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Le comportement alimentaire humain Approche scientifique

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Le comportementalimentaire humainApproche scientifique

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MONOGRAPHIES DE LA CHAIRE DANONE

1. TOMÉ, Daniel. Des macro-nutriments alimentaires à la santé de l’homme.1995, 106 p.

2. ALLISON, Simon Philip. Nutrition in Medicine : A Physician’s View. 1996,153 p.

3. CUMMINGS, John Hedley. The Large Intestine in Nutrition and Disease.1997, 155 p.

4. SCHAAFSMA, Gertjan. The Western Diet, with a Special Focus on DairyProducts. 1997, 124 p.

5. ROZIN, Paul. Towards a Psychology of Food Choice. 1998, 265 p.

6. BRIEND, André. La malnutrition de l’enfant. Des bases physiopathologiques àla prise en charge sur le terrain. 1998, 163 p.

7. BELLISLE, France. Le comportement alimentaire humain. Approchescientifique. 1999, 138 p.

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Le comportement alimentairehumainApproche scientifique

France BELLISLE

Cours dispensé dans le cadre de la Chaire Danone 1998Publié par l’INSTITUT DANONE en 1999

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© Institut Danonerue du Duc, 100B-1150 BRUXELLES (Belgique)e-mail: institut [email protected]://www.danone-institute.behttp://www.danone-institute.com

D/1999/7468/1ISBN 2-930151-08-0Page de couverture : Thierry De Prince

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Table des matières

Avant-propos VIIPréface IXRemerciements XIRésumé XIII

Introduction 1

1 – Le comportement alimentaire et ses déterminants 3

1-1 L’homéostasie 31-2 L’organisation chronologique de la prise alimentaire 51-3 Trois mécanismes déterminants 7

1-3-1 Le mécanisme de faim-satiété 71-3-2 Le rassasiement 91-3-3 Le mécanisme d’apprentissage alimentaire 11

• Les lois de l’apprentissage alimentaire 15• L’inné et l’acquis 16

1-4 Les conditionnements 171-4-1 L’apprentissage et la sélection des aliments 211-4-2 La phase céphalique de la digestion 261-4-3 Le conditionnement instrumental 291-4-4 Paramètres du renforçateur 321-4-5 Relations entre réponse et renforcement 331-4-6 Renforcement et homéostasie 341-4-7 Déclenchement du comportement 34

2 – Description des comportements alimentaires 392-1 La distribution circadienne de la prise alimentaire 392-2 Les choix alimentaires au cours de la vie 41

2-2-1 Stade fœtal 412-2-2 Le nourrisson 432-2-3 Les goûts de l’enfant 432-2-4 La consommation alimentaire spontanée de l’enfant 462-2-5 La consommation apprise 492-2-6 L’aliment-récompense 50

2-3 Fonctions sensorielles et goûts alimentaires 512-3-1 Psychophysique de la stimulation alimentaire 512-3-2 Les préférences alimentaires 51

2-4 Le goût sucré 60

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3 – Les hommes et les femmes devant l’alimentation 653-1 Perception des goûts alimentaires 653-2 Capacité de régulation dans des conditions changeantes 663-3 Résultats d’enquêtes 673-4 Le «semainier» alimentaire 68

4 – Les aliments nouveaux 714-1 Les édulcorants intenses 72

4-1-1 La compensation 734-1-2 Aspartame : effets sensoriels et métaboliques 764-1-3 Utilisation courante 774-1-4 Conclusions concernant les édulcorants intenses 79

4-2 Lipides et allégés en matières grasses 794-2-1 L’offre d’aliments allégés en lipides 804-2-2 Sécurité alimentaire 814-2-3 Propriétés organoleptiques 824-2-4 Régulation énergétique et compensation 824-2-5 Étude de consommation 864-2-6 Vitamines liposolubles 88

4-3 Les nouveaux additifs alimentaires 88

5 – L’obésité 915-1 Première hypothèse : l’obèse mange trop 935-2 Deuxième hypothèse : l’obèse choisit mal ses aliments 955-3 Troisième hypothèse : le comportement alimentaire de l’obèse

est anormal 985-3-1 Thérapie comportementale 104

5-4 Quatrième hypothèse : l’obèse mange pour de mauvaises raisons 1055-5 Contribution de l’environnement 1055-6 Conclusions sur l’obésité 109

6 – Les troubles des comportements alimentaires 111

Conclusions 115

Bibliographie 117

Index 137

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Avant-propos

L’INSTITUT DANONE est une association regroupant des scientifiques,spécialistes de l’alimentation et de la nutrition. Il a pour vocation d’établir un lienentre la communauté scientifique et les professionnels de la santé et del’éducation. C’est dans cette perspective que l’Institut a créé la CHAIRE DANONE.

La CHAIRE DANONE a pour objet l’exposé d’acquisitions récentes dans ledomaine de la nutrition humaine. Chaque année, une université francophone etune université néerlandophone belges organisent sous leurs auspices unenseignement dispensé par un savant belge ou étranger. Cet enseignement, destinéà un public universitaire multidisciplinaire, comprend une leçon inaugurale suiviede 15 heures de cours. L’ensemble des conférences fait l’objet d’une publicationintégrée dans une série de monographies éditées par l’INSTITUT DANONE.

Le Dr France Bellisle, chercheur auprès de l’INSERM, a été titulaire de laCHAIRE DANONE attribuée à la Faculté universitaire des Sciences agronomiquesde Gembloux pour l’année académique 1997-1998. La monographie “Lecomportement alimentaire humain. Approche scientifique” reprend le contenu descours qu’elle a donné dans ce cadre.

L’INSTITUT DANONE témoigne sa vive reconnaissance au Dr France Bellislepour un enseignement dont la richesse a laissé un souvenir vivace auprès de ceuxet celles qui l’ont suivi. Il remercie le Professeur Claude Deroanne, Recteur de laFaculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, et le ProfesseurAndré Théwis, pour leur précieuse contribution à l’organisation de la ChaireDanone. Madame Micheline Populer, responsable des Presses Agronomiques dela Faculté de Gembloux, poursuit avec un enthousiasme qui ne se dément pasl’édition de la collection “Monographie CHAIRE DANONE”. La qualité de son travailéditorial contribuera certainement à assurer à la monographie du Dr Bellisle lesuccès qu’elle mérite.

Prof. Dr Kenny DE MEIRLEIR Prof. Dr André HUYGHEBAERT

Président du Président duConseil Scientifique Conseil d’Administration

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Préface

Née à Lauzon au Québec, le docteur France BELLISLE a débuté ses étudesuniversitaires en psychologie expérimentale à l’Université McGill à Montréal.Après avoir obtenu son masters dont le sujet concernait le substrat neuronal de lamotivation à manger chez le rat, elle vient poursuivre ses travaux dans lelaboratoire de Jacques LE MAGNEN au Collège de France. Elle y travaille audéveloppement de méthodes d’étude du comportement alimentaire humain enlaboratoire. Elle étudie expérimentalement la stimulation à manger chez l’hommesain, stimulation produite par des facteurs sensoriels tels que le goût des alimentsou systémiques tels que la phase céphalique de la digestion ou encore la sécrétiond’hormones pancréatiques. Ces travaux aboutissent en 1984 à la présentationd’une thèse de Doctorat d’État brillamment réussie. Parallèlement, à travers desétudes épidémiologiques longitudinales, elle s’intéresse à l’alimentation du jeuneenfant et ses répercussions sur l’obésité future.

Elle séjourne ensuite un an à l’École de Médecine de Prague où elle seconsacre à l’enseignement et à la recherche.

En 1985, elle entame sa carrière de chercheur au CNRS. Elle est affectée àl’Unité 341 de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale(INSERM), Unité de Génie biomédical et Diabète sucré, et travaille dans le servicede Médecine et Nutrition de l’Hôtel-Dieu de Paris.

Actuellement, France BELLISLE poursuit ses travaux de recherche au sein decette Unité au titre de chargée de recherche de première classe. L’étude scientifiquequantitative du comportement alimentaire humain constitue toujours la base de sesrecherches. Au cours de ses travaux, elle décortique les mécanismes et les lois quicommandent la consommation alimentaire chez l’humain, recherches difficiles carles facteurs impliqués dans le comportement alimentaire sont multiples et variés.Ses thèmes de recherche actuels concernent le comportement alimentaire humainvis-à-vis des nouveaux aliments, en particulier les allégés, le pouvoir rassasiant etsatiétogène de diverses protéines, de repas traditionnels ou de fast foods, lapalatabilité et la stimulation de la prise alimentaire, l’alimentation des personnesâgées hospitalisées, les cycles quotidiens, hebdomadaires et saisonniers de laconsommation alimentaire chez les sujets sains, obèses ou diabétiques.

Le docteur F. BELLISLE est auteur ou coauteur de très nombreuses publicationsde haut niveau, mais également d’articles de vulgarisation. Elle a acquis uneréputation internationale non seulement dans le milieu scientifique maiségalement dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire.

La Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux est trèshonorée d’avoir accueilli le docteur France BELLISLE en sa qualité de titulaire de laCHAIRE DANONE.

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L’importance du public présent à l’occasion de la leçon inaugurale et àchacun des cours témoigne tant de l’intérêt pour le thème choisi que de la qualitéde l’orateur. La rigueur de la démarche scientifique, la clarté des exposés, l’écoutedu docteur BELLISLE à l’égard des hommes et des femmes face à leurs problèmesnutritionnels, sa passion pour le travail et l’étendue de ses connaissances ont étéappréciées de tous.

Mais à côté de la scientifique de haut niveau, ce fut un plaisir pour nous decôtoyer la femme agréable et affable qu’est le docteur F. BELLISLE.

Que l’INSTITUT DANONE trouve également ici l’expression de nos sincèresremerciements pour la persévérance avec laquelle il soutient l’organisation detelles Chaires. Que les succès rencontrés depuis la création des premières CHAIRES

DANONE durant l’année académique 1993-1994, l’importance de la nutrition pourla santé humaine et les progrès constants des connaissances scientifiques dans ledomaine, constituent un encouragement à la poursuite de cette heureuse initiative.

Prof. A. THÉWIS Prof. C. DEROANNE

Unité de Zootechnie Unité de Technologie desFaculté universitaire des Industries agro-alimentairesSciences agronomiques Recteur de la Faculté universitairede Gembloux des Sciences agronomiques

de Gembloux

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Remerciements

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Monsieur Jacques LE MAGNEN,Directeur de Recherche au C.N.R.S., auprès de qui j’ai appris des concepts quim’ont guidée dans tout mon parcours scientifique. Il n’y a pas une page de cettemonographie qu’il n’ait inspirée, directement ou indirectement. Ses travauxpionniers éclairant les mécanismes de l’homéostasie alimentaire chez l’animal ontdéterminé chez moi, et bien d’autres, la conviction que le comportement humain,si complexe soit-il, peut être appréhendé de façon heuristique par la démarchescientifique.

Cette démarche, en ce qui me concerne, a été accompagnée par de trèsnombreux collaborateurs de grande valeur, parmi lesquels Pierre AIMEZ, ArnaudBASDEVANT, Dominique BLAZY, Francis BORNET, Michèle CHABERT, Élisabeth CONTOUR,Anne-Marie DALIX, Anne-Marie DARTOIS, John DE CASTRO, Michèle DEHEEGER,Françoise DEMOZAY, Martine DOASSANS, Adam DREWNOWSKI, Fabienne ELGRABLY,Ismène GIACHETTI, Serge HERCBERG, Vincent LANG, Christiane LARUE-ACHAGIOTIS,Michèle LE BARZIC, Valérie LEHNERT, Jeanine LOUIS-SYLVESTRE, François LUCAS,Christine MARTIN, Mounir MESBAH, Marie-Odile MONNEUSE, Jean-Michel OPPERT, JanaPARIZKOVA, Catalina PEREZ, Marianne POUILLON, Miroslav PROKOPEC, Bertrand SAMUEL-LAJEUNESSE, Michel SEMPé, Yves SIMON, Tatjana SOLTYSOVA, Stephen SPECTER, AndrewSTEPTOE, Jane WARDLE et tant d’autres. Qu’ils soient remerciés chaleureusement.

Des remerciements particulièrement affectueux vont à ma complice deprédilection, Marie-Françoise ROLLAND-CACHERA, dont les écrits et les trouvailles degénie sont abondamment cités dans cette monographie. Je lui suis infinimentredevable d’une joyeuse stimulation de tous les instants.

Plusieurs grands esprits scientifiques contemporains méritent ma gratitudepour l’apport important qu’ils ont fait à notre champ d’étude. Leurs nomsapparaissent dans la bibliographie de cet ouvrage. Je dois beaucoup à LeannBIRCH, John BLUNDELL, David BOOTH, Claude BOUCHARD, Arthur CAMPFIELD, MarcFANTINO, Harry KISSILEFF, Barbara ROLLS, Paul ROZIN, Anthony SCLAFANI, AlbertSTUNKARD, Angelo TREMBLAY. Puisqu’ils sont aussi d’excellents amis, je leur adressetoute mon affection reconnaissante.

Les Professeurs Bernard GUY-GRAND et Gérard SLAMA, qui m’accueillent àl’Hôtel-Dieu de Paris depuis 1992, méritent ma gratitude respectueuse, de mêmeque le Docteur Gérard REACH, Directeur de l’Unité INSERM 341 dont je fais partie.Grands chercheurs eux-mêmes, ils sont de ces trop rares médecins convaincus del’intérêt de la démarche scientifique dans l’étude du comportement humain. Grâceà leur générosité et à leurs conseils, j’ai pu continuer à expérimenter dans cedomaine et prolonger ainsi les travaux initiés autrefois sous l’impulsion de JacquesLE MAGNEN.

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Je remercie enfin le Professeur André THÉWIS, qui a proposé ma candidatureà l’INSTITUT DANONE, et les membres de cet Institut qui l’ont acceptée. Grâce à eux,j’ai eu la chance d’enseigner à Gembloux, devant un auditoire enthousiaste etchaleureux. Madame Fabienne TRINON a été tout simplement parfaite à toutes lesétapes de cette aventure qui se termine aujourd’hui par la publication d’unemonographie. Je n’aurais sûrement pas trouvé l’énergie de la rédiger sansl’initiative de mes amis de l’INSTITUT DANONE de Belgique. Je leur exprime toute magratitude.

Dr France BELLISLE

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Résumé

Le comportement alimentaire humain est un objet de science. Il estle versant comportemental de mécanismes de régulation énergétique etnutritionnelle agissant pour assurer l’homéostasie de l’organisme. Les concepts etles connaissances tirés de la recherche animale sont à l’origine d’hypothèsesconcernant les mécanismes d’action de la régulation nutritionnelle chez l’homme.À partir de telles hypothèses, l’action des mécanismes de faim, de satiété, derassasiement, et celle des apprentissages alimentaires sont étudiées dans lesconditions spécifiques de la vie humaine.

L’origine des choix alimentaires de l’enfant puis de l’adulte, ledéveloppement de préférences et d’aversions, les différences comportementalesentre hommes et femmes, les capacités d’adaptation de l’alimentation dans desconditions changeantes (apparition de nouveaux aliments, diminution de ladépense énergétique, etc.) sont discutés à partir de travaux scientifiques, réalisésen laboratoire ou sur le terrain.

L’obésité de l’adulte et celle de l’enfant ont suscité de très abondantstravaux. Les corrélats comportementaux de ce grave problème de santé publiquesont abordés, de même que les stratégies comportementales qui peuventcontribuer à le limiter. Enfin, les troubles des comportements alimentaires sontdécrits.

Cette monographie propose une revue actuelle, et donc datée, desconnaissances acquises grâce à l’étude scientifique du comportement alimentairehumain. Elle précise ses hypothèses et ses méthodes, elle souligne ses apports etfait entrevoir le domaine immense qui demeure encore inconnu.

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Introduction

Le comportement alimentaire humain est un objet de science; il est le sujetd’une abondante recherche scientifique. Bien que les facteurs qui le déterminentsoient multiples et appartiennent à des domaines très disparates, il est possible etfructueux d’étudier les lois qui gouvernent ce comportement. Ici comme ailleurs,la démarche scientifique a pour but d’expliquer, de comprendre et de prédire, enutilisant les outils de la méthode expérimentale. La physiologie, la psychologie, lascience du comportement et les mathématiques, entre autres, jouent un rôleincontournable dans notre compréhension des déterminismes qui aboutissent à cecomportement complexe consistant à rechercher des substrats alimentaires dansl’environnement et à les ingérer.

Dans les pages qui suivent, nous verrons comment les besoins définis par lemaintien des fonctions vitales commandent l’exécution du comportement. Lamanière dont le comportement est exécuté dépend de multiples conditions del’environnement. Il est clair que les qualités sensorielles des substancesdisponibles ont un impact décisif sur le choix des aliments et la quantité qui en estingérée. De plus il ne faut pas négliger, parmi les nombreux facteurs del’environnement, les circonstances sociales du repas.

De nombreux outils méthodologiques sont disponibles pour révéler lesactions et interactions qui déterminent le comportement alimentaire chezl’homme. Dans le texte qui suit, plusieurs seront décrits. Les divers événements dela vie alimentaire seront expliqués, compris, et même prédits grâce aux effortsmenés depuis des décennies pour appliquer les principes de la méthodescientifique au comportement humain.

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1 – Le comportementalimentaireet ses déterminants

1-1 L’homéostasie

Le concept d’homéostasie, en d’autres termes, la constance du milieuintérieur, constitue le point de départ de notre propos. Tout organisme vivant doit,pour mener une vie indépendante, maintenir la constance de certains paramètresde son milieu intérieur [BERNARD, 1856]. Tous les paramètres concernés sont loind’être compris ou même connus. Nous savons cependant que les besoins enoxygène, en liquide et en énergie sont continus. À chaque moment de sa vie,l’animal ou l’homme doit pouvoir disposer de ces substrats pour l’entretien de sesfonctions vitales.

Nous respirons constamment. Plus précisément, l’alternance entreinspiration et expiration se fait avec une fréquence telle que les besoins enoxygène du corps sont comblés sans interruption. La respiration est compatibleavec toutes les activités animales, en particulier le sommeil. Il n’est donc pasnécessaire de constituer des réserves d’oxygène dans l’organisme.

L’organisme vivant perd ses liquides corporels continûment. Pendant larespiration, de l’eau est expirée avec l’air rejeté par les poumons ; la transpirationnous prive elle aussi d’une partie de nos réserves liquidiennes ; enfin le rein filtreles liquides corporels sans interruption et produit une urine plus ou moins diluéedont l’excrétion permet l’élimination des substances rejetées par le système rénal.On ne peut pas boire tout le temps. Un animal qui vit en milieu naturel ne setrouve pas tout le temps à proximité d’une source d’eau, et même si c’était le cas,il lui faudrait aussi consacrer une partie de son temps à d’autres activités : lesommeil, la recherche de nourriture, le soin des petits, etc. ; pour une personnevivant en société, les activités déterminées par la vie en groupe font qu’on ne peutpas boire à tout moment de la journée. De plus, que l’on soit animal ou personne,on ne boit pas pendant son sommeil.

Les réserves liquidiennes de l’organisme sont très importantes. Ellesconstituent près de 65 % du poids corporel. Lorsque leur niveau commence àbaisser significativement et que, par exemple, le maintien de la pression artérielle

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de l’organisme est menacé, se mettent en action plusieurs mécanismes totalementintérieurs à l’organisme, impliquant plusieurs hormones et plusieurs organes.Cependant ces mécanismes ne peuvent, au mieux, que freiner la perte de liquideentraînée par le jeu des fonctions vitales et en aucun cas ne peuvent augmenter lesréserves disponibles. L’évolution des espèces a sélectionné des réponses à ceproblème. Dans le cas des animaux supérieurs, en particulier dans le cas del’homme, c’est le comportement qui prend la relève de la physiologie. La régulationdes réserves de l’organisme a un versant physiologique et elle a aussi un versantcomportemental. Ce versant comportemental permet à l’organisme de s’approprierles ressources de son environnement et de les faire passer dans le milieu intérieur,afin de couvrir ses besoins pendant un certain temps [ROLLS, ROLLS, 1982].

Une fois ingérées les ressources de l’environnement, disons en eau,l’organisme doit les conserver dans des compartiments multiples qui seront ensuitemobilisés pour faire face aux besoins à mesure qu’ils se produiront. Les réservesde l’organisme en eau, malgré leur importance, ne sont que de quelques jours. Parconséquent, le comportement dipsique doit être mobilisé fréquemment afin de lesrenouveler de manière adéquate.

La prise alimentaire est le versant comportemental de la régulation desréserves d’énergie et de nutriments dans l’organisme. Il existe un versantphysiologique fort important et complexe dont les différents mécanismes ont pourfonction la digestion, l’utilisation et le stockage des nutriments. L’organisme utilisede façon continue des sources d’énergie, des acides aminés pour la synthèse desprotéines, et du glucose pour le métabolisme cellulaire. Les dépenses énergétiquesde base ne sont pas inférieures à 1200 kcal par jour chez l’adulte ; s’y ajoutel’énergie nécessaire à l’activité physique. On estime les besoins protéiques à 1 gpar kg de poids corporel chez l’adulte [DUPIN et al., 1992]. Le cerveau humain abesoin de 100 g de glucose par jour pour assurer son fonctionnement [BLUNDELL,TREMBLAY, 1995].

Des réserves de protéines existent dans le corps humain ; elles sont stockéesdans l’organisme, au niveau des muscles essentiellement. Les réserves de sucres,stockées sous forme de glycogène hépatique et musculaire, sont très limitées. Lesréserves en graisses peuvent varier énormément entre individus dans l’espècehumaine et peuvent suffire pour maintenir l’organisme en vie pendant un à deuxmois. Cependant, l’envie de manger se produit bien avant cet intervalle et lecomportement alimentaire est organisé, une ou plusieurs fois par jour, dans toutesles sociétés disposant de vivres en abondance.

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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1-2 L’organisation chronologiquede la prise alimentaire

La figure 1 représente en quelques traits plusieurs notions fondamentalespour comprendre la prise alimentaire. Il s’agit d’une courbe cumulative cor-respondant aux ingesta d’un rat dans sa cage, pendant une période de 24 heures.L’examen de multiples tracés tels que celui-ci a permis à l’équipe de Jacques LE

MAGNEN [1992], au Collège de France, de mettre en évidence plusieurs relationsentre les événements alimentaires qui y sont représentés. Il apparaît nettement quel’animal dont le comportement est enregistré est sensible à l’éclairage de sonenvironnement. Le tracé montre que le rat mange surtout pendant la phased’obscurité du nycthémère, et ne mange presque rien pendant la phase de lumière.Le rat est un animal nocturne et son activité, en particulier alimentaire, est surtoutabondante la nuit. Nous voici devant un premier cycle d’activité (veille-sommeil)qui détermine profondément la prise alimentaire et qui est synchronisé parl’alternance des jours et des nuits.

Chez l’homme, animal surtout diurne, l’essentiel de l’activité, en particulieralimentaire, est observé le jour. Il peut paraître étonnant que, jusqu’aux travauxclassiques de LE MAGNEN réalisés dans les années 60, les chercheurs étudiant la

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1-2 L’ORGANISATION CHRONOLOGIQUE DE LA PRISE ALIMENTAIRE

Figure 1 — Courbe cumulative représentant la prise alimentaire d’un rat nourri ad libitum,enregistrée sur 24 heures consécutives. D’après LE MAGNEN [1992].

0 12 24Temps (h)

Nuit

JourPris

e al

imen

tair

e (g

)

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prise alimentaire ne se soient souciés que des rations de 24 heures, sans aucunenotion d’une différence des comportements entre le jour et la nuit.

Nous verrons plus loin que ce cycle circadien est très important pourpermettre l’ajustement de la consommation alimentaire aux besoins del’organisme. Chez l’obèse animal ou humain, il existe souvent une perturbationplus ou moins importante de cette alternance des deux phases.

La figure 1 montre aussi que même pendant la période d’activité, l’animalne mange pas tout le temps. Contrairement aux idées reçues, le rat n’est pas ungrignoteur chronique. Le tracé montre clairement qu’il fait des repas plus ou moinsabondants, et qu’entre ces repas, la courbe est tout à fait horizontale, c’est-à-direque l’animal ne mange pas. Il se livre pendant ce temps à d’autres activités : selaver, explorer son environnement, dormir, etc. La courbe cumulative révèle quetout repas est précédé et suivi de périodes de temps marquées par une absence deconsommation alimentaire. Voici un deuxième cycle de comportements : l’animalva vers sa mangeoire, se nourrit, ingère une certaine quantité de nourriture, puis ils’arrête et cet arrêt dure plusieurs minutes ou plusieurs heures.

LE MAGNEN et son équipe ont mis en évidence que des relationsmathématiques existent entre les divers événements de la journée alimentaire durat dans sa cage. Dans un article classique publié en 1971, LE MAGNEN décrit cesrelations complexes et en déduit un ensemble de concepts qui expliquent ledécours chronologique des événements. Durant la période d’activité, chez le ratqui se nourrit ad libitum, la taille du repas est corrélée positivement à la durée del’intervalle qui suit le repas. Il semble donc que l’animal épuise avant derecommencer à manger le stock de nutriments qu’il a ingéré au repas précédent.Il n’existe pas de corrélation entre la taille du repas et la durée de l’intervalle quile précède. Autrement dit, la taille du repas n’est pas déterminée par l’amplituded’un “besoin” qui serait ressenti par l’animal. La taille du repas est affectée par desfacteurs de l’environnement, et en particulier par les qualités sensorielles dessubstances alimentaires offertes. Lorsque le rat est soumis à un programmed’activité où, comme l’homme, il est restreint à trois repas par jour à heures fixes,la corrélation entre taille du repas et intervalle qui suit disparaît dans un premiertemps, puis reparaît après que l’animal s’est familiarisé avec son nouvel horaire.L’animal apprend à manger assez pour ne pas avoir faim dans l’intervalle qui suitson repas et qui lui est imposé par l’expérimentateur. Pendant la phase inactive del’animal, les corrélations observées sont plus faibles ou absentes.

Dans des situations expérimentales où les conditions du bilan d’énergiechangent, par exemple lorsque la densité énergétique de l’aliment est modifiée,l’animal réagit d’abord en ajustant le nombre de ses repas pendant sa périoded’activité. Si on lui présente un aliment dilué, il doit manger plus en quantité pourmaintenir le niveau de ses apports énergétiques. Sa réponse immédiate à ce

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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traitement est de manger plus souvent tout en consommant des repas de tailleinchangée. Au bout de quelques jours de ce régime, l’animal commence àaugmenter la taille de ses repas et en diminue le nombre. Si au contraire on luiprésente soudain une nourriture plus riche en énergie, il doit manger moins enquantité afin d’ajuster ses ingesta à ses besoins. Il commence par manger moinssouvent, les périodes entre les repas deviennent plus longues. Puis, progres-sivement, il diminue la quantité de nourriture ingérée au cours de ses repas. Leschangements du nombre des repas quotidiens sont pour l’animal le moyen le plusrapide d’ajuster ses ingesta au contenu énergétique de l’aliment. Au bout dequelques jours, une autre stratégie se développe, qui consiste à modifier la tailledes repas.

À partir de ces observations répétées chez des centaines d’animaux et surdes centaines de jours, trois mécanismes différents furent proposés pour expliquerles paramètres quantitatifs et chronologiques de la prise alimentaire.

1-3 Trois mécanismes déterminants

1-3-1 Le mécanisme de faim-satiété

Le premier de ces mécanismes règle la durée des intervalles entre les repas,et donc l’alternance des phases de consommation et de satiété. La satiété est icidéfinie comme un état de non-faim qui s’étend sur une durée proportionnelle à laration énergétique consommée dans le repas précédent. Lorsque la réserve denutriments constituée par le repas a été totalement utilisée par l’organisme, la faimrevient. C’est alors qu’un ensemble de mécanismes physiologiques se mettent enœuvre pour conserver l’énergie de l’organisme et que le cerveau perçoit dessignaux qui le mènent à organiser et à commander le comportement de recherchede nourriture.

La nature du signal qui indique au cerveau qu’il est temps de se nourrir aété l’objet de nombreuses recherches. Leur examen détaillé dépasse le cadre de cetexte. Notons cependant les travaux décisifs de CAMPFIELD et SMITH [1986 ; 1990](Figure 2) qui ont montré chez l’animal en cage, de même que chez l’hommeprivé de repères chronologiques, que la démarche d’aller vers la nourriture, ou decommander son repas, suit dans presque tous les cas une légère baisse (autour de7 %) du niveau de glycémie. Cette légère baisse se produit après l’épuisement dela ration constituée par le repas précédent, ou encore à la fin d’un jeûne deplusieurs heures observé pendant la phase circadienne d’inactivité spécifique del’espèce. Elle se poursuit pendant environ vingt minutes. On voit alors se produire

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1-3-1 LE MÉCANISME DE FAIM-SATIÉTÉ

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un effet de redressement induit par les mécanismes physiologiques de régulation.Avec un court retard par rapport au début du redressement de la glycémie, lecomportement alimentaire se déclenche : l’animal dans sa cage va vers samangeoire et consomme, l’homme observé en laboratoire commande son repas.C’est un signal qui fonctionne en tout ou rien.

Nous voyons ici clairement le fonctionnement du mécanisme de régulationchez les animaux supérieurs, avec son versant métabolique qui se déclencherapidement, et son versant comportemental composé de séquences intégrées etcomplexes d’actions motrices.

Chez le volontaire humain isolé dans un laboratoire et privé de tout repèrechronologique, la commande d’un repas est faite quelques minutes après un telsignal glycémique. Cependant, dans la vie de tous les jours avec ses exigencessociales, le consommateur humain n’a pas toute liberté de répondre à ce signal. Ilen est souvent empêché par l’activité qui l’occupe et qu’il ne peut pas ou ne veutpas interrompre pour aller se procurer de la nourriture. Le mécanisme de faim-satiété, qui déclenche périodiquement la prise de nourriture en réponse à uneséquence d’événements glycémiques ne peut donc pas fonctionner lorsque l’heuredes repas est fixée par des règles sociales et qu’il existe peu de possibilités de seprocurer de la nourriture en dehors des moments prévus pour les repas. Cette

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

0

-2

-4

-6

-8

-10

-12-12 -8 -4 0 4 8 12

Temps (min)

Repas

Fluc

tuat

ions

de

la g

lycé

mie

(%)

Figure 2 — Fluctuations de la glycémie enregistrées avant l’initiation d’un repas et pendantles premières minutes de ce repas. D’après CAMPFIELD et SMITH [1986].

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dernière situation était jusqu’à ces dernières années celle des sociétéseuropéennes où trois repas par jour étaient prévus, plus une collation ou unapéritif en fin d’après-midi. On peut ici émettre l’hypothèse que les consom-mateurs, comme les rats soumis à un programme de trois repas par jour, avaientappris à manger assez pour ne pas avoir faim jusqu’au repas suivant. Nous verronsplus bas que cette hypothèse a été testée chez des consommateurs de plusieurspays [DE CASTRO et al., 1997].

D’autres hypothèses existent quant à la nature du signal de faim, c’est-à-direcelui qui, une fois perçu par le cerveau, déclenche la séquence d’actionsorganisées qui aboutit à la consommation alimentaire. La baisse des réserves enacides aminés, l’inversion du métabolisme hépatique, ou peut-être un signalémanant des réserves lipidiques de l’organisme sont des candidats possibles.Chacun suscite beaucoup de recherche expérimentale à laquelle il est impossiblede rendre justice dans le cadre de ce texte. Il n’est pas possible actuellementd’exclure l’action et même l’interaction de plusieurs facteurs capables d’inciter lecerveau à déclencher l’acte alimentaire.

1-3-2 Le rassasiement

On vient de voir que la cinétique de la glycémie chez un organismedisposant d’aliment ad libitum produit un signal que le cerveau interprète commeune baisse des substrats à laquelle il faut répondre métaboliquement d’une part, etpar le comportement d’autre part.

Une fois le repas déclenché, la prise alimentaire se poursuit pendant unedurée variable (quelques minutes et le plus souvent moins d’une heure) et s’arrêteaprès l’ingestion d’une quantité variable de nourriture. Un ensemble de facteursde stimulation et d’inhibition du comportement alimentaire détermine la durée etla taille du repas. Chez le sujet dont le déficit en nutriments n’est pas énorme,comme c’est le cas dans les sociétés développées ou comme chez le rat disposantde nourriture ad libitum, l’état de relatif besoin nutritionnel préalable au repas apeu d’effet sur la taille du repas. L’action des facteurs de stimulation alimentaireprédomine au début du repas ; ils sont représentés par l’ensemble des qualitéssensorielles des aliments, surtout leur goût et leur arôme, mais aussi leur aspectvisuel, leur texture, leur température, etc. Le nombre et la variété sensorielle desaliments contribuent à la stimulation [BELLISLE, LE MAGNEN, 1980 ; 1981 ; ROLLS etal., 1981b ; 1983]. Cette stimulation se manifeste par le rythme d’ingestion qui estrapide au début du repas. Au fur et à mesure que l’ingestion se poursuit, unensemble de signaux émanant du tractus digestif se développe. Des récepteursspécialisés situés au niveau des parois de l’œsophage et de l’estomac informent lecerveau du passage de nutriments [MEI, 1990] ; l’estomac gonfle sous la

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1-3-2 LE RASSASIEMENT

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pression du bol alimentaire, ce qui est également signalé au cerveau ; deshormones sont sécrétées, en particulier le glucagon [GEARY, 1990]. Cetteconfiguration de divers signaux nerveux et hormonaux exerce une influenceinhibitrice croissante sur la consommation. Cette influence inhibitrice se traduitpar un ralentissement du rythme d’ingestion [MEYER, PUDEL, 1972 ; BELLISLE, LE

MAGNEN, 1980 ; 1981 ; KISSILEFF, THORNTON, 1982] et finalement par la fin du repas.L’arrêt de la consommation, la fin du repas, est ce que LE MAGNEN appelle lerassasiement.

Les facteurs sensoriels qui sont déterminants dans la stimulation à mangerexercent aussi une grande influence sur le développement du rassasiement encours de repas et sur la satiété qui le suit. Les repas où sont présentés plusieursaliments aux caractéristiques sensorielles variées sont plus abondants que ceux quine comptent qu’un aliment unique, même si cet aliment est très apprécié dumangeur [BELLISLE, LE MAGNEN, 1980 ; 1981 ; ROLLS et al., 1981b] (Figure 3). Aucours de la consommation d’un repas varié se développe un rassasiement qui estspécifique de l’aliment qui a été consommé et qui diminue le pouvoir de cet

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

400

300

200

100

00 16 24 32 Total

Temps (min)

1 saveur

4 saveurs

Con

som

mat

ion

(g)

Figure 3 — Des repas de 32 minutes sont partagés en quatre services de 8 minutes chacun.Il est servi soit une seule variété de sandwiches au cours des quatre services, soitquatre variétés successivement (jambon, œuf, fromage ou tomate). Lesconsommations de 36 volontaires apparaissent dans ces deux conditions. Lavariété des saveurs stimule la prise alimentaire. D’après ROLLS et collaborateurs[1983].

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aliment de stimuler l’ingestion. Cependant, les aliments qui n’ont pas étéconsommés gardent une appétibilité relativement intacte. Au fur et à mesure quedivers aliments sont ingérés et qu’un rassasiement sensoriel spécifique se produitpour chacun d’eux, un rassasiement plus général, non spécifique, dû sans douteaux effets gastriques (distension, vidange) et post-gastriques (absorption) sedéveloppe et finalement, provoque la fin du repas.

Après la fin d’un repas, le caractère agréable des aliments consommés aucours du repas est diminué en comparaison de ce qu’il était avant le repas. Lesaliments qui n’ont pas été ingérés n’ont pas perdu leur appétibilité après ce repas[ROLLS et al., 1981a] (Figure 4). Cet effet de rassasiement spécifique dépend descaractéristiques sensorielles des aliments et non de leur contenu nutritionnel. Desaliments de saveurs différentes de ceux qui constituent un repas sont capables derelancer la consommation après l’arrêt de la consommation chez un mangeurrassasié. Les desserts sucrés sont particulièrement efficaces pour rétablir lastimulation à manger chez la majorité des humains.

Le signal qui déclenche le début du repas est donc différent de ceux quistimulent la consommation une fois le repas commencé et de ceux qui font ralentiret cesser la consommation après ingestion d’une certaine quantité de nourriture.Les relations existant entre les facteurs qui influencent les paramètres de la prisealimentaire pendant le repas ont été étudiées et des équations expliquentl’évolution du comportement entre le début et la fin du repas [KISSILEFF et al., 1982](Figure 5).

Chez l’homme qui vit en société, la composition et la taille des repas sonten grande partie fixées par des normes sociales, tout comme l’horaire des repas.Selon la culture du consommateur, chaque repas de la journée est nonseulement prévu à une certaine heure, mais il comprend certains alimentspréparés et servis en quantités convenues : les qualités sensorielles et la variétédes aliments dépendent de l’approvisionnement mis en place au sein d’unesociété. Par conséquent, le mécanisme de rassasiement, que nous pouvonsobserver au mieux chez l’animal de laboratoire nourri ad libitum, est restreintdans son action chez le consommateur humain vivant dans une sociétéorganisée.

1-3-3 Le mécanisme d’apprentissage alimentaire

Le mécanisme de faim-rassasiement et le mécanisme de rassasiement sontcomplétés par un mécanisme d’apprentissage qui permet à l’animal d’adapter soncomportement devant un nouvel aliment, en fonction des propriétésnutritionnelles de cet aliment.

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1-3-3 LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

+0,4

0

-0,4

-0,8

-1,2

-1,6

-2,0

Cha

ngem

ents

de

cota

tion

Cha

ngem

ents

de

cota

tion

+0,4

0

-0,4

-0,8

-1,2

-1,6

-2,0

Repas saucisses

Repas fromage et crackers

goût

quantité

from

age

sauc

isse

poul

et

noix

pain

rais

ins

bana

ne

bisc

uitsaliments

goûtés

Figure 4 — Changements des cotations accordées par des volontaires à huit aliments avantet après un déjeuner composé soit de saucisses (en haut), soit de fromage surcrackers (en bas). La barre noire indique le changement du plaisir ressenti àgoûter chaque aliment et la barre grise montre le changement de la quantité dechaque aliment que les volontaires se disent disposés à consommer. La satiétéest spécifique de l’aliment consommé. D’après ROLLS et collaborateurs [1981].

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Lorsqu’un animal ou un humain ingère pour la première fois une substancealimentaire, deux séries de stimulations se produisent dans l’organisme : d’abordune configuration de messages sensoriels définissant ce que l’on appelle la“flaveur” de l’aliment, c’est-à-dire l’ensemble de ses caractéristiquesorganoleptiques ; ensuite, entre quelques minutes et quelques heures après laconsommation, un ensemble de messages nerveux entéroceptifs signalantl’assimilation des nutriments contenus dans le repas. Une association automatiqueet inconsciente se produit chez le consommateur entre ces deux ensembles de

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1-3-3 LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE

Figure 5 — Courbes théoriques représentant une fonction quadratique dont lescomposantes sont identifiées : stimulation (bt) et inhibition (ct2). Les valeursutilisées sont b = 100 g/min et c = - 5 g/min2. À la partie supérieure : dérivéemathématique de la fonction quadratique, qui donne la vitesse d’ingestion àchaque moment du repas. Les projections en pointillés indiquent l’évolutiondes courbes au-delà du point où la stimulation et l’inhibition s’annulent,correspondant à la fin du repas. D’après KISSILEFF et THORNTON [1982].

600

400

200

0

-200

-400

100

0

Con

som

mat

ion

atte

ndue

(g)

Vite

sse

(g/m

in)

stimulation (bt)

somme (bt+ct2)

dérivée (b+2ct)

inhibition (+ct2)

0 2 4 6Temps (min)

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signaux. On peut décrire cette association dans les termes de l’apprentissage, ouconditionnement, classique ou pavlovien [PAVLOV, 1927]. Le passage de nourrituredans le tractus digestif est un stimulus non conditionné complexe qui entraîne unecascade de réponses non conditionnées, dont plusieurs sécrétions endocrines etexocrines. Les qualités sensorielles d’un aliment déjà ingéré au moins une fois sontassociées pour le mangeur aux répercussions métaboliques qui suivent l’ingestionde cet aliment ; en d’autres termes, les qualités sensorielles de l’aliment devien-nent un stimulus conditionné complexe qui est associé au stimulus non condi-tionné complexe que sont les effets métaboliques du repas. En conséquence de cetapprentissage, le stimulus conditionné acquiert le pouvoir de déclencher desréponses conditionnées de même nature ou de nature différente que les réponsesnon conditionnées.

Parmi les réponses conditionnées déclenchées par la perception sensorielled’un aliment, notons plusieurs réponses enregistrées à différents niveaux dutractus digestif, entre la bouche (sécrétion salivaire) [PANGBORN et al., 1979] et lepancréas endocrine (sécrétion d’insuline) [BELLISLE et al., 1985 ; LUCAS et al.,1987 ; TEFF et al., 1991 ; 1993 ; 1995] et exocrine [SARLES et al., 1968 ; NOVIS etal., 1971]. D’autres réponses conditionnées, et non des moindres en ce quiconcerne le contrôle de la prise alimentaire, sont l’appétit et le rassasiementconditionnés. Une personne ou un animal, dès sa première expériencealimentaire, apprend à associer à tout un ensemble de stimulations sensoriellesqui définissent un aliment, un ensemble d’effets métaboliques positifs ou négatifs,puissants ou modestes. Un répertoire se constitue ainsi qui permet au mangeur desavoir, en percevant tel ou tel aliment, s’il faut en manger ou non, s’il faut enmanger beaucoup ou peu, pour répondre à la situation alimentaire et aux besoinsactuels ou anticipés.

Un tel apprentissage, une telle association, peuvent être réalisés à la suited’une seule expérience d’un aliment si l’ingestion en a été suivie d’un malaisedigestif ; l’aliment sera refusé à la prochaine présentation [GARCIA et al., 1961 ;SMITH, ROLL, 1967 ; ROZIN, KALAT, 1971]. Chez l’homme, l’aversion alimentaireconditionnée fait partie de l’expérience de la plupart des gens. Rozin [1986] amontré que la nausée était un élément crucial de l’ensemble des effetsmétaboliques incriminés pour créer l’aversion. Fort heureusement, laconsommation alimentaire est peu souvent suivie de malaise digestif. Au contraire,ses effets sont positifs et consistent dans différents aspects nerveux et hormonauxde l’état de satiété. Le plus souvent, plusieurs répétitions de l’association entrequalités sensorielles et effets métaboliques positifs sont nécessaires [DOMJAN,BRUKHARD, 1982] afin de modeler le comportement et de l’ajuster aux besoins.

Cet apprentissage permet au comportement de s’ajuster non seulement entout ou rien (consommer ou ne pas consommer tel aliment), mais aussi de façonsélective (choisir tel aliment plutôt qu’un autre) et de façon quantitative (ingérer

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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moins d’un aliment qui produit une satiété importante que d’un aliment quiproduit une satiété très modeste).

Dans la situation du consommateur humain vivant dans une sociétéorganisée, ce mécanisme permettant d’ajuster les ingesta aux besoins est d’une trèsgrande importance puisque, comme nous l’avons vu plus haut, l’horaire et lacomposition des repas sont essentiellement fixés par des règles sociales.

• Les lois de l’apprentissage alimentaire

Pour comprendre le comportement alimentaire humain, il est essentiel debien connaître les lois biologiques qui permettent cet apprentissage. Bien quel’énoncé des divers éléments de la théorie de l’apprentissage qui se rapportent àl’alimentation soit quelque peu fastidieux, il est crucial d’approfondir ces notionsafin de comprendre pourquoi et comment s’effectuent les ajustements ducomportement alimentaire en fonction des besoins et en fonction des conditionsde l’environnement.

Il est généralement admis que les goûts alimentaires d’un adulte sont appris.Comment s’effectue un tel apprentissage? On n’apprend pas n’importe quoi,n’importe quand, n’importe comment. L’apprentissage a ses règles, ses lois, sesmécanismes dont l’étude constitue une discipline féconde de la psychologieexpérimentale.

D’abord sa définition : l’apprentissage est un changement durable dans lemécanisme d’un comportement, qui résulte de l’expérience de certainsévénements de l’environnement [DOMJAN, BRUCKHARD, 1982]. Ainsi défini, iln’implique pas la conscience ; il peut demeurer totalement automatique etinconscient. Son champ d’application dépasse naturellement celui de laconsommation alimentaire. Il englobe tous les rapports de l’animal avec les objetset les conditions de son environnement.

Depuis les découvertes historiques de PAVLOV [1927], les notions deconditionnement et d’apprentissage n’ont pas cessé d’évoluer. Le terme deconditionnement est dû à PAVLOV lui-même et le choix de ce terme n’était pasindifférent. Dans les premières années du XXe siècle, PAVLOV étudiait la salivationchez le chien au moment de la présentation d’un morceau de viande dans labouche de l’animal. PAVLOV s’aperçut bientôt que les chiens salivaient déjà aumoment de l’arrivée de l’animalier qui devait leur présenter l’aliment. Unstimulus arbitraire, le son d’une clochette, fut ensuite systématiquement associéà la présentation de la nourriture et, comme chacun sait, les chiens apprirent àsaliver en réponse au son de cette clochette. À la différence des réponses nonconditionnées ou non conditionnelles (RNC), ici la réponse obligatoire desglandes salivaires induite par la présence de la viande dans la bouche del’animal, la salivation induite par le son de la clochette, avait un caractère

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1-3-3 LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE

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imprévisible, plus ou moins reproductible, plus ou moins intense. Bref, cesréponses étaient “conditionnelles” (RC), c’est-à-dire qu’elles se produisaient souscertaines conditions et non de manière obligatoire. Un stimulus appelé lui aussi“conditionnel” (SC) ou “conditionné” acquiert son pouvoir de produire la réponseà la faveur de son association avec un stimulus “non conditionnel” ou “nonconditionné” (SNC). La simplicité et l’élégance de la démonstration pavloviennesont si grandes qu’elles ne laissent pas soupçonner la richesse, la portée, lacomplexité des notions d’apprentissage telles que nous les utilisons aujourd’hui.

Le concept de comportement induit, lui aussi hérité de PAVLOV qui parlait de“réflexe” conditionnel, est central dans la théorie de l’apprentissage : lecomportement se produit en réponse à un stimulus, c’est-à-dire un signal émanantde l’environnement. Le modèle de l’arc réflexe qui servit à PAVLOV pour décrireune simple réponse de salivation s’est aujourd’hui considérablement enrichi. Cemodèle s’applique à la transformation de comportements très complexes induitspar des signaux sensoriels multiples, impliquant des relais nombreux au niveau dusystème nerveux central et un ou plusieurs programmes moteurs.

• L’inné et l’acquis

Quelques heures après la naissance, et avant toute expérience alimentaire,les nouveau-nés humains manifestent tous un répertoire de réponses physiques àla présentation de stimuli sapides [STEINER, 1977]. Une goutte de liquide sucréplacée sur la langue est acceptée et avalée, pendant que la mimique du nourrissonse détend et parfois manifeste un sourire. Une goutte de liquide acidulé placée sursa langue induit une contraction du visage. Une goutte de liquide amer entraîneun ensemble de réponses faciales manifestant un rejet violent : grimaces, largeouverture de la bouche, crachotement, plissement des yeux, etc. Ces “réflexesgusto-faciaux” sont universels et immuables. Des nouveaux-nés hydrocéphales ouanencéphales, affectés de graves malformations du système nerveux central, lesexpriment [STEINER, 1977]. Quelle que soit la culture de l’enfant ou le régime de lamère pendant la grossesse, le même répertoire de réponses à la stimulationgustative est observé.

Nous savons maintenant grâce aux progrès de l’imagerie médicale que lefœtus, dont les bourgeons du goût sont fonctionnels au cours du troisièmetrimestre de la grossesse, exprime sur son visage et par son comportement saperception du goût changeant du liquide amniotique. Lorsque la mère reçoit uneperfusion de glucose, on peut observer que l’enfant déglutit avec une fréquenceaccrue, et qu’il esquisse parfois un sourire. Les réponses innées sont doncpréparées par l’expérience intra-utérine. Leur caractère universel suggèrecependant qu’elles ont une origine génétique très forte et qu’elles doivent peu aumilieu intra- ou extra-utérin.

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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À partir de sa naissance, chaque enfant fait l’expérience de l’ingestion denombreuses substances que son milieu culturel met à sa disposition. Le laitmaternel d’abord, composé surtout de lipides et d’un peu de sucres et deprotéines. Au bout de quelques mois, l’alimentation se diversifie progressivement.

Chez l’homme, les attitudes devant les aliments passent d’une uniformitéuniverselle à la naissance à une diversité considérable des goûts et des dégoûtsobservée chez l’adulte. Privilège de notre espèce, on voit même apparaître chezles humains des goûts pour des substances qui à l’origine sont aversives, parexemple les épices, le poivre, le café, l’alcool, etc.

Comment le passage se fait-il entre l’uniformité absolue chez le nouveau-né et l’extrême diversité observée chez l’adulte? Par les divers mécanismes del’apprentissage. Les goûts sont appris, l’appétit et le rassasiement sont des réponsesapprises, le plaisir à manger est appris.

1-4 Les conditionnements

Les premiers travaux ont été réalisés chez l’animal, surtout le chien [PAVLOV,1927], ou le pigeon [SKINNER, 1938]. Les premiers principes de la théorie del’apprentissage ont été proposés comme des moyens de modeler les conduitesanimales ou humaines. Des progrès notables de la théorie de l’apprentissage ontété réalisés grâce à l’intégration de notions tirées de l’éthologie, de la théorie del’évolution et de la sélection naturelle. Ces notions permettent de préciser le cadreoù agissent les mécanismes de l’apprentissage et partant, de mieux délimiter leurportée réelle.

On distingue deux types de conditionnement. Le premier, appeléconditionnement classique ou pavlovien, concerne surtout la mise en place deréponses involontaires sous l’effet d’un stimulus arbitraire, “conditionnel”,associée à un stimulus déclenchant une réponse réflexe de manière obligatoire,non conditionnelle. À la suite de cet apprentissage, un “réflexe conditionnel”apparaîtra. Les termes “conditionnel” et “conditionné” sont équivalents, de mêmeque “non conditionnel” et “non conditionné”.

Le second type d’apprentissage est appelé instrumental ou skinnérien,d’après B.F. SKINNER [1938], son plus illustre théoricien. Ici, l’organisme apprend àémettre ou à inhiber un comportement volontaire, en réponse à l’apparition dansl’environnement d’un stimulus discriminatif qui le renseigne sur la disponibilitéd’une récompense ou d’un renforçateur. Le comportement est instrumental dansl’apparition de cette récompense (Tableau I).

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1-4 LES CONDITIONNEMENTS

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Un organisme qui ne pourrait produire que des réponses innées,stéréotypées, aux sollicitations de son environnement serait dans l’incapacité des’adapter à des situations nouvelles pour lesquelles aucun mécanisme biologiquen’aurait pu être sélectionné dans l’histoire antérieure de l’espèce. Le mécanismemis en place par l’Évolution pour assurer l’adaptation aux situations nouvelles estprécisément l’apprentissage [ROZIN, SCHULL, 1984 ; ROZIN, ZELLNER, 1985]. Lesindividus et les espèces capables de transformer leur comportement en fonctiondes exigences du milieu ont les meilleures chances de survivre et de se reproduire.Pour répondre aux conditions particulières d’un milieu donné, il faut d’abordsavoir établir des relations entre les événements de cet environnement, en parti-culier des relations de cause à effet. L’animal peut ainsi anticiper l’effet quand ilperçoit la cause et déterminer son comportement en fonction de cette prédiction.

Le mécanisme le plus simple grâce auquel les organismes apprennent àexécuter de nouvelles réponses à certains stimuli est le conditionnement classique.Cet apprentissage permet à l’animal de tirer avantage d’une séquence prévisibled’événements. Dans l’expérience classique de PAVLOV sur la salivation [1927], lechien apprenait une relation entre le son d’une clochette et la présentation de sonrepas. Puisque chaque sonnerie de la clochette prédisait l’imminence du repas etla présence d’aliments dans la bouche (stimulus non conditionné, SNC), induisantla salivation obligatoire (réponse non conditionnée, RNC), le comportementdu chien s’est transformé de sorte que la clochette est devenue un stimulusconditionné (SC) induisant une réponse conditionnée (RC) appropriée auxcirconstances : la salivation.

18

LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

1) CONDITIONNEMENT CLASSIQUE OU PAVLOVIEN

Première phaseStimulus non conditionnel ——> Réponse non conditionnelleStimulus conditionnel ——> XAssociations répétées : stimulus conditionnel + stimulus non conditionnel

Seconde phaseStimulus conditionnel ——> Réponse conditionnelle

2) CONDITIONNEMENT INSTRUMENTAL OU SKINNÉRIEN

Première phaseStimulus conditionné +

Réponse ——> RenforcementL’obtention répétée du renforcement dans ces conditions renforce le lien entre le

stimulus et la réponse

Seconde phaseStimulus conditionné + ——> Réponse

Tableau I — Présentation schématique des conditionnements ou apprentissages

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SC

SNC

SC

SNC

SC

SNC

SC

SNC

SC

SNC

Conditionnement simultané

Conditionnement à court délai

Conditionnement trace

Conditionnement à long délai

Conditionnement inversé

Temps

Figure 6 — Cinq méthodes fréquemment utilisées pour produire un conditionnementclassique ou pavlovien. D’après DOMJAN et BURKHARD [1982].SC = Stimulus conditionné.SNC = Stimulus non conditionné.

1-4 LES CONDITIONNEMENTS

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L’apprentissage pavlovien repose sur l’apprentissage de relations dedépendance entre un événement et un autre. Pour que cette relation soit perçuepar l’organisme, il doit s’écouler un certain délai entre le premier et le secondévénement (Figure 6). Dans la plupart des circonstances, le délai le plus efficaceest court (entre quelques secondes et quelques minutes) mais dans certains cas,une association peut être apprise entre deux stimuli présentés à plusieurs heuresd’intervalle. C’est le cas dans ce que l’on appelle “l’aversion gustativeconditionnée” [GARCIA et al., 1961]. Dans ce paradigme, un animal (ou un humain)consomme un aliment nouveau ; peu de temps après l’ingestion, il éprouve unmalaise digestif ; ce malaise peut être induit expérimentalement par irradiation ouinjection de chlorure de lithium à l’animal. Après une seule expérience de cesévénements, l’animal évitera de consommer de nouveau l’aliment concerné. Chezl’homme, le malaise digestif accompagné de nausée, qui suit parfois fortuitementl’ingestion d’un aliment, suffit à produire une aversion pour cet aliment qui estsouvent nouveau, inhabituel et de caractéristiques sensorielles nettes, à tel point

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

100

80

60

40

20

0

Préf

éren

ces

(%)

irradiation

simulation(2)

(1)

0 1 3 6 12 24Intervalle SC-SNC (h)

•••

••••••

Figure 7 — Pourcentage de préférences exprimées par un animal pour une saveur associéeà un stimulus conditionné (une solution de saccharine), dans deux conditions.Dans un cas (1), la première ingestion de ce stimulus conditionné par l’animala été suivie d’un malaise digestif induit par irradiation réalisée à des intervallesvariables après la consommation. Dans le deuxième cas (2), aucun malaisedigestif n’a été induit après la première ingestion (simulation). Les préférencessont clairement différentes dans ces deux conditions, en particulier sil’irradiation (et le malaise digestif) a suivi la première consommation de sixheures ou moins. D’après SMITH et ROLL [1967].

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que la seule évocation du nom de cet aliment suffira parfois à induire la nausée.Dans ce type d’apprentissage, un malaise digestif survenant jusqu’à 12 heuresaprès l’ingestion peut susciter la création d’une aversion. Cependant, l’efficacitémaximale est limitée aux six heures qui suivent le repas (Figure 7) [SMITH, ROLL,1967]. L’aversion conditionnée est un processus très puissant et très résistant. Onpeut même produire chez le rat de laboratoire une aversion puissante et durablepour un goût qu’il apprécie beaucoup à l’origine : le goût sucré de la saccharine.

L’aversion alimentaire conditionnée est aujourd’hui considérée comme unexemple extrême des conditions où s’établit habituellement l’apprentissagepavlovien [DOMJAN, BRUCKHARD, 1982]. Celui-ci se réalise le plus souvent aprèsplusieurs répétitions de la paire SC-SNC, et le délai optimal entre ces deux stimulivarie entre quelques secondes et plusieurs heures. Le mécanisme de création d’aver-sions alimentaires conditionnées est biologiquement utile. Puisque l’animal qui, paraccident, ingère un produit toxique n’en ressentira les mauvais effets que quelquesheures plus tard, il est avantageux pour lui que l’apprentissage puisse s’établir sur delongs intervalles. C’est ainsi qu’à partir de son expérience, il transformera soncomportement à l’avenir et évitera de reconsommer le produit toxique.

On appelle “extinction” la présentation expérimentale d’un SC sans celle duSNC, par exemple la clochette sans la viande. Dans cette situation, le sujetapprend une nouvelle relation de dépendance entre ces stimuli et transformeprogressivement son comportement en fonction de cette nouvelle connaissance :la RC disparaît.

1-4-1 L’apprentissage et la sélection des aliments

Le tableau II montre comment l’ensemble des qualités sensorielles d’unaliment se constituent en un SC complexe qui, par l’apprentissage pavlovien,acquiert la capacité de stimuler une chaîne complexe de réponses associées à ladigestion.

21

1-4-1 L’APPRENTISSAGE ET LA SÉLECTION DES ALIMENTS

STIMULUS CONDITIONNEL —-> STIMULUS NON CONDITIONNELCaractéristiques Conséquencessensorielles des physiologiques de

aliments l’ingestion

+Capacité innée à associer des caractéristiques sensorielles à des signaux

physiologiques qui suivent la consommation alimentaire.

Tableau II — Mécanisme de conditionnement alimentaire.

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Le conditionnement classique joue un rôle capital dans l’adaptation ducomportement alimentaire aux besoins de l’organisme. Les caractéristiquessensorielles des aliments tiennent le rôle de SC qui, dans une relation dedépendance étroite, prédisent les SNC que sont les conséquences physiologiquesde l’ingestion. Cette association guide le comportement alimentaire et lui permetde s’ajuster aux besoins présents ou anticipés [BOOTH et al., 1976 ; BOOTH, 1977 ;ROZIN, 1990]. Cet apprentissage est facilité par une très grande capacité innée àassocier les caractéristiques sensorielles d’une substance ingérée aux signauxphysiologiques qui suivent l’ingestion.

À la suite d’une enquête chez 110 personnes, Rozin [1986] a montré quechez la plupart des gens, il existe au moins une aversion alimentaire, apparuebrutalement au moment où l’aliment fut associé à un malaise gastro-intestinalsurvenu après plusieurs heures. Bien mieux, dans 21 % des cas, les personnesinterrogées savent que le malaise n’a pas été causé par l’aliment, montrant ainsique l’aversion alimentaire conditionnée est indépendante de la pensée rationnelle.

Les patients cancéreux soumis à la chimiothérapie ont parfois des nauséesqui provoquent chez eux des aversions alimentaires plus ou moins généralisées.Ces aversions contribuent à faire diminuer l’appétit de ces patients. Lesconnaissances acquises sur les mécanismes de l’aversion alimentaire ont permisde contrer cet effet néfaste de la chimiothérapie. Avant leur séance dechimiothérapie, des patients cancéreux sont invités à consommer en laboratoireun aliment à saveur nouvelle. La chimiothérapie a lieu ensuite, etmalheureusement, entraîne des sensations nauséeuses chez plusieurs patients.Cette nausée est associée automatiquement au goût de l’aliment nouveauconsommé en laboratoire, qui devient aversif. Chez ces patients, l’aversionn’affecte pas les aliments du régime habituel, qui ne deviennent pas aversifs[BROBERG, BERNSTEIN, 1987 ; MATTES et al., 1987].

Le même mécanisme fonctionne pour mettre en place les goûts, lespréférences alimentaires. Les caractéristiques sensorielles des aliments deviennentdans ce cas un stimulus conditionnel qui prédit des conséquences métaboliquespositives : le rassasiement énergétique ou encore le rassasiement d’un besoin spé-cifique [MEHIEL, BOLLES, 1984 ; 1988 ; SCLAFANI, 1991a, b].

Chez des modèles animaux, une aversion apparaît pour le goûtarbitrairement donné à un régime carencé en vitamines, en acides aminés ou enminéraux [ROZIN, 1967 ; ROZIN, KALAT, 1971]. Les caractéristiques sensoriellesdistinctes de ce régime sont associées par conditionnement classique auxconséquences nutritionnelles de l’ingestion, c’est-à-dire une carence spécifique.Cet état de carence motive l’aversion. Si l’on donne à l’animal le choix entreplusieurs aliments, différemment odorisés, dont l’un est susceptible de corriger lacarence expérimentalement induite, l’animal apprend à consommer

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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spécifiquement l’aliment dont il a besoin. De plus, il développe un goût pour lescaractéristiques sensorielles de cet aliment, goût qui persiste bien après ladisparition de la carence induite. On parle dans ce cas “d’appétit spécifique”[RICHTER, 1947 ; ROZIN, 1965 ; 1967]. Ces appétits sont présents également chezl’homme et guident les choix alimentaires [BOOTH, 1989].

La rapidité de l’apprentissage dépend de l’intensité et de la nouveauté desstimuli, de même que de la relation entre les SC et SNC. Un stimulus est conditionnéd’autant plus facilement qu’il est nouveau et qu’il est intense, et qu’il est associé àun SNC lui-même nouveau et intense. L’apprentissage est plus lent si l’un ou l’autredes stimuli est familier. En effet, dans ce dernier cas, le consommateur a déjà appris,par l’expérience, que les stimuli concernés sont inoffensifs.

La quantité de tel ou tel aliment que le mangeur consomme est elle aussidéterminée par l’apprentissage. Il existe de nombreuses démonstrations de cephénomène chez des sujets humains, enfants, adolescents ou adultes. Leshumains, comme les animaux, apprennent progressivement à manger davantaged’un aliment dont la densité énergétique est faible, et moins d’un aliment dont ladensité énergétique est forte (Figure 8) [BOOTH, 1972]. Cet ajustement de laconsommation en fonction des conséquences métaboliques de l’ingestion se

23

1-4-1 L’APPRENTISSAGE ET LA SÉLECTION DES ALIMENTS

15

10

5

Taill

e du

rep

as (m

l)

aliment dilué(concentration 10%)

aliment concentré(concentration 50%)

1 2 3 4 5 6 7 8Repas successifs

▼▼▼

Figure 8 — Un rat apprend à consommer plus d’un aliment très dilué (10 %) que d’unaliment dense (50 %) en énergie au cours de repas successifs. D’après BOOTH,[1972].

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poursuit tout au long de la vie. La capacité d’adapter son comportementalimentaire aux effets nutritionnels des aliments varie beaucoup d’une personne àl’autre. Certains sont de bons “régulateurs” : ils modifient rapidement leurcomportement et l’ajustement de la ration permet de faire face aux besoins defaçon efficace. D’autres sont de moins bons, ou même de mauvais “régulateurs” :leur consommation s’adapte lentement et imparfaitement.

L’équipe de BIRCH aux États-Unis a montré que le jeune enfant (3–5 ans)possède une capacité à ajuster son ingestion en fonction du contenu nutritionnelde ses aliments. Cette capacité agit de manière non conditionnée (ajustementimmédiat) ou de manière conditionnée (ajustement qui se met en place aprèsplusieurs expériences) [BIRCH, DEYSHER, 1985 ; 1986].

La sensibilité de jeunes enfants à la densité énergétique de leurs aliments aété confirmée au cours d’une expérimentation consistant à consommer un repas àdeux plats. Des jours différents, le premier plat est soit riche soit pauvre en énergie.L’enfant en consomme une part fixe. Le second plat consiste en un menusélectionné par l’enfant lui-même, et la consommation est mesurée [BIRCH et al.,1990]. Les enfants mangent plus dans la seconde partie du repas quand lapremière est peu énergétique. Ils ajustent leurs ingesta du second plat pourcompenser les variations d’énergie du premier.

Chez l’enfant de trois à cinq ans, BIRCH et DEYSHER [1985] ont mesuré laconsommation spontanée au cours d’un goûter qui suivait l’ingestion d’unecollation (une crème dessert) soit très calorique, soit peu calorique. On voit à lafigure 9 que les enfants mangent plus au goûter après la collation peu caloriquequ’après la collation très calorique. Pour chaque enfant, les deux crèmesprésentées avant le goûter avaient des flaveurs clairement discriminables. Au coursde six jours d’expérience avec ces aliments, chacune des deux crèmes futprésentée trois fois avant le goûter à chaque enfant. L’enfant a ainsi eu l’occasiond’associer, inconsciemment bien sûr, des caractéristiques sensorielles précises àdes effets post-ingestifs précis. Il a donc appris à reconnaître les deux parfums deces crèmes et à modifier sa consommation en réponse au stimulus qui la précédait.Ensuite, au cours de deux tests de cet apprentissage, l’enfant consomme avant songoûter des crèmes de valeur énergétique identique, mais aromatisées aux deuxparfums conditionnés préalablement. On voit clairement, figure 9, que les enfantsse comportent alors comme ils ont appris à le faire pendant la phase deconditionnement : leur comportement alimentaire au goûter est déterminé par laflaveur de la crème dessert et non pas en fonction de sa valeur énergétique réelle(augmentée ou diminuée comparativement à la phase de conditionnement).

Les enfants peuvent réguler leurs apports énergétiques sur 24 heures. Lescoefficients de variation pour l’énergie ingérée au cours de plusieurs jours sont de10 % environ, alors que pour les repas observés pendant ces mêmes jours, ils

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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atteignent 40 %. C’est une compensation d’un repas sur le suivant qui produit ceseffets [BIRCH et al., 1991 ; 1993]. Cependant, il existe de larges différencesindividuelles dans la compétence des enfants à réguler leurs apports [JOHNSON,BIRCH, 1994] : les enfants gros sont moins habiles et les garçons sont meilleurs queles filles. Les enfants de parents très autoritaires en matière alimentaire sont lesmoins compétents de tous.

Chez l’adulte, les capacités d’adaptation sont plus limitées en fonction defacteurs encore imparfaitement connus. HERMAN et POLIVY [1980] ont montré queles personnes qui restreignent leur alimentation de façon chronique (régimesrestrictifs) présentent une capacité d’adaptation particulièrement faible.

1-4-2 La phase céphalique de la digestion

La consommation alimentaire est un comportement privilégié pourl’apparition de conditionnements classiques. En effet, l’odeur, l’aspect, le goût et

25

1-4-2 LA PHASE CÉPHALIQUE DE LA DIGESTION

400

300

200

100

01 2 3 1

Conditionnement ExtinctionPaires d’essais

pré-charge à forte teneur en énergie

pré-charge à faible teneur en énergie

Con

som

mat

ion

(kca

l)

Figure 9 — Consommation par un groupe d’enfants, au cours de collations précédées del’ingestion soit d’une pré-charge de forte teneur énergétique soit d’une pré-charge de faible teneur énergétique. Les deux pré-charges avaient des parfumsdifférents. Les deux dernières colonnes représentent les ingesta dans lacondition d’extinction, c’est-à-dire lorsque les deux pré-charges consomméesavant la collation avaient la même teneur énergétique, mais des parfumsdifférents. D’après BIRCH et DEYSHER [1985].

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l’arôme d’un aliment sont autant de stimuli qui se prédisent entre eux et quiprédisent l’arrivée de nutriments dans l’oesophage, l’estomac et l’intestin. Lemangeur commence ainsi à saliver avant l’arrivée de l’aliment dans la bouche. Ilpeut aussi commencer à digérer le repas avant que celui-ci parvienneeffectivement dans le tractus digestif. C’est ce que l’on appelle la “phasecéphalique de la digestion”. Le mot “céphalique” est tiré du grec et signifie “de latête”. Les récepteurs céphaliques impliqués ici sont donc les récepteurs sensorielssitués au niveau de la tête : visuels, olfactifs, gustatifs, thermiques, entéroceptifs, etmême auditifs (le craquement d’une pomme dans la bouche, le crépitement d’unbiscuit, etc.).

Depuis PAVLOV et tout au long du XXe siècle, des recherches multiples ontconfirmé l’évocation de réponses appartenant aux processus de la digestion,lorsque des récepteurs sensoriels de la tête sont stimulés par des objetsalimentaires ou des stimuli associés à l’acte de s’alimenter. La digestioncommence donc par l’activation de réponses sensorielles céphaliques,annonciatrices de l’arrivée imminente d’aliments dans le tractus digestif. Lesréponses digestives de la phase céphalique sont des réflexes conditionnés, au senspavlovien du terme. Elles sont apprises par l’association entre primo, un stimulusconditionnel analogue aux clochettes de PAVLOV (les caractéristiques sensorielleselles-mêmes le plus souvent) et secundo, un stimulus non conditionnel (l’alimentdans le tractus digestif). Après plusieurs associations entre cette paire de stimulicomplexes, le stimulus conditionnel seul devient capable d’évoquer une réponseconditionnelle qui ressemble à la réponse non conditionnelle produite par lepassage de l’aliment aux différents niveaux du processus digestif. Comme toutesles réponses “conditionnelles”, celles de la phase céphalique sont fragiles, plus oumoins reproductibles et souvent de faible amplitude. Néanmoins, elles peuventagir de manière significative sur la prise alimentaire, la nutrition et même le poidscorporel.

La stimulation sensorielle amorce une cascade d’événements dont l’effetglobal semble être de préparer l’organisme à l’absorption et l’utilisation desnutriments. C’est ainsi que la stimulation chimiosensorielle et trigéminaleenregistrée par les récepteurs de la tête est rapidement suivie de réponsesconditionnées impliquant plusieurs niveaux du tractus digestif. Une exagérationdes réflexes digestifs déclenchés au cours de la phase céphalique a même étéincriminée dans le développement de l’obésité [POWLEY, 1977].

La sécrétion de salive augmente en réponse à une stimulation olfactive ougustative. Parallèlement, la salive devient plus riche en enzymes (lipase). Cet effetvarie en fonction de l’état de faim chez le consommateur et du caractère agréablede l’aliment ingéré [PANGBORN et al., 1979 ; TEPPER, 1992]. La réponseconditionnée salivaire contribue à rendre le bol alimentaire plus fluide et à faciliterson transit dans le pharynx et l’œsophage. Comme l’a montré PAVLOV, les

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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sécrétions gastriques (gastrine, acide gastrique) augmentent en réponse à laperception d’un stimulus associé à l’aliment. La vue, l’odeur ou même l’évocationmentale d’un aliment agréable sont capables de déclencher une réponse gastrique[JANOVITZ et al., 1950 ; FELDMAN, RICHARDSON, 1981 ; 1986]. Cependant le stimulusle plus puissant est gustatif. La faim, le bon goût de l’aliment et les attentes dumangeur modulent l’amplitude des réponses conditionnées. La sécrétion gastriqueest encore observable 45 minutes après la fin de la stimulation céphalique. Oncroit que la réponse gastrique est susceptible d’agir sur la nutrition en favorisant lasécrétion et l’activation d’enzymes digestifs (pepsine, chymotrypsine, lipase,trypsine, amylase) et d’hormones (sécrétine, pancréozymine, gastrine) dans letractus digestif [NOVIS et al., 1971].

Le pancréas exocrine produit des sécrétions abondantes, concentrées,riches en enzymes (trypsine, lipase, amylase) facilitant la digestion des protéines,des lipides et des glucides. Une brève stimulation céphalique trigéminale,olfactive, visuelle, mais surtout gustative, entraîne une réponse prolongée (uneheure) du pancréas exocrine [SARLES et al., 1968 ; NOVIS et al., 1971]. L’heure dela journée, le bon goût de l’aliment, les préférences alimentaires du consommateurmodulent la réponse [BEHRMAN, KARE, 1968].

Les réponses endocrines du pancréas à la stimulation céphalique sont bienétudiées. Une sécrétion d’insuline qui peut atteindre quatre fois le niveau de basea été mise en évidence en réponse à la stimulation visuelle, olfactive, gustativeproduite par un aliment agréable ou encore suggérée sous hypnose. La figure 10montre une telle réponse produite au tout début d’un repas (4 minutes de latence),alors que la glycémie contemporaine ne varie pas encore. Cette réponse est le typeparfait du réflexe conditionné pavlovien. Difficile à mesurer, cette réponse estdifficile à produire, à reproduire, et son amplitude semble presque imprévisible.Toutefois, plusieurs facteurs l’affectent : le bon goût de l’aliment, la sensibilitéindividuelle du mangeur, son âge, sa corpulence [SJOSTROM et al., 1985 ; LUCAS etal., 1987 ; TEFF et al., 1991 ; 1993 ; 1995]. Une décharge d’insuline peut êtreobservée en l’absence de tout aliment, en mettant simplement les volontaires dansun endroit où ils ont mangé plusieurs fois : la réponse d’insulinosécrétion paraîtconditionnée aux stimuli arbitraires entourant habituellement le repas (lieu,horaire, activité de l’entourage, etc.) [LUCAS et al., 1987].

L’amplitude de la phase céphalique de sécrétion d’insuline estnégativement corrélée à la vitesse de perte de poids chez des femmes obèses aurégime, ce qui suggère une contribution de cette réponse au poids corporel[KROTKIEWSKI et al., 1980]. La décharge d’insuline en phase céphalique est souventassociée à des changements du taux d’acides gras, ce qui indique un effet sur lemétabolisme énergétique.

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1-4-2 LA PHASE CÉPHALIQUE DE LA DIGESTION

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Lorsqu’un animal ou un humain ingère pour la première fois une substancealimentaire, deux séries de stimulations se produisent dans l’organisme : d’abordune configuration de messages sensoriels définissant ce que l’on appelle la“flaveur” de l’aliment, c’est-à-dire l’ensemble de ses caractéristiquesorganoleptiques ; ensuite, entre quelques minutes et quelques heures après laconsommation, un ensemble de messages nerveux entéroceptifs signalantl’assimilation des nutriments contenus dans le repas. Une association automatiqueet inconsciente se produit chez le consommateur entre ces deux ensembles de

13

1-3-3 LE MÉCANISME D’APPRENTISSAGE ALIMENTAIRE

Figure 5 — Courbes théoriques représentant une fonction quadratique dont lescomposantes sont identifiées : stimulation (bt) et inhibition (ct2). Les valeursutilisées sont b = 100 g/min et c = - 5 g/min2. À la partie supérieure : dérivéemathématique de la fonction quadratique, qui donne la vitesse d’ingestion àchaque moment du repas. Les projections en pointillés indiquent l’évolutiondes courbes au-delà du point où la stimulation et l’inhibition s’annulent,correspondant à la fin du repas. D’après KISSILEFF et THORNTON [1982].

600

400

200

0

-200

-400

100

0

Con

som

mat

ion

atte

ndue

(g)

Vite

sse

(g/m

in)

stimulation (bt)

somme (bt+ct2)

dérivée (b+2ct)

inhibition (+ct2)

0 2 4 6Temps (min)

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digestif (voir figure 10) pourrait faire croire que leur effet est modeste. Toutefois,les travaux de CAMPFIELD et SMITH [1986 ; 1990] confirment que de très modestesfluctuations du niveau de glycémie constituent un signal responsable dudéclenchement des repas chez l’homme comme chez l’animal de laboratoire. Parconséquent, les signaux sensoriels susceptibles de modifier, même de façon brève,les hormones de glucorégulation peuvent exercer sur le comportement alimentaireune influence dont il reste à préciser les limites.

La stimulation orale ralentit la vidange gastrique : en effet, la même chargealimentaire délivrée directement dans l’estomac s’évacue plus vite que lorsqu’elleest ingérée par voie orale [KAPLAN et al., 1993]. De plus, la stimulation céphaliqueentraîne une thermogenèse dont l’amplitude est sensible au bon goût de l’aliment[BRONDEL, FANTINO, 1994]. Cet effet pourrait être dû à un mécanisme cholinergique.

Cette cascade d’effets déclenchés par une stimulation sensorielle ad’importantes implications nutritionnelles et cliniques. Lorsqu’un aliment liquideest introduit dans l’estomac via un tube naso-gastrique, sans passer par la cavitébuccale et donc sans avoir déclenché de phase céphalique de la digestion, desvolontaires humains ressentent un rassasiement moins satisfaisant pour une mêmequantité d’aliment [JORDAN, 1969]. Cependant, lorsque ces volontaires doivent senourrir exclusivement par voie naso-gastrique, ils réussissent à s’auto-administrerune quantité de l’aliment liquide à peu près semblable à la quantité qu’ilsconsomment spontanément par voie orale pendant un repas.

Des enfants prématurés sont parfois nourris par tube naso-gastrique.Lorsque leur nourriture est associée à une stimulation sensorielle [MAONE et al.,1990], les fonctions gastro-intestinales de l’enfant s’améliorent, la prise de poidss’accélère et l’autonomie nutritionnelle est avancée de plusieurs jours [MEASEL,ANDERSON, 1979 ; FIELD et al., 1982]. Ces effets cliniques suggèrent que lastimulation alimentaire céphalique facilite l’utilisation de l’énergie et desnutriments.

1-4-3 Le conditionnement instrumental

Dans bien des circonstances, les événements sont un résultat ducomportement individuel. Les réponses comportementales sont un instrumentpour obtenir certaines conséquences. C’est pourquoi l’apprentissage de ce type deréponses est appelé instrumental. Les conséquences que le sujet veut obtenir sontle “renforcement” de son comportement.

THORNDIKE [1898] énonçait ainsi la loi de l’effet : “Si une réponse faite enprésence d’un stimulus est suivie d’un événement satisfaisant, l’association entrele stimulus et la réponse est renforcée. Si la réponse est suivie par un événementinsatisfaisant, l’association est affaiblie.”

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1-4-3 LE CONDITIONNEMENT INSTRUMENTAL

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La conséquence, positive ou négative, n’est pas impliquée dans l’association ;elle sert simplement à renforcer ou à affaiblir le lien, l’association entre stimulus etréponse (Tableau I, p. 18). Chacun connaît les travaux de B.F. SKINNER [1938],l’inventeur de la boîte qui porte son nom et dans laquelle un animal peut obtenirune récompense en appuyant sur un levier. Le comportement à apprendre, appelé“opérant”, est modelé progressivement. Pour ce faire, l’expérimentateur “renforce”(attribue une récompense après) des approximations successives de l’opérant. Quelque soit cet opérant, il aura une certaine probabilité d’être exécuté par hasard : c’estla fréquence de base de l’opérant. Lorsque la réponse opérante se produit parhasard, l’expérimentateur la renforce systématiquement, c’est-à-dire qu’il présenteune récompense pour chaque exécution de la réponse. Très souvent, desrécompenses alimentaires sont utilisées dans des protocoles expérimentauxd’apprentissage pour renforcer certaines réponses chez des animaux à jeun. On voitalors la fréquence de l’opérant augmenter considérablement puis se stabiliser.

Après avoir renforcé chaque exécution de la réponse (renforcementcontinu), l’expérimentateur peut passer à un programme de renforcement partieloù il ne renforcera plus qu’une réponse sur trois, dix, cinquante ou plus ; c’est cequ’on appelle “quotient fixe”. Le programme de renforcement à “quotientvariable” consiste à accorder le renforcement après un nombre variabled’exécutions de la réponse, constituant des séries dont la valeur moyenne est fixée.On peut aussi choisir de renforcer la réponse après un certain intervalle : dans cecas, c’est la première réponse exécutée après expiration du délai qui entraîne lerenforcement. Cet intervalle peut être fixe (trois secondes, soixante minutes, etc.)ou il peut être variable (un renforcement est administré après divers intervallesdont la moyenne est trois secondes, soixante minutes, etc.). Les programmes derenforcement partiel ont des effets très différents sur le comportement. Lesprogrammes à renforcement variable provoquent une fréquence de réponseuniforme, alors que les programmes de renforcement partiel fixe font apparaîtredes pauses dans l’activité du sujet immédiatement après l’obtention durenforcement. L’apprentissage sur programme de renforcement partiel est plus lentque sous renforcement continu ; cependant les réponses apprises sont plusrésistantes à l’extinction.

La résistance à l’extinction observée pour les comportements renforcés defaçon partielle vient probablement du fait que dans ces conditions, la discriminationpar le sujet entre situation de renforcement ou de non renforcement est difficile àréaliser. L’animal habitué à une situation où il n’est renforcé que rarement, metlongtemps à comprendre que le renforçateur n’est plus jamais disponible.

Dans les exemples donnés plus haut, à chaque fois, la relation dedépendance entre réponse et renforcement était toujours positive : l’exécution dela réponse en présence du stimulus approprié entraîne la récompense. On appellecette méthode de conditionnement instrumental “renforcement positif”. L’adjectif

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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“positif” fait référence à la nature de la relation de dépendance et non pas à lanature du stimulus renforçateur. D’autres types de conditionnement instrumentalexistent. Ils sont présentés au tableau III. Si l’exécution de la réponse entraîne unstimulus désagréable, on parle de “punition”. Si la relation de dépendance entreréponse et renforcement devient négative, on parle de “renforcement négatif”.C’est le cas lorsque l’exécution de la réponse comportementale élimine ouempêche l’administration d’un stimulus désagréable. L’animal et l’homme peuventapprendre à supprimer certains comportements lorsque l’exécution de cescomportements, dans une relation de dépendance négative, empêche ou éliminela présentation d’un stimulus récompensant.

On peut traduire ces divers modes de conditionnement instrumental entermes alimentaires. Il est courant que les parents tentent d’influencer lecomportement alimentaire de leurs enfants en utilisant des relations dedépendance semblables à celles qui sont décrites dans ce chapitre. Lorsqu’onutilise un aliment particulier comme récompense d’un comportement, on constatebien sûr que la fréquence de ce comportement augmente, mais aussi que la valeuraffective de l’aliment utilisé comme renforçateur augmente également. C’est ainsique bonbons, chocolats, gâteaux deviennent encore plus désirables [BIRCH et al.,1980 ; 1982]. Lorsqu’on récompense l’enfant pour avoir consommé un aliment(“mange tes petits pois, tu auras du dessert”), l’aliment dont l’ingestion estrenforcée (ou simplement “forcée”) sera peut-être consommé davantage mais ilrisque de devenir de plus en plus aversif [BIRCH et al., 1984b].

Lorsque l’enfant est puni pour ne pas avoir mangé comme le désirent sesparents (“mange tes petits pois”, “finis ce qu’il y a dans ton assiette”), soncomportement ne se modifie pas favorablement. La punition est généralementconsidérée comme un moyen peu efficace de modifier un comportement. En

31

1-4-3 LE CONDITIONNEMENT INSTRUMENTAL

Nom de la méthode Effet de la réponse instrumentale

Renforcement positif La réponse produit un stimulus appétitif

Punition La réponse produit un stimulus aversif

Renforcement négatif La réponse élimine ou empêche la(fuite ou évitement) présentation d’un stimulus aversif

Omission La réponse élimine ou empêche laprésentation d’un stimulus appétitif

Tableau III — Méthodes de conditionnement instrumental.

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revanche, le renforcement négatif favorise l’établissement de réponses parfois peudésirables. Si l’enfant pleure et que ce comportement lui évite de devoir mangerun aliment qu’il aime peu, il apprendra à le reproduire souvent. Certainesanorexiques ont développé tout un répertoire de comportements qui ont lepouvoir de faire disparaître de leur environnement les stimuli alimentaires qu’ellesévitent. Par exemple, le fait de se déclarer “végétariennes” leur évitera d’avoir àconsommer des plats de viandes sans susciter d’insistance de la part de leurentourage. Enfin, les consommateurs, en tous cas les femmes, apprennent souventà ne pas consommer (à omettre) certains aliments (les biscuits apéritifs, les entrées)afin de se garder de l’appétit pour des aliments plus convoités comme les desserts.C’est la stratégie de celui ou celle qui ne met pas de sucre dans son café afin depouvoir s’accorder une gâterie dans l’après-midi. C’est ce que les parentssouhaitent inculquer à leurs enfants en leur disant : “Ne mange pas de bonbonsavant le repas, tu n’auras plus d’appétit.” Cet apprentissage est difficile et long à semettre en place, mais nous en voyons tous les jours des effets multiples dans lecomportement alimentaire de consommateurs de tous les âges.

Comme dans le conditionnement classique, l’expérimentateur focalise sonobservation sur un comportement particulier qui l’intéresse (l’opérant) et qu’il veutfaire apprendre par le sujet, mais cet opérant n’est qu’un aspect de ce qui arriveau sujet au cours de cet apprentissage. Bien d’autres comportements sont modifiésque le seul opérant défini par l’expérimentateur. Parmi ces derniers, citons lescomportements “accessoires” qui apparaissent sous programmes de renforcementpartiel. Ces comportements se développent à la faveur d’un programme derenforcement intermittent, mais ils ne sont aucunement impliqués dans l’obtentiondu renforcement. Ils paraissent souvent excessifs : chez des animaux amaigris maisnon privés d’eau qui obtiennent leur nourriture sur programme de renforcementpartiel, on constate une consommation effrénée de boisson pendant que lerenforcement alimentaire est indisponible. L’intensité de cette polydipsie dépendde l’intervalle entre les présentations d’aliments. Elle peut atteindre jusqu’à dix foisla consommation d’eau normale [FALK, 1961]. Chez l’homme, des situationsdiverses (écrire un long texte, préparer un exposé, attendre) reproduisent desprogrammes où le renforcement du comportement est retardé. Souvent dans cescirconstances, on voit apparaître des comportements accessoires importants parmilesquels ceux de manger, boire ou fumer sont fréquents.

1-4-4 Paramètres du renforçateur

La quantité aussi bien que la qualité du stimulus renforçateur agissent surl’efficacité de l’apprentissage. Des effets de contraste peuvent apparaître :l’exécution de la réponse instrumentale augmentera soudain si la valeur du

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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renforçateur est augmentée ; elle baissera si la valeur du renforçateur est diminuée.Une fois l’effet de contraste passé, le comportement se stabilise à un niveauintermédiaire entre celui qui précède et celui qui suit immédiatement le contraste.

Un exemple de cet effet est connu chez le rat de laboratoire. Cet animalnourri ad libitum d’un aliment standard uniforme se nourrit suffisamment pourcouvrir ses besoins énergétiques. Si on lui présente soudain un aliment plus appétitif(sucré par exemple), le rat fait dans un premier temps des repas plus abondants.Ensuite, il s’adapte à ce nouvel aliment et sa consommation se stabilise à un niveaucorrespondant à ses besoins. Cependant, si des aliments nouveaux et agréables luisont présentés ad libitum chaque jour, la consommation demeure à un niveau élevéet l’animal peut devenir obèse [SCLAFANI, SPRINGER, 1976 ; ROLLS, ROWE, 1977]. Ona appelé “régime cafétéria” ce mode d’alimentation qui ressemble beaucoup à celuides consommateurs humains. Une différence cependant existe : l’homme quidispose des mêmes aliments ne peut pas, du moins en théorie, manger n’importequand, ni n’importe où. Sa prise alimentaire est limitée par des contraintes sociales.La disparition progressive des structures traditionnelles des repas et l’omniprésenced’aliments divers disponibles à toute heure dans notre environnement risquent derendre l’homme semblable à la bête, en l’occurrence : obèse.

1-4-5 Relations entre réponse et renforcement

De même que les rapports de contiguïté et de dépendance entre stimuli jouentun rôle important dans le conditionnement classique, ces rapports influent égalementsur la réalisation du conditionnement instrumental. L’apprentissage est rapide s’il y aun délai très bref entre réponse et renforcement et si le renforcement est administrépour chaque exécution de la réponse instrumentale (quitte à passer, dans une phaseultérieure, à un programme de renforcement partiel). Dans ces conditions,l’apparition dans l’environnement du stimulus discriminatif signalant la disponibilitédu renforcement acquerra rapidement le pouvoir de déclencher la réponse.

Les organismes sont sensibles aux relations de causalité qu’ils détectententre un comportement et les effets que celui-ci entraîne. Bien souvent, dans lessituations expérimentales et dans la vie, certains effets suivent fortuitement certainscomportements, ce qui n’empêche pas l’auteur du comportement de percevoirune relation causale entre ces événements. C’est ainsi que sont appris lescomportements superstitieux : un comportement qui se trouve accidentellementrenforcé, c’est-à-dire qu’il est suivi fortuitement d’un effet positif lorsqu’il estaccompli dans un environnement donné, se répétera dans ces mêmes conditionsde l’environnement. Le renforcement fortuit a le même effet que s’il s’agissaitd’une relation causale authentique et donc, augmente le lien entre les stimulidiscriminatifs de la situation et la réponse. Un comportement superstitieux est

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1-4-5 RELATIONS ENTRE RÉPONSE ET RENFORCEMENT

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renforcé accidentellement de temps à autre ; il se maintient donc sur un pro-gramme de renforcement partiel et devient ainsi très résistant à l’extinction.

1-4-6 Renforcement et homéostasie

Selon la théorie de HULL [1930 ; 1931], le renforcement équivaut à unprocessus homéostatique. Claude BERNARD [1856] avait déjà énoncé que laconstance du milieu intérieur est nécessaire à la vie autonome. Le comportementest motivé par le maintien de cette constance, ou homéostasie, et donc par laréduction des besoins. Des stimuli biologiquement importants, notamment laboisson ou la nourriture, sont souvent utilisés comme renforçateurs dansl’expérimentation animale. Les animaux sont d’abord privés d’une substance, puisle retour de cette substance peut servir de renforcement à l’exécution d’un opérantsélectionné par l’expérimentateur. Privation et renforcement sont des processusopposés qui transforment l’état physiologique. La privation crée un manque ; lerenforcement survient et rétablit l’équilibre interne. Tous les stimuli del’environnement susceptibles de contribuer à l’équilibre homéostatique sontpotentiellement des renforçateurs efficaces : eau, nourriture, température, oxygène.

La motivation à exécuter la réponse dépend de l’état de besoin. Les stimulicorrespondants à un besoin biologique (eau, nourriture, etc.) sont appelés“renforçateurs primaires”, pour les distinguer des “renforçateurs secondaires”,c’est-à-dire ceux qui ont acquis leur pouvoir renforçateur par association avec lesrenforçateurs primaires (l’homme et ses animaux familiers se contentent parfois deparoles comme renforcement de leur conduite). Les qualités du renforçateurcontribuent aussi à la motivation, indépendamment de l’état physiologique. Cesdeux sources de motivation se complètent en situation alimentaire. Des ratsnourris par sonde gastrique sont motivés à travailler pour obtenir leur nourriture ;cependant, ce renforcement est moins puissant que celui procuré par l’alimentprésenté dans la bouche [MILLER, KESSEN, 1952]. Normalement un aliment participedes deux sources de motivation : il est potentiellement capable de réduire lebesoin et de plus, ses qualités sensorielles induisent une stimulation plus ou moinsgrande de la consommation.

1-4-7 Déclenchement du comportement

Pour réaliser un conditionnement instrumental, il faut trois éléments : lesstimuli ambiants (S) en présence desquels la réponse instrumentale (R) est exécutéeet la conséquence de cette réponse, ou renforçateur (S R +). Dans cette perspective,des stimuli ambiants acquièrent le pouvoir de déclencher (ou d’inhiber) lecomportement. Or un environnement n’est jamais composé d’un seul stimulus. Au

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTS

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contraire, l’environnement est composé d’éléments multiples, eux-mêmescomplexes, dont certains seulement acquièrent ce pouvoir de déterminer lecomportement. Comment ces éléments deviennent-ils des S+, des stimulidéclenchants, alors que d’autres demeurent des S-, des stimuli sans effet?

Le premier facteur important est l’expérience du sujet dans l’envi-ronnement. Les stimuli particulièrement nouveaux ou intenses sont plusfacilement intégrés au mécanisme du conditionnement. Ils pourront même faire del’ombre à d’autres stimuli, moins saillants, qui n’acquièrent aucun contrôle sur laréponse. Les apprentissages préalables dans cet environnement jouent un rôlepour faciliter ou inhiber un nouvel apprentissage en fonction de la compatibilitédes réponses déjà acquises avec celle qui doit être apprise.

Des stimuli de l’environnement peuvent déclencher la prise alimentairemême chez des animaux rassasiés [WEINGARTEN, 1984 ; 1985 ; CORNELL et al.,1989]. BIRCH et son équipe [1990] ont travaillé chez de jeunes enfants passantleur journée à la crèche. Au moment de la collation, un stimulus discriminatifaudiovisuel (SC+ : une lampe allumée plus une mélodie) apparaissait dansl’environnement. Un autre stimulus audiovisuel discriminatif (SC- : une lumièrede couleur différente plus une autre mélodie) apparaissait parfois dansl’environnement, mais jamais en association avec des aliments. Après plusieursprésentations de ces stimuli aux enfants, le test suivant fut réalisé : juste après le

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1-4-7 DÉCLENCHEMENT DU COMPORTEMENT

250

200

150

100

50

0

600

500

400

300

200

100

0SC+ SC- SC+ SC-

Condition du test

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bitu

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Figure 11 — Consommation alimentaire (quantité et latence) chez l’enfant rassasié dansune condition de SC+ et dans une condition de SC-, après plusieurs jours deconditionnement. D’après BIRCH et collaborateurs [1989].

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déjeuner, alors que les enfants étaient rassasiés, les aliments habituels du goûterétaient présentés soit accompagnés du SC+, soit accompagnés du SC-. Lesrésultats sont présentés à la figure 11. En présence du SC+, les enfants se mirentà manger après une latence très brève, et mangèrent plus que lorsque le SC- étaitprésenté.

Les personnes qui s’astreignent à des régimes restrictifs sévères et prolongéssont très sensibles aux incitations venant de l’environnement [HERMAN, POLIVY,1980]. Leur comportement peut subir une “désinhibition soudaine” en réponse àcertaines situations (stress, incitation sociale, consommation d’alcool, etc.), ce quise traduit par un accès d’hyperphagie. La figure 12 montre la consommation d’ungroupe de personnes qui restreignent leur prise alimentaire de façon chronique,comparée à celle d’un groupe de personnes qui mangent sans restriction, danstrois conditions expérimentales. Dans la première, une collation est servie et les

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LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ET SES DÉTERMINANTSC

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atio

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230

200

170

140

110

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0

Groupe avec restriction

Groupe témoin sans restriction

0 1 2Pré-charge (milk-shake)

Figure 12 — Consommation au cours d’une collation chez deux groupes de personnesdans trois conditions : 0 = aucune pré-charge ingérée avant la collation ; 1 =milk-shake consommé avant la collation ; 2 = une double part de milk-shakeconsommée avant la collation. Un groupe de personnes qui s’astreignent àune restriction alimentaire chronique se comporte de manière opposée augroupe témoin composé de personnes qui ne restreignent pas habituellementleur prise alimentaire. D’après HERMAN et POLIVY [1980].

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volontaires mangent ad libitum. Dans la deuxième, une pré-charge (un milk-shake)est consommée avant la collation. Dans la troisième, une double part de milk-shake doit être consommée avant la collation. Les volontaires sous restrictionalimentaire chronique se conduisent d’une façon opposée au comportement destémoins. Ces derniers mangent le plus lorsque la collation est servie sans pré-charge, et mangent le moins lorsque la pré-charge est importante. Laconsommation des personnes sous restriction est faible lorsque la collation estservie sans pré-charge et augmente de façon importante avec la taille de la pré-charge. Leur comportement est apparemment inhibé dans la première condition,alors qu’ils semblent perdre tout contrôle dans la troisième.

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1-4-7 DÉCLENCHEMENT DU COMPORTEMENT

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2 – Descriptiondes comportementsalimentaires

2-1 La distribution circadiennede la prise alimentaire

Le recueil et le dépouillement de milliers de tracés montrant la prisealimentaire d’animaux de laboratoire ont permis à l’équipe de LE MAGNEN [1992]de quantifier plusieurs paramètres de la consommation et de détecter les relationsmathématiques existant entre eux. C’est ainsi que la corrélation entre la taille desrepas et la durée de l’intervalle qui les suit a été mise en évidence de même quel’absence de corrélation entre la taille des repas et la durée de l’intervalle qui lesprécède. On peut déduire de ces observations que l’animal en situation ad libitumne mange pas parce qu’il a faim mais parce qu’il vient d’épuiser les réservesénergétiques et nutritionnelles constituées par son précédent repas. La taille dechaque repas dépend de l’heure de la journée (ou de la nuit) et surtout despropriétés sensorielles des aliments disponibles. L’intervalle qui suit un repas estd’autant plus long que ce repas est abondant.

La quantification des paramètres de la journée alimentaire permet decomprendre la motivation à manger chez l’animal. Et chez l’homme, est-ilpossible de quantifier les paramètres importants, de telle sorte que l’on puissecomprendre la motivation à manger? Sur le modèle des travaux de LE MAGNEN, DE

CASTRO [1987 À 1997 ; DE CASTRO et al., 1985 à 1991] a développé uneméthodologie originale qui a déjà produit des résultats précieux concernantl’alimentation de milliers de Nord-Américains.

Le semainier alimentaire (Figure 13) est un carnet où le volontaire notetoutes les consommations d’une semaine, de même que de nombreusesindications concernant le temps, le lieu, et les circonstances psychologiques etsociales entourant chaque consommation. Un programme informatique quantifieles paramètres de chaque événement alimentaire de la semaine et calcule sesrelations avec tous les autres événements relevés dans le semainier.

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DESC

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Mauvais-Bon Rassasié-Affamé Désaltéré-Assoiffé Déprimé-Joyeux Calme-Anxieux1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7

Jour - Lu Ma Me Je Ve Sa Di Heure - Début_______ Fin_____ Repas_______Collation_________

Nombre de personnes présentes: Hommes__________ Femmes__________ Relation:___________

Lieu: _____________________________ Niveau d’activité physique: ➝ Légère 1 2 3 4 5 6 7Intense

Aliment ou boisson Quantité Mauvais - Bon1 2 3 4 5 6

71 2 3 4 5 6

71 2 3 4 5 6

Figure 13 — Une page du “semainier alimentaire”.

Mauvais-Bon Rassasié-Affamé Désaltéré-Assoiffé Déprimé-Joyeux Calme-Anxieux1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7

Jour - Lu Ma Me Je Ve Sa Di Heure - Début_______ Fin_____ Repas_______ Collation_________Nombre de personnes présentes: Hommes__________ Femmes__________ Relation: ___________

Lieu: _____________________________ Niveau d’activité physique: ➝ Légère 1 2 3 4 5 6 7 Intense

Aliment ou boisson Quantité Mauvais - Bon1 2 3 4 5 6 71 2 3 4 5 6 71 2 3 4 5 6 71 2 3 4 5 6 71 2 3 4 5 6 71 2 3 4 5 6 7

Mauvais-Bon Rassasié-Affamé Désaltéré-Assoiffé Déprimé-Joyeux Calme-Anxieux1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7 1 2 3 4 6 5 7

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Dans l’alimentation nord-américaine, il existe une corrélation entrel’intervalle qui précède un repas et la taille de celui-ci. Le contenu de l’estomacavant le repas et les sensations de faim ressenties par le volontaire avant le repassont également corrélés à la taille du repas. En revanche, la corrélation entre tailledu repas et intervalle post-prandial est faible et n’est pas toujours significative. Unedes révélations importantes de ce travail est la force d’une stimulation sociale àmanger [DE CASTRO et al., 1990]. Le facteur le plus fortement associé à la taille desrepas est le nombre de convives qui le partagent (Figure 14). La facilitation socialede la prise alimentaire se vérifie en tous lieux, à toutes heures, pour les repas commepour les collations, pour les repas pris chez soi ou à l’extérieur. Elle est indépendantedes effets enregistrés sur la durée des repas. Les membres de la famille et les amisproduisent une plus grande stimulation à manger que les autres personnes.

DE CASTRO et KREITZMAN [1985] font l’hypothèse que, en présence descontraintes écologiques spécifiques de la consommation humaine, la régulationénergétique et nutritionnelle s’effectue en ajustant la taille des repas en fonctiondes facteurs pré-prandiaux plutôt qu’en ajustant la durée des intervalles de satiétéen fonction de la taille des repas. Ce mode de régulation contraste fortement aveccelui que LE MAGNEN [1992] a décrit chez l’animal.

Une étude réalisée avec cette méthode chez des jumeaux identiques oufraternels a révélé que la séquence de consommation quotidienne, la fréquencedes repas et les apports en macronutriments, en alcool et en eau ont unehéritabilité importante [DE CASTRO, 1993].

2-2 Les choix alimentairesau cours de la vie

2-2-1 Stade fœtal

Le fœtus dispose de chimiorécepteurs fonctionnels dans les dernièressemaines de la grossesse. Il peut percevoir l’odeur et le goût du liquideamniotique, un environnement très complexe sur le plan chimique. À 18 semainesde gestation, 400 composés distincts ont été identifiés dans le liquide amniotique[ANTOSHECHKIN et al., 1989]. De plus, la composition de ce fluide est changeanteen fonction des apports nutritionnels de la mère (épices par exemple) et du fluxurinaire du fœtus lui-même [SCHAAL, 1995]. Après la naissance, le nourrisson dequelques heures manifeste une reconnaissance et un intérêt pour l’odeur de sonpropre liquide amniotique [SCHAAL et al., 1995]. L’impact de la stimulation

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2-2-1 STADE FŒTAL

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRESTa

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Petit déjeuner Déjeuner Dîner

a

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Figure 14 — Les contenus de plusieurs petits déjeuners, déjeuners et dîners sont donnés ena de même qu’une évaluation du contenu gastrique au début de chaque repas.Le graphique b donne le nombre de convives partageant chaque repas. Legraphique c montre les corrélations significatives entre taille des repas etnombre de convives. D’après DE CASTRO et collaborateurs [1990].

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chimiosensorielle intra-utérine sur le développement des préférences alimentairesest probable, mais seules des observations réalisées chez l’animal sont disponiblesaujourd’hui : des préférences pour l’ail, le genièvre ou l’alcool ont été observées[HEPPER, 1988 ; ALTBÄCHER et al., 1995 ; MOLINA et al., 1995].

2-2-2 Le nourrisson

Des nouveau-nés de quelques heures, avant toute expérience alimentaire,répondent de manière totalement prévisible, stéréotypée, au dépôt sur la languede quelques gouttes de liquide sucré, acide ou amer. Le sucré est accepté, avecune physionomie caractérisée par la détente des muscles faciaux, le relèvementdes angles de la bouche, des léchages, des succions et parfois avec un sourire. Legoût acidulé provoque une grimace alors que l’amertume est violemment rejetéeavec des mimiques qui évoquent le dégoût : dépression des angles de la bouche,saillie des lèvres et de la langue. Ces réponses, les “réflexes gusto-faciaux”, sontinnées et se retrouvent chez tous les nourrissons humains. Elles constituent enquelque sorte l’équipement de base, un répertoire très sommaire qui permet aupetit enfant d’accepter les solutions sucrées, qui dans la nature sont souventassociées à des sources de glucides et d’énergie, et de rejeter des produits amerspotentiellement toxiques.

Des enfants de deux semaines, nourris au biberon depuis leur naissance,montrent plus d’intérêt pour l’odeur du sein d’une femme allaitante (qui n’est doncpas leur mère) que pour l’odeur du lait dont ils sont nourris [PORTER et al., 1991].On pourrait postuler, après STEINER, l’existence d’un mécanisme cérébral,génétiquement programmé, qui contrôlerait la réactivité hédonique du nouveau-né aux stimulations chimiques.

2-2-3 Les goûts de l’enfant

Ces réponses sommaires exprimées par le nouveau-né ne sont pas des goûtsalimentaires et les solutions qui les déclenchent ne sont pas non plus des aliments.Les goûts se développent à partir de ces attitudes innées et évoluent pendantl’enfance et l’âge adulte.

Des goûts différents et même complètement opposés se mettent en place ausein d’une même culture ou d’une même famille. Les facteurs de formation desgoûts sont si puissants qu’ils peuvent aller jusqu’à inverser les attitudes innées :privilège de l’espèce humaine, certaines personnes se délectent de boissonsamères (bière, café), de plats très épicés, ou encore n’aiment pas du tout le sucre.

La formation des goûts dépend de facteurs purement biologiques(maturation des organes du goût, par exemple) et surtout de l’expérience du

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2-2-3 LES GOÛTS DE L’ENFANT

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mangeur, son “vécu” dans un contexte social et culturel particulier. À partir d’unaliment unique, le lait, qui est celui de tout nourrisson, l’enfant doit apprendre àintégrer les composantes d’un régime varié.

Qu’advient-il des attitudes innées pendant l’enfance? Le goût pour le sucrédemeure très puissant. Des études longitudinales ont montré que la consommationde produits sucrés varie énormément entre les âges de deux et huit ans [DEHEEGER

et al., 1996]. Contrairement à ce qui se passe pour les protéines, la ration deproduits sucrés à deux ans ne prédit aucunement la ration de produits sucrés chezle même enfant à quatre, six ou huit ans. Cependant peu d’enfants se montrentnon-consommateurs de saccharose et il faut suspecter dans ces cas soit uneprohibition parentale soit un problème de santé (les enfants insuffisants rénauxaiment peu le sucré). Le goût pour les fortes concentrations de sucre est vif chezles jeunes garçons. Il s’estompe avec l’âge. Chez les filles, les concentrations desucre les mieux appréciées sont modestes (autour de 10 %) et ressemblent à cellesqu’apprécient les femmes adultes [MONNEUSE et al., 1991].

À la naissance, une solution salée n’évoque aucune réaction. Cetteindifférence se maintient à six mois, alors que de 18 mois à trois ans se développeune aversion pour les solutions salées. Cependant, l’enfant qui rejette une solutionde NaCl demeure capable d’apprécier le sel présenté dans un potage ou sur deslégumes, par exemple [BEAUCHAMP, MORAN, 1984 ; BEAUCHAMP et al., 1994]. Cetteobservation met en évidence le rôle du contexte alimentaire. À cet âge, l’enfant apris l’habitude de consommer de véritables aliments et sa réaction devant unesensation gustative dite “pure” (sucrée, salée, acide ou amère) ne nous informe enrien sur ses goûts.

Les enfants mangent ce qu’ils aiment, laissent ce qu’ils n’aiment pas, sonttotalement indifférents aux considérations qui affectent les adultes : taux delipides, de cholestérol, coût et temps de préparation [BIRCH, 1998]. Le jeune enfantest conservateur, il aime se sentir en sécurité, spécialement en matière alimentaire.Aussi manifeste-t-il ce que l’on appelle la “néophobie”, c’est-à-dire l’évitementactif de ce qui est nouveau. Chaque petit enfant passe par une phase plus ou moinslongue de néophobie pendant laquelle il refuse les aliments inconnus. Cette phaseest tout à fait normale. Il est important de ne pas la contrarier.

La familiarité qui résulte de la présentation répétée d’un aliment est lemeilleur antidote à la néophobie [BIRCH, MARLIN, 1982 ; PLINER, 1982 ; PLINER et al.,1986 ; 1993 ; SULLIVAN, BIRCH, 1990]. Un aliment qui a été présenté 5 à 10 fois,voire jusqu’à 20 fois au minimum, est de mieux en mieux accepté par l’enfant(Figure 15). La familiarité de l’aliment, ou la somme d’expériences positives aveccet aliment, peut aller jusqu’à renverser des goûts préexistants. Dans uneexpérience menée chez des enfants américains (3–5 ans), trois versions d’un mêmealiment inhabituel (tofu) sont proposées : nature, sucré ou salé [SULLIVAN, BIRCH,

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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1990]. Naturellement les enfants préfèrent spontanément le produit sucré au débutde l’expérience. Pendant neuf semaines, l’une des trois versions est offerte à troisgroupes d’enfants au moment du goûter à la crèche. Au bout de ces neuf semainesd’entraînement, l’acceptabilité de la version habituelle a augmenté et dépassé celledes deux autres versions. Tout se passe comme si le produit consommé habi-tuellement devenait progressivement meilleur. C’est comme si l’enfant avait apprisqu’il pouvait faire confiance à cet aliment. Toutefois, cet apprentissage estspécifique de l’aliment familiarisé. Il n’est pas généralisable à d’autres aliments. Parexemple, si au bout de neuf semaines on présente aux enfants des trois groupes decette expérience trois variétés de ricotta : nature, sucré ou salé, les enfants qui ontappris à préférer le tofu nature ou salé auront néanmoins une préférence pour lericotta sucré. Par son expérience avec un aliment, l’enfant a appris que le tofu semange salé, ou bien nature ou bien sucré ; pour un autre aliment, l’apprentissageest à refaire. L’enfant, comme l’adulte, apprend à associer certaines stimulationssensorielles au contexte alimentaire où elles sont “appropriées”.

Il n’existe actuellement que peu de démonstrations d’effets génétiques surles préférences alimentaires [ANLIKER et al., 1991 ; DREWNOWSKI, ROCK, 1995].L’enfant comme l’adulte apprend à aimer le goût des aliments qui exercent un effet

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2-2-3 LES GOÛTS DE L’ENFANT

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0 5 10 15 20Nombre de présentations

Figure 15 — Acceptabilité de divers aliments en fonction du nombre de présentations àl’enfant. Les résultats de trois expérimentations sont montrés. L’ordonnéereprésente une échelle croissante d’acceptabilité. D’après BIRCH et MARLIN

[1982].

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post-ingestif bénéfique, ce qui est le cas pour tous (ou presque tous) les alimentssélectionnés par les parents dans un contexte socioculturel donné. Cet effet est soitle rassasiement énergétique, soit le rassasiement spécifique d’un besoin particulier(en nutriments, en vitamines, par exemple). Toutes choses étant égales par ailleurs,un aliment plus rassasiant, plus dense en énergie et donc plus satisfaisant pour lemangeur, devient progressivement préféré à un aliment qualitativement semblablemais moins dense en énergie [JOHNSON et al., 1991].

Chez l’enfant [BIRCH et al., 1990], ce phénomène a été démontré enprésentant deux boissons nouvelles. L’une des boissons avait un goût d’orangechocolatée, l’autre un goût proche de celui des chewing-gums. Ces deux parfumssont très inhabituels dans une boisson, même pour de petits Américains. Lesenfants n’avaient donc aucun a priori à leur sujet et, à la première présentation desboissons, elles paraissaient également agréables. Le contenu énergétique de cesboissons pouvait être manipulé : il était soit de 3 kcal soit de 155 kcal par verre de150 ml. La moitié des enfants a reçu la boisson chocolatée à 155 kcal et la boissonau goût de chewing-gum à 3 kcal ; pour l’autre moitié des enfants, c’est la boissonchocolatée qui contenait 3 kcal et la boisson au goût de chewing-gum 155 kcal.Après plusieurs semaines d’apprentissage (ou de conditionnement), au coursdesquelles les enfants consommaient plusieurs fois chaque boisson, les enfantsavaient appris à préférer la boisson la plus énergétique, quel que soit son parfum.Lorsqu’on leur donnait le choix, les enfants consommaient davantage de laboisson la plus calorique. Dans ce cas, ils compensaient en mangeant moins aurepas suivant. Cet apprentissage est qualitatif (apprendre à préférer tel ou telaliment) aussi bien que quantitatif (apprendre à manger plus ou moins de tel ou telaliment pour atteindre le rassasiement).

Il a été récemment montré que le goût des enfants pour les aliments richesen graisses est fortement corrélé avec l’Index de masse corporelle des parents. Cetindex, aussi appelé Index de QUÉTELET [1871], est calculé par la formule : Poids(kg)/ [Taille (m)]2. La consommation de lipides alimentaires par l’enfant est elleaussi corrélée à l’Index de QUÉTELET des parents. Bien que l’importance d’unetransmission génétique des préférences alimentaires reste à déterminer, il estprobable que ces préférences et ces comportements sont appris au sein de lafamille [FISHER, BIRCH, 1995].

2-2-4 La consommation alimentaire spontanéede l’enfant

Dès sa première expérience alimentaire, qu’il soit allaité par sa mère ounourri au biberon, l’enfant s’engage dans le comportement alimentaire eninteraction avec une autre personne. Dans l’allaitement, la dyade mère-enfant

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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assure une réponse plus précoce à l’expression du désir de nourriture par l’enfant,par opposition à la présentation d’un biberon. Le comportement alimentairecommence dès cet âge à prendre de la distance par rapport aux besoins del’enfant. Cette distance s’accentue lors du passage à l’alimentation solide, lorsquel’enfant est convié à participer aux repas familiaux.

La spontanéité de l’expression des besoins alimentaires chez le nourrissonévolue donc progressivement vers l’acceptation et l’intégration d’un mode deconsommation fondé sur des coutumes familiales et ethniques. L’enfant doitapprendre à remplacer sa spontanéité par un ensemble de règles déterminées parson milieu de sorte que ses besoins nutritionnels soient couverts par trois repas (etaccessoirement une collation) consommés à heures relativement fixes. Commentce passage s’opère-t-il?

Les difficultés sont nombreuses, ainsi que l’a fait remarquer Hilde BRUCH

[1984] qui voit l’origine des troubles du comportement alimentaire (anorexiementale, boulimie) dans l’incapacité de la mère à distinguer les besoinsalimentaires des autres besoins (tendresse, sommeil, etc.) exprimés par l’enfant.D’après Hilde BRUCH, certaines mères répondraient à toutes les demandes del’enfant par la présentation de nourriture.

Au début du siècle, Clara DAVIS [1928] a montré que le tout jeune enfant (àpartir de 6 mois) peut sélectionner et ingérer un régime alimentaire varié, si on luilaisse une liberté totale de choisir entre plusieurs aliments. Contrairement auxcraintes de certains parents, les enfants dans cette situation ne se contentent pasd’ingérer seulement un ou deux aliments agréables au goût, mais font spontanémentce que les diététiciennes conseillent, c’est-à-dire manger un peu de tout en quantitésraisonnables. Les travaux de DAVIS ont été beaucoup critiqués depuis lors. En effet,s’il est incontestable que les enfants se sont composé un régime équilibré, ils nepouvaient guère faire autrement puisque les aliments mis à leur disposition avaientété préalablement sélectionnés par l’expérimentatrice pour leur bonne valeurnutritionnelle. De plus, aucun des aliments présentés dans ces expériences n’étaitsucré. Les conclusions de DAVIS sont néanmoins considérées aujourd’hui commevalides et sont intégrées dans les théories des experts contemporains.

Les abondants travaux expérimentaux de Leann BIRCH [BIRCH, 1980 ; 1985 ;1990 ; 1998 ; BIRCH et al., 1980-1991 ; KERN et al., 1993 ; SULLIVAN, BIRCH, 1994],réalisés auprès de jeunes (4–5 ans) enfants américains, confirment qu’il existe unepart quantifiable de spontané dans le comportement alimentaire des enfants de cetâge. Par exemple, les enfants sont capables d’ajuster leur consommationalimentaire en fonction de la taille d’une pré-charge (boisson, glace, etc.) ingéréeavant le repas. Chez l’adulte cette adaptation est plus difficile, en particulier chezles personnes qui s’astreignent à une restriction alimentaire chronique. Pour BIRCH,cette capacité repose sur une bonne sensibilité de l’enfant à des signaux physiques

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2-2-4 LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE SPONTANÉE DE L’ENFANT

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internes. Avec la socialisation de l’enfant, le pouvoir que possèdent les signauxphysiologiques de faim et de satiété de commander la consommation alimentairediminue progressivement pour être remplacé par des impératifs socioculturels.Lorsque les parents insistent pour que l’enfant vide systématiquement son assiette,indépendamment des besoins qu’il ressent, ils favorisent la perte d’attention auxsignaux internes (qui n’ont plus d’importance) et augmentent l’influence defacteurs externes, sociaux, qui a priori n’ont rien à voir avec les besoins actuels del’enfant. Apprendre à manger aux heures des repas, et non pas à chaque fois qu’ona un “petit creux”, et surtout apprendre à avoir faim à l’heure des repas, sont desétapes importantes dans la socialisation de l’enfant. Ainsi le comportementalimentaire de l’enfant devient-il de moins en moins spontané. La régulationnutritionnelle repose de plus en plus sur des mécanismes socioculturels demaîtrise du comportement alimentaire. La société met en place des coutumes, destraditions, qui paraissent souvent absurdes mais qui reposent parfois sur desmécanismes nutritionnels très sages [ROZIN, 1982]. Il semble malheureusementque les sociétés d’aujourd’hui n’assurent plus les limites de la consommationalimentaire aussi bien qu’autrefois et laissent plus facilement prise à l’obésité[ROLLAND-CACHERA et al., 1993a].

LESTRADET et DARTOIS [1992] ont republié intégralement un article paru pourla première fois 30 ans plus tôt, intitulé “L’alimentation spontanée de l’enfant”. Lesauteurs insistent sur deux observations frappantes : d’une part, il existe une diversitéimportante des habitudes alimentaires selon les régions et d’autre part, lesprescriptions diététiques faites aux enfants sont d’une extrême précision. Or, cesprescriptions ne sont fondées sur aucune étude scientifique mais plutôt sur desimpressions ou des hypothèses. Si on laisse aux enfants un libre accès aux aliments,le comportement observé est très différent de celui que prescrivent les différentesécoles pédiatriques. Lorsque l’enfant est libre de s’alimenter quand et comme il leveut, les variations du comportement alimentaire d’un jour à l’autre sontimportantes. Les choix alimentaires, et donc les apports, sont variés. Si un effortphysique survient, le comportement alimentaire n’est pas augmentéimmédiatement, mais deux jours plus tard. L’enfant répartit sa consommationquotidienne en plusieurs (entre 4 et 8) petits repas. La raison profonde de cesoscillations du comportement nous échappe. Cependant, conseillent les auteurs, ilfaut introduire dans nos habitudes de pensée, de calcul et de prescription, la notionde variations autour d’une moyenne. Chez l’adulte, dont la spontanéité alimentaireest moindre que celle de l’enfant, on retrouve néanmoins une importante variationdes apports énergétiques quotidiens, mesurés sur un an [TARASUK, BEATON, 1992].

Une enquête alimentaire longitudinale, menée chez 112 enfants entre lesâges de dix mois et huit ans, appuie cette notion de variation “spontanée” de laprise alimentaire, en énergie ou macronutriments [DEHEEGER et al., 1996]. Bien quela ration moyenne augmente avec l’âge, il arrive que certains enfants mangent

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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moins alors qu’ils avancent en âge, c’est-à-dire au moment de la plus tardive dedeux mesures successives. La même chose se vérifie pour les apports en protéines.La variabilité d’un âge à l’autre est spécialement grande pour les apports en lipideset en glucides (amidons surtout). Les auteurs proposent l’hypothèse que cesvariations reflètent l’action de processus régulateurs pendant la croissance. Cettehypothèse reste évidemment à étayer. Elle appuie le conseil donné par LESTRADET

et DARTOIS [1992], à savoir qu’il faut observer et respecter les changementsd’appétit, de préférences et de comportements alimentaires chez l’enfant, chezl’adolescent et même chez l’adulte, dans la mesure où ils ne sont pasmanifestement aberrants.

La souplesse alimentaire n’est pas l’anarchie. En grandissant, l’enfant doitprogressivement participer davantage à l’activité sociale, d’abord à l’école, puisdans le monde du travail. Il doit donc apprendre à se plier à des horaires exigeants.Ses besoins physiologiques d’une ou plusieurs collations en cours de journéedevraient cependant pouvoir être respectés, en particulier si son activité sportiveest importante.

Jusqu’à aujourd’hui, les structures imposées par la vie en sociétéimposaient des limites à la prise alimentaire (horaire, cadre, menu des repas,etc.). Or, il semble maintenant que ces structures cèdent de plus en plus devantla prolifération d’un mode d’alimentation dite “rapide”, qu’il s’agisse de produitstout préparés à consommer chez soi, ou de “repas” dans des lieux spécialisés. Lacontribution de ces changements à l’augmentation de la prévalence de l’obésitéreste à quantifier.

2-2-5 La consommation apprise

L’apprentissage alimentaire devient de plus en plus complexe au cours dela vie. C’est ainsi que l’on apprend non seulement quoi manger, en quellequantité, mais encore quand il est approprié de manger tel ou tel aliment. Cetapprentissage inconscient s’exprime par des “préférences” que la personnemanifeste spontanément. Au petit déjeuner, les préférences qui s’expriment ne sontpas les mêmes que le soir [BIRCH et al., 1984]. Les aliments qui composent lesdéjeuners ou dîners au cours d’une semaine changent tous les jours ; pourtant onpeut consommer les mêmes aliments au petit déjeuner pendant des années. Ceschoix sont appris au cours de la vie.

Le vécu de l’enfant en croissance est évidemment plus complexe quel’expérience physiologique des répercussions de son comportement alimentaire.L’enfant vit en famille, dans une culture donnée, il a des camarades et des parentsqui contribuent à mettre en place les goûts alimentaires. D’après ROZIN [1990a ;1990b], le facteur le plus déterminant des choix alimentaires d’une personne est

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2-2-5 LA CONSOMMATION APPRISE

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la culture dans laquelle elle vit. C’est ainsi que des populations entières acquièrentdes goûts caractéristiques pour des plats très épicés, la cuisine à l’huile, ou encoreles insectes, les termites et autres serpents. La culture est déterminante pourdélimiter le domaine de ce qui peut être mangé, et les conditions de cetteconsommation. La culture définit également les limites de ce qui est “dégoûtant”.Cette catégorie varie énormément d’une culture à l’autre : nous ne mangeons pasde vers de terre mais nous nous délectons d’escargots, ce qui apparaît commerépugnant à d’autres. La notion qu’un objet est “dégoûtant” est apprise par l’enfantavant l’âge de 30 mois alors que la notion qu’un objet est tout simplementimpropre à la consommation se manifeste pleinement beaucoup plus tard (aprèsl’âge de 60 mois) [ROZIN et al., 1986]. C’est ainsi que les enfants de cinq anscontinuent d’accepter de manger des aliments potentiels que les adultesrefuseraient, comme des biscuits pour chien par exemple. La catégorie regroupantles stimuli “dégoûtants” s’applique essentiellement à des produits animaux.

L’enfant apprend ces catégories au cours de son éducation et s’y conformespontanément. L’ingestion d’objets “inappropriés” par de jeunes consommateurssuggère de graves problèmes psychologiques. Les choix de l’enfant sont égalementinfluencés par ceux de ses pairs. Il est surtout disposé à imiter les choix d’enfantsplus âgés, même si les aliments choisis sont peu appréciés [DAVIS, 1928 ; BIRCH,BILLMAN, 1986].

2-2-6 L’aliment-récompense

L’influence des adultes sur l’alimentation de l’enfant est très complexe etsouvent source de conflits. Des parents bien intentionnés essaient parfois de forcerl’enfant à manger un aliment, parfois ils récompensent l’enfant en lui offrant unautre aliment. Dans ce cas, l’aliment que l’on propose comme récompensedevient de plus en plus apprécié [BIRCH et al., 1982]. Dire à l’enfant: “Mange tespetits pois et tu auras du gâteau” aboutit à faire adorer le gâteau et peut-être à fairedétester les petits pois. Le contrôle exercé de l’extérieur sur la consommation desenfants, et qui agit au moyen de récompenses, de pressions, de critères arbitraires(“Finis ton assiette”), peut affecter les capacités de l’enfant à ajuster saconsommation en fonction des signaux internes de besoin ou de satiété qu’ilressent. Ses effets sont potentiellement nocifs, non seulement sur les goûtsalimentaires mais aussi sur la régulation nutritionnelle et le poids corporel [BIRCH

et al., 1980 ; 1987]. Comme dans d’autres aspects du comportement, la contrainteet la punition sont de mauvais outils pédagogiques.

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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2-3 Fonctions sensorielleset goûts alimentaires

2-3-1 Psychophysique de la stimulation alimentaire

La stimulation chimique procurée aux récepteurs périphériques situés dansla cavité oro-pharyngée peut être quantifiée de diverses façons. La nature,l’intensité et la valeur hédonique (le caractère agréable) de cette stimulationpeuvent être quantifiées. Une méthode d’évaluation sensorielle classique consisteà demander aux dégustateurs de donner une note, située entre deux valeursextrêmes, à un ou plusieurs stimuli gustatifs. Le dégustateur peut aussi indiquerl’intensité du stimulus en traçant une croix le long d’une échelle analogiquevisuelle, constituée par une ligne de 10 ou 15 cm marquée à ses extrémités par destermes indiquant la perception minimale et maximale. La note accordée augmenteet la croix tracée se déplace en fonction de l’intensité du stimulus, ou encore deson caractère agréable. L’échelle de catégories est une alternative : le volontaireexprime sa perception (intensité, bon goût, etc.) par un nombre entier situé entredeux limites (par exemple 1 à 9, 1 à 5, etc.). C’est ainsi qu’il est possible d’obtenirdes cotations pour plusieurs stimuli sucrés et de les comparer chez une mêmepersonne, et avec davantage de prudence, entre personnes différentes.

Il est important de distinguer le “goût de” l’aliment et le “goût pour”l’aliment. Le “goût de” l’aliment est la perception de ses qualités chimiosensorielles :leur nature (salé, sucré, etc.) et leur intensité. Un panel d’experts peut se mettred’accord sur ces qualités qui décrivent l’aliment. Le “goût pour” un aliment est lecaractère hédonique, agréable, qu’il présente pour un consommateur. C’est sonpouvoir de stimuler l’appétit dans des circonstances particulières. Il peut s’agir depréférences ou d’aversions relativement stables (par exemple : “J’aime le poisson etje déteste le fromage”), ou bien il peut s’agir d’attitudes ponctuelles susceptibles dese modifier en fonction de l’état nutritionnel (par exemple : “J’aime le sucré, maispas en début de repas”) ou de facteurs de l’environnement (par exemple : “J’aimebeaucoup prendre l’apéritif en bonne compagnie”). L’aliment a non seulement songoût, son arôme, sa couleur, etc., il a aussi la propriété d’évoquer chez leconsommateur un affect positif ou négatif. Cet affect détermine le comportement.

2-3-2 Les préférences alimentaires

La sensibilité à l’amertume est une des rares dispositions héritéesgénétiquement [DREWNOWSKI, ROCK, 1995]. On distingue trois populations enfonction des réponses à un test d’évaluation sensorielle : les non-goûteurs qui ont

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2-3-2 LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES

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une sensibilité faible aux stimuli amers, les goûteurs et les super-goûteurs. Cesderniers sont susceptibles de rejeter de leur alimentation courante certainsvégétaux dont le goût a une composante amère. Les conséquences à long termesur la santé d’un tel rejet sont actuellement étudiées.

En général, les préférences alimentaires sont apprises en associant lescaractéristiques sensorielles des aliments aux effets métaboliques qui suiventl’ingestion. Au cours d’une vie humaine, de nombreux changements sontenregistrés dans les effets métaboliques et dans la perception des caractéristiquessensorielles des aliments. Par conséquent, les préférences alimentaires ne sont passtables au cours de la vie. Chez l’adulte, une altération des fonctions olfactives etgustatives peut se produire avec le temps, de la même manière que la vue et l’ouïese détériorent. Des prothèses visuelles et auditives existent ; il n’existe actuellementaucun équipement susceptible de corriger une chimioréception défectueuse.

Plusieurs événements de la vie ajoutent leurs effets négatifs à ceux duvieillissement. Plusieurs pathologies ou accidents peuvent induire des troubles dela perception du goût ou de l’odorat (Tableau IV). Parmi de très nombreuxexemples, citons la sclérose en plaques, le cancer, le diabète, la rhinite allergique,l’asthme et la cirrhose du foie. Ces événements perturbent l’acuité sensorielle defaçon brève ou prolongée, voire définitive. À mesure qu’elle avance en âge,chaque personne est exposée à ces troubles et à leurs conséquences sensoriellesplus ou moins irrémédiables.

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

Tableau IV — Troubles affectant le goût et l’odorat.

Troubles Goût Odorat

NerveuxParalysie de BELL A/DAtteinte à la corde du tympan A/DDysautonomie familiale A/DTraumatisme crânien A/D A/DSclérose en plaques A/D/A A/DMaladie de PARKINSON A/DSyndrome paratrigéminal Distorsions

NutritionnelsCancer A/DDéficience rénale chronique A/D/A A/DCirrhose du foie A/D A/DCarence en niacine (vitamine B3) A/D/ABrûlure thermique A/D/ACarence en vitamine B12 A/DCarence en zinc A/D

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2-3-2 LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES

Tableau IV (suite) — Troubles affectant le goût ou l’odorat.

Troubles Goût Odorat

EndocriniensInsuffisance corticosurrénalienne DARR DAHyperplasie surrénalienne congénitale DARRPanhypopituitarisme DARRSyndrome de CUSHING A/D A/DCrétinisme A/D (PTC)Hypothyroïdisme A/D/A A/D/ADiabète mellitus A/D (glucose) A/DSyndrome de TURNER

(agénésie ovarienne) A/D A/DSyndrome de KALLMANN

(hypogonadisme hypogonadotrophique) A/DAménorrhée primaire A/DPseudohypoparathyroidisme A/D A/D

LocauxHypoplasie faciale A/DSyndrome de SJÖGREN (sarcoïdose) A/D A/DHypertrophie adénoïde A/DRhinite allergique A/DPolypose nasale A/DSinusite A/DAsthme bronchique A/DLèpre A/DRhinite atrophique A/DRadiothérapie A/D/A

Viraux et infectieuxHépatite virale aiguë A/D/AGrippe A/D/A A/D/A

AutresFibrose cystique VI VIHypertension A/D (sel)Laryngectomie A/D/A A/D

A/D = absent ou diminué ; A/D/A = absent, diminué ou altéré.DARR = détection augmentée mais identification diminuée.PTC = phenylthiocarbamide, un composé au goût amer pour certains sujets mais pas pourd’autres.VI = variations individuelles.D’après SCHIFFMAN [1983].

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Avec l’âge aussi, on a de plus en plus souvent l’occasion ou le besoin derecourir à un traitement pharmacologique. Plusieurs médicaments ont uneinfluence néfaste sur l’acuité olfacto-gustative (Tableau V). Il n’est pas rare qu’unadulte consomme quotidiennement plusieurs médicaments différents. Ils peuventêtre consommés à long terme, en particulier chez des sujets âgés (agents anti-rhumatismaux, hypoglycémiants, anti-hypertenseurs, atténuateurs de la maladiede PARKINSON).

Indépendamment des pathologies et de leurs traitements, une détériorationde la perception de l’aliment est fréquemment observée à cause des altérations dusystème olfacto-gustatif associées au vieillissement [COOPER et al., 1958 ;SCHIFFMAN, 1979 ; WYSOCKI, PELCHAT, 1993]. Plusieurs transformations de l’appareilsensoriel sont observées chez le sujet âgé [MAC LEOD, SAUVAGEOT, 1986] : lenombre des bourgeons gustatifs dans une papille gustative décroît de 250 chez lejeune à 100 environ chez le sujet âgé ; le nombre de papilles gustativesfonctionnelles baisse, lui aussi ; une importante diminution du nombre des axones

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

Agents antimicrobiens

Agents antiproliférants ou immunosuppresseurs

Agents antirhumatismaux, analgésiques, anti-inflammatoires

Agents antithyroïdiens

Agents d'hygiène dentaire

Agents hypoglycémiants

Agents psychopharmacologiques et antiépileptiques

Agents sympathomimétiques

Amibicides et antihelmintiques

Anesthésiques locaux

Anticholestérolémiants

Anticoagulants

Antihistaminiques

Antiseptiques

Diurétiques et anti-hypertenseurs

Opiacés

Relaxants musculaires et médicaments de la maladie de PARKINSON

Vasodilatateurs

D’après SCHIFFMAN [1983].

Tableau V — Agents pharmacologiques qui affectent le goût ou l’odorat.

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apparaît au sein des glomérules olfactifs, de sorte que l’olfaction est le premiersystème sensoriel à décliner avec l’âge. Le cortex olfactif (une structure trèsprimitive du cerveau) dégénère chez le sujet âgé et des plaques sénilesapparaissent. Le renouvellement cellulaire ralentit. Par ailleurs, le déclin de l’acuitégustative est favorisé par les problèmes dentaires (perte des dents progressive) et lamodification de la salive qui devient hyperconcentrée et très salée.

La sensibilité gustative pour le sucré, le salé, et l’amer paraît intacte jusqu’àenviron 50 ans et connaît un déclin rapide par la suite ; la sensibilité aux stimuliacidulés ne décline qu’à partir de 60 ans [COOPER et al., 1958]. Des seuils dedétection élevés ont été décrits chez des sujets âgés pour de nombreusessubstances : quinine, urée caféine, sels, acide citrique, sucres, glutamatemonosodé, etc. [SCHIFFMAN, 1979 ; SCHIFFMAN et al., 1994c]. Les écarts entrepopulation jeune et âgée (plus de 65 ans) varient selon les substances utilisées: lasensibilité à l’urée est moins affectée par l’âge que la sensibilité à la quinine[COWART et al., 1994].

En moyenne, les seuils gustatifs sont de deux à trois fois plus élevés chez lessujets de plus de 65 ans. Il n’apparaît pas de différence entre hommes et femmes,non plus qu’entre fumeurs et non-fumeurs. La détection du sel (NaCl) dans unstimulus complexe tel qu’un potage ou un autre aliment représente une difficultéparticulière [STEVEN, CAIN, 1993]. Ce problème peut survenir à cause de la hauteteneur en sodium de la salive qui baigne en permanence les récepteurs gustatifs,créant ainsi un effet de masque.

Les seuils de détection olfactive sont augmentés jusqu’à douze fois encomparaison des seuils mesurés chez des sujets jeunes. Au-dessus du seuil deperception, le sujet âgé n’a pas la même sensibilité aux changements d’intensitédu stimulus, en comparaison avec des témoins jeunes. La fonctionpsychophysique (intensité/perception) est modifiée. Des changements définitifs decette fonction surviennent vers 40 ans [WEIFFENBACH et al., 1986]. Chez les sujetsâgés, l’affaiblissement de la perception du différentiel d’intensité entre stimuli deconcentrations différentes est variable selon le stimulus : des pertes importantes dela sensibilité supraliminaire à treize substances amères ont été enregistrées[SCHIFFMAN et al., 1994a]. Les sujets qui sont sensibles au phénylthiocarbamide(PTC) conservent toutefois une acuité meilleure que les personnes non sensiblesau PTC. La perception du goût sucré semble subir un déclin moins important quecelui d’autres qualités gustatives [MURPHY, 1985].

L’identité des odeurs est perçue moins fidèlement chez les personnes âgéesde plus de 65 ans. Dans une étude où 80 odeurs familières étaient présentées àdes concentrations nettement supraliminaires, elles furent moins bien identifiéespar les personnes âgées de 50–70 ans que par des plus jeunes (Figure 16) [MURPHY,CAIN, 1986].

55

2-3-2 LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES

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L’identification de stimuli mixtes (sucre ou sel dans une solution d’acidecitrique, sucre dans une solution de caféine, etc.) est un problème chez lespersonnes de plus de 65 ans. Le goût du mélange sucré + caféine s’altère avecl’âge, puisque le goût du sucre est relativement épargné alors que celui de lacaféine amère se détériore très tôt. Des aliments mixés sont plus difficiles àidentifier par des sujets âgés que par des jeunes, et par des hommes que par desfemmes [MURPHY, 1985]. Le déficit des personnes âgées est essentiellement dû audéclin de la fonction olfactive : en effet, des sujets jeunes expérimentalementprivés d’olfaction ne réussissent pas mieux que leurs aînés. Du sel et de lamarjolaine présents dans un potage à des concentrations supraliminaires sontmoins bien perçus par les sujets âgés [STEVENS, CAIN, 1993]. Les personnes âgéesont souvent une conscience très vive de leur perte olfactive et reconnaissent moinssouvent la diminution de la fonction gustative [BARTOSHUK et al., 1986].

Le goût des aliments se modifie donc avec l’âge : la perceptionsupraliminaire devient moins intense que chez le sujet jeune et les différentescomposantes du goût caractéristique d’un aliment peuvent être altérées à desdegrés variables. Les préférences pour certains aliments risquent d’être modifiéesà la suite d’altérations de la perception du goût de ces mêmes aliments. La perted’acuité olfacto-gustative est un facteur important de la diminution de l’appétit et

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

Bon

nes

répo

nses

(%)

20 30 40 50 60 70Âge (ans)

90

80

70

60

50

40

30

20

10

••

•••

• •

••

••

•••

••

• ••

•• •••

• •

•••••

••••••

• •••• •

Figure 16 — Pourcentage de réponses correctes à un test d’identification de stimuli olfactifsfamiliers. D’après MURPHY et CAIN [1986].

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de la consommation alimentaire. Cette baisse de la stimulation à manger résulteaussi de la baisse de l’acuité visuelle et sans doute du déclin de la perceptionthermique et tactile. L’ensemble des éléments qui constituent la “flaveur” (d’aprèsLE MAGNEN) caractéristique d’un aliment, est altéré. Il en résulte souvent deschangements de la sélection des aliments et des habitudes de consommation.

Les changements des comportements associés à l’alimentation ont étéétudiés chez des personnes de 40 à 60 ans qui ont perdu toute perceptiongustative (agueusie) et chez des personnes du même âge qui éprouvent desdistorsions de leurs perceptions gustatives (dysgueusie) [MATTES et al., 1990]. Lafigure 17 montre des pertes d’appétit (autour de 40 % des répondants), une trèsfréquente diminution du plaisir à manger (près de 80 % des patients), deschangements des choix alimentaires (60 % des patients), l’apparition d’aversions

57

2-3-2 LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES

100

80

60

40

20

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Perte

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imen

taire

s

patients dysgueusiques (n=60)

patients agueusiques (n=58)

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(%)

p < 0,001

Figure 17 — Modifications de la motivation à manger chez deux groupes d’adultes : 60patients dysgueusiques et 58 patients agueusiques. D’après MATTES etcollaborateurs [1990].

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(45 % environ des dysgueusiques) et des pulsions nouvelles pour un alimentparticulier (chez 20 % des sujets). Ces troubles sensoriels ne sont pas sansconséquences sur l’ingestion, l’absorption ou la digestion. Le dysfonctionnementsensoriel trouble la digestion car la stimulation alimentaire affecte les flux salivaireet pancréatique, les contractions gastriques et la motilité intestinale, entre autresfonctions [SCHIFFMAN, 1983]. Chez le sujet âgé en particulier, la stimulationalimentaire diminuée est susceptible de favoriser la sous-nutrition ou des carencesspécifiques. La qualité de la vie en est réduite, ouvrant la voie à la dépression qui,à son tour, favorise l’anorexie [FERRY, 1996]. En outre, les risquesd’empoisonnement accidentel des personnes âgées qui vivent seules sont accrus àcause de l’incapacité de détecter une odeur ou un goût inhabituel.

Les sujets âgés sont encore sensibles à leur état de besoin nutritionnel etsont capables d’y répondre par un comportement adapté [MURPHY, 1993]. Lespréférences manifestées pour différentes concentrations d’hydrolysats de caséinesont augmentées chez le sujet âgé comparé au sujet jeune, ce qui peut êtreexpliqué par la perte de la perception du goût très amer des protéines. Cependant,un facteur nutritionnel n’est pas à écarter puisque cette préférence des personnesâgées est sensible à leur statut nutritionnel. Elle est plus affirmée chez despersonnes âgées présentant une relative sous-nutrition protéique, en comparaisonde sujets du même âge sans sous-nutrition.

BELLISLE et collaborateurs [1991] ont montré une réponse à la manipulationsensorielle des aliments chez des personnes âgées vivant en résidence spécialisée.Certains aliments du régime courant ont été additionnés de glutamate monosodé(MSG), un exhausteur de goût, dans l’espoir d’augmenter la consommation de cesaliments et d’améliorer ainsi la valeur nutritionnelle des repas. La consommationspécifique des aliments cibles augmenta. Cependant, l’ingestion des autresaliments présentés aux mêmes repas était diminuée, de sorte que la rationénergétique du repas n’était pas modifiée.

MURPHY remarque que le sujet âgé ne présente pas le rassasiement sensorielspécifique étudié par ROLLS, ROLLS et ROWE chez des sujets jeunes [1981]. Le “goûtpour” un aliment ne diminue pas chez la personne âgée après consommation adlibitum de cet aliment. L’avantage adaptatif de cette modulation sensoriellespécifique de la motivation à manger est évident car elle favorise la recherche etla consommation d’un régime varié par ses aspects sensoriels et nutritionnels. Enthéorie, la pression de la sélection naturelle ne joue pas chez le sujet qui a dépassél’âge de la reproduction. À quel moment de la vie et comment le rassasiementsensoriel spécifique disparaît-il? Seules des études longitudinales difficiles àréaliser permettraient de répondre à cette question.

La perte de sensibilité peut sans doute expliquer pourquoi le goût pour desaliments très salés ou très sucrés est augmenté chez le sujet âgé comparé au sujet

58

DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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jeune [MURPHY, 1993]. Les préférences alimentaires persistent donc et, dans la trèsgrande majorité des cas, les personnes âgées aiment à consommer plusieursaliments. La perte sensorielle affecte les sensations agréables qui diminuent, maisle caractère désagréable de bien des aliments (trop amers, trop acides) diminue luiaussi, de sorte qu’une nouvelle hiérarchie des préférences peut se mettre en place.

Peut-on agir pour remédier aux transformations des perceptions olfacto-gustatives qui affectent l’appétit des personnes âgées? C’est une entreprise qui a étémenée avec succès par SCHIFFMAN et WARWICK [1988]. Elles ont tenté de compenserles déficits olfactifs de sujets âgés de 70 à 79 ans en ajoutant des arômes àplusieurs aliments du régime courant (légumes, viandes, potages). Leurs résultatssont très nets : les préférences exprimées par les consommateurs allaientimmanquablement vers les aliments rehaussés d’un arôme semblable ou différentde celui de l’aliment lui-même. C’est ainsi que les sujets préféraient les carottesquand un puissant arôme de carottes leur était ajouté, et les haricots verts quandils étaient servis avec un arôme de viande fumée.

Un travail plus ambitieux des mêmes auteurs [1993] confirme lamodulation des préférences alimentaires par la présence d’arômes qui amplifientle signal olfactif sans agir sur le goût proprement dit. La consommation de 20 sur30 aliments à l’arôme renforcé augmente dans une population de résidents(moyenne d’âge : 85 ans) en foyer spécialisé (Figure 18). Diverses mesuresmétaboliques et anthropométriques ont permis de constater une amélioration desfonctions immunitaires (cellules B et T augmentées) et de la force de préhensiondes deux mains, chez les sujets de cette étude après trois semaines deconsommation des aliments à arôme amplifié.

Les raisons de ces améliorations de l’état des consommateurs ne sont pasclaires. Elles ne passent pas par l’intermédiaire de changements dans lacomposition nutritionnelle du régime, de la ration énergétique ou du statutbiochimique (somatomédine C, créatinine, transferrine, albumine) qui ne sont pasaffectés par la manipulation. Les auteurs suggèrent l’hypothèse que le statutimmunitaire puisse être amélioré grâce à la sécrétion d’opiacés endogènes(endorphines), favorisée par la stimulation du système limbique par les arômes.Cette hypothèse reste à vérifier après confirmation des résultats dans d’autrescontextes.

Ces travaux rappellent celui de BELLISLE et collaborateurs [BELLISLE et al.,1991] qui utilisait un stimulus gustatif, sans caractère olfactif, pour améliorer laflaveur de plusieurs aliments. L’ajout de glutamate de sodium (0,6 %) dans deslégumes et des potages a stimulé l’ingestion des aliments concernés chez 100sujets de 84 ans en moyenne.

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2-3-2 LES PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES

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2-4 Le goût sucré

Le sucré exerce une grande attirance pour les humains comme pour unegrande partie du règne animal. Le sucre est fréquemment soupçonné de favoriserl’hyperphagie et l’obésité. Nombreux sont les parents qui craignent d’encouragerun goût pour le sucré chez leurs enfants et qui considèrent le sucre comme unedrogue dure capable de créer une assuétude et de pervertir le comportement.Le goût pour le sucré dans l’espèce humaine est une source potentielle desurconsommation, c’est pourquoi les industriels, croyant répondre aux attentes desconsommateurs, ont investi des sommes considérables à mettre au point desédulcorants intenses qui ont un goût sucré mais peu ou pas de calories. Les étudessur la perception du sucré chez l’homme et sur les conséquences de laconsommation de sucre sont très abondantes. Elles suggèrent que le sucre nemérite pas la saccharophobie existant depuis de nombreuses années aussi biendans le public que chez certains experts en nutrition [FISCHLER, 1987].

La perception du goût sucré varie en fonction de plusieurs facteurs, mêmechez des sujets sains. Les sucres, monosaccharides et disaccharidesprincipalement, ne sont pas tous semblables, leur goût sucré peut varier dans unemarge considérable [FAURION, 1987]. MONNEUSE et collaborateurs [1991] ont

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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Figure 18 — Changements de la consommation de plusieurs aliments chez des personnesâgées de plus de 70 ans hospitalisées, en fonction de l’arôme ajouté. D’aprèsSCHIFFMAN et WARWICK [1993].

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interrogé 226 enfants ou adolescents des deux sexes sur leurs perceptions del’intensité et du caractère agréable de stimuli (fromage blanc) contenant entre 1 et40 % de saccharose. Les réponses à ce test d’évaluation sensorielle classique ontmontré que tous perçoivent fidèlement l’augmentation de la concentration ensucre. Le caractère agréable de ces produits dépend de la concentration selon unefonction en U inversé, avec un optimum à 10 % chez les filles et à 20 % de sucrechez les garçons. Les mêmes stimuli étaient jugés un peu plus sucrés et un peumoins agréables après qu’avant le déjeuner.

Chez 112 personnes âgées de 56 à 90 ans vivant chez elles, WALTER etSOLIAH [1995] ont examiné la capacité à discriminer entre différents agentssucrants (sucres et édulcorants) dans plusieurs aliments et boissons. Il s’avère queles personnes de cette tranche d’âge conservent une excellente discrimination dessaveurs différentes des agents sucrants et préfèrent généralement le saccharose auxautres édulcorants.

Il est bien établi que chez le sujet à jeun, l’évaluation hédonique pourdiverses solutions de saccharose est plus élevée que celle qui est obtenue de lamême personne quelques minutes après l’ingestion de sucre [CABANAC, 1971].CABANAC a appelé cette baisse du caractère agréable du sucré “alliesthésienégative”. L’alliesthésie est consécutive à la réponse de chimiorécepteurs sensiblesaux oses situés au niveau des muqueuses gastriques et duodénales [CABANAC,1977]. Dans l’alliesthésie négative, l’évaluation de l’intensité du stimulus demeureinchangée.

SCHIFFMAN et collaborateurs [1994b] ont montré des différences entre sucreset édulcorants intenses dans le degré d’adaptation de la perception au cours deprésentations répétées. Plusieurs sucres (fructose, glucose, saccharose), deuxpolyols et divers édulcorants intenses ont été évalués pour l’intensité de leur goûtsucré par un panel d’experts. Quatre concentrations de chaque produit ont étéprésentées en ordre d’intensité croissante. L’adaptation dans ce contexte semanifeste par la diminution de la perception de l’intensité croissante entre lepremier et le quatrième échantillon. Les sucres et les polyols ont montré moinsd’adaptation (la perception de leur intensité n’a pas subi de diminution au coursdes tests) alors que l’acésulfam et la saccharine étaient parmi les produits les plusaffectés par l’adaptation sensorielle. Une telle adaptation peut provenir de ladésensibilisation des récepteurs gustatifs au sucré. Son influence sur les choixalimentaires n’est pas connue.

L’impact d’un stimulus sucré sur l’alimentation libre de personnesnormopondérales a été examiné dans une étude de REID et HAMMERSLEY [1994]. Unrelevé de toutes les consommations de 24 h fut comparé chez 52 adultes aprèsl’ingestion d’une boisson à l’orange contenant soit 40 g de saccharose soit 4,34 gde saccharine. La boisson était ingérée tôt le matin après le jeûne nocturne, à la

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2-4 LE GOÛT SUCRÉ

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place d’un petit déjeuner. Cette étude montre que les hommes qui viennentd’ingérer une boisson au saccharose consomment souvent une autre boissoncalorique (thé ou café avec lait et/ou sucre) avant leur prochain repas, comparésaux hommes qui viennent d’ingérer une boisson édulcorée. Cet effet n’est dû ni aupoids corporel des volontaires ni aux préférences pour les boissons caloriques niaux habitudes de consommation. Cependant, la nature de la boisson n’affecte pasles rations alimentaires de la journée. Cet effet n’est pas manifesté par les femmes,dont la consommation n’est pas affectée par le type de boisson présentée enprécharge. L’examen des données suggère un degré de restriction alimentaireconsidérable chez les femmes au cours de la journée, malgré l’absence de petitdéjeuner (remplacé par la boisson) le jour du test.

Ce résultat rappelle celui de PEREZ et collaborateurs [1994] (Figure 19).Après un déjeuner pris en laboratoire, un dessert (fromage blanc) était servi. Lecontenu en saccharose de ce dessert pouvait varier de 0 à 40 %. Après laconsommation du dessert, les volontaires quittaient le laboratoire et devaient noterscrupuleusement toutes leurs consommations pendant les 24 heures suivantes. Il

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DESCRIPTION DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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hommesfemmes

Figure 19 — Consommation énergétique de sujets humains après un test en laboratoire oùun stimulus alimentaire (fromage blanc plus saccharose) était ingéré adlibitum. Trois niveaux d’ingesta sont montrés : (1) depuis la fin du test enlaboratoire jusqu’à 19 h ; (2) depuis la fin du test en laboratoire jusqu’aucoucher le même jour ; (3) depuis la fin du test en laboratoire sur une duréede 24 h. Les données présentées ne comprennent pas les ingesta ad libitum aucours du test en laboratoire. D’après PEREZ et collaborateurs [1994].

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fut observé qu’après ingestion en laboratoire du dessert ayant la concentrationpréférée (10 % de sucre), les volontaires hommes consommaient dans l’après-midiune boisson ou un aliment sucré. Cet effet était absent chez les femmes. Lastimulation de la consommation d’un produit sucré chez les hommes fut attribuéedans cette étude à la palatabilité optimale du dessert. Chez les femmes, l’absenced’effet peut être attribuée soit à une restriction alimentaire dominant les effets desfacteurs de stimulation, soit au fait que la palatabilité du dessert était moins élevéeque chez les hommes.

La signification biologique du stimulus sucré dans les deux dernières étudesdemeure à élucider. Pourquoi l’ingestion d’un stimulus sucré (aliment ou boisson)et non pas édulcoré, consommé soit à la place du petit déjeuner soit après ledéjeuner, stimule-t-elle la consommation rapide d’une autre boisson ou d’un autrealiment sucré chez les hommes seulement? Notre hypothèse, qui est loin d’êtrevérifiée, est qu’il s’agit d’un effet de palatabilité, de stimulation à manger, qui seproduirait tout aussi bien avec un aliment salé très palatable. L’hypothèse avancéepar REID et HAMMERSLEY [1994] est que la précharge au glucose n’augmente pas lafaim mais interagit avec les habitudes alimentaires pour commander lecomportement. La nature de cet effet “paradoxal” d’une dose de sucre (faireremanger du sucre rapidement) est énigmatique et mérite d’être approfondie aussibien pour en connaître le mécanisme à court terme que pour en évaluer lesrépercussions possibles à long terme.

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2-4 LE GOÛT SUCRÉ

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3 – Les hommeset les femmesdevant l’alimentation

En théorie du moins, les mécanismes de régulation et d’apprentissage ont lamême action chez tous les consommateurs. Dans cette perspective biologique,l’homme est proche du rat et la femme est proche de l’homme. Or, il existe denombreuses études démontrant que l’homme et la femme ne sont pas égauxdevant l’alimentation et que le jeu des mécanismes assurant la régulationénergétique est infléchi par de nombreuses influences, surtout sociales, quipeuvent en limiter la portée.

Puisque dans une société humaine, les horaires et les contenus des repassont fixés par des exigences sociales, le consommateur humain doit surtoutcompter sur le conditionnement – l’apprentissage dont nous avons parlé plus haut– pour ajuster sa prise alimentaire à ses besoins. Ceci suggère un certain délai etpeut-être une moindre efficacité de la régulation chez le sujet humain. Si lesenfants paraissent souvent de bons “régulateurs”, les adultes varient beaucoupquant à leur compétence régulatrice. Certains répondent rapidement etefficacement, d’autres sont lents et/ou incapables d’ajuster leur comportement àde nouvelles conditions nutritionnelles [SPIEGEL, 1973]. L’un des facteursimportants de cette variabilité pourrait être le sexe du consommateur. Nous avonsvu au chapitre précédent (§ 2-4) que les effets d’une stimulation gustative par unaliment sucré sont différents chez les hommes et les femmes.

3-1 Perception des goûts alimentaires

La perception de l’intensité du goût de stimuli alimentaires est la mêmechez l’homme et chez la femme. Au cours d’un test classique d’évaluationsensorielle [MONNEUSE et al., 1991], la teneur en sucre et la teneur en matièresgrasses de produits laitiers furent évaluées de la même façon par des volontairesmasculins et féminins. Dans ce groupe de 226 Français dont l’âge varie entre 10et 40 ans, le caractère agréable du produit laitier est une fonction directe de sateneur en sucre chez les jeunes garçons (10–13 ans), alors que chez tous les autresvolontaires, cette fonction est en U inversé, avec une concentration optimale de10 % chez les femmes et de 20 % chez les hommes.

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Chez l’homme adulte, le seuil de perception de la saveur sucrée est stable.Chez la femme, deux études ont récemment décrit les changements de perceptiondu sucré au cours du cycle menstruel. THAN et collaborateurs [1994] montrent queles seuils de perception du saccharose s’abaissent chez la femme en période depréovulation alors qu’ils sont identiques à ceux des hommes pendant les règles etla période qui suit l’ovulation. Cette sensibilité augmentée en période depréovulation est attribuée à des facteurs hormonaux (le niveau élevéd’œstrogènes). Les seuils de perception d’autres substances au goût sucrédemeurent à étudier pendant les phases du cycle ovarien. Les préférences pourdiverses concentrations de saccharose (0 à 20 %) dans un produit laitier varientchez les femmes en fonction de la phase du cycle : en phases menstruelle oulutéale (deuxième partie du cycle), l’évaluation du bon goût des stimuli est plusélevée que dans la phase folliculaire ou pendant la période d’ovulation (premièrepartie du cycle) [FRYE et al., 1994].

PEREZ et collaborateurs [1994] confirment que les préférences des hommeset des femmes pour la teneur en sucre d’un produit laitier sont différentes. D’aprèsdes tests d’évaluation sensorielle, la concentration de saccharose dans un fromageblanc la mieux appréciée par les femmes est de 5 % alors que chez les hommeselle est de 10 %. L’ingestion d’un dessert sucré varie en quantité en fonction de laconcentration de saccharose dans le produit. Les hommes consomment beaucoupdu produit lorsque la concentration de sucre est de 10 %. Dans les heures quisuivent cette ingestion, les hommes consomment de nouveau des produits(boissons ou aliments) sucrés, comme si l’ingestion du dessert sucré n’avait pasentièrement rassasié la stimulation à manger produite par l’aliment optimalementsucré. Aucun effet semblable n’est relevé chez les femmes participant au mêmeprotocole.

3-2 Capacité de régulationdans des conditions changeantes

La capacité à modifier sa prise alimentaire en fonction des conditionschangeantes des paramètres affectant le bilan d’énergie est très étudiée depuisl’apparition dans le commerce d’aliments dits “allégés”. Ces nouveaux alimentspeuvent être utilisés pour réduire les apports énergétiques si et seulement si leconsommateur ne va pas chercher, consciemment ou inconsciemment, unecompensation calorique qui ramènera les apports au niveau régulé par lesmécanismes sensibles aux besoins nutritionnels. Dans les protocoles les plus

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LES HOMMES ET LES FEMMES DEVANT L’ALIMENTATION

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souvent réalisés, un aliment ou une boisson est ingéré soit dans sa versiontraditionnelle, soit dans une version allégée. Les sensations de faim, l’appétit, ledésir de manger et parfois la consommation dans les heures qui suivent sontmesurés. Dans ces études, il apparaît que les hommes sont parfois de meilleursrégulateurs que les femmes. Une étude hollandaise ne rapporte aucunecompensation chez 29 femmes après un petit déjeuner à teneur énergétiquechangeante (100, 250 ou 400 kcal) [DE GRAAF et al., 1992]. Six hommes montrentune bonne compensation ultérieure pour les manipulations expérimentales ducontenu énergétique de leurs aliments [FOLTIN et al., 1992].

3-3 Résultats d’enquêtes

Les motivations, les attitudes, les croyances sont souvent étudiées au moyende questionnaires ; cette méthode révèle de très grandes différences entre hommeset femmes. Dans une étude réalisée en France (Val-de-Marne) par exemple[BELLISLE et al., 1994], d’importantes différences sont apparues dans laconsommation alimentaire chez les répondants masculins et féminins. Enparticulier, la consommation d’aliments allégés en matières grasses (yaourts,fromages, beurre, crème) était plus fréquente chez les femmes que chez leshommes. Les consommatrices de ces produits se distinguaient des non-consommatrices par un grand nombre de mesures anthropométriques et pardifférents comportements suggérant un intérêt pour la santé et/ou l’apparence.Chez les hommes, les rares consommateurs de produits allégés en matières grassesn’étaient pas différents des autres par l’anthropométrie, mais avaient des choixalimentaires suggérant une envie de compensation : les consommateurs d’allégésen matières grasses se permettaient plus souvent du chocolat, du miel et desbiscuits que les non-consommateurs.

Une étude réalisée dans 21 pays d’Europe auprès de 16 000 étudiantsuniversitaires a confirmé que les connaissances et les croyances alimentaires, demême que les préoccupations relatives au poids corporel, sont largement différentsentre étudiants et étudiantes [BELLISLE et al., 1995 ; STEPTOE, WARDLE, 1996 ;MONNEUSE et al., 1997]. Dans ces 21 pays, et malgré un index de masse corporellenormalement bas correspondant à l’âge des répondants, la proportion de femmesdésireuses de perdre du poids est élevée et de deux à quatre fois supérieure à laproportion des hommes dans le même cas (en moyenne européenne : 43,8 %versus 17,4 %). Quatre fois plus de femmes que d’hommes déclarent suivre unrégime. Alors que la moitié des étudiants et des étudiantes croient que leur poidsest normal, l’autre moitié des femmes se trouvent trop grosses et l’autre moitié des

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3-3 RÉSULTATS D’ENQUÊTES

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hommes se répartit également entre ceux qui se trouvent trop gros et ceux qui secroient trop maigres. Les femmes, surtout quand elles se trouvent grosses et fontdes régimes, sont susceptibles de sauter des repas, en particulier le petit déjeuner.Les femmes déclarent consommer de la viande moins souvent que les hommes,mais plus souvent des fruits. Elles disent faire un effort pour manger des fibres etéviter les graisses plus souvent que les hommes. Elles consomment moins souventde l’alcool. Une analyse de régression multiple montre que le sexe explique 24 %de la variance des comportements alimentaires et que cette proportion est elle-même largement attribuable aux croyances dans l’impact de ces comportementssur la santé, qui sont plus marquées chez les femmes que chez les hommes.Malgré l’extrême variabilité des comportements entre pays européens, le facteursexe demeure un déterminant significatif de toutes les variables alimentaires.

Une étude australienne [TURRELL, 1997] confirme les différences decomportement alimentaire entre hommes et femmes dans un échantillonreprésentatif de la population urbaine. Les connaissances alimentaires, l’intérêtpour la santé et les préférences alimentaires expliquent des proportionssignificatives de la variance comportementale entre hommes et femmes.

3-4 Le “Semainier” alimentaire

La méthode du semainier alimentaire, développée par DE CASTRO [1987,1994], permet d’analyser les rythmes d’ingestion des consommateurs. Elle consistepour le volontaire à noter toutes ses ingestions d’une semaine sur un carnetspécialement conçu. L’heure de chaque consommation est notée, de même que lelieu et les circonstances psychologiques et sociales. Le dépouillement de cesdonnées permet de quantifier les relations entre divers événements alimentairesd’une même journée, à peu près comme LE MAGNEN le faisait avec ses rats. Uneétude réalisée chez des volontaires français révèle des différences marquées entrehommes et femmes [DE CASTRO et al., 1997]. Les femmes mangent moins que leshommes mais le nombre de repas quotidiens est semblable. La taille des repas estcorrélée à plusieurs paramètres : qualité sensorielle des aliments, sensations defaim au début du repas, nombre de personnes présentes au repas et durée del’intervalle préprandial (Figure 20). Ces corrélations sont plus élevées chez leshommes que chez les femmes. La durée de l’intervalle postprandial est corréléesignificativement avec la taille du repas et son contenu en macronutriments(Figure 21). Ici les corrélations sont plus élevées chez les femmes que chez leshommes. Chez les volontaires français, le contenu énergétique et nutritionnel durepas est un inhibiteur efficace de la prise alimentaire dans les heures qui suivent.

LES HOMMES ET LES FEMMES DEVANT L’ALIMENTATION

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Un tel effet a été décrit par LE MAGNEN chez les rats de laboratoire, mais pas parDE CASTRO [1987a ; 1987b ; 1988 ; DE CASTRO, KREITZMAN, 1985] chez les jeunesnord-américains.

Les recherches évoquées ici témoignent de différences de motivations et decomportements alimentaires entre hommes et femmes. L’impact de ces différencessur le poids corporel et la santé peut être considérable. L’étude française [DE

CASTRO et al., 1997] montre que les femmes paraissent plus sensibles au pouvoirsatiétogène du repas. Cependant elles paraissent moins aptes, dans des contextesexpérimentaux, à ajuster leurs ingesta à leurs apports antérieurs. Beaucoup detravail doit encore être réalisé pour nous révéler comment les stratégiesalimentaires mises en oeuvre par les hommes et les femmes dans une sociétéhumaine réussissent à adapter les apports aux besoins.

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Figure 20 — Corrélations entre plusieurs paramètres quantifiés par la méthode du semainieralimentaire et la taille des repas, chez les hommes et chez les femmes.

3-4 LE SEMAINIER ALIMENTAIRE

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LES HOMMES ET LES FEMMES DEVANT L’ALIMENTATION

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Figure 21 — Corrélations entre plusieurs paramètres quantifiés par la méthode du semainieralimentaire et la durée de l’intervalle postprandial et établies chez les hommeset chez les femmes. Le contenu énergétique et nutritionnel d’un repas estcorrélé avec la durée de l’intervalle qui le suit (satiété).

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4 – Les aliments nouveaux

Vingt-quatre heures par jour un consommateur est environné de signaux detoutes sortes dont plusieurs ont une importance alimentaire. Au cours de sa vie, ila appris à se comporter avec plus ou moins d’efficacité en réponse à la stimulationqui provient des caractéristiques sensorielles d’aliments familiers. Ces alimentsdépendent de sa culture et de ses ressources économiques. Les réponses acquisesenvers chaque aliment sont bien établies. Il existe une hiérarchie de préférences etd’aversions relativement stables. En général, du moins dans les pays industrialisés,les aliments traditionnels fournissent les substrats nécessaires à la couverture desbesoins. Nos contemporains vivant dans des sociétés riches et organisées ont uneabondance d’aliments variés à leur disposition. Dans ces conditions, pourquoidevrait-on introduire des aliments nouveaux ?

Les industriels proposent aux consommateurs des milliers de formulationsalimentaires nouvelles chaque année. Les objectifs sont de répondre à certainsbesoins des consommateurs. Il est évident que les aliments tout préparés, qui nedemandent pas une longue corvée de préparation, sont appréciés par lesconsommateurs pressés qui ne peuvent pas consacrer une grande partie de leurtemps aux courses et à la cuisine. La nature de ces aliments n’est pas très éloignéede celle des aliments traditionnels. On ne peut guère les considérer comme“nouveaux” sur le plan nutritionnel, bien qu’ils présentent parfois des avancéesconsidérables sur le plan technologique. Les surgelés et les aliments conservéssous vide sont de bons exemples de ces nouveautés qui permettent auconsommateur de reproduire une alimentation qui ressemble à celle de sonenfance, même si personne ne passe ses journées entières derrière les fourneaux àcuisiner.

D’autres types d’aliments nouveaux ont des visées nutritionnelles. Desaliments arrivent sur le marché accompagnés d’allégations concernant la santé.On parle aujourd’hui d’aliments “fonctionnels” [BELLISLE et al., 1998] et même de“nutraceutique”. Tout aliment est fonctionnel, puisqu’il nourrit l’organisme et luifournit de l’énergie et des nutriments. Par-delà cette fonction élémentaire, denouveaux aliments sont conçus et mis en marché dans le but de répondre àcertaines attentes des consommateurs modernes : rester minces, être en forme,bien vieillir, etc. C’est le cas des aliments allégés et des produits de substitution àfaible teneur énergétique qui sont proposés au consommateur pour remplacer desaliments traditionnels qu’on accuse de favoriser l’obésité.

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4-1 Les édulcorants intensesLe goût du sucre est un puissant stimulant de la consommation chez

l’homme. Il est dû la plupart du temps à un glucide qui apporte 4 kcal au gramme.Les glucides sucrés les plus courants sont le saccharose (notre sucre blanchabituel), le fructose, le glucose et le lactose. Leurs goûts, légèrement différents,ont en commun la caractéristique “perception du sucré”. La charge énergétiquereprésentée dans l’alimentation par les aliments sucrés peut être importante.

L’industrie alimentaire a développé des substituts des sucres qui apportentaux aliments la saveur sucrée sans ajouter la charge énergétique des glucides. Ungrand nombre de ces substituts a été proposé au public depuis le début du XXe

siècle : saccharine (découverte dès 1879), acésulfam, cyclamates, aspartame, etc.[LEMORDANT, 1988].

Ces édulcorants dits “intenses” ont un pouvoir sucrant très supérieur à celuides sucres (Tableau VI). Des quantités minimes suffisent pour obtenir le goût sucrédans un aliment ou une boisson, sans augmenter significativement les rationsénergétiques. L’innocuité de ces produits a été vérifiée. Leurs effets biologiques ontété étudiés de façon approfondie et il a été accordé à chacun une autorisation demise en marché pour utilisation par l’industrie alimentaire ou par lesconsommateurs.

Les édulcorants intenses ont aussi suscité des interrogations concernantleurs incidences possibles sur l’appétit, la consommation alimentaire et l’évolutiondu poids corporel. Ces produits ont été développés et offerts au public dans le butde remplacer partiellement ou complètement les sucres dans l’alimentation et

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LES ALIMENTS NOUVEAUX

Saccharose ..................1Sorbitol........................0,5Glucose .......................0,5Mannitol......................0,7Sorbose........................1Xylitol ..........................1Fructose.......................1,7Cyclamates .................. 15–30Aspartame ...................150–200Acésulfam....................200Saccharine...................300

Tableau VI — Pouvoir sucrant de plusieurs molécules en solution.

D’après LEMORDANT [1988].

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ainsi de permettre une baisse “sans douleur” de la consommation énergétique. Cetobjectif est toujours celui que propose la publicité, avec la notion qu’il est facileet agréable de rester mince si on utilise des édulcorants intenses plutôt que devéritables sucres.

Une controverse a éclaté lorsque des résultats expérimentaux [BLUNDELL,HILL, 1986 ; ROGERS et al., 1988 ; ROGERS, BLUNDELL, 1989 ; TORDOFF, FRIEDMAN,1989a-d] ont montré un effet paradoxal de stimulation de l’appétit chez desanimaux et chez des volontaires après l’ingestion d’un produit contenant desédulcorants intenses (aspartame, saccharine, acésulfam). Cette notion arapidement été relayée par la presse grand public et a marqué les consommateurs.De nombreuses études furent donc mises en œuvre à partir de 1990 afin deconfirmer ou d’infirmer l’effet stimulateur de l’appétit produit par les édulcorantsintenses. En termes scientifiques, un grand nombre de travaux réalisés depuis 1990avaient pour but de démontrer l’hypothèse nulle, à savoir que les édulcorantsintenses n’ont pas d’effet stimulant sur l’appétit.

4-1-1 La compensation

Une autre source de débat dans la recherche récente trouve son originedans la constance relative du poids corporel de l’adulte pendant la vie. Cettestabilité est dépendante de mécanismes régulateurs de l’appétit, responsables enparticulier de commander la prise alimentaire et de l’ajuster aux besoinsnutritionnels. La stabilité du poids corporel chez l’adulte implique une adaptationdes entrées (alimentation) aux sorties (métabolisme et activité physique) d’énergie.Les apports doivent correspondre aux besoins de sorte que la consommation d’unaliment pauvre en énergie devra être plus abondante et celle d’un aliment riche enénergie plus faible afin de couvrir les dépenses énergétiques. Ce phénomène estbien décrit chez les animaux de laboratoire qui “apprennent” en peu de temps àmodifier la quantité d’aliments qu’ils ingèrent en fonction de la densiténutritionnelle de cet aliment [LE MAGNEN, 1957a-b ; 1992]. En d’autres termes, lesanimaux “compensent” pour les manipulations expérimentales de leur aliment. Laquestion est donc posée de savoir si l’homme compensera aussi pour les alimentsallégés, dont la teneur énergétique est diminuée, en consommant plus de l’alimentallégé lui-même ou plus d’autres aliments disponibles. Cette question continued’être débattue par les experts scientifiques. Le grand public a appris avec terreurle mot “compensation”, comme si l’existence récente d’édulcorants intenses avaitcréé une nouvelle situation nutritionnelle où l’équilibre vital serait menacé.

Le problème de la compensation alimentaire dans des conditionschangeantes du bilan énergétique n’est pas limité au cas des édulcorants intenses.C’est une question fondamentale de physiologie et de science du comportement.

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4-1-1 LA COMPENSATION

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David BOOTH [1972 ; 1991] est à l’origine du concept de compensationénergétique comportementale. Le concept de compensation se rapportait à laforce et la durée des effets de satiété, c’est-à-dire les relations entre taille des repaset durée des intervalles interprandiaux observées chez le rat nourri ad libitum d’unaliment standard. Dans ce cadre d’une théorie “énergostatique”, fut démontréel’existence d’un mécanisme postgastrique, non osmotique, qui pouvait produireune compensation complète. Il s’agit donc d’un phénomène biologique de basequi permet le maintien de l’homéostasie. Bien après les travaux de BOOTH, dessignes de “compensation” ont été recherchés en mesurant le comportementd’ingestion alimentaire à la suite de pré-charges dont la composition et la teneurénergétique varient. L’arrivée des “allégés” dans l’alimentation humaine a stimuléun grand nombre d’études sur ce modèle qui, malgré des protocoles trèssemblables, ont produit des résultats tout à fait discordants.

Les effets comportementaux des manipulations de la densité en énergie ouen macronutriments varient selon les études. Par exemple, trois études parues en1992 montrent des niveaux de “compensation” différents. CAPUTO et MATTES

[1992] ont diminué ou augmenté la densité en lipides et en glucides de déjeunersservis en laboratoire. Le comportement alimentaire après ces déjeuners était libreet noté sur des carnets. Les 16 volontaires ont réagi davantage à la dilution desnutriments qu’à leur concentration, mais n’ont pas réussi à “compenser”suffisamment pour ramener leur consommation quotidienne au niveau habituel.Ils ont ainsi ingéré des proportions différentes de leur ration quotidienne habituelleaprès des déjeuners riches ou pauvres en glucides : 134 % et 91 %, riches oupauvres en lipides : 165 % et 95 % respectivement.

Un protocole semblable utilisé par DE GRAAF et collaborateurs [1992] chez29 femmes ne montre aucune compensation. Une charge liquide fut présentée àla place d’un petit déjeuner ; elle contenait une charge variable par son contenuénergétique (100, 250 ou 400 kcal) et par sa nature nutritionnelle (protéines,lipides ou glucides). Ces variations n’eurent aucun effet sur le déjeuner consomméen laboratoire 3 h plus tard. Cependant, les sensations de faim pendant la périodeinterprandiale variaient en fonction de la teneur énergétique de la charge liquide.

Des manipulations de la teneur (basse, moyenne, élevée) en lipides et englucides des aliments ont été pratiquées par FOLTIN et collaborateurs [1992]. Chezdes volontaires (six hommes) hospitalisés pendant deux jours et prenant tous leursrepas à l’hôpital, ces manipulations ont entraîné une bonne compensationénergétique mais aucune compensation pour les nutriments.

Ces trois études nous montrent que tous les résultats sont possibles : unecompensation parfaite, imparfaite, ou inexistante. Des différences dans lesprotocoles (repas en laboratoire ou à l’extérieur, un ou plusieurs repas manipulés,horaires de ces repas, durée de l’observation, nature des réponses

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LES ALIMENTS NOUVEAUX

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comportementales mesurées, caractéristiques des volontaires, etc.) peuvent être àl’origine des divergences observées. Le consensus actuel est que la compensationest, au mieux, imparfaite si les conditions expérimentales permettent de lamanifester [POPPITT, PRENTICE, 1996].

D’autres études ont recherché la “compensation” survenant aprèsl’ingestion d’aliments contenant des édulcorants intenses, comparés à des alimentscontenant du sucre. Une heure après l’ingestion d’une boisson (eau, boissonsucrée ou boisson édulcorée), la consommation au cours d’un déjeuner pris enlaboratoire fut comparée chez vingt volontaires dont 18 femmes [CANTY, CHAN,1991]. La nature de la boisson n’eut aucun effet sur la consommation du déjeuner.Cependant, la perception de l’état de faim fut plus intense après (15 et 45 min)ingestion d’eau qu’après ingestion de la boisson sucrée. Les auteurs de ce travailconcluent explicitement que les édulcorants intenses n’augmentent pas la faim nila prise alimentaire.

Chez des hommes, BLACK et collaborateurs [1991] rapportent les effets(perception de la faim, consommation au repas suivant) qui suivent l’ingestion deboissons (eau minérale ou sodas à l’aspartame, 280 ou 560 ml) consommées à11 h. Les différentes boissons n’eurent aucun effet sur les sensations subjectives del’appétit ni sur la consommation du déjeuner buffet servi à 12 h. Les sensations defaim à 11 h 05 et à 11 h 30 étaient moindres après consommation de 560 ml desoda qu’après consommation d’eau ou de 280 ml de soda. Les auteurs de cetteétude concluent en affirmant que l’ingestion de boissons à l’aspartame n’augmentepas la faim ou la consommation à court terme.

Deux publications de DREWNOWSKI et collaborateurs [1994 a-b] relatent lescomportements alimentaires et la motivation à manger chez des hommesnormopondéraux et des femmes normopondérales ou obèses qui consomment enlaboratoire des petits déjeuners (composés de fromage blanc) dont le contenu englucides et en énergie est manipulé par l’utilisation soit de saccharose soitd’aspartame. Le déjeuner, la collation de l’après-midi et le dîner sont consommésen laboratoire et mesurés. Les ingesta au déjeuner sont plus importants après lespetits déjeuners moins énergétiques (300 kcal), qu’après les petits déjeuners plusénergétiques (700 kcal). La présence de saccharose ou d’aspartame, ou l’absenced’agent sucrant n’affectent pas la consommation au déjeuner ni celle des repasultérieurs. Aucune compensation n’est observée au niveau de la consommationalimentaire totale de la journée qui demeurait la même quel que soit le type depetit déjeuner présenté.

L’ensemble des études rapportées ici suggère que la compensation est peususceptible de se produire lorsque le saccharose, ou un autre sucre, est remplacépar un édulcorant dans un produit alimentaire, à l’insu du consommateur. Parfois,chez des volontaires hommes, une certaine modification du comportement peut

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4-1-1 LA COMPENSATION

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se produire pour compenser le contenu énergétique de l’aliment allégé mais paspour compenser le contenu en glucides diminué.

4-1-2 Aspartame : effets sensoriels et métaboliques

Les édulcorants comme les sucres ont chacun un goût distinct, caractérisépar une puissante composante sucrée. Ils ont aussi des effets métaboliquescorrespondant aux molécules qui les composent. L’aspartame est un produit trèsparticulier dans cette perspective. Il se compose de deux acides aminés, l’aspartateet la phénylalanine, dont la conjonction impressionne des récepteurs gustatifs àl’origine de la perception du sucré [LINDEMAN, 1996]. Ces acides aminés ont aussides effets métaboliques. La phénylalanine, en particulier, est un puissantsécrétagogue de la cholecystokinine, une hormone impliquée dans le rassasiement(la fin d’un repas). Ce produit est donc susceptible d’agir de deux manières sur lecomportement d’ingestion : en le stimulant par son action sensorielle, et enl’inhibant par son action post-absorptive.

Ce double aspect de l’aspartame a été étudié par des protocoles où l’oncompare l’effet d’une boisson à l’aspartame (effet sensoriel de stimulation de laconsommation) à l’effet de l’ingestion d’une capsule contenant une forte dosed’aspartame (effet inhibiteur de la consommation). BLACK, LEITER et ANDERSON

[1993] ont étudié ces effets chez 18 hommes jeunes à qui ils demandèrentd’ingérer cinq types de pré-charges avant un déjeuner buffet pris en laboratoire(280 ml ou 560 ml d’eau minérale, les mêmes quantités d’eau avec une capsulecontenant 340 mg d’aspartame ; 560 ml de soda à l’aspartame). Ces différentespré-charges n’eurent aucun effet sur la consommation du déjeuner servi une heureplus tard. Des diminutions de l’intensité de l’appétit furent enregistrées dansl’intervalle interprandial après consommation de 560 ml de liquide. Seules lesdifférences de volume de la boisson eurent un effet sur les sensations subjectives.L’aspartame en capsule n’eut aucun effet. Ces conclusions rappellent un travailplus ancien où l’administration de fortes doses d’aspartame et de phénylalanine encapsules n’avait produit aucune variation de la prise alimentaire consécutive[RYAN-HARSHMAN et al., 1987].

ROGERS et BLUNDELL [1992 ; 1993 ; 1994] réaffirment l’effet stimulant del’aspartame contenu dans un aliment (et non une boisson), malgré ses possibleseffets inhibiteurs post-ingestifs [RYAN-HARSHMAN et al., 1987]. ROLLS [1991, 1993]nie que l’aspartame dans un aliment ou en capsule exerce quelque effet que cesoit (stimulant ou inhibiteur) sur la prise alimentaire ou sur l’appétit. Seule unerecherche plus approfondie arrivera à délimiter jusqu’où l’une et les autres ontraison ou tort.

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LES ALIMENTS NOUVEAUX

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4-1-3 Utilisation courante

Il est bien établi à présent que l’utilisation d’édulcorants intenses n’a pasd’effet magique pour diminuer la ration énergétique et le poids corporel desutilisateurs. La conclusion de la revue bibliographique publiée par ROLLS dès 1991est très prudente : “si les édulcorants intenses sont utilisés dans le cadre d’unprogramme de contrôle du poids, ils peuvent aider à limiter les apports enprocurant des aliments agréables au goût et allégés en énergie”.

Le rôle capital d’un programme de contrôle du poids corporel ne peut pasêtre sous-estimé, que le consommateur choisisse ou non de se servir d’édulcorantspendant son régime.

Comment les édulcorants intenses cohabitent-ils dans l’alimentation desconsommateurs? CHEN et PARHAM [1991] ont étudié cette question au moyen d’uneenquête dans une population de jeunes Américains des deux sexes (n=195 dont135 femmes). Chez 31% des hommes et 61% des femmes l’utilisationd’édulcorants intenses (aspartame et saccharine) coexistait avec la consommationd’aliments contenant du sucre. Les femmes utilisatrices d’édulcorants consommentmoins de sucre que les non-utilisatrices ; cependant, les apports en sucres étaientimportants dans les deux groupes (17 à 25 parts d’aliments sucrés par semaine).Chez les hommes, les utilisateurs d’édulcorants intenses ont rapporté plus deconsommations d’aliments contenant du sucre que les non-utilisateurs. Chez leshommes encore, l’utilisation d’édulcorants intenses est positivement corrélée avecles apports glucidiques totaux et les apports en sucres simples. L’utilisationd’édulcorants chez les volontaires de cette étude n’est pas associée à unerestriction alimentaire cohérente, non plus qu’à une réduction biologiquementimportante des apports en sucres. Les utilisateurs d’édulcorants s’accordent parfoisune “récompense” alimentaire pour leurs efforts de régime [MATTES, 1990]. Cetterécompense, qui est souvent un aliment riche en graisses et en sucres, peutcontenir plus de calories que ne représentent les sucres remplacés par desédulcorants.

Que se passerait-il si un groupe de personnes réussissait effectivement àfaire diminuer ses apports en sucres, peut-être en les remplaçant par desédulcorants? Quelles seraient les conséquences probables de ce changement surl’équilibre alimentaire? Cette question très importante a été traitée par BEATON etcollaborateurs [1992] qui proposent de mettre en équations les effets possiblesd’une diminution de glucides dans le régime courant. Il est possible qu’une partde l’énergie manquante dans les aliments édulcorés soit rattrapée par leconsommateur, en ingérant davantage de ses aliments familiers. Dans ce cas, lemodèle mathématique proposé suggère que le remplacement des glucides sucréspar des édulcorants dans des aliments habituels résulterait en une augmentation

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4-1-3 UTILISATION COURANTE

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claire de la part des protéines et des graisses et en une diminution des glucidesdans l’alimentation.

À partir d’une étude des ingesta de 29 personnes pendant 365 jours, unexemple précis est proposé [BEATON et al., 1992] : si 50 g de sucres sont remplacéspar un édulcorant intense non-calorique, alors la charge énergétique diminue de200 kcal. Cette charge énergétique peut être compensée partiellement oucomplètement ; cependant la compensation n’est pas spécifique du nutrimentallégé, c’est-à-dire le sucre. Une compensation de 100 kcal à partir des alimentshabituels donnerait une diminution nette des glucides de 41 g par jour, mais aussiune augmentation de 5 g par jour de lipides et une augmentation de 3 g par jour deprotides. Une compensation totale des 200 kcal résulterait dans une diminution de32 g de glucides par jour, mais aussi dans une augmentation des rations lipidique(10 g/jour) et protidique (6 g/jour). L’amplitude des changements nets des apportsalimentaires est fonction de l’amplitude de la réduction énergétique entraînée parl’usage d’édulcorants et du degré de compensation. Une utilisation d’édulcorantsfréquente et abondante pourrait entraîner une diminution importante des glucideset une augmentation de la part des lipides et des protides de la ration, un effet quipeut paraître indésirable d’après les recommandations des experts en nutrition. Laquestion de l’équilibre des apports ne doit pas être négligée, surtout chez desconsommateurs qui ont peu de motivation pour suivre un régime exigeant.

Plusieurs travaux récents affirment que la restriction alimentaire chroniquepourrait produire des effets positifs sur la santé et la longévité [MASORO, 1992]. Lesréductions qui ont montré des effets bénéfiques chez l’animal de laboratoire attei-gnent jusqu’à 30 ou 50 % de l’énergie consommée par des animaux nourris adlibitum. Une telle diminution énergétique serait sans doute intenable pour des hu-mains vivant au milieu des tentations alimentaires. LEVIN et collaborateurs [1995]pensent que l’utilisation d’édulcorants dans les boissons et les aliments pourrait con-tribuer à faire baisser durablement et insensiblement la ration énergétique. Les effetsd’une sous-alimentation chronique chez l’homme sont loin d’être aussi bien démon-trés que chez l’animal. S’ils s’avéraient aussi bénéfiques, on peut se demander si l’uti-lisation d’un ou de plusieurs édulcorants à la place des sucres contribuerait réelle-ment à maintenir la consommation dans des limites modestes. Rien dans ce que nousavons vu jusqu’ici ne nous permet de croire que les utilisateurs d’édulcorants ont ef-fectivement des apports en sucres diminués et mangent moins au total que les non-utilisateurs. Manger peu pendant toute sa vie, en espérant en tirer des avantages à trèslong terme, ne peut pas être accompli sans une motivation indéfectible. Or, dans lamajorité des cas, les personnes qui utilisent les édulcorants ne sont pas des cham-pions du régime hypocalorique. Peut-être augmentent-ils ainsi leur consommation delipides et leur ration énergétique quotidienne. Chez des personnes qui auraient cettemotivation chronique à limiter rigoureusement les apports alimentaires, il demeure àdémontrer que l’existence d’édulcorants ou d’aliments allégés présente un intérêt.

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LES ALIMENTS NOUVEAUX

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4-1-4 Conclusions concernant les édulcorants intenses

Chez certains consommateurs, les édulcorants intenses permettentd’intégrer plus facilement au régime quelques aliments et boissons au goût sucré,le rendant ainsi moins pénible [KANDERS et al., 1993]. L’utilisation d’édulcorantsintenses sans le régime restrictif n’a pas d’effet pondéral démontré. Il fautreconnaître aussi, avec de nombreux auteurs, que les édulcorants intensesn’augmentent pas la faim ni la consommation dans la plupart des situations où ilssont testés. Le public consommateur continuera donc sans doute à utiliser desédulcorants, non pas à cause de leurs effets démontrés sur le poids, mais parceque, dans la lutte désespérée contre les kilos, lucide ou non, cohérente ou non, lesallégés promettent un peu de magie avec le plaisir du sucre.

4-2 Lipides et allégésen matières grasses

L’ingestion excessive de lipides dans l’alimentation courante est une descauses possibles de l’obésité. Les lipides alimentaires sont souvent incriminés dansl’hyperphagie d’une part, dans le stockage des réserves adipeuses corporellesd’autre part.

Les lipides alimentaires facilitent l’hyperphagie pour deux raisons au moins.D’abord, ils contribuent de façon importante à la qualité organoleptique desaliments. Ils sont responsables pour une large part de la texture de nombreuxproduits, tels les glaces, les crèmes, les chocolats, les viandes, etc., auxquels ilsconfèrent un caractère onctueux, lisse, velouté, crémeux, riche, entre autresqualités. Ils ajoutent de l’opacité aux fromages et autres produits laitiers, ilscontribuent à la tenue en bouche, à la stabilité, ils agissent comme exhausteurs degoût. De plus, les aliments riches en lipides libèrent leurs arômes de façonprolongée (viandes, fromages, etc.). De nombreuses molécules volatiles, solublesdans les lipides, constituent souvent l’arôme distinctif d’un plat, qui est perçu bienavant le début de la consommation et qui ouvre l’appétit.

D’autre part, les lipides alimentaires sont très denses en énergie (38kiloJoules par gramme). Après le contenu en eau, les lipides sont le principaldéterminant de la densité énergétique des aliments. Par conséquent, l’ingestiond’un petit volume d’aliments riches en lipides représente déjà une chargeénergétique importante [POPPITT, PRENTICE, 1996]. Pour une même ration

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4-2 LIPIDES ET ALLÉGÉS EN MATIÈRES GRASSES

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énergétique quotidienne couvrant les besoins, le choix d’aliments riches engraisses ne permet qu’une prise alimentaire peu volumineuse, alors que le choixd’aliments riches en glucides (17 kiloJoules par gramme) permet d’ingérer ungrand volume alimentaire. Le consommateur d’aliments riches en lipides al’impression de manger peu, alors qu’il ingère en fait une charge énergétiquefacilement excessive [WARWICK, SCHIFFMAN, 1992 ; POPPITT, PRENTICE, 1996].

En dehors de leurs effets sur les ingesta, les lipides alimentaires favorisentl’accumulation de graisses corporelles. En effet, dans la période post-absorptive,l’énergie dérivée des lipides alimentaires est plus facilement convertie en massecorporelle que l’énergie dérivée des glucides [SCHWARTZ et al., 1995]. Lathermogénèse post-prandiale est moindre après l’ingestion de lipides qu’aprèscelle de glucides [WESTERTERP et al., 1997a]. La satiété induite par l’ingestiond’aliments riches en lipides est également moindre que celle qui suit l’ingestion deprotides ou de glucides [GREEN et al., 1994 ; PRENTICE, POPPITT, 1996]. À courtterme, une alimentation hyperlipidique entraîne l’hyperphagie et, à long terme, unpourcentage élevé de lipides dans la ration est corrélé avec une adipositécorporelle importante, comme le montrent des mesures de plis cutanés [TREMBLAY

et al., 1991 ; ROLLS et al., 1994]

Pour toutes ces raisons, les experts en santé publique conseillent de réduireles apports en lipides de la ration, quoique tous ne soient pas d’accord sur lacontribution maximale des lipides dans une alimentation saine : 35 %, 30 % oumoins [KRITCHEVSKY, 1998]. Des recommandations récentes conseillent de limiterla part des lipides à moins de 30 % de la ration [OMS, 1990].

Le public a intégré ces conseils et, dans de nombreux pays, la proportiondes graisses dans le régime a baissé au cours des dernières années [SEIDELL, 1995 ;ROLLAND-CACHERA et al., 1997], quoiqu’elle demeure au-dessus desrecommandations. La motivation essentielle de bien des consommateurs (etconsommatrices) est de réduire leurs ingesta totaux et de contrôler leur poidscorporel.

4-2-1 L’offre d’aliments allégés en lipides

Certains allégés en matières grasses existent depuis longtemps sur lemarché. En effet, le lait est proposé aux consommateurs soit entier, soit demi-écrémé, soit totalement écrémé. Il s’agit ici non pas de remplacer les matièresgrasses par un substitut moins énergétique, mais de les éliminer du produit. Cemême procédé sert à alléger des glaces, des crèmes, des fromages, etc. Dans cecas, le produit d’origine subit une certaine transformation de ses qualitésorganoleptiques au cours du processus d’élimination des graisses et cette trans-formation peut être mal acceptée par le consommateur.

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LES ALIMENTS NOUVEAUX

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Pour tenter de remédier à cet inconvénient, les industriels de l’agro-alimentaire ont mis au point des substituts des matières grasses qui, ajoutés àl’aliment, lui restituent une partie de ses qualités sensorielles d’origine, enparticulier sa texture riche et onctueuse. Ces substituts des lipides sont de plusieurstypes. Ils sont soit d’origine glucidique (fibres, amidons modifiés, polydextrose,gommes, gels, pectine), soit d’origine protidique (protéines du lait, solides du lait,protéines de blé, gélatine, protéines de soja, etc.) ou encore d’origine lipidique(émulsifiants, polyester de saccharose, huiles synthétiques et non digestibles). Letableau VII [MIRAGLIO, 1995] propose une liste de quelques produits utilisés parl’industrie comme substituts des lipides, avec leur valeur énergétique. Aucun deces substituts ne restitue l’entièreté des qualités sensorielles du produit d’origine etleur intérêt est essentiellement d’améliorer la texture et l’apparence des alimentsallégés tout en réduisant la charge énergétique totale. D’autres substituts sontactuellement à l’étude.

4-2-2 Sécurité alimentaire

Comme celle des édulcorants intenses, l’innocuité des substituts dematières grasses a été abondamment vérifiée. La plupart de ces substituts dériventde produits non-synthétiques, tels que les amidons, les fibres solubles, lesprotéines, etc. On les considère donc comme non-toxiques. Une exception à cette

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4-2-2 SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Substituts des matières grasses alimentaires Valeur énergétique (kJ/g)

Produits tirés des glucidesAmidons modifiés, dextrines, maltodextrines 13,9–16,8Gommes et gels (cellulose, pectines, etc.) 0–13,9Polydextrose (polymère d’amidon) 4,2Fibres (avoine, pois, pomme, cellulose, betterave) 0–11,8

Produits tirés des protidesSolides du lait et concentré de protéines de blé 13,0–17,2Protéine de soja 11,3–14,3Gélatine 15,1

Produits tirés des lipidesÉmulsifiants 34,0–38,2Huiles et lipides synthétiques 0Polyester de saccharose 0

Tableau VII — Quelques produits utilisés comme substituts des matières grassesalimentaires (38 kJ/g).

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règle est le polyester de saccharose qui soulevait des problèmes importants dedigestibilité et d’absorption des vitamines liposolubles. Après investigationpoussée, ce produit a été autorisé pour usage limité dans les produits ducommerce [LINDLEY, 1993].

Il est nécessaire de demeurer vigilant afin de dépister tout effet nocif outoxique consécutif à l’utilisation courante et prolongée de substituts de matièresgrasses, en particulier chez des sujets sensibles (personnes âgées, adolescents,etc.).

4-2-3 Propriétés organoleptiques

Les substituts des matières grasses ont surtout pour fonction de restitueraux allégés leur texture d’origine [BELLISLE, PEREZ, 1994]. Cet effet n’estqu’imparfaitement atteint pour les aliments du commerce. L’améliorationrelative de la texture s’accompagne parfois d’un goût parasite, d’une saveur quilaisse à désirer et qui ne soutient pas la comparaison avec celle de l’aliment nonallégé.

La dimension olfactive des allégés en matières grasses n’est restituée paraucun des substituts proposés jusqu’à présent. Or, il est bien établi qu’une grandepart de l’identification et de l’appréciation des aliments relève de facteurs destimulation olfactive. Des progrès demeurent donc encore à réaliser avant que leconsommateur exigeant n’accepte de remplacer ses aliments gras par des allégés.

Les consommateurs habituels de certains produits allégés en matièresgrasses, tels que le lait écrémé, finissent par préférer le produit allégé à sa versionnon-allégée. Il est donc possible de rééduquer son goût et de modifier sespréférences alimentaires. Cependant, ce changement exige une grande motivationpréalable et l’habitude exclusive de l’allégé pendant une période plus ou moinslongue, nécessaire à l’établissement d’une nouvelle préférence alimentaire.

On peut aussi se demander si ce changement est souhaitable ou souhaitépar les consommateurs : voulons-nous vraiment nous habituer à accepter desaliments qui auront perdu une grande partie de leur goût et de leur arôme?

4-2-4 Régulation énergétique et compensation

La question cruciale concernant l’intérêt des substituts de matières grassesest de savoir si, effectivement, ils pourront permettre aux consommateurs deréduire leurs ingesta lipidiques et leurs apports énergétiques sur une période detemps suffisamment longue pour que l’état nutritionnel et/ou le poids corporel ensoient affectés favorablement. Les effets nutritionnels se mesurent à long terme et

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des études réduites à des observations de quelques heures ou de quelques jourssont d’un intérêt limité.

De nombreuses études sur la question de la compensation énergétique etnutritionnelle après ingestion d’allégés ont été réalisées aussi bien en laboratoireque sur le terrain [BELLISLE, PEREZ, 1994]. Plusieurs de ces études visent à établir sil’ingestion d’un ou de plusieurs aliments allégés en matières grasses sera“compensée” par une consommation augmentée de ces mêmes produits oud’autres aliments disponibles ultérieurement [DE GRAAF et al., 1996 ; POPPITT,PRENTICE, 1996]. Certaines portent sur l’évolution des sensations de faim, le désirde manger, la consommation que le mangeur s’estime prêt à faire, après laconsommation d’aliments allégés [BLUNDELL, GREEN, 1996].

Dans les expériences où un seul aliment du régime est allégé, on observesouvent une compensation importante réalisée par l’ingestion ultérieure d’alimentsplus riches en graisses et en énergie [TREMBLAY et al., 1989 ; ROLLS et al., 1992 ;POPPITT, PRENTICE, 1996]. Dans des études réalisées sur un à trois jours, desvolontaires humains compensent pour les calories correspondant à un allégementen lipides [FOLTIN et al., 1990 ; FOLTIN et al., 1992]. Cependant, cette compensationénergétique ne se fait pas exclusivement à partir de lipides (la ration comporteaussi des glucides et des protides), de sorte qu’une économie d’apports lipidiquesdemeure. MATTES et collaborateurs [1988] manipulent les contenus glucidiques etlipidiques d’aliments et de boissons du commerce, de sorte qu’ils peuventprésenter à des volontaires un déjeuner riche en énergie et un déjeuner faible enénergie. Chaque condition fut répétée pendant 14 jours. Les volontaires semontrèrent plus capables de compenser pour la dilution énergétique que pourl’augmentation de la densité. En d’autres termes, les volontaires ont mangédavantage après un repas allégé, mais n’ont pas mangé moins après un repasenrichi. Il est donc plus facile de sur-consommer passivement que de sous-consommer. Un excès de calories paraît moins susceptible d’entraîner unecompensation qu’un déficit de calories. Dans une étude réalisée chez des hommesdont le déjeuner était allégé en lipides grâce à l’utilisation d’une substance non-calorique (Olestra), les apports lipidiques des 24 heures étaient diminués et lesapports en glucides augmentés ; aucune diminution des apports énergétiques des24 heures ne fut constatée [ROLLS et al., 1997].

Dans les études où plusieurs aliments ou tous les aliments proposés sontallégés en matières grasses, alors la compensation est faible ou nulle [STUBBS et al.,1993]. La consommation et le poids corporel furent mesurés chez 24 hommeshébergés pendant trois périodes de deux semaines dans un laboratoireexpérimental [LISSNER et al., 1987]. Le contenu en lipides des aliments disponiblespendant ces périodes pouvait être manipulé. Lorsque ces aliments étaient allégésen lipides (15–20 % de la ration énergétique), les volontaires ont mangé moins encalories (11,3 %) que pendant la période où le contenu en lipides des aliments

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4-2-4 RÉGULATION ÉNERGÉTIQUE ET COMPENSATION

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était moyen (30–35 % de la ration énergétique). Lorsque les aliments étaient trèsriches en graisses (40–45 %), les volontaires ingéraient 15,4 % plus d’énergie quesous régime moyennement gras. Le poids corporel des volontaires changea enfonction des rations : pendant les deux semaines de régime pauvre en graisses, lesvolontaires maigrirent ; ils grossirent au cours des deux semaines de régimehyperlipidique. À la fin de ces périodes de deux semaines, aucun changement ducomportement alimentaire ne suggérait une tendance à compenser ou uneadaptation.

Un régime hypolipidique exerce des effets de réduction de la rationénergétique encore visibles après onze semaines [KENDALL et al., 1991]. Les femmesparticipant à cette expérience conservèrent spontanément une ration quotidiennede poids constant au début de l’étude. Puisque cette ration était moins dense enénergie, les volontaires perdirent du poids (2,5 kg sur la période de onze semaines).Le groupe témoin qui consommait une alimentation normalement grasse (35–40 %)a maintenu des apports stables pendant la période d’observation ; en revanche, legroupe expérimental a augmenté progressivement sa ration au cours des semaineset est passé de 7000 kJ à 8100 kJ par jour. Ceci suggère un mécanisme d’adaptationcomportementale lente à la réduction de la charge énergétique.

Après vingt semaines d’un régime pauvre en graisses, PREWITT etcollaborateurs [1991] ont observé une réduction du poids corporel (2,8 %) desvolontaires, une diminution de leur masse grasse (11,3 %) et une augmentation deleur masse maigre (2,2 %). Dans ces conditions, la consommation spontanée avaitaugmenté considérablement au cours de la période d’observation et était devenueplus élevée que celle des témoins consommant une alimentation plus riche engraisses (37 %). Ce résultat indique que la composition nutritionnelle du régimepourrait avoir un impact sur la ration énergétique nécessaire au maintien du poids,peut-être par l’entremise de changements de la composition corporelle.

Des femmes consommant une alimentation allégée en graisses pendantdeux ans ont perdu un peu de poids (3,2 kg) pendant les six premiers moisd’observation. Au bout des deux ans, cette perte de poids n’était plus que de 1,9 kgsous le poids de départ. Pourtant l’alimentation à la fin de l’étude n’avaitapparemment que 22,8 % de contenu lipidique [SHEPPARD et al., 1991].

L’ensemble de ces études indique que les volontaires qui consomment desallégés pendant un ou plusieurs jours ont des rations énergétiques et lipidiquessignificativement réduites. Si cette alimentation dure assez longtemps, une pertede poids est enregistrée [LISSNER et al., 1987 ; DE GRAAF et al., 1996]. L’allégementen lipides de nombreux aliments courants semble donc exercer un effetnutritionnel bénéfique de réduction de la ration lipidique et énergétique, sansentraîner de modification correctrice du comportement, du moins à court terme,et sans accentuer les sensations de faim ressenties au cours de la journée.

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Bien qu’une certaine compensation énergétique semble se mettre en placelorsqu’un régime allégé en lipides est maintenu pendant plusieurs mois, il n’est pasobservé de compensation pour les lipides eux-mêmes. Lorsque des volontairesmangent progressivement plus pour rattraper l’énergie manquante dans un régimefaible en lipides, cette consommation augmentée se distribue sur les troismacronutriments. Pour une ration énergétique donnée, les économies de lipidessont donc compensées par des apports aussi bien protéiques, glucidiques quelipidiques, ce qui a pour conséquence de modifier la contribution relative desmacronutriments à l’alimentation. La contribution des glucides à la rationaugmente, celle des protides paraît régulée à un niveau stable, pendant que celledes lipides diminue [ROLLS et al., 1991 ; FOLTIN et al., 1992]. D’un point de vuestrictement nutritionnel, l’allégement en matières grasses se solde toujours, dumoins dans un contexte expérimental, par une réduction des ingesta lipidiques, ceque l’on peut considérer en soi comme un effet positif.

Le phénomène de la compensation est encore imparfaitement compris.Dans des conditions expérimentales, une compensation énergétique se manifesteplus souvent chez des volontaires masculins que chez des femmes. Plusieursfacteurs l’influencent, tels que l’habitude des régimes chroniques (ce que l’onappelle couramment la “restriction” alimentaire), la durée d’exposition auxaliments allégés, le fait que l’allégement soit réalisé au cours des repas ou dans lescollations [WESTERTERP-PLANTENGA et al., 1997b]. Le nombre d’allégés et de non-allégés dans l’alimentation quotidienne est également un facteur important[POPPITT, PRENTICE, 1996]. Le pourcentage de l’énergie éliminée par l’allégementlipidique peut jouer un rôle, la compensation étant d’autant plus importante quele déficit est profond [SHEPPARD et al., 1991]. Au-delà de ces quelques éléments decompréhension, des études doivent encore explorer et rendre plus claires lesconditions de la compensation énergétique et/ou nutritionnelle.

Qu’une compensation se produise ou non lors de l’introduction d’alimentsallégés en matières grasses dans l’alimentation, il reste à savoir si cettecompensation est susceptible de se modifier au cours du temps, à mesure que leconsommateur acquiert de l’expérience avec le produit allégé. Après un certaindélai [PREWITT et al., 1991], une adaptation de la consommation peut semanifester pour annuler les effets d’un allégement, de telle sorte que le niveaudes apports énergétiques antérieurs soit rétabli. Bien que cette éventualité ne soitencore qu’imparfaitement étudiée, il semble que peu de modifications ducomportement se développent sur une période de deux semaines [LISSNER et al.,1987]. Sur un an, il a été observé qu’une alimentation prescrite et faible en lipidesaugmente lentement en quantité [SHEPPARD et al., 1991]. Des volontaires quiconsomment pendant six mois un régime hypolipidique prescrit ne perdent depoids que si les apports énergétiques ont diminué pendant cette période[WESTERTERP et al., 1996].

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4-2-4 RÉGULATION ÉNERGÉTIQUE ET COMPENSATION

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Tous les procédés d’allégement ne sont pas équivalents : lorsque les lipidesalimentaires sont remplacés par du polyester de saccharose, la compensationénergétique est inférieure à 50 % chez les hommes, alors qu’elle atteint 66 %quand les lipides sont remplacés par de l’eau [HULSHOF et al., 1995]. Dans unprotocole de 12 jours, il fut observé que le remplacement de graisses alimentairespar du polyester de saccharose conduisait à une réduction de la ration lipidiquede 43 % à 32 % et à une perte de poids [DE GRAAF et al., 1996]. La substitution pardu polyester de saccharose des lipides contenus dans des collations conduit à uneréduction des apports énergétiques chez des femmes normopondérales[WESTERTERP-PLANTENGA et al., 1997]. Cet allégement ne s’accompagne d’aucuneaugmentation des sensations de faim ou de satiété.

Ces résultats sont encourageants. Ils suggèrent que dans la plupart dessituations, il y a un bénéfice nutritionnel à pratiquer l’allégement lipidique, avecou sans utilisation de substituts. Il reste à vérifier les effets de l’allégement surl’évolution du poids corporel et sur le statut nutritionnel au cours des années.

À mesure que les allégés de toutes sortes apparaissent sur le marché, il estprobable qu’ils vont coexister avec les aliments traditionnels non-allégés dansl’alimentation courante. Dans ces conditions, une compensation énergétique peutse mettre en place. Elle ne sera pas parfaite, elle se répartira sur les troismacronutriments. Il est douteux que les allégés conduisent à une perte de poidspassive ; leur rôle sera cependant positif dans le cadre de programmes actifs decontrôle du poids. Leurs effets sur le poids corporel restent à démontrer sur unepériode de temps suffisante (plusieurs mois au moins).

4-2-5 Étude de consommation

Une étude concernant l’alimentation et l’anthropométrie a été conduitedans un échantillon représentatif de la population générale dans la régionfrançaise du Val de Marne [BELLISLE et al., 1994]. Les volontaires, hommes etfemmes, adultes et enfants, se sont prêtés à des mesures anthropométriques et ontrépondu à un interrogatoire alimentaire (méthode de l’histoire alimentaire)pendant l’année 1988. À cette époque, l’utilisation d’édulcorants intenses dans lesaliments et boissons du commerce n’était pas encore autorisée. Cependant, lesingesta de nombreux produits allégés en matières grasses furent relevés. Uneexploitation spécifique de la base de données fut entreprise pour déterminer chezles adultes répondants (N=741) quels étaient les corrélats socio-démographiques,biologiques et nutritionnels de l’ingestion habituelle des produits allégés (laitécrémé ou demi-écrémé, crème légère, fromages allégés en lipides, beurre allégé,yaourt allégé). La population fut divisée en consommateurs et non-consommateurshabituels de ces aliments.

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Chez les femmes, les consommatrices d’allégés en matières grasses avaientune ration énergétique quotidienne inférieure à celle des non-consommatrices ;cependant les consommatrices d’allégés étaient plus lourdes et avaient un grandnombre de mesures anthropométriques indiquant une plus grande adipositécorporelle que les non-consommatrices (circonférences de la cuisse, de la taille etdes hanches). Les paramètres nutritionnels présentaient également de nombreusesdifférences entre ces deux groupes de femmes : ration énergétique moindre,rations glucidique et lipidique moindres en valeurs absolues ; pourcentage deprotéines dans la ration plus important et pourcentage de lipides moins important ;moins de saccharose ; moins de porc, de pain, de pâtes, de pommes de terre, debeurre et plus d’eau chez les utilisatrices d’allégés.

Chez les hommes, l’habitude de consommer des aliments allégés en lipidesn’était associée à aucune différence anthropométrique sauf la circonférence deshanches, plus étroite chez les consommateurs d’allégés. Les rations énergétique,protéique, glucidique et lipidique étaient les mêmes dans les deux groupesd’hommes. Les hommes consommateurs d’allégés en lipides consommaient moinsd’alcool, de beurre et de sucre, mais plus de biscuits, de chocolat et de confitureque les non-consommateurs. Cette étude montre une différence très nette entre laplace des allégés en matières grasses chez les hommes et chez les femmes au seind’une même population.

Cette observation nous amène à soulever le problème crucial de lamotivation des utilisateurs d’aliments allégés, et plus particulièrement dessubstituts de matières grasses. Le même problème s’est posé, avec quelquesannées d’avance, concernant l’utilisation d’édulcorants intenses. Il est vite apparuque les substituts du sucre ne sont pas des produits miracles qu’il suffit d’intégrerà son alimentation pour produire une perte de poids. En dehors d’un programmedélibéré de contrôle du poids, les édulcorants intenses ne contribuent pas àréduire les apports et ne facilitent pas la perte de poids ou son contrôle [ROLLS,1991].

L’intérêt des allégés en matières grasses est-il limité à un tel contexte derestriction alimentaire active? On peut craindre que le consommateur moyenn’espère de ces produits un effet magique d’amaigrissement qui n’est susceptiblede se produire que si la ration énergétique diminue elle aussi [WESTERTERP et al.,1996]. Chez les hommes de l’étude épidémiologique française, l’utilisationd’allégés en matières grasses ne s’accompagnait pas d’une réduction de la rationénergétique, en comparaison de la ration des non-utilisateurs, mais au contraire deconsommations significativement plus élevées de sucre, de biscuits, de chocolats,de miel, de confiture, etc. Une tendance à s’accorder une “récompense”alimentaire en contrepartie de la consommation d’aliments au goût peu flatteurmais “bons pour la santé” a également été mise en évidence chez des volontairesaméricains [MATTES, 1990].

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4-2-5 ÉTUDE DE CONSOMMATION

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Pour que les aliments allégés en matières grasses aient un effet nutritionnelbénéfique sur les ingesta lipidiques et/ou sur le poids corporel, il faudra que lesconsommateurs s’en servent dans le cadre d’une alimentation rationnelle [MELA,SACCHETTI, 1991].

4-2-6 Vitamines liposolubles

Une dernière considération est importante pour l’évaluation des mérites dessubstituts lipidiques. La diminution d’une part relativement importante des lipidesde l’alimentation habituelle va entraîner une diminution proportionnelle desapports en vitamines liposolubles. Des apports correspondants aux besoinsdoivent être maintenus à long terme, spécialement chez les sujets sensibles,comme les enfants ou les personnes âgées. De plus, les régimes faibles en lipidessuivis pendant une longue période ont des effets pervers : par exemple, unealimentation riche en glucides et faible en graisses produit des altérations dumétabolisme des lipoprotéines [BORKMAN et al., 1991].

La digestibilité et la biodisponibilité de ces vitamines ne doivent pas êtrecompromises par l’utilisation de substituts susceptibles de causer desmalabsorptions. Le nombre d’aliments allégés en matières grasses offerts sur lemarché, leur importance dans l’alimentation courante, le type de substitutsproposés et leurs effets sur la digestion et l’absorption sont des facteurs dont leseffets cumulés et prolongés doivent faire l’objet d’une surveillance continue de lapart des experts en nutrition et en santé publique [BELLISLE et al., 1998].

4-3 Les nouveaux additifsalimentaires.

Il est possible d’améliorer sensiblement la saveur d’un aliment en y ajoutantun agent qui en modifiera le goût, l’arôme ou encore la texture. Certains de cesagents, le sucre par exemple, rendent de nombreux aliments plus acceptables maisajoutent de l’énergie à ce qui est consommé. D’autres agents modifient les qualitéssensorielles des aliments sans changer leur valeur nutritionnelle. Un exemple detels agents est le glutamate monosodé qui harmonise les saveurs d’aliments variéssans en changer le goût ni le contenu nutritionnel. Parmi les aliments fabriquésindustriellement, nombreux sont ceux où le fabricant a ajouté un ou plusieursagents susceptibles de rendre optimales les caractéristiques sensorielles duproduit. Quels sont les effets de tels ajouts sur les comportements alimentaires et

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sur la capacité du consommateur à réguler sa consommation? On sait que la tailledes repas est déterminée de façon cruciale par les caractéristiques sensorielles desaliments offerts. Il existe encore peu de travaux sur cette question importante.

Quelques études ont été réalisées chez des volontaires sains, ou encore despersonnes âgées ou des diabétiques hospitalisés, pour examiner les effets de l’ajoutde glutamate de sodium dans différents aliments. Chez des volontaires sains, il aété démontré que des aliments nouveaux qui contiennent une quantité sensible deglutamate de sodium (0,6 %) sont mieux acceptés que les mêmes aliments sansglutamate [BELLISLE et al., 1991]. Chez des patients hospitalisés, il a été montré quel’ajout de glutamate à certains aliments présentés dans des repas complexesfavorise l’ingestion de ces mêmes aliments comparativement à l’ingestion desautres aliments du menu. Aussi bien chez des personnes âgées hospitalisées quechez des diabétiques insulino-dépendants ou non-insulino-dépendants, laconsommation d’aliments contenant du glutamate (soupes, légumes, féculents) aaugmenté au cours d’un repas et celle d’autres aliments (desserts en particulier) abaissé, de sorte que le contenu énergétique du repas n’a pas été modifié [BELLISLE

et al., 1991 ; 1996]. L’ajout de glutamate monosodé apparaît donc comme unmoyen de moduler les choix alimentaires au cours d’un repas, en favorisantl’ingestion de certains aliments tout en ne modifiant pas la taille de ce repas. Detels effets méritent d’être confirmés dans d’autres populations et sur des périodesd’observation plus longues.

Les enfants insuffisants rénaux sont très difficiles à nourrir. Leur gravepathologie impose un régime sans sel. De plus, ces enfants n’ont pas l’appétit pourle sucré que les enfants en bonne santé manifestent. Les enfants insuffisants rénauxet dialysés ont une attirance pour le sucré moindre que les enfants sains [BELLISLE

et al., 1990a]. Le mécanisme de ce phénomène n’est pas connu, mais desobservations réalisées chez l’animal suggèrent un problème dans le métabolismedu saccharose. Ce manque d’appétit pour le sucré constitue un obstacle importantà l’ingestion de rations alimentaires suffisantes. Ce facteur nutritionnel s’ajoute auxeffets de la maladie pour induire d’importants retards de croissance dans cettepopulation. Il serait donc d’un grand intérêt d’arriver à stimuler l’appétit de cesenfants. Il a été montré que l’ajout de glutamate de calcium dans plusieursaliments en améliore le goût chez ces enfants [BELLISLE et al., 1992] ; les deux tiersd’un groupe d’enfants insuffisants rénaux ont montré un intérêt à se servir desachets de glutamate de calcium pour en saupoudrer leurs aliments [BELLISLE et al.,1992]. Il n’est pas exclu qu’un exhausteur de goût puisse renforcer l’appétit depersonnes qui n’en n’ont pas assez et même augmenter leur consommationalimentaire.

Les répercussions à long terme d’une amélioration durable des qualitéssensorielles de nombreux aliments doivent encore être étudiées au niveau dupoids et de la composition corporels.

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4-3 LES NOUVEAUX ADDITIFS ALIMENTAIRES

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5 – L’obésité

L’obésité est un grave problème de santé publique dans les sociétésindustrialisées. Des données épidémiologiques récentes indiquent que laproportion d’obèses est en augmentation dans les pays riches, surtout chez lesenfants [ROLLAND-CACHERA et al., 1993 ; SEIDEL, 1995]. Depuis des décennies, lesscientifiques essaient de comprendre les facteurs qui entraînent ledéveloppement et le maintien de l’obésité chez un grand nombre de personnesde tous les âges. Il existe une bibliographie très abondante à ce sujet, qui dégagepeu de certitudes. Les importantes zones de discordance entre études peuventêtre attribuées à de nombreux facteurs au premier rang desquels la naturemultiforme, multifactorielle de l’obésité. Des experts médicaux parlent d’ailleursdes obésités (au pluriel) plutôt que de l’obésité (au singulier) [VAGUE, 1991 ;BASDEVANT et al., 1993b ; GUY-GRAND, 1996].

Voici un aperçu simplifié des multiples sources de divergences dans lesétudes concernant les populations d’obèses.

Il est difficile d’examiner ouvertement le comportement alimentaire d’unepersonne obèse. Que l’étude ait lieu en laboratoire ou sur le terrain, lecomportement de la personne obèse peut être modifié par la présence d’unobservateur ou d’un instrument de mesure. L’obésité et le comportementalimentaire qui l’accompagne peuvent varier en fonction de multiples facteurs,parmi lesquels nous citerons les suivants.

• L’étiologie

Elle peut relever de facteurs nutritionnels, génétiques, hypothalamiques,endocriniens, réactionnels (suite à un stress, un choc, un traumatisme), iatrogènes(causés par des traitements médicaux), de la sédentarité, etc.

• L’âge du sujet au moment de l’étude

En effet, il est bien démontré que la consommation alimentaire diminue etse modifie avec l’âge. On peut donc difficilement comparer des études dont lesvolontaires sont d’âges différents.

• L’âge du sujet au moment de l’apparition de l’obésité

Certains sont obèses dès la naissance ou le deviennent dans les premièresannées de la vie. Chez ces personnes, il semble que des facteurs génétiques soienttrès déterminants [PRICE et al., 1990 ; STUNKARD, 1991] alors que les facteurs del’environnement n’ont pas encore eu l’occasion d’exercer une influence. Lestravaux génétiques réalisés sur des modèles animaux commencent à fournir despistes pour l’identification des gènes responsables de telles obésités souvent

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massives [FRIEDMAN et al., 1991]. Des études humaines ont prolongé ces pistes parl’observation de mutations et de leurs effets dans des familles d’obèses humains[GUY-GRAND, 1996]. D’autres personnes deviennent obèses à l’adolescence, ouencore au moment de grossesses ou à la ménopause. Certains développent uneobésité progressivement au cours de leur vie. Ils sont normopondéraux dans leurjeunesse mais leur poids monte insensiblement avec les années. Un jour, ilsatteignent une masse corporelle qui les classe parmi les obèses. En France, lesfemmes gagnent en moyenne 8 kg entre les âges de 20 et 60 ans, les hommes enprennent 12 [ROLLAND-CACHERA, 1988]. Une telle augmentation du poidsreprésente 250 grammes par an environ et témoigne de la précision extraordinairedes mécanismes de régulation. Pour gagner 250 grammes de poids par an, il suffitd’un excès de moins de 5 kilocalories par jour, créé par les apports et/ou par lesdépenses. Chez ceux dont la régulation est un peu moins bonne, l’excès desapports par rapport aux dépenses, même modeste, explique le développementprogressif des réserves de graisses corporelles jusqu’à l’obésité. Le comportementd’une personne devenue obèse pendant l’enfance peut être différent ducomportement de celle qui constitue son obésité petit à petit, sur une longuepériode de temps.

L’obésité chez l’enfant est particulièrement difficile à analyser. L’obésitéde l’enfant peut être transitoire et correspondre à une phase particulière dudéveloppement [ROLLAND-CACHERA et al., 1987 ; PROKOPEC, BELLISLE, 1993]. Chezl’enfant, l’adiposité corporelle se développe en plusieurs phases. Pendant lapremière année de sa vie, elle augmente, si bien que l’enfant normal paraît grosà un an. L’adiposité décroît ensuite, au cours d’une phase de durée variable, quis’achève vers l’âge de six ans. Durant cette phase, l’enfant de corpulencemoyenne paraît plus mince ou même maigre. Après quelques années, vers l’âgede six ans, se produit un “rebond d’adiposité” [ROLLAND-CACHERA et al., 1984] etla masse adipeuse de l’organisme augmente par la suite jusqu’à la fin de lacroissance, où elle peut marquer un plateau, et de nouveau jusqu’à la fin de lavie. L’enfant plus gros que la moyenne à un an ne le sera peut-être plus à six ansou à la fin de la croissance. À l’inverse, un enfant qui est encore mince à troisou quatre ans peut, à la suite d’un rebond d’adiposité précoce, s’orienter versl’obésité, qui ne sera décelable sur la balance que des années plus tard[ROLLAND-CACHERA et al., 1984 ; 1987 ; 1989 ; 1990 ; PROKOPEC, BELLISLE, 1993 ;ROLLAND-CACHERA, 1994]. Il est donc important de déterminer si, chez l’enfantgros, il s’agit d’un surpoids ou d’une maigreur transitoire, qui va régresser versla normale avec le temps, ou bien si effectivement l’évolution pondérale révèleune obésité en formation. La consultation des valeurs de référence peut aider lesparents et les pédiatres à évaluer les situations individuelles.

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L’OBÉSITÉ

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• Le stade de développement de l’obésité au moment de l’étude

Au moment de la constitution de l’obésité, lorsque le poids corporelaugmente rapidement, les apports énergétiques sont très supérieurs aux besoins.En revanche quand le poids d’un obèse est devenu stable et n’augmente pas, lesapports énergétiques doivent correspondre aux dépenses. Dans le premier cas, laphase dynamique de constitution de l’obésité, il peut être plus facile d’observerdes comportements aberrants que pendant la seconde phase, appelée phasestatique, où l’obèse a un comportement alimentaire qui ne diffère pas beaucoupde celui des normopondéraux.

• Le surpoids relatif

Une personne dont l’obésité est modérée (IMC autour de 27) n’a peut-êtrepas le même comportement alimentaire qu’une personne très obèse oumassivement obèse.

• Les régimes suivis antérieurement

Les régimes nombreux auxquels se sont astreints les obèses au cours de leurvie ont souvent laissé des traces dans l’alimentation et même sur le poids d’unpatient, même après l’abandon de ce régime.

On voit pourquoi il est très difficile de constituer des groupes homogènesd’obèses au cours d’une même étude et, à plus forte raison, de comparer lesrésultats d’études différentes. Cependant, la gravité du problème de l’obésité dansles sociétés modernes constitue un stimulus inépuisable pour la recherche. Lamultitude de travaux à propos de l’obésité s’organise autour d’hypothèses quicontinuent de susciter des polémiques.

5-1 Première hypothèse :l’obèse mange trop

Les réserves adipeuses de l’organisme sont le résultat d’une simplesoustraction : énergie ingérée (par l’alimentation) moins énergie dépensée (pour lemétabolisme, la thermogénèse et l’activité physique). Si le bilan est négatif,l’organisme doit puiser dans ses réserves et maigrit. Si le bilan est positif, l’excèsdes apports au-delà des dépenses est stocké, essentiellement sous forme degraisses corporelles. Si ce bilan est positif pendant plusieurs jours, le sujet grossit.Cette équation n’est contestée par personne. Cependant, il existe des controverses

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5-1 L’OBÈSE MANGE TROP

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sur chacun des termes qui la composent, autrement dit sur les méthodes de mesurede la composition corporelle, de mesure des ingesta et de mesure des dépenses.

La majorité des études concernant la quantité d’aliments ingérée concluentque les obèses ne mangent pas davantage que les personnes de poids normal.Cette affirmation concerne aussi bien les études expérimentales en laboratoire,l’observation sur le terrain, les questionnaires alimentaires administrés par unediététicienne et les auto-questionnaires, les populations d’adultes et d’enfants, lesobèses américains ou européens, etc. Les études épidémiologiques donnentrarement une corrélation significative entre ingesta et adiposité corporelle et,lorsqu’elle apparaît, cette corrélation est aussi bien négative que positive. Il estsouvent confirmé que les obèses mangent moins de glucides et de sucre que lesnon-obèses. L’adiposité est souvent corrélée positivement avec les ingestalipidiques et presque toujours avec les ingesta protidiques [ROLLAND-CACHERA,1994].

Certains spécialistes de l’obésité ont affirmé qu’il existe des obèseshypophages aussi bien que des normophages ou hyperphages [CREFF, HERSCHBERG,1979]. En d’autres termes, la variabilité des rations énergétiques est aussi largedans la population des obèses que dans la population des normopondéraux.Certaines personnes, surtout des femmes, vivent avec moins de 2 000 kcal parjour, alors que d’autres en consomment largement plus de 3 000. Ces hypophageset ces hyperphages peuvent être aussi bien normopondéraux qu’obèses.

Les méthodes de mesure de la dépense énergétique se sont beaucoupperfectionnées au cours des dernières années. Il est maintenant possible grâce auxméthodes de calorimétrie directe ou indirecte, à la méthode de l’eau doublementmarquée, de connaître la dépense énergétique d’une personne. De plus, on saitque les obèses ont non seulement plus de masse grasse que les normopondéraux,mais encore plus de masse maigre. C’est la masse maigre qui détermine la dépenseénergétique d’un organisme. Plus la masse maigre est abondante, plus la dépenseest grande.

Ces observations incontestables ont mis en doute la validité des études quin’établissent pas de différences entre les ingesta des obèses et ceux des témoins.En effet, si l’obèse a plus de masse maigre, il dépense plus d’énergie, et donc ildoit obligatoirement manger plus pour maintenir son poids. Les enquêtesépidémiologiques en particulier ont été attaquées à partir de ces observations.L’argument des experts du métabolisme est le suivant : si ces enquêtes ne trouventpas d’hyperphagie, c’est parce que les obèses trichent en déclarant leurs apports[PRENTICE et al., 1986 ; LISSNER et al., 1989 ; LIVINGSTONE et al., 1990 ; GOLDBERG etal., 1991 ; FRICKER et al., 1992 ; LICHTMAN et al., 1992 ; BLACK A.E. et al., 1993 ;HEITMANN, LISSNER, 1995 ; POPPITT et al., 1995]. Consciemment ou inconsciem-ment, les obèses rapportent des ingesta inférieurs à leur consommation réelle.

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L’OBÉSITÉ

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Certaines personnes déclarent des apports si faibles qu’ils ne couvrent même pasles dépenses minimales estimées pour leur corpulence. Ces sous-rapporteurs(“under-reporters”), se trouvent en nombre plus important chez les obèses quechez les normopondéraux. Les travaux épidémiologiques actuels doivent identifiersystématiquement les sous-rapporteurs dans les populations testées. La présencede nombreux sous-rapporteurs dans une étude est de nature à faire baisser lesingesta moyens estimés et à induire des conclusions erronées. Cependant, il estpossible d’imaginer d’autres causes à l’observation fréquente d’ingesta identiqueschez les obèses et les témoins. Par exemple, les obèses sont souvent au régime etune étude de leur consommation peut être faite précisément au moment où ils sontau régime restrictif. Les apports déclarés seraient donc parfaitement exacts maisnon représentatifs des ingesta à long terme. Les consommations déclarées auxdiététiciennes ou aux médecins par les obèses pourraient être celles des jours derégime plutôt que celles des jours d’abandon de toute règle diététique. On peutaussi imaginer que c’est parce qu’ils sont obèses et qu’ils ont suivi de nombreuxrégimes que les patients déclarent manger beaucoup de protéines et peu de sucres.Ces choix alimentaires sont effectivement ceux qui sont le plus souvent conseilléspar les experts de l’amaigrissement depuis près de 40 ans.

Le débat est ouvert et les scientifiques se partagent entre ceux qui ne croientpas à l’hypophagie des obèses et ceux qui y croient, du moins de manièretransitoire ; entre ceux qui pensent que les obèses mentent ou s’illusionnent quantà leurs apports réels et ceux qui les croient aussi sincères et compétents pourévaluer ces apports que les témoins normopondéraux. L’avenir de la rechercheapprofondira les deux thèses opposées. Aujourd’hui certains sont prêts à affirmerque les obèses mangent forcément trop, alors que d’autres croient encore possiblequ’un obèse au poids stable ait une ration énergétique parfaitement semblable àcelle des non-obèses.

5-2 Deuxième hypothèse :l’obèse choisit mal ses aliments

Contrairement à la croyance populaire, les obèses ne se signalent pas parun appétit exagéré pour le sucré. Il est bien démontré, aussi bien chez l’enfantque chez l’adulte, que les obèses sont rarement amateurs de sucre et que lesamateurs de sucre sont rarement obèses [ROLLAND-CACHERA et al., 1993b ;BOLTON-SMITH, 1996]. Une étude réalisée chez des enfants de 7 à 12 ans montredes différences considérables dans cette population de 102 enfants pour les

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5-2 L’OBÈSE CHOISIT MAL SES ALIMENTS

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ingesta de sucre [ROLLAND-CACHERA et al., 1995]. Les plus petits amateurs de sucréconsomment 31 grammes de saccharose par jour alors que les plus grandsamateurs de sucre en consomment 93 grammes par jour. Cependant, ces derniersne sont pas plus gros que les premiers. On peut faire l’hypothèse que les enfantsles plus actifs, ayant besoin d’énergie rapide, la trouvent dans les aliments et lesboissons sucrés.

Parmi les obèses, certains ont un poids stable alors que d’autres s’adonnentà des régimes restrictifs de façon irrégulière, ce qui mène à des cycles répétés deperte et de reprise de poids. Le goût pour un aliment sucré (crème glacée) est plusfort chez les obèses dont le poids corporel fluctue que parmi les obèses au poidsstable. L’attirance pour les desserts est aussi plus marquée chez les femmes obèsesdont le poids fluctue [DREWNOWSKI, HOLDEN-WILTSE, 1992 ; DREWNOWSKI et al.,1992b]. Ces études ne départagent pas ce qui revient à l’appétit pour les graissesou à l’appétit pour les sucres dans l’attirance ressentie pour les desserts.

Les personnes obèses ont un appétit prononcé pour les lipides. Enfants,adolescents et adultes obèses montrent des préférences marquées pour desproduits riches en lipides [DREWNOWSKI, SCHWARTZ, 1990]. Les aliments lipidiqueset sucrés (chocolat, biscuits, gâteaux, etc.) sont spécialement appréciés par lesobèses [DREWNOWSKI, 1985 ; DREWNOWSKI et al., 1985 ; 1992a] de même, il faut ledire, que par les normopondéraux. En Amérique du Nord, les aliments préférés desenfants, obèses ou non, sont souvent hypercaloriques [DREWNOWSKI, 1988]. Lesingesta lipidiques des enfants prédisent leur niveau d’adiposité [GAZZANIGA, BURNS,1993 ; NGUYEN et al., 1996]. Les enfants gros aiment les aliments très gras, ont unealimentation riche en lipides et ont des parents gros [FISHER, BIRCH, 1995].L’environnement alimentaire des enfants gros est systématiquement différent decelui des enfants plus minces. Chez l’adulte, les études épidémiologiques, celles-là mêmes qui ne trouvent pas de corrélation entre ration énergétique etcorpulence, trouvent parfois des corrélations positives entre apports en lipides etcorpulence.

Les données récentes concernant le métabolisme des graisses soulignentcomment les lipides peuvent facilement favoriser une déposition de graissescorporelles [FLATT, 1987 ; DREON et al., 1988 ; DATILLO, 1992 ; JÉQUIER, 1992 ;GAZZANIGA, BURNS, 1993 ; BOLTON-SMITH, WOODWARD, 1994 ; LISSNER, HEITMANN,1995 ; NGUYEN et al., 1996 ; TREMBLAY, SAINT-PIERRE, 1996].

L’obèse abuse-t-il des protéines alimentaires? Cette hypothèse vient d’êtreproposée par ROLLAND-CACHERA [1994]. Les études épidémiologiques mettentsouvent en évidence une corrélation entre apports protéiques et corpulence. Cetteobservation pourrait être due au fait que les obèses sous-estiment et sous-rapportent leurs ingesta d’aliments “qui font grossir”, c’est-à-dire les lipides et lessucres. Elle pourrait aussi résulter du fait que les obèses qui sont au régime de

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L’OBÉSITÉ

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façon plus ou moins continue depuis des années, ont appris à s’alimenter surtoutd’aliments riches en protéines et à rejeter les graisses et les sucres.

Dans nos pays développés, en Europe et en Amérique du moins, lesapports protéiques sont très supérieurs aux recommandations des expertsnutritionnistes. La ration recommandée représente 12 % de l’énergie totaleingérée quotidiennement [DUPIN et al., 1992]. Les adultes en consomment plusde 15 % et parfois jusqu’à 18 ou 20 %. Une étude épidémiologique longitudinalemontre que le rôle de l’excès des protéines alimentaires pourrait être causal dansle développement de l’obésité, du moins chez l’enfant [ROLLAND-CACHERA, 1995].Des rations protéiques très élevées à l’âge de deux ans, chez des enfants déjàobèses ou chez des enfants encore minces à cet âge, sont corrélées à l’adipositécorporelle à l’âge de huit ans, même après ajustement pour l’IMC de l’enfant àdeux ans et celui de ses parents. Les ingesta énergétiques à deux ans (la rationcalorique quotidienne) ne sont pas corrélés à la corpulence à huit ans, une foisajustés pour l’IMC des parents. Les ingesta protéiques à l’âge de deux ans sonttrès supérieurs aux recommandations : la moyenne pour l’ensemble de lapopulation est quatre fois supérieure aux rations recommandées. Chez les enfantsobèses à huit ans, les rations protéiques enregistrées à l’âge de deux ans sontjusqu’à dix fois supérieures aux recommandations. L’excès protéique peut agirsur la croissance de l’enfant en modifiant l’état hormonal de façon chronique,affectant la taille puis la corpulence. Des études expérimentales devront vérifiercette hypothèse.

Il a été proposé que l’obèse soit exceptionnellement sensible aux qualitéssensorielles des aliments et qu’il abuse des bonnes choses. Une hypothèseancienne [SCHACHTER, 1968 ; 1971] affirmait, à partir d’études réalisées sur desmodèles animaux, que les obèses sont prêts à manger beaucoup de ce qui est bon,qu’ils cèdent facilement à la tentation, mais qu’ils sont très réticents à consommerdes aliments au goût peu flatteur. Inversement, les obèses, toujours d’après cettehypothèse, seraient moins sensibles que les normopondéraux aux signauxphysiques indiquant la faim ou la satiété. De nombreuses études ont été suscitéespar cette hypothèse. Il en ressort que certaines personnes, obèses ou non, sonteffectivement très sensibles à la stimulation sensorielle et sont facilemententraînées à manger des aliments agréables même si elles n’ont pas faim. Ce traitde la personnalité peut sans doute nuire à la conduite d’un régime restrictif.Cependant, il n’est pas plus fréquent chez les obèses que chez lesnormopondéraux. Les nombreuses expériences décrites dans cette monographiemontrent bien qu’il est facile de stimuler la consommation alimentaire même chezdes normopondéraux et que les signaux de faim ou de satiété ont une influencelimitée chez tous les humains, qu’ils soient obèses ou non. L’hypothèse voulantque ce soit l’abus de bonnes choses, la gourmandise, qui soit à l’origine del’obésité, n’est donc pas démontrée.

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5-2 L’OBÈSE CHOISIT MAL SES ALIMENTS

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Chez certaines personnes, une consommation importante de boissonsalcoolisées peut conduire à une prise de poids et entraîner l’obésité. L’alcoolcontient 7 kilocalories au gramme et représente donc une source d’énergie nonnégligeable. Les ingesta d’alcool jouent un rôle complexe dans le bilan d’énergie.Encore une fois, le problème de la régulation énergétique est posé. Les résultatsexpérimentaux ne sont pas clairs. Dans certains cas, les calories tirées de l’alcoolsont compensées par une diminution de la prise alimentaire [FOLTIN et al., 1993].Dans d’autres cas, ces calories s’ajoutent simplement à la ration quotidienne, sansaucune compensation [RISSANEN et al., 1987 ; DE CASTRO, OROZCO, 1990]. Lescirconstances qui favorisent une compensation ne sont pas clairement définies.L’association alcool plus lipides est particulièrement propice à faciliterl’accumulation de graisses corporelles, même si la densité de l’alimentation estcontrôlée [TREMBLAY, SAINT-PIERRE, 1996].

5-3 Troisième hypothèse :le comportement alimentairede l’obèse est anormal

Il est souvent observé que la consommation alimentaire des personnesobèses, enfants ou adultes, est anormalement distribuée au cours de la journée.Les obèses mangent peu le matin, moyennement à midi, et beaucoup le soir, dansla soirée et même pendant la nuit. Les observations recueillies chez des enfants de7 à 12 ans en France confirment ce déplacement horaire de la consommationalimentaire des obèses [BELLISLE et al., 1988]. Alors que les petits déjeuners desenfants obèses représentent 15,7 % de l’énergie ingérée au cours de la journée,ceux des enfants de corpulence normale représentent 19,2 % de la rationénergétique. Inversement, le dîner des enfants normopondéraux correspond à28,7 % de l’énergie quotidienne, et celui des enfants obèses à 32,5 %. Unsyndrome de consommation nocturne (“night eating syndrome”) décrit parSTUNKARD [1955] est parfois observé chez des obèses qui se relèvent la nuit pourmanger.

On peut penser qu’un trouble métabolique (peut-être hormonal) poussel’obèse à consommer de nuit comme de jour. Chez les obèses humains, l’habitudedes régimes peut renforcer l’habitude de manger tard dans la journée : en effet lapersonne au régime est pleine de courage le matin et peut se priver de manger ; àmesure que la journée avance, la faim se fait sentir de plus en plus fortement ; avecla fatigue de la journée, il devient de plus en plus difficile de résister à la faim, si

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L’OBÉSITÉ

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bien que le grignotage commence dans l’après-midi et que la résistancepsychologique s’effondre dans la soirée, ce qui explique l’importance du dîner etla consommation devant la télévision.

Chez les modèles animaux de l’obésité, causés par une lésion cérébrale, parl’administration d’insuline, ou encore par des manipulations du régimealimentaire, l’une des premières manifestations de l’obésité en train de sedévelopper est une altération de l’alternance jour/nuit entre une période d’activitéoù l’animal mange et boit, et une période de repos où l’animal dort et réduit sonactivité au minimum [LE MAGNEN, 1992]. Les animaux en train de devenir obèsesmangent jour et nuit. Pendant leur période d’activité, ils consomment comme leurspairs non-obèses ; ces derniers ne mangent pas pendant la période de repos etdépensent les calories accumulées pendant la période d’activité précédente alorsque les animaux obèses continuent leur consommation. Ce cycle comportementalperturbé chez l’obèse s’accompagne d’une altération du cycle neuro-endocrinienqui commande la lipogenèse pendant la phase active et la lipolyse pendant laphase de repos. Les traitements expérimentaux qui rendent les rats obèses ontsouvent pour effet de faire disparaître ou d’atténuer considérablement la lipolysediurne et, sur le plan comportemental, de faire manger l’animal le jour comme lanuit. Au lieu d’une alternance lipogenèse-lipolyse qui assure l’équilibre circadiendu bilan d’énergie, l’animal fait de la lipogenèse continue.

Cette observation a fait dire à LE MAGNEN [1988] que l’obèse n’est peut-êtrepas tant celui qui grossit mais plutôt celui qui ne maigrit pas. De multiplesobservations réalisées chez des modèles animaux suggèrent que les perturbationsneuro-endocriniennes sont “premières” dans l’instauration du déséquilibremétabolique conduisant à l’obésité, par rapport aux troubles comportementauxqui apparaissent comme “secondaires”.

En plus de l’horaire de la consommation, il se peut que les obèses mangentmoins souvent que les témoins de poids normal [FABRY, TEPPERMAN, 1970 ; GATENBY,1997]. Des études publiées par FABRY et ses collaborateurs montraient que deshommes adultes ingérant un petit nombre de repas par jour (trois ou quatre,comprenant collations et autres casse-croûte) étaient plus adipeux (selon desmesures de poids et de plis cutanés) et avaient un quotient cholestérol/phospholipides sériques élevé, en comparaison avec des hommes consommantcinq ou six repas quotidiens [FABRY et al., 1964 ; HEJDA et al., 1964].

Chez 226 enfants de 6 à 16 ans, pensionnaires dans trois établissementsscolaires différents, une intervention d’une année a consisté à servir l’alimentationquotidienne soit en trois, soit en cinq, soit en sept repas. Le poids rapporté à lataille est plus élevé au bout de cette année chez les élèves de l’école où l’on serttrois repas par jour, en comparaison de celles où l’on en sert cinq ou sept [FABRY

et al., 1966].

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5-3 LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’OBÈSE EST ANORMAL

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Des enquêtes plus récentes ont reproduit les observations de FABRY [METZNER

et al., 1977 ; CHARZEWSKA et al., 1981 ; DALASSO et al., 1982 ; KANT, 1995 ;SUMMERBELL et al., 1996 ; ANDERSON, ROSSNER, 1996]. Ces études ont été critiquéespour leur méthodologie qui laisse une large place à la sous-déclaration des ingestade la part des obèses [BELLISLE et al., 1997]. En effet, lorsque les données provenantde personnes qui manifestement sous-déclarent leurs ingesta sont éliminées, lesassociations entre nombre de repas et adiposité corporelle deviennent beaucoupmoins nettes [SUMMERBELL et al., 1996]. Il est également possible que les personnesobèses ou qui veulent maigrir sautent des repas afin de limiter leur consommation.C’est l’obésité ou le surpoids qui pourraient ainsi entraîner une distribution de laration alimentaire sur un petit nombre de repas quotidiens, et non l’inverse.L’addition des effets de la sous-déclaration par les obèses et de l’omission d’un oude plusieurs repas par les personnes au régime suffit peut-être à expliquer larelation inverse entre adiposité et nombre de repas. Il semble en tous cas certainqu’il ne suffit pas d’augmenter le nombre de repas quotidiens pour maigrir.Plusieurs études cliniques montrent qu’un même régime amaigrissant n’est pasplus efficace s’il est distribué sur un plus grand nombre de repas [BORTZ et al.,1966 ; FINKELSTEIN, FRYER, 1971 ; YOUNG et al., 1971 ; GARROW et al., 1981 ;VERBOEKET-VAN DE VENNE, WESTERTERP, 1991] malgré quelques indications isoléesdans ce sens [DEBRY et al., 1973].

L’obèse est souvent considéré comme un grignoteur dont la consommationentre les repas est importante. Il existe peu de travaux portant sur le grignotage,que ce soit chez l’obèse ou chez le témoin de poids normal. Le grignotage est trèsdifficile à mesurer et ceux qui le pratiquent en sont à peine conscients. Dans uneétude récente réalisée chez un groupe de femmes obèses [BASDEVANT et al.,1993a], le grignotage est décrit comme une absorption quasi automatiqued’aliments, par petites quantités fractionnées. Ce comportement a un caractèremécanique et peut se dérouler sur des périodes plus ou moins longues. Il peutdonc représenter une charge énergétique considérable s’il se poursuit assezlongtemps. Il n’est pas déclenché par l’envie d’aliments particuliers. Sur 273patientes obèses vues en consultation, 60 % manifestent un comportement degrignotage, ce qui entraîne des apports extra-prandiaux conséquents (430 kcal parjour). Chez les grignoteuses de cette étude, les consommations au cours des repassont supérieures à celles des non-grignoteuses (1 800 contre 1 580 kcal au totalpar jour). Plus de la moitié des grignotages ont lieu l’après-midi; les aliments leplus souvent choisis sont les pâtisseries, les viennoiseries, les fruits, le chocolat, lefromage, la viande, les produits laitiers et le pain. Les données de cette étudereprésentent les ingesta déclarés par les patientes elles-mêmes. On peut sedemander si elles ont effectivement rapporté de façon exacte toutes leursconsommations aussi bien prandiales qu’extra-prandiales quant à la quantité etquant à la nature des aliments. Ce problème du grignotage est comme on le voit

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L’OBÉSITÉ

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très difficile à apprécier, faute de moyens de mesure suffisamment précis. Il estpour l’instant impossible d’établir le rôle causal d’un grignotage dans ledéveloppement ou le maintien de l’obésité en général.

L’obèse est-il sujet à des crises de boulimie? La boulimie mentale est unemaladie répertoriée en psychiatrie, caractérisée par une propension à des accès deconsommation alimentaire forcenée, très abondante, très riche, et très rapide. Nousverrons plus loin comment la patiente atteinte de cette pathologie agit pourconserver un poids normal. Chez l’obèse, il pourrait exister une tendance à la crised’hyperphagie irrépressible, sans les corrélats psychiatriques de la boulimie mentale.Il est évident qu’une personne qui présente ce comportement avec une fréquenceimportante est à risque de devenir obèse ou de le rester, car la prise calorique estimportante et, à cause de cette importance, a peu de chance d’être compensée parune diminution correspondante des ingesta futurs. Les accès d’hyperphagie peuventdonc faciliter le développement ou le maintien d’une obésité.

Des experts américains ont affirmé que l’obèse, contrairement au sujet depoids normal, vide systématiquement son assiette. Ce comportement, s’il estvérifié, suggère que le consommateur détermine ses ingesta non pas en fonctionde sa faim ou de ses besoins nutritionnels mais en fonction de facteurscomplètement externes comme la taille d’une portion. Une personne qui tientcompte de sa faim mange en fonction de ses signaux physiologiques et s’arrête demanger lorsqu’elle atteint le rassasiement, peu importe si elle doit laisser dansl’assiette une part plus ou moins importante de ce qui lui est servi. Or, il n’est pasdémontré que les obèses soient moins compétents dans ce domaine que lesnormopondéraux. Tous sont sous l’influence de signaux sensoriels très puissants etdoivent néanmoins adapter leur comportement à leurs signaux internes. Nousavons vu plus haut que nous sommes tous différents dans notre sensibilité auxstimuli internes comme externes et que les obèses, en général, ne se différencientpas des normopondéraux en général.

Les patients obèses se plaignent souvent qu’ils n’éprouvent jamais la satiété.Malgré des apports parfois importants, ils s’arrêtent de manger avant d’êtrevraiment rassasiés. Il existe quelques travaux de recherche qui quantifient cetteimpression subjective des patients obèses. Au cours d’un repas, le rythmed’ingestion est rapide au début du repas, car il est sous l’influence de la stimulationsensorielle produite par les caractéristiques organoleptiques des aliments. Pendantle repas, le rythme d’ingestion décroît progressivement à mesure que les facteurssensoriels perdent de leur appétibilité et que se développent des signaux post-ingestifs provenant du tractus gastro-intestinal. Chez une majorité de sujetsnormopondéraux, la courbe cumulative représentant le rythme d’ingestion aucours du repas montre une décélération claire ; chez plusieurs sujets obèses, cettedécélération ne se produit pas et le rythme d’ingestion demeure le même entre ledébut et la fin du repas [MEYER, PUDEL, 1972] (Figure 22).

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5-3 LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’OBÈSE EST ANORMAL

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Grâce à l’enregistrement oscillographique continu des séquences demastication, de déglutition et de pauses au cours de repas standard, il a été montréau cours de repas consommés en laboratoire que des obèses mangent plus vite quedes témoins normopondéraux [BELLISLE, LE MAGNEN, 1981]. Leur mastication debouchées standardisées est plus brève, le nombre de mouvements de mastication

102

L’OBÉSITÉ

Figure 22 — Courbes cumulatives d’ingestion chez deux volontaires au cours de 12 repas.Le premier sujet, de type A, a une ingestion qui ralentit en cours de repas. Lesecond sujet, de type B, a un rythme d’ingestion uniforme du début à la fin durepas.

Inge

sta

(cm

3 )In

gest

a (c

m3 )

5 10 15 20Temps (min)

5 10 15 20Temps (min)

Type A

Type B

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par bouchée est réduit, et la durée des pauses entre bouchées successives est pluscourte que chez les témoins. Alors que les témoins ralentissent leur rythmed’ingestion au cours du repas, par l’allongement de la durée de mastication et de ladurée des pauses entre bouchées, ces paramètres demeurent les mêmes entre ledébut et la fin d’un repas chez les obèses. Si le ralentissement du rythme d’ingestionest bien un marqueur comportemental du rassasiement, alors le comportement decertains obèses pendant un repas n’en montre aucun signe (Figure 23).

Une autre différence entre obèses et normopondéraux pourrait être laconsommation de boisson au cours du repas, qui est peut-être plus importantechez l’obèse [BELLISLE, LE MAGNEN, 1981]. Si la boisson est de l’eau, ceci ne tire pas

103

5-3 LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’OBÈSE EST ANORMAL

50 60 70Proportion des ingesta à mi-durée du repas (%)

20

15

10

5

0

Fréq

uenc

e

Normopondéraux

Obèses

(n=115)

Figure 23 — Distribution des 115 sujets de l’étude en fonction de la proportion des ingestaobservée durant la première moitié d’un repas. Les sujets obèses sont retrouvésle plus souvent parmi les volontaires qui ont consommé entre 50 et 60 % deleurs ingesta pendant la première moitié de la durée du repas. Les sujetsnormopondéraux ont le plus souvent consommé entre 60 et 70 % de leursingesta pendant la première moitié de la durée du repas. D’après MEYER etPUDEL [1972].

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à conséquence. Toutefois si la boisson est du vin, un jus de fruit ou un soda, cecomportement contribue pour une part non négligeable aux apports énergétiqueset peut aboutir à créer un excès. Cette observation doit cependant être vérifiéedans d’autres contextes expérimentaux avant de pouvoir y attribuer un rôle dansle développement ou le maintien de l’obésité. Il est démontré que l’énergieapportée par les boissons (ou les aliments liquides) est moins bien intégrée dansles mécanismes de régulation alimentaire que celle qui provient d’aliments solideset que la compensation pour cette énergie est moins précise [RAMIREZ, 1982].RAMIREZ et collaborateurs [RAMIREZ et al., 1989] pensent que des effets osmotiquespourraient aussi jouer un rôle : les aliments liquides ou gras, c’est-à-dire lesaliments à osmolarité faible, créent des conditions osmotiques dans le tractusgastro-intestinal qui pourraient favoriser l’hyperphagie.

5-3-1 Thérapie comportementale

Si les comportements d’ingestion de l’obèse sont effectivement susceptiblesde favoriser l’obésité, alors il n’est pas impossible qu’en changeant cescomportements, il soit possible d’aider l’obèse à maigrir.

La constatation que le comportement alimentaire, comme tout autrecomportement d’ailleurs, peut être placé sous l’influence des stimuli del’environnement, a inspiré les thérapies comportementales proposées auxpersonnes qui veulent maigrir. Leurs comportements alimentaires peuvent êtremodifiés par une intervention qui porte sur les conditions dans lesquelles les gensmangent et sur les stimuli susceptibles de faire manger moins ou davantage. Laprise alimentaire peut être déclenchée par de multiples facteurs dansl’environnement : heure de la journée, publicité à la télévision, simple présenced’aliments, etc. Les programmes de thérapie comportementale visent à limiter aumaximum les effets de ces stimuli : le patient doit apprendre à ne manger que dansun environnement précis ; seuls les aliments adéquatement préparés et servisconvenablement (sur une table, avec nappe et couverts) peuvent être consommés ;il faut manger lentement, reposer ses couverts sur la table entre chaque bouchée,ne pas lire ni regarder la télévision pendant un repas.... Les thérapiescomportementales enregistrent souvent des résultats positifs : les patients perdentdu poids de façon durable, cependant la perte de poids maximale n’est pas trèsélevée. Une évaluation publiée en 1980 [STUNKARD et al., 1980] concluait que laperte de poids est plus lente et moins importante avec les techniquescomportementales (quelques dix kilos sur plusieurs semaines) qu’avec les régimesclassiques ; cependant un an après le début du traitement, les kilos perdus ne sontpas repris. Il est peut-être plus facile de limiter les circonstances et les horaires desrepas que la quantité ou la nature des aliments choisis.

104

L’OBÉSITÉ

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5-4 Quatrième hypothèse : l’obèse mange pour de mauvaises raisons

En plus de la notion que l’obèse mange à cause d’une gourmandiseincontrôlable, que nous avons examinée plus haut, d’autres notions ont étéproposées pour expliquer une éventuelle hyperphagie de l’obèse. Déjà HildeBRUCH [1984] pensait qu’une mère pouvait encourager chez son enfant uneconsommation alimentaire excessive en répondant à toutes les demandes del’enfant (demande d’attention, de soins, etc.) par la présentation de nourriture.L’enfant deviendrait ainsi incapable de différencier ses multiples besoins etapprendrait que la réponse adaptée à toute situation difficile (contrariété, stress,fatigue, etc.) est la consommation d’aliments. Cette hypothèse est intéressantemais elle est difficile à prouver. On sait qu’il existe chez certaines personnes unetelle tendance à manger dans les situations d’anxiété ou de stress, cependant cespersonnes ne sont pas nécessairement obèses [FANTINO, GOILLOT, 1986 ; BELLISLE

et al., 1990b]. Chez l’obèse, il semble que la consommation d’un repas réduiseeffectivement le niveau d’anxiété [ROBINSON et al., 1980]. Cependant, il n’est pasdémontré que le sujet obèse a recours à l’aliment pour manipuler son niveaud’anxiété.

5-5 Contribution de l’environnement

Une étude réalisée chez des jumeaux fraternels ou identiques, élevésséparément depuis la naissance, suggère fortement un rôle capital de l’hérédité, etun rôle modeste des conditions de l’environnement dans le niveau d’adipositécorporelle atteint par un sujet adulte [STUNKARD et al., 1986].

La comparaison de populations différentes, en particulier entre paysindustrialisés et pays en voie de développement, montre sans ambiguïté qu’il y adavantage d’obèses dans les pays riches. Dans plusieurs pays asiatiquesrécemment industrialisés, la prévalence de l’obésité augmente de façon fulguranteavec l’abandon du mode de vie traditionnel et le passage à un mode de vie, enparticulier alimentaire, typique du monde occidental. Ces observations attestentd’une forme de relation entre consommation et corpulence qui n’est pasincompatible avec le manque de corrélation au niveau individuel évoqué plushaut.

105

5-5 CONTRIBUTION DE L’ENVIRONNEMENT

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Des populations d’enfants français (1 à 3 ans, n = 727 et 7 à 12 ans, n =333) ont été réparties en groupes en fonction de la profession du père (Figures 24et 25) [ROLLAND-CACHERA, BELLISLE, 1986 ; ROLLAND-CACHERA et al., 1988]. L’étudedes ingesta de ces enfants montre clairement que les apports nutritionnelsquotidiens sont différents entre classes socio-professionnelles. Les enfantsd’ouvriers, quelle que soit leur corpulence, mangent plus que les enfants decadres. À l’intérieur de chaque classe socio-professionnelle, l’absence decorrélation entre consommation individuelle et corpulence est observée.

106

L’OBÉSITÉ

Enfants de 1 à 3 ans

1400

1350

1300

1250

1200

1150

Con

som

mat

ion

éner

gétiq

ue (k

cal/j

our)

mai

gres

min

ces

moy

ens

gros

obès

es

▲ Ouvriers★ Cadres et professions libérales

★ ★

(18)

(17)

(48)

(309)

(42)

(28)

(8)

(30)(201)

(26)

Figure 24 — Consommation alimentaire quotidienne dans deux groupes d’enfantsappartenant à deux catégories socio-professionnelles définies selon laprofession du père : ouvriers et cadres ou professions libérales. Les enfantssont répartis en cinq classes selon leur niveau de corpulence. Âge des enfants :un à trois ans. D’après ROLLAND-CACHERA et collaborateurs [1988].

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Or, la proportion d’enfants gros ou obèses est plus importante dans lesmilieux où la consommation énergétique quotidienne est plus élevée (Figure 26)[ROLLAND-CACHERA et al., 1988]. Cette apparente contradiction souligne qu’il nefaut pas, lorsqu’on parle de la relation entre alimentation et corpulence, confondredeux types de comparaisons : comparaison entre populations différentes (parexemple classes socio-professionnelles) et comparaisons cas/témoins (par exempleobèses et normopondéraux) à l’intérieur d’une même population. On peut fairel’hypothèse d’une interaction entre la constitution individuelle, déterminée par lagénétique, et l’environnement [ROLLAND-CACHERA et al., 1988].

107

5-5 CONTRIBUTION DE L’ENVIRONNEMENT

Enfants de 7 à 12 ans

2800

2600

2400

2200

2000

1800

1600

Con

som

mat

ion

éner

gétiq

ue (k

cal/j

our)

▲ Ouvriers● Ouvriers qualifiés★ Cadres et professions libérales

●●

▲ ▲

(13)

(13)

(11)

(11) (71)

(17)

(22)

(22)

(3)

(20)

(4)

(68)

(32)(18)

(8)

mai

gres

min

ces

moy

ens

gros

obès

esFigure 25 — Consommation alimentaire quotidienne dans trois groupes (totalisant 333

sujets) d’enfants appartenant à trois catégories socio-professionnelles définiesselon la profession du père : ouvriers, ouvriers qualifiés, et cadres ouprofessions libérales. Les enfants sont répartis en cinq classes selon leur niveaude corpulence. Âge des enfants : 7 à 12 ans. D’après ROLLAND-CACHERA etBELLISLE [1986].

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Le style de vie, et en particulier le régime alimentaire d’une population,soumet les individus à des conditions où sont mises à l’épreuve les capacitésd’adaptation et de régulation de chacun. Plus le régime habituel excède lesbesoins en énergie, plus grande est la proportion d’individus dont les capacités derésistance à l’obésité (qu’elles soient métaboliques ou associées à l’activitéphysique) sont dépassées. En d’autres termes, des facteurs de l’environnement telsqu’un régime très riche en énergie, agissent de manière facilitatrice ou permissivedans le développement de l’obésité, bien que le comportement de l’obèse ne soitpas nécessairement différent de celui des personnes normopondérales vivant dansles mêmes conditions. Cette hypothèse est appuyée par les travaux portant sur despaires de jumeaux identiques (monozygotes), qui ont établi que la réponse à unesuralimentation ou à une sous-alimentation chronique prolongée dépend de lasusceptibilité individuelle, largement déterminée par les gènes [BOUCHARD,PÉRUSSE, 1988 ; BOUCHARD et al., 1988a ; 1988b ; 1990 ; BOUCHARD, PÉRUSSE, 1993].

108

L’OBÉSITÉ

100

50

0

Population totale

obèsesgros

moyens

minces

maigres

Cadres et professions

libérales

Ouvriers Ouvriers qualifiés

Pour

cent

age

des

suje

ts (%

)

3% 1%8%

74%

12%

5%

3%13%

69%

12%

3%

4%13%

68%

11%

4%

12%

70%

12%

3%

Figure 26 — Pourcentage d’enfants maigres, minces, moyens, gros et obèses dans unepopulation de 2 440 enfants répartis en trois catégories socio-professionnellesdéfinies selon la profession du père : ouvriers, ouvriers qualifiés, et cadres ouprofessions libérales. Âge des enfants : 7 à 12 ans. D’après ROLLAND-CACHERA

et BELLISLE [1986].

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5-6 Conclusions sur l’obésitéLes travaux existants montrent que certains comportements sont

potentiellement facilitateurs de l’hyperphagie. L’hyperphagie prolongée favoriseun bilan d’énergie positif qui, à plus ou moins long terme, mène à l’obésité.Cependant, les comportements en question sont rarement spécifiques des sujetsobèses et se retrouvent aussi bien chez des témoins normopondéraux. On peutdonc conclure qu’il n’existe pas un profil alimentaire spécifique de la populationdes obèses en général. Toutefois, certains comportements, chez certainespersonnes, peuvent contribuer à créer ou à maintenir l’obésité.

Lorsque des comportements potentiellement anti-régulateurs sont observésdans un groupe d’obèses, la relation de cause à effet entre ces comportements etl’obésité reste à établir. De plus, le sens de la relation de cause à effet n’est pastoujours clair : par exemple est-ce le fait de manger tard qui rend obèse ou bien lefait d’être obèse qui conduit à manger de plus en plus tard dans la journée?

On le voit, la recherche sur l’obésité n’est pas facile. Malgré toutes leslimitations évoquées ici, un consensus assez large existe sur plusieurs aspects del’obésité :

– la multiplicité des étiologies ;

– le comportement alimentaire ne peut pas toujours être incriminé comme facteurpremier dans l’obésité ;

– le déterminisme biologique est important. L’influence de facteurs génétiques surle métabolisme du tissu adipeux et sur la distribution corporelle des réservesadipeuses (périphériques ou centralisées) est démontrée ;

– certains environnements sont plus propices au développement d’obésités qued’autres, d’où l’importance d’une hygiène de vie ;

– la sédentarité est, à côté du comportement alimentaire, un élément du style devie susceptible de jouer un rôle déterminant dans l’obésité [SCHUTZ et al., 1982 ;ROLLAND-CACHERA, 1993 ; 1997].

109

5-6 CONCLUSIONS SUR L’OBÉSITÉ

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6 – Les troublesdes comportementsalimentaires

Les mécanismes de commande du comportement alimentaire assurent larégulation nutritionnelle de façon efficace chez la majorité des humains.Cependant, des troubles plus ou moins graves du comportement peuvent apparaître.

L’anorexie mentale (anorexia nervosa) est un trouble psychiatrique sévèremais peu fréquent. Jusqu’à ces toutes dernières années, on a beaucoup parlé del’anorexie mentale de la jeune fille : amaigrissement spectaculaire survenant à lapuberté et précipité par des facteurs psychosociaux. Ce trouble se caractérise surle plan comportemental par une abstinence alimentaire très rigoureuse, parfoisaccompagnée de rituels liés à l’alimentation, une hyperactivité physique etintellectuelle, un évitement des situations de contact (et surtout de conflit)interpersonnel, parmi d’autres symptômes. La raison avouée de la restrictionalimentaire est la phobie de la graisse corporelle, la peur de grossir. Dans cettepathologie, les mécanismes de commande du comportement alimentaire sontapparemment inactivés. La malade ne ressent pas la faim mais une satiété totale,du moins c’est ce qu’elle affirme [SUNDAY, HALMI, 1990].

De très nombreux ouvrages ont paru sur cette affection grave dont letraitement peut relever de démarches très différentes et souvent complémentaires :hospitalisation, isolement, “contrats” de prise de poids, psychanalyse, thérapiecognitivo-comportementale, pharmacothérapie, etc. Depuis peu, on décrit de plusen plus souvent des cas d’anorexie mentale dans diverses populations : enfantspré-pubères des deux sexes [LASK, BRYANT-WAUGH, 1993], hommes et femmesd’âge mûr, et même personnes âgées [MORLEY, 1997]. La crainte de grossir et lerefus de l’aliment sont des constantes de l’anorexie dans tous les cas.

La boulimie (bulimia nervosa) est un autre trouble du comportementalimentaire dont les formes graves sont traitées en psychiatrie. Il se caractérise pardes accès fréquents (plusieurs fois par semaine) de consommation alimentaireeffrénée, au cours desquels le mangeur a l’impression de perdre le contrôle de soncomportement. La crise de boulimie a lieu en cachette et s’arrête avec l’irruptiond’un témoin. La définition psychiatrique de la boulimie insiste sur la présence decomportements “correcteurs” des excès alimentaires : vomissements surtout maisaussi usage de laxatifs ou de diurétiques, etc. Cette stratégie est efficace : le ou laboulimique a un poids normal.

Parfois des périodes de régime strict et des accès de boulimie alternent chezcertaines personnes. Il est vraisemblable que dans ce cas, les accès de boulimie

111

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soient effectivement déclenchés par un état de besoin physiologique irrépressiblequi suit une privation prolongée. La consommation alimentaire n’est pas vécue icicomme un acte positif visant à nourrir et à couvrir les besoins de l’organisme, maisplutôt comme une faiblesse coupable qui aura les pires effets sur le poids. Il arriveque des patientes anorexiques s’installent à long terme dans un jeûne quasipermanent entrecoupé de périodes de boulimie ; on parle alors d’anorexiques-boulimiques.

La boulimie peut se résoudre d’elle-même après quelques années. De plusen plus, les boulimiques consultent médecins et psychologues pour surmonter leurproblème. Plusieurs types de thérapie ont donné de bons résultats.

Les travaux scientifiques actuels [HOEK et al., 1995] soulignent l’importancedes facteurs génétiques dans l’anorexie mentale et celle des facteurs del’environnement dans la boulimie. L’anorexie mentale est observée avec uneprévalence comparable, quels que soient l’époque et le contexte socioculturel. Aucontraire, la prévalence de la boulimie dans une société dépend des contraintessociales qui imposent une restriction alimentaire importante, en particulier auxjeunes femmes. Chez les obèses, la présence d’un trouble du comportementalimentaire constitue un sérieux handicap au traitement.

Les goûts chez les patientes atteintes de troubles des comportementsalimentaires (anorexie mentale, boulimie) ont été abondamment étudiés afin dedéterminer leur rôle dans l’établissement ou le maintien de la maladie. Uneaversion pour les graisses apparaît clairement dans ces pathologies [DREWNOWSKI

et al., 1990]. La dimension hédonique, agréable, de solutions très sucrées (40 %)est augmentée chez les femmes souffrant de boulimie nerveuse, comparées à desfemmes sans troubles des comportements alimentaires et à des anorexiques-boulimiques [FRANKO et al., 1994]. Aucune différence d’évaluation de l’intensitédes solutions sucrées (0 à 40 % de saccharose) n’apparaît entre ces trois groupes.Il demeure à établir si la palatabilité élevée des solutions très sucrées chez lesboulimiques implique une attirance augmentée pour des aliments sucrés etconstitue un facteur capable de faciliter la crise de boulimie.

Des femmes boulimiques normopondérales ont plus d’attirance pour desproduits laitiers sucrés et des solutions sucrées que des témoins du même âge[DREWNOWSKI et al., 1987a ; 1987b ; DREWNOWSKI, 1989]. Des patientesanorexiques hospitalisées aux États-Unis aiment les aliments laitiers sucrés, alorsque des anorexiques hospitalisées en France ne les apprécient pas davantage quedes témoins sains du même âge [DREWNOWSKI et al., 1987b ; SIMON et al., 1993].Les préférences des anorexiques pour les aliments sucrés ne sont pas modifiées àl’issue d’une cure de renutrition et ne paraissent donc pas dépendre du statutnutritionnel.

.

112

LES TROUBLES DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES

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En dehors des catégories psychiatriques, le comportement de restrictionalimentaire chronique est une source potentielle de troubles nutritionnels. Desquestionnaires ont été validés afin d’en mesurer la sévérité et celle d’autresparamètres (sensations de faim, vulnérabilité à la désinhibition, au stress, à lastimulation sensorielle) susceptibles d’induire une dérégulation comportementale[STUNKARD, MESSICK, 1985 ; VAN STRIEN et al., 1986]. Les personnes de poids normalpour leur taille et leur âge qui s’astreignent néanmoins à un régime restrictifchronique sont à risque de carences ou de déséquilibres nutritionnels. C’estpourquoi en Amérique du Nord, on considère la restriction chronique de la prisealimentaire comme un trouble potentiellement grave qu’il faut soigner [HERMAN,1978 ; POLIVY, HERMAN, 1987]. La restriction chronique et irrationnelle estsûrement un comportement qui menace la croissance ou même la santé d’ungrand nombre de jeunes filles [HILL et al., 1992 ; HILL, 1993] et d’adultes [HERMAN,POLIVY, 1980], même si ce comportement ne relève pas de la psychiatrie.

113

LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

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Conclusions

La consommation alimentaire est le versant comportemental demécanismes qui assurent la régulation du bilan d’énergie. Une approchescientifique permet d’étudier ce comportement dans la continuité des mécanismesde régulation physiologiques. Dans l’espèce humaine, le comportement répondnon seulement aux impératifs biologiques et aux sollicitations de l’environnementnaturel, mais il s’inscrit aussi dans une culture, dans un environnement social,dans un contexte économique. Ces derniers facteurs qui modèlent toutcomportement humain, imposent des règles d’exécution aux conduitesalimentaires. Pour autant, ils ne doivent pas faire oublier le rôle biologique,régulateur, vital du comportement alimentaire.

Des protocoles expérimentaux, répondant aux mêmes exigences de rigueurque toute autre recherche scientifique, ont permis de quantifier les diversparamètres du comportement alimentaire humain dans des conditions stables ouchangeantes, et d’en identifier les déterminants. Les signaux de faim, de satiété, derassasiement, les mécanismes d’apprentissage classique ou instrumental, commechez les autres espèces animales, déterminent divers aspects de ce comportement.

Les exigences de la biologie s’expriment dans un contexte social. Cecontexte peut parfois jouer un rôle anti-physiologique. En empêchant ou enlimitant le jeu des mécanismes reposant sur la biologie, il peut mettre en périll’efficacité de la régulation. Les sociétés industrialisées offrent des ressourcesalimentaires sans précédent. Ce développement s’accompagne d’une épidémied’obésité et de l’apparition de troubles des comportements alimentaires relevantde la psychiatrie. L’obésité frappe le mangeur humain, enfant ou adulte, et souventses animaux familiers, ce qui suggère un partage d’éléments nocifs du style de vie.Pléthore alimentaire et sédentarité sont au premier rang des suspects. L’étude descomportements régulateurs efficaces, chez l’homme comme chez l’animal, nousmontre une structure complexe et souple des activités de la journée, qui permetd’intégrer une grande variabilité des apports alimentaires. Cette structure secaractérise par des cycles où alternent des épisodes de consommation avec desépisodes de non-consommation alimentaire. Au cours de chaque phase de cescycles, le consommateur ressent des signaux internes multiples correspondant à lafaim ou à la satiété, à un appétit spécifique ou à un rassasiement spécifique ougénéral. La disparition de cycles clairs, de ces alternances d’états physiologiques,favorisée par l’omniprésence d’aliments et de boissons disponibles à toute heureet sans restriction, apparaît comme un important facteur causal de ladysrégulation.

Certains aliments nouveaux mettent le consommateur humain dans dessituations inédites pour lesquelles l’Évolution naturelle n’a pas pu jusqu’à présent

115

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sélectionner de mécanismes de sauvegarde, comme elle l’a fait pour prémunir lesanimaux que nous sommes contre la pénurie. Les aliments industriels de densitéénergétique très élevée, souvent hyperlipidiques, de même que ces alimentsconçus pour ne pas nourrir tout en procurant une stimulation sensorielle agréable,représentent de nouveaux défis aux mécanismes de régulation chez unconsommateur de plus en plus inactif et sollicité.

Ces quelques lignes de conclusion font ressortir que, si l’humanité a su aucours de son histoire, par une certaine forme de progrès matériel, faire reculer lesrisques de pénurie, il lui reste à imaginer comment se prémunir contre lesperversions de ce progrès. Le pari que nous pouvons faire ici, après avoir évoquétant de travaux éminents, est que la recherche scientifique concernant lesconditions dans lesquelles s’effectue aujourd’hui la régulation alimentairehumaine a encore des révélations utiles à prodiguer, pourvu que nous puissionsdisposer des moyens nécessaires.

116

CONCLUSIONS

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Acquis 16Adiposité 87, 92, 94, 96, 97, 100, 105Additifs 88Agueusie 57Alcool 36, 41, 43, 68, 87, 98Alimentation 65, 77, 85, 86Aliments fonctionnels 71Allégés 66, 67, 71, 74, 78, 79-88Anorexie mentale 32, 47, 58, 111Appétit 14, 17, 22, 28, 49, 51, 57, 59,

67, 72, 73, 76, 79, 95, 96Appétit spécifique 22, 23Apprentissage 11, 14, 15, 17, 18, 21, 22,

24, 32, 33, 45, 49Aspartame 72, 75, 76, 77Aversion alimentaire conditionnée 14,

20-22Boulimie 47, 101, 112Compensation énergétique 24, 67,

73-75, 78, 82-86, 104Compensation nutritionnelle

74, 83, 85Comportement 3, 35, 39, 98, 104, 111Comportement superstitieux 33, 34Conditionnement classique 14, 17-19,

21, 25Conditionnement instrumental 17, 18,

29-31, 33Croissance 113Cycles biologiques 5, 6, 66Cycle jour-nuit 5, 6, 7Densité énergétique

23, 24, 46, 73, 74, 79Dégoûtant 50Désinhibition 36Dysgueusie 57Eau 3, 4, 32, 34, 41, 75, 79, 86, 87, 103Échelle analogique visuelle 51Échelle de catégories 51Édulcorants intenses 60, 61, 72, 73, 75,

77, 86, 87Évaluation sensorielle 51, 61, 65Extinction 21, 25, 30Faim 9, 41, 48, 67, 68, 74, 75, 83, 84,

97, 98, 101Faim-satiété 7, 8

Flaveur 13, 24, 57, 59Fœtus 16, 41Fonctions sensorielles 51Génétique 41, 43, 45, 46, 51, 91, 105,

107, 108, 109Glucides 43, 49, 74, 75, 77, 80, 81, 83,

85, 94Glutamate 58, 59, 88, 89Glycémie 7, 8, 9Goût 41, 43-45, 51-54, 56, 58, 59, 60, 65Grignotage 6, 99-101Homéostasie 3, 34, 74Hyperphagie 36, 60, 79, 80, 94, 101,

104, 105, 109Hypophagie 94, 95Index de masse corporelle (kg/m2)

46, 67, 93, 97Inné 16, 43, 44Insuline 99Intensité 51, 55, 61Lipides 44, 46, 49, 74, 78, 79, 80, 81,

83-87, 98Loi de l’effet 29Milieu intérieur 4, 34Motivation 39, 87Néophobie 44Nombre de repas quotidiens 48, 68,

99, 100Nourrisson 16, 43, 46, 47Nycthémère 5Obésité 26, 27, 33, 48, 49, 60, 71, 79,

91, 92-101Omission 31Opérant 32, 34Perception 14, 52-57, 59-61, 66Phase céphalique 25, 26-29Phénylthiocarbamide 53, 55Poids corporel 26, 50, 62, 67, 70, 72,

73, 77, 80, 83, 84, 86, 88, 89, 96Pouvoir sucrant 72Préférences 22, 45, 49, 51, 52, 58, 59,

62, 71Prématurés 29Protides 49, 58, 74, 77, 78, 81, 83, 85,

96, 97Punition 31

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Index

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Rassasiement 9, 10, 11, 14, 17, 29, 46,58, 76, 101, 103

Rebond d’adiposité 92Recommandations 4, 48, 80Récompense 30, 50Régulation 8, 23, 24, 48, 50, 65, 66, 82,

98, 103, 111Réflexes gusto-faciaux 16, 43Renforcement 17, 18, 29-34, 77, 87Restriction alimentaire chronique 25, 36,

37, 47, 78, 85, 112, 113Rythme d’ingestion 9, 10, 101-103Salé 44, 45, 51, 55Satiété 7, 10, 12, 14, 28, 48, 97, 101, 111Satiété sensorielle spécifique 11

Sélection alimentaire 14, 21, 57Semainier alimentaire 39, 40, 68-70Seuils de perception 55Sous-déclaration 100Stress 36, 91, 105Substituts nutritionnels 81, 82, 86-88Sucré 33, 43-45, 51, 55, 60-63, 66, 72,

89, 95, 96Syndrome de consommation nocturne 98Taille des repas 6, 9, 11, 23, 39-42, 68, 89Thérapie comportementale 104, 111Troubles des comportements alimentaires

111, 112Valeur hédonique 11, 12, 51, 61Vieillissement 52, 54, 55, 56

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EVALUATION DE L’ETAT NUTRITIONNEL

Achevé d’être imprimé

en avril 1999

sur les presses du Groupe Graphique Chauveheid Stavelot