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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation Quatrième édition Maureen Woodhall Paris 2004 UNESCO : Institut international de planification de l’éducation Institut international de planification de l'éducation http://www.unesco.org/iiep

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L’analyse coût-bénéficedans la planificationde l’éducationQuatrième édition

Maureen Woodhall

Paris 2004UNESCO : Institut international de planification de l’éducation

Institut international de planification de l'éducation http://www.unesco.org/iiep

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Principes de la planification de l’éducation – 80

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Dans cette collection* :1. Qu’est-ce que la planification de l’éducation ? P.H. Coombs2. Les plans de développement de l’éducation et la planification économique et sociale, R. Poignant3. Planification de l’éducation et développement des ressources humaines, F. Harbison4. L’administrateur de l’éducation face à la planification, C.E. Beeby5. Le contexte social de la planification de l’éducation, C.A. Anderson6. La planification de l’enseignement : évaluation des coûts, J. Vaizey, J.D. Chesswas7. Les problèmes de l’enseignement en milieu rural, V.L. Griffiths8. Le rôle du conseiller en planification de l’enseignement, A. Curle9. Les aspects démographiques de la planification de l’enseignement, T.N. Châu (épuisé, voir n° 72)10. Coûts et dépenses en éducation, J. Hallak11. L’identité professionnelle du planificateur de l’éducation, A. Curle12. Planification de l’éducation : les conditions de réussite, G.C. Ruscoe13. L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation, M. Woodhall14. Planification de l’éducation et chômage des jeunes, A. Callaway16. Planification de l’éducation pour une société pluraliste, C. Hon-chan17. La planification des programmes d’enseignement primaire dans les pays en voie de développement, H.W.R. Hawes18. Planification de l’aide à l’éducation pour la deuxième décennie du développement, H.M. Phillips19. Les études à l’étranger et le développement de l’enseignement, W.D. Carter20. Pour une conception réaliste de la planification de l’éducation, K.R. McKinnon21. La planification de l’éducation en relation avec le développement rural, G.M. Coverdale22. La planification de l’éducation : options et décisions, J.D. Montgomery23. La planification du programme scolaire, A. Lewy24. Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de technologies éducatives, D.T. Jamison25. Le planificateur et l’éducation permanente, P. Furter26. L’éducation et l’emploi : une étude critique, M. Carnoy27. Planification de l’offre et de la demande d’enseignants, P. Williams28. Planification de l’éducation préscolaire dans les pays en développement, A. Heron29. Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu :

répercussions sur la planification, E.G. McAnany, J.K. Mayo30. La planification de l’éducation non formelle, D.R. Evans31. Education, formation et secteur traditionnel, J. Hallak, F. Caillods32. Enseignement supérieur et emploi : l’expérience de l’IIPE dans cinq pays en développement,

G. Psacharopoulos, B.C. Sanyal33. La planification de l’éducation comme processus social, T. Malan34. Enseignement supérieur et stratification sociale : une comparaison internationale, T. Husén35. Un cadre conceptuel pour le développement de l’éducation permanente en URSS, A. Vladislavlev36. Education et austérité : quelles options pour le planificateur ? K.M. Lewin37. La planification de l’éducation en Asie, R. Roy-Singh38. Les projets d’éducation : préparation, financement et gestion, A. Magnen39. Accroître l’efficacité des enseignants, L. Anderson40. L’élaboration des programmes scolaires à l’échelon central et à l’échelon des écoles, A. Lewy41. Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques, O. Bertrand (épuisé, voir n° 75)42. Redéfinition de l’éducation de base en Amérique latine : les enseignements de l’Ecole Nouvelle colombienne,

E. Schiefelbein43. La gestion des systèmes d’enseignement à distance, G. Rumble44. Stratégies éducatives pour les petits États insulaires, D. Atchoarena45. Evaluation de la recherche en éducation fondée sur l’expérimentation et sur les enquêtes, R.M. Wolf46. Droit et planification de l’éducation, I. Birch47. Utilisation de l’analyse sectorielle de l’éducation et des ressources humaines, F. Kemmerer48. Analyse du coût de l’insertion scolaire des populations marginalisées, M.C. Tsang49. Un système d’information pour la gestion fondé sur l’efficience, W.W. McMahon50. Examens nationaux : conception, procédures et diffusion des résultats, J.P. Keeves51. Le processus de planification et de formulation des politiques d’éducation : théorie et pratiques,

W.D. Haddad, assisté par T. Demsky52. À la recherche d’un enseignement adapté : l’orientation vers le travail dans l’éducation, W. Hoppers53. Planifier pour l’innovation en matière d’éducation, D.E. Inbar54. Analyse fonctionnelle de l’organisation des ministères d’éducation, R. Sack, M. Saïdi55. Réduire les redoublements : problèmes et stratégies, T. Eisemon56. Faire davantage participer les filles et les femmes à l’éducation, N. P. Stromquist57. Installations et bâtiments éducatifs : ce que les planificateurs doivent savoir, J. Beynon58. La planification de programmes d’alphabétisation des adultes centrés sur les élèves, S.E. Malone, R.F. Arnove59. Former les enseignants à travailler dans des établissements et/ou des classes réputés difficiles, J.-L. Auduc60. L’évaluation de l’enseignement supérieur, J.L. Rontopoulou61. À l’ombre du système éducatif. Le développement des cours particuliers :

conséquences pour la planification de l’éducation, M. Bray62. Une gestion plus autonome des écoles, I. Abu-Duhou63. Mondialisation et réforme de l’éducation : ce que les planificateurs doivent savoir, M. Carnoy64. La décentralisation dans l’éducation : pourquoi, quand, quoi et comment? T. Welsh, N.F. McGinn65. L’éducation préscolaire : besoins et possibilités, D. Weikart66. La planification de l’éducation dans le contexte du VIH/sida, M.J. Kelly67. Aspects légaux de la planification et de l’administration de l’éducation, C. Durand-Prinborgne68. Améliorer l’efficacité de l’école, J. Scheerens69. La recherche quantitative au service des politiques éducatives : le rôle de l’analyse de la littérature, S.J.Hite70. La cyberformation dans l’enseignement supérieur : développement de stratégies nationales, T. Bates71. L’évaluation pour améliorer la qualité de l’enseignement, T. Kellaghan, V. Greaney72. Les aspects démographiques de la planification de l’éducation, T.N. Châu73. Planifier l’éducation en situation d’urgence et de reconstruction, M. Sinclair74. La privatisation de l’éducation : causes, effets et conséquences pour la planification, C.R. Belfield ; H.M. Levin75. Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques, O. Bertrand76. Les classes multigrades : une contribution au développement de la scolarisation en milieu rural africain ?

E. Brunswic,J. Valérien77. Les TIC et l’éducation dans le monde – tendances, enjeux et perspectives, W.J. Pelgrum, N. Law78. Inégalités sociales à l’école et politiques éducatives, M. Duru-Bellat79. Accroître l’efficacité des enseignants, L.W. Anderson* Série publiée également en anglais. Autres titres à paraître.

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L’Agence suédoise d’aide au développement international (Asdi) afourni une aide financière pour la publication de cette brochure.

Les idées et les opinions exprimées dans ce volume sont celles del’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’UNESCOou de l’IIPE. Les appellations employées dans ce volume et laprésentation des données qui y figurent n’impliquent de la part del’UNESCO ou de l’IIPE aucune prise de position quant au statutjuridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, niquant à leurs frontières ou limites.

La publication de ce document a été financée grâce à la subventionde l’UNESCO et aux contributions de plusieurs États membres del’UNESCO dont la liste figure à la fin de ce document.

Titre de l’original :Cost-benefit analysis in educational planning (Fourth edition)

Publié en 2004 par l’Organisation des Nations Uniespour l’éducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75007 Paris

Ouvrage traduit de l’anglais

Maquette de couverture : Pierre FinotComposition : Linéale ProductionImprimé en Espagne par Marco Gráfico, S.L.

ISBN 92-803-2259-1© UNESCO 1970, 1980, 1992 et 2004

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Principes de la planification de l’éducation

Les brochures de cette collection sont destinées principalement àdeux catégories de lecteurs : ceux qui occupent déjà des fonctionsdans l’administration et la planification de l’éducation, dans les paysen développement comme dans les pays industrialisés ; et d’autres,moins spécialisés – hauts fonctionnaires et hommes politiques, parexemple – qui cherchent à connaître de façon plus générale lemécanisme de la planification de l’éducation et les liens qui larattachent au développement national dans son ensemble. Cesbrochures sont, de ce fait, destinées soit à l’étude individuelle, soit àdes cours de formation.

Depuis le lancement de cette collection en 1967, les pratiques etles concepts de la planification de l’éducation ont subi d’importantschangements. Plusieurs des hypothèses qui étaient sous-jacentes auxtentatives antérieures de rationaliser le processus du développementde l’éducation ont été critiquées ou abandonnées. Toutefois, si laplanification centralisée, rigide et obligatoire, s’est manifestementrévélée inadéquate, toutes les formes de planification n’ont pas étéabandonnées. La nécessité de rassembler des données, d’évaluerl’efficacité des programmes en vigueur, d’entreprendre des étudessectorielles et thématiques, d’explorer l’avenir et de favoriser un largedébat sur ces bases s’avère au contraire plus vive que jamais, pourorienter la prise de décisions et l’élaboration des politiques éducatives.

La planification de l’éducation a pris une envergure nouvelle.Outre les formes institutionnelles de l’éducation, elle porte à présentsur toutes les autres prestations éducatives importantes dispenséeshors de l’école. L’intérêt consacré à l’expansion et au développementdes systèmes éducatifs est complété, voire parfois remplacé, par lesouci croissant d’améliorer la qualité du processus éducatif dans sonensemble et de contrôler les résultats obtenus. Enfin, planificateurs etadministrateurs sont de plus en plus conscients de l’importance desstratégies de mise en œuvre et du rôle joué à cet égard par les divers

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Principes de la planification de l’éducation

mécanismes de régulation : choix des méthodes de financement,d’examen et de délivrance des certificats et diplômes, ou d’autresstructures de régulation et d’incitation. La démarche des planificateursrépond à une double préoccupation : mieux comprendre la valeur et lerôle de l’éducation par l’observation empirique des dimensionsparticulières qui sont les siennes, et contribuer à définir des stratégiespropres à amener le changement.

Ces brochures ont pour objet de refléter l’évolution et leschangements des politiques éducatives et de mesurer leurs effets surla planification de l’éducation ; de mettre en lumière les questions quise posent actuellement en la matière et de les analyser dans leur contextehistorique et social ; et de diffuser des méthodes de planificationpouvant s’appliquer aussi bien aux pays en développement qu’auxpays industrialisés.

Afin d’aider l’Institut à bien identifier les préoccupations actuellesdans les domaines de la planification et de l’élaboration des politiquesde l’éducation dans diverses parties du monde, un Comité de rédactiona été mis en place. Il comprend deux rédacteurs en chef et cinqrédacteurs associés, venus de différentes régions, tous éminentsspécialistes dans leurs domaines respectifs. Lors de la première réunionde ce nouveau Comité de rédaction en janvier 1990, ses membres ontdéfini les sujets les plus importants à traiter dans les numéros ultérieurssous les rubriques suivantes :

1. L’éducation et le développement.2. L’équité.3. La qualité de l’éducation.4. Structure, administration et gestion de l’éducation.5. Les programmes d’enseignement.6. Coût et financement de l’éducation.7. Techniques et approches de la planification.8. Systèmes d’information, suivi et évaluation.

Chaque rubrique est confiée à un ou deux rédacteurs.

La collection correspond à un plan d’ensemble soigneusementétabli, mais aucune tentative n’a été faite pour éliminer les divergences,

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Principes de la planification de l’éducation

voire les contradictions, entre les points de vue exposés par les auteurs.L’Institut, pour sa part, ne souhaite imposer aucune doctrine officielle.S’il reste entendu que les auteurs sont responsables des opinions qu’ilsexpriment – et qui ne sont pas nécessairement partagées par l’UNESCOet l’IIPE –, elles n’en sont pas moins dignes de faire l’objet d’unvaste débat d’idées. Cette collection s’est d’ailleurs fixé comme objectifde refléter la diversité des expériences et des opinions en donnant àdes auteurs venus d’horizons et de disciplines très variés la possibilitéd’exprimer leurs idées sur l’évolution des aspects théoriques et pratiquesde la planification de l’éducation.

Cet ouvrage sur L’analyse coût-bénéfice dans la planificationde l’éducation a été imprimée pour la première fois en 1970. Lapratique de la planification de l’éducation a depuis énormément évolué,mais le besoin perdure de fonder des décisions solides sur une analysedes coûts et des bénéfices. Le débat houleux concernant la validité decette méthode s’est apaisé, et il est maintenant largement reconnu quel’analyse coût-bénéfice et les taux de retour ne sont pas les seulscritères à prendre en compte pour planifier l’éducation et prendre desdécisions politiques. Ces éléments sont néanmoins importants, et cetouvrage est très demandé par les planificateurs. Le Comité derédaction a estimé qu’avant de publier une quatrième édition, il étaitnécessaire de demander à Maureen Woodhall de le revoirentièrement, afin de prendre en compte les dernières évolutions enmatière d’analyse coût-bénéfice. Nous lui sommes très reconnaissantsd’avoir accepté d’enrichir l’ouvrage du fruit de sa vaste expérience,qui comprend 40 années de publications sur des thèmes concernantl’économie de l’éducation. Conférencière émérite de l’Institute ofEducation à l’Université de Londres, et consultante pour denombreuses organisations internationales, elle est la personne la mieuxplacée pour écrire un tel ouvrage – l’un des classiques de cettecollection.

Gudmund HernesDirecteur, IIPE

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Composition du Comité de rédaction

Président : Gudmund HernesDirecteur, IIPE

Rédacteurs en chef : Françoise CaillodsDirectrice adjointe, IIPET. Neville Postlethwaite(Professeurémérite)Université de HambourgAllemagne

Rédacteurs associés : François OrivelIREDU, Université de BourgogneFrance

Eric HanushekUniversité de StanfordÉtats-Unis

Claudio de Moura CastroFaculdade PitágorasBrésil

Kenneth N. RossIIPE

Richard SackConsultant InternationalFrance

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Préface

De tout ce qui a été écrit sur la planification de l’éducation depuis dixans, il n’est rien qui ait plus éveillé la suspicion des enseignants et desadministrateurs que l’analyse coût-bénéfice. Sans doute ont-ils accueilliavec assez de satisfaction la conclusion des économistes, à savoirque l’éducation est un bon investissement – ils en étaient déjàconvaincus, sans avoir besoin de recourir à des modèlesmathématiques ; mais ils n’ont pas admis que, corollairement, lorsquel’éducation dispute à d’autres investissements des ressources limitées,son efficacité puisse être mise en parallèle avec celle de nouvellesréalisations – construction de routes, fabrication d’engrais ouinstallation d’usines – et ils ont vivement insisté pour que les produitsles plus importants de l’éducation continuent à passer à travers lesmailles du filet économique, si finement tissé qu’il fût. Les économistesn’ont pas fait grand-chose pour dissiper les craintes des enseignants :ils étaient si absorbés à en discuter entre eux qu’ils n’avaient guèrele temps de leur expliquer, en langage compréhensible, de quoi ils’agissait.

Cette brochure se propose d’éclairer les praticiens de l’éducation,ce qui ne veut pas dire que certains économistes ne la liront pas avecprofit. Le début en est d’une simplicité presque trompeuse ; mais, parla suite, elle aborde l’examen de problèmes difficiles qui ont embarrasséles économistes eux-mêmes – et cela sans employer leur jargon.Quelque suspicion que le spécialiste de l’éducation puisse garder àl’égard de Maureen Woodhall en tant qu’économiste, il ne pourras’empêcher, quand il aura lu cet essai, de l’admirer comme professeur ;c’est une chance que ce soit elle qui fasse comprendre une professionà l’autre. Elle n’attribue pas une valeur excessive aux techniques qu’elleexpose ; elle insiste pour que l’analyse coût-bénéfice « ne soit pas lecritère unique pour la planification de l’éducation », mais elle demandeque cette analyse « soit un élément important de la prise de décision[...] Toute planification consiste à choisir entre des possibilitésdifférentes. Quand bien même l’analyse coût-bénéfice ne servirait qu’ànous rappeler cette vérité, elle aurait une importance pratique ». Toutadministrateur de l’éducation qui ignorera cette vérité ira désormais

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Préface

au-devant d’ennuis. Notamment dans les pays en développement,les crédits alloués à l’éducation au cours des dernières années ontabsorbé une part croissante des budgets nationaux et les ministresdes Finances sont les derniers à oublier qu’il est d’autres manièresintéressantes de dépenser l’argent de la nation et que les économistesleur ont procuré un instrument qui, pour rudimentaire qu’il soit, passepour évaluer l’efficacité des diverses sortes de dépenses. Ainsil’administrateur qui insiste pour obtenir des crédits plus importantspour l’école doit-il être prêt à défendre sa cause avec des argumentsmoins sommaires – économiquement et socialement parlant – queceux dont beaucoup d’entre nous se sont servis dans le passé. Avertides hypothèses générales sur lesquelles reposent certaines évaluationsnumériques aussi bien des coûts que des profits, l’administrateur enéducation peut, à l’occasion, mettre en doute les chiffres auxquels onaboutit ; mais le raisonnement qui sous-tend les calculs n’est pas sifacile à contester et plus tôt l’administrateur essaiera de le maîtriser,mieux cela vaudra pour lui, puisqu’il est probable qu’il le rencontrerade plus en plus souvent au cours de sa carrière administrative. Cettebrochure peut lui venir en aide.

Extrait de la préface à l’édition de 1970, par C. E. Beeby

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Table des matières

Principes de la planification de l’éducation 5Préface 11Liste des abréviations 15Liste des tableaux 16Liste des figures 17Introduction à la quatrième édition 19I. L’objet de l’analyse coût-bénéfice 25

Investissement en capital humain 25Analyse coût-bénéfice et analyse coût-efficacité 28

II. Évaluation des coûts 33Le concept de coût d’opportunité 33Coûts sociaux et coûts privés 34Progrès accomplis dans l’analyse des coûts d’opportunité 39

III. Évaluation des bénéfices 41Les gains, critère d’évaluation des bénéfices directs 41Autres critères d’évaluation des bénéfices directs 44Bénéfices indirects et externalités 45

IV. Évaluation de la valeur actualisée des flux monétaires 47V. Taux de rendement de l’investissement éducatif 51VI. Objections à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice

en éducation 55Premières critiques : les années 1960 55Aptitudes naturelles et éducation 56L’éducation : processus de filtrage ou de sélection 59Gains et productivité 61Retombées de l’éducation 63Chômage et taux de rendement 65Passé, présent et avenir 65La signification du taux de rendement privé 67Critiques plus récentes : les années 1980 et 1990 68Réponses aux critiques 70

VII. Calcul des taux de rendement 73Collecte des données concernant les gains et tracéde profils âge-gains 73

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Table des matières

Correction des données concernant les gains et les coûts 77Calcul du taux de rendement social et du taux de rendementprivé 78

VIII. Autres méthodes de calcul des taux de rendement 81La méthode « complète » 81La méthode de fonction de gains 84La méthode « abrégée » 87L’ inverse de la méthode coût-bénéfice 89

IX. Interprétation des taux de rendement : comparaisons 91Comparer l’éducation et d’autres formes d’investissementsocial 92Comparer différents niveaux d’éducation 93Comparer différents types d’éducation 94Comparer taux de rendement social et taux de rendement privé 95Comparer les taux de rendement chez les hommeset chez les femmes 96Analyser l’évolution des taux de rendement en fonctiondu temps 97Comparaisons internationales 98Définir des profils mondiaux 98

X. Exemples d’application de l’analyse coût-bénéficeà l’éducation 101Évaluer l’investissement éducatif : les années 1960 et 1970 101Les années 1980 et 1990 104Investir dans l’éducation : études récentes menéesdans des pays de l’OCDE et en Europe 110Évaluer des projets d’éducation dans des pays endéveloppement 111

XI. L’analyse coût-bénéfice, un guide pour l’élaborationdes politiques 115Répartition des ressources 115Financement de l’enseignement supérieur 120Évaluation préalable de projets 124

XII. Conclusions : l’utilité pratique de l’analyse coût-bénéficedans la planification de l’éducation 129

Références 135Autres ouvrages, sources d’information et ressources à consulter 142

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Liste des abréviations

CB Coût-bénéficeCE Coût-efficacitéEU États-UnisHECS Higher Education Contribution SchemeIME Indicateurs mondiaux de l’éducationOCDE Organisation de coopération et de développement

économiquesPURE Public funding and private returns to educationSAR Staff Appraisal ReportUNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la

science et la culture

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Liste des tableaux

Tableau 2.1 Coûts sociaux et privés de l’éducationTableau 4.1 Croissance à intérêt composé et valeur actuelle au taux

de 10 %Tableau 7.1 Calcul du rendement social et du rendement privé de

l’enseignement supérieur en milieu urbain, Inde,1960-1961

Tableau 7.2 Coût direct, social et privé de l’enseignement supérieurpar étudiant, Inde, 1960-1961 (en roupies par an)

Tableau 7.3 Calcul du taux de rendement social de l’enseignementsupérieur en Inde

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Liste des figures

Figure 3.1 Profils âge-gains : par niveau d’éducation, Inde, milieuurbain

Figure 8.1 Valeur actuelle, réduite de l’escompte, du rendement socialnet de l’enseignement supérieur en Inde

Figure 8.2 Profil âge-gains utilisé pour calculer le taux de rendementselon la méthode « complète »

Figure 8.3 Profil âge-gains utilisé pour calculer le taux de rendementà l’aide des fonctions de gains ou de la méthode« abrégée »

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Introduction à la quatrième édition

La première édition de cet ouvrage a été publiée par l’IIPE en 1970.À cette époque, l’économie de l’éducation en était encore à ses débutset l’analyse coût-bénéfice était une technique relativement nouvelleet controversée. En 1969, date à laquelle cette première édition a étérédigée, partisans et adversaires de l’analyse coût-bénéfice se livraientà une vive polémique au travers de diverses publications consacréesà l’économie de l’éducation et à la planification de l’éducation.L’introduction de l’ouvrage reconnaissait que « l’analyse coût-bénéfice en matière d’éducation, telle qu’elle se pratique généralementà travers le monde, est critiquable à de nombreux égards ». Leschapitres suivants analysaient les objections opposées à cetteapproche, tout en l’expliquant en termes simples et en l’étayantd’exemples relatifs à des analyses coût-bénéfice pratiquées dansdifférents pays, qu’ils soient développés ou en développement. Unedeuxième édition, légèrement modifiée, a été publiée en 1980, suivied’une troisième édition, en 1992.

Dans ces deuxième et troisième éditions, les modifications étaientrelativement mineures, se limitant pour l’essentiel à quelques brèvesréférences faites à des recherches théoriques et empiriques plus récenteset, entre autres, aux critiques formulées à l’encontre des techniquesde l’analyse coût-bénéfice, comme « l’hypothèse de filtrage », et à lacontroverse persistante sur l’impact relatif de l’éducation et desaptitudes naturelles sur les gains, ainsi qu’à des exemplescomplémentaires relatifs à des analyses coût-bénéfice en matièred’éducation et à des estimations de taux de rendement. La conclusionrestait fondamentalement inchangée : l’analyse coût-bénéfice peut êtreun instrument de travail utile pour les planificateurs de l’éducationdans la mesure où elle fournit un cadre conceptuel pour l’évaluationd’autres propositions ou projets et où elle procure des indicateursd’investissement à partir d’estimations approximatives de la rentabilitéde différents types d’éducation ou de différents schémas d’affectationde ressources. Mais il ne s’agit nullement d’une formule miracle.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

L’analyse coût-bénéfice était bien présentée comme une techniqueutile qui a toute sa place dans la boîte à outils du planificateur del’éducation et qu’il convient d’utiliser en association avec d’autrestechniques, comme l’analyse coût-efficacité ou l’analyse du marchéde l’emploi des travailleurs instruits, plutôt que comme seul indicateurdes choix à faire en matière d’investissement. La conclusion l’exprimaittrès clairement : « [L’analyse coût-bénéfice] n’apporte pas une solutionautomatique aux problèmes de l’affectation des ressources » et « Sile calcul numérique des taux de rendement a son utilité, il est plusimportant de chercher une manière systématique de comparer les coûtset les bénéfices d’un projet et d’équilibrer les uns et les autres que defaire des estimations exactes des taux de rendement » (troisièmeédition, p. 56 et 58).

Trente-cinq ans après la première édition, l’auteur maintient cesconclusions, tout en reconnaissant que la pratique de la planificationde l’éducation et l’analyse coût-bénéfice ont toutes deux évolué defaçon très sensible. Dans l’intervalle, défenseurs et opposants ontcontinué d’exprimer leurs points de vue, avec toujours plus devéhémence, sur la valeur et la fiabilité des taux de rendement del’investissement dans le champ éducatif. Si l’analyse coût-bénéficeest parfois tombée en désuétude durant cette période, elle n’en a pasmoins, à d’autres moments, exercé une influence considérable au seinde divers ministères de l’Éducation et organismes de financement.Dernièrement, la notion « d’économie du savoir » a suscité un regaind’intérêt en faveur de la notion de capital humain et du recours à desestimations et à l’analyse coût-bénéfice. Les chercheurs ont étéextrêmement productifs dans ce domaine, en particulier au cours desdix dernières années. Lors de la publication de la première édition del’ouvrage, une trentaine de pays disposait d’estimations du taux derendement de l’éducation. La troisième édition fait référence à unesynthèse d’études sur les taux de rendement dans plus de 60 pays(Psacharopoulos, 1985), et cette quatrième édition à la toute dernièremise à jour (Psacharopoulos et Patrinos, 2002) de cette synthèse quicontient des estimations établies pour 98 pays. Les améliorationsportent également sur des aspects techniques, en l’occurrence sur lesdonnées statistiques disponibles dans de nombreux pays et sur lestechniques d’analyse employées par les chercheurs. À l’époque où la

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Introduction à la quatrième édition

première édition a été rédigée, les estimations du taux de rendementreposaient pour une large part sur l’application de moyens de calculprimitifs pour analyser des données collectées à partir d’échantillonsrestreints et sur une méthode de calcul empirique. En l’an 2000, outrele fait que les données sur les gains des travailleurs instruits (élémentessentiel de la plupart des calculs du taux de rendement) avaient étéénormément affinées et que nombre d’études sur le taux de rendementpouvaient désormais s’appuyer sur des données statistiques recueilliesà partir de recensements ou sur des échantillons nationaux représentatifsétendus, la situation avait évolué à plusieurs égards : les techniqueséconométriques employées pour l’analyse multivariée de l’influencede différents facteurs sur les gains supplémentaires s’étaient égalementaméliorées ; les chercheurs et les planificateurs disposaient de moyensde calcul beaucoup plus puissants ; et l’accès à l’information et auxrésultats des recherches sur l’Internet ouvrait des perspectives nouvelleset prometteuses en matière de recherches comparatives et d’échangesde données à l’échelon international. Plusieurs organismes, parmilesquels l’OCDE et la Banque mondiale, ont mené dernièrement desétudes comparatives internationales sur le capital humain et les tauxde rendement.

Face à cette nouvelle donne, il est évident que la première maisaussi la deuxième et troisième édition de cette brochure ne sont plusd’actualité. Pourtant le besoin demeure d’un ouvrage court, rédigédans un langage simple et accessible, où sont exposées les raisons quijustifient le recours à l’analyse coût-bénéfice dans le domaine del’éducation, où sont expliquées les techniques de calcul des taux derendement, où sont examinées les objections théoriques et les critiquesqu’a suscitées cette technique, de même que certaines difficultéspratiques liées à la collecte et à l’interprétation des données, et où soitdressée une synthèse des résultats de l’analyse coût-bénéfice axée,non pas tant sur des considérations théoriques, que sur les aspectspratiques de la politique de planification. C’est pourquoi l’IIPE a décidéde publier une quatrième édition de l’ouvrage plutôt que de mandaterune étude entièrement nouvelle. L’auteur, pour sa part, a choisi deconserver la structure d’origine de sa première édition et l’essentiel deson contenu du fait que les objectifs demeuraient inchangés et d’yajouter de nouveaux éléments, parfois même des paragraphes ou des

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

chapitres entiers, afin de refléter l’état le plus récent des rechercheset des orientations des politiques dans ce domaine.

On trouvera bon nombre d’exemples nouveaux de l’analyse coût-bénéfice au chapitre X, notamment des études réalisées dans des paysde l’OCDE et dans des pays en développement. Dans le chapitre VIsont exposées les critiques faites récemment sur le calcul,l’interprétation et l’emploi des taux de rendement, ainsi que quelques-unes des réponses apportées par des chercheurs et des praticiens. Lechapitre IX, consacré à l’interprétation des taux de rendement, a étéentièrement réécrit. Un nouveau chapitre (chapitre XI) traite del’utilisation des taux de rendement pour guider les orientations despolitiques de l’éducation. Cette quatrième édition aborde aussi d’autresquestions, comme les différences de taux de rendement entre les sexes,peu présentes dans la première édition, du fait qu’à l’époque, leschercheurs ne s’étaient pas encore véritablement intéressés à cettequestion. L’auteur avait tenté une première comparaison des taux derendement de l’éducation entre les hommes et les femmes(Woodhall, 1973) trois ans après la publication de l’édition d’origine.Elle avait insisté sur le fait que le terme « capital humain » avait étépresque exclusivement appliqué aux hommes et citait à ce titreTheodore Schultz : « Si l’on voulait évaluer le travail qui a été accompli,on constaterait que le capital humain est l’apanage exclusif de lapopulation masculine ... en dépit de tous les efforts qui ont été investispour la scolarisation des femmes et des autres dépenses engagées enleur faveur, il semble qu’elles ne soient pas prises en compte dans lecapital humain » (Schultz, 1970, p. 302-303)1. Fort heureusement, ceconstat n’est plus valable aujourd’hui. Ces dernières années, unegrande attention a été portée aux bénéfices économiques de l’éducationdes femmes et à l’analyse de la participation des femmes et desdisparités entre les sexes, signe d’une évolution de la société qui rendinconcevable aujourd’hui l’emploi exclusif des mots « il » et « lui »par les planificateurs de l’éducation (comme dans l’avant-propos dela première édition). Les recherches sur les écarts entre les sexes sontabordés aux chapitres IX et X.

1. Les citations, pour la plupart extraites d’originaux en anglais, sont généralementdonnées en français par le traducteur de cet ouvrage.

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Introduction à la quatrième édition

Dans la plupart des autres chapitres, de nouveaux paragraphesont été introduits. Cette nouvelle édition comporte davantage de sous-titres que les précédentes. Quant aux références bibliographiques,jusqu’à présent insérées en pied de page, elles sont désormaisregroupées à la fin de l’ouvrage. La liste des ouvrages à consulter aété étoffée et comprend aujourd’hui d’autres sources d’information,en particulier des sources accessibles sur l’Internet et divers autresoutils de travail. Ces changements devraient améliorer l’utilité et lapertinence de l’ouvrage et contribuer à promouvoir, au sein de lanouvelle génération de planificateurs et de responsables des politiquesde l’éducation, une meilleure compréhension des applications del’analyse coût-bénéfice dans l’éducation et de ses limites.

Maureen WoodhallJanvier 2004

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I. L’objet de l’analyse coût-bénéfice

Investissement en capital humain

II est maintenant universellement admis que l’éducation est uneforme d’investissement en capital humain, qui procure des bénéficeséconomiques et contribue à la prospérité future d’un pays, enaugmentant la capacité de production de ses habitants. Ainsi, lesdépenses faites en faveur de l’éducation trouvent partiellement leurjustification dans le fait que l’éducation contribue virtuellement à lacroissance économique. Mais cela soulève aussitôt de nombreusesquestions. Comment l’éducation soutient-elle la comparaison avecd’autres formes d’investissement national ? De l’investissement encapital humain et de l’investissement en capital matériel, quel est celuiqui contribue le plus à la croissance économique future ? Toutes lesformes d’éducation sont-elles également productives ? L’éducation est-elle une forme d’investissement avantageuse pour les individus commeelle l’est pour la société et, si oui, les élèves, les étudiants et leursfamilles en tiennent-ils compte pour choisir l’enseignement à recevoiret la profession à exercer ? Tous ces points d’interrogation tournentautour d’une seule question centrale, à savoir le rapport qui existeentre les coûts et les bénéfices de l’éducation considérée comme uneforme d’investissement, social ou privé. La présente brochure traitede la théorie et des techniques de l’analyse coût-bénéfice appliquée àl’éducation et de l’intérêt que présente cette analyse pour la planificationde l’éducation.

Cette brochure est rédigée sous l’angle de vue des planificateurset des administrateurs de l’éducation dans les pays en développementet elle insiste essentiellement sur le côté pratique. Il est évidemmentindispensable de donner un bref aperçu de la théorie économique quiest à la base des concepts et des techniques de l’analyse coût-bénéficeet d’examiner quelques-unes des objections théoriques qu’a soulevéesson application à l’éducation. On trouvera ailleurs des examens critiquesde la théorie de l’analyse en question ; l’objet de cette brochure est

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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d’examiner l’utilité pratique de l’analyse coût-bénéfice pour laplanification de l’éducation et d’en expliquer simplement la techniqueà l’intention de ceux qui, sans être économistes, sont aux prises avecles problèmes économiques de l’affectation des ressources. Uneimportante partie de cette brochure sera consacrée aux problèmespratiques que posent la collecte et l’analyse des données nécessairesau calcul du rapport coût-bénéfice. On citera des exemples réelsd’analyse coût-bénéfice dans les pays en développement. Enconclusion, on examinera les implications politiques de cette analyseappliquée à l’éducation.

L’expression « analyse coût-bénéfice » signifie comparaisonsystématique de la grandeur des coûts et des bénéfices d’une certaineforme d’investissement, en vue d’en évaluer la rentabilité économique.Toutes les formes d’investissement supposent que la consommationactuelle soit sacrifiée aux bénéfices futurs, c’est-à-dire à l’augmentationde la production ou du revenu. L’analyse coût-bénéfice (ou l’analysedu taux de rendement, qui est le type d’analyse coût-bénéfice le plusfréquemment appliqué à l’éducation) fournit un moyen d’apprécierces bénéfices futurs par rapport aux coûts qui doivent être supportésdans le présent. L’analyse a pour objet de dégager une mesure de laproduction escomptée de l’investissement qui puisse servir de guide àune affectation rationnelle des ressources. Ainsi, tout homme d’affairesqui, dans une entreprise, se propose d’acheter des machines doitcalculer le rapport coût-bénéfice pour évaluer la rentabilité probablede l’investissement. Au cours des dernières années, les économistesont accordé de plus en plus d’attention à l’application de l’analysecoût-bénéfice aux investissements publics ; des techniques avancéesont été élaborées pour mesurer, par exemple, les coûts et les profitsde projets relatifs à l’exploitation des ressources hydriques (pompageet adduction). Des projets de ce genre sont évidemment de mêmenature que des investissements privés en capital matériel et il n’y apas lieu de s’étonner si les techniques qui sont utiles à l’hommed’affaires se révèlent l’être aussi aux administrations publiques quandelles ont à prendre des décisions en matière d’investissements.

Depuis les années 1960, à la suite d’importants travaux réaliséspar des économistes comme Theodore Schultz (1961) et

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L’objet de l’analyse coût-bénéfice

Becker (1964) et qualifiés par l’économiste américain Bowman (1966)comme « La révolution de l’investissement humain dans la penséeéconomique », on a assisté à une prolifération des recherches surl’application de l’analyse coût-bénéfice à tout le domaine del’investissement en capital humain : éducation, formation continue etsanté, pour ne prendre que les exemples les plus frappants. Ici, unproblème se pose aussitôt. Dans les bénéfices futurs qui proviendrontde tels investissements sont compris des bénéfices autresqu’économiques et les bénéfices économiques sont eux-mêmesdifficiles à apprécier. Du fait que l’analyse coût-bénéfice est uninstrument à l’usage des économistes, destiné à évalueréconomiquement un investissement éventuel, l’analyse coût-bénéfice,quand elle est appliquée à l’éducation, est fortement centrée sur lesbénéfices économiques de l’éducation. Aussi certains spécialistes del’éducation ont-ils soutenu que l’analyse coût-bénéfice ne sauraits’appliquer à l’éducation, tirant argument de la multiplicité des objectifsde l’éducation et de l’importance des bénéfices extra-économiquesqu’elle procure. Cependant, dès lors que l’on admet l’importance desbénéfices économiques résultant de l’investissement dans l’éducation,la nécessité d’analyser la nature et l’étendue de ces bénéfices parrapport aux coûts apparaît incontournable dans un monde où la raretédes ressources impose de faire des choix en matière d’investissements.

Du fait de l’intérêt que les planificateurs des pays endéveloppement accordent maintenant à l’objectif d’optimisation de lacroissance économique, il est très important d’avoir les moyensd’évaluer l’incidence économique de l’éducation. À l’heure actuelletoutefois, il est admis qu’il ne s’agit là que d’une partie du tableaud’ensemble. Le concept de capital humain sur lequel reposel’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation a été étoffé depuisles années 1960. Dans les années 1980 et 1990, d’aucuns ont affirméque la définition qui en était donnée était par trop étroite. L’importancedes bénéfices économiques de l’éducation ne doit pas pour autantfaire oublier ses répercussions sociales, politiques et culturelles. Ondoit à des sociologues comme Coleman (1988) d’avoir introduit lanotion de capital social, dans laquelle on tient compte des réseaux derelations sociales et de facteurs extra-économiques, tels que laconfiance et la coopération. Les organismes internationaux mettent

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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aujourd’hui l’accent sur le fait que le capital humain et le capitalsocial peuvent apporter une contribution d’égale importance audéveloppement2 .

Dans son état actuel cependant, l’analyse coût-bénéfice n’est pasun moyen adéquat pour analyser les bénéfices autres qu’économiquesde l’éducation. D’autres techniques, telles que l’analyse coût-efficacité,peuvent se mieux prêter à l’analyse de bénéfices extra-économiques.

Analyse coût-bénéfice et analyse coût-efficacité

L’analyse coût-bénéfice et l’analyse coût-efficacité ont ceci decommun qu’elles imposent de comparer systématiquement les coûtset les résultats. Mais ces deux techniques n’en présentent pas moinsdes différences majeures. L’analyse coût-bénéfice repose sur unemesure des coûts et des bénéfices sous l’angle monétaire. Lesproblèmes que pose l’évaluation des coûts « d’opportunité » et desbénéfices directs et indirects de l’éducation, sont abordés dans lesdeux chapitres suivants. La méthode la plus couramment employéepour mesurer les bénéfices directs de l’éducation consiste à comparerles gains des individus selon les niveaux ou les types d’éducation,mais on trouvera, au chapitre III, d’autres exemples d’évaluation entermes monétaires, ainsi que des tentatives d’estimation des« retombées » et des « externalités ». Dans les cas où il n’est paspossible de calculer, ni même d’évaluer de façon approximative, lesbénéfices ou les résultats en termes monétaires, on peut recourir àune autre technique, l’analyse coût-efficacité. Cette technique consisteà comparer plusieurs options, par exemple différents types d’école(établissements d’enseignement général et établissementsd’enseignement professionnel), différentes combinaisons d’intrants(enseignants, livres et autres matériels pédagogiques) ou différentsprogrammes éducatifs (différents types de formation des enseignants),et à en mesurer l’efficacité en s’appuyant sur des variables, telles que

2. Deux études, l’une – récente – de la Banque mondiale intitulée Social capital:a multifaceted perspective (Dasgupta et Serageldin, 2000) et l’autre de l’OCDEintitulée Du bien-être des nations : le rôle du capital humain et social(OCDE, 2001), mettent l’accent sur la synergie potentielle entre capital humainet capital social.

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L’objet de l’analyse coût-bénéfice

les résultats d’examen, les notes obtenues aux contrôles, ou les tauxde redoublement ou d’obtention de diplômes de fin d’études3 .

L’analyse coût-efficacité se déroule en trois temps : (a) toutd’abord évaluer les coûts des différentes options, par exemple lesdépenses liées aux traitements des enseignants, aux manuels scolaireset aux matériels pédagogiques dans chaque type d’école ; (b) puisévaluer les résultats produits par chacune des options ou leur efficacitérespective du point de vue de l’éducation, par exemple les notesobtenues par les élèves de chaque école aux tests de connaissancescommuns ; et enfin (c) combiner ces évaluations des coûts et del’efficacité pour calculer le rapport coût-efficacité, en divisant parexemple l’efficacité relative de chaque option par son coût afin d’obtenirle coût unitaire lié à la réalisation d’un objectif donné, comme uneamélioration de 1 % de la réussite scolaire. Une étude sur l’analysecoût-efficacité décrit ce rapport comme le « gain de performancespar dollar dépensé » (Harbison et Hanushek, 1992, p. 140). On peutalors définir l’option la plus efficace par rapport au coût, c’est-à-direpar exemple l’école qui, à coût égal, produit la plus forte progressiondu niveau scolaire ou celle qui, pour un coût moindre, permet à sesélèves d’atteindre le niveau requis à l’examen.

De l’avis de certains praticiens, l’analyse coût-efficacité estpréférable à l’analyse coût-bénéfice, en particulier dans la pratiquequotidienne de la planification de l’éducation. Ainsi, d’aprèsLevin (1983), les résultats de mesure de l’efficacité de l’éducationsont précisément des valeurs que les décideurs prennent ordinairementen compte (c’est le cas par exemple de la progression des notesobtenues par les élèves aux examens) et l’analyse coût-efficacitérequiert en général moins de temps et moins de moyens que l’analysecoût-bénéfice (Levin, 1983, p. 114). À l’inverse, évaluer avec précisionl’efficacité peut s’avérer tout aussi difficile qu’évaluer des bénéfices ;en effet, outre que les objectifs de l’éducation sont multiples, il n’existepas de critère seul et unique qui permette de quantifier l’efficacité à sa

3. Voir Levin (1995a et 1995b), et Psacharopoulos et Woodhall (1985) quiexpliquent les différences entre analyse coût-bénéfice et analyse coût-efficacité,et Harbison et Hanushek (1992) qui donnent un exemple d’analyse coût-efficacitémettant en parallèle coûts et évaluations du niveau scolaire dans des écoles auBrésil.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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juste valeur. Le présent ouvrage n’entend pas mener une étudeapprofondie de l’analyse coût-efficacité. Les lecteurs qui s’intéressentà cette question sont donc invités à consulter des ouvrages qui y sontplus spécifiquement consacrés, comme ceux de Levin, 1983, 1995aet 1995b. Ces deux types d’analyse sont étroitement liés et, loin deconstituer des options qui s’opposent, sont en réalité complémentaires.De quelques recherches menées dernièrement aux États-Unis, il ressortque le niveau scolaire des élèves, tel qu’il est mesuré à partir de contrôlesdes connaissances cognitives, présente un lien avec les gains ultérieurs.Analysant les résultats de cette recherche, Hanushek conclut : « Toutporte à croire que la qualité telle qu’on la mesure à partir des notesobtenues aux examens est directement liée aux gains individuels, à laproductivité et à la croissance économique » (Hanushek, 2003, p. 5).Autrement dit, les bénéfices économiques d’une éducation scolaireefficace, tels qu’on peut les mesurer d’après le niveau scolaire, sontbeaucoup plus élevés que les bénéfices d’une éducation scolaireinefficace. L’idéal serait donc que l’on puisse, autant que possible,tenir compte dans toute analyse coût-bénéfice de la qualité del’éducation (exprimée en fonction des notes obtenues à des tests deniveau ou en fonction d’autres critères), et non pas seulement de laquantité d’éducation (exprimée en fonction du nombre d’années descolarité). Or c’est rarement le cas : dans la plupart des études coût-bénéfice, le nombre d’années de scolarité est l’indicateur choisi pourreprésenter l’apprentissage et les connaissances acquises par les élèves.On reviendra sur cette question au chapitre VI.

Dans le passé, un petit nombre d’auteurs ont considéré l’analysecoût-bénéfice dans le secteur de l’éducation comme une panacéepermettant de résoudre tous les problèmes que pose l’affectation desressources à la planification de l’éducation. D’autres ont rejetépurement et simplement la méthode, comme ne présentant aucun intérêtpour la planification de l’éducation. La présente brochure n’a paspour objet de faire apparaître l’analyse coût-bénéfice comme étantsupérieure aux autres méthodes d’approche de la planification del’éducation, telles que l’analyse de la main d’œuvre, du marché del’emploi, de la demande sociale ou d’autres techniques, commel’analyse coût-efficacité, ni de prétendre que cette méthode puisserésoudre à elle seule tous les problèmes de planification. Elle tend

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L’objet de l’analyse coût-bénéfice

plutôt à démontrer que l’analyse en question peut fournir auplanificateur de l’éducation des informations essentielles sur les liensqui existent entre l’éducation et le marché du travail, ainsi que sur lesconséquences économiques de diverses politiques de l’éducation.

L’analyse coût-bénéfice en matière d’éducation, telle qu’elle sepratique généralement à travers le monde, a suscité de fréquentescritiques. C’est ainsi qu’il est courant de ne pas tenir compte desbénéfices économiques indirects, non plus que des bénéfices extra-économiques, et d’utiliser des données transversales qui traduisent lesconditions de l’offre et de la demande passées et présentes, ce quijette un doute sur l’utilité de recourir à l’analyse coût-bénéfice pourprendre des décisions concernant une politique future. Ces reprochesseront examinés dans cette brochure avec le souci de voir s’ils sontinhérents à la méthode prise comme un tout ou s’il est possible d’yéchapper. En revanche, on cherchera à mettre en évidence la valeurde l’analyse coût-bénéfice en éducation ; elle a pour objet de combiner,sous une forme appropriée, l’information relative aux coûts de diversessortes d’éducation avec l’information relative à l’équilibre entre l’offreet la demande pour diverses catégories de main-d’œuvre instruite.L’analyse coût-bénéfice sert aussi à attirer l’attention sur certainsfacteurs clés du système économique ou du système éducatif d’unpays, à savoir les coûts respectifs de divers types d’éducation et lesgains respectifs de diverses catégories de main-d’œuvre. Ainsi, mêmesi l’analyse coût-bénéfice n’est pas toujours en mesure de mettre leplanificateur en possession de directives claires pour déterminer unepolitique, du moins lui fournit-elle une information qui permet deprendre des décisions rationnelles. Nous espérons que les lecteurs decette brochure pourront y trouver pour eux-mêmes quelque utilité.

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II. Évaluation des coûts

Le concept de coût d’opportunité

L’expression « coût de l’éducation » est souvent prise pour unéquivalent approximatif de « dépenses d’investissement ». Cependant,pour l’analyse coût-bénéfice d’un investissement, il est indispensablede définir les coûts en fonction du coût d’opportunité total d’un projet,en y comprenant toutes les ressources réelles que le projet consomme.L’appellation « coût d’opportunité » vient de ce que chaqueinvestissement implique que l’on renonce à utiliser la somme ainsiinvestie pour d’autres opportunités : consommation immédiate ouinvestissement différent. Ainsi, les dépenses monétaires n’ontd’importance que parce qu’elles expriment l’achat du travail desenseignants, de bâtiments et d’équipements scolaires ou d’autres bienset services qui pourraient recevoir une utilisation différente. D’autrepart, l’enseignement consomme d’autres ressources qui pourraientêtre affectées à une utilisation différente, bien que cela n’apparaissepas dans les dépenses d’enseignement normales. L’exemple le plusfrappant est le temps passé dans la poursuite des études par les élèveset les étudiants eux-mêmes qui, en faisant ce choix, privent de leursservices le marché du travail. Cela représente une perte de la capacitéde production et, par conséquent, une diminution du produit actuel del’ensemble de l’économie, en même temps qu’un manque à gagnerpour les individus. On renonce à l’opportunité de ce produit ou revenuactuel, parce que l’on escompte que l’éducation, en accroissant lacapacité de production future des étudiants, accroîtra le produit futur.Cependant, cette perte de revenu actuel doit entrer en ligne de compteau titre des coûts d’opportunité de l’éducation, puisqu’elle représenteun renoncement à des ressources réelles, même si le temps desétudiants n’apparaît pas dans les dépenses effectives d’enseignementet semble ainsi à première vue être un bien « gratuit ». De même,d’autres biens ou services apparemment « gratuits » consommés dansle processus d’éducation, représentent en fait un renoncement àd’autres opportunités. Par exemple, dans les pays en développement,

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il peut arriver que la communauté locale fasse don du terrain et mêmedes bâtiments pour l’école ; mais, comme ce terrain et ces bâtimentspourraient avoir d’autres utilisations, la décision de bâtir une écolepeut signifier le renoncement à l’opportunité de construire un hôpitalou un centre de développement communautaire. S’il s’agit d’évaluationbudgétaire, on peut ne pas tenir compte du terrain qui a fait l’objetd’un don ; mais, s’il s’agit de calculer le rapport coût-bénéfice, lequels’efforce d’évaluer la rentabilité d’une forme donnée d’investissementpar rapport à d’autres investissements, il est indispensable de faireentrer en ligne de compte, en tant qu’élément du coût réel del’investissement, le renoncement à utiliser le terrain et les bâtimentspour d’autres opportunités.

La mesure des coûts de l’éducation, pour l’analyse coût-bénéfice,implique donc plus qu’un simple calcul des dépenses monétaires. Elleimplique une tentative d’évaluation du coût total de l’investissementéducatif en prenant en considération les autres opportunités sacrifiéessoit par l’ensemble de la société, soit individuellement par lesparticuliers.

Coûts sociaux et coûts privés

Si l’analyse coût-bénéfice a pour objet une évaluation del’éducation considérée comme une forme d’investissement social, lanotion de coût à retenir doit englober la totalité de ce que l’éducationcoûte à l’économie (coûts sociaux), c’est-à-dire la valeur du tempsdes enseignants, des livres, des matériels et des autres biens et services,la valeur de l’utilisation des bâtiments et du capital investi enéquipement, enfin la valeur du temps des étudiants, calculée d’aprèsles autres utilisations qui auraient pu en être faites.

La mesure la plus simple de la valeur du temps des enseignantsest donnée par les dépenses en traitements. Cependant, si, pour quelqueraison, les enseignants ont une rémunération inférieure au prix normalde leurs services sur le marché, il faut essayer de faire une estimationréelle du coût d’opportunité de leur temps. Par exemple, dans certainspays en développement, les enseignants consacrent (gratuitement) unepartie de leur temps libre aux classes d’alphabétisation des adultes.

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Évaluation des coûts

Dans l’hypothèse où le temps donné gratuitement serait de toutefaçon demeuré inutilisé, il n’y a pas de coût d’opportunité à évaluer ;au contraire, dans le cas où ce temps aurait pu être consacré àtravailler, sous une forme ou une autre, au développement de lacommunauté, il s’agit d’un temps qui, étant susceptible d’être utilisédifféremment, n’est pas, à proprement parler, un bien « gratuit ». Demême, si les enseignants sont tenus, aux termes de la loi, d’effectuerune année d’enseignement à traitement réduit, au titre du « servicenational », la valeur de leur temps doit se mesurer en fonction desprix pratiqués sur le marché du travail, et non d’après leurs traitementsréels.

Les livres, les fournitures scolaires, le matériel d’écriture peuventégalement être évalués en termes de dépenses monétaires. Dans certainspays, les livres sont payés sur les deniers publics et fournis aux élèves,soit gratuitement, soit à un prix de subvention ; en ce cas, la manièreconvenable d’en évaluer le coût est de s’en rapporter aux crédits allouéspour les livres et les matériels. Dans d’autres pays, on demande auxélèves et aux étudiants d’acheter leurs livres ; il est nécessaire alors defaire une évaluation des dépenses consacrées à l’achat des livres parles particuliers, étant donné que les diverses façons de financerl’acquisition d’un bien ne modifient en rien son coût économique réel.

Il est généralement assez facile d’obtenir des estimations desdépenses ordinaires annuelles correspondant aux traitements et àl’acquisition des matériels. Il est plus difficile d’estimer le coût annueldes bâtiments et de l’équipement. Si les bâtiments sont loués, le loyerannuel peut représenter la valeur des ressources en capital utiliséespendant l’année. Toutefois, dans la plupart des cas, les bâtiments nesont pas loués ; il est alors nécessaire d’évaluer l’utilisation annuelledu capital, autrement dit de fixer un loyer annuel pour les bâtiments etl’équipement. La méthode la plus simple pour tenir compte du coûtdes services en capital est de calculer l’annuité d’amortissement dubâtiment, d’après sa durée probable. L’annuité d’amortissementcomprend, en plus de la dépréciation annuelle du bâtiment et del’équipement, une somme théorique correspondant au paiement desintérêts, de sorte qu’elle représente une bonne mesure du loyer annuelfictif. À première vue, on pourrait croire qu’il suffit de calculer ladépréciation annuelle. Ce serait méconnaître une situation de fait, à

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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savoir que les bâtiments sont financés sur les fonds publics d’uneseule année, tandis que les services qu’en procure la jouissances’étalent sur de nombreuses années et que la décision de bâtir uneécole équivaut à renoncer aux possibilités d’utiliser les sommesinvesties de telle manière qu’elles rapportent des intérêts. Une foisde plus, il apparaît nécessaire d’évaluer le coût d’utilisation desbâtiments scolaires en considération des opportunités possiblesauxquelles il a fallu renoncer.

Enfin, le coût d’opportunité du temps des étudiants doit se calculerd’après le manque à gagner de ceux qui poursuivent leurs études, aulieu de s’enrôler dans les effectifs de la main-d’œuvre. Ce manque àgagner représente, pour l’individu, un coût réel et, au regard des coûtssociaux, constitue une évaluation indirecte du manque à produiresupporté par la société. Certains lecteurs seront peut-être troublés parle fait que cette définition du coût de l’éducation comprend à la foisdes dépenses monétaires réelles, comme les traitements des enseignants,et des éléments théoriques, tels que l’annuité d’amortissement desbâtiments et le manque à gagner. En réalité, tous les éléments ont cecide commun que ce sont des mesures approximatives du coûtd’opportunité de ressources matérielles. Les traitements des enseignantsne sont pas plus un coût réel que les manques à gagner, puisque lesuns et les autres ne sont que des évaluations indirectes de ce quevaudrait, si on l’utilisait différemment, le temps des enseignants oudes étudiants. C’est ce qu’il faut entendre quand on dit que « tous lescoûts sont au fond des coûts d’opportunité » (Bowman dans Robinsonet Vaizey, 1966, p. 423).

Il va de soi que le calcul du coût d’opportunité pose, en ce quiconcerne le temps des élèves ou des étudiants, d’importantsproblèmes ; par exemple, il est nécessaire de tenir compte du chômagequand on évalue le manque à gagner. D’aucuns allèguent parfois quele temps des jeunes enfants n’a aucune valeur économique et que leconcept de manque à gagner ne s’applique qu’à des élèves desecondaire ou des étudiants du supérieur, et non pas à des élèves deprimaire. Pourtant des études portant sur les taux de rétention scolaireen primaire ont montré que le temps des enfants relativement jeunesavait véritablement une valeur économique pour leurs familles. Lesdifficultés qui se posent pour estimer le manque à gagner d’élèves de

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Évaluation des coûts

primaire dont le travail, dans la plupart des cas, ne génère pas desalaire sont traitées au paragraphe Progrès accomplis dansl’analyse des coûts d’opportunité. Néanmoins, les problèmespratiques que soulève l’évaluation ne sauraient masquer la nécessitéde trouver un moyen, fût-il approximatif, de faire des évaluations dela valeur des ressources réelles. Il convient aussi de souligner que lesévaluations des coûts d’opportunité n’ont de sens que dans un cadreinstitutionnel donné. Pour prendre un exemple, si toutes les universitésétaient fermées du jour au lendemain, l’afflux des étudiants sur lemarché du travail entraînerait une baisse générale des salaires desjeunes travailleurs. Mais, de la même façon, la nécessité soudaine detrouver des emplois de rechange pour les enseignants, pour lesbâtiments et les équipements scolaires provoquerait, au sein del’économie, un bouleversement total de la structure des prix et dessalaires. Le concept de coût d’opportunité et la technique de l’analysecoût-bénéfice ne sont cependant pas applicables à des situations oùun changement complet de toute la structure de l’économie ou del’éducation est envisagé. L’analyse coût-bénéfice – c’est là un pointsur lequel nous reviendrons par la suite – est essentiellement unetechnique d’analyse marginale. De même, le concept de coûtd’opportunité d’un investissement n’a de sens que si la réalisation duprojet en question ne modifie pas, par elle-même, les autres utilisationsqui pourraient être faites des ressources qui lui sont affectées.

Si l’analyse coût-bénéfice a pour objet d’évaluer l’éducationconsidérée comme une forme d’investissement pour l’individu, lescoûts y afférents sont ceux que supportent l’étudiant et sa famille(coûts privés). Si des droits de scolarité sont perçus, il convient d’entenir compte, tout comme les frais d’achat de livres et les autres coûtsdirects, tels que les frais de déplacement. Les coûts indirects, répétons-le, doivent aussi entrer en ligne sous forme de manque à gagner. Dansle cas où les étudiants reçoivent des bourses financées sur les denierspublics pour payer les droits de scolarité ou les frais d’entretien, lavaleur moyenne de ces bourses est à déduire du montant total auquelsont évalués les coûts privés.

Le tableau 2.1 récapitule les éléments de l’ensemble des coûtsd’éducation, tant privés que sociaux.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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Tableau 2.1 Coûts sociaux et privés de l’éducation

Coûts sociaux Coûts privés

Directs• Traitement des professeurs • Droits de scolarité, déduction faite

du montant moyen des bourses• Autres dépenses courantes en biens • Livres, etc.

et services• Dépenses en livres, etc.• Annuité d’amortissement

Indirects• Manque à gagner • Manque à gagner

Il est facile, en rassemblant ces éléments, d’arriver à une évaluationdu coût annuel par étudiant, selon les niveaux et selon les typesd’enseignement. S’il n’y avait ni déperdition d’effectifs niredoublement, cela suffirait pour calculer le rapport coût-bénéfice,mais lorsque les taux de déperdition sont élevés, on aurait une idéetout à fait fausse si le calcul prenait pour base les coûts annuels et ladurée normale d’un cycle d’études. En effet, que l’on considèrel’éducation comme un investissement social ou comme uninvestissement privé, il y a lieu de tenir compte du fait que nombred’étudiants n’achèvent pas leur cycle d’études, tandis que d’autres leredoublent partiellement en vue d’obtenir une qualification.Théoriquement, il faudrait calculer le rapport coût-bénéfice séparémentpour les étudiants qui abandonnent, pour ceux qui redoublent et pourceux qui achèvent leur cycle d’études dans le minimum de temps. Endépit des résonances du mot « déperdition », il est probable que desétudes même inachevées procurent certains bénéfices économiquesqu’il faut mettre en balance avec le coût d’une ou deux années d’études.Pratiquement, la plupart des pays ne disposent pas des données quipermettraient de calculer les bénéfices attachés à des étudesinachevées ; aussi la solution la plus simple est-elle de calculer la duréemoyenne des cycles d’études, compte tenu des abandons et desredoublements, et de prendre cette durée moyenne, plutôt que la duréeminimale ou « normale », comme base de calcul pour l’évaluationdes coûts globaux. On obtiendra ainsi soit le coût total de la charge quiincombe à la société pour produire un étudiant qualifié, soit le coût

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Évaluation des coûts

moyen privé, compte tenu des taux moyens de redoublement et dedéperdition.

Progrès accomplis dans l’analyse des coûtsd’opportunité

D’après quelques exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation, le manque à gagner d’élèves de primaire esttrès faible, voire égal à zéro, du fait que les opportunités d’emploi (et,partant, les gains) sont très limitées. Or, l’analyse coût-bénéficeappliquée à l’éducation en Inde, présentée dans les prochains chapitresde cet ouvrage, fait apparaître que « le manque à gagner d’enfants,même âgés de six ans, n’est pas négligeable ; il explique certainementpour partie les taux d’abandon élevés relevés durant les premièresannées de scolarité primaire » (Blaug, Layard et Woodhall, 1969,p. 199). Plus récemment, depuis que l’objectif d’Éducation pour tousest inscrit au rang des préoccupations majeures, les efforts déployéspour estimer et analyser le coût d’opportunité que constitue le tempsde élèves, et son impact sur les taux de scolarisation primaire,notamment pour les filles qui représentent plus de la moitié des enfantsnon scolarisés, se sont intensifiés (UNESCO, 2002). Diverses études,comme celle de Colclough et Lewin (1993) et Colclough, Al-Samarrai,Rose et Tembon (2003), confirment le fait que le coût d’opportunitéde la fréquentation scolaire est, pour de nombreuses familles et, enparticulier, pour les foyers les plus pauvres, un sérieux obstacle à lascolarisation dans le primaire ; bien souvent, en effet, le manque àgagner ou les travaux domestiques sacrifiés sont très nettementsupérieurs aux coûts directs de la scolarisation.

Dans des études menées dernièrement dans plusieurs paysafricains sur les coûts d’opportunité de la scolarisation dans le primaire(Colclough et al., 2003), la valeur monétaire du temps des enfants estestimée non seulement en termes de manque à gagner, par exemplepar rapport aux petits boulots, mais aussi en termes de perte d’autresformes de revenus familiaux, notamment par rapport à la valeur destravaux agricoles non générateurs de salaire, et de travaux domestiques,notamment les travaux de ménage et la garde des enfants. Si l’onprend en compte tous ces éléments, le coût d’opportunité de la

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

fréquentation scolaire est relativement élevé et il est, d’ailleurs, souventplus élevé pour les filles que pour les garçons, puisqu’elles sont censéesconsacrer du temps à la surveillance des plus jeunes enfants. L’analysedes coûts d’opportunité aide par conséquent à comprendre la causede phénomènes, tels que les inégalités entre les sexes dansl’enseignement primaire et les taux élevés d’abandon, et en font deséléments essentiels de l’analyse coût-bénéfice.

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III. Évaluation des bénéfices

Les gains, critère d’évaluation des bénéfices directsPour procéder à une évaluation de l’éducation considérée comme

un investissement, il est nécessaire que nous puissions évaluer lacontribution que l’éducation est censée devoir apporter au relèvementdes niveaux de production ou de revenu. L’éducation contribue d’unemanière évidente à la formation du revenu futur par les qualificationset les connaissances qu’en tire la main-d’œuvre instruite, ce qui améliorela productivité du travail. S’il est exact que les travailleurs instruits ontune productivité supérieure à celle des travailleurs non instruits, celase traduira par une augmentation de la production et des gains plusélevés chez les travailleurs instruits. Nous devons donc faire uneévaluation des gains supplémentaires que les travailleurs instruitsrecevront durant leur vie active. Théoriquement, ces données devraientêtre obtenues en comparant les gains des travailleurs instruits et ceuxdes travailleurs non instruits pendant toute leur carrière. Les gainsdifférentiels fourniraient alors une évaluation du surplus de productivitédes travailleurs instruits.

Malheureusement, rares sont les pays qui possèdent des donnéeséchelonnées dans le temps sur les gains d’échantillons de travailleursayant une certaine instruction et de travailleurs en ayant une moindre ;la collecte de telles données serait difficile et demanderait un tempsconsidérable. La méthode normalement utilisée pour évaluer lesbénéfices est donc d’utiliser des données transversales qui permettentde tracer les profils moyens des gains des travailleurs ayant des niveauxd’instruction différents, selon l’âge et selon le degré d’instruction.Cela veut dire qu’au lieu d’utiliser les données relatives à un échantillonde travailleurs suivis durant toute leur carrière, on utilise les donnéesrelatives à un échantillon de travailleurs d’âges différents et recueilliesau même moment. Alors que les données échelonnées dans le tempsferaient apparaître les gains d’un échantillon de travailleurs, année parannée, et permettraient ainsi de tracer le profil âge-gains de l’ensembled’une carrière individuelle, les données transversales font apparaître

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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les gains actuels des travailleurs d’âges différents et permettent ainside tracer le profil moyen âge-gains de toute une vie. L’hypothèsesous-jacente à l’emploi de cette méthode, c’est que, dans le futur, il yaura, entre les gains d’un travailleur à l’âge de 30 ans et ceux de cetravailleur à l’âge de 20 ans, le même rapport qu’il y a maintenantentre les gains moyens d’un travailleur de 30 ans et ceux d’untravailleur de 20 ans.

La figure 3.1 illustre les profils moyens âge-gains pour cinqcatégories de travailleurs instruits, en Inde, en 1960-1961. À ce jour,près d’une centaine de pays, les uns développés, les autres endéveloppement, ont établi des profils de ce genre à partir de donnéestransversales4 . Cette expérience fait ressortir, pour les profils typiquesâge-gains, les caractéristiques suivantes : (a) il y a une forte corrélationentre les gains et le niveau d’instruction ; à âge égal, les travailleursplus instruits ont des gains supérieurs à ceux des travailleurs moinsinstruits ; (b) les gains augmentent avec l’âge pour atteindre leursommet à l’âge de la maturité, après quoi ils sont constants ou mêmediminuent jusqu’à l’âge de la retraite ; (c) les profils sont plus prononcéspour les travailleurs très instruits que pour ceux qui le sont moins ; lesgains au sommet sont, par comparaison avec les gains du début, plusélevés pour les travailleurs instruits que pour ceux qui le sont moins ;(d) l’âge auquel le sommet des gains est atteint est plus avancé chezles travailleurs très instruits que chez ceux qui le sont moins ; dans unpetit nombre de cas, les gains de la main-d’œuvre hautement qualifiéene cessent pas d’augmenter jusqu’à l’âge de la retraite.

Lorsque l’on dispose des profils relatifs à deux catégories detravailleurs, par exemple les diplômés et ceux qui n’ont pas fait d’étudessupérieures, on peut calculer les gains différentiels de la moyenne desdiplômés durant leur vie (dans certaines études récentes, ces gainsdifférentiels portent le nom de « prime spéciale du diplômé »), c’est-à-dire le total des revenus supplémentaires encaissés par un diplômépendant sa carrière. C’est ce total qui sert, dans le calcul du rapport

4. George Psacharopoulos, qui a été le premier à synthétiser les résultats d’étudesde coût-bénéfice menées dans 32 pays en 1973, a publié périodiquement desversions actualisées (parmi lesquelles Psacharopoulos, 1985 et 1994) ; la versionla plus récente (Psacharopoulos et Patrinos, 2002) porte sur 98 pays. Cessynthèses sont présentées dans les Chapitres IX et X.

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Évaluations des bénéfices

coût-bénéfice, à évaluer le bénéfice économique directement produitpar l’éducation.

Figure 3.1 Profils âge-gains : par niveau d’éducation,Inde,milieuurbain

010

2030

4050

60Â

ge

6 00

0

5 00

0

4 00

0

3 00

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Source : Blaug et al., 1969. Figure 1.4.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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Si l’on se propose d’analyser l’éducation en tant que bénéficesocial, c’est ce total des gains supplémentaires, impôt sur le revenunon déduit, qui nous fournit la mesure adéquate ; si, au contraire, oncherche à évaluer l’éducation considérée comme un investissementprivé de l’individu, c’est le bénéfice dont celui-ci aura réellement lajouissance qu’il convient de retenir, c’est-à-dire le gain différentieldéduction faite de l’impôt.

Ce bref exposé de la méthode désormais classiquement employéepour évaluer les bénéfices directs de l’éducation, c’est-à-dire en utilisantles gains acquis durant la vie comme mesure d’évaluation indirecte,laisse de côté beaucoup de points soulevés quant à la valeur de laméthode. De nombreuses objections opposées à l’analyse coût-bénéficeen éducation portent sur l’évaluation des bénéfices ; elles feront l’objetd’une étude détaillée au chapitre VI. Mais auparavant, dans lesparagraphes qui vont suivre, on traitera des problèmes relatifs (a) à lafaçon d’évaluer les bénéfices directs de projets d’éducation lorsqueles gains ne fournissent pas une mesure adéquate ; et (b) à la façond’évaluer les bénéfices indirects de l’éducation qui, de l’avis deplusieurs chercheurs, l’emportent sur les bénéfices directs.

Autres critères d’évaluation des bénéfices directs

Lorsque l’on a recours à l’analyse coût-bénéfice, que ce soit pourdéterminer la rentabilité de l’investissement dans l’éducation– considérée comme secteur – par comparaison avec d’autres formesd’investissements, ou pour comparer différents niveaux ou typesd’éducation considérés comme une forme particulière d’investissementen capital humain, les gains supplémentaires des travailleurs instruitsdurant leur vie active fournissent une évaluation monétaire durendement privé direct pour l’individu et une évaluation indirecte deleur surplus de productivité correspondant à une évaluation durendement social. Cette approche peut également être appliquée pourévaluer la rentabilité d’un projet d’éducation, tel que la constructiond’un établissement d’enseignement professionnel par exemple, dontl’objectif serait d’accroître l’offre de main-d’œuvre hautementqualifiée. Si le projet vise à améliorer la qualité de l’éducation, maisque le résultat n’est pas mesurable en termes monétaires, une analysecoût-efficacité peut, comme on l’a expliqué au chapitre I, se révéler

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Évaluations des bénéfices

plus pertinente. Il est certains types de projets d’éducation pourlesquels l’analyse coût-bénéfice se prête parfaitement à une évaluationde la rentabilité, mais pour lesquels les gains ne donnent pas unemesure appropriée des bénéfices directs. Ce serait par exemple lecas d’un projet de restructuration d’écoles ou d’universités et defusion entre les deux institutions que l’on mènerait dans l’optiqued’accroître la rentabilité interne et de réduire les coûts unitaires grâceaux économies d’échelle ainsi opérées. En pareil cas, les économiesultérieures réalisées sur les dépenses récurrentes fourniraient uneévaluation des bénéfices directs en termes monétaires que l’onpourrait comparer avec les coûts de la fusion, tels que les frais engagésau titre de la construction d’une nouvelle école en remplacement despetites unités préexistantes. On trouvera au chapitre X des exemplesde ce type d’analyse coût-bénéfice.

Bénéfices indirects et externalités

L’objet du présent paragraphe se limite aux bénéficeséconomiques directs résultant de l’investissement éducatif.L’éducation, comme on l’a évoqué au chapitre I, génère aussi desbénéfices indirects et des bénéfices extra-économiques, en particulierdes bénéfices sociaux et culturels. C’est ainsi qu’elle procure desbénéfices extra-économiques à l’individu, par exemple la satisfactionpersonnelle qu’il va trouver dans le fait de s’instruire. Ces bénéficesextra-économiques représentent ce que l’on appelle la valeur del’éducation en tant que bien de consommation, appellation qui permetde les différencier de l’aspect investissement. L’éducation apporteégalement des bénéfices extra-économiques publics, que l’on désignegénéralement sous le nom de bénéfices externes, d’externalités oude « retombées » (dans la mesure où ils rejaillissent non seulementsur les personnes instruites elles-mêmes, mais aussi sur d’autresmembres de la société). Dans bon nombre d’exemples antérieursd’analyses coût-bénéfice, il est fait référence à ces bénéfices indirects,mais sans qu’ils soient pris en compte dans les calculs au prétextequ’ils n’étaient pas mesurables. C’est d’ailleurs l’une des principalesobjections qui a été formulées par les adversaires de l’analyse coût-bénéfice dans les années 1960 et sur laquelle on reviendra auchapitre VI. Force est cependant de reconnaître que se fait jour, ces

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

derniers temps, un regain d’intérêt pour les bénéfices indirects del’éducation, y compris les bénéfices extra-économiques et lesexternalités. Parallèlement, diverses techniques ont fait leur apparitionpour estimer la valeur monétaire des bénéfices indirects del’éducation, que sont par exemple une amélioration de la santé, unediminution des taux de fécondité chez les femmes ayant suivi unescolarité primaire et une progression du niveau scolaire des enfantsnés de mères instruites. Dans certains cas, les chercheurs se sontcontentés d’identifier ces bénéfices indirects ou bien de calculer lescorrélations entre le niveau d’éducation et les indicateurs sanitairesou la taille des familles afin de mettre en évidence les bénéficesindirects de l’éducation au plan de la santé ou de la fécondité.Récemment, toutefois, quelques chercheurs ont poussé plus loinl’analyse, s’efforçant d’évaluer les bénéfices sociaux indirects entermes monétaires sur la base, par exemple, du coût que représenterait« l’achat » de ces bénéfices par d’autres moyens (OCDE, 2001, p. 37).S’appuyant sur des données relatives à 78 pays, McMahon (1999,synthèse présentée dans OCDE, 2000) a entrepris d’identifier lesbénéfices sociaux indirects et, parfois même, de les évaluer en yintégrant non seulement les effets produits sur la santé et la fécondité,que l’on vient de mentionner, mais aussi d’autres effets induitsconcernant la démocratisation, la stabilité politique et les droits del’homme, la stimulation du sens civique et de la cohésion sociale, laréduction de la pauvreté, la baisse de la criminalité et l’améliorationde la qualité de l’environnement. Bien que les techniques d’évaluationde ces bénéfices en soient encore au stade expérimental, plusieurschercheurs, comme McMahon (1999), et Haveman et Wolfe (1984),affirment que ces bénéfices indirects sont considérables – et qu’ilspourraient même surpasser les effets directs qu’exerce le marché dutravail sur l’emploi et les gains.

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IV. Évaluation de la valeur actualisée des fluxmonétaires

Les profils âge-gains permettent d’estimer les gains supplémentairesannuels dus à l’éducation. Pour calculer le rapport coût-bénéfice, ilest nécessaire que ces gains supplémentaires soient condensés enun seul chiffre représentant le bénéfice monétaire global tiré del’éducation, chiffre qui sera mis en balance avec le coût. Enapparence, la méthode la plus simple consisterait à additionner lesgains supplémentaires obtenus année par année, mais ce serait unnon-sens économique. En effet, c’est dans le présent que les coûtsd’un investissement doivent être supportés pour obtenir un revenufutur ; or, l’espoir de toucher une certaine somme d’argent dans lefutur a moins de valeur, sur le moment, que le fait de toucher réellementcette même somme dans le présent. Ce n’est pas seulement uneapplication de l’adage « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » ;c’est l’expression du fait qu’une certaine somme d’argent, si elle esttouchée aujourd’hui, peut être placée à un taux d’intérêt donné, ensorte qu’elle augmentera régulièrement et prendra, avec le temps,une valeur bien supérieure à celle qu’elle a dans le présent. Le tauxde cette augmentation dépend évidemment du taux d’intérêt auquelcette somme d’argent est placée ; une somme placée à 10 % doubleraen l’espace de sept ans environ, tandis que, placée à 5 %, elle doubleraapproximativement en quinze ans. Si l’argent peut être placé à 10 %,la promesse d’obtenir un dollar dans sept ans ne vaut donc que lamoitié d’un dollar aujourd’hui ; c’est pourquoi la somme promise doitêtre actualisée. De même que cette augmentation de la somme initialeest fonction du taux d’intérêt auquel elle est placée, de même lavaleur actuelle d’une somme qu’on touchera plus tard est liée à cemême taux d’intérêt. La valeur actuelle d’une somme promise estd’autant plus faible que le taux d’intérêt, ou escompte, est plus élevéet que la date pour laquelle elle est promise est plus éloignée. C’estce que nous montre le tableau 4.1, qui indique, d’une part, à quellevitesse augmente la valeur d’un dollar EU placé à intérêt composé

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au taux de 10 % et, d’autre part, quelle est la valeur actuelle d’undollar EU à venir si le taux d’escompte est de 10 %.

Tableau 4.1 Croissance à intérêt composé et valeuractuelle au taux de 10 %

Année Valeur obtenue à la fin Valeur actuelle à investirde chaque année par dollar EU pour obtenir 1 dollar EU

investi à la fin de chaque année

1 1,100 0,909

1 1,100 0,909

2 1,210 0,826

3 1,331 0,751

4 1,464 0,683

5 1,611 0,621

6 1,772 0,564

7 1,949 0,513

8 2,144 0,466

Etc.

Le tableau 4.1 peut se généraliser par les formules ci-après :

1. Une somme d’argent (A), placée à intérêt composé à un tauxdonné (r) pendant n années, s’élèvera à A(1 + r)n à la fin de lapériode considérée. Par exemple, 1 dollar EU placé pendant 4 ansà 10 % atteindra 1(1 + 0,10)4 = 1,464.

2. La valeur actuelle d’une somme d’argent (A), payable au bout den années, si le taux d’escompte est r, est de A(l + r)n. Ainsi,1 dollar EU payable au bout de 4 années vaut actuellement, si letaux d’escompte est de 10 %, 1 $EU/(1 + 0,10)4 = 0,683.

Tous les calculs du rapport coût-bénéfice impliquent l’escomptedes flux de revenus futurs, puisque ces calculs ont pour objet decomparer la valeur actuelle de bénéfices futurs aux coûts

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Évaluation de la valeur actualisée des flux monétaires

d’investissement qui doivent être supportés dans le présent. Si lescoûts du projet se répartissent sur une période de plusieurs années, ilsdoivent également être actualisés, de façon que toutes les sommesd’argent, qu’elles soient négatives (les coûts) ou positives (lesbénéfices), soient exprimées en valeur actuelle. La technique quiconsiste à évaluer les flux de revenus futurs en valeur actuelle, dite« méthode d’actualisation des flux monétaires », est courammentutilisée pour l’évaluation d’investissements de toute espèce. C’est unetechnique extrêmement simple, qui ne demande rien d’autre que decalculer la valeur actuelle, à un taux donné ou supposé, du revenuattendu au cours de chacune des années à venir ; la valeur actuelle duflux des revenus durant toute une vie est donnée par la formule :

Et(1 + r)t∑

n

t = 1

dans laquelle n représente la durée du projet d’investissement, E lerevenu attendu de l’investissement, r le taux d’intérêt et ∑ la sommedes bénéfices annuels depuis l’année 1 jusqu’à l’année n. Le calculde la valeur actuelle, après actualisation, consiste à multiplier lesvaleurs successives de E par un taux d’actualisation. Aujourd’hui,ces calculs sont en général effectués par un programme informatiquesimple, mais il est possible de les effectuer à la main, en s’aidant detableaux qui donnent la valeur de (1 + r)t (intérêt composé) et savaleur inverse, c’est-à-dire 1/(1 + r)t (actualisation) quelle que soit lavaleur de r et de t.

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V. Taux de rendement de l’investissement éducatif

Une fois que les coûts d’un projet d’investissement, ainsi que lesbénéfices qu’on en attend, ont été évalués et ramenés à leur valeuractuelle – en les diminuant du taux d’escompte voulu –, on possèdeles éléments essentiels de l’analyse coût-bénéfice. Il ne reste plusqu’à trouver une formule simple pour schématiser les données, envue de comparer ces coûts et ces bénéfices à ceux d’autresinvestissements. Il existe trois méthodes principales pour présenterces données sous une forme appropriée : le rapport bénéfice-coût ;le calcul de la valeur nette actuelle du projet ; l’établissement du tauxde rendement interne de l’investissement. La première de cesméthodes, comme son nom l’indique, est le rapport entre les bénéficesfuturs et les coûts, les uns et les autres étant ramenés à leur valeuractuelle par l’application d’un taux d’escompte judicieusement choisi.La valeur actuelle nette d’un projet est égale à la différence entre lavaleur actuelle des bénéfices et la valeur actuelle des coûts. Cesdeux modes d’évaluation du rendement d’un investissement ont étéutilisés pour effectuer des analyses coût-bénéfice en éducation, maisils sont moins fréquemment utilisés pour évaluer l’éducation que latroisième méthode, à savoir l’analyse du taux de rendement. Le tauxde rendement d’un projet d’investissement n’est autre que le tauxd’intérêt à appliquer aux coûts du projet et aux bénéfices qu’on enattend pour que les uns et les autres soient égaux en valeur actuelle.Pour reprendre les symboles utilisés précédemment, le taux derendement est le taux d’intérêt auquel la valeur actuelle des bénéficesattendus :

Et(1 + r)t∑

n

t = 1

et la valeur actuelle des coûts :

Ct(1 + r)t∑

n

t = 1

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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sont égales ou, en d’autres termes, le taux d’intérêt pour lequel ladifférence entre les bénéfices et les coûts, en valeur actuelle, estégale à zéro. Ce qui s’écrit :

Et – Ct(1 + r)t∑

t = 42

t = 1

Ces trois formes de l’analyse coût-bénéfice ont ceci de communqu’elles utilisent les mêmes méthodes de base pour l’évaluation envaleur actuelle des coûts et des bénéfices et qu’elles synthétisent lesrésultats obtenus en une formule unique. La différence essentielle estque la méthode du rapport bénéfice-coût et la méthode du calcul de lavaleur actuelle nette font intervenir un taux d’intérêt hypothétique,tandis que la méthode du taux de rendement d’un investissement,indépendamment de toute hypothèse sur le taux d’intérêt, faitsimplement apparaître le taux auquel les coûts et les bénéfices sontégaux. Si une entreprise privée veut évaluer le rendement d’uninvestissement, il lui suffit de prendre, pour calculer la valeur actuelledes coûts et des bénéfices, le taux auquel elle-même emprunte ;l’investissement le plus rentable est alors le projet qui a le rapportbénéfice-coût le plus élevé, ou la valeur actuelle nette la plus grande,au taux d’intérêt que la firme doit payer pour trouver du crédit.Malheureusement, lorsqu’il s’agit d’évaluer le rendement d’uninvestissement éducatif, le taux d’intérêt qu’il convient d’appliquerest moins évident. En l’occurrence, le point de comparaison à prendrepour le rendement d’un investissement éducatif est le taux de rendementmoyen que procurerait l’investissement public ou individuel de la mêmesomme. Est-ce 10 % ou 20 % ? Il y a là matière à discussion et laréponse sera vraisemblablement différente selon les pays et selon lesépoques.

L’avantage qu’il y a à utiliser la méthode du taux de rendementpour évaluer le rendement d’un investissement éducatif, c’est que lecalcul se fait sans que l’on ait à choisir tel ou tel taux, comme c’est lecas avec la méthode du rapport bénéfice-coût. On peut tirer certainesconclusions d’une analyse coût-bénéfice, d’où il ressort que le tauxde rendement social de l’enseignement supérieur est de 8 %, alorsque celui de l’enseignement primaire est de 15 %, même si une

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Taux de rendement de l’investissement éducatif

incertitude subsiste quant au taux de rendement d’autres formesd’investissement social. C’est pourquoi la plupart des exemples del’analyse coût-bénéfice en éducation utilisent le taux de rendement etc’est à cette forme d’analyse coût-bénéfice que l’on s’attachera plusparticulièrement dans la suite de cette brochure.

En résumé, on peut dire que l’analyse coût-bénéfice consistegénéralement à tenter d’évaluer le taux de rendement social ou privéd’un investissement propre à un type ou à un niveau particulierd’éducation. Le taux de rendement social est le rapport entre les gainssupplémentaires, avant déduction des impôts, obtenus dans le coursd’une vie grâce à un certain genre d’éducation, et le coût social decette éducation évalué d’après son coût d’opportunité. En comparantce taux de rendement avec le taux de rendement d’autres genres oud’autres niveaux d’éducation ou avec celui d’autres formesd’investissement social, on peut évaluer la rentabilité économique desdépenses publiques en éducation. De même, le taux de rendementprivé, qui est le rapport entre les gains supplémentaires (déductionfaite des impôts) et les dépenses qui incombent à chaque individu,permet de faire une évaluation de l’éducation considérée comme uneforme d’investissement privé. Là encore, il est possible, soit decomparer entre eux les taux de rendement de différents genresd’éducation, soit de comparer l’éducation avec d’autres formesd’investissement privé, comme l’achat d’actions par exemple.

À résumer aussi brièvement les choses, on risque d’amener lelecteur à se poser de nombreuses questions sur ce que vaut une telleévaluation des bénéfices de l’éducation, sur la mesure dans laquelleles gains supplémentaires sont réellement dus à l’éducation et, enfin,sur la question de savoir si ce sont les pouvoirs publics ou les individusqui prennent effectivement, ou devraient prendre, les décisions enmatière d’éducation, sur la base de calculs de rentabilité économique.Dans le prochain chapitre, on examinera certaines des objections quiont été opposées à l’analyse coût-bénéfice en éducation, et notammentaux tentatives d’évaluation des taux de rendement.

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VI. Objections à l’utilisation de l’analysecoût-bénéfice en éducation

Premières critiques : les années 1960

Dans les années 1960, les économistes et les praticiens del’éducation ont émis un certain nombre d’objections, d’ordre théoriqueet pratique, à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice dans le secteur del’éducation, notamment dans les pays en développement(Vaizey, 1962 ; Merrett, 1966). Ces objections peuvent se résumertrès brièvement comme suit.

1. Les gains supplémentaires sont liés à des différences concernantles aptitudes naturelles, la motivation, la situation sociale, le sexe,la profession, la formation extrascolaire, etc., des travailleurs,autant qu’à des différences d’instruction, en sorte que les gainssupplémentaires ne peuvent pas servir à évaluer les bénéfices dela seule éducation.

2. L’éducation n’accroît pas la productivité des travailleurs ; elleconstitue simplement un processus de « filtrage » ou de« sélection », qui permet aux employeurs d’identifier ceux quipossèdent les meilleures aptitudes naturelles. Les gainssupplémentaires reflètent donc cette fonction de filtrage ou decertification de l’éducation, et les employeurs ont tendance à exigerdes qualifications de plus en plus hautes, ce qui entraîne ungaspillage de ressources.

3. En outre, les gains supplémentaires ne correspondent pas à uneévaluation exacte des différences de productivité des travailleurs,en raison des défectuosités du marché du travail ; les différencesde gains ne constituent donc pas une évaluation des bénéficeséconomiques directs de l’éducation.

4. En sus de ces bénéfices directs, l’éducation produit des bénéficesindirects, ou « retombées », en ce sens qu’elle peut accroître laproductivité de personnes autres que les seuls travailleurs instruits ;

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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or, les gains supplémentaires ne permettent pas de mettre enévidence ces bénéfices ; ils ne permettent pas davantage d’exprimerles bénéfices extra-économiques.

5. Le calcul du taux de rendement suppose le plein emploi destravailleurs instruits, alors que, dans de nombreux pays endéveloppement, le chômage n’épargne pas les gens instruits, lesdiplômés comme ceux qui ont achevé des études secondaires.

6. Les profils âge-gains, tracés à partir de données transversales etqui servent de base au calcul des taux de rendement, exprimentles conditions présentes et passées de l’offre et de la demande,alors que c’est l’état futur de l’offre et de la demande qui intéressele planificateur ; c’est pourquoi le taux de rendement est un piètreoutil pour la planification de l’éducation.

7. Les taux de rendement privés sont dépourvus de signification,car les individus ne sont pas guidés, dans les choix qu’ils font enéducation, exclusivement par des considérations d’investissementsfinanciers.

Il semble que ce soit là une liste d’objections de poids au nomdesquelles certains auteurs ont attaqué et condamné, dans sonensemble, le principe de l’analyse coût-bénéfice en éducation. Nousnous proposons, dans ce chapitre, d’examiner chaque objection l’uneaprès l’autre, de voir si elle est valable et si elle conduit à abandonnerle concept d’analyse coût-bénéfice en éducation dans son ensembleou si, moins radicalement, elle incite à modifier l’analyse coût-bénéficepour tenir compte de problèmes spécifiques.

Aptitudes naturelles et éducation

Dans certains des premiers exemples de l’analyse coût-bénéficeen éducation, on a évalué les bénéfices de l’éducation en prenant,purement et simplement, la totalité des gains supplémentaires destravailleurs instruits. C’est évidemment là un procédé qui n’est pasconforme à la réalité et qui donne lieu à contestation. Le fait qu’ilexiste une corrélation entre des gains plus élevés et l’éducation nesignifie pas que la totalité des gains supplémentaires des travailleursinstruits puisse être attribuée à l’éducation. Il est vraisemblable queces travailleurs sont doués d’aptitudes plus grandes, qu’ils proviennent

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Objections à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice en éducation

d’un milieu social plus élevé, qu’ils exercent des professionsdifférentes, qu’ils ont reçu une formation continue plus poussée queles travailleurs moins instruits, en sorte que ce serait surévaluer lesbénéfices de l’éducation que d’attribuer la totalité des gainssupplémentaires à l’éducation scolaire. L’éducation tend à être enétroite corrélation avec de nombreux autres facteurs qui contribuenttous à la fixation des salaires. Cependant, on a enregistré certainsprogrès dans les tentatives faites pour dégager, entre les gains, lapart de ceux qui sont dus uniquement à l’éducation, et les rechercheseffectuées dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis,aboutissent toutes à cette conclusion que, même lorsque certains deces autres facteurs demeurent constants, l’éducation, à elle seule, aune grande influence sur les gains des travailleurs.

Aux États-Unis, on a effectué, sur un large échantillon detravailleurs, une analyse multivariée destinée à évaluer les effets propreset les effets combinés de certains des facteurs qui déterminent larelativité des gains : le sexe, l’origine ethnique, la profession, le lieu dutravail (urbain ou rural), la classe sociale, les résultats scolaires etl’instruction (Morgan, David, Cohen et Brazer, 1962). L’enquête aabouti à la conclusion que la durée des études était, entre ces diversfacteurs, celui qui rendait le mieux compte de la différenciation desgains. Pourtant, cette recherche n’a pas établi de séparation netteentre l’éducation et les aptitudes naturelles avec lesquelles elle est encorrélation très étroite. Elle n’a pas non plus tenu pleinement comptedu fait que la durée des études est liée elle-même à des caractéristiquespersonnelles, telles que la ténacité ou une forte motivation. D’autresétudes faites en Amérique ont jeté quelque lumière sur la question del’influence des aptitudes naturelles. Becker (1964) a analysé lesrésultats d’une étude portant sur un échantillon de diplômés del’enseignement secondaire et supérieur qui, au cours de leurs études,avaient passé des tests d’aptitude intellectuelle ; il en est ressorti que,même lorsque le quotient intellectuel était demeuré constant, il existaitune relation très étroite entre la durée des études et les gains. Uneautre étude, pleine d’intérêt, qui est citée par Becker, a porté uniquementsur un échantillon de frères et elle a montré que ceux des frères quiavaient reçu davantage d’instruction avaient des gainsproportionnellement plus élevés.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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Par la suite, des recherches plus poussées en ce sens ont étémenées aux États-Unis. Réalisées sur des échantillons de vrais jumeaux,elles ont abouti à la même conclusion que les études antérieures, c’est-à-dire l’existence d’une forte corrélation entre l’éducation et les gains,lorsque le contexte familial et les aptitudes naturelles restent constants.(Ashenfelter et Rouse, 1998, étude présentée dans OCDE, 2000,p. 53).

L’influence de l’éducation sur les gains, même en tenant comptedes différences dues à l’extraction sociale ou aux « aptitudes naturelles »(mesurées par les tests d’aptitudes intellectuelles), a également étédémontrée dans d’autres pays (Psacharopoulos, 1975, synthèse derecherches dans ce domaine). Une explication vraisemblable en estque, si les aptitudes naturelles et le milieu familial ont de l’importance,c’est seulement en liaison avec l’éducation qui s’y ajoute qu’ellesexercent une grande influence sur ce qu’un individu est à même degagner. D’un autre côté, ces mêmes études ont clairement montré qued’autres facteurs, tels que les aptitudes naturelles, l’extraction familialeou la simple motivation, ont, sur les gains, une influence qu’il fautdistinguer de l’influence propre à l’éducation.

Ainsi la question n’est-elle pas : « Est-ce que l’éducation a uneinfluence sur les gains? », mais : « Dans quelle proportion lessuppléments de gains constatés chez les travailleurs instruits sonteffectivement dus à leur éducation ? ». Les études faites en Amérique,et dont nous venons de parler, tendent à considérer qu’en gros, lesdeux tiers des gains supplémentaires des travailleurs instruits peuventêtre attribués à l’éducation plutôt qu’à d’autres facteurs, tels que lesaptitudes naturelles. C’est pourquoi de nombreux calculs de taux derendement retiennent, pour évaluer les bénéfices de l’éducation, lesdeux tiers des gains supplémentaires constatés, et multiplient chaquegain supplémentaire par le coefficient 0,66 (ce que certains auteursappellent la « correction d’aptitudes » ou le « coefficient alpha »).

Toutefois, la valeur réelle du coefficient alpha reste matière àdiscussion. Il est probablement raisonnable d’estimer la valeur de cecoefficient à 0,7 ou même à 0,8 pour les États-Unis, mais on a faitremarquer que l’influence des aptitudes naturelles peut être plus forte

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Objections à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice en éducation

que d’autres facteurs, selon l’âge et selon les catégories de travailleursinstruits, en sorte qu’il faudrait attribuer des valeurs différentes aucoefficient alpha pour les différents calculs. On a également faitobserver que les effets du coefficient alpha et d’autres facteurs, commeles différences de qualité de l’éducation dont on sous-estime souventl’importance, ont de grandes chances de se neutraliser mutuellement.Ceci explique que, dans certains calculs récents des taux de rendement,le coefficient alpha n’a pas été retenu comme élément de correctiondes gains.

Un problème plus important se pose quand on en vient à évaluerles bénéfices de l’éducation dans les pays en développement. Hormisde rares études sur les fonctions des gains, rien ne permet de savoir sil’influence des aptitudes naturelles ou de la classe sociale sur les gainsest plus forte ou, au contraire, moins forte dans les pays endéveloppement qu’aux États-Unis. Dans ces conditions, il semble quele mieux soit d’émettre des hypothèses différentes quant à la proportionde gains supplémentaires qui peuvent être attribués à l’éducation et decalculer une série de valeurs du taux de rendement de l’éducationcorrespondant aux hypothèses « fortes » ou « faibles » concernantl’influence de l’éducation sur les gains. On reviendra plus en détailsau chapitre VII sur l’intérêt qu’il peut y avoir à calculer des évaluationsdifférentes du taux de rendement selon ces différentes hypothèses.Pour l’instant, il suffira de faire remarquer que le fait que les gainsdépendent de facteurs autres que l’éducation ne constitue pas unproblème insoluble pour le calcul des taux de rendement.

L’éducation : processus de filtrage ou de sélection

La difficulté de distinguer les effets de l’éducation et les effetsdes aptitudes naturelles a donné l’idée de voir dans l’éducation unprocessus de filtrage ou de sélection pour le marché du travail ; end’autres termes, ce qui importe pour un élève n’est pas le fait d’acquérirdes connaissances pendant son processus éducatif, mais l’obtentionou non d’un certificat à la fin de ce dernier. D’après cette théorie (voirpar exemple Arrow, 1973), le principal objectif de l’éducation n’estpas, comme on l’imagine habituellement, d’inculquer des connaissancesthéoriques et pratiques, mais de délivrer des certificats attestant des

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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aptitudes naturelles, qualifications et attitudes des élèves, lesquellessont ensuite utilisées par les employeurs dans la sélection destravailleurs pour des emplois fortement rémunérés.

Ce processus de délivrance de diplômes a pour résultat fâcheux,d’après les critiques, d’aboutir à une « spirale de qualifications » dontle niveau est haussé sans cesse par les employeurs, pour les emploisles plus rémunérés, tout simplement dans le souci de préserver le rôlesélectif des qualifications éducatives ; par la même occasion, les élèvesrecherchent des qualifications supérieures, ne serait-ce que pour êtreen tête de la course pour ces postes supérieurs. Le résultat final est ungaspillage de quelques rares ressources, vu le caractère onéreux del’éducation.

Cette description, simplifiée à l’extrême, comporte une certainepart de vérité, et il est probable que le syndrome de « diplômite »,pour reprendre les mots employés par Dore (1976, 2e édition 1997),aboutit à une utilisation stérile des ressources dans certains pays endéveloppement. Mais le fait que des employeurs utilisent lesqualifications éducatives dans un effort d’identification de certainesaptitudes et attitudes ne signifie pas que l’éducation n’a pas d’autrerôle que celui de sélection. Divers économistes issus de plusieurs paysde l’OCDE ont expérimenté la version dite « forte » et la version dite« faible » de l’hypothèse de sélection et ils n’ont trouvé que très peud’éléments à l’appui de la version « forte », ce qui laisse supposerqu’il s’agit d’une conception étroite et inutilement restreinte del’éducation.

L’intérêt de « l’hypothèse de sélection », comme on l’appellesouvent, est qu’elle nous rappelle la nécessité de mieux comprendrecomment et pourquoi l’éducation accroît la productivité des travailleurs.Elle souligne, entre autres, les effets de l’éducation sur les attitudes etsur l’acquisition de connaissances, de même qu’elle permet dedévelopper des aptitudes latentes et de créer de nouveaux talents. Cesfaits ne doivent pas être oubliés, sans pour autant les jugerincompatibles avec la conception de l’éducation comme une formed’investissement en capital humain. Une étude récente de l’OCDEmontre ainsi la nécessité d’élargir la notion de capital humain, en yintégrant les particularités de l’individu, de même que ses

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Objections à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice en éducation

connaissances théoriques et pratiques et ses compétences (OCDE,2001, p. 19).

Gains et productivité

L’une des hypothèses de base de toute analyse coût-bénéfice,c’est que la relativité des gains traduit la relativité de la productivitédes travailleurs. Or, certains économistes nient qu’il en soit ainsi. Ilssoulignent les rigidités du marché du travail, ainsi que la force del’habitude et de la tradition dans la fixation des salaires, la puissancedes syndicats ou l’importance des rémunérations accordées dans lesecteur public, qui sont parfois la conséquence du maintien de structuresde salaires archaïques, notamment dans les pays en développement,et ils soutiennent que l’échelle des gains, dans une économie donnée,n’apporte aucun renseignement sur la part respective des différentstravailleurs dans la production totale. Cette thèse paraît quelque peuexcessive. Sans doute serait-il absurde de nier que ces facteurs exercentsur l’échelle des rémunérations un effet de distorsion, que le pouvoirde négociation des syndicats peut provoquer une inflation desrémunérations dans certains secteurs ou que les rémunérations actuellespeuvent traduire les conditions passées du marché. Un exempleindiscutable en est donné par le fait que, dans certains pays endéveloppement, les échelles de traitements dans la fonction publiquesont encore à l’image des traitements qui étaient ceux desadministrateurs coloniaux avant l’accession du pays à l’indépendance ;quelques entreprises privées peuvent aussi, pour des raisons de prestige,pratiquer une « politique spectaculaire d’emploi des diplômés » qu’ilspaient au-dessus de leur véritable valeur économique, ce qui signifieraitque les gains supplémentaires surestiment les véritables bénéficessociaux de l’éducation. À l’inverse, il arrive que certains travailleurs,d’une qualification rare et précieuse, soient payés au-dessous de leurvaleur sociale réelle. Toutes nos méthodes d’évaluation du taux derendement social doivent faire l’objet d’une interprétation prudente.Néanmoins, soutenir qu’en raison de ces causes de distorsion, on doitrejeter entièrement la différenciation des rémunérations comme moyend’évaluer la demande respective des différentes qualifications est uneposition par trop catégorique, qui impliquerait notamment le rejetabsolu du système des prix en économie.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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Il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin. L’hypothèsefondamentale de l’analyse coût-bénéfice, c’est que la structure prix-salaires reflète, même si elle ne le mesure pas parfaitement, l’équilibreentre l’offre et la demande de qualifications différentes. Si l’on penseque des distorsions graves existent sur le marché de l’emploi et quecertaines catégories de travailleurs sont payées soit sensiblement au-dessus, soit sensiblement au-dessous de leur valeur économique réelle– c’est ce que les économistes appellent la productivité marginale –, peut-être faudrait-il dresser une échelle de prix ou de salaires« virtuels », qui traduirait avec plus d’exactitude la productivité réelledes travailleurs, et l’utiliser comme base de calcul des coûts-bénéfices.Quelques tentatives ont été faites dans les années 1970 pour estimerles taux de rendement à partir de prix virtuels, mais elles sont dansl’ensemble restées sans suite. Par contre, plusieurs calculs du taux derendement ont été effectués en introduisant certaines corrections dansles gains (voir chapitre VII).

Une autre solution, plus simple, au problème de l’estimation du« véritable » taux de rendement de l’éducation, lorsque l’on penseque les taux de salaires n’expriment pas convenablement la productivitérelative, consiste à calculer des taux de rendement différents, en seplaçant dans des hypothèses différentes sur la productivité marginaleet sur les salaires relatifs. Une telle analyse peut faire apparaître leseffets de structures de salaires différentes sur les taux de rendement.

Une autre solution adoptée dans des études de coût-bénéficeconsiste à évaluer les bénéfices non pas en fonction des gains, maispar rapport à des mesures physiques de la production. Plusieurs étudesde la Banque mondiale ont été menées dans le but de comparer laproductivité agricole de cultivateurs possédant différents niveauxd’études. Il en ressort que les cultivateurs ayant fréquenté l’écoleprimaire pendant quatre ans obtiennent des récoltes d’un rendementnettement plus élevé que les cultivateurs qui n’ont jamais été à l’école(Psacharopoulos et Woodhall, 1985, p. 46-49).

En résumé, s’il n’y a pas unanimité, il y a néanmoins aujourd’huiun large consensus pour considérer que, bien que les gains n’offrentpas une évaluation parfaite de la productivité, il y a abondance depreuves montrant que l’éducation augmente la productivité des

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Objections à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice en éducation

travailleurs, aussi bien dans les pays de l’OCDE que dans les paysen développement.

Retombées de l’éducation

Dans le chapitre III, on a fait remarquer que les profils âge-gains, d’après lesquels sont calculés les taux de rendement,n’expriment pas les bénéfices indirects ou les « retombées » del’éducation, que les économistes appellent « externalités », non plusque les bénéfices non monétaires de l’éducation considérée commebien de consommation et, pour ces raisons, l’analyse coût-bénéfice aété condamnée par certains auteurs. Le fait que l’éducation a unevaleur par elle-même et qu’il existe une demande de l’éducationconsidérée comme bien de consommation n’est pas une raison pourméconnaître ou pour nier que l’éducation contribue également àl’accroissement du revenu futur et qu’elle est ainsi une formed’investissement. L’analyse coût-bénéfice s’attache à l’aspectd’investissement de l’éducation et aux bénéfices économiquesmesurables de l’éducation ; mais que l’éducation soit aussi la sourced’autres bénéfices est un fait de plus en plus communément admis.Le degré d’importance qu’il convient d’attacher à ces autres bénéficesest à la fois une question politique et une question de fait. La questionde savoir si la planification de l’éducation doit attacher plusd’importance à la croissance économique qu’à d’autres objectifsrelève du domaine politique et, face à la multiplicité des objectifs del’éducation, l’analyse coût-bénéfice tente simplement de donner uneanalyse de l’incidence économique de l’éducation. Cela ne peut pasêtre le critère unique pour la planification de l’éducation, mais la« méthode de l’investissement dans la planification de l’éducation »repose sur la croyance que cette analyse devrait être un élémentimportant de la prise de décision.

La question de savoir si les bénéfices économiques indirects del’éducation l’emportent sur les bénéfices directs monétaires est, d’autrepart, une question de fait, même si les techniques pour évaluer cesbénéfices indirects ne sont pas encore totalement opérationnelles.Dans les années 1960, plusieurs auteurs ont souligné que l’éducationproduit effectivement des bénéfices indirects ; par exemple, destravailleurs peu instruits peuvent voir leur productivité s’accroître en

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travaillant dans la même équipe que des travailleurs qui ont une bonneinstruction ; l’éducation acquise par une génération influevraisemblablement sur les réalisations et sur la productivité de lagénération suivante ; l’éducation des femmes influe sensiblement surla fécondité et la santé. Il est malheureusement plus facile d’énoncerces bénéfices que de les évaluer, quoiqu’ils soient théoriquementmesurables. On n’a pas fait de grands progrès durant les années 1960et 1970 dans la détermination et dans l’évaluation des externalités oudes retombées. Dernièrement, toutefois, on a constaté un renouveaud’intérêt pour l’évaluation des bénéfices indirects, des retombées etdes externalités. Au chapitre III, on a ainsi eu l’occasion de présenterles efforts mis en œuvre par des chercheurs, tels que Haveman etWolfe (1984) ou McMahon (1999), pour évaluer les externalités etde rendre compte de la conclusion à laquelle ils ont abouti, à savoirque les bénéfices indirects sont considérables et pourraient mêmesurpasser les bénéfices directs. D’autres chercheurs ont suivi leurexemple. D’après l’Équipe spéciale sur l’éducation supérieure et lasociété convoquée par la Banque mondiale et l’UNESCO parexemple, l’analyse du taux de rendement « ignore totalement l’impactdes recherches menées à l’échelon de l’université sur l’économie –un bénéfice social d’une grande portée qui est au cœur de touteargumentation en faveur du développement des systèmesd’enseignement supérieur » (Équipe spéciale, 2000, p. 39).

Suite à cette nouvelle série de recherches sur les bénéficesindirects, il existe aujourd’hui un large consensus autour de l’idéeselon laquelle le taux de rendement social, calculé d’après les gains,représente une sous-estimation du rendement total de l’éducation.C’est là une considération importante si l’on veut comparer lerendement de l’éducation à celui d’autres formes d’investissementsocial, encore que, même en ce domaine, il soit utile d’avoir d’abordune évaluation des bénéfices économiques directs lorsque, pour prendreun exemple, on compare les dépenses d’éducation avec les dépensesde santé. Si, au contraire, l’analyse coût-bénéfice a pour objet decomparer la rentabilité de deux formes d’éducation, une telleconsidération a moins d’importance. En effet, alors qu’il estgénéralement admis que l’éducation est une source de bénéficesextrinsèques, il est moins évident, par exemple, que l’enseignementsupérieur produit plus de bénéfices indirects que l’enseignement

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Objections à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice en éducation

primaire. Si donc il s’agit de comparer les rendements de différentsniveaux ou de différents types d’éducation, le fait que les taux derendement donnent une sous-estimation des véritables rendementsde l’éducation ne constitue pas fatalement un grave inconvénient.Les recherches se poursuivent pour déterminer et évaluer lesexternalités et les bénéfices indirects. On ne peut que se réjouir decette évolution qui a d’ores et déjà permis de mieux comprendre lesbénéfices de l’éducation.

Chômage et taux de rendement

Dans les pays avancés, l’analyse coût-bénéfice en éducationignore généralement le problème du chômage ou de l’inactivité destravailleurs instruits ; au contraire, dans les pays en développement,où le chômage des travailleurs instruits peut constituer un graveproblème et où les taux d’activité sont peu élevés, les évaluations dutaux de rendement social doivent tenir compte de l’éventualité duchômage des travailleurs instruits. Il est parfaitement possible de fairela correction nécessaire dans l’évaluation du taux de rendement social.Le procédé le plus simple consiste à évaluer les bénéfices d’aprèsles gains rectifiés, pour tenir compte des différences dans les tauxd’emploi et dans la participation à la population active des travailleursqui se trouvent à des niveaux d’instruction différents. Lorsqu’on nepeut se procurer de telles données, on peut faire une estimation destaux moyens d’emploi, aux différents âges, des travailleurs répartisen catégories selon leur degré d’instruction, de manière que lesbénéfices de l’éducation puissent être évalués d’après les gainspondérés selon la probabilité d’emploi des travailleurs instruits. Ontrouvera dans le chapitre suivant un exemple de ce genre de calculeffectué pour l’Inde.

Passé, présent et avenir

Les objections adressées à l’analyse coût-bénéfice, tirées dufait que les taux de rendement actuels reflètent les politiquesd’investissement du passé et constituent un médiocre guide pourl’avenir, doivent être examinées à deux niveaux. Le premier problèmequi se pose, c’est que le taux de rendement évalue la rentabilité de

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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niveaux d’investissements passés en fonction du rapport présententre l’offre et la demande. Le taux de rendement ainsi calculé nepeut servir à estimer la rentabilité future que si le présent rapportentre l’offre et la demande ne varie pas. L’analyse coût-bénéfice estune forme d’analyse marginale et les taux de rendement étudiés sontdes taux de rendement marginaux, qui évaluent les effets d’un faibleaccroissement de l’investissement éducatif. Cela veut dire que letaux de rendement de l’investissement éducatif, calculé d’après lesdonnées actuelles sur les gains, ne correspond pas à une estimationcorrecte de la rentabilité d’une expansion de grande envergure del’éducation qui serait destinée à changer fondamentalement l’équilibreentre l’offre et la demande de main-d’œuvre instruite. Ce que l’analysecoût-bénéfice peut faire en pareil cas, c’est d’attirer l’attention sur lanécessité qu’il y a d’analyser les effets probables d’une expansionde grande envergure sur la relativité des gains ; autrement dit, si leplanificateur de l’éducation envisage des changements non marginauxdans le système d’éducation, il ne doit pas s’attendre à ce que lestaux de rendement présents se maintiennent dans l’avenir et il doitessayer de prédire le schéma futur des gains supplémentaires à lalumière d’un accroissement massif de l’offre. En raison de cettedifficulté, certains adversaires de l’analyse coût-bénéfice ont nié queles taux de rendement puissent être d’une quelconque utilité pourune planification prospective. Pourtant, il est probable que tout essaide prédire l’avenir est facilité par une compréhension approfondie duprésent ; or, les estimations du taux de rendement social et du tauxde rendement privé ont l’avantage de fournir une information surl’équilibre actuel entre l’offre et la demande. Cette information auraencore plus de valeur si elle s’appuie sur des estimations concernantla variation des taux de rendement dans le temps. Les donnéesdisponibles sur les variations des taux de rendement dans le tempssont encore relativement limitées. Psacharopoulos (1981, 1989) anéanmoins comparé des estimations échelonnées dans le temps destaux de rendement pour un certain nombre de pays et il en a concluque, dans l’ensemble, ceux-ci avaient enregistré une légère baisse,mais que cette baisse était cependant trop faible pour que l’on puissepenser à une expansion excessive de l’éducation. Certainséconomistes ont fait valoir que les États-Unis ou le Royaume-Uni,comme d’autres pays, risquaient de connaître une « sur-éducation »et que les taux de rendement diminueraient dans les années à venir,

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mais, à ce jour, tout porte à croire (ainsi qu’on le verra plus en détailsaux chapitres IX et X) que l’augmentation de la demande decompétences dans de nombreux pays a progressé de pair avecl’augmentation de l’offre de travailleurs instruits, en sorte que lesbaisses de taux de rendement avec le temps ont été modérées.

Reste le problème que les profils âge-gains tracés à partir dedonnées transversales sous-estiment les gains futurs des travailleurs,puisque ceux-ci auront des emplois dans une économie endéveloppement, avec des revenus réels de niveau croissant. C’est direque, si l’on ne tient pas compte de la croissance future des revenusdans l’évaluation des taux de rendement, ceux-ci sous-estimeront lesrendements financiers de l’éducation dans l’avenir. C’est pourquoicertains auteurs ont proposé de corriger les taux de rendement calculésd’après les données transversales pour tenir compte de la croissancesupposée des gains réels dans l’avenir. Même avec cette correction, ilse peut que la croissance des gains dans un futur éloigné soit sous-estimée, ce qui signifierait que le taux de rendement serait biaisé pardéfaut. Heureusement, ce n’est pas une source d’erreur très importante,puisque les gains futurs, déduction faite de l’escompte, pèsent bienmoins lourd que ceux des prochaines années. C’est pourquoi les calculsde taux de rendement sont beaucoup moins affectés par desinexactitudes dans l’évaluation des bénéfices quand il s’agit d’un futuréloigné que quand il s’agit des premières années de la vie professionnelled’un individu.

La signification du taux de rendement privé

La plupart des objections que nous avons examinées jusqu’àmaintenant ont trait à l’estimation du taux de rendement social. C’estune objection d’une toute autre nature que l’on fait parfois au calculdu taux de rendement privé en éducation. On soutient que lesétudiants, quand ils choisissent de s’instruire, le font pour un grandnombre de raisons qui ne sont pas toutes d’ordre professionnel oufinancier et que, dès lors, c’est accorder trop d’importance auxconsidérations économiques et financières que de croire que lesétudiants ou leurs familles se livrent au calcul du taux de rendementprivé. Une telle objection passe à côté de ce qui fait l’essentiel del’analyse coût-bénéfice. Les estimations du taux de rendement privé

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sont faites pour évaluer dans quelle mesure un individu a intérêt àfaire des dépenses pour sa propre éducation, pour autant que celle-ciest considérée comme un moyen d’accroître sa capacité future degagner de l’argent ; elles ne présupposent pas que ce soit la seulemotivation de toutes les décisions de s’instruire. Néanmoins, c’est unfait que, dans les pays en développement comme dans les paysdéveloppés, les étudiants et leurs familles sont généralement bienconscients des avantages professionnels que procure l’enseignementsupérieur ; et le désir d’avoir un meilleur emploi, de jouir, sa vie durant,d’un revenu plus élevé, intervient souvent comme un facteur importantquand on choisit de faire des études. Lorsque les étudiants prennentleurs décisions, ils le font d’après des estimations, assez rudimentaires,des avantages probables comparés aux coûts. Le calcul du taux derendement privé fait apparaître avec plus d’exactitude et de précisionquel est l’équilibre entre la perte d’argent présente et le gain d’argentfutur. Ainsi, les estimations du taux de rendement privé peuventéclairer les tendances de la demande privée pour certains typesd’éducation ou bien encore les tendances à l’émigration destravailleurs instruits, même si l’hypothèse qu’un étudiant opte pourl’éducation en tant qu’investissement ne rend que partiellement comptede sa motivation. On trouvera dans les chapitres IX et X plusieursexemples illustrant la manière dont les taux de rendement privé ontété appliqués pour analyser la demande privée de différents typesd’éducation et pour examiner les différences de participation entreles sexes, en termes de coûts et de bénéfices privés.

Critiques plus récentes : les années 1980 et 1990

Jusqu’à présent dans ce chapitre, nous avons examiné lespremières objections qui ont été faites à l’analyse coût-bénéfice dansles années 1960 et 1970. Par la suite, dans les années 1980, denombreuses études sur les taux de rendement ont été engagées et leschercheurs ont continué à débattre des aspects théoriques, pratiqueset politiques de la méthode et tenté de rassembler des donnéesempiriques sur diverses questions, telles que les effets des aptitudesnaturelles, des antécédents familiaux et d’autres facteurs sur les gainsfuturs des travailleurs instruits, l’hypothèse du processus de sélection,le lien entre éducation et productivité et l’ampleur des bénéfices

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Objections à l’utilisation de l’analyse coût-bénéfice en éducation

indirects et des externalités. Controverses et recherches se sontégalement poursuivies tout au long des années 1990, tandis que, dansle même temps, surgissaient de nouvelles critiques de l’analyse coût-bénéfice. Aujourd’hui encore, les querelles entre partisans etadversaires de cette approche restent d’actualité. Il s’agit maintenantde dresser un état des lieux de cette question en récapitulantbrièvement quelques-unes des principales critiques qui ont étéformulées dans les années 1980 et 1990. Cette partie expose lesréponses faites par d’autres chercheurs et praticiens à ces critiques.

Dans les années 1980, plusieurs critiques ont porté sur le faitque les taux de rendement classiques mettaient l’accent sur l’aspectquantitatif de l’éducation, c’est-à-dire sur le nombre d’années descolarité par exemple, et en négligeaient l’aspect qualitatif, tirantargument de l’idée selon laquelle un « approfondissement » del’éducation scolaire par le biais d’une augmentation de la qualité génèreun taux de rendement social plus élevé qu’un « élargissement » del’éducation scolaire par le biais d’une augmentation de la quantité(Behrman et Birdsall, 1983). Or, il est beaucoup plus difficile d’évaluerla qualité que d’évaluer la quantité et, comme on l’a évoqué auchapitre I, il est probable qu’alors une analyse coût-efficacité se prêtemieux à un tel exercice qu’une analyse coût-bénéfice. Les donnéesutilisées pour calculer les taux de rendement ont été un autre sujetfréquent de critiques. Outre le fait que les études s’appuyaient dans laplupart des cas sur des données transversales, souvent totalementobsolètes à l’époque de la parution des résultats, nombre d’entre ellesreposaient sur des données de gains provenant d’échantillons restreintset non représentatifs et limitées, dans bien des cas, à l’emploi dans lesecteur formel et en milieu urbain, faisant par là même abstraction dela situation du marché du travail dans le secteur informel et en milieurural.

Bennell (1995, 1996 et 1998) a violemment critiqué l’analyse dutaux de rendement, concentrant ses attaques sur l’examen « actualisé »des taux de rendement publié par Psacharopoulos en 1994 et surl’utilisation, ou, selon les termes de Bennell, la mauvaise utilisationdes taux de rendement de l’investissement éducatif par la Banquemondiale. Ses critiques se rangent en trois catégories : (a) les faiblesses

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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techniques et méthodologiques de nombreuses études du taux derendement, notamment la qualité médiocre des données, le manquede fiabilité des échantillons et l’erreur systématique qui entachel’évaluation des coûts et des bénéfices ; (b) la représentativité partielledes résultats et le bilan imprécis qui en a parfois été fait, aboutissantalors à négliger des mises en garde importantes ; et (c) l’absence debase de comparaison commune entre des études conduites par deschercheurs différents ou dans des pays différents, conduisant ainsi àprocéder de façon irréfléchie à des agrégations de taux de rendementet à des calculs de moyenne de ces valeurs pour des sous-secteurs,tels que l’enseignement primaire, et à faire des comparaisons globalestotalement inconsidérées, notamment pour de grands groupes de paysou pour des continents entiers, comme l’Asie ou l’Afrique sub-saharienne. Les critiques faites par Bennell sont centrées en grandepartie sur la manière dont l’analyse coût-bénéfice a été interprétée etappliquée par des organismes de financement, en particulier par laBanque mondiale, pour orienter les choix en matière de priorités etd’investissement. Nous reviendrons sur ces questions en plus amplesdétails au chapitre XI.

Réponses aux critiques

Depuis que l’idée d’appliquer l’analyse coût-bénéfice enéducation a été pour la première fois avancée et mise en œuvre àune large échelle dans les années 1960, adversaires et partisans decette approche n’ont pas ménagé leurs efforts pour justifier leurposition. Les principales critiques qui ont été formulées à ce titredurant une quarantaine d’années viennent d’être brièvementexposées. Quelles réponses ont apportées les chercheurs et lespraticiens ? La poursuite des recherches dans ce domaine en estsans doute la réponse la plus évidente. Pour prendre un premierexemple, les études visant à tester « l’hypothèse de sélection », émisepour la première fois dans les années 1970, se sont multipliées. Lesconclusions de ces recherches ont déjà été traitées, au paragraphesur L’éducation : processus de filtrage ou de sélection. Un secondexemple est le regain d’intérêt récent pour la détermination etl’évaluation des bénéfices indirects et extrinsèques de l’éducation(exposés au chapitre III). La critique relative à l’importance privilégiée

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que l’on a donnée, dans les taux de rendement, à l’aspect quantitatifde l’éducation (nombre d’années de scolarité, par exemple) plutôtqu’à son aspect qualitatif a incité à approfondir les recherches pourcombiner l’analyse coût-bénéfice et l’analyse coût-efficacité enévaluant l’effet, sur les gains individuels et la croissance économique,des différences de résultats obtenus par les élèves aux tests de niveau.Résumant des études récentes, Hanushek (2003) avance l’hypothèseselon laquelle, si les recherches antérieures étaient plus spécialementaxées sur le niveau d’études ou sur l’aspect quantitatif de l’éducationscolaire, c’est parce qu’il était plus facile d’en évaluer les coûts etles bénéfices, mais que « néanmoins, les grandes orientations despolitiques actuelles privilégient la qualité » (Hanushek, 2003, p. 1).On l’a vu au chapitre I, dans la plupart des études sur les taux derendement, le nombre d’années de scolarité est l’indicateur retenupour représenter l’apprentissage et les connaissances acquises parles élèves, même si, comme le souligne Hanushek, « la quantité descolarité donne une mesure extrêmement rudimentaire desconnaissances et des compétences cognitives des individus –notamment dans le contexte international » (Hanushek, 2003, p. 8).En conclusion de son analyse, Hanushek indique en premier lieu que« le niveau scolaire qui est évalué a, très clairement, un impact surles gains, une fois prises en compte les différences relatives à laquantité d’éducation, à l’expérience des travailleurs, et à d’autresfacteurs susceptibles d’influer également sur les gains » (Hanushek,2003, p. 5) et, en second lieu, que certains éléments mettent enévidence « l’impact très visible que les différences de qualitéd’enseignement scolaire exercent sur la croissance économique »(Hanushek, 2003, p. 8). Si ces recherches en sont encore à un stadeembryonnaire, il n’en reste pas moins que le fait qu’elles seconcentrent, non plus sur les aspects quantitatifs, mais sur les aspectsqualitatifs illustre l’une des façons dont les chercheurs ont réponduaux premières critiques qui ont pu être formulées. La rechercheuniversitaire, elle aussi, renferme de multiples exemples de réponsesfaites par des chercheurs à ceux qui critiquaient leurs travaux.Psacharopoulos en a offert un bon exemple avec la publication d’unebrève « réponse » aux critiques de Bennell (1996), dans laquelle ilreconnaissait les lacunes méthodologiques contenues dans denombreux exemples d’analyse du taux de rendement qu’il avait

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présentés, tout en faisant observer que « dans le métier scientifique,toute estimation de quoi que ce soit sera toujours matière à améliorationet à controverse. C’est tout à fait légitime » (Psacharopoulos, 1996,p. 201).

Cette remarque démontre les multiples manières dont bien despraticiens ont réagi aux critiques faites à l’encontre de l’analyse coût-bénéfice, c’est-à-dire en s’efforçant d’en améliorer la précision et lafiabilité, en améliorant les modes de collecte et d’analyse des données,en corrigeant les données brutes sur les gains pour tenir compte del’influence d’autres facteurs, tels que les aptitudes naturelles, enévaluant les différences liées à la qualité de l’éducation et en collectantdes données chronologiques pour dégager les variations des taux derendement dans le temps. Les chercheurs et ceux qui utilisent l’analysecoût-bénéfice ont également tenté d’affiner l’interprétation des tauxde rendement et la manière dont ils sont utilisés pour orienter lesdécisions en matière de politiques éducatives, comme on le verra auxchapitres IX et XI.

Ainsi, nous avons passé en revue les objections adressées àl’analyse coût-efficacité. Nous avons vu qu’il est possible de donnersatisfaction à certaines d’entre elles, en apportant des corrections auxtechniques statistiques utilisées pour calculer les taux de rendement ;par exemple, des corrections doivent être faites pour tenir compte dela partie des gains qui peut être due à des facteurs autres quel’éducation, de l’éventualité du chômage chez les travailleurs instruitset de la croissance future des gains. Dans le prochain chapitre, nousexaminerons d’autres problèmes pratiques que pose le calcul destaux de rendement, sans oublier celui qui consiste à se procurer lesdonnées nécessaires, ainsi que les méthodes qui permettent d’apporteraux taux de rendement les diverses corrections voulues.

Cependant, certains des problèmes que nous avons indiqués nepeuvent pas être résolus par de simples corrections statistiques. Lesderniers chapitres de cette brochure seront consacrés à l’interprétationà donner aux taux de rendement, à la lumière des objections que nousavons exposées précédemment ; ils illustreront, au moyen d’exemplesempruntés à la réalité, l’usage pratique qui peut être fait de l’analysecoût-bénéfice.

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VII. Calcul des taux de rendement

Collecte des données concernant les gainset tracé de profils âge-gains

Le premier problème pratique posé par le calcul des taux derendement, notamment dans les pays en développement, est celui dela collecte des données. L’énumération ci-après indique les informationsqui seraient nécessaires dans des conditions idéales : (a) donnéesconcernant les gains d’un échantillon représentatif des travailleursclassés par âge, par degré d’instruction atteint ou par qualificationsobtenues, y compris le genre d’études et la durée de la fréquentationscolaire, par profession, par sexe, par provenance sociale, par lieu detravail et par niveau d’aptitudes naturelles, celui-ci étant apprécié parexemple, par un test d’aptitude intellectuelle ; (b) données concernantles dépenses courantes des établissements d’éducation, par niveau ;(c) estimations concernant la valeur en capital des constructions et del’équipement scolaires, par niveau ; (d) estimations des dépensesprivées concernant les droits de scolarité, les livres, les fournitures,etc., par niveau ; (e) dépenses publiques pour le financement desbourses, par niveau ; (f) taux moyen de l’impôt sur le revenu ;(g) données concernant les conditions du marché du travail, y comprisles taux de chômage et de participation par âge, par sexe et par degréd’instruction.

Si l’on pouvait obtenir ces données, on les utiliserait pour tracerles profils âge-gains, avant et après déduction de l’impôt, profils quisont nécessaires aussi bien pour calculer le coût et le bénéfice quepour évaluer le coût privé et le coût social directs de l’éducation.Pratiquement, très rares sont les pays qui disposent d’informationsaussi détaillées ; toutefois il est parfaitement possible à la plupart d’entreeux de se procurer suffisamment de données pour calculer les taux derendement, même s’il est nécessaire de faire des hypothèses pourcombler certaines lacunes. Ce qui importe avant tout, c’est de faire

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une enquête par sondage pour déterminer les gains (ou, à défaut, lesrevenus) des travailleurs classés par âge et par degré d’instruction.Certains calculs du rapport coût-bénéfice faits aux États-Unis et dansd’autres pays de l’OCDE prennent pour base les données fourniespar les recensements ; mais il est très peu de pays qui, dans leursquestionnaires de recensement, demandent des renseignements surl’instruction et sur le revenu. Cependant, il existe, dans de nombreuxpays, des enquêtes par sondage qui indiquent les gains des travailleurset qui ont été utilisées pour tracer des profils âge-gains et calculer lestaux de rendement privé et social dans maints pays de l’OCDE ou endéveloppement. La toute dernière étude récapitulative « actualisée »qui a été réalisée pour la Banque mondiale (Psacharopoulos etPatrinos, 2002) fournit des estimations du taux de rendement pour98 pays. Si les données sur lesquels s’appuient ces calculs sont souventincomplètes, ils peuvent néanmoins avoir leur utilité dans la mesureoù ils donnent une indication de la rentabilité relative des divers niveauxd’éducation.

Après le problème de la collecte des données, nous en arrivonsaux étapes successives de l’estimation et du calcul par lesquelles il estnécessaire de passer pour aboutir à une estimation du taux derendement social et du taux de rendement privé. Les données sur lesgains par degré d’instruction et par âge permettent d’établir des profilsmoyens âge-gains qui, à leur tour, fournissent des estimations desgains supplémentaires annuels attachés à l’éducation et des manquesà gagner consentis pour s’instruire. Si l’on calcule le taux de rendementsocial, ces gains supplémentaires (avant déduction de l’impôt) suffisentà permettre une évaluation des bénéfices de l’éducation, une fois faitesles corrections pour tenir compte de l’influence sur les gains desaptitudes naturelles et d’autres facteurs, ainsi que du chômage. Si l’onévalue le taux de rendement privé, il est nécessaire d’établir les gainssupplémentaires déduction faite de l’impôt, en calculant l’impôt surles revenus d’après le barème en vigueur. Le tableau 7.1 donne unexemple de ce calcul, appliqué en Inde, aux gains des diplômés et desanciens étudiants non diplômés en milieu urbain en 1960-1961. Bienque tous les exemples présentés dans ce chapitre remontent à unequarantaine d’années, ils n’en offrent pas moins une bonne illustration

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Calcul des taux de rendement

de la méthode de calcul et ne visent nullement à donner une estimationprécise des gains, coûts ou taux de rendement en Inde aujourd’hui5.

Tableau 7.1 Calcul du rendement social et du rendementprivé de l’enseignement supérieur en milieuurbain, Inde, 1960-1961

Gains moyens annuels des : Gains GainsÂge Diplômés Anciens étudiants supplémentaires supplémentaires

(roupies par an) non diplômés d’un diplômé d’un diplômé(roupies par an) avant déduction après déduction

de l’impôt de l’impôt*

18 - 495 - -

19 - 998 - -

20 - 1 174 - -

21 - 1 403 -

22 1 480 1 453 27 27

23 1 691 1 456 235 235

24 1 765 1 483 282 282

25-29 2 923 1 959 964 964

50-54 5 405 3 109 2 296 2 246

55-59 4 214 2 492 1 722 1 698

N.B. : *Les chiffres de ce tableau ont été calculés d’après le barème d’impositionapplicable à un contribuable marié, père de deux enfants. Étant donné lefaible taux de l’impôt sur le revenu en Inde, les diplômés et les anciens étudiantsnon diplômés du groupe d’âge de 18 à 30 ans n’ont en moyenne rien à payer,mais ils deviennent imposables lorsque leurs gains augmentent avec l’âge.

Source : Blaug et al., 1969. Tableau 7.1.

5. Les exemples présentés dans ce chapitre sont extraits de Blaug et al., 1969.Cet ouvrage contient une analyse détaillée des calculs.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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Le tableau 7.1 montre également les gains obtenus par lesanciens étudiants non diplômés, entre 18 et 21 ans, ce qui représentele montant du manque à gagner pour les étudiants qui poursuiventleurs études en vue de l’obtention d’un diplôme universitaire. Cemanque à gagner représente un élément important du coût social etdu coût privé de l’enseignement supérieur. De plus, il est nécessaired’avoir des données sur les coûts directs, tant sociaux que privés.

Le tableau 7.2 fait apparaître les estimations des coûts directs,sociaux et privés, de l’enseignement supérieur par étudiant en Inde,d’après des statistiques ou des estimations officielles. La section (a) dutableau 7.2 donne les coûts annuels de l’enseignement supérieur. Ladurée minimale du cycle d’études pour l’obtention d’un diplômeuniversitaire est de quatre ans (deux ans d’études intermédiaires etdeux ans pour le diplôme). La section (b) montre le coût del’enseignement supérieur dans l’hypothèse où l’étudiant obtient lediplôme dans le minimum de temps. Toutefois, étant donné qu’enInde les taux d’abandon et de redoublement sont élevés, lasection (c) du tableau tient compte du fait qu’il faut en moyenne6,9 années au lieu de 4 pour produire un diplômé.

Tableau 7.2 Coût direct, social et privé, de l’enseignementsupérieur par étudiant, Inde, 1960-1961(en roupies par an)

Coût social Coût privé

Années l et 2 3 et 4 l et 2 3 et 4

(a) Coût annuel :Dépenses courantes au titre des 302 494 - -enseignants, etc.Annuité d’amortissement 48 48 - -Livres 150 150 150 150Droits de scolarité, déduction faitedu montant moyen des bourses - - 106 227

(b) Coût total, non compris 2 384 1 266les déperditions d’effectifs(c) Coût total, y compris 4 084 2 166les déperditions d’effectifs

Source : Blaug et al., 1969. Tableaux 8.10 et 8.11.

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Calcul des taux de rendement

Correction des données concernant les gainset les coûts

Les données indiquées aux tableaux 7.1 et 7.2 permettent decalculer le taux de rendement social et le taux de rendement privéaprès corrections pour tenir compte de : (a) la part des gains qui peutêtre imputée aux aptitudes naturelles ; (b) l’éventualité du chômage ;(c) la croissance attendue des revenus. Une quatrième correction,relative à la déperdition d’effectifs, se trouve déjà intégrée dans lesestimations de coût que fait apparaître le tableau 7.2.

La correction pour tenir compte des aptitudes naturelles se faiten multipliant les gains supplémentaires par un coefficient (lecoefficient α) qui correspond à la partie des gains supplémentairesimputable à l’éducation. Étant donné que l’Inde ne possède pasd’informations qui permettent de faire une estimation exacte de cettepart, la meilleure solution consiste à procéder simplement parapproximation et à calculer des taux de rendement en se plaçant dansdiverses hypothèses quant à la valeur du coefficient α. Trois valeursont été choisies pour ce calcul : α = 1 (pas de correction), α = 0,66et α = 0,50. Autrement dit, on a calculé les taux de rendement enretenant pour évaluer les bénéfices soit la totalité, soit les deux tiers,soit la moitié des gains supplémentaires indiqués au tableau 7.1.

En Inde, l’évaluation des taux doit aussi tenir compte du faitqu’en moyenne, les étudiants qui s’inscrivent à l’université ne peuventpas espérer obtenir leur premier emploi avant six mois s’ils sontdiplômés, et 16 mois s’ils ne le sont pas. Ces chiffres ont été tirés dedeux enquêtes sur le travail qui ont montré les proportions d’étudiantstitulaires ou non d’un diplôme universitaire qui restent sans emploipendant chacune des sept années qui suivent l’obtention de leurqualification. Les gains qui figurent au tableau 7.1 devraient être réduitsen conséquence pour tenir compte du temps de chômage moyen etcette correction est à faire aussi bien en ce qui concerne le manque àgagner, du côté des coûts, qu’en ce qui concerne les gainssupplémentaires, du côté des bénéfices.

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78

Enfin, il convient de tenir compte de la croissance attendue desrevenus futurs, qui augmentera la valeur absolue des gainssupplémentaires, même si les gains relatifs sont constants. Le moyenle plus simple de tenir compte de ce facteur consiste à ajouter auxestimations du taux de rendement le taux annuel prévu pour lacroissance des revenus. Pour prendre un exemple, si les donnéestransversales concernant les gains font apparaître un taux de rendementde 10 %, ajouter 2 % – ce qui porte à 12 % l’estimation du taux derendement – revient à augmenter les gains de 2 % par an durant unecarrière entière.

On peut, si on le juge nécessaire, effectuer d’autres correctionsdu côté des coûts ou du côté des gains. À titre d’exemple, dans certainesétudes, des corrections ont été apportées aux gains pour tenir comptedes taux de mortalité différentiels en application du même principeque celui utilisé pour les corrections destinées à tenir compte duchômage. Dans d’autres études, les estimations du coût d’opportunitéont été majorées pour prendre en compte la valeur de la main-d’œuvrelocale dont le travail ne génère pas de salaire, valeur qui n’est pasexprimée dans le manque à gagner. Mais, dans d’autres études encore,aucune correction n’est apportée aux coûts et aux gains, l’idée étantque les éléments positifs et les éléments négatifs finissent plus oumoins par s’annuler.

Calcul du taux de rendement social et du tauxde rendement privé

Les données indiquées sur les tableaux 7.1 et 7.2, correctionsfaites pour tenir compte des déperditions d’effectifs, du chômage, desgains imputables à des facteurs autres que l’éducation et de la croissancefuture des revenus, peuvent maintenant se concrétiser en un seulchiffre, celui du taux de rendement, social ou privé, d’un diplômeuniversitaire. On y parvient en trois étapes : (1) le calcul des flux derendement nets (les bénéfices moins les coûts) ; (2) le calcul de lavaleur actuelle de ces rendements nets, selon des taux d’escomptedifférents (tels que décrits au chapitre IV) ; (3) la détermination dutaux d’escompte auquel la valeur actuelle des rendements nets estégale à zéro.

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Calcul des taux de rendement

Le tableau 7.3 donne un exemple du calcul de ce taux social derendement où l’on utilise, par souci de simplification, les chiffres destableaux 7.1 et 7.2 sans leur faire subir aucune des quatre corrections.

La détermination effective du taux de rendement n’exige riende plus que de calculer successivement des rendements nets réduitsde l’escompte (Et – Ct) en utilisant des taux d’escompte différentspour la multiplication de (E – C), jusqu’à ce qu’on ait trouvé le tauxd’escompte auquel la valeur actuelle du rendement net est égale àzéro. On peut pour ce faire procéder par approximations successives.Aujourd’hui, toutefois, les programmes informatiques permettentd’accomplir très rapidement ces opérations. La valeur des flux derendements nets varie en fonction du taux d’escompte et peut êtresoit positive, soit négative ; le tableau 7.3 indique deux taux derendement, l’un de 10 %, l’autre de 13 %. L’un est trop élevé, l’autreest trop faible. En procédant par approximations successives ou enfaisant appel à un programme de calcul informatique, on constateraitque le taux d’intérêt, auquel la valeur actuelle des coûts est exactementégale à la valeur actuelle des bénéfices, est de 12,7 %. C’est là le tauxde rendement social de l’enseignement supérieur en Inde, en milieuurbain, en 1960, compte non tenu des déperditions d’effectifs, duchômage, etc. L’effet cumulatif de chacune des corrections est lesuivant : (a) la correction pour déperdition d’effectifs abaisse le tauxde rendement à 8,8 % ; (b) la correction pour chômage relève ce tauxà 9,6 %, le taux de chômage d’un diplômé étant inférieur à celui d’unancien étudiant sans diplôme ; (c) la correction pour aptitudes naturellesdonne des résultats différents selon la valeur choisie pour lecoefficient α ; si l’on prend α = 0,66, le taux de rendement estde 6,9 % et si l’on prend α = 0,50, le taux de rendement est 5,4 % ;(d) la correction pour croissance des revenus futurs porte les taux derendement respectivement à 8,9 % ou à 7,4 % (selon la valeur prisepour α).

Ainsi, au terme de ces calculs qui montrent la série des valeurs,nous sommes en mesure de dire que le taux de rendement social d’untitre universitaire, en milieu urbain, en Inde, était compris, en 1960,entre 7 et 13 %, selon les hypothèses dans lesquelles on se place ence qui concerne l’effet des aptitudes naturelles, du chômage, des

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

déperditions d’effectifs et de la croissance des gains futurs, maissans que l’on tienne compte des externalités ou des retombées.

Tableau 7.3 Calcul du taux de rendement social del’enseignement supérieur en Inde

Valeur de t Rendements nets Taux d’escompte(âge du travailleur (Et – Ct) 1/(1 + r)t

entre parenthèses) (Coûts (Ct) = négatifsBénéfices (Et) = positifs) r = 10 % r = 13 %

t = 1 (18) – 995 (– 495 – 500) 0,909 0,885t = 2 (19) – 1 498 (– 998 – 500) 0,826 0,783t = 3 (20) – 1 866 (– 1 174 – 692) 0,751 0,693t = 4 (21) – 2 095 (– 1403 – 692) 0,683 0,613t = 5 (22) + 27 0,621 0,543t = 6 (23) + 235 0,564 0,480t = 7 (24) + 282 0,513 0,425t = 8…..12 (25-29) + 964 0,466 0,376…..t = 33….37 (50-54) +2 296 ... …t = 38…..42 (55-59) +1 722 etc. etc.

Si r = 10 % Et – Ct(1 + r)t∑

t = 42

t = 1 est positif

Si r = 13 % Et – Ct(1 + r)t∑

t = 42

t = 1 est négatif

Si r = 12.7 % Et – Ct(1 + r)t∑

t = 42

t = 1 = 0

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VIII. Autres méthodes de calcul des tauxde rendement

La méthode « complète »

Si les données nécessaires pour calculer les profils âge-gains sontdisponibles, on peut calculer le taux de rendement correspondant àdifférents degrés d’instruction selon la méthode décrite dans le chapitreprécédent, c’est-à-dire en s’aidant d’un programme informatique oud’une simple calculatrice et de tableaux indiquant les taux d’escompte,et en appliquant une méthode par approximations successives pourcalculer, à partir de taux d’escompte différents, les rendements netsréduits de l’escompte (Et – Ct) jusqu’à ce l’on détermine le tauxd’intérêt auquel la valeur actualisée des coûts est égale à la valeuractualisée des bénéfices et où la valeur actuelle du rendement net estégale à zéro. On peut procéder par voie graphique en traçant la valeuractuelle du rendement net sur l’axe vertical et les différents tauxd’intérêt (escompte) sur l’axe horizontal, comme il est indiqué sur lafigure 8.1. On peut déterminer le taux de rendement sur le graphique :il correspond au taux d’intérêt (escompte) auquel la valeur durendement net réduit de l’escompte est égale à zéro et où la courbecoupe l’axe horizontal (environ 12,7 %).

Cette méthode parfois dite « sophistiquée » ou « complète » esttrès couramment employée pour calculer le taux de rendement del’éducation. Elle fait appel à des profils d’âge-gains réels, tels queceux tracés sur la figure 3.1, et à des données concernant les coûts del’éducation, y compris les coûts directs et les coûts indirects (manqueà gagner), tels que qu’ils ont été définis aux chapitres II et VII. Lesprofils âge-gains sont utilisés pour calculer les bénéfices et les coûts,comme on le voit sur la figure 8.2, sur laquelle les gains supplémentaires(bénéfices) apparaissent en valeur positive et le manque à gagner (coûts)en valeur négative.

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Figure 8.1 Valeur actuelle, réduite de l’escompte,du rendement social net de l’enseignementsupérieur en Inde

Taux d’escompte (en pourcentage)

Taux de rendement interne (12,7 %)

Val

eur

actu

elle

(en

mill

iers

de

roup

ies)

5 1015

20

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0

–5

Source : Blaug et al., 1969. p. 213.

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Autres méthodes de calcul des taux de rendement

Figure 8.2 Profil âge-gains utilisé pour calculer le taux derendement selon la méthode « complète »

Diplômésde l’université

Élèves ayant achevéle cycle d’études secondaires

18 22

4740

Âge

Coûts directs

Gains

Coûts

Bénéfices

65

Temps (en années)

Source : Mingat et Tan, 1988. p. 113.

Dans maints cas, cependant, les données qui indiquent les gainsdes travailleurs, par âge et par degré d’instruction et qui sont nécessairespour calculer les profils âge-gains font défaut. C’est la raison pourlaquelle deux autres méthodes ont été mises au point pour permettred’évaluer le taux de rendement. Ces méthodes ont été appliquéesdans plusieurs études relatives à des pays en développement. Lapremière repose sur la notion de méthode de fonction de gains, tandisque l’autre fait appel à une méthode « abrégée » pour obtenir uneapproximation grossière du taux de rendement. On en trouvera ci-après la description.

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La méthode de fonction de gains

C’est Mincer qui, en 1974, a utilisé la notion de méthode defonction de gains pour expliquer l’évolution des gains individuels auxÉtats-Unis. Les facteurs susceptibles d’influencer ou de déterminerles gains individuels sont multiples : outre l’âge, l’instruction, laformation continue, la profession, le nombre d’heures ou de semainestravaillées, l’implantation – en milieu urbain ou en milieu rural –, ilfaut aussi bien souvent ajouter les caractéristiques de l’individu, tellesque le sexe, les origines raciales ou ethniques, le statut social ou lesantécédents familiaux, la langue, les aptitudes et la motivation. Mincers’est servi d’une méthode de fonction de gains pour analyser le rapportentre l’éducation formelle (dans le cadre scolaire), l’expérience (ycompris la formation continue) et les gains des travailleurs de sexemasculin aux États-Unis. À ce titre, il lui a fallu vérifier l’hypothèseselon laquelle les gains d’un travailleur dépendent de plusieurs variables,parmi lesquelles la durée de la scolarité (S) et le nombre d’annéesd’expérience professionnelle (EX).

La méthode de fonction de gains peut s’écrire sous la formesuivante :

Y = f (S, EX)

On peut l’exprimer sous la forme semi-logarithmique d’uneéquation de régression multiple, soit :

Ln Y = a + bS + cEX + EX2

où Ln Y est le logarithme népérien du revenu (Y)S, le nombre d’années de scolaritéEX, le nombre d’années d’expérience professionnellea, une constanteb et c, des coefficients de régression etEX2 , le carré du nombre d’années d’expérience professionnelle.

Cette forme de méthode de fonction de gains est parfois appelée« méthode de fonction de gains de Mincer » puisque Mincer en ainitié l’utilisation, en 1974, pour analyser l’évolution et les déterminants

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Autres méthodes de calcul des taux de rendement

des gains. Cette fonction simple repose sur l’hypothèse selon laquelledeux facteurs seulement, le niveau d’éducation (nombre d’années descolarité) et l’expérience professionnelle, déterminent les gains. Maison peut aussi définir des fonctions de gains plus complexes qui intègrentd’autres variables. C’est ainsi qu’à l’heure actuelle, de nombreusesétudes réalisées dans des pays développés comme dans des pays endéveloppement prennent pour base des fonctions de gains calculées àpartir de plusieurs variables, parmi lesquelles l’éducation, l’expérienceprofessionnelle et la formation continue, le nombre d’heures ou desemaines travaillées, l’implantation – en milieu urbain ou en milieurural –, et diverses caractéristiques de l’individu au nombre desquellesfigurent ses aptitudes.

Les fonctions de gains sont doublement utiles pour l’analyse coût-bénéfice en éducation. En premier lieu, on peut recourir à une méthodede fonction de gains pour évaluer l’effet, sur les gains, de diversfacteurs, comme les aptitudes naturelles, l’origine sociale et d’autresparamètres que l’on retrouve en général exprimés dans la correctiond’aptitudes (coefficient α), qui est utilisée dans les études sur letaux de rendement pour évaluer l’effet de l’éducation sur les gains.Les profils âge-gains tiennent déjà compte de l’influence de deuxvariables : le niveau d’éducation (qui, dans la méthode de fonction degains initiale de Mincer, est simplement exprimé par le nombred’années de scolarité) et l’âge (qui peut être un moyen d’évaluationindirecte du nombre d’années d’expérience professionnelle). On peutconsidérer que la correction d’aptitudes (coefficient α) fournit uneapproximation grossière de l’influence qu’exercent les aptitudes etd’autres facteurs, comme la classe sociale alors que, comparativement,une méthode de fonction de gains permet d’obtenir une évaluationplus précise de l’influence de ces facteurs.

En second lieu, on peut faire appel à une méthode de fonction degains dans une analyse coût-bénéfice pour évaluer le taux de rendementde l’éducation scolaire en appliquant une méthode de régression parrapport aux données concernant les gains (Y) d’un échantillon detravailleurs classés par niveau d’instruction et au nombre d’années descolarité (S) en vue de résoudre l’équation suivante :

Ln Y = a + bS

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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Figure 8.3 Profil âge-gains utilisé pour calculer le tauxde rendement à l’aide des fonctions de gainsou de la méthode « abrégée »

Diplômés de l’université

Élèves ayant achevéle cycle d’études secondaires

18 Âge

Coûts directs

Temps (en années)

Gains

4740

Coûts

Bénéfices

22 65

Source : Mingat et Tan, 1988. p. 114.

Il est possible d’effectuer des calculs successifs de cette équationen attribuant, par hypothèse, à S des valeurs spécifiques correspondantà différents niveaux d’éducation, par exemple S = 6 pourl’enseignement primaire, S = 12 pour l’enseignement secondaire etS = 18 pour l’enseignement supérieur, en vue de déterminer le tauxde rendement moyen correspondant à une année d’instructionsupplémentaire. Mincer a, en effet, démontré qu’il était possibled’exprimer les coefficients de régression (b) par le taux de rendementmoyen (r). Cette méthode implique de poser plusieurs hypothèsessimplificatrices, notamment :

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Autres méthodes de calcul des taux de rendement

1. Les gains supplémentaires associés à chaque niveau d’instructionsont constants durant la vie professionnelle ; autrement dit, lesprofils âge-gains supposés ont, comme le montre la figure 8.3,une forme aplatie contrairement aux profils âge-gains représentéssur la figure 8.2.

2. Seuls sont pris en compte les coûts indirects ou le manque àgagner ; la méthode de fonction de gains prend déjà en compte lemanque à gagner, comme indiqué sur la figure 8.3.

Malgré le manque de réalisme de ces hypothèses,Psacharopoulos (1981) estime qu’elles n’ont guère d’incidence surles calculs et qu’on peut donc appliquer cette méthode pour calculerles taux de rendement même si les données détaillées requises pour laméthode « sophistiquée » ou « complète » font défaut. Encore faut-il reconnaître que, loin d’être précise, l’estimation obtenue en ce casn’est qu’approximative, puisque les coûts y sont sous-estimés. Plusieurséconomistes ont mis en doute la validité des hypothèses qui sous-tendent l’application des fonctions de gains pour calculer le taux derendement de l’éducation. Mais la preuve a été faite que les fonctionsde gains étaient un instrument utile et efficace pour analyser les rapportsentre les gains, l’éducation et d’autres variables. Par ailleurs, cetteméthode de calcul des taux de rendement à partir des fonctions degains est encore aujourd’hui d’usage courant, non seulement parcequ’elle est facile à utiliser, mais aussi parce que, comparativement à laméthode « complète », elle exige un volume moins important dedonnées.

La méthode « abrégée »

Une autre méthode, encore plus simple, est parfois utilisée. Cetteméthode, dite « simplifiée », est employée quand les données requisespour procéder au calcul complet des fonctions de gains sontmanquantes, mais que, en revanche, des données concernant les gainsmoyens, à un moment donné, des travailleurs en fonction du cycled’études qu’ils ont suivi, c’est-à-dire primaire, secondaire et supérieur,ainsi que des estimations du coût annuel de l’enseignement primaire,secondaire et supérieur, sont disponibles.

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L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

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La méthode « abrégée » ne prend pas en compte l’incidence del’âge sur les gains et elle admet, par hypothèse, que le profil des gainsa une forme aplatie, telle que le montre la figure 8.3, ce qui revient àconsidérer que la moyenne des gains supplémentaires des diplômés,ou des travailleurs ayant suivi des études secondaires, reste constantedurant toute la durée de la vie active. On peut dès lors obtenir uneestimation très approximative du taux de rendement de l’enseignementsupérieur à l’aide de la formule ci-dessous :

r = E (Sup) – E (Sec)n (E(Sec) + C)

où E (Sup) et E (Sec) désignent la moyenne des gains de diplômésde l’université (Sup) et de travailleurs ayant suivi des étudessecondaires (Sec), n étant la durée normale (nombre d’années) ducycle d’enseignement supérieur et C, le coût annuel de l’enseignementsupérieur.

Cette formule permet d’évaluer aussi bien le taux de rendementprivé que le taux de rendement social. Posons, par exemple, pourhypothèse les valeurs très approximatives ci-dessous, établies à partirdes données présentées pour l’Inde dans le chapitre précédent :

Moyenne des gains des diplômés, E (Sup) = 2 923Moyenne des gains des élèves ayant achevé le cycle secondaire,E (Sec) = 1 403Nombre d’années d’enseignement supérieur, n = 4Coût annuel de l’enseignement supérieur, C = 2 384

La formule du taux de rendement social s’écrirait alors sous laforme suivante :

2 923 – 1 403 = 1 520 = 10,0 %4(1 403 + 2 384) 15 148

Il en ressort que, en appliquant la méthode « abrégée » pourcalculer le taux de rendement social de l’enseignement supérieur, lavaleur approximative obtenue est de 10 %, contre 12,7 % si l’on utilise

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Autres méthodes de calcul des taux de rendement

la méthode « sophistiquée » ou « complète » décrite plus haut. Cerésultat est donc parfaitement cohérent avec la conclusion, indiquéeau chapitre précédent, d’après laquelle le taux de rendement sociald’un diplôme universitaire en Inde se situe entre 7 et 13 % selon leshypothèses dans lesquelles on se place.

Mingat et Tan (1988) ont comparé les profils d’évolution destaux de rendement définis à partir de la méthode « complète » et de laméthode « abrégée », et concluent : « Les estimations obtenues avecla méthode « complète » et avec la méthode « abrégée » montrentque l’ordre de grandeur est le même pour tous les taux [de rendement]correspondants et que la structure des rendements – c’est-à-dire lesrelations d’interdépendance qui existent entre les taux – est,globalement, la même, quelle que soit la méthode employée. Les tauxde rendement ne sont pas d’une grande précision, mais, s’il s’agitd’évaluer les priorités d’investissement dans l’éducation, il n’est pasindispensable de disposer de chiffres précis » (Mingat et Tan, 1988,p. 116-117).

L’inverse de la méthode coût-bénéfice

Psacharopoulos (1995) fait référence à une méthode encore plussimplifiée que l’on peut appliquer si l’on possède des données sur lescoûts d’un investissement, mais pas sur les gains (bénéfices). Leprincipe consiste ici à se poser la question suivante : « Étant donné lecoût total de l’investissement, quel est le montant de bénéficesnécessaire pour produire un taux de rendement « requis » (par exemple,de 10 %) ? » Si cette méthode ne permet pas d’obtenir un taux derendement réel, elle donne une idée des bénéfices qui seraientnécessaires pour générer un taux de rendement donné. Il ne faut, enréalité, y voir que la première étape d’une analyse coût-bénéfice et, sielle est évoquée ici, c’est parce qu’elle est, à l’occasion, utilisée autitre d’une évaluation préalable de projet afin de se faire rapidementune idée de la situation. D’autres types d’analyse préalable de projetseront traités en détails au chapitre XI.

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IX. Interprétation des taux de rendement :comparaisons

Dans les précédents chapitres, on a examiné les principes de base del’analyse coût-bénéfice, ainsi que les données et les techniquesindispensables pour pouvoir évaluer le taux de rendement del’investissement éducatif. Au chapitre VII, on a donné l’exemple desétapes nécessaires pour calculer le taux de rendement social del’enseignement supérieur en Inde et le résultat de ces calculs a étéque le taux de rendement se situait, en 1960, entre 7 et 13 %. Lapremière question qui se pose à ce stade est de savoir commentinterpréter ce chiffre. Les responsables de la planification ou del’élaboration des politiques de l’éducation peuvent-ils utiliser ce chiffrepour guider leurs choix en matière d’investissement, définir despriorités ou mettre au point de nouvelles politiques ? On ne sauraitconcevoir qu’un seul et unique chiffre, disons 10 %, puisse être ensoi d’une quelconque utilité pour la prise de décisions. Ce chiffre est-il élevé ou, au contraire, faible ? Si, comme il semble ressortir deschapitres précédents, l’évaluation des coûts et des bénéfices estrelativement imprécise, discutable et susceptible d’être biaisée et sil’on dit à des planificateurs que le taux de rendement probable est,selon les hypothèses que l’on aura posées, compris entre 7 et 13 %,il y a toutes les chances pour qu’ils se montrent extrêmementsceptiques vis-à-vis de la valeur de cette information. Pour interpréterles taux de rendement, il faut procéder à des comparaisons. Les tauxde rendement constituent une évaluation de la rentabilité relative etn’ont de signification que par comparaison avec les évaluations durendement d’autres formes d’investissement. Dans ce chapitre, onexaminera six types différents de comparaison qui sont courammentpratiqués pour interpréter les taux de rendement de l’éducation. L’idéeest d’exposer brièvement les comparaisons que l’on peut faire plutôtque de multiplier les exemples. On trouvera au chapitre X denombreux exemples concrets de ces comparaisons relatifs à des paysde l’OCDE et à des pays en développement. Enfin, au chapitre XI,on étudiera la façon dont les ministères de l’Éducation et les

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organismes de financement utilisent ces comparaisons pour faciliterla prise de décisions et l’élaboration des politiques en matièred’investissement.

Comparer l’éducation et d’autres formesd’investissement social

Dans un certain nombre d’études qui ont été faites, par le passé,sur l’économie de l’éducation, on a comparé l’investissement en capitalhumain et l’investissement en capital matériel soit dans l’espoir d’ytrouver une explication de la croissance économique, soit pour justifierles investissements des pouvoirs publics dans le secteur de l’éducation.L’une des premières tentatives faites pour calculer les taux derendement de l’éducation en Inde s’inscrivait dans le cadre d’unerecherche intitulée Investment in men versus investment in machines(Harberger, 1966), dans laquelle sont comparés les taux de rendementde l’investissement dans l’éducation et le taux de rendement du capitalmatériel dans l’industrie. On trouve d’autres exemples de comparaisonentre l’éducation et le capital matériel dans des études sur le taux derendement, mais, dans la plupart des cas, ces comparaisons neconstituent pas l’objectif premier de ces études. S’il est vrai que lespouvoirs publics ont le devoir de fixer des priorités en établissant unehiérarchie entre la réalisation d’investissements en capital humain oul’amélioration d’infrastructures matérielles, il est rare qu’ils prennentde telles décisions en s’appuyant sur des comparaisons détaillées destaux de rendement. Il est néanmoins fréquent, dans les diversespublications, que des auteurs s’interrogent sur le degré d’accord entreles taux de rendement de l’éducation et telle ou telle donnée générale,comme le taux de rendement moyen du capital matériel ou le coûtd’opportunité social du capital (donnée qui est censée représenter unevaleur moyenne de toutes les autres formes d’investissement social).Quant au chiffre à prendre comme base dans ce type de comparaison,les opinions divergent. Certains auteurs ont retenu celui de 12 % ;d’autres ont choisi des taux de rendement tantôt plus élevés, tantôtplus faibles ; mais, le plus souvent, la valeur de référence retenuepour le coût d’opportunité du capital dans les pays en développementest de 10 %.

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Interprétation des taux de rendement : comparaisons

Il est une autre comparaison entre l’éducation et d’autres formesd’investissement en capital humain qui est rarement appliquée dansla pratique alors qu’elle est fréquemment évoquée dans la littérature.L’une des raisons réside dans le fait, signalé précédemment, qu’aucuneévaluation des bénéfices extra-économiques et indirects, des retombéeset des externalités n’est effectuée, ce qui pose problème si l’on comparedes secteurs, comme l’éducation et la santé, qui génèrent des bénéficesextrinsèques considérables, mais qui ne sont pas mesurés. Pour ce quiest du secteur de la santé, où la part des bénéfices extra-économiquesest élevée, mais dont l’évaluation en termes monétaires est difficile,voire impossible, à réaliser, il est probable que l’analyse coût-efficacitésera privilégiée au détriment de l’analyse coût-bénéfice. On pourraitimaginer de recourir à une forme d’analyse coût-bénéfice inverse, leprincipe étant alors de comparer le coût que représente l’investissementdans une école et un hôpital et de déterminer le montant des bénéficesrequis pour générer un taux de rendement de 10 % dans chaque cas.Mais, en général, les bénéfices dégagés dans les deux secteurs ne sontpas comparables et ne permettent donc pas de telles comparaisons.Qui plus est, de plus en plus nombreux sont ceux qui pensent quel’investissement éducatif, notamment pour les femmes, peut influersur l’investissement dans le domaine de la santé et qu’une meilleurecompréhension de la santé, de la nutrition et de la fécondité peutconstituer un bénéfice indirect non négligeable de l’éducation.

Comparer différents niveaux d’éducation

La comparaison la plus fréquente consiste à comparer différentsniveaux d’éducation. Dans bon nombre d’études sur le taux derendement qui sont évoquées dans le prochain chapitre, on trouveune comparaison des taux de rendement de l’enseignement primaire,de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur.L’objectif de telles comparaisons, qu’il soit explicitement formulé ounon, est d’aider les ministères de l’Éducation ou les organismes definancement à établir des priorités en matière d’affectation deressources. Aux yeux de nombreux chercheurs, l’évaluation desexternalités est moins délicate lorsque l’on compare différents niveauxd’éducation, du fait que tous les niveaux d’éducation sont source debénéfices indirects. À moins que l’enseignement primaire ne génère

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beaucoup plus ou beaucoup moins de bénéfices extrinsèques quel’enseignement secondaire ou l’enseignement supérieur, le fait de nepas prendre en compte ces bénéfices dans les taux de rendement nerisque pas de déformer abusivement les résultats.

Comparer différents types d’éducation

Il est également monnaie courante de comparer différents typesd’éducation, qu’il s’agisse de types différents de filières scolaires, parexemple des établissements d’enseignement secondaire général et desétablissements d’enseignement secondaire professionnel, ou qu’ils’agisse de disciplines d’études différentes de l’enseignement supérieur.Le coût de l’enseignement, par étudiant, diffère sensiblement selonque l’établissement fréquenté offre une formation générale ou scolaireou bien une formation professionnelle ou technique. Sur quelle bases’appuyer pour comparer les différences de gains moyens obtenus,durant leur carrière, par ceux qui ont fréquenté respectivement l’unou l’autre de ces types d’établissement ? Comparer les taux derendement de différents types d’enseignement peut contribuer à éclairerle débat sur l’opportunité et l’utilité qu’il peut y avoir à renforcer laspécialisation professionnelle dans l’enseignement secondaire. Il y amoins de risque que les problèmes d’évaluation des externalités faussentles résultats de ces analyses comparatives dans la mesure où l’on peutsupposer que les bénéfices indirects sont similaires dans les deux formesd’enseignement. Une difficulté peut néanmoins apparaître dans le casoù les élèves qui fréquentent les deux types d’établissement diffèrentdu point de vue des aptitudes ou du milieu familial, puisque ces facteurssont susceptibles d’influer sur les gains. C’est ainsi que la validité decertaines études qui avaient négligé cet aspect dans le cadre d’unecomparaison des taux de rendement entre différents types d’écoles aété mise en doute.

Le coût de l’enseignement par étudiant diffère également de façonsignificative selon les disciplines ou les domaines étudiés dans desétablissements d’enseignement supérieur ou à l’université. De même,les gains des diplômés varient souvent dans des proportionsconsidérables selon leurs domaines de spécialité. Il peut êtreintéressant de comparer le taux de rendement social de diplômes

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Interprétation des taux de rendement : comparaisons

universitaires obtenus respectivement en sciences et technologie, enmédecine, en droit, en éducation et en sciences humaines, et ce, pourdeux raisons. Une comparaison des taux de rendement privé peut,d’une part, donner des indications sur la demande privée de différentstypes de formation universitaire. Certains pays sont confrontés à unexcédent de la demande de places dans les universités de médecineet les écoles d’ingénieurs et à un excédent de l’offre de places dansles instituts de formation des enseignants. La demande de placesest-elle le reflet de la perception qu’ont les étudiants des coûts et desbénéfices ou bien résulte-t-elle d’autres facteurs ? Une comparaisondes taux de rendement social peut, d’autre part, constituer un apportutile dans les débats sur les priorités d’action de l’État. Le ministredes Sciences et des Techniques préconisera par exemple d’accroîtrel’offre d’ingénieurs diplômés. De son côté, le ministre de l’Éducationréclamera d’augmenter le nombre d’instituts de formation desenseignants. Comparer les taux de rendement social dans différentsdomaines d’études pourrait fournir des informations dignes d’intérêt.Un exemple d’étude consacrée à cette question est présenté auchapitre X.

Comparer taux de rendement social et tauxde rendement privé

L’éducation est un investissement à la fois public et privé. Encomparant le taux de rendement social et le taux de rendement privé,on peut par conséquent se faire une idée de la façon dont se répartissentles coûts entre les contribuables et les individus qui bénéficient d’uneéducation, ainsi que de la façon dont l’imposition sur le revenu influesur les bénéfices privés. On trouvera au chapitre XI des exemples quiillustrent comment on a utilisé des comparaisons entre le taux derendement social et le taux de rendement privé de l’enseignementsupérieur lors de débats sur la politique de financement, au Royaume-Uni et dans des pays en développement.

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Comparer les taux de rendement chez les hommes etchez les femmes

Dans les premiers exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation des années 1960, l’attention était essentiellementconcentrée sur les effets de l’éducation sur l’emploi et les gains deshommes, et non des femmes – ce qu’on justifiait par la participationplus réduite de ces dernières à la population active. Selon Becker etMincer, deux économistes américains à l’origine de l’application del’analyse coût-bénéfice en éducation, le profit que peuvent tirer lesfemmes de l’éducation a toutes les chances d’être moindre que leprofit qu’en peuvent tirer les hommes, non seulement parce que letaux d’activité féminine est inférieur au taux d’activité masculine, maisaussi parce que, le niveau de salaires des femmes étant plus faible, lesgains supplémentaires obtenus par les femmes qui travaillent sontégalement plus faibles6 . Les exemples que l’on peut trouver, dans lesannées 1960 et 1970, de calculs du taux de rendement pour les femmessont rares. Il a fallu attendre les années 1980 et 1990 pour que l’ons’intéresse aux différences de taux de rendement entre les hommes etles femmes et que l’on mette au point de nouveaux instruments destinésà évaluer les bénéfices non monétaires et extra-économiques del’éducation pour les femmes. C’est à cette époque que Summers,alors économiste en chef à la Banque mondiale, a déclaré que « lesrecherches et les calculs concrets qui ont été réalisés dernièrementmontrent que l’éducation des femmes procure des bénéfices immensesaux filles et aux femmes elles-mêmes, à leurs familles et aux sociétésdans lesquelles elles vivent... une fois que tous les bénéfices ont étéidentifiés, il est parfaitement concevable de constater qu’investir dansl’éducation des filles apparaît comme étant la formule d’investissement

6. Mincer, dans une première analyse consacrée aux effets de la formation continueen tant qu’investissement en capital humain, affirmait que « le taux d’activitéprévu étant plus faible, l’éducation des femmes est plus spécialement axée surl’aspect ‘consommation’ et la part de bénéfices non pécuniaires est plus grandeque pour les hommes » (Mincer, 1962, édition réimprimée par l’UNESCO, 1968,p. 535). Quant à Becker, il allait même jusqu’à dire que « les femmes vont aulycée en partie pour améliorer leurs chances de trouver un meilleur parti »(Becker, 2e édition 1975, p. 179).

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Interprétation des taux de rendement : comparaisons

la plus rentable pour les pays en développement » (Summers chezKing et Hill, 1993 : v). Aujourd’hui, d’abondants travaux sont menéssur l’investissement dans l’éducation des femmes et des filles. Auxcomparaisons entre les taux de rendement chez les hommes et chezles femmes, s’ajoutent de nombreuses analyses relatives aux écartsde taux d’activité entre les sexes et une multiplication des mesures etdes programmes visant à réduire ces écarts. Dans le chapitre X sontprésentés des exemples d’analyse sur les écarts de rendementéducatif entre les sexes, accompagnés d’une étude relative auximplications du concept de capital humain sur l’accès des femmes àl’éducation.

Analyser l’évolution des taux de rendement en fonctiondu temps

Si les taux de rendement sont habituellement définis à partir dedonnées transversales sur les gains, c’est-à-dire à partir des gains relatifsà un instant donné, on a souligné au chapitre VI qu’il était souhaitabled’analyser l’évolution des taux de rendement en fonction du temps, touten indiquant que de telles informations était encore relativement limitées.Plusieurs études ont été réalisées depuis les années 1980 pour tenterd’analyser ces tendances et, plus particulièrement, pour observer si, aprèsune période d’expansion, il fallait s’attendre à une baisse significative destaux de rendement de l’éducation. D’ordinaire en effet, les économistesprédisent qu’une augmentation de l’offre, de diplômés de l’université parexemple, est suivie d’une baisse du rendement de l’enseignement supérieur,à moins que, parallèlement, la demande n’augmente. Deux étudeseffectuées par Psacharopoulos (1981 et 1989) ont montré que, dans lespays disposant de données sur les tendances temporelles, une légèrebaisse des taux de rendement en fonction du temps avait été enregistrée.Toutefois, selon l’auteur, on pouvait considérer, compte tenu de ce faibletaux de diminution, que, dans la « course qui oppose technologie etéducation », l’impact des progrès de la technologie était tel que la demandede travailleurs instruits évoluait globalement au même rythme quel’accroissement de l’offre (pour une analyse plus détaillée, voirPsacharopoulos et Woodhall, 1985, p. 58-61). D’autres recherchesconsacrées à cette question sont présentées au chapitre X.

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Comparaisons internationales

Un autre type de comparaison qui est communément pratiquédans ce domaine consiste à comparer le taux de rendement del’éducation dans différents pays ou différentes régions. Cescomparaisons internationales ont essentiellement deux objectifs. Lepremier est de déterminer les points communs ou les différences quiexistent entre des pays situés à un même stade de développement etd’en déterminer les raisons. C’est le cas de plusieurs études où sontcomparés les gains et les taux de rendement des pays de l’OCDE,d’analyses comparatives entre les États-Unis et le Royaume-Uni, ouencore d’une étude récente sur les taux de rendement privé menéedans 15 pays européens. On en trouvera quelques exemples auchapitre X. Des études comparatives ont également été faites entredes pays d’Asie et d’Afrique, malgré les critiques qu’elles ont suscitées(de la part de Bennell, 1996 et 1998, par exemple) pour n’avoir pasrespecté certains critères de comparaison applicables pour des étudesdifférentes. Des critiques analogues ont été formulées à l’égard dudeuxième objectif principal des comparaisons internationales, qui estde dégager un profil mondial ou régional d’évolution des taux derendement (sur lequel on reviendra en plus amples détails ci-dessous).

Définir des profils mondiaux

C’est Psacharopoulos (1973) qui a été le premier à dresser unesynthèse de toutes les études existantes sur le taux de rendement et àtenter d’en dégager un profil général d’évolution en comparant lestaux de rendement, à la fois social et privé, dans 32 pays. Il a depuislors procédé à des mises à jour périodiques de ces travaux, avec uneétude récapitulative couvrant 60 pays en 1985, une version actualiséeportant sur plus de 80 pays en 1994 et une dernière version(Psacharopoulos et Patrinos, 2002) étendue à 98 pays. Pour tenterde définir des tendances générales, Psacharopoulos s’est appuyé surdes estimations du taux de rendement social et privé par région (Asie,Amérique latine, Afrique sub-saharienne, Europe et Moyen-Orient, etpays de l’OCDE) et par groupes de pays (pays à faible revenu, àrevenu intermédiaire, à revenu élevé) qu’il a agrégées et dont il acalculé des moyennes. Les conclusions en sont, pour partie, exposées

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Interprétation des taux de rendement : comparaisons

dans le chapitre suivant. Un tel exercice, appliqué à quelque 60, 80ou 100 pays, amène inévitablement à simplifier considérablement età négliger certains aspects, comme les différences de qualité desdonnées, leur représentativité, les hypothèses et les mises en garde,les qualifications ou les avertissements qui ont été énoncés dans lesétudes d’origine. C’est là l’une des raisons pour lesquelles lescomparaisons à grande échelle réalisées à partir d’études noncomparables ont été la cible de critiques7 . En fait, dans leur toutedernière version, Psacharopoulos et Patrinos soulignent qu’il est rareque des estimations soient parfaitement comparables et ils préconisent,au vu de l’abondante prolifération des estimations du taux derendement, d’adopter une approche plus sélective pour comparer lesrendements de l’éducation et en établir des profils d’évolution.

Ce chapitre n’a pas d’autre ambition que de mettre en évidenceles possibilités qu’offrent des comparaisons entre des taux de rendementpour l’interprétation des résultats. Dans le prochain chapitre, nousétudierons des exemples de ces différents types de comparaison en yajoutant une présentation sommaire des quelques profils d’évolutionà l’échelon mondial que nous venons d’évoquer. Au chapitre XI, nousdévelopperons l’utilisation que les pouvoirs publics et les organismesde financement ont faite de l’analyse coût-bénéfice pour guider leursdécisions et leurs politiques en matière d’investissement et, là encore,nous illustrerons notre propos d’exemples concrets.

7. Par exemple, d’après Bennell (1996 et 1998), les conclusions tirées desestimations des taux de rendement agrégés à l’échelle de la planète et du continent,telles que recueillies par Psacharopoulos, sont considérées comme « paroled’évangile » et il se demande si ces conclusions indiscutables s’appliquent àl’Afrique sub-saharienne (1996) ou à l’Asie (1998). Dans un article plus récent,Bennell conclut que les taux de rendement agrégés pour l’ensemble d’une région« devraient être systématiquement écartés de tout débat sérieux sur les prioritésd’action en matière d’investissement éducatif, pour le continent asiatique dansson ensemble et pour des pays pris isolément » (Bennell, 1998. p. 118).

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X. Exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation

Évaluer l’investissement éducatif :les années 1960 et 1970

Les premiers exemples d’application de l’analyse coût-bénéficeà l’éducation aux États-Unis étaient le résultat de l’élaboration d’unethéorie sur la formation du capital humain formulée au début desannées 1960. Les études de taux de rendement faites par deséconomistes tels que Becker (1964 et 2e édition 1975), Mincer (1962et 1974), Theodore Schultz (1961 et 1971), avaient pour objetd’examiner la possibilité pratique d’appliquer l’analyse coût-bénéficeà l’éducation et d’échafauder une théorie de l’investissement en capitalhumain. Si ces ouvrages ont eu, évidemment, des incidences pratiques,leur premier objectif était d’élaborer un nouvel instrument d’analyseéconomique. L’ouvrage de Becker, notamment, montrait comment leconcept d’investissement en capital humain contribue à expliquercertains modèles de comportement et certains phénomèneséconomiques, tels que le tracé des profils âge-gains ; il montrait aussique des activités différentes, comme l’enseignement scolaire formelet la formation continue, peuvent être analysées au moyen desinstruments de l’analyse coût-bénéfice. Par la suite, les recherchesaux États-Unis dans les années 1970 ont porté plus spécialement surdes questions comme les différences entre les taux de rendement parrégion et par origine raciale, l’influence exercée sur la répartition desrevenus par l’investissement dans l’éducation, l’application de l’analysecoût-bénéfice à l’étude du choix d’une profession, la demande privéed’éducation, et les comparaisons entre diverses méthodes definancement de l’éducation. Ce sont là des sujets qui intéressent aussibien les pays en développement que les pays développés.

Plusieurs applications de l’analyse coût-bénéfice ont été faitesdans des pays en développement durant les années 1960 et 1970 dans

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le but d’évaluer la rentabilité de l’investissement éducatif. À titred’exemple, on peut citer l’étude sur le taux de rendement del’investissement en Inde mentionnée dans les précédents chapitres(Blaug et al., 1969), qui a pour objectif de montrer quels sont lesniveaux d’éducation les plus rentables, ainsi que de discerner s’il existede quelconques indices d’un excès ou, au contraire, d’un défautd’investissement éducatif. Ces données ne concernent que le milieuurbain en Inde, de sorte qu’il serait hasardeux d’en tirer des conclusionsd’ordre général bien arrêtées sur la rentabilité de l’éducation dansl’ensemble de l’Inde. Toutefois, la conclusion qui se dégage globalementde cette étude est que, malgré le chômage des diplômés et des jeunesayant terminé leurs études secondaires, le taux de rendement privé del’éducation en Inde demeurait élevé en 1960, mais que le taux derendement social était beaucoup plus faible. L’investissement le plusrentable, en termes d’analyse coût-bénéfice, était l’enseignementprimaire avec un taux de rendement supérieur à tous les autres.

Cette étude réalisée en Inde en 1960 sur les taux de rendementde l’investissement éducatif offre une bonne illustration del’interprétation que les responsables font de l’analyse coût-bénéfice etde ses implications politiques. L’enseignement supérieur se trouvaitalors dans une phase d’expansion rapide, en l’occurrence beaucoupplus rapide qu’au niveau primaire et au niveau secondaire, et le payscomptait plus d’un demi million de diplômés et de jeunes ayant terminéleurs études secondaires qui étaient au chômage. L’analyse coût-bénéfice a été utilisée pour analyser les causes de ce chômage ettenter d’y apporter remède. Les auteurs de l’étude (Blaug et al., 1969,p. 232-250) ont mis en évidence le fait que la valeur exacte du taux derendement dépendait d’un certain nombre d’hypothèses clésconcernant, par exemple, l’impact des abandons sur les coûts ou desaptitudes sur les gains ; plutôt que de présenter une série unique dechiffres, ils ont donc préféré donner une fourchette de chiffresestimatifs, qui, bien qu’imprécis, induisaient certaines conclusionsd’ordre pratique. Le taux de rendement privé était, en tout état decause, supérieur au taux de rendement social, signe du montant élevédes aides publiques et, partant, d’un coût social nettement supérieurau coût privé. Même en tenant compte du taux moyen de chômage, letaux de rendement privé d’un diplôme universitaire était élevé(entre 14 et 21 % selon la discipline, avant toute correction destinée

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Exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation

à intégrer l’effet des aptitudes sur les gains). L’étude permettait parconséquent de montrer que l’éducation était une formed’investissement rentable pour l’individu et d’expliquer, en partie,l’excédent de demande de places à l’université en dépit du chômageconstaté chez les diplômés. D’autre part, non seulement le taux derendement social de l’enseignement universitaire était inférieur autaux de rendement privé, mais il était aussi inférieur au taux derendement de l’enseignement primaire et secondaire. Or, les pouvoirspublics avaient privilégié le développement de l’enseignementuniversitaire durant les années 1950 et 1960 par rapport àl’enseignement primaire, alors que l’objectif de l’enseignementprimaire universel n’avait pas encore été atteint. L’étude concluaitque, d’après les estimations du taux de rendement, le développementde l’enseignement supérieur en Inde dans les années 1960 avait ététrop important par rapport aux niveaux d’enseignement précédents,notamment par rapport au primaire, et que cette situation avait eu unretentissement, tant sur les dotations budgétaires que sur la politiquede financement des pouvoirs publics. L’étude recommandaitd’affecter davantage de ressources à l’enseignement primaire où letaux de rendement social était plus élevé et d’augmenter les droitsuniversitaires, tout en compensant par l’octroi de bourses aux étudiantsissus de familles démunies. Augmenter les droits universitairespermettrait de reporter une partie des coûts de l’enseignementsupérieur du contribuable vers l’élève, ce qui en abaisserait le tauxde rendement privé, diminuerait la rentabilité de l’enseignementuniversitaire et réduirait, par là même, la demande privée.

Durant les années 1970, de nombreuses études ont étéentreprises, tant aux États-Unis et en Europe que dans les pays endéveloppement. La première initiative destinée à compiler et comparerles taux de rendement de l’investissement éducatif(Psacharopoulos, 1973) a porté sur 32 pays ; dans sa version de 1981,elle a été étendue à 44 pays. Dans ces deux études, Psacharopouloss’est efforcé de dégager des profils généraux d’évolution et il a aboutiaux conclusions suivantes :

• Dans les pays en développement, les taux de rendement les plusélevés concernent l’enseignement primaire, l’enseignement

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secondaire venant en deuxième position, tandis quel’enseignement supérieur apparaît comme ayant une rentabilitémoindre que les niveaux d’éducation scolaire qui précèdent.

• Dans tous les pays et quel que soit le niveau d’enseignement, letaux de rendement privé est supérieur au taux de rendement social,du fait que l’éducation est un secteur fortement subventionné.

• Dans les pays en développement, les taux de rendement del’investissement éducatif sont, dans la plupart des cas, nettementsupérieurs aux 10 % couramment retenus comme indicateur ducoût d’opportunité du capital.

• Les taux de rendement sont plus élevés dans les pays endéveloppement que dans les pays industrialisés en raison de larelative pénurie de capital humain.

Dans les décennies qui ont suivi, le nombre d’études consacréesà l’analyse coût-bénéfice s’est maintenu, tandis que se poursuivait lacontroverse sur la validité théorique de l’approche (brièvement exposéeau chapitre VI) et ses implications politiques. Le prochain paragrapheoffre des exemples d’études plus récentes qui ont été réalisées, dansles années 1980 et 1990, sur les taux de rendement ou de rechercheseffectuées pour tenter de mettre en évidence des profils d’évolution àl’échelon mondial et régional.

Les années 1980 et 1990

Dans les années1980 et 1990, de nouvelles études ont vu le jourdans toutes les grandes régions du monde. Leurs auteurs ont, dans lamajorité des cas, fait appel à la méthode « complète » décrite auchapitre VII pour calculer les taux de rendement à partir de séries dedonnées plus récentes, avec pour objectif soit de fournir desinformations sur des pays qui, auparavant, ne disposaient pasd’estimations, soit de mettre à jour des estimations antérieures. Pource qui est des autres études, leurs auteurs ont utilisé la fonction desgains ou la méthode « abrégée » présentée au chapitre VIII ; il apparaîtdès lors légitime de s’interroger sur la comparabilité d’étudesdifférentes.

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Exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation

En dépit de cette difficulté, on a assisté à un foisonnementd’études comparatives dans les années1980 et 1990 et ce, tant surl’initiative de chercheurs indépendants que sous l’impulsiond’organismes, tels que la Banque mondiale qui a, par exemple, réaliséune analyse comparative d’environ 18 pays d’Amérique latine et desCaraïbes (Psacharopoulos et Ng, 1994). Nombre d’entre elles visaientun objectif particulier. Plusieurs études avaient par exemple pour objetde comparer, à l’échelon international, les taux de rendement del’éducation chez les hommes et chez les femmes. Une synthèsepartielle en a été faite par Schultz (1995), qui tend à montrer que,bien souvent, dans des pays aussi divers que la Côte d’Ivoire, lePérou et la Thaïlande, le rendement privé estimé était plus élevé pourles femmes que pour les hommes, contrairement à ce que l’on avaitpu conclure de certaines études plus anciennes. Il y a plusieurs raisonsà cela : l’une d’elles est que l’éducation a pour effet d’accroître letaux d’activité féminine, ainsi que les gains des femmes ; une autreest que le manque à gagner est ordinairement plus faible pour elles.Par ailleurs, si l’on tient compte des bénéfices indirects et desexternalités, le taux de rendement social peut aussi être plus élevépour les femmes que pour les hommes, comme on l’a vu auchapitre III. Maintes autres études spécifiques ont été conduitesdurant cette même période. C’est le cas d’une analyse comparativeinternationale des taux de rendement dans plusieurs économies entransition qui a été faite dans les années 1990. Portant sur neuf paysd’Europe centrale et d’Europe de l’Est, la Russie et l’ex-Unionsoviétique (Newell et Reilly, 1999), cette étude s’est intéressée auxeffets de l’évolution du marché du travail après l’effondrement ducommunisme et a mis en évidence une tendance à l’augmentation durendement de l’éducation à mesure que l’impact des réformes dumarché du travail se faisait sentir. Une autre étude comparative,consacrée au rendement de l’enseignement et de la formationprofessionnels dans les pays de l’OCDE (Cohn et Addison, 1998), afait ressortir un certain nombre de différences intéressantes entrecertains pays ; il apparaît, par exemple, que le rendement de laformation professionnelle est plus élevé aux États-Unis qu’auRoyaume-Uni, ou encore que la courbe des profils de gains duranttoute la vie est beaucoup plus aplatie et, partant, que les taux derendement estimés sont plus faibles dans les pays nordiques qu’auRoyaume-Uni.

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Les auteurs de cette étude ont fait à cet égard référence à lacontroverse sur la formation générale par opposition à la formationprofessionnelle spécialisée. Cette controverse est également très vivedans les pays en développement. L’analyse coût-bénéfice, utilisée enl’occurrence pour comparer le rendement de l’enseignement généralet le rendement de l’enseignement professionnel, a apporté un éclairagenouveau au débat. À titre d’exemple, la Banque mondiale a réaliséune étude comparative sur les établissements d’enseignement généralet les établissements d’enseignement diversifié en Colombie et enTanzanie (Psacharopoulos et Loxley, 1985). Pour comparer les résultatsscolaires obtenus par des élèves ayant fréquenté d’une part desétablissements d’enseignement général, d’autre part des établissementsd’enseignement diversifié – c’est-à-dire professionnel et technique –,ainsi que leur emploi et leurs gains ultérieurs, les auteurs de cetteétude ont combiné analyse coût-bénéfice et analyse coût-efficacité.Ils font observer que « la diversification des programmes scolaires estonéreuse ; le coût des études dans un établissement d’enseignementdiversifié, par élève, peut atteindre le double de celui d’une écoleclassique… c’est pourquoi les responsables politiques devraient mettreen balance ce coût et les bénéfices supplémentaires (monétaires etnon monétaires) que ces écoles procurent aux étudiants et à la sociétédans son ensemble », mais ils concluent que « Cette étude ne permetpas de démontrer que les bénéfices monétaires mesurables résultantde la diversification de l’enseignement sont plus importants que ceuxrésultant d’un enseignement classique » (Psacharopoulos et Loxley,1985, p. 227). S’agissant de la Tanzanie, les estimations du taux derendement laissent penser que, sur ce plan, les filières générales sontavantagées par rapport aux filières techniques. Néanmoins, les auteurssoulignent que les données relatives aux gains ont été collectées durantles premières années de la vie professionnelle des diplômés et mettenten garde contre certaines imperfections qui règnent sur le marché dutravail, ce qui rend l’interprétation des résultats relativement délicate.Or, trop souvent, il n’est prêté aucune attention à ces mises en garde,ni émis aucun appel à la prudence quant à la validité des résultats detelles études.

Psacharopoulos a poursuivi ses efforts pour synthétiser les étudesmenées sur le taux de rendement et définir des profils d’évolution àl’échelle mondiale, une première en 1995 pour plus de 80 pays et,

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Exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation

plus récemment, en 2002, pour 98 pays (Psacharopoulos etPatrinos, 2002). Ces analyses comparatives lui ont permis deconfirmer les conclusions exposées ci-dessus : (a) les taux derendement les plus élevés concernent l’enseignement primaire ;(b) quel que soit le niveau d’enseignement, le taux de rendementprivé est supérieur au taux de rendement social ; (c) les taux derendement de l’éducation sont, dans la plupart des cas, supérieursà 10 % ; et (d) les taux de rendement sont, en moyenne, plus élevésdans les pays en développement que dans les pays industrialisés.Dans ses dernières recherches, il conclue en outre que :

• Le taux de rendement de l’éducation des femmes est légèrementsupérieur à celui des hommes, ce qui montre que l’éducation apour effet d’accroître le taux d’activité des femmes, de mêmeque leur capacité de gains.

• Si l’on compare l’enseignement général et l’enseignementprofessionnel et technique spécialisé dans les établissementssecondaires, il ressort que l’enseignement général estl’investissement le plus rentable, du fait que le coût del’enseignement professionnel spécialisé dans le secondaire estélevé, alors que les bénéfices, en termes de gains supplémentaires,sont hypothétiques.

• Le taux de rendement de l’éducation tend à diminuer légèrementen raison inverse du taux d’inscription, mais l’éducation demeure,globalement, un bon investissement.

Psacharopoulos a, à plusieurs reprises, tiré des conclusionspratiques de ces résultats, parmi lesquelles :

• Le sous-investissement existe à tous les niveaux d’enseignement,plus spécialement en Afrique.

• L’enseignement primaire demeure la priorité numéro un de l’in-vestissement, puisque son taux de rendement social est supérieurà celui de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supé-rieur.

• Diminuer les aides publiques accordées à l’enseignementsupérieur pour les redistribuer à l’enseignement primairecontribuerait à améliorer l’efficacité et l’équité.

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Au chapitre XI, on examinera l’impact de ces conclusions surl’élaboration des politiques au sein des organismes de financement,en particulier la Banque mondiale. À ce stade, on se contentera toutefoisde rappeler au lecteur les critiques évoquées au chapitre IX, émanantnotamment de Bennell (1996, 1998) pour lequel il est non seulementsimpliste de chercher à établir des profils d’évolution à l’échelle de laplanète ou même d’un continent, mais aussi relativement hasardeuxde s’appuyer sur des études désuètes et sur des données qui sont loind’être complètes et comparables. La conclusion de Bennell est que denombreux profils classiques définis par Psacharopoulos ne sont pasvalables, que ce soit en Afrique sub-saharienne ou en Asie. Il sembleégalement que, dans maints pays d’Amérique latine, ce ne soit plus letaux de rendement de l’enseignement primaire qui est le plus élevé.L’étude la plus récente faite par Psacharopoulos et Patrinos (2002)montre qu’en 1989, les taux de rendement, tant social que privé, auChili, au Costa Rica, au Honduras et au Mexique, étaient plus élevéspour l’enseignement secondaire que pour l’enseignement primaire.Plus récemment encore, une étude réalisée dans les années 1990 surle marché de l’emploi en Amérique latine pour le compte de la Banqueinteraméricaine de développement révèle que le rendement del’enseignement secondaire et celui de l’enseignement supérieurdépassent le rendement de l’enseignement primaire dans la quasi-totalité des pays, mais que, durant cette décennie, le rendement del’enseignement supérieur a eu tendance à augmenter dans la plupartdes pays, alors que le rendement de l’enseignement secondaire avaittendance à diminuer (Duryea, Jaramillo et Pagés, 2003).

Comme indiqué au chapitre VI, d’autres critiques ont porté surles conclusions tirées du taux de rendement social et, plusparticulièrement, de la propension à ignorer, sinon sous-estimer lesbénéfices indirects et les externalités dans ces conclusions. Pour autant,même si d’aucuns expriment des réserves ou se montrent sceptiquesquant à la pertinence du taux de rendement social au plan del’orientation des politiques, il n’en demeure pas moins que lesestimations du taux de rendement privé contribuent à une meilleurecompréhension de la demande privée d’éducation. Parmi desexemples récents, on peut citer une étude réalisée à Trinité-et-Tobagosur le taux de rendement privé de l’enseignement supérieur dans le

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Exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation

secteur des sciences et techniques, fondée sur des données relativesà la période 1997-1999 (Bourne et Dass, 2003), et qui fait apparaîtreun taux de rendement privé élevé pour ce qui est des études demédecine, d’ingénieur et de sciences naturelles, et un taux derendement bien moindre dans le domaine des sciences humaines etde l’agriculture. Ces tendances se reflètent dans la structure de lademande d’inscription, mais non dans les conditions d’octroi des aidesfinancières, d’où la suggestion des auteurs d’appliquer un systèmed’aides différenciées qui « permettrait d’obtenir un meilleurajustement entre la structure de la demande d’éducation universitaireet les préférences des responsables de l’élaboration des politiques »(Bourne et Dass, 2003, p. 10). L’utilisation que les responsablespolitiques de certains pays font des estimations du taux de rendementdans le cadre de la conception des politiques de financement del’enseignement supérieur sera traitée au chapitre XI. Dans le prochainparagraphe, on trouvera par ailleurs une description sommaired’études récentes sur les coûts et les bénéfices de l’enseignementsupérieur dans les pays de l’OCDE. Mais auparavant, on donnera unautre exemple de l’utilisation des coûts et bénéfices privés pouranalyser la demande d’éducation.

En dépit des doutes que l’on peut nourrir quant à la précision desestimations du taux de rendement, tant privé que social, le concept detaux de rendement privé a fait la preuve de son utilité pour lacompréhension des différences d’évolution de la demande et de laparticipation. Selon une étude menée dernièrement en Ouganda sur laparticipation féminine à l’éducation (Kwesiga, 2002), il apparaît quedivers facteurs – familiaux, sociologiques et institutionnels –interagissent et jouent un rôle déterminant dans l’accès des filles etdes femmes à l’éducation, et que l’éducation conçue comme uninvestissement en capital humain est un facteur important, quoiquesouvent plus implicite qu’explicite, qui influe sur le choix que font lesfamilles d’investir dans l’éducation des garçons ou des filles. Pourl’auteur, la notion d’investissement dans l’éducation « fournit uneexplication généralisatrice des éléments qui déterminent l’éducationdes filles et qui y font obstacle » (Kwesiga, 2002, p. 52), mais, dansle contexte africain, la méthode classique qui consiste à évaluer lescoûts et les bénéfices de l’investissement au travers des gains

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individuels obtenus sur le marché de l’emploi, des impôts établis parl’État ou même des retombées prévisibles, est inadaptée : « Ce quiimporte, ce n’est pas de savoir si une femme instruite gagne plus,mais de savoir qui, au final, recueillera les bénéfices de cetinvestissement » (Kwesiga, 2002, p. 251).

Investir dans l’éducation : études récentes menées dansdes pays de l’OCDE et en Europe

L’OCDE a édité dernièrement plusieurs publications sur le capitalhumain et l’analyse coût-bénéfice, parmi lesquelles une étudecomparative et récapitulative internationale sur les taux de rendementdans des pays de l’OCDE (1998), une synthèse sur l’application del’analyse coût-bénéfice pour une évaluation préalable d’éventuelsinvestissements dans des installations éducatives (2000) et un rapportsur le rôle du capital humain et du capital social dans la promotion dela croissance économique et du bien-être (2001). Les données relativesau rendement de l’éducation sont désormais présentées et analyséesdans ses publications annuelles, Regards sur l’éducation et Analysedes politiques d’éducation. Toutes ces études mettent essentiellementl’accent sur des pays de l’OCDE, mais un projet intéressant, associantl’OCDE, l’UNESCO et la Banque mondiale, a été lancé pour tenterd’élargir à certains pays en développement et en transition unprogramme visant à collecter et à analyser des statistiques et desindicateurs de l’éducation : ce programme relatif aux indicateurs del’éducation dans le monde porte le nom d’Indicateurs mondiaux del’éducation (IME) et concerne 11 pays (Argentine, Brésil, Chili, Chine,Inde, Indonésie, Jordanie, Malaisie, les Philippines, la Fédération deRussie et Thaïlande). L’analyse 2002 de ces indicateurs dont le thèmeprincipal était Le financement de l’éducation : investissements etrendements indique, en conclusion, que l’impact positif del’investissement en capital humain est plus fort dans les pays IMEque dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2002).

Un autre projet de recherche comparative a été conduit dans15 pays européens entre 1998 et 2000. Consacré à la question dufinancement public et du rendement privé de l’éducation, le projetPublic funding and private returns to education (PURE), a permis

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Exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation

de mettre en évidence l’existence d’écarts sensibles en termes derendement privé de l’éducation entre les pays européens, lesquels serépartissent principalement en trois grands groupes : un premier groupeoù le rendement privé moyen est faible (pays scandinaves et Pays-Bas), un second groupe où le rendement de l’éducation est élevé(Irlande et Royaume-Uni) et un troisième groupe de pays qui se situententre les deux extrêmes8 . Aucun signe d’une évolution convergentedes rendements de l’éducation dans les divers pays européens n’estvisible, ce qui, d’après les chercheurs, est susceptible d’entraîner àl’avenir une mobilité plus grande des travailleurs ayant fait de longuesétudes d’un pays à l’autre. Un autre résultat mérite de retenirl’attention : les gains supplémentaires relatifs des travailleurs ayant euune bonne instruction ont augmenté, et non pas diminué, avec le temps,malgré la forte hausse de la demande de travailleurs ainsi formés, cequi laisse penser que la demande de main-d’œuvre très instruite s’estaccrue plus rapidement que l’offre.

Évaluer des projets d’éducation dans des pays endéveloppement

Les exemples que nous avons présentés jusqu’à présent dans cechapitre concernent pour l’essentiel des comparaisons entre différentsniveaux ou types d’enseignement, entre le rendement social et lerendement privé de l’éducation et entre des pays. Le recours à l’analysecoût-bénéfice peut, comme on l’a dit au chapitre XI, s’avérer utilepour la prise de décisions concernant l’affectation des ressources oula répartition optimale des coûts entre l’État d’une part et l’élève ousa famille d’autre part. Ces dernières années, l’analyse coût-bénéficea été appliquée pour résoudre un autre type de problème, à savoirl’évaluation de projets d’éducation. On en donnera ci-dessous quelquesexemples récents. Dans le chapitre suivant, on analysera dans quellemesure des organismes de financement, comme la Banque mondiale,utilisent l’analyse coût-bénéfice à des fins d’évaluation de projetsd’éducation.

8. Les conclusions de cette recherche ont été publiées dans un ouvrage (Harmon,Walker et Westergaard-Nielsen, 2001) et sont accessibles sur le site Internetdu projet PURE : http://www.etla.fi/PURE/

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Une analyse coût-bénéfice a été pratiquée en 1998 pourl’évaluation préalable d’un projet d’enseignement supérieur auViet Nam mené à l’initiative de la Banque mondiale9 . Le coût duprojet, destiné à renforcer le système universitaire et à en accroîtrel’efficacité, la souplesse et la capacité d’adaptation, était estimé àenviron 100 millions de dollars EU. Les bénéfices escomptés étaientde deux types. Il s’agissait en premier lieu d’améliorer la gestion dusystème universitaire et de générer des économies d’échelle enencourageant la fusion de petites structures ultra spécialisées. Cecidevait permettre aux universités de réaliser d’importantes économies.Une étude sur les coûts des universités effectuée en 1995 avait déjàpermis de montrer que les coûts unitaires étaient plus faibles dans lesgrandes universités multidisciplinaires que dans des structures pluspetites et très spécialisées. Il s’agissait en second lieu d’améliorer laqualité et la pertinence de l’enseignement universitaire et de moderniserla formation dans le but de produire des diplômés de meilleure qualité,cette amélioration de la qualité devant, à terme, se traduire par uneaugmentation des gains moyens des diplômés. Les données provenaientd’une étude de suivi périodique des diplômés (Moock, Patrinos,Venkataraman, 2003) montrant que les diplômés d’universitésvietnamiennes qui possédaient des compétences linguistiques etinformatiques percevaient des gains sensiblement plus élevés que ceuxqui ne possédaient pas de telles compétences. Cette disparité a servide base pour évaluer l’effet d’une meilleure qualité de l’université surla productivité des diplômés. Les calculs réalisés à partir de diverseshypothèses sur l’ampleur des bénéfices ont abouti à définir un taux derendement de 17 % et une analyse de sensibilité a montré que, mêmesi l’on modifiait ces hypothèses, le taux de rendement du projetresterait très probablement supérieur à 10 %, ce qui correspond aucoût supposé d’opportunité du capital au Viet Nam.

Parmi d’autres projets de la Banque mondiale pour lesquels descalculs de coût-bénéfice ont, entre autres, été pratiqués en vue de leurévaluation préalable, figurent par exemple un projet d’enseignement

9. Une description de l’étude sectorielle menée avant l’évaluation du projet surl’enseignement supérieur au Viet Nam et une présentation de l’analyseéconomique conduite au titre de l’évaluation préalable du projet sont accessiblessur le site : http://www.worldbank.org/education/economicsed/research/wbpub/VFSSProc.htm

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Exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice à l’éducation

supérieur et technique à l’île Maurice, où les bénéfices ont été calculésd’après les gains qu’obtiendraient, durant leur vie, les diplôméssupplémentaires susceptibles de suivre la formation prévue par le projet,ou encore un projet d’éducation à la Barbade, qui visait à encouragerles petites écoles à se regrouper afin de réaliser des économies d’échelleet garantir, par là même, une utilisation optimale des enseignants etune diminution des coûts unitaires. Comme pour le premier exemple,le calcul des bénéfices a ici été effectué sur la base des économies decoûts estimées, et l’analyse coût-bénéfice a été utilisée dans le but decomparer les coûts et les bénéfices de différentes politiques deregroupement entre écoles et de définir la solution la plus rentable.10

Une approche similaire pourrait être appliquée pour comparer les coûtset les bénéfices supposés d’autres stratégies possibles, comme leremplacement ou la restauration de bâtiments scolaires existants oud’autres modèles de formation des enseignants.

L’application d’une analyse coût-bénéfice pour l’évaluationpréalable d’un projet soulève une multitude de questions, par exemplesur l’opportunité d’évaluer les bénéfices d’une augmentation de l’offresur la base des gains supplémentaires observés, lesquels peuventexprimer une pénurie de travailleurs ayant acquis un haut niveau deformation. Pour ce qui est du projet vietnamien, la question a étérésolue en faisant appel à une analyse de sensibilité et en réduisantnotamment les gains supplémentaires supposés afin d’apprécier lesvariations potentielles du taux de rendement estimé en fonction desdifférentes hypothèses retenues. D’autres méthodes d’évaluationpréalable de projet peuvent être envisagées, ainsi qu’on le verra dansle prochain chapitre. Mais, à ce stade, il importe de rappeler que, dèslors qu’il s’agit d’estimer le taux de rendement d’un projet ou decomparer plusieurs options possibles, il est indispensable de poserdes hypothèses et celles-ci sont sujettes à débat. Ce dont on a besoinpour procéder à une évaluation préalable de projet ou avant de faireun choix d’investissement, c’est d’une méthode systématique quipermette d’identifier, d’évaluer et de comparer tous les coûts etbénéfices attendus d’un projet et des autres options possibles (y

10. Pour toute information complémentaire sur l’analyse coût-bénéfice de ces deuxprojets, on pourra consulter le site : http://www.worldbank.org/education/economicsed/ tools/hands/hands_index.htm

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compris l’option « ne rien faire »). Les exemples d’analyse coût-bénéfice que l’on vient de présenter dans ce chapitre visent à fournirune telle méthode. Le prochain chapitre traitera de la façon dontl’analyse coût-bénéfice est utilisée par les pouvoirs publics et lesorganismes de financement pour la prise de décision, et le dernierchapitre essaiera de déterminer la valeur de cette analyse en tantqu’instrument pratique.

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XI. L’analyse coût-bénéfice, un guide pourl’élaboration des politiques

Les exemples d’analyse coût-bénéfice que nous avons présentésjusqu’ici dans cette brochure sont nombreux. Ils se rapportent à desétudes qui, soit ont été menées par des chercheurs indépendants, soitont été engagées sur demande spéciale d’un organisme pour résoudretel ou tel problème ou aspect de la politique. Mais, quel qu’ait étél’objectif initialement assigné à ces études, leurs auteurs mettent dansl’ensemble, l’accent sur l’intérêt que présentent les résultats ainsiobtenus pour les responsables de l’élaboration des politiques – faceà des difficultés ou à la prise de décisions. Ce chapitre traite del’utilisation concrète que les pouvoirs publics ou les organismes definancement ont fait de l’analyse coût-bénéfice pour orienter leursdécisions en matière de politiques éducatives. Il donne des exemplesd’application de l’analyse coût-bénéfice pour guider et justifier troistypes de décisions politiques : (a) répartition des ressources entredifférents types d’investissement, notamment entre différents niveauxd’instruction ; (b) élaboration de nouvelles politiques de financementde l’enseignement supérieur ; et (c) évaluation préalable de projetsd’éducation par des organismes de financement.

Répartition des ressources

Les premières études menées sur le taux de rendement del’investissement éducatif ont été, pour bon nombre d’entre elles,destinées à mesurer l’impact de l’éducation sur la croissanceéconomique. Leurs conclusions, sur le fait par exemple que le capitalhumain contribue tout autant à la croissance économique que le capitalmatériel ou que l’éducation est un investissement rentable, ont donnélieu à une large publicité et ont été reprises, tant dans les pays endéveloppement que dans les pays industrialisés, par les pouvoirs publicspour justifier une augmentation du budget public alloué à l’éducation.Plus récemment, les effets de l’éducation sur la croissance économique

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et sur le bien-être social ont suscité un regain d’intérêt. C’est ainsique des rapports émanant d’organismes intergouvernementaux,comme l’OCDE par exemple (2001), rappellent l’importance ducapital humain et de l’investissement éducatif, en particulier dans lecontexte de « l’économie du savoir », et soulignent la nécessité deprendre en compte les coûts et les bénéfices dans le cadre de laformulation de politiques et de l’établissement des priorités, mais – fait nouveau – en faisant spécialement mention des bénéfices sociauxindirects parallèlement aux bénéfices économiques. Comme on l’aindiqué au chapitre IX, toutefois, rares sont les gouvernements quiappliquent véritablement une analyse coût-bénéfice détaillée dans laperspective ultérieure de fixer des priorités à caractère général enmatière de dotations budgétaires. La répartition des crédits budgétairesentre différents secteurs est essentiellement une question d’ordrepolitique, même si la perception et la conception que les hommespolitiques et l’opinion publique ont des coûts et des bénéfices peuvent,soit sous forme explicite, soit de manière indirecte, exercer uneinfluence sur cette répartition. Il existe néanmoins un cas où lesrésultats de l’analyse coût-bénéfice peuvent avoir un impact réel surles décisions des pouvoirs publics : au travers de l’influenced’organismes internationaux, comme l’OCDE ou l’UNESCO, etd’organismes de financement, comme la Banque mondiale et lesbailleurs de fonds internationaux.

Il s’avère que l’influence des résultats de l’analyse coût-bénéficesur les décisions prises par des organismes de financement et desbailleurs de fonds a été plus forte ces dix dernières années que par lepassé. Dans plusieurs rapports de la Banque mondiale publiés dansles années 1990, par exemple, il est fait appel aux taux de rendementpour justifier des conclusions et formuler des recommandations àl’intention des responsables politiques des pays en développement.L’impact ainsi produit sur les décisions en matière d’affectation deressources s’est manifesté sous trois formes au moins. En premierlieu, le secteur éducatif dans son ensemble a désormais rang de prioritémajeure dans le programme de prêt de la Banque mondiale et unehiérarchie de priorités y a été définie respectivement pour les différentsniveaux ou types d’enseignement. C’est là un point important si l’ons’en réfère à l’étude de la Banque mondiale, Priorités et stratégiespour l’éducation, qui souligne que la Banque mondiale est la

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principale source de financement externe de l’éducation dans lespays en développement et qu’elle représente près d’un quart de latotalité des apports extérieurs (Banque mondiale, 1995, p. 166). Ensecond lieu, cette position dominante confère à la Banque mondialeune influence considérable, ainsi qu’à d’autres organismes bailleursde fonds multilatéraux et bilatéraux, et ce, à une époque où l’on insistede plus en plus sur la coopération entre bailleurs. En troisième lieu, lerôle de conseil que joue la Banque mondiale auprès de ses clients, lespouvoirs publics des pays en développement, signifie que ses prisesde position – sur la priorité du secteur éducatif dans son ensemble etsur les priorités relatives au sein de ce secteur – ont un puissantpouvoir persuasif lors des débats de politique avec des gouvernementsclients. Dans l’étude de 1995 mentionnée, on peut lire en effet que,puisque le financement de l’éducation par la Banque mondialereprésente moins de 1 % du total des dépenses d’éducation des paysen développement, « La principale contribution de la Banque mondialedevra donc prendre la forme de conseils aux gouvernements pour lesaider à concevoir une politique de l’éducation adaptée aux conditionspropres à leur pays. Ses concours financiers viseront généralementà servir de multiplicateur aux dépenses et à l’action réformatrice desautorités nationales » (Banque mondiale, 1995, p. 17).

Conçue comme une synthèse des travaux menés par la Banquemondiale sur l’éducation depuis le précédent document d’orientationétabli pour ce secteur en 1980, l’étude 1995 sur les priorités et stratégiespour l’éducation – qui, à ce titre, constitue donc une parfaite illustrationde ce rôle de conseil de la Banque mondiale – contient de nombreusesréférences à l’analyse coût-bénéfice. Dans un chapitre portant surl’appui de la Banque mondiale à l’éducation, il est écrit : « Un usageplus systématique de l’analyse coûts-avantages et de l’analyse coût-efficacité, qu’il s’agisse de réaliser des travaux sectoriels ou encored’identifier, d’élaborer et d’évaluer des projets éducatifs » (Banquemondiale, 1995, p. 176). Dans le premier chapitre, on trouve uneexplication du concept de taux de rendement de l’éducation et desprincipes sur lesquels il repose, ainsi qu’un tableau des taux moyensde rendement par niveau d’instruction et par région ; ces chiffressont extraits de l’étude des taux de rendement réalisée en 1994 parPsacharopoulos, que l’on a évoquée dans les chapitres IX et X. Les

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résultats figurant sur ce tableau sont cités comme preuve que « lestaux de rentabilité de l’éducation sont très élevés dans les pays àrevenu faible et intermédiaire » et que « en général, dans les économiesoù la scolarisation dans l’enseignement de base n’est pas universelle,les taux de rentabilité sont les plus élevés pour l’enseignementprimaire » (Banque mondiale, 1995, p. 24). Ce constat est exprimésous la forme d’une recommandation en matière d’affectation desressources, dans les termes suivants : « La Banque continuerad’encourager les pays bénéficiaires à revenu faible ou intermédiaireà accorder un rang de priorité élevé à l’éducation et à la réforme dusecteur » (Banque mondiale, 1995, p. 176) et « Dans les pays à revenufaible et intermédiaire, les investissements d’éducation de base(primaire et premier cycle de secondaire) ont généralement des tauxde rentabilité supérieurs à ceux de l’enseignement supérieur. Ce typed’éducation devrait donc généralement être prioritaire pour lesdépenses publiques » (Banque mondiale, 1995, p. 61).

Dans d’autres chapitres de l’étude, les taux de rendement sontutilisés pour justifier que l’on accorde une plus grande priorité àl’éducation des filles et que l’on augmente le recouvrement des coûtsdans l’enseignement supérieur. La combinaison d’un taux de rendementprivé élevé avec un écart important entre les taux moyens de rendementsocial et privé oriente, d’après la Banque mondiale, vers la nécessitéde réduire les aides publiques accordées à l’enseignement supérieur etde procéder à une réaffectation plus appropriée des ressources : « Bienque les taux de rentabilité de l’enseignement supérieur soient deuxfois et demie plus élevés pour l’individu que pour la société [...], lesdépenses publiques par étudiant du supérieur en Afrique représententenviron 44 fois les dépenses par élève du primaire » (Banquemondiale, 1995, p. 62). On reviendra plus en détails sur cetteargumentation dans le prochain paragraphe.

Malgré les mises en garde répétées qu’elle contient sur les tauxde rendement et, en particulier, sur l’attention insuffisante que l’onprête aux bénéfices indirects et aux externalités, l’étude 1995 fait àplusieurs occasions référence à son tableau récapitulatif des taux derendement pour légitimer les messages explicites qu’elle adresse auxadministrations publiques et aux bailleurs de fonds : (a) l’éducationdevrait recevoir la priorité absolue parce que « l’investissement

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éducatif se traduit par une accumulation de capital humain » (Banquemondiale, 1995, p. 21) ; (b) l’enseignement primaire, en particulierpour les filles, devrait constituer la première des priorités des pays àbas revenu ; (c) le montant des aides publiques accordées àl’enseignement supérieur devrait être réduit et les ressources ainsilibérées devraient être réaffectées aux niveaux précédents du systèmeéducatif.

Ces messages ont eu une grande influence sur les administrationspubliques et les bailleurs de fonds. Pour certains critiques, parmilesquels Bennell (1996), ces messages ont été reçus comme « paroled’évangile » et n’ont donc pas été examinés avec suffisamment desoin. L’Équipe spéciale sur l’éducation supérieure et la société (2000)s’est penché sur la question de l’analyse des taux de rendement et,tout particulièrement, sur les comparaisons entre taux de rendementsocial et taux de rendement privé et entre différents niveaux d’éducationscolaire, et il a abouti aux conclusions suivantes : « Globalement, cesrésultats ont montré, notamment aux bailleurs de fonds et aux prêteursinternationaux, la nécessité qui s’imposait de concentrer lesinvestissements éducatifs du secteur public sur le niveaud’enseignement primaire… La Banque mondiale a de ce fait décidéd’axer sa stratégie en matière de prêt sur l’enseignement primaire etde reléguer l’enseignement supérieur à un rang de priorité moins élevédans son plan pour le développement. L’orientation suggérée par laBanque mondiale a servi d’exemple et maints autres bailleurs de fondss’en sont par exemple inspirés, incitant à faire de l’enseignementprimaire et, dans une certaine mesure, de l’enseignement secondaireun moyen privilégié de promouvoir le développement économique etsocial » (Équipe spéciale, 2000, p. 39). L’Équipe spéciale a néanmoinsprécisé qu’en l’occurrence, les indications fournies aux décideursavaient été quelque peu faussées et déformées du fait que l’analysecoût-bénéfice ne prenait pas en compte les bénéfices sociaux indirectsde l’enseignement supérieur : « L’Équipe spéciale apporte son pleinsoutien à la poursuite d’investissements importants dansl’enseignement primaire et secondaire, mais il considère que lesarguments économiques classiques invoqués reposent sur une visionlimitée de la contribution qu’apportent les établissementsd’enseignement supérieur » (Équipe spéciale, 2000, p. 39).

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Plus récemment, la Banque mondiale a modifié la formulationde sa conception des bénéfices de l’enseignement supérieur,reconnaissant que « Les investissements dans l’enseignementsupérieur génèrent des avantages induits importants qui sont cruciauxpour un développement économique et social axé sur le savoir »(Banque mondiale, 2003, p. 11). Dans son nouveau documentd’orientation relatif à l’enseignement post-scolaire, les estimationsdu taux de rendement ou les recommandations incitant à redéployerles ressources publiques de l’enseignement supérieur au profit del’enseignement primaire et secondaire pour tenir compte de leurstaux de rendement respectifs n’occupent plus qu’une place trèslimitée. En revanche, il y est souligné que l’enseignement supérieurcontribue au développement social et économique dans la mesure oùil génère des bénéfices tant sociaux qu’économiques et qu’unemeilleure articulation des liens entre chacun des niveauxd’enseignement est à rechercher. La nécessité d’une analysesystématique des coûts et des bénéfices y est rappelée : « L’existenced’importants avantages économiques et sociaux publics amène àpenser que la carence des investissements dans l’enseignementsupérieur peut avoir des conséquences négatives considérables »(Banque mondiale, 2003, p. 137). La définition qui est donnée descoûts et bénéfices est toutefois plus large que dans les rapportsprécédents et les décideurs sont invités à considérer le systèmeéducatif dans son ensemble, à adopter une approche globale del’affectation des ressources et à mettre en place un cadre d’actioncohérent (Banque mondiale, 2003, p. 138-139). Définir une politiquede financement qui tienne compte des coûts et des bénéfices pourl’individu et pour la société constitue, à l’évidence, un élément cléd’un tel cadre d’action.

Financement de l’enseignement supérieur

Au cours des 25 dernières années, de nombreux gouvernementsont été confrontés à une forte augmentation des inscriptions dans lesuniversités et les autres instituts d’enseignement supérieur, aussi biendans les pays industrialisés que dans les pays en développement, et àla difficulté d’en adapter le financement en conséquence. L’une dessolutions préconisée ou expérimentée dans maints pays a été

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d’instaurer un système de participation aux frais par le biais de droitsde scolarité, de prêts d’études et autres types de contribution privéeou d’en étendre l’application. Les responsables politiques ont souventjustifié ces choix en tirant prétexte des taux élevés de rendementprivé d’un tel enseignement. Au Royaume-Uni, par exemple, que cesoit pour l’introduction de prêts d’études en 1989, pour l’établissementde droits de scolarité sous conditions de ressources en 1997 et,dernièrement, pour la proposition d’instituer des droits universitairescomplémentaires en 2006, la raison invoquée par les gouvernementssuccessifs a toujours été que l’enseignement supérieur était uninvestissement privé rentable et que les diplômés du supérieur quibénéficient, à ce titre, de meilleures offres d’emploi et de gains plusélevés durant leur carrière (ce qu’on appelle la « prime spéciale dudiplômé ») se devaient de contribuer plus largement au coût de cetenseignement. Le gouvernement britannique a publié en 2003 un Livreblanc11, dans lequel il propose que les universités puissent percevoirdes droits complémentaires à partir de 2006. Il cite des rechercheseffectuées sur le rendement de l’éducation au Royaume-Uni et dansd’autres pays de l’OCDE et indique, en conclusion, qu’au Royaume-Uni « ceux qui sont titulaires de diplômes de l’enseignement supérieurgagnent en moyenne 50 % de plus que ceux qui ne le sont pas ... lerendement de l’enseignement supérieur est plus élevé au Royaume-Uni que dans les autres pays de l’OCDE » (Department for Educationand Skills (Royaume-Uni), 2003, p. 59). Ces chiffres ont servi àdémontrer qu’il était légitime de demander aux bénéficiaires unecontribution plus importante, non pas sous la forme de droits payablesd’avance, qui auraient un effet démotivant sur les étudiants issus defamilles à bas revenu, mais sous la forme de versements effectués àune sorte de régime de cotisations des diplômés, GraduateContribution Scheme, qui seraient modulables en fonction desressources et payables après obtention du diplôme. Parallèlement,ce Livre blanc indiquait que l’enseignement supérieur génère desbénéfices économiques directs et des bénéfices indirects pour la

11. Au Royaume-Uni, le « Livre blanc » désigne un rapport du gouvernement quicontient des propositions de réforme avant de leur donner force de loi. La loin’est promulguée qu’après avoir fait l’objet d’un débat au Parlement.

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société dans son ensemble, justifiant ne aide substantielle et plusimportante de la part de l’État.

Le Livre blanc 2003 ne cite pas de chiffres précis concernant letaux de rendement de l’enseignement supérieur, mais lesrecommandations qu’il contient font référence à plusieurs étudesmandatées par le gouvernement britannique au cours des 15 dernièresannées dans lesquelles figurent des calculs de taux de rendement privéet social. Dans un précédent Livret blanc publié en 1988 par legouvernement britannique, il était explicitement fait mention del’analyse coût-bénéfice pour justifier l’instauration des prêts d’études.Comparant le taux de rendement social – entre 7 et 10 % – avec letaux de rendement privé – entre 25 et 30 % –, ce rapport indiquait :« le taux de rendement de l’enseignement supérieur pour l’individuest beaucoup plus élevé que pour la société en général » (Departmentof Education and Science (Royaume-Uni), 1988, p. 40). Cet écartentre taux de rendement social et taux de rendement privé servait debase à la formulation de directives claires pour déterminer unepolitique : « C’est pourquoi il y a lieu d’envisager qu’un étudiant prenneen charge une part plus grande du coût de l’investissement »(Department of Education and Science, 1988, p. 10).

D’autres pays ont, eux aussi, prôné l’idée de transférer une partiedes coûts de l’enseignement supérieur du contribuable vers chaqueétudiant ou chaque diplômé. En Australie, par exemple, un systèmede cotisations à l’enseignement supérieur, Higher EducationContribution Scheme (HECS), a été créé en 1989 ; la raison invoquéelà aussi pour justifier l’initiative était que la société et l’individu tiraienttous deux parti des bénéfices de l’enseignement supérieur ; il étaitalors normal qu’ils en partagent les coûts. Ce que ne fait pas l’analysecoût-bénéfice ici, c’est d’indiquer précisément le montant respectifdes parts à assumer par chacun. Aux États-Unis, en 1973, la CarnegieCommission on Higher Education a publié un rapport surl’enseignement supérieur intitulé Higher education: Who pays? Whobenefits? Who should pay? Si l’analyse coût-bénéfice peut fournirdes informations extrêmement utiles pour répondre à ces questions,elle ne peut en soi apporter aucune réponse à la dernière d’entreelles, c’est-à-dire : Qui devrait payer ? Selon ce rapport, l’analyse

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coût-bénéfice indique un changement de direction plus qu’elle nedonne de précisions sur son ampleur. En Australie comme auRoyaume-Uni, les pouvoirs publics ont promis d’assurer un suivi deseffets produits par les nouvelles politiques de financement surl’inscription d’étudiants et, plus particulièrement, d’étudiants issus defamilles à bas revenu, dans l’enseignement supérieur. L’idéal seraitque de nouveaux calculs des taux de rendement soient effectués,dans le cadre de ce suivi, afin d’évaluer les effets de la hausse descoûts pour l’individu correspondant au versement de droitscomplémentaires ou de cotisations au HECS. Dans ces deux pays,les sommes versées par les diplômés sont modulées en fonction desressources, c’est-à-dire qu’elles représentent un pourcentage donnédes ressources d’un diplômé ; ainsi, en Australie, en 2001-2002, letaux de cotisations HECS était compris entre 3 et 6 %. Il faudra parconséquent attendre quelque temps avant de pouvoir mesurer leseffets de ces changements sur le taux de rendement privé. Dans cesdeux pays, toutefois, des modèles mathématiques ont été utilisés poursimuler l’incidence sur le taux de rendement d’une hausse des droitsou des cotisations.

Comme on l’a mentionné précédemment, la Banque mondiale arecommandé d’appliquer le même type de stratégie de recouvrementdes coûts dans les pays en développement, c’est-à-dire l’instaurationou l’augmentation de droits de scolarité, tarifs des repas et deslogements et prêts d’études. L’un des premiers exemples qui illustrel’utilisation faite par la Banque mondiale de l’analyse coût-bénéficepour justifier d’étendre le recouvrement des coûts dans l’enseignementsupérieur a été un ouvrage sur le financement de l’éducation dans lespays en développement, intitulé Financer l’éducation dans les paysen développement : une exploration des options stratégiques (Banquemondiale, 1986). Dans cet ouvrage, Psacharopoulos (qui en est l’undes principaux auteurs) propose une brève analyse des profilsd’évolution des taux de rendement dans le monde, évoqués dans leparagraphe précédent et au chapitre X. S’appuyant sur le fait queles taux de rendement privé sont régulièrement supérieurs aux tauxde rendement social et que l’enseignement primaire est d’un meilleurrendement que l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur,les auteurs recommandent de reporter une proportion plus grande des

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coûts de l’enseignement supérieur depuis le contribuable vers l’étudiantou le diplômé. Un « train » de réformes, parmi lesquelles unrecouvrement plus important des coûts de l’enseignement supérieuret une réaffectation des ressources au profit des niveauxd’enseignement qui précèdent, a été suggéré dans l’étude de 1995citée plus haut, de même que dans une étude plus récente sur lespolitiques éducatives en Afrique sub-saharienne (Banquemondiale, 1988). Dans tous ces rapports, analyse coût-bénéfice etestimations des taux de rendement apparaissent comme des outilsd’aide à l’élaboration d’un programme d’action. La question dufinancement est moins prégnante dans le rapport 2002 de la Banquemondiale sur l’enseignement post-secondaire, mais il est néanmoinsnoté avec satisfaction qu’un nombre croissant de pays et d’institutionsinstaurent des mesures de partage des coûts et qu’il y a une « prisede conscience croissante du fait que les coûts de l’enseignementsupérieur doivent être partagés de façon plus équitable » (Banquemondiale, 2003, p. 155).

Évaluation préalable de projets

Quelques exemples d’application de l’analyse coût-bénéfice pourl’évaluation préalable de projets ont été présentés au chapitre X.Plusieurs organismes de financement, au nombre desquels la Banquemondiale et, dernièrement, la Banque européenne d’investissement(Squire et van der Tak, 1975), préconisent de faire appel à une analysecoût-bénéfice pour l’évaluation préalable des investissements. Qu’enest-il véritablement dans la réalité ? Selon un article récent rédigé pardes économistes de la Banque mondiale (Vawda, Moock, Gittinger etPatrinos, 2003), il apparaît que, si la Banque mondiale jouait, vers lafin des années 1960, un rôle pilote en faveur de l’utilisation destechniques d’actualisation des flux monétaires pour l’analyse coût-bénéfice dans d’autres secteurs, comme l’agriculture, « ces méthodesperfectionnées n’étaient que très rarement appliquées dans le secteurde l’éducation de la Banque mondiale » (Vawda et al., 2003, p. 647).Il en existe quelques exemples, notamment le calcul des taux derendement réalisé, dans les années 1960, dans le cadre de projets deformation professionnelle au Chili et en Thaïlande. Mais, jusque dansles années 1990, très peu d’analyses coût-bénéfice ont été effectuées

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au titre de projets d’éducation. Les exemples relatifs à des projetsd’enseignement supérieur au Viet Nam et à l’île Maurice ou deconstruction d’un établissement scolaire à la Barbade, qui sontmentionnés au chapitre X, constituaient, récemment encore, uneexception. L’article cite une directive de la politique opérationnelle dela Banque mondiale selon laquelle, même au début des années 1990,les projets d’éducation étaient dispensés de l’obligation généraleimposée par la Banque de réaliser une analyse coût-bénéfice dans lecadre d’une évaluation préalable de projet et de l’inclure dans tous lesrapports d’évaluation.

L’explication avancée à l’appui de cette dispense concédée ausecteur de l’éducation de l’obligation d’utiliser l’analyse coût-bénéficedans une évaluation de projet était qu’il était difficile de mesurer tousles bénéfices de l’éducation, en particulier les externalités. Pourtant,Vawda et al. font observer que le même problème se pose dans d’autressecteurs, notamment les transports et l’énergie, et ils citent à cet égardles propos d’un économiste du Département d’évaluation des opérationsde la Banque en 1994 :

« J’ai travaillé pendant près de 10 ans à des examens de projetdans le secteur de l’agriculture et dans celui de l’éducation et jesuis frappé par le fait qu’une analyse coût-bénéfice est demandéepour l’agriculture, mais ne l’est pas pour l’éducation. Je necomprends pas la raison de cette différence de traitement – leshypothèses sur lesquelles repose l’évaluation du taux de rendementéconomique de l’éducation ne sont pas plus complexes (nihasardeuses) que pour l’agriculture » (cité dans Vawda et al.,2003, p. 648).

Un changement s’est amorcé vers le milieu des années 1990,avec un recours plus fréquent à l’analyse coût-bénéfice pourl’évaluation de projets d’éducation. Aujourd’hui, quel que soit le secteurconcerné, la Banque mondiale étudie les rapports d’évaluation (SAR,Staff appraisal reports) de projets en fonction du type d’analyseappliquée pour justifier l’investissement. Vawda et al. ont dressé unbilan comparatif de rapports SAR de projets d’éducation établisrespectivement en 1991 et en 1998, d’où il ressort que, si aucune

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analyse coût-bénéfice n’avait été pratiquée en 1991, elle l’avait étéen revanche dans 41 % des cas en 1998. Dans cette même étude debilan, les auteurs déterminent si l’analyse économique de ces rapportsSAR est de qualité « satisfaisante », « acceptable » ou « médiocre »d’après une liste de critères de dix types d’analyse, parmi lesquels :(a) résultats d’analyse quantitative relatifs à d’autres types de projet ;(b) degré d’achèvement et de cohérence interne de l’analyse coût-bénéfice ou de l’analyse coût-efficacité ; (c) analyse de sensibilité/analyse de risques ; (d) analyse des aspects relatifs à la pauvreté etaux disparités entre les sexes ; et (e) capacités institutionnelles.1 2 Vawdaet al. ont constaté que la proportion d’analyses de projets d’éducationjugés comme étant de qualité « satisfaisante » ou « acceptable » étaitpassée de 74 % en 1993 à 94 % en 1998 (Vawda et al., 2003, p. 649).À la lumière de ces analyses, ils ont cherché à vérifier l’hypothèseselon laquelle les projets d’éducation de la Banque mondiale avaientde plus grandes chances de réussir si, au stade de leur évaluationpréalable, la qualité de l’analyse économique avait été jugée bonne.Cette recherche a porté sur 104 projets d’éducation de la Banquemondiale. La conclusion la plus intéressante du point de vue du présentouvrage est donnée par Vawda et al. (2003, p. 657):

« Il existe un lien étroit entre l’analyse coût-bénéfice ou l’analysecoût-efficacité (CB/CE) et les résultats d’un projet ... Il apparaîtdonc important d’effectuer une analyse CB/CE de bonne qualitédès le stade de conception du projet. L’analyse économique d’unprojet est un moyen d’éliminer les investissements potentiellementmédiocres et de sélectionner les investissements potentiellementrentables. L’analyse économique d’un projet pourrait être utiliséepour faire des choix entre différents projets ou pour améliorercertains volets d’un projet de façon à en accroître la rentabilité etla probabilité de produire des résultats satisfaisants. C’estl’analyse CB/CE qui fournit des indications utiles pour orienterla décision ».

12. La liste complète des dix critères d’analyse économique est disponible à l’adressesuivante : http://www.worldbank.org/education/economicsed/project/projwork/ten/ten_dimensions.htm

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L’analyse coût-bénéfice et l’analyse coût-efficacité ne sont bienévidemment que deux types d’analyse économique auxquels on peutavoir recours pour l’évaluation d’un projet. Il en existe d’autres, quecitent Varda et al., notamment l’analyse de la demande, l’impact fiscald’un projet et l’analyse de l’offre que fournirait le secteur privé enl’absence de projet. Ces analyses peuvent, selon le type de projet,s’avérer plus pertinentes que l’analyse coût-bénéfice. Troiséconomistes de la Banque mondiale (Devarajan, Squire, et Suthiwart-Narueput, 1997), auteurs d’un autre article, suggèrent de ne plusfocaliser autant l’attention sur le calcul précis du taux de rendement,mais de privilégier des approches élargies de l’évaluation de projet eny intégrant des études des dépenses publiques et des analysessectorielles, par exemple un examen des raisons qui justifient uneintervention de l’État ou une analyse de l’impact fiscal du projet,c’est-à-dire des impôts supplémentaires qu’il faudrait éventuellementpercevoir pour financer le projet en question. En fait, ces deux pointsde vue ne sont nullement contradictoires. Ces deux groupesd’économistes préconisent, l’un et l’autre, de procéder à une analysesystématique des coûts et des bénéfices d’un projet dans le cadre deson évaluation préalable. Là où leurs opinions divergent, c’est peut-être dans la valeur qu’ils attribuent aux calculs du taux de rendement.

Dans certains secteurs, l’évaluation préalable d’un projet peutconsister tout simplement à comparer les estimations du taux derendement économique de chaque option. En pareil cas, le choix estfacile à faire : il suffit de choisir le projet qui offre le taux de rendementle plus élevé. Comme l’ont constaté les économistes de la Banquemondiale mentionnés précédemment et comme on l’a rappelé àplusieurs reprises dans cet ouvrage, l’expérience montre que lesestimations du taux de rendement ne sont pas suffisamment précisespour que cette règle soit applicable dans tous les cas. Néanmoins, lemessage qui ressort de cette étude récente portant sur plus d’unecentaine de projets d’éducation de la Banque mondiale est clair :l’analyse coût-bénéfice est utile pour l’évaluation préalable de projet,en particulier si elle est appliquée de façon judicieuse et que sesrésultats sont interprétés avec précaution. Il semble également queson utilisation tende à s’étendre. Les évaluations de rapports SARde la Banque mondiale donnent à penser que, depuis 1996, le recours

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à l’analyse coût-bénéfice et à l’analyse coût-efficacité est plusfréquent qu’auparavant. C’est là un signe de l’intérêt plus grand quel’on porte à l’analyse coût-bénéfice, du moins au sein de la Banquemondiale. Dans le dernier chapitre, nous traiterons plus généralementde l’utilité pratique de l’analyse coût-bénéfice dans la planificationde l’éducation.

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XII. Conclusions : l’utilité pratique de l’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

Les planificateurs de l’éducation, dans les pays en développement,sont sans cesse aux prises avec les problèmes que posent l’affectationde ressources à l’éducation et leur répartition entre les différentstypes d’enseignement, si l’on veut maximiser les objectifs de la société.La croissance économique n’est que l’un de ces objectifs parmid’autres, mais c’est l’un de ceux qui revêtent une haute priorité, ensorte que toute méthode dont on attend qu’elle indique quel est leschéma d’affectation des ressources qui produira les meilleursrendements a des chances d’être bien accueillie. Ces dernièresannées, on a fait à l’analyse coût-bénéfice une réputation excessive,ce qui a aussitôt amené les critiques à souligner que cette nouvelletechnique économique ne résout pas automatiquement les problèmesde l’affectation des ressources, comme on l’a vu au chapitre VI. Larègle de l’investissement, à savoir « Investir dans les projets qui offrentle meilleur taux de rendement », apparaît relativement simple ; mais,dès lors que l’on admet que le taux de rendement dépend d’hypothèsescritiques concernant la question de savoir dans quelle mesure lesgains expriment la productivité, dans quelle mesure ils subissentl’influence de la tradition ou de la répartition, au sein d’une population,des aptitudes naturelles ou des particularités familiales, dans quellemesure les rapports futurs entre l’offre et la demande ressemblerontà ceux que nous constatons aujourd’hui, etc., il peut sembler qu’enfin de compte, le planificateur n’ait rien à tirer de l’analyse coût-bénéfice.

Celle-ci n’apporte pas une solution automatique aux problèmesde l’affectation des ressources. Il est souvent difficile d’interpréter untaux de rendement social, du fait des distorsions bien connues dumarché du travail, du fait que la structure future de l’offre et de lademande sera probablement tout autre que ce que nous connaissonsaujourd’hui et du fait que les externalités sont difficiles à mesurer.

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L’analyse coût-bénéfice ne fournit pas davantage au planificateurd’objectifs chiffrables. Tout au plus lui fournit-elle un indicateurd’orientation, c’est-à-dire « investir dans tel type d’enseignement »,mais non pas « prévoir des emplois pour tant de milliers d’élèves del’enseignement secondaire ou élèves-ingénieurs ». Les estimations dutaux de rendement qui comportent une seule valeur peuvent êtretrompeuses et, d’autre part, l’analyse de sensibilité ne peut pas faireplus que de donner une série de valeurs parmi lesquelles se trouverale taux de rendement « réel ». Ainsi, à première vue, l’analyse coût-bénéfice ne fournit pas aux administrateurs ou aux planificateurs del’éducation les réponses qu’ils cherchent.

En revanche, l’analyse coût-bénéfice peut attirer l’attention surdes questions qu’il est important de se poser et auxquelles on n’avaitpas pris garde dans le passé. Quelle preuve la structure des gains de lamain-d’œuvre instruite apporte-t-elle d’une insuffisance ou d’un excèsde l’offre de certains types de main-d’œuvre ? Quel rapport y a-t-ilentre les coûts d’éducation d’une main-d’œuvre hautement qualifiéeet l’utilisation de celle-ci dans la force de travail ? Quels seraient leseffets, sur la demande privée d’éducation, d’un changement dans lastructure des salaires ? Quelle est la portée de l’influence que legouvernement peut exercer sur la demande privée d’éducation parune manipulation des stimulations d’ordre financier – par exemple,un changement dans la politique des bourses, le remplacement desaides par des prêts ou l’octroi de subventions supplémentaires pourpallier le déficit critique de qualifications ? Ce n’est là que le débutd’une liste des questions que peut soulever l’analyse coût-bénéfice enéducation. Or, les méthodes qui conduisent à poser des questionsfécondes et nouvelles peuvent être, à la longue, aussi utiles que lesréponses apportées à certaines questions. Le chapitre X donne plusieursexemples de tentatives de réponses à ces questions.

Mais l’analyse coût-bénéfice apporte-t-elle des réponses fiables ?On l’a vu au chapitre XI, elle peut être utile à une prise de décision ende nombreux cas : (a) l’analyse coût-bénéfice peut signaler la nécessitéd’apporter des modifications dans la répartition des ressources enfaveur de ceux des types d’enseignement qui offrent les taux derendement les plus élevés. Puisque l’analyse coût-bénéfice est une

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analyse marginale, elle ne peut jamais indiquer quel sera l’effet d’unemodification de grande envergure dans le schéma de la répartition desressources, ni préciser quelle doit être l’ampleur exacte de lamodification, mais elle peut fournir des « indicateurs de direction » ;(b) l’analyse coût-bénéfice peut suggérer des moyens d’accroître larentabilité de l’éducation, soit en augmentant ses bénéfices, soit enabaissant les coûts. Les dispositions prises pour améliorer l’utilisationde la main-d’œuvre augmenteront les bénéfices dus à l’éducation,tandis que celles qui seront prises pour réduire les déperditionsd’effectifs ou tirer parti des économies d’échelle abaisseront les coûts ;dans un cas comme dans l’autre, le taux de rendement de l’éducationsera plus élevé ; (c) les estimations du taux de rendement privé peuventaider à expliquer la structure de la demande privée d’éducation, tanten ce qui concerne la demande de différents types d’éducation oudisciplines d’étude qu’en ce qui concerne les effets de différentsschémas de financement. Pour prendre un exemple, si le taux derendement d’une formation universitaire est élevé, cela peut entraînerun excès de la demande et du chômage parmi les diplômés, commecela s’est produit en Inde dans les années 1960, ou cela peut justifierd’augmenter les coûts de l’éducation pour l’individu, comme cela aété fait en Australie et au Royaume-Uni dans les années 1990 ;(d) l’analyse coût-bénéfice peut être utile pour guider les organismesde financement ou les bailleurs de fonds dans leurs choixd’investissement en leur indiquant quels projets d’éducation offrentles meilleures perspectives de rentabilité. Les estimations des taux derendement n’étant que des approximations, il convient de ne pas lesutiliser isolément, mais de les combiner avec d’autres formes d’analyseéconomique ; dans ce cas, en effet, l’analyse coût-bénéfice constitueun instrument d’évaluation de projet d’une grande utilité.

Enfin, le côté le plus important peut-être de l’analyse coût-bénéfice,c’est qu’elle fournit un cadre conceptuel pour l’examen des coûts del’éducation, en liaison avec l’augmentation des gains relatifs de lamain-d’œuvre instruite. Ces deux éléments ont parfois été négligéspar le passé, dans les cas où la planification de l’éducation a été faiteuniquement en fonction des prévisions soit des besoins de main-d’œuvre, soit de la demande sociale.

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Certains ouvrages consacrés à la planification de l’éducationont soutenu que l’analyse coût-bénéfice et la prévision des besoinsde main-d’œuvre sont deux méthodes de planification incompatibles.Ce serait regrettable, car l’une et l’autre méthode s’efforcentd’atteindre le même but, à savoir la répartition judicieuse des ressourcesen vue d’éviter la pénurie comme l’excès de main-d’œuvre instruite,ainsi que l’utilisation optimale des maigres ressources du point devue de la croissance économique. Aujourd’hui, le recours à desprévisions détaillées des besoins en main d’œuvre pour la planificationde l’éducation est moins fréquent qu’auparavant, mais les argumentsen faveur de l’analyse de la structure et de l’évolution du marché del’emploi, y compris des estimations de l’offre et de la demande pourcertaines catégories de main d’œuvre qualifiée, restent valables.L’analyse coût-bénéfice procure un moyen d’évaluer l’état actuel del’offre et de la demande en termes de profils de gains. Les prévisionsde main-d’œuvre à court terme peuvent donner une indication de lamanière selon laquelle l’offre de main-d’œuvre instruite devrait êtremodifiée en vue d’arriver à une nouvelle structure de la populationactive. Une analyse de la nouvelle structure des gains supplémentairesfournit alors le moyen d’évaluer dans quelle mesure le marché dutravail réagit à la nouvelle situation de l’offre et une analyse des coûtsmontre les incidences que les changements dans la situation de l’offreont sur les ressources. Un nouveau calcul du rapport coût-bénéficedonne alors le moyen d’établir le lien avec cette information sur l’offreet la demande, de manière à suggérer des modifications ultérieures del’offre. Diverses techniques, comme les études de suivi périodiquedes diplômés, peuvent être utilisées aussi bien pour analyser la tendancedu marché de l’emploi que pour collecter les données dont on a besoin,concernant les gains, pour réaliser une analyse coût-bénéfice.

Utilisée de cette façon, l’analyse coût-bénéfice peut compléterles informations fournies par les prévisions de l’offre et de la demandede main d’œuvre et par les outils d’analyse du marché de l’emploi,tels que les études de suivi périodique, l’évaluation des taux de chômageet les postes vacants. Dans le même temps, l’analyse du marché dutravail et de la structure de la main-d’œuvre peut compléter l’analysecoût-bénéfice, par exemple en permettant de calculer des taux derendement « fantômes » qui traduiront plus exactement les véritables

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productivités marginales que ceux qui sont calculés d’après les donnéesconstatées.

En fait, c’est sans doute le cadre constitué par l’analyse coût-bénéfice qui, en mettant l’accent sur l’offre et la demande demain-d’œuvre instruite, ainsi que sur les coûts de l’éducation aussibien que sur ses bénéfices supposés, a la plus grande valeur pour lesplanificateurs de l’éducation dans les pays en développement. Il ressortdu chapitre XI que, si le calcul numérique des taux de rendement ason utilité pour le choix des politiques à adopter, il est plus importantde chercher une manière systématique de comparer les coûts et lesbénéfices d’une politique ou d’un projet et d’équilibrer les uns et lesautres que de faire des estimations exactes des taux de rendement. Ilpeut arriver, dans certaines circonstances, qu’il soit difficile d’obtenirdes données pour calculer avec exactitude les taux de rendement.Ainsi qu’on l’a montré dans cet ouvrage, cela pose toujours desdifficultés d’interprétation. D’un autre côté, si chaque proposition visantà développer l’éducation pouvait être examinée à la lumière de sescoûts réels et de ses effets probables sur la structure de l’échelle dessalaires, les planificateurs de l’éducation pourraient être en mesured’éviter de coûteuses erreurs.

Les praticiens de l’éducation seront sans doute mieux disposés àaccepter l’analyse coût-bénéfice quand elle aura fait de nouveauxprogrès dans la quantification des bénéfices indirects de l’éducation.Même quand il en sera ainsi, il restera toujours des objectifs impossiblesà évaluer sur le plan économique et, on l’a montré au chapitre I,l’analyse coût-efficacité est peut-être une méthode plus appropriéepour apprécier si un système d’éducation réussit à satisfaire les objectifsde cette nature. Dans le cas de l’analyse coût-bénéfice comme danscelui de l’analyse coût-efficacité, ce qui est essentiel, c’est de poseren principe qu’on essaie d’évaluer à la fois les résultats d’un projet etses coûts.

Pour conclure, nous aimerions revenir un instant sur les notionsde « coût d’opportunité » et de « renoncement à des possibilités »que nous avons examinées précédemment. Ce qui fait le mérite del’analyse coût-bénéfice, c’est qu’elle attire l’attention sur le problème

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de l’option entre différentes formes d’investissement, en offrant diverstypes de rapports bénéfices-coûts. Les plans d’éducation, conçus entermes de « besoins » ou de « nécessités », risquent de masquer cetteévidence que toute planification consiste à choisir entre des possibilitésdifférentes. Quand bien même l’analyse coût-bénéfice ne serviraitqu’à rappeler cette vérité aux décideurs et aux planificateurs et qu’àoffrir un moyen de comparer différentes possibilités, elle aurait uneutilité pratique pour la planification de l’éducation.

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Autres ouvrages, sources d’information et ressourcesà consulter

Les ouvrages dont la liste est donnée ci-dessus (Références)permettront au lecteur d’approfondir la majorité des thèmes abordésdans cette brochure, mais, pour nombre d’entre eux, il est préférablede posséder de bonnes notions en sciences économiques.

On trouvera ci-dessous la liste de quelques ouvragesfondamentaux qui peuvent aider à comprendre les notions de capitalhumain et d’analyse coût-bénéfice, de publications portant sur desexemples d’analyse coût-bénéfice pratiqués dans des pays de l’OCDEet des pays en développement, et de rapports relatifs aux implicationspolitiques de l’analyse coût-bénéfice.

Un dernier paragraphe a été ajouté dans lequel on trouvera uneliste de ressources à consulter sur le réseau Internet.

Le concept de capital humain et la théorie de l’analysecoût-bénéfice

Becker, G. 1964, 1975 (2e édition). Human capital. Chicago :University of Chicago Press.

Carnoy, M. (dir. publ.). 1995 (2e édition). International encyclopediaof economics of education. Oxford : Pergamon.

Cet ouvrage contient des résumés de publications portant sur denombreux thèmes, notamment :

Woodhall, M. « Human capital concepts » p. 24-28Solmon, L.C. « Benefits of education » p. 114-125Wolfe, B.L. « External benefits of education » p. 159-163Levin, H.M. « Cost-benefit analysis » p. 360-364Carnoy, M. « Rates of return to education » p. 364-369Levin, H.M. « Cost-Effectiveness analysis » p. 381-386

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Autres ouvrages, sources d’information et ressources à consulter

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Hough, J. 1994. « Educational cost-benefit analysis ». EducationEconomics. 2(2), p. 93-128.

McMahon, W. 1999. Education and development: measuring thesocial benefits. Oxford : Oxford University Press.

Mincer, J. 1974. Schooling, experience and earnings. New York :National Bureau of Economic Research.

Psacharopoulos, G. 1995. « The profitability of investment in education:concepts and methods ». Banque mondiale, Document de travaildu Human Capital Development and Operations Policy(HCO). Mimeo. Disponible sur le site : http://www.worldbank.org/education/economicsed/research/ wbpub/psacharopoulos.

Schultz, T. P. (dir. publ.). 1995. Investment in women’s humancapital. Chicago et Londres : University of Chicago Press.

Schultz, T. W. 1971. Investment in human capital. New York : TheFree Press ; Londres : Collier-Macmillan.

Exemples d’analyse coût-bénéficeBlaug, M. ; Layard, R. ; Woodhall, M. 1969. The causes of graduate

unemployment in India. Londres : Allen Lane the Penguin Press.

OCDE. 1998. L’investissement dans le capital humain : unecomparaison internationale. Paris : OCDE.

Psacharopoulos, G. ; Woodhall, M. 1985. Education for development:an analysis of investment choices. Oxford : Oxford UniversityPress.

Applications de l’analyse coût-bénéfice à l’élaborationde politiques

Banque mondiale. 1986. Financer l’éducation dans les pays endéveloppement : une exploration des options stratégiques.Washington, DC : Banque mondiale.

Institut international de planification de l'éducation http://www.unesco.org/iiep

Page 144: L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducationunesdoc.unesco.org/images/0013/001390/139042f.pdf · 21. La planification de l’éducation en relation avec le

L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducation

144

Banque mondiale. 1988. L’éducation en Afrique sub-saharienne :pour une stratégie d’ajustement, de revitalisation etd’expansion. Washington, DC : Banque mondiale.

Banque mondiale. 1995. Priorités et stratégies pour l’éducation :une étude de la Banque mondiale. Washington, DC : Banquemondiale.

OCDE. 2001. Du bien-être des nations : le rôle du capital humainet social. Paris : OCDE.

Ressources Internet

La Banque mondiale propose une section sur le thème « Économiede l’éducation » où figurent de nombreux documents sur l’analysecoût-bénéfice. Disponible sur le site : http://www.worldbank.org/education/economicsed/

On y trouve des liens vers :

1. Psacharopoulos, G. ; Patrinos, H. 2002. Returns to investmentin education: a further update (Banque mondiale, Document detravail sur la recherche de stratégies n°2881). Mimeo. Disponiblesur le site :http://econ.worldbank.org/files/18081_wps2881.pdf.

2. Un choix de ressources pédagogiques (Learning tools) :http://www.worldbank.org/education/economicsed/tools/tools_index.htm

On y trouve plusieurs « modules pratiques » cités dans cettebrochure :

• School amalgamation in Barbados: a cost-benefit exercise• Mauritius Higher and Technical Education Project: a case study

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Page 145: L’analyse coût-bénéfice dans la planification de l’éducationunesdoc.unesco.org/images/0013/001390/139042f.pdf · 21. La planification de l’éducation en relation avec le

Autres ouvrages, sources d’information et ressources à consulter

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Voir aussi, dans le menu « Learning tools » :

• RR: a program to estimate the rate of return to investment ineducation

• Cost-effectiveness analysis in education

3. Des rubriques consacrées à l’évaluation de projets :http://www.worldbank.org/education/economicsed/project/index.htm

4. Une section sur le thème « Recherche » :http://www.worldbank.org/education/economicsed/research/research_index.htm

On y trouve :

i. Des documents clés, avec des résumés de plusieurs ouvrages etarticles sur le concept de capital humain et sur l’analyse coût-bénéfice (voir Références). Disponibles sur le site : http://www.worldbank.org/education/economicsed/research/keyread/keyread_index.htm

ii. Des Publications de la Banque mondiale, dont plusieurs traitentde l’analyse coût-bénéfice (voir Références), notamment :Devarajan et al. 1997 ; Psacharopoulos, 1995 ; Vawda etal. 2003 ; Banque mondiale, 1995. Disponibles sur le site : http://www.worldbank.org/education/economicsed/research/wbpub/wbpub_index.htm

iii. Des publications de la collection Economics of Education, dontplusieurs traitent de l’analyse coût-bénéfice (voir Références).Disponibles sur le site : http://www.worldbank.org/education/economicsed/research/econseries/econseries_index.htm

Il existe un site Internet dédié au projet de recherche européen :Public funding and private returns to education (PURE). L’adresseURL est : http://www.etla.fi/PURE/main.htm

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Publications et documents de l’IIPE

Plus de 1 200 ouvrages sur la planification de l’éducation ont été publiéspar l’Institut international de planification de l’éducation. Un cataloguedétaillé est disponible ; il présente les sujets suivants :

Planification de l’éducationGénéralité– contexte du développement

Administration et gestion de l’éducationDécentralisation – participation – enseignement à distance – carte scolaire –enseignants

Économie de l’éducationCoûts et financement – emploi – coopération internationale

Qualité de l’éducationÉvaluation – innovations – inspection

Différents niveaux d’éducation formelleDe l’enseignement primaire au supérieur

Stratégies alternatives pour l’éducationÉducation permanente – éducation non formelle – groupes défavorisés – éducationdes filles

Pour obtenir le catalogue, s’adresser à :IIPE, Unité de la communication et des publications

([email protected])Les titres et les résumés des nouvelles publications peuvent être

consultés sur le site web de l’IIPE, à l’adresse suivante :www.unesco.org/iiep

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L’Institut international de planification de l’éducation

L’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) est un centreinternational, créé par l’UNESCO en 1963, pour la formation et la recherche dans ledomaine de la planification de l’éducation. Le financement de l’Institut est assuré parl’UNESCO et les contributions volontaires des états membres. Au cours des dernièresannées, l’Institut a reçu des contributions volontaires des états membres suivants :Allemagne, Danemark, Inde, Irlande, Islande, Norvège, Suède et Suisse.

L’Institut a pour but de contribuer au développement de l’éducation à travers lemonde par l’accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d’expertscompétents en matière de planification de l’éducation. Pour atteindre ce but, l’Institutapporte sa collaboration aux organisations dans les états membres qui s’intéressent àcet aspect de la formation et de la recherche. Le Conseil d’administration de l’IIPE,qui donne son accord au programme et au budget de l’Institut, se compose d’un maximumde huit membres élus et de quatre membres désignés par l’Organisation des NationsUnies et par certains de ses institutions et instituts spécialisés.

Président :Dato’Asiah bt. Abu Samah (Malaisie)

Directrice, Lang Education, Kuala Lumpur, Malaisie.

Membres désignés :

Carlos FortínSecrétaire général adjoint, Conférence des Nations Unies sur le commerce et ledéveloppement (CNUCED), Genève, Suisse.

Thelma KayChef, Problèmes sociaux émergents, Commission économique et sociale pourl’Asie et le Pacifique des Nations Unies (CESAP), Bangkok, Thaïlande.

Jean Louis SarbibVice-président principal, Banque mondiale, Washington DC, États-Unis.

Ester ZulbertiChef, Service de la vulgarisation, de l’éducation et de la communication, Division de laRecherche, de la Vulgarisation et de la Formation, Organisation des Nations Unies pourl’alimentation et l’agriculture (FAO), Rome, Italie.

Membres élus :

José Joaquín Brunner (Chili)Directeur, Programme d’éducation, Fundación Chile, Santiago, Chili.

Zeineb Faïza Kefi (Tunisie)Philippe Mehaut (France)

LEST-CNRS, Aix-en-Provence, France.Teboho Moja (Afrique du Sud)

Professeur de l’enseignement supérieur, Université de New York, New York, États-Unis.Teiichi Sato (Japon)

Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire et Délégué permanent du Japonauprès de l’UNESCO.

Tuomas Takala (Finlande)Professeur, Département de l’éducation, Université de Tampere, Tampere,Finlande.

Raymond E. Wanner (États-Unis)Conseiller principal sur les questions relatives à l’UNESCO, Fondation des NationsUnies, Washington DC, États-Unis.

Pour obtenir des renseignements sur l’Institut, s’adresser au :Secrétariat du Directeur, Institut international de planification de l’éducation,

7-9, rue Eugène Delacroix, 75116 Paris, France.

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