement justifiées et comparables ?

Conseil postnatal La présente enquête a montré qu'il n'y a pas de limite à la recherche des données génétiques chez un enfant, un adulte, même pour des maladies incurables. Quels sont les choix proposés lors du conseil dans de tels cas ?

L'évaluation du risque est une de ces possibilités : il s'agit de dire à une personne encore en bonne santé qu'il (ou elle) a telle ou telle probabilité de contracter une maladie à un âge donné. La question de l'impact psychologique d'un tel test génétique prédictif a été récemment soulevée dans le cadre du dépistage du cancer(16). D'un côté on peut redouter que cela ne fasse qu'augmenter l'anxiété, mais d'un autre côté le conseil a des effets bénéfiques, car il permet de mieux estimer les risques. Dans un groupe à haut risque, avec des antécédents familiaux de cancer du sein, une étude menée au Royaume-Uni a montré que 1/4 des femmes ont été rassurées, parce que le calcul du risque était plus bas que celui qu'elles avaient estimé avant de s'adresser à la consultation. Pour un autre quart des femmes, qui avaient sous-estimé le risque et qui apprenaient qu'il était plus important qu'elles ne le pensaient, la consultation ne semble pas les avoir rendues plus anxieuses, "ce qui suggère qu'elles préféraient ne pas affronter la vérité". Même dans des cas de maladies causées par un seul gène, pour lesquelles un test génétique peut prédire une maladie incurable de façon presque certaine (par exemple, les enfants de patients atteints de la maladie de Huntington), la plupart des personnes concernées font l'examen et la connaissance des résultats semble diminuer leur anxiété(17).

Les possibilités de prévention peuvent inclure le conseil d'effectuer des contrôles fréquents pour un diagnostic précoce de la maladie clinique. Ainsi, pour le cancer du sein, des mammographies fréquentes seraient assurément un meilleur choix qu'une mastectomie préventive. Dans d'autres maladies génétiques, des traitements préventifs moins lourds sont possibles (régimes, médicaments, assistance psychologique). Dans certains cas, le traitement peut être immédiat (dépistage de la phénylcétonurie chez les nouveaux nés, hypothyroïdie).

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La thérapie génique pourrait devenir une réalité dans un futur proche, mais se limitera très probablement à introduire un gène normal dans une cellule somatique (moelle des os, peau, cellule des muqueuses) - par exemple dans la déficience en ADA, l'hémophilie ou la mucoviscidose (voir le Rapport du CIB sur la thérapie génique de 1994).

Une opération importante consiste à tester tous les membres d'une famille afin de déterminer si certains individus sont porteurs d'un trait génétique pathologique diagnostiqué : le conseiller peut suggérer de la mettre en oeuvre, au risque d'entraîner une rupture du secret(18). Certains consultants ont signalé dans ce cas une détérioration des relations avec les membres du groupe familial (ceux-ci se sentent menacés par l'information), bien que le conseil génétique apparaisse comme bénéfique à la famille nucléaire(19). Il importe de respecter le droit de certains des membres du groupe familial à ne pas être informé d'une maladie génétique. L'expérience montre que trop peu d'individus demandent de tels examens. Il ne devrait pas y avoir de contrainte exercée sur les membres de la famille pour subir des tests ou en recevoir les résultats, mais il importe de bien faire valoir les aspects bénéfiques des tests et du conseil génétique. Un accent particulier doit être mis sur la responsabilité réciproque entre tous les membres d'une famille.

Confidentialité au sein du couple. Une information génétique ne peut être communiquée à un conjoint ou à un compagnon qu'avec le consentement de l'intéressé, comme c'est le cas pour d'autres situations médicales (section II.8). Cette question peut être plus délicate quand une femme consulte avant ou pendant sa grossesse, mais il convient de lui en laisser la responsabilité de la décision. Si les relations au sein du couple se conforment aux voeux de leur union, elle donnera très certainement son consentement à la communication des résultats du diagnostic prénatal à l'autre membre du couple.

Conseil prénatal Selon une étude anglaise(19), la plupart des sujets en âge de procréer et risquant d'avoir un enfant affecté d'une malformation grave causée par un seul gène souhaitent subir un examen génétique prénatal. Ces méthodes incluent la détection de malformations génétiques in utero, ou la prévention par l'implantation sélective d'un embryon ou par un test prénuptial (section III.1). Lorsque le diagnostic est fait in utero, plusieurs possibilités sont offertes par le conseil : la préparation du traitement à la naissance, s'il existe ; une préparation psychologique qui atténuera le choc, envisageant à l'avance l'avenir de l'enfant ; cependant, il s'agira très souvent d'envisager une interruption de la grossesse. Comme l'a indiqué le Rapport du CIB de 1994 sur le dépistage et les tests génétiques, les divergences sont telles sur la question de l'avortement dans le cas de grave malformation génétique qu'il est surtout nécessaire d'apaiser les discussions sur ces différentes positions éthiques.

Le choix de l'interruption de grossesse. Selon le Code d'éthique du NSGC (Etats-Unis d'Amérique) les conseillers génétiques doivent s'efforcer de “respecter les croyances, les traditions culturelles, les désirs, les circonstances et la sensibilité de leurs clients” (15). L'application de ce principe est loin d'être aisément réalisable, car les points de vue sur de nombreuses questions divergent largement. En particulier, les avis et les attitudes sur l'avortement varient en fonction des cultures et des religions. Pour certaines d'entre elles, la conception marque le point à partir duquel la vie humaine est sacrée et existe de plein droit (c'est "l'animation immédiate" pour l'église catholique), tandis que pour d'autres l'embryon ne sera pas considéré comme un être humain à part entière avant un certain laps de temps suivant la conception (par exemple, 40 jours). C'est par exemple la position de la loi juive, qui considère que si le foetus in utero met en danger la vie de la mère, celle-ci doit être sauvée en tuant le foetus. Si ces considérations ne permettent pas l'avortement libre, elles peuvent faire la part des situations où la connaissance d'une malformation congénitale ou génétique grave mettra suffisamment en danger le bien-être de la mère pour que soit accepté son souhait d'interrompre sa grossesse. Ceci pour montrer que les religions traditionnelles n'ont pas toutes des positions identiques et, a fortiori, que les "désirs, les circonstances et les sensibilités" peuvent être très différents parmi ceux qui ne se réfèrent à aucune tradition ou religion.

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Il est important de souligner que les tests et le conseil génétique ne doivent pas être considérés comme augmentant le nombre d'avortements et comme suspects d'agir "contre la vie". En fait, une étude hollandaise a montré que, lorsque n'existait aucun test permettant de déceler une maladie génétique (par exemple, la maladie de Huntington), 50% des couples à risques ne souhaitaient pas avoir d'enfants, tandis que 85% d'entre eux veulent avoir des enfants depuis que les tests et le conseil génétique ont été mis au point(20). Dans le cas de la thalassémie, un rapport du Royaume-Uni indique que le taux de procréation est passé de 50 à 98% aussitôt qu'un test prénatal est devenu disponible(20). Il en va de même des mesures de stérilisation : ainsi, certaines femmes, qui avaient opté pour la stérilisation parce qu'elles étaient susceptibles d'être porteuses d'un chromosome X fragile déterminant un retard mental chez l'enfant, ont choisi d'annuler la stérilisation à la suite d'examens génétiques permettant de déterminer clairement si elles étaient ou non porteuses de ce gène, ce qui fut possible après le clonage du gène en 1991 : de nombreuses femmes appartenant aux différents groupes à risques choisirent alors d'avoir des enfants(21). Les tests et le conseil génétiques tendent donc à favoriser la procréation en diminuant les risques et peuvent être considérés comme ayant une incidence "pour la vie" et, par conséquent, ne contribuent pas à accroître le taux global d'interruptions de grossesse.

L'implantation sélective pose un problème éthique nouveau et intéressant, en comparaison avec l'avortement. Est-il moralement préférable de sélectionner et d'implanter des embryons sains récemment fertilisés, plutôt que de pratiquer l'avortement sur un foetus de 3-4 mois ? A nouveau, la discussion morale tourne autour de la définition du moment où commence une vie pleinement humaine (voir plus haut), autour des analogies avec la "sélection" opérée par les Nazis dans les camps de concentration, ou encore autour de la question de savoir si une "mère" peut être considérée comme mise en danger par un embryon dont elle n'est pas encore enceinte. Il y a beaucoup d'autres considérations pratiques en rapport avec le procédé de FIV, son coût, ses risques d'erreurs, mais la méthode est utilisée et légale dans beaucoup de pays (Espagne, Etats-Unis d'Amérique, Israël). C'est un choix possible dans le conseil génétique qui s'adresse à des couples à haut risque, mais qu'il faut surveiller de près car il peut aussi rendre techniquement possible la thérapie génique germinale, la banale sélection sexuelle et l'eugénisme (section V).

La sélection du sexe reste une technique précieuse, par exemple pour des couples à haut risque de maladies liées au chromosome X (myopathie de Duchenne, retard mental lié au chromosome X fragile, hémophilie), et des méthodes variées peuvent être employées (fractionnement du sperme, implantation sélective, avortement sélectif). L'abus arbitraire non-thérapeutique de la sélection du sexe n'est pas par la même justifié.

Le conseil prénuptial est pratiqué pour les porteurs de traits génétiques pathologiques, et peut être appliqué dans des groupes régionaux ou ethniques avec une incidence relativement élevée de ces pathologies. La maladie de Tay-Sachs chez les Juifs Ashkénazes en Israël ou à New York en est un exemple : la méthode est adaptée aux moeurs des groupes ultra-orthodoxes, chez qui la sexualité est limitée à la vie conjugale et les mariages sont arrangés d'avance. Il est intéressant de constater que les rabbins sont fortement impliqués dans le conseil génétique prénuptial(7, 8). Cependant, dans certains environnements culturels, l'amour pour une personne ne peut-il être perçu comme une valeur éthique plus élevée que la procréation saine ? A Chypre, où le dépistage prénuptial pour la thalassémie est obligatoire, un rapport du Royaume-Uni indique que 98% des couples, en dépit du fait que les deux membres du couple sont des porteurs de la maladie, décident de se marier(20).

IV.2 Le conseil génétique individuel au cas par cas au regard de la réglementation et de la législation

L'éthique du conseil génétique est centrée sur le consultant : ce qui signifie que c'est lui qui en a l'initiative et qu'il s'agit de le rendre capable de prendre des décisions informées et indépendantes. L'éthique est centrée sur l'individu qui consulte et il faut se faire un devoir de viser son bien-être lorsqu'on présente tous les choix possibles : dire cela semble exiger une

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approche au cas par cas plutôt qu'une approche qui suivrait strictement des lois et des règles préétablies, qui lieraient le conseiller en limitant les options possibles. Certes, le conseiller doit être informé de ce qui est légal et illégal dans le pays où il exerce. Cependant, dans la mesure où certaines lois varient dans l'espace et le temps, le consultant doit malgré tout être informé de tous les choix possibles. Par exemple, l'implantation sélective peut être mentionnée comme une possibilité si elle est appropriée au cas particulier du patient, même si elle n'est pas légale dans son pays, dès lors qu'elle est légale dans un pays voisin. Ainsi, l'implantation sélective est interdite en France, mais elle est légale en Espagne.

On peut s'interroger sur la "sagesse" qui consiste à limiter les choix médicaux par des lois strictes, qu'il s'agisse de génétique ou d'assistance médicale à la procréation. L'éthique médicale et les codes d'éthique particuliers du conseil génétique donnent des repères suffisants à l'intérieur desquels il y a place pour un conseil au cas par cas, respectant l'esprit des codes éthiques. On a discuté plus haut des problèmes posés par les lois et, comme l'écrit Parker(15) : “Quiconque tente de fonder une politique (gouvernementale) visant à interdire les tests permettant de déterminer le sexe du foetus doit garder en mémoire une expérience récente concernant la règle dite du bâillon, qui visait à réglementer ce que les médecins travaillant dans des cliniques subventionnées par l'Etat pouvaient conseiller à leurs patients en matière d'avortement. On a finalement considéré que si des décrets d'Etat intervenaient dans la relation personnelle du médecin avec son patient, ils violaient les règles de la liberté de parole et de l'éthique thérapeutique et pouvait conduire les médecins à être accusés de faute professionnelle : la règle du bâillon a donc été abolie. Pour des raisons identiques, une politique qui prohiberait les tests génétiques permettant de déterminer le sexe du foetus à des fins de sélection du sexe ne devrait probablement pas être imposée par des autorités extérieures à la profession du conseil génétique”. Il peut y avoir des raisons justifiées de redouter une banalisation de la sélection du sexe, mais de telles règles peuvent gêner la sélection médicale du sexe dans des cas de maladies liées au chromosome X, comme celui du couple qui, ayant perdu un enfant hémophile, ne veut pas prendre le risque d'avoir un autre garçon atteint par la maladie et demande une aide médicale pour avoir une petite fille en bonne santé. Dans une approche au cas par cas, cette aide peut être considérée comme conforme à l'éthique, eu égard aux circonstances.

Les lois doivent être justes et cohérentes. Comme on l'a noté pour les Etats-Unis d'Amérique(15), si l'avortement est autorisé sans aucune justification jusqu'au milieu du deuxième trimestre de la grossesse, une loi interdisant l'avortement lorsqu'il résulte d'une information génétique sur le sexe du foetus n'aurait aucun sens. En Allemagne, il existe une règle éthique implicite, qui consiste à ne pas donner d'information sur la détermination du sexe avant la fin du premier trimestre de grossesse, ce qui correspond à la période où l'avortement est légalement autorisé(22). Si de telles règles participent du code d'éthique des médecins, il est possible d'y faire des exceptions que l'on traite au cas par cas. Ces décisions peuvent être placées sous le contrôle de comités éthiques interprofessionnels, comme les comités de Helsinki, parmi lesquels siégeaient des juristes, des philosophes, des autorités religieuses et communautaires.

Ce qui est acceptable et supportable pour des couples ou des familles en matière d'altérations génétiques, physiques ou mentales, ne peut être évalué qu'en fonction de décisions prises au cas par cas, qui dépendront elles-mêmes des circonstances, des croyances et des sensibilités. Bien que les consultants devraient être encouragés (par des conseillers, par des associations de personnes handicapées) à accepter ce lourd fardeau, en appréciant à leur juste mesure les conséquences de leur condition génétique, les possibilités et les choix offerts par la médecine ne doivent pas être refusés par le législateur, dans la mesure où la décision est prise de la manière la plus autonome et en s'entourant des meilleures garanties éthiques que peut offrir la consultation de médecins, de généticiens, de spécialistes religieux ou laïcs de l'éthique.

Il se pourrait bien que le CIB ait des difficultés à atteindre un accord législatif international sur des nombreuses questions aussi sensibles et qui varient d'une culture et d'une nation à l'autre. Mais il lui serait possible de soutenir un système de prise de décision individuelle au cas par cas, qui opérerait dans un cadre régulé par un ensemble de principes directeurs éthiques.

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IV.3 La relation médecin-patient et le conseil génétique Un aspect important de l'éthique du conseil génétique porte sur l'attitude qu'aura un consultant face aux données génétiques qui lui sont présentées et la manière dont il prendra une décision. A cet égard, il est important de conserver dans le conseil génétique une relation du type médecin/patient. La complexité du domaine couvert par la génétique médicale moléculaire, aussi bien que celle des problèmes psychologiques et éthiques, requiert et justifie la création d'une spécialité médicale nouvelle. Dans certains pays, comme les Etats-Unis d'Amérique, elle a fait naître une profession paramédicale spécialisée, exercée par des non-médecins. Cependant, tous les conseillers génétiques devraient tendre à adopter une attitude fondée sur l'éthique de la relation médecin/patient. La participation d'autres professions, psychologues ou spécialistes de l'éthique, doit être encouragée, dans la mesure où ils peuvent aider à prendre une décision et à l'assumer, mais le médecin doit rester le pivot de l'équipe.

La présence de médecins généralistes dans les équipes de conseil génétique permet aussi d'accroître le nombre, actuellement insuffisant, de professionnels qualifiés pour répondre aux besoins des services génétiques(23).

Les médecins veulent soigner, alors qu'on peut penser que la fonction des conseillers génétiques doit être seulement d'informer d'une manière absolument non-directive. Des études ont montré que l'attitude des obstétriciens, de spécialistes de génétique clinique et des infirmières en génétique, varie lors du conseil génétique en fonction du diagnostic de l'anormalité du foetus(24) : 68% des médecins adoptent une attitude directive, contre 43% des généticiens et 6% des infirmières. Cependant, la bioéthique de la relation médecin/patient a évolué entre les années 70 et 90 : ce n'est plus le modèle paternaliste (ou celui du "prêtre"), mais “un modèle contractuel selon lequel l'autorité éthique et la responsabilité sont partagées par le médecin et son client. (...) La relation entre les conseillers génétiques et leurs consultants reflète ce processus de prise de décision partagée, qui garantit aux consultants la possibilité de faire des choix reflétant leurs propres valeurs” (cité par Parker, voir réf. 15). Partager la décision, de manière à respecter l'autonomie du patient, mais en lui retirant une partie du fardeau, serait la meilleure manière d'accomplir l'obligation morale d'aide au patient, de maintenir ou de restaurer son bien-être par la confiance, obligations qui caractérisent la relation médecin/patient.

La question du conseil non-directif, objectif, mérite d'être examinée de plus près. Comme on l'a vu dans l'enquête (section II.5, Etats-Unis d'Amérique), certaines personnes considèrent le conseil non-directif comme de l'indifférence, comme un manque d'intérêt pour leur problème. Dans cette mesure, les remarques suivantes peuvent avoir un intérêt (Garver et Garver, réf. 25, la citation est reprise de Friedman et Reichelt dans le "Los Alamos Science", publié par le "Los Alamos Center for Human Genome Studies") : “La norme actuelle, dans la profession [de conseiller génétique] est de présenter l'information d'une manière non-directive, neutre, de façon à respecter l'autonomie du client. Cela signifie essentiellement que le conseiller ne doit pas projeter ses valeurs sur le patient. Mais cette norme peut-elle être appliquée dans la pratique ? Un docteur ne dira pas à un patient présentant un niveau élevé de cholestérol : 'votre cholestérol est à 350. Vous êtes en danger de mort, donc renseignez-vous sur le cholestérol et prenez votre décision en toute liberté'. Le conseil du médecin sera beaucoup plus directif : il indiquera un traitement et des changements de mode de vie qui pourront améliorer l'état du malade. Cependant, les spécialistes du conseil génétique s'accrochent encore au modèle du conseiller non-directif et du patient autonome - ce modèle est de plus en plus intenable”. Garver et Garver(25) poursuivent : “Mais en fait, l'analogie ne tient pas, car lorsqu'un médecin donne un conseil à propos d'un cholestérol élevé ou d'une angine, ou de la plupart des autres indications médicales, cela n'engage pas une décision éthique ou morale très importante de la part du patient. Au contraire, de nombreuses décisions génétiques médicales soulèvent de graves questions engageant un diagnostic prénatal, un avortement, une stérilisation, qui ont des implications morales ou éthiques différentes pour la plupart des patients. Ces décisions morales ou éthiques graves doivent être prises par le patient, avec l'aide du médecin, du généticien clinique, ou du conseiller génétique, et parfois avec l'avis d'un rabbin, d'un pasteur ou d'un prêtre”.

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Les arguments sont bien présentés et soulignent les difficultés pratiques du conseil génétique. On pourrait ajouter que souvent les médecins prennent d'importantes décisions éthiques avec le consentement du patient et de la famille, comme dans le cas de greffes, d'opérations chirurgicales lourdes ou du traitement de patients au stade terminal. Pourquoi alors beaucoup d'entre eux ont-ils le sentiment que ces situations sont différentes de celle du conseil génétique ? Ceci résulte sans doute du fait qu'en conseil génétique il n'y a généralement pas d'urgence médicale certaine ou immédiate et, dans le cas du diagnostic prénatal, la relation à un être pas encore né est appréhendée d'une autre manière que la relation à un individu affecté d'une maladie qui met sa vie en danger. Ceci peut apparaître comme des différences secondaires et subjectives, qui ne justifient pas que l'on sépare le conseil médical des autres pratiques médicales et que l'on prive le patient d'un soutien plus directif de la part des médecins.

Difficultés du conseil génétique pour les médecins. Il peut être difficile pour le médecin, et certainement pour les médecins généralistes, de bien informer le consultant à propos de son état génétique. L'information est techniquement complexe et les implications éthiques, les impacts psychologiques, peuvent dépasser l'expérience du médecin. Cependant, un principe bioéthique fondamental est celui du consentement éclairé, qui oblige “à présenter l'information de telle manière qu'une personne de culture et d'intelligence moyenne peut la comprendre et à répondre aux questions spécifiques que le client individuel ou le sujet de la recherche peut poser” (15). Il y a une obligation de dialogue avec le patient. Les médecins doivent se plier à ces obligations, ce qui signifie qu'ils doivent y consacrer leur temps et leurs efforts, aux fins de conseil et de traitement. Les médecins devraient se former à la génétique et coopérer de près avec des généticiens et des personnes plus spécialisées dans le domaine de l'éthique, de manière à accomplir ces exigences d'information et de communication (à rendre les consultants capables de prendre des décisions libres et éclairées en ce qui concerne leur santé et leur procréation) mais sans perdre de vue la visée médicale, qui est d'aider le patient à conserver ou à retrouver son bien-être.

Le conseil génétique ne peut pas se réduire à une consultation unique ; il devrait se répéter aussi souvent que nécessaire. Le droit à un deuxième avis médical peut être étendu au droit à une seconde consultation auprès d'un autre médecin compétent. Ceci doit être proposé par le médecin traitant, afin de respecter les valeurs de son client et de l'aider à prendre la meilleure décision possible. Une autre exigence fondamentale du conseil génétique est d'apporter un soutien moral à cette décision.

V. Problèmes moraux généraux posés par le conseil génétique

L'enquête (section II.7) indique que les Etats ou les gouvernements ne sont pas impliqués dans la conduite du conseil génétique et souligne le fait que son éthique est essentiellement centrée sur l'individu. Cependant, il ne faut ignorer ni l'impact de plus en plus important que le diagnostic génétique prédictif aura sur la société, ni les réactions de la société à cet égard. Il est sain, dans le cadre d'une "bioéthique de prévention", d'anticiper des problèmes de société qui sont sans doute plus aisés à prévenir qu'à guérir(15). Il y a des problèmes pratiques et économiques, mais aussi des dilemmes moraux et philosophiques, qu'il n'est possible de résoudre que par un effort d'éducation, visant tant le public que les autorités.

V.1 Problèmes sociaux, économiques, politiques Caractère volontaire. La demande du conseil et de tests génétiques doivent demeurer le fait de l'individu ou de la personne ayant la responsabilité légale (mère). Il ne doit pas exister de programmes de dépistage, systématiques ou obligatoires, imposés par la société. De telles entreprises peuvent trouver réellement leur source dans une préoccupation authentique de la santé de la population (comme dans les régions de grande fréquence d'une grave maladie héréditaire), mais elles pourraient trop facilement s'étendre à des traits de comportement ayant une base supposée génétique : alcoolisme, homosexualité, crime(26, 27),

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conduisant à un risque réel de faire resurgir l'eugénisme (section V.2). C'est pourquoi, dans la mesure où la société a le devoir de mettre des tests génétiques scientifiquement fiables à la disposition du public, y compris par le conseil prénatal ou prénuptial, ceux-ci ne doivent pas être obligatoires, mais toujours volontaires. L'obligation de subir des tests génétiques pour accéder à certaines professions, où des tests biochimiques sont déjà en usage (par exemple pilotes d'avion), est aussi très problématique.

Confidentialité vis-à-vis de l'employeur. L'aspect prédictif du conseil génétique peut conduire les employeurs à licencier des employés en bonne santé susceptibles d'une éventuelle maladie, ce qui serait une discrimination injuste. D'un autre côté, la connaissance d'une prédisposition génétique peut conduire à éviter l'exposition à des produits chimiques ou à un environnement qui pourrait accroître le risque de maladie. Un employé peut poursuivre une société qui n'a pas tenu compte d'un trait génétique de ce genre. Il est donc nécessaire de réfléchir à de tels problèmes, qui sont complexes.

Confidentialité vis-à-vis des compagnies d'assurance. Celle-ci doit être respectée et régulée par une législation adéquate, ceci afin d'éviter que l'on exclue, ou que l'on fasse payer une prime plus élevée, à des porteurs de traits génétiques susceptibles d'accroître le risque de maladies (par exemple, gènes du cancer, maladies mentales). De tels problèmes existent pour d'autres tests médicaux (par exemple, cholestérol élevé) et ils restent ouverts, dans la mesure où les conceptions de l'étiologie des maladies (par exemple, les maladies cardio-vasculaires) évoluent encore avec la recherche. Avec le diagnostic génétique, les problèmes sont plus complexes, puisque le nombre de gènes à tester est élevé et que l'examen peut se faire en l'absence de tout symptôme de maladie, et même avant la gestation. Les gens peuvent être pénalisés pour un génotype qui n'est pas en relation nécessaire avec leur phénotype. Mais il existe aussi l'envers de la médaille : certaines personnes, ayant reçu des informations aux sujets de certaines anomalies, pourraient tenter de les faire couvrir par un contrat d'assurance, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, sans révéler l'information et en tirant ainsi un avantage malhonnête des compagnies d'assurances.

L'assurance médicale peut certainement jouer un rôle positif en couvrant les frais des examens et du conseil génétique, ou ceux occasionnés par un contrôle précoce fréquent de la maladie (par exemple, des mammographies fréquentes dans le cas d'un BRCA-1), ce qui n'est pas le cas si l'assurance couvre uniquement les examens en rapport avec un symptôme clinique. Les questions liées aux assurances sont donc complexes.

Confidentialité à l'égard de l'Etat. Il peut exister, dans le cas des systèmes de protection médicale d'Etat, des difficultés identiques : pour des raisons d'économie, les droits aux soins médicaux des malades porteurs de pathologies génétiques peuvent être menacés, à cause du coût élevé des tests génétiques ou de celui de l'hospitalisation et des soins. Pire, on peut les encourager à ne pas procréer, voire même à subir une stérilisation(25). Ceci revient à pénaliser doublement ceux qui souffrent d'une variation naturelle dont ils ne sont pas responsables (ce qui serait à peu près du même ordre que de dispenser des soins médicaux en fonction de l'âge des patients).

Les banques de données sur les maladies génétiques peuvent avoir une valeur pour la thérapeutique et pour la recherche, spécialement pour la cartographie et l'identification de nouveaux gènes fondées sur l'étude d'une famille. De telles banques de données doivent rester, autant que possible, anonymes, ou codées, et ne doivent pas être mises à la disposition de l'Etat, sinon pour des programmes de recherche ayant une justification éthique, qui sont évalués par des membres de la profession médicale.

Supervision et formation des conseillers génétiques. Avec les progrès du Projet sur le Génome Humain, le conseil génétique deviendra très probablement une spécialité médicale à part entière, sinon un nouveau domaine professionnel. La génétique moderne doit être enseignée dans les facultés de médecine et dans le cadre de cycles spécialisés d'enseignement. Le conseil, l'information et l'éducation du public en ce qui concerne la signification des gènes, des polymorphismes, des mutations, les certitudes et les incertitudes de la détermination génétique de la santé, du comportement, des performances, voire même de l'intelligence, sera en grande partie entre les mains des conseillers génétiques. Sans le vouloir ou sans le savoir, les propres valeurs des conseillers peuvent influencer leur attitude

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en ce qui concerne ces questions complexes, dont certaines touchent aux débats "inné/acquis" : débats dans lesquels les deux côtés ont en partie raison et qui ne seront jamais résolus(26). Répondre à ces défis exigera un encadrement et une éducation des conseillers bien supérieurs à ce qui est aujourd'hui mis à leur disposition par les organisations professionnelles et par leurs codes éthiques. Qui apportera cet encadrement ? La réponse est-elle dans la création de comités d'éthique interprofessionnels et internationaux ? Voilà les questions qui devront être discutées. Rares seront, probablement, ceux qui accepteront de laisser la responsabilité des réglementations aux seuls politiciens. Il faut cependant envisager avec lucidité la question du contrôle des conseillers.

Commercialisation des tests génétiques et conseil génétique. De nouvelles sondes d'ADN et la PCR ou d'autres systèmes de diagnostic sont en cours de commercialisation. Des organismes très dynamiques spécialisés dans le diagnostic offrent des examens génétiques contre payement et le marché grandit rapidement. Cela soulève beaucoup de discussions, en particulier pour le groupe des gènes du cancer(4), dont la signification n'est pas très claire aux yeux du grand public (section III.1). En même temps que les tests, il est possible que le conseil soit aussi bientôt commercialisé par des organismes privés. Bien qu'il s'agisse d'activités de diagnostic, qui pourraient être assimilées au dosage du sucre, du cholestérol, ou de la pression sanguine, aujourd'hui effectués comme des services "de masse", une telle commercialisation des tests génétiques(9) peut conduire à des problèmes éthiques beaucoup plus complexes. On fait déjà de la publicité pour la détermination et la sélection du sexe du foetus. De toute évidence, il est devenu urgent de réfléchir à la manière de réguler la commercialisation privée des tests et du conseil génétique. Les instances législatives devraient autoriser les tests génétiques au même titre que d'autres procédures thérapeutiques.

Responsabilités juridiques. Des erreurs professionnelles commises par des conseillers génétiques ont déjà conduit à des procès dans plusieurs pays. Particulièrement révélateurs des problèmes éthiques sont les procès pour "vie à tort" (wrongful life) intentés à l'occasion d'erreurs en conseil génétique, dans des cas de naissance d'enfants anormaux. Ainsi, une erreur lors d'un conseil génétique prénuptial a conduit à exclure le risque de maladie de Hunter chez une femme, qui donna cependant naissance à un enfant atteint(28). Reconnaître qu'un tort personnel avait été commis à l'égard du fils c'était supposer que cette erreur grevait son existence, l'alternative étant de n'être pas né. De telles décisions de justice sont compatibles avec un système de droit social qui reconnaît les préjudices causés par les erreurs médicales ; ils posent néanmoins la question de l'existence d'un "droit à n'être pas né". A l'inverse, les personnes affligées d'une maladie génétique, mais qui vivent avec leur handicap, peuvent remercier leurs parents de ne pas s'être rendus à une consultation génétique, puisque l'alternative aurait été de ne pas exister du tout. De telles poursuites, dans la mesure du possible, devraient être découragées.

Les principes de justice, d'équité et d'égalité sociale doivent diriger et prévaloir dans tous les aspects du conseil génétique : sa capacité de s'adresser à tous les groupes sociaux et ethniques (conseillers en nombre suffisant), sa disponibilité (à la demande du consultant) son contenu (non paternaliste), ses choix (les mêmes pour tous les groupes sociaux).

V.2 Interrogations morales, religieuses et philosophiques L'hygiène génétique : un concept hasardeux. Faire disparaître les maladies est le rêve de l'humanité. La médecine a déjà remporté quelques victoires limitées contre quelques maladies virales, microbiennes, parasitaires, environnementales. On peut penser que, à mesure que le Projet sur le Génome Humain se développe, la capacité de détecter et de prévoir des maladies transmises génétiquement s'accroît et permettra à terme leur disparition par une supposée "hygiène génétique". Néanmoins, il faut distinguer soigneusement entre, d'une part, les décisions libres des individus d'assumer ou de refuser le risque lié à la conception et, en dernière instance, la décision de porter un enfant affecté d'une maladie génétique, et, d'autre part, les actes ou les recommandations qui seraient le fait de la société. Dans le deuxième cas (mais non dans le premier) il s'agit d'eugénisme négatif, idéologie dangereuse qui a été refusée par la science. Dans le premier cas, il s'agit d'une décision médicale relevant de la sphère privée.

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Questions d'eugénisme. Les applications humaines de la technologie génétique moderne ne conduisent pas inévitablement aux débordements de l'eugénisme. Une différence essentielle entre la génétique et l'eugénisme est l'importance que la première accorde au bien-être de l'individu plutôt qu'à la société(29). C'est seulement lorsque les tests et le conseil génétique ne sont pas effectués dans le cadre d'une pratique médicale privée, confidentielle et libre, avec la seule participation d'experts en génétique, en psychologie et en éthique, qu'il existe un danger d'eugénisme social. Danger qui ne réside pas seulement dans le fait que soient imposées par la société des dépistages génétiques systématiques ou obligatoires : des actions indirectes, telles que la limitation des soins ou de l'assurance-vie pour des patients atteints d'une maladie génétique, pour des couples en état de procréer ou des familles porteuses de certains gènes pathogènes, reviendraient à des mesures discriminatoires conduisant à l'eugénisme. Donner des avantages - tels que des primes d'assurances plus faibles, certains bonus au regard de l'emploi ou de la société - à des individus qui présentent une "carte génétique saine" de leur propre génome ou de celui de leurs enfants, tandis que les systèmes de soins à l'égard de personnes souffrant de handicaps génétiques subissent une érosion, suffit à faire surgir le spectre de l'eugénisme(25, 30). En fait, une vulgarisation simpliste des résultats scientifiques de la génétique humaine consisterait à mettre l'accent sur le déterminisme génétique ou le "fatalisme génétique"(27) et à négliger la capacité de l'individu à accepter, dépasser, ou compenser les handicaps : elle ferait renaître dans l'esprit du public les idéologies faussement scientifiques, déjà véhiculées au cours de ce siècle, à savoir, l'eugénisme et la discrimination raciale.

Objections à l'eugénisme : scientifiquement il n'y a ni bons ni mauvais gènes. Les gènes codent pour des protéines qui remplissent des fonctions dans le corps humain, pour sa croissance et sa santé. Les gènes sont polymorphes, ils diffèrent dans certaines de leurs séquences d'ADN, chez des individus différents, selon leur hérédité. Il n'existe pas de gènes du cancer, de la myopathie ou de la maladie d'Alzheimer : certains gènes altérés perdent leur fonction et causent ou prédisposent à la maladie. Cependant, la recherche a maintenant établi que ces variétés de gènes pathologiques sont en fait liées à certains avantages sélectifs, dus à certaines conditions liées au mode de vie ou à l'environnement. Ainsi, dans une région ou un groupe humain donné, on observe, sur les gènes déterminant une pathologie, différents types de mutations qui ne résultent pas d'un accident qu'un "fondateur" aurait transmis à tous les patients affectés. Par exemple, à La Réunion, les individus qui souffrent d'une myopathie de la ceinture des membres possèdent plusieurs mutations différentes sur le même gène, indiquant qu'il doit exister un avantage sélectif lié à ces modifications(31). Dans certains cas, des études épidémiologiques et biochimiques ont révélé que le gène mutant, à l'état hétérozygote, protégeait d'autres maladies : les mutations liées à l'anémie falciforme protégeaient contre le paludisme, celles de la mucoviscidose contre le choléra, et peut-être même celle de la maladie de Tay-Sachs contre la tuberculose. En des temps et des lieux où ces autres maladies ne sont plus létales, les mutations apparaissent comme de mauvais gènes et on en oublie l'aspect positif. S'il semble logique d'utiliser la génétique pour éviter la naissance d'homozygotes atteints par une maladie, il serait absurde d'éliminer tous les mauvais gènes. En effet, nous ignorons quelle autre fonction bénéfique peuvent avoir ces gènes pathogènes et nous ne pouvons certainement pas prévoir ce qu'il adviendrait pour l'humanité, s'ils étaient tous détruits. Même dans les cas où il s'agit de mutations nouvelles, et dont la sélection est improbable, les désignant ainsi de "gènes qui ont mal tourné", l'éventuel avantage que l'on aurait à éliminer le gène altéré chez les hétérozygotes devrait être mûrement pesé.

L'héritage génétique humain est imparfait. La fréquence des porteurs de gènes pathologiques est élevée (1/20 pour la mucoviscidose) ; étant donné le grand nombre d'états génétiques, nul ne peut affirmer qu'il possède un génome sain à 100%. Selon les termes du groupe "Génétiq" du Québec(30) : “Tous les êtres humains sont porteurs de gènes anormaux, variants, qui peuvent causer une pathologie ou une susceptibilité à des maladies ; nul ne peut être qualifié de génétiquement sain ou génétiquement déficient. Une discrimination fondée sur des bases génétiques pourrait frapper chaque individu. Il faut appréhender l'individu humain dans toute sa complexité et son originalité”. Ces remarques importantes mettent bien l'accent sur l'attitude morale nécessaire pour combattre l'eugénisme ou toute tentative, de la part de la société, pour conduire l'individu à "purifier" ou à corriger son génome afin d'adhérer à une norme illusoire. L'idée que le monde ou l'homme est imparfait trouve aussi ses racines

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dans les religions, qui considèrent le faible et le malade comme des créatures de Dieu, s'opposant ainsi à "la survivance du plus apte". Le fait de mettre ou non un enfant gravement malade au monde doit relever d'une décision individuelle et non d'une volonté de renforcer la nature (la tradition mystique juive affirme que Dieu a créé le monde imparfait).

La diversité humaine interdit que l'on définisse un prototype normal. Le respect de l'individu humain rend également illusoire le désir d'un "enfant parfait", sans défaut génétique. Il peut sembler justifié d'éliminer ou de réparer certains gènes pathologiques, mais il faut aussi considérer la capacité de l'individu à prendre en charge un enfant gravement malade. Le mot "défaut" suppose qu'il existe un prototype parfait, qui nie la diversité humaine. La société ne peut mettre en avant un prototype, ou bien alors elle pourra décider que le fait d'être gaucher, d'avoir un certain caractère, une certaine couleur des yeux, des cheveux ou de la peau, est un défaut génétique. La diversité humaine est sans doute le secret du succès de notre espèce. Les possibilités, offertes par les tests génétiques, de détecter des gènes prédisposant à la maladie mentale, y compris à la schizophrénie(31), doivent être considérées avec beaucoup de prudence, non seulement à cause de conclusions prématurées, erronée ou incomplètes, mais surtout parce que la possession de certains caractères génétiques n'est pas nécessairement liée à la haute héritabilité d'un certain phénotype(27). S'il est justifié d'utiliser la génétique pour trouver un moyen de traiter un phénotype, l'élimination d'un gène à risque peut être une pratique sociale inutile et dangereuse. “Chaque individu possède son propre héritage, qui inclut certains dons, certains avantages, et certains défis. (...) Chacun de nous possède, d'une manière ou d'une autre, ses handicaps et ses difficultés.” (22) Ces traits psychologiques génétiques font partie de la diversité humaine, avec son mélange d'artistes, de savants, de défenseurs de l'ordre établi et de libres penseurs. L'environnement social et l'éducation rendent ces traits génétiques malléables et cela est certainement vrai aussi pour une intelligence dont le QI est bas(26, 27). Chaque être humain est tout à la fois le produit de ses gènes et de son environnement. Le libre arbitre absolu et le fatalisme génétique(27) sont deux conceptions extrêmes du comportement humain, dont l'importance relative change en fonction des philosophies en vigueur, car les deux contiennent une part de vérité : mais la vie est en réalité un équilibre, une synthèse de ces deux aspects.

Le Scientisme (et non la Science) peut conduire au génocide. S'ils sont mal compris, les résultats du Projet sur le Génome Humain, dont on parle tant, et le recours grandissant au conseil génétique, contiennent en eux-mêmes le danger de faire naître un fatalisme simpliste, du type de celui qui a conduit à des mesures eugéniques de stérilisation des alcooliques et des déficients mentaux dans plusieurs états des Etats-Unis d'Amérique et en Scandinavie(25, 33). Un livre récent de Stephan Kuhl (34) a mis en lumière les rapports de ces mesures eugéniques, apparemment fondées sur l'hygiène génétique scientifique, avec le "Mein Kampf" d'Hitler et le programme d'eugénisme Nazi qui en a découlé et qui prévoyait la stérilisation et l'euthanasie des retardés mentaux et des alcooliques chroniques. Un autre livre de Lifton et Markusen(35) a montré que le prestige scientifique de la doctrine Nazi était fondé sur certaines conceptions de la biologie appliquée, selon lesquelles la régénération raciale découlait de la "survivance du plus apte" darwinienne (Francis Galton, qui fonda l'eugénisme en 1887, était le cousin de Darwin). Il a également montré comment cette conception a servi les objectifs de la doctrine Nazie, visant à éliminer les éléments contaminants : d'abord les retardés mentaux et les malades, ensuite les Juifs et les autres races inférieures.

De tels précédents historiques récents et d'autres, qui ont pu utiliser des moyens pseudo-médicaux et psychiatriques pour violer les droits de l'homme, indiquent clairement qu'il faut prendre de grandes précautions pour que la science ne devienne pas un scientisme qui ignore ou outrepasse les valeurs morales de la société. L'éthique préventive consiste à prévoir de tels risques d'incompréhension à l'égard de la science. Les conseillers génétiques, comme ceux qui tiennent le public informé des possibilités offertes par les découvertes modernes de la génétique humaine, ont la très importante responsabilité de les présenter dans un contexte absolument conforme à l'éthique. L'eugénisme négatif, de même que l'eugénisme positif (la sélection simple, ou la sélection du sexe, de la couleur des yeux, de la taille, ou autre trait esthétique, par manipulation génétique) sont des sources potentielles de calamités sociales. Ignorer ces dangers sociaux pourrait conduire à anéantir tout les bienfaits, pour l'individu, d'un conseil génétique médical conforme à l'éthique.

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VI. Conclusions Le conseil génétique, tel qu'il se pratique aujourd'hui, adhère aux plus hauts critères de la doctrine bioéthique, il respecte la liberté individuelle, les droits de l'homme et les valeurs culturelles. Il apporte un service médical inestimable et permettra de plus en plus aux patients de tous les pays de bénéficier des très importants progrès scientifiques résultant du Projet international sur le Génome Humain. Une approche "d'éthique préventive" (15) exige que l'on s'assure du respect des règles bioéthiques et que l'on prévoie l'impact de cette nouvelle génétique médicale sur l'humanité. Certaines organisations, telles que le ELSI du Projet sur le Génome Humain, ou le CIB de l'UNESCO, peuvent jouer un rôle immense, non en imposant un ordre universel, mais en faisant s'accorder les valeurs culturelles individuelles et la science.

Références

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22. Communiqué par le Professeur H.-M. Sass, Université de Ruhr,Bochum, membre du CIB

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34. Kuhl S., "The Nazi Connection - Eugenics, American Racism and German National Socialism". Oxford et New York: Oxford University Press, 1995

35. Lifton R.J. et Markusen E., "The Genocidal Mentality, Nazi Holocaust and Nuclear Threat". Londre: MacMillan, 1993

ANNEXE

COMITE INTERNATIONAL DE BIOETHIQUE

Groupe de travail sur le conseil génétique

Rapporteurs: M. Sidney Altman (Etats-Unis d'Amérique) M. Michel Revel (Israël) Membres: M. Ricardo Cruz-Coke (Chili) M. Rubén Lisker Y. (Mexique) M. Jean-Marie Mpendawatu (Zaïre-Vatican) M. Qiu Renzong (Chine) M. Daniel Serrao (Portugal) M. David Shapiro (Royaume-Uni) Mme Lidia Vidal-Rioja (Argentine)