le commerce équitable entre principes et réalisations: le

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1. Introduction Le commerce équitable tel qu’il est défini par FI- NE 1 «est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objec- tif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il con- tribue au développement durable en offrant de meil- leures conditions commer- ciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginali- sés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commer- ce équitable (soutenues par les consommateurs) s’en- gagent activement à soute- nir les producteurs, à sen- sibiliser l’opinion et à me- ner campagne en faveur des changements dans les règles et pratiques du com- merce international con- ventionnel» (EFTA, 2001). Le commerce équitable se base sur des normes communes à l’ensemble des acteurs. Toutefois, l’appella- tion et la catégorisation de ces normes peuvent varier en fonction des organisations (Gendron, Torres et Bisaillon, 2009). L’organisme québécois «Équiterre» propose une compréhension non institutionnelle des principes équitables touchant la plupart des acteurs du mouvement. Les sept principes équitables clés formulés par «Équiter- re» sont les suivants: i) Assurer un commerce direct qui garantit un cir- cuit de commercialisation raccourci entre l’importa- teur du Nord et la coopé- rative ou l’association de producteurs du Sud, sans intermédiaire; ii) Le payement d’un prix juste et stable qui est supérieur à celui sur le marché conventionnel; iii) L’en- gagement à long terme l’importateur s’engage à acheter plus de deux fois de la même coopérative ou association; iv) L’ac- cès au crédit: les coopéra- tives de producteurs du Sud ont la possibilité d’emprunter à faible taux d’intérêt pour payer à l’a- vance le nécessaire pour leur culture; v) L’organi- sation démocratique et transparente: cela se tra- duit par une participation des agriculteurs aux pri- ses de décision; vi) La protection de l’environnement: les produits équitables sont cultivés avec des méthodes agricoles durables et respec- tueuses de l’environnement; vii) Le développement local communautaire: une partie des revenus est réinvestie dans la communauté, pour la mise sur pied de projets liés à l’a- mélioration de la santé, de l’éducation, de l’environnement et de l’économie locale. Cette idée d’intégrer le principe d’équité aux activités commerciales internationales, et plus particulièrement ent- re les pays du Sud et ceux du Nord, remonte aux années 1900, avec l’émergence du commerce de charité. Mais c’est à partir de 1988, avec la création de la première association Le commerce équitable entre principes et réalisations: le cas du secteur oléicole Tunisien Saida ELFKIH*, Olfa WANNESSI**, Nadhem MTIMET*** Résumé Le commerce équitable est une initiative de développement durable pour les pays du Sud, qui favorise l’amélioration des composantes sociale, écono- mique et environnementale. L’étude de cas du commerce équitable de l’huile d’olive biologique dans la région de Mansoura, en Tunisie, a pour objectif de comparer les principes aux réalisations sur le terrain. Une analyse quantita- tive et une analyse qualitative sont donc présentées. L’étude est complétée par une analyse SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats) qui per- met de mettre en évidence les forces, les faiblesses, les opportunités et les me- naces de l’expérience examinée. Les résultats révèlent quelques écarts entre les principes et objectifs du commerce équitable et leurs réalisations. Ces écarts sont principalement d’ordre économique et social; par contre, pour la dimension environnementale, le degré d’accomplissement est très satisfaisant. Les résultats issus du SWOT conduisent à proposer une série de stratégies d’a- mélioration qui visent à tirer le maximum de profit, rétablir les points forts, surveiller étroitement la concurrence et à contourner les difficultés. Mots-clés: Commerce équitable, Secteur oléicole, Ecarts, SWOT, stratégies d’amélioration. Abstract Fair trade is a sustainable development initiative for the South contributing to the improvement of some social, economic and environmental values. The case study of fair trade of the olive oil sector in Mansoura (Tunisia) confronts the principles versus their implementation. To reach this objective, a quantita- tive and a qualitative analysis was undertaken. The study is completed by a S- WOT matrix for identifying strengths, weaknesses, opportunities and threats, which characterize the studied experience. Results show some differences be- tween the principles and goals of Fair Trade and their implementation. These differences have mainly an economic and a social character whereas environ- mental issues are widely satisfied. Based on the SWOT matrix, a set of im- provement strategies are proposed in order to maximize opportunities, to re- store strengths, to monitor competition and to overcome difficulties. Key words: Fair trade, Olive oil sector, Deviations, SWOT, improvement strategies. 13 * Institut de l’Olivier, Sfax, Tunisie. ** Université de Jaén, Espagne. *** Ecole Supérieure d’Agriculture de Mograne, Tunisie. 1 C’est l’abréviation des quatre structures internationales de com- merce équitable: FLO, WFTO, NEWS, EFTA. Jel code: Q19, Q56 NEW MEDIT N. 1/2013

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1. IntroductionLe commerce équitable

tel qu’il est défini par FI-NE1 «est un partenariatcommercial fondé sur ledialogue, la transparenceet le respect, dont l’objec-tif est de parvenir à uneplus grande équité dans lecommerce mondial. Il con -tribue au développementdurable en offrant de meil -leures conditions commer-ciales et en garantissant lesdroits des producteurs etdes travailleurs marginali-sés, tout particulièrementau Sud de la planète. Lesorganisations du commer-ce équitable (soutenues parles consommateurs) s’en-gagent activement à soute-nir les producteurs, à sen-sibiliser l’opinion et à me-ner campagne en faveurdes changements dans lesrègles et pratiques du com-merce international con -ventionnel» (EFTA, 2001).

Le commerce équitablese base sur des normescommunes à l’ensemble des acteurs. Toutefois, l’appella-tion et la catégorisation de ces normes peuvent varier enfonction des organisations (Gendron, Torres et Bisaillon,2009). L’organisme québécois «Équiterre» propose unecompréhension non institutionnelle des principes équitablestouchant la plupart des acteurs du mouvement. Les sept

principes équitables clésformulés par «Équiter-re» sont les suivants:

i) Assurer un commercedirect qui garantit un cir-cuit de commercialisationraccourci entre l’importa-teur du Nord et la coopé-rative ou l’association deproducteurs du Sud, sansintermédiaire; ii) Lepaye ment d’un prix justeet stable qui est supérieurà celui sur le marchéconventionnel; iii) L’en-gagement à long terme oùl’importateur s’engage àacheter plus de deux foisde la même coopérativeou association; iv) L’ac-cès au crédit: les coopéra-tives de producteurs duSud ont la possibilitéd’emprunter à faible tauxd’intérêt pour payer à l’a-vance le nécessaire pourleur culture; v) L’organi-sation démocratique ettransparente: cela se tra-duit par une participationdes agriculteurs aux pri-ses de décision; vi) La

protection de l’environnement: les produits équitables sontcultivés avec des méthodes agricoles durables et respec-tueuses de l’environnement; vii) Le développement localcommunautaire: une partie des revenus est réinvestie dansla communauté, pour la mise sur pied de projets liés à l’a-mélioration de la santé, de l’éducation, de l’environnementet de l’économie locale.

Cette idée d’intégrer le principe d’équité aux activitéscommerciales internationales, et plus particulièrement ent-re les pays du Sud et ceux du Nord, remonte aux années1900, avec l’émergence du commerce de charité. Mais c’està partir de 1988, avec la création de la première association

Le commerce équitable entre principes et réalisations:le cas du secteur oléicole Tunisien

Saida ELFKIH*, Olfa WANNESSI**, Nadhem MTIMET***

RésuméLe commerce équitable est une initiative de développement durable pour lespays du Sud, qui favorise l’amélioration des composantes sociale, écono-mique et environnementale. L’étude de cas du commerce équitable de l’huiled’olive biologique dans la région de Mansoura, en Tunisie, a pour objectif decomparer les principes aux réalisations sur le terrain. Une analyse quantita-tive et une analyse qualitative sont donc présentées. L’étude est complétée parune analyse SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats) qui per-met de mettre en évidence les forces, les faiblesses, les opportunités et les me-naces de l’expérience examinée. Les résultats révèlent quelques écarts entreles principes et objectifs du commerce équitable et leurs réalisations. Cesécarts sont principalement d’ordre économique et social; par contre, pour ladimension environnementale, le degré d’accomplissement est très satisfaisant.Les résultats issus du SWOT conduisent à proposer une série de stratégies d’a-mélioration qui visent à tirer le maximum de profit, rétablir les points forts,surveiller étroitement la concurrence et à contourner les difficultés.

Mots-clés: Commerce équitable, Secteur oléicole, Ecarts, SWOT, stratégiesd’amélioration.

AbstractFair trade is a sustainable development initiative for the South contributing tothe improvement of some social, economic and environmental values. Thecase study of fair trade of the olive oil sector in Mansoura (Tunisia) confrontsthe principles versus their implementation. To reach this objective, a quantita-tive and a qualitative analysis was undertaken. The study is completed by a S-WOT matrix for identifying strengths, weaknesses, opportunities and threats,which characterize the studied experience. Results show some differences be-tween the principles and goals of Fair Trade and their implementation. Thesedifferences have mainly an economic and a social character whereas environ-mental issues are widely satisfied. Based on the SWOT matrix, a set of im-provement strategies are proposed in order to maximize opportunities, to re-store strengths, to monitor competition and to overcome difficulties.

Key words: Fair trade, Olive oil sector, Deviations, SWOT, improvementstrategies.

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* Institut de l’Olivier, Sfax, Tunisie.** Université de Jaén, Espagne.*** Ecole Supérieure d’Agriculture de Mograne, Tunisie. 1 C’est l’abréviation des quatre structures internationales de com-merce équitable: FLO, WFTO, NEWS, EFTA.

Jel code: Q19, Q56

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de certification (Association Max Havelaar), qu’apparaît lepremier label de café équitable. Dès lors, plusieurs expé-riences de commerce équitable ont été entreprises dans lemonde, surtout au niveau du secteur alimentaire: café, suc-re, noix de cajou, cacao et banane et non-alimentaire, texti-le. Dans ce contexte, plusieurs recherches ont été entrepri-ses, évaluant quelques cas d’étude et soulevant quelquesquestions d’importance capitale pour le commerce équita-ble. Lafortune (2010) a étudié le cas d’application du com-merce équitable dans le secteur cotonnier au Sénégal. DiazPedregal (2006) a travaillé sur le rôle du commerce équita-ble dans le développement durable dans les pays du Sud.Egler (2004) a étudié plusieurs cas d’application du com-merce équitable dans divers pays du Sud, soulignant l’im-portance stratégique du commerce équitable dans la luttecontre la pauvreté. Valkila et al. (2010) ont mis en éviden-ce le rôle du commerce équitable dans l’amélioration desrevenus des agriculteurs et la nécessité, en même temps, derevoir la répartition de la valeur au niveau de la filière dansle cas du café à Nicaragua.

L’huile d’olive, malgré son importance majeure dans ledéveloppement des zones rurales du Sud, reste marginaledans le commerce équitable. En effet, en Tunisie, premierproducteur de l’huile d’olive au Sud de la méditerranée, lesecteur oléicole représente la composante principale del’activité pour plus de 300.000 agriculteurs, dont plus de60% sont de moyens ou petits producteurs. Peu de cas decommerce équitable ont été enregistrés au niveau de ce sec-teur et l’exemple le plus intéressant est celui de la région deMansoura, de la délégation de Siliana. Ce secteur souffre deplusieurs difficultés, dont les principales sont: le manque devalorisation de l’huile d’olive tunisienne, le manque d’or-ganisation des structures oléicoles, la vente en vrac et le fai-ble prix de vente. Face à ces problématiques, le commerceéquitable peut représenter une alternative pour les petitsagriculteurs qui sont en quelque sorte les plus vulnérablesaux problèmes structurels du secteur oléicole tunisien. Eneffet, le commerce équitable peut se présenter comme unealternative pour la valorisation des produits oléicoles tuni-siens au niveau des zones défavorisées, à travers l’augmen-tation du prix de vente de l’huile d’olive profitant des peti-tes niches de commercialisation. Cette alternative peutcontribuer aussi à la création de structures plus organiséespour répondre aux exigences du commerce équitable.

Face aux objectifs et principes du commerce équitable,une question primordiale se pose sur le degré d’accomplis-sement de ses principes et sur son importance dans le déve-loppement des zones les plus démunies du Sud. Chohin-Kupper et Kemmoun (2010) ont étudié le cas de l’huile d’o-live au Maroc, en mettant l’accent sur les écarts qui existententre la théorie et l’application du commerce équitable.

Cet article vise à analyser une expérience de commerceéquitable du secteur de l’huile d’olive en Tunisie, dans larégion de Mansoura. Deux questions sont à résoudre: i) l’é-valuation de cette expérience, en considérant les principes

du commerce équitable par rapport à leur accomplissementet en déterminant, parallèlement, les écarts de réalisation, etii) l’évaluation de cette expérience par rapport à son envi-ronnement, en déterminant ses forces, ses faiblesses (fac-teurs internes), ses opportunités et ses menaces (facteursexternes).

Le présent article est organisé comme suit: on décrit toutd’abord la méthodologie proposée pour l’évaluation del’expérience qui associe une analyse quantitative à une ana-lyse qualitative; on passe successivement à l’illustration età la discussion des résultats les plus importants et finale-ment, on présente les principales conclusions.

2. Matériels et méthodesAfin d’évaluer l’expérience du commerce équitable de l’-

huile d’olive à Mansoura, on a adopté une méthodologiequi combine une analyse quantitative avec une analyse qua-litative. L’analyse quantitative se base essentiellement surdes indicateurs d’évaluation socio-économique portant surle niveau d’accomplissement de la plupart des principes etobjectifs du commerce équitable. L’analyse qualitativecomplète l’analyse quantitative, et se base sur deux appro-ches i) la première est la détermination d’un ensemble deparamètres qualitatifs pour l’évaluation du degré d’accom-plissement des principes équitables, surtout les principessociaux et environnementaux qui sont généralement tra-duits par des variables intangibles, ii) la deuxième reposesur l’analyse SWOT (abréviation de son nom en anglaisStrengths, Weaknesses, Opportunities and Threats) où se-ront identifiées les forces, les faiblesses, les opportunités etles menaces que présente cette expérience. Cette deuxièmeapproche est nécessaire pour faire une évaluation globale del’expérience, tout en la situant par rapport à son environne-ment. En effet, cette démarche permettra de développer unesérie de propositions concernant les stratégies à adopterpour renforcer ce genre de commerce.

2.1. Zone d’étude et organisation de la filièrehuile d’olive équitable en Tunisie

Le cas d’étude correspond à la zone de Mansoura du Gou-vernorat de Siliana (Tunisie). Les agriculteurs concernéspar cette étude sont des agriculteurs intégrés dans une ex-périence d’oléiculture bio-équitable de la zone. L’expérien-ce du Commerce Equitable dans la région de Siliana a dé-buté en 2008, sous forme d’un projet réalisé par une entre-prise porteur de projet et jouant le rôle de premier acheteur.Cet acheteur acquiert presque la totalité des produits oléi-coles équitables (huile d’olive et olives à huile) selon descontrats prédéterminés avec un groupe de douze oléicul-teurs de la zone.

L’organisation de la filière oléicole équitable étudiée im-plique les opérateurs suivants: i) les agriculteurs, qui sontgénéralement de petits producteurs pour lesquels l’agricul-ture est la principale source de revenu; ii) le porteur de pro-jet, qui est soit une entreprise à contrat de production soitune organisation de producteurs; iii) un acheteur qui est l’o-

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pérateur qui achète le produit directement auprès du grou-pement de production. On peut distinguer deux types d’a-cheteurs: un premier acheteur, qui assure l’opération d’ex-portation et un deuxième acheteur, qui est l’importateur duNord. Cette filière est supervisée par des organismes decontrôle et d’encadrement qui sont les organismes certifica-teurs en amont et en aval de la filière et le CRDA (Com-missariat Régional de Développement Agricole). La figure1 résume l’organisation de la filière de l’huile d’olive équi-table étudiée.

Une enquête a été réalisée auprès de tous les agriculteursimpliqués et des entretiens ont aussi eu lieu avec le reste desacteurs impliqués. L’enquête avait pour ambition de poursui-vre les objectifs de la recherche, donnant des éléments de ré-ponse pour l’identification des écarts, et elle a été articulée au-tour de quatre principales rubriques: la première, descriptivedu profil du producteur, et les trois autres portant sur les prin-cipes du commerce équitable, particulièrement sur ses troisdimensions économique, environnementale et sociale.

2.2. Paramètres quantitatifs et qualitatifs pourl’évaluation de l’expérience équitable

Pour comparer les principes du commerce équitable auxréalisations, une série de paramètres quantitatifs et qualita-tifs ont été déterminés. Ces paramètres couvrent les trois di-mensions des principes équitables, à savoir les composan-tes économique, environnementale et sociale.

S’agissant de la dimension économique, les paramètres quiont été adoptés répondent aux trois questions suivantes: i) lecommerce équitable est t-il direct? Le paramètre utilisé pourrépondre à cette question, est le nombre d’intermédiairesavant d’atteindre l’acheteur final; ii) les agriculteurs bénéfi-cient-ils d’un préfinancement auprès du porteur de projet? Lenombre de crédits attribués aux agriculteurs par le porteur deprojet est le paramètre qui a été adopté pour répondre à laquestion; et iii)2 le commerce équitable assure t-il un paye-ment d’un prix juste aux agriculteurs? Pour instruire cette

question, deux paramètres ont étéadoptés: l’écart entre prix d’achat etcoût de production, et l’écart entre prixd’achat et prix minimum garanti. Ondoit signaler que le prix de vente équi-table est déterminé par rapport à unprix minimum garanti, qui est le prixsur lequel le premier acheteur s’engageà l’égard du groupe de production.Normalement, ce prix est déterminépar rapport aux coûts de production.Vu que ces coûts de production sontdifficilement évalués par l’acheteur,surtout en l’absence d’une comptabili-té au niveau des exploitations et en l’ab-sence de fiches d’exploitation, ce prixminimum garanti correspond au prix devente quotidien du marché convention-nel. Le prix d’achat final est 15% supé-rieur au prix minimum garanti. Dansnotre étude, on a jugé nécessaire decomparer l’écart entre prix d’achat etcoût de production, et l’écart entre prixd’achat et prix minimum garanti qui estle prix du marché conventionnel. Ceci,pour voir si les agriculteurs sont bénéfi-ciaires ou non, en adoptant le prix dumarché conventionnel comme prix mi-

nimum garanti au lieu du coût de production. Concernant la dimension sociale, les paramètres qui ont

été retenus répondent aux questions suivantes: i) le com-merce équitable a-t-il réellement contribué à l’améliorationdu revenu des exploitants? Pour répondre à cette question,trois paramètres ont été calculés: le revenu dérivé de l’oléi-culture équitable, le revenu agricole et le revenu total, touten calculant la contribution du revenu provenant de l’oléi-culture équitable par rapport au revenu total de l’agricul-teur; ii) le commerce équitable a-t-il contribué au développe-

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Figure 1 - Organisation de la filière huile d’olive équitable en Tunisie.

Source: Elaboration propre.

2 Le coût de production tel que CUP = (CTP-VSP)/PTCUP: Coût unitaire de productionCTP: Charges totales de productionVSP: Valeur des productions secondaires ou sous-produitsPT: Production totaleLe prix minimum garanti c’est le prix du marché conventionnelPrix d’achat: c’est le prix payé au groupe de production et il est15% supérieur au prix minimum garanti.

ment communautaire? Dans ce contexte, on s’intéressera à laréalisation de projets ou actions de développement fiancés parle fonds de développement dudit projet iii) le commerce équi-table a-t-il contribué à une gestion démocratique et transpa-rente du groupe? Pour répondre à cette question, une série dequestions a été posée aux agriculteurs sur leur organisation engroupement, leurs connaissances sur le commerce équitable etleur participation aux prises de décision, la participation de lafemme, ainsi que sur l’emploi des enfants.

Quant à la dimension environnementale, les paramètreschoisis sont en relation avec l’adoption de l’agriculture bio-logique ou non et le respect du cahier des charges.

Le tableau 1 résume tous les paramètres adoptés par cha-cune des dimensions du commerce équitable.

2.3. Analyse SWOT et Stratégies de dévelop-pement

La matrice SWOT est un outil universel d’aide à la déci-sion, mis au point depuis les années 1960 (Schendel, 1994).Au niveau d’une analyse SWOT, des forces, fai-blesses, opportunités et menaces sont à identifier.La finalité de cette analyse est de s’appuyer surl’analyse interne et externe pour prendre des déci-sions stratégiques. Ceci permettra donc de contrerles menaces et de saisir les opportunités, tout enpartant de l’amélioration du fonctionnementinterne du système. En effet, à travers la matriceSWOT, des stratégies d’attaque, d’ajustement, dedéfense et de survie seront identifiées (Tableau,

2).

3. Résultats et discussionLes résultats sont présentés dans

l’ordre suivant: i) l’évaluation del’expérience de l’huile d’oliveéquitable dans la zone de Mansou-ra, dégageant les écarts d’accom-plissement et ii) la situation del’expérience par rapport à son en-vironnement, tout en proposantdes stratégies d’amélioration.

3.1. Evaluation de l’expé-rience de l’huile d’oliveéquitable à Mansoura

Les résultats relatifs à l’évalua-tion de l’expérience du commerceéquitable de l’huile d’olive à Man-soura sont exposés selon les troisdimensions suivantes: dimensionéconomique, dimension environne-mentale et dimension sociale.

3.1.1. Dimension écono-mique

Commerce direct: toute la pro-duction oléicole des agriculteurs appartenant au groupe del’oléiculture équitable est destinée au même acheteur quijoue le rôle d’intermédiaire entre le groupe des agriculteurset l’importateur étranger. Le porteur du projet, qui est aussiexportateur d’huile d’olive, possède une huilerie situéedans la région voisine aux exploitations. Ce contrat avec leporteur du projet représente une garantie pour les exploi-tants puisqu’ils ne possèdent pas les moyens pour transfor-mer et exporter directement leur huile d’olive. En mêmetemps, la question se pose sur la contradiction entre l’aspectassociatif et direct du commerce équitable et l’aspect com-mercial. En effet, les hommes d’affaires ou porteurs de pro-jet participent au réseau équitable, généralement, non paspar conviction idéologique mais parce qu’il s’agit d’un né-goce rentable. Cette ambivalence conduit à compromettreles principes éthiques du commerce équitable avec desconsidérations mercantiles (Renard, 2003).

En ce qui concerne le préfinancement, 67% des exploi-tants ne profitent pas de cet avantage car ils ignorent avoir

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Tableau 1 - Paramètres pour l’évaluation de l’expérience équitable.

Source: Elaboration propre.

Tableau 2 - Matrice de comparaison des facteurs internes et externes.

Source: 123business-fr.com/swotanalysis.aspx.

le droit de solliciter un tel préfinance-ment dont ils nécessitent pour dévelop-per leur activité.

Concernant le payement d’un prix jus-te, le tableau 3 résume les coûts de pro-duction selon l’exploitation, tout commeles prix minimums garantis, les prix d’a-chat, les écarts moyens entre prix d’achatet coûts de production, et les écartsmoyens entre prix d’achat et prix mini-mums garantis. Tous les prix et les coûtsaffichés sont des moyennes calculées endinars tunisiens (DT)3 sur la base desdonnées relatives aux trois campagnes2008/2009, 2009/2010 et 2010/2011.

Les coûts de production varient entre0,477DT/kg et 1,527DT/kg, avec unemoyenne de 0,790DT/kg dans le cas desolives à huile, et ils varient entre0,780DT/kg et 1,560DT/kg, avec unemoyenne de 1,130DT/kg, dans le cas del’huile d’olive. Parmi les agriculteurs en-quêtés, un seul présente un coût de production des olives àhuile élevé car il possède de nouvelles plantations, ce quijustifie ses charges opérationnelles et d’amortissement éle-vées. Quant aux charges de production de l’huile d’olive,elles ne sont pas très élevées à cause de la proximité des ex-ploitations de l’unité de transformation. En effet, les agri-culteurs ne possèdent pratiquement pas de charges detransport ni de stockage, l’unique charge de transformationétant celle de la trituration.

Le prix minimum garanti représente le prix du marchéconventionnel au moment de l’opération de vente par lesagriculteurs. Il varie entre 0,660DT/kg et 1,570DT/kg (avecune moyenne de 1,060DT/kg) dans le cas des olives à hui-le, et varie entre 3,260DT/kg et 5,040DT/kg (avec unemoyenne de 4,450DT/kg) dans le cas de l’huile d’olive.

Les prix d’achat varient entre 0,780DT/kg et 1,850DT/kg(avec une moyenne de 1,250DT/kg) dans le cas des olivesà huile, et ils varient entre 3,840DT/kg et 5,930DT/kg (avecune moyenne de 5,240DT/kg) dans le cas de l’huile d’oli-ve. Dans le cas de tous les exploitants, sauf l’agriculteurnº5, on observe que l’écart entre le prix d’achat et le coût deproduction est toujours supérieur à l’écart entre le prix d’a-chat et le prix minimum garanti adopté, qui est le prixconventionnel. Ceci démontre que les agriculteurs sont bé-néficiaires du système par le contrat d’achat. Le cas de l’ex-ploitant 5 doit être révisé pour qu’il puisse dégager des bé-néfices.

On doit signaler que 7 agriculteurs sur 12 optent pour lavente des olives au lieu de vendre l’huile d’olive. Ceci peutêtre expliqué par le manque de moyens économiques poureffectuer l’opération de trituration (malgré son faible coût

par rapport au total des coûts de production). La figure 2 ré-sume les trois paramètres (coût de production, prix mini-mum garanti et prix d’achat) dans le cas de l’olive à huileet dans le cas de l’huile d’olive (DT/kg). L’écart moyen en-tre prix d’achat et coût de production de l’olive à huile estde 0,460DT/kg. Par contre, cet écart est de 4,110DT/kgdans le cas de l’huile d’olive. Tenant en considération quele taux d’extraction moyen est de 25% (c’est-à-dire pourproduire 1kg d’huile il faut 4kg d’olives), les agriculteursqui optent pour la vente de l’huile d’olive gagnent aux alen-tours de 1,000DT/kg d’olive. Il serait important dans ce casde mettre en œuvre des mesures (augmentation du préfi-nancement, par exemple, et encadrement) pour encouragerles agriculteurs de la zone à opter pour la vente de l’huiled’olive au lieu des olives.

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3 Un dinar tunisien est équivalent à 0.52 Euros.

Tableau 3 - Paramètres économiques calculés sur les trois campagnes 2008/2009,2009/2010 et 2010/2011 (DT/kg).

Source: Enquêtes

Source: Enquêtes.

Figure 2 - Résumé des moyennes des CP, PMG et PA de l’olive et de l’huile.

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3.2.1. Dimension socialeRevenu des exploitants: le revenu agricole représente

dans le cas de tous les agriculteurs la principale source derevenu, et trois d’entre eux se dédient exclusivement à l’a-griculture (Figure 3). En comparant le revenu agricole pro-venant de l’oléiculture bio-équitable au revenu agricole to-tal (Figure 4), on peut constater que pour 60% des agricul-teurs, le revenu provenant du commerce équitable repré-sente plus de 70% du revenu agricole total. En plus, l’achatde la production oléicole se fait dans des conditions carac-térisées par une stabilité de la demande (un acheteur qui as-sure toutes les années l’achat de toute la production).

Le poids de l’oléiculture équitable dans le revenu révèlel’importance de cette expérience dans l’amélioration du ni-veau de vie des agriculteurs de la zone, tenant en considé-ration que les prix de vente sont 15% supérieurs aux prix demarché. Néanmoins, le commerce équitable est normale-ment dirigé vers les exploitants les plus défavorisés. Dansle cas étudié et prenant en compte le revenu provenant del’activité équitable, certains exploitants affichent un revenutotal très important par rapport au reste (exploitant nº6, avecun revenu de 134, DT/AN). Dans ce cas, on doit s’interro-ger sur la nécessité ou non d’intégrer tous les agriculteursdans le système, et l’importance d’intégrer d’autres agricul-teurs plus vulnérables.

Le problème se pose donc dans le choix de la populationcible du commerce équitable. En accord avec cette idée,

Daviron (2010) confirme qu’ «Il existe en effet une certai-ne probabilité pour que les populations bénéficiaires ducommerce équitable aient été dotées, avant même leur par-ticipation, d’un niveau de ressources financières, cogniti-ves, humaines, etc., supérieur à celui dont bénéficie, enmoyenne, l’ensemble de la population du pays ou de la ré-gion concernée. Cette probabilité existe parce que pouvoirparticiper au commerce équitable dépend d’un certain nom-bre de critères et donc, en particulier, de l’accès à certainesressources auxquelles l’ensemble de la population n’a pasforcément accès».

Quant à la contribution du commerce équitable au déve-loppement communautaire, on fait référence essentielle-ment aux projets entrepris par les fonds versés au dévelop-pement qu’exige le commerce équitable. Dans ce cas de fi-gure, deux projets ont été développés: le premier est repré-senté par l’achat d’un minibus pour le transport des enfantsà l’école, et le deuxième consiste en la restauration de lamosquée du village. Malgré la valeur sociale de ces deuxprojets pour les citoyens du village, reflétant leur désir d’a-méliorer leurs conditions de vie (surtout l’achat d’un mini-bus pour les enfants), ces projets ne répondent pas aux aspi-rations des citoyens. La plupart d’entre eux ont manifestéleurs besoins à l’échelle territoriale et à l’échelle de l’ex-ploitation. A l’échelle territoriale, les agriculteurs ont tousreconnu la nécessité d’améliorer l’infrastructure (routes,pistes agricoles, collèges), et améliorer la communication(accès à internet). A l’échelle de l’exploitation, les agricul-teurs ont manifesté leurs besoins en matériels agricoles, enmains d’œuvre spécialisées (surtout la taille des oliviers),en travaux de CES, et l’exigence d’améliorer les réseauxd’irrigation, ainsi que leur besoin en préfinancement.

Concernant la gestion démocratique et transparente, ontrouve que les producteurs enquêtés sont réunis autour d’ungroupe de production. Ce groupe est informel puisqu’iln’est pas enregistré ni possède des représentants élus. Maisun effort est déployé par l’ensemble des intervenants (orga-nisme certificateur, porteur de projet, et agriculteurs) pourformaliser ce groupe. Ces résultats confirment l’importancedu commerce équitable dans l’organisation des agricul-teurs. D’autres études sont parvenus aux mêmes résultats(Chokin-Kuper et al., 2009; Ronchi, 2002; Raynolds,2002). Quant à leur connaissance du concept de commerceéquitable, les agriculteurs ont manifesté une méconnaissan-ce des principes équitables et même de l’expérience équita-ble en tant que telle. Leur intérêt se limite souvent à l’aspectcommercial et à l’opportunité de commercialiser à un prixjuste. Ces résultats vont dans le même sens que d’autres ré-sultats de recherches antérieures (Chokin-Kuper et al.,2009; Renard, 1999). La participation de la femme à cetteexpérience est inexistante étant donné que tous les chefsd’exploitation sont des hommes. Quant au travail des en-fants, aucun cas n’a été enregistré, au contraire tous les pa-rents étaient préoccupés par les études de leurs enfants etl’amélioration de leurs conditions de vie.

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Figure 3 - Part du revenu agricole par rapport au revenu total.

Source: Enquêtes.

Figure 4 - Part du revenu oléicole bio-équitable par rapport aurevenu agricole.

Source: Enquêtes.

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3.1.3. Dimension environnementaleS’agissant de la dimension environnementale, les agricul-

teurs pratiquent tous l’agriculture biologique et l’huile d’o-live commercialisée équitable est biologique. Ils respectentles normes du cahier des charges, assurant aussi une écono-mie de l’eau et une bonne gestion des déchets. Cette di-mension prend de plus en plus d’importance dans le com-merce équitable; ainsi en 2008, 48% des producteurs certi-fiés par Fairtrade Labelling Organisations étaient aussi cer-tifiés biologiques (Cameron, 2009).

3.2. Analyse SWOT et stratégies de dévelop-pement3.2.1. Matrice SWOT

La matrice SWOT a été élaborée à partir des déclarationset des informations recueillies auprès des différents acteurs(premier acheteur, agriculteurs, organisme certificateur),ainsi que des réflexions des chercheurs réalisant ce travail(Tableau 4).

Les forces identifiées sont de deux types. En premier lieu,des forces liées à l’expérience équitable: l’originalité de l’ex-périence du commerce équitable de l’huile d’olive qui repré-sente une opportunité sur un marché de niche peu développé;la valeur ajoutée obtenue à travers le payement d’un prix jus-te pour la plupart des cas; la stabilité des revenus assurés auxagriculteurs et l’existence d’un fonds pour le développement.En deuxième lieu, des forces liées à l’exploitation: l’impor-tance de l’oléiculture en tant que composante principale desexploitations étudiées; la proximité géographique entre legroupe de production, l’huilerie et le premier acheteur; la bon-ne qualité de l’huile d’olive produite et le respect du cahierdes charges par les agriculteurs.

Les faiblesses sont associées, d’une part, aux écarts par rap-port aux principes équitables et, d’autre part, à des problèmesde gestion à l’échelle de l’exploitation et à l’échelle de la com-mercialisation. En effet, quant aux écarts par rapport aux prin-cipes équitables, on remarque la présence d’un intermédiaireentre le groupe de production et l’importateur, ce qui est dûprincipalement à l’inexistence d’une structure organisée for-

melle des agriculteurs et à un manque decompréhension du contexte équitable parles agriculteurs concernés. Une autre fai-blesse détectée est liée à la sélection desagriculteurs les plus nécessiteux de ce gen-re d’acte, avec l’existence d’agriculteurspluriactifs et ayant des revenus relative-ment élevés. Cette faiblesse est due essen-tiellement au privilège d’accès à l’informa-tion, donc un effort doit être réalisé à cetégard. Quant à la gestion de l’exploitation,une insuffisance est enregistrée sur le plande la modernisation des exploitations quipeut être imputable à la difficulté d’accèsaux crédits. Une faiblesse est aussi obser-vée au niveau de la commercialisation: eneffet, plusieurs agriculteurs optent pour lavente des olives au lieu de vendre de l’hui-le d’olive malgré l’écart considérable entreles bénéfices obtenus. D’autres faiblessessont détectées telles que l’absence de parti-cipation des femmes et la participation li-mitée aux décisions relatives aux projets dedéveloppement.

Les opportunités sont liées, d’une part, àla dynamique mondiale et, d’autre part, aucontexte national. Concernant la dyna-mique mondiale, une expansion claire dumarché biologique est confirmée malgré lacrise mondiale (Tagbata et al., 2009). Lemarché du commerce équitable est un mar-ché de niche en progression continue (Ca-meron, 2009). Le commerce équitable off-re un circuit de commercialisation clair etun marché de destination garanti. Quant aucontexte national, le commerce équitable

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Tableau 4 - Matrice SWOT du commerce équitable de l’huile d’olive à Mansoura.

Source: Elaboration propre.

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est une opportunité à saisir, surtout dans un secteur crucialpour le développement de plusieurs zones rurales.

Finalement, concernant les menaces, deux éléments princi-paux s à souligner. Une première menace est imputable à ladépendance du commerce équitable vis-à-vis du marché inter-national, surtout celui du Nord, et à la quasi-absence de mar-ché au niveau local et dans les autres pays du Sud. Les orga-nisations de producteurs et d’artisans, actives dans le com-merce équitable, considèrent qu’elles ne doivent pas limiterleur champ à l’exportation vers le Nord, mais qu’elles doiventpouvoir se renforcer en développant des filières locales pourleurs produits. De nombreuses ONG reconnaissent l’impé-rieuse nécessité de réduire la dépendance des pays du Sud vis-à-vis des marchés du Nord. En effet, une nouvelle tendancevise à créer, développer et/ou renforcer des filières de produc-tion et de consommation équitables localisées dans les paysdu Sud (Afrique, Amérique latine, Asie). La deuxième mena-ce est représentée par l’existence d’autres pays du Sud pro-ducteurs d’huile d’olive qui peuvent bénéficier de cette mêmeexpérience et entrer en concurrence avec la Tunisie.

3.2.2. Stratégies de développementLes stratégies de développement proposées sont les suivan-

tes (Tableau 5): Stratégies d’attaque: des forces liées à l’expérience équitable

et son rôle dans l’amélioration des revenus des agriculteurs etde l’oléiculture, notamment l’oléiculture biologique, commecomposante principale dans la région et sa proximité par rap-port aux producteurs. Ces forces, conjuguées avec l’expansionde l’agriculture biologique et le commerce équitable à l’échel-le mondiale, et l’importance de l’oléiculture dans le dévelop-pement rurale nous conduisent à proposer deux stratégies of-fensives. La première concerne le cas étudié, à travers l’exten-

sion de l’expérience à d’autres oléiculteurs de la région. Ladeuxième concerne le secteur en général et consiste à repro-duire l’expérience dans d’autres zones où l’oléiculture est unecomposante principale pour le développement.

Stratégies d’ajustement: A partir des forces et des menaces,on peut dégager deux stratégies. La première consiste à créerun marché local de vente des produits équitables et chercherd’autres destinations pour minimiser la dépendance vis-à-visdes pays du Nord. La deuxième consiste à jouer sur la qualitéet l’image ainsi que sur la variation des produits issus de l’hui-le (produits cosmétiques, huiles aromatisées, etc.) pour mieuxconcurrencer les marchés du Sud où le commerce équitable estdéjà développé.

Stratégies de défense: Les stratégies de renforcement serontdéterminées à partir des faiblesses et des opportunités. En effet,ces stratégies porteront essentiellement sur les mesures pourpalier les écarts et la mauvaise gestion. Et ceci, tout en consi-dérant l’opportunité que représente le bio-équitable comme al-ternative aux zones rurales tunisiennes où l’olivier est une com-posante principale de développement. Ces mesures de renfor-cement seront: la formation d’un groupe formel d’agriculteurs,un programme de formation et d’information à l’intention desagriculteurs pour qu’ils puissent prendre plus de consciencedes valeurs équitables et de leurs droits au préfinancement, del’importance de participer aux décisions, surtout en matière deprojets de développement et de leurs stratégies de Marketing;la révision et l’extension de la liste des bénéficiaires afin d’of-frir plus d’opportunités à des gens plus nécessiteux. Enfin, éla-borer un programme d’intégration des femmes, si elles le dési-rent, portant par exemple sur des activités artisanales qui peu-vent être liées à l’olivier. Quant à la faiblesse découlant del’existence d’un intermédiaire, une stratégie de renforcementsemble inadéquate, vu l’importance de cet intermédiaire en tant

que porteur de projet, ayant les moyens éco-nomiques nécessaires pour la continuité duprojet.

Stratégies de survie: elles sont établies en sebasant sur les faiblesses et les menaces. Cettesituation est la plus difficile car on est en trainde gérer des faiblesses qui représentent unempêchement à réagir, mais aussi des mena-ces pour son propre environnement sans pourautant entrevoir des opportunités. Compte te-nu de cette situation, la première stratégie desurvie à entreprendre est le renforcement desrelations entre les différents maillons du com-merce équitable (agriculteurs, porteur de pro-jet et importateurs): cette relation de proximi-té émotionnelle et éthique peut devenir unfacteur de force pour faire face à des situa-tions de difficulté. La diversification des acti-vités et le maintien de quelques activités horsdu contexte équitable peuvent représenter unealternative de survie en cas de stagnation del’activité équitable, offrant une certaine auto-nomie aux agriculteurs.

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Source: Elaboration propre.

Tableau 5 - Les stratégies proposées.

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4. ConclusionCette étude a évalué une expérience de commerce équitable

dans le secteur oléicole tunisien à Mansoura, dans le Gouverno-rat de Siliana. L’analyse a permis de comparer les principeséquitables et le niveau de réalisation et de déterminer, par consé-quent, les niveaux d’écart. Les résultats ont révélé des écarts en-tre les principes et objectifs du bio-équitable et leur réalisation.Ces écarts sont enregistrés principalement au niveau des deuxdimensions économique et sociale alors que pour la dimensionenvironnementale, le degré d’accomplissement est très satisfai-sant. Quant à la dimension économique: i) un faible écart est en-registré au niveau du payement d’un prix juste, d’où la nécessi-té d’adéquation du prix de référence (prix minimum garanti) auxcoûts de production dans certains cas particuliers, et ii) un grandécart concernant le caractère direct souhaité du commerce équi-table, vu la présence d’un intermédiaire. Cet écart ne peut pas êt-re atténué étant donné l’impossibilité de développer cette expé-rience sans la collaboration de l’intermédiaire qui est à la foisporteur de projet, propriétaire de l’unique huilerie de la zone etexportateur. Quant à la dimension sociale, deux aspects sont àconsidérer qui révèlent un écart très accentué: i) la majorité desagriculteurs cibles sont pluriactifs et/ou sont de moyens produc-teurs, ce qui est en contradiction avec l’un des principes fonda-mentaux du commerce équitable, qui devrait viser les agricul-teurs les plus défavorisés pour qui l’agriculture est l’unique sour-ce de revenu; ii) les agriculteurs ne sont pas organisés en ungroupement formel, et ils n’ont généralement aucune connais-sance du commerce équitable, ce qui crée un écart avec les prin-cipes de gouvernance démocratique et de transparence requispar le commerce équitable. La participation de la femme n’étaitpas appréciée au niveau de cette activité. Une étude plus appro-fondie sur cet aspect devrait donc être entreprise.

L’analyse SWOT a permis de faire ressortir les facteurs inter-nes et externes qui sont utiles pour la réalisation des objectifs ducommerce équitable et ceux qui représentent des opportunités oudes menaces. Une comparaison des facteurs internes et externesa permis d’établir des stratégies de développement. Sur la basede la matrice SWOT élaborée, quatre types de stratégies d’amé-lioration ont été avancées: i) des stratégies d’attaque, renfermantles mesures suivantes: une extension de l’expérience à d’autresoléiculteurs de la région et une reproduction de l’expériencedans d’autres zones où l’oléiculture est une composante princi-pale de développement; ii) des stratégies d’ajustement représen-tée par la création d’un marché local pour le commerce équita-ble et la recherche d’autres destinations, l’amélioration de laqualité et de l’image pour mieux concurrencer, la diversificationdes produits issus de l’huile (produits cosmétiques, huiles aro-matisées, etc.); iii) des stratégies de défense pour lesquelles lesmesures suivantes ont été proposées: la formation d’un groupeformel d’agriculteurs; l’organisation de cycles de formation etd’information à l’intention des agriculteurs; la révision et l’ex-tension de la liste des bénéficiaires; l’élaboration d’un program-me pour l’intégration des femmes; iv) des stratégies de survie in-cluant les mesures suivantes: le renforcement de la relation ent-re les différents maillons du commerce équitable (agriculteurs-

porteur du projet et importateurs), et le maintien de quelques ac-tivités hors contexte équitable pour assurer l’indépendance desagriculteurs.

L’expérience du commerce équitable de l’huile d’olive à Man-soura, malgré les difficultés enregistrées, représente un point dedépart qui peut s’avérer utile pour d’autres expériences. Un plusgrand effort doit être réalisé par les services de développementet les organismes impliqués afin de préserver les aspectséthiques qui représentent l’essence de ce genre de commerce.Une telle implication peut freiner l’éloignement de ce genre decommerce de ses objectifs et sa considération comme une acti-vité commerciale supplémentaire.

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