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Montrouge, le 25/02/2017 Bernard Denis Vous trouverez ci-apre `s le tire ´a ` part de votre article au format e ´lectronique (pdf) : Le programme franc ¸ais de de ´pistage organise ´ du cancer colorectal par Hemoccult1 : bilan et enseignements paru dans He ´pato-Gastro, 2017, Volume 24, Nume ´ro 2 John Libbey Eurotext Ce tire ´a ` part nume ´rique vous est de´livre ´ pour votre propre usage et ne peut eˆtre transmis a ` des tiers qu’a ` des fins de recherches personnelles ou scientifiques. En aucun cas, il ne doit faire l’objet d’une distribution ou d’une utilisation promotionnelle, commerciale ou publicitaire. Tous droits de reproduction, d’adaptation, de traduction et de diffusion re ´serve ´s pour tous pays. # John Libbey Eurotext, 2017 L’essentiel de l’information scientifique et me ´dicale www.jle.com Le sommaire de ce nume ´ro http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/ revues/medecine/hpg/sommaire.md?type= text.html

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Page 1: L’essentiel de l’information scientifique et me´dicale €¦ · tout premiers pays aproposer un DO du CCR (et du cancer du sein) sur l’ensemble de son territoire. Ce programme

Montrouge, le 25/02/2017

Bernard Denis

Vous trouverez ci-apres le tire a part de votre article au format electronique (pdf) :Le programme francais de depistage organise du cancer colorectal par Hemoccult1 : bilan etenseignements

paru dansHepato-Gastro, 2017, Volume 24, Numero 2

John Libbey Eurotext

Ce tire a partnumeriquevous estdelivrepourvotre propreusage etnepeut etre transmis a des tiersqu’a desfinsde recherches personnellesou scientifiques. Enaucun cas, il ne doit faire l’objet d’une distribution ou d’une utilisation promotionnelle, commerciale ou publicitaire.

Tous droits de reproduction, d’adaptation, de traduction et de diffusion reserves pour tous pays.# John Libbey Eurotext, 2017

L’essentiel de l’informationscientifique et medicale

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Le sommaire de ce numero

http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/medecine/hpg/sommaire.md?type=

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© John Libbey Eurotext, 2017

Le programme francaisde depistage organisedu cancer colorectalpar Hemoccult1 :bilan et enseignements

R�esum�eLe programme francais de d�epistage organis�e (DO) du cancer colorectal (CCR) ad�ebut�e en 2003 dans quelques d�epartements pilotes et a �et�e �etendu �a tout leterritoire national en 2009. Il concerne les hommes et les femmes de 50 �a 74 ans�a risque moyen. Il repose sur une recherche biennale de sang occulte dans lesselles, par test au gaıac (Hemoccult1) jusque janvier 2015, puis par testimmunologique quantitatif (OC-Sensor1) depuis le printemps 2015. C’est unsucc�es car la France est l’un des tout premiers pays �a proposer un DO du CCR surl’ensemble de son territoire et un succ�es pour tous les individus qui en ontb�en�efici�e. C’est aussi un �echec �a plusieurs titres : participation insuffisante ;in�egalit�es d’acc�es ; absence d’impact mesurable sur la mortalit�e par CCR ;balance b�en�efice/risque moins favorable dans la vraie vie que dans les essais ;absence de r�ef�erentiel qualit�e pour les coloscopies des d�epist�es positifs. . . Nousproposons quelques pistes d’am�elioration : diversifier l’offre de d�epistage ;augmenter l’implication des m�edecins g�en�eralistes ; promouvoir la reprise de larelance postale avec envoi du test ; int�egrer les personnes �a risque �elev�e dans leprogramme de DO ; publier un r�ef�erentiel qualit�e et organiser un programmeassurance qualit�e pour les coloscopies des d�epist�es positifs. . . Il est imp�eratif eturgent que les soci�et�es savantes et professionnelles concern�ees �elaborent unr�ef�erentiel qualit�e et un programme assurance qualit�e pour les coloscopies duprogramme de DO du CCR pour en am�eliorer la qualit�e et diminuer la mortalit�eet l’incidence du CCR dans notre pays.

n Mots cl�es : sang occulte, selles, n�eoplasie colorectale, d�epistage, assurance qualit�e,coloscopie

AbstractFrance launched an organized colorectal cancer (CRC) screening programme in afew pilot areas in 2003 that was extended to the whole country in 2009. It isdedicated to average risk men and women aged 50 to 74 years. They wereinvited every two years for a CRC screening using a guaiac-based faecal occultblood test (gFOBT) (Hemoccult1) until January 2015, and a quantitative faecalimmunochemical test (OC-Sensor) since spring 2015. The programme is asuccess, as France is one of the first countries providing a national organized CRCscreening programme. It is also a success for all people who benefited from theprogramme. However, it is a failure too for several reasons: insufficientparticipation; inequalities in access; absence of measurable impact on CRC

Results and lessonslearned from the Frenchorganized colorectalcancer screeningprogramme with guaiacFOBT

Bernard Denis, Isabelle Gendre,Philippe PerrinHopitaux Civils de Colmar,service de m�edecine A,39 avenue de le Libert�e,68024, COLMAR Cedex ; ADECA Alsace(Association pour le D�epistage du Cancercolorectal en Alsace),122 rue de Logelbach, 68020, ColmarCedex,France

e-mail : <[email protected]>

HEPATO yGASTROet Oncologie digestive

Tir�es �a part : B. Denis

Pour citer cet article : Denis B, Gendre I, Perrin P. Le programme francais de d�epistage organis�edu cancer colorectal par Hemoccult1 : bilan et enseignements. H�epato Gastro 2017 ; 24 :142-151. doi : 10.1684/hpg.2017.1410

doi:10.1684/h

pg.2017.1410

142 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestivevol. 24 n8 2, f�evrier 2017

ini-revueM

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E n France, le cancer colorectal (CCR) est le 3e cancer leplus fr�equent avec plus de 42 000 nouveaux cas

estim�es en 2012 [1]. Eu �egard �a son pronostic qui restem�ediocre malgr�e les progr�es th�erapeutiques des derni�eresd�ecennies – 60 %de survie nette �a 5 ans –, il est la 2e causede mortalit�e par cancer, responsable de pr�es de 18 000d�ec�es en 2012 dans notre pays. Pourtant, bon nombre deces d�ec�es sont �evitables. Plusieurs essais control�esrandomis�es ont d�emontr�e que le d�epistage p�eriodiquepar recherche de sang occulte dans les selles et par recto-sigmoıdoscopie permettait de diminuer la mortalit�e parCCR, voire son incidence [2]. Un programme de d�epistageorganis�e (DO) du CCR a donc �et�e initi�e en France d�es 2003dans quelques d�epartements pilotes, �etendu �a l’ensembledu territoire national en 2009. Il concerne les hommes etles femmes de 50 �a 74 ans �a risque moyen de CCR. Ilreposait initialement sur la r�ealisation tous les 2 ans d’untest au gaıac (Hemoccult1) de recherche de sang occultedans les selles suivie d’une coloscopie en cas de test positif.Plusieurs essais randomis�es ont d�emontr�e que cettestrat�egie a une efficacit�e modeste : elle r�eduit de 14 %le risque de d�ec�eder d’un CCR, sans effet sur l’incidence duCCR [2]. De nombreuses �etudes ont montr�e que les testsimmunologiques quantitatifs �etaient plus simples, plussensibles et plus efficaces que le test au gaıac. Ilspermettraient de r�eduire la mortalit�e par CCR de 13 �a52 % et de diminuer son incidence de 22 % [3].Le programme francais utilisant le test au gaıac a donc�et�e interrompu en janvier 2015, remplac�e au printemps2015 par un nouveau programme utilisant un testimmunologique quantitatif (OC-Sensor1).Le but de ce travail est de tenter de faire un bilan le plusobjectif possible du programme francais de DO du CCR partest au gaıac, d’en tirer quelques enseignements pour lesgastro-ent�erologues et de proposer plusieurs pistesd’am�elioration pour le nouveau programme.

Il s’appuie chaque fois que possible sur des donn�eesnationales, mais celles-ci sont parfois peu fiables par d�efautd’exhaustivit�e [4]. Auquel cas, ce sont des donn�ees issuesde d�epartements ou de r�egions ayant une meilleureexhaustivit�e de suivi qui sont pr�esent�ees.

Bilan du programme Hemoccult1

Le programme francais de DO du CCR par Hemoccult1 est�a la fois un succ�es et un �echec.

‘‘Bilan du programme HemoccultW :a la fois un succes et un echec !

’’Un succes

C’est un r�eel succ�es car la France est depuis 2009 l’un destout premiers pays �a proposer un DO du CCR (et du cancerdu sein) sur l’ensemble de son territoire. Ce programme ale m�erite d’exister et de bien fonctionner.C’est un succ�es pour tous les individus qui se sont pret�es aud�epistage et en ont b�en�efici�e, c’est-�a-dire tous ceux chez quila coloscopie a permis de d�etecter un cancer de stadepr�ecoce qui a pu etre gu�eri ou de r�es�equer un ad�enomeavanc�e avant qu’il ne progresse vers le cancer, sans�ev�enement ind�esirable significatif. Nous ne disposons pasd’�evaluation nationale fiable en raison d’un taux excessif destades inconnus [4]. EnAlsace (pr�es de 1 200 nouveaux CCRet 500 d�ec�es par CCR annuels), la campagne Hemoccult1 apermis ded�epister 1 204CCR invasifs entre 2003et2016. Ilsse r�epartissaient en 328 (27 %) cancers du rectum, 557(46 %) du colon distal et 319 (27 %) du colon proximal.Les deux tiers des 876 cancers coliques invasifs d�epist�es�etaient localis�es, de stade I ou II (tableau 1). Ce taux est

mortality; less favourable benefit/risk balance in the real life than in trials;absence of quality guidelines for screening colonoscopies... We suggest somepoints of improvement: diversifying the range of screening tests offered to thetarget population; enhancing involvement of general practitioners; promotingthe reintroduction of the mailing of the FOBT kit; including people at increasedCRC risk in the organized screening programme; establishing quality guidelinesand organizing a quality improvement programme for screening colonoscopies...There is an urgent need that French medical and professional societies issuequality guidelines and organize a quality improvement programme for thecolonoscopies performed within the organized CRC screening programme, sothat gastroenterologists perform high quality colonoscopies to reduce CRCmortality and incidence in our country.

n Key words: occult blood, colorectal neoplasms, faeces, screening, quality assurance, col-onoscopy

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D�epistage organis�e du cancer colorectal par Hemoccult

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habituellement inf�erieur �a 50 % hors d�epistage. Au total,nous avons estim�e que la campagne avait permis de gu�erir763 cancers invasifs (stades I et II d�epist�es) et d’�eviter 4 107cancers (ad�enomes avanc�es r�es�equ�es, carcinomes in situinclus).Dans le Finist�ere, la survie�a5ansdes cancersd�epist�es(88,7 %) �etait meilleure que celle des sujets non r�epondants(63,7 %).C’est un succ�es car le rendement des coloscopies pourHemoccult1 positif �etait bon, nettement sup�erieur �a celuide coloscopies de d�epistage (tableau 2), augmentant avecl’age et le sexe masculin. Pass�ee la premi�ere campagne, ilrestait relativement stable, chiffr�e en Alsace autour de6,5 % pour les cancers invasifs et de 22 % pour lesad�enomes avanc�es.C’est enfin un succ�es pour les rares d�epartements qui ontr�eussi �a reproduire le mod�ele de l’essai bourguignon etobtenir un taux de participation d’au moins 45 %, tauxconsid�er�e comme acceptable par les recommandationseurop�eennes [6].

‘‘Les deux tiers des cancers depistes etaientlocalises, de stade I ou II

’’

Un echec

Le programme francais de DO du CCR est cependant aussiun �echec �a plusieurs titres : la plupart de ses indicateursqualit�e se situent en dessous des niveaux consid�er�escomme souhaitables par les recommandations europ�een-nes (tableau 3) [4, 6, 7].

� Participation nationale notoirement insuffisante

Le taux national de participation est rest�e m�ediocre malgr�el’implication des m�edecins g�en�eralistes (MG) et l’envoi dutest �a tous les non participants �a l’invitation m�edicale. Il�etait �evalu�e �a 32 % en 2010-2011 et d�eclinait avec letemps pour atteindre 30 % en 2013-2014, loin del’objectif de 60 % en 2013 fix�e par le 2e plan cancer2009-2013, et loin des taux rapport�es dans les essais (53 �a67 % en premi�ere campagne) et observ�es en populationdans certains pays d’Europe septentrionale (61 % en�Ecosse et 68 % en Finlande) [4, 8]. Ce taux m�ediocreillustre bien la difficult�e de reproduire dans la vraie vie lesr�esultats obtenus dans les essais par des �equipes hyper-motiv�ees, difficult�e partag�ee par d’autres programmes deDO en Australie, au Canada, en Isra€el ou en Catalogne(taux de participation entre 30 % et 35 %) [8]. Lafid�elisation au d�epistage, indispensable pour que le DOpar recherche de sang occulte dans les selles soit efficace,est loin d’etre la r�egle : dans le Haut-Rhin, au terme de cinqcampagnes, 55 % des 299 000 personnes invit�ees ont �et�ed�epist�ees au moins une fois, 18 % ayant fait un test, 11 %deux tests, 9 % trois tests, 8 % quatre tests, et seuls 8 %avaient fait les cinq tests propos�es.Le CCR souffre dans notre pays d’un paradoxe conster-nant : il est parmi les cancers « d�epistables » celui dont led�epistage est le moins prescrit alors qu’il est le moinscontestable (mortalit�e la plus �elev�ee, meilleur niveau depreuve d’efficacit�e, quasi-absence de sur-diagnostic,traitement des cancers pr�ecoces bien codifi�e, meilleurebalance b�en�efice/risque, meilleur ratio cout/efficacit�e).L’Assurance-Maladie a estim�e qu’en 2012, pr�es de 50 %

Tableau 1. Stades des cancers coliques invasifsdepistes en Alsace par le programme Hemoccult1

dans la periode 2003-2016

Stades des cancerscoliques

Depistesen AlsaceN (%)

Diagnostiqueshors depistage%

I 364 (42)50

II 208 (24)

III 212 (24) 25

IV 86 (10) 25

Inconnu 6 (1) -

Tableau 2. Scenarii avec trois tests de depistage pour le programme francais

Test Coloscopies/100 000depistesn

Neoplasiesavanceesn (%)

Nombre de coloscopiespour detecter une neoplasieavancee

Coloscopies inutilesn (%)

Hemoccult*1 2 400 700 (29 %) 3,5 1 370 (57 %)

OC-Sensor** 4 800 1 920 (40 %) 2,5 2 060 (43 %)

Coloscopie*** 100 000 7 300 (7,3 %) 14 78 000 (78 %)

8Les coloscopies qualifiees d’inutiles sont celles sans lesion neoplasique. *Region Alsace : 18 465 coloscopies 2003-2015. **Region Grand-Est :6 000 coloscopies 2015 - 2016 (seuil de 30 mg Hb/g). *** Programme allemand [5].

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des personnes ag�ees de 50 �a 74 ans avaient b�en�efici�e d’und�epistage du CCR ou d’une coloscopie de diagnostic [9].Ce taux �etait de 65 % en 2012 aux �Etats-Unis. Il �etaitd’environ 62 % pour le cancer du sein en 2015 en France(51,5 % pour le DO et environ 10 % pour le d�epistageopportuniste), de 53 % pour le cancer du col de l’ut�erus(estimation Assurance-Maladie), et de 71 % pour le cancerde la prostate (pourcentage d’hommes de 50-69 ans ayanteu aumoins un dosage de PSA dans l’ann�ee dans la p�eriode2013-2015).

‘‘Le cancer colorectal est parmi les cancers« depistables » celui dont le depistage est

le moins contestable et le moins prescrit

’’� Inegalites de participation

Les causes d’in�egalit�es de participation sont multiplesmalgr�e le caract�ere organis�e du programme, in�egalit�esli�ees au sexe, �a l’age, au d�epartement, au niveau socio-�economique, au r�egime d’assurance maladie, etc.[4, 10]. Les femmes participent plus que les hommes(31,5 % vs. 27,9 % en 2013-14) et la participationaugmente avec l’age, maximale chez les 65-69 ans (OR1,5 �a 1,7 vs. 50-54 ans). En 2013-2014, le tauxde participation variait de 6 % (Corse) �a 48 %(Saone-et-Loire) [4]. Il �etait inf�erieur de 24 % �a 36 %dans les zones les plus d�efavoris�ees par rapport auxzones les plus favoris�ees (Is�ere, Calvados, Haut-Rhin).De meme, les affili�es des r�egimes de s�ecurit�e socialedes fonctionnaires et des r�egimes sp�eciaux avaientun taux de participation d’environ 30 % sup�erieur �aceux du r�egime g�en�eral, eux-memes ayant un tauxde participation sup�erieur de 17 % par rapport auxassur�es de la Mutualit�e Sociale Agricole et de 31 % parrapport �a ceux des professions lib�erales et ind�ependantes(Haut-Rhin).

� Absence de reduction de mortalite decelablea ce jour

�A ce jour, il n’y a pas d’effet mesurable du DO, ni sur lamortalit�e, ni sur l’incidence du CCR en France. Nous avonscompar�e, avec l’aide du C�epiDc et du laboratoire debiostatistiques de Strasbourg, l’�evolution des taux demortalit�e par CCR de 1980 �a 2012 entre dix d�epartementspilotes ayant d�emarr�e le DO d�es 2003 et dix d�epartementsayant d�emarr�e tardivement fin 2008. Il n’y avait pas d’effetmesurable du programme dix ans apr�es son d�emarrage, niglobal, ni dans la tranche d’age 50-79 ans, ni dans lesd�epartements ayant un taux de participation sup�erieur �a40 % (JFHOD2016) [11]. Plusieurs explications �a ce r�esultat.La r�eduction de mortalit�e induite par un programme estfonction du taux de participation. La r�eduction de mortalit�epar CCR induite par le programme francais ne peut etre quenotablement inf�erieure aux 14 % promis par les essais dufait de la participationm�ediocre (meme si l’efficacit�e chez lesparticipants reste inchang�ee) [2]. Par ailleurs, le programmedeDOne concerneque les 50-74 ans�a risquemoyen, soit unpetit tiers des CCR, et sa sensibilit�e est modeste, �evalu�eeentre 43 et 59 % (52 %dans le Haut-Rhin). Malgr�e un tauxde participation sup�erieur �a 50 % dans ce d�epartement,seuls 318 (17,4 %) des 1830 CCR collig�es par le registre descancers du Haut-Rhin entre 2004 et 2007 avaient �et�ed�epist�es par le programme (figure 1) (JFHOD 2015) [11].Enfin, le nombre de coloscopies induites par le programmeHemoccult1 est probablement trop faible pour engendrerun effet mesurable sur la mortalit�e par CCR. L’Assurance-Maladie l’a �evalu�e �a environ 70 000 en 2012, soit 5,5 %des1,3 million de coloscopies annuelles [9]. Toutes indicationsconfondues, le taux de coloscopies �etait de 19,2 pour 1000habitants en France, nettement moindre qu’en Allemagne(30,3). Dans ce pays, ne disposant pas de programme deDOmais recommandant le d�epistage opportuniste par colos-copie depuis fin 2002, la mortalit�e et l’incidence du CCRdiminuent malgr�e une participation modeste (2 �a 4 % par

Tableau 3. Le programme francais de depistage organise par Hemoccult1 en chiffres [4]

Indicateur (annee) Resultat national Extremes regionaux(metropole)

Recommandationseuropeennes [6, 7]

Population cible (2013-14) 18,5 millions - -

Nombre de depistes annuels (2013-14) 2,4 millions - -

Taux de participation (2013-14) 30 % 6-44 % > 45 %

Taux de positifs (2012-13) 2,2 % 1,8-3,0 % -

Taux de coloscopies apres test + (2012-13) 87% 62-95 % > 90 %

Taux de coloscopies completes (2012-13) 93 % 86-98 % > 95 %

Delai de realisation de la coloscopie : mediane (2012-13) 59 jours 47-82 jours < 31 jours

145HEPATO-GASTRO et Oncologie digestivevol. 24 n8 2, f�evrier 2017

D�epistage organis�e du cancer colorectal par Hemoccult

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an, soit un taux cumul�e d’environ 20 �a 25 %dix ans apr�es led�emarrage [5]. Dans le Haut-Rhin, au terme de sixcampagnes, soit douze ans apr�es le d�emarrage, le tauxcumul�e de coloscopies �etait de 3,4 %. La comparaison avecl’Allemagne n’est en aucun cas un plaidoyer pour led�epistage par coloscopie. Le taux de coloscopies normalesd’un programme de d�epistage par coloscopie est, �a notreavis, prohibitif en termes de ratios b�en�efice/risque et cout/efficacit�e (tableau 2). L’option francaise d’adopter le DO parrecherche de sang occulte dans les selles est coh�erente avecnotre capacit�e de soins (coloscopies) et de financement. Lacomparaison avec l’Allemagne sert �a d�emontrer qu’il fautprobablement un taux minimal de coloscopies de hautequalit�e pour engendrer un effetmesurable sur lamortalit�e etl’incidence duCCR. L’avenir nous dira si le remplacement dutest Hemoccult1 par un test immunologique, qui devrait, �aparticipation inchang�ee, doubler le nombre de coloscopieset augmenter leur rendement, sera suffisant pour obtenir uneffet mesurable.

‘‘A ce jour, il n’y a pas d’effet mesurabledu depistage organise par HemoccultW,

ni sur la mortalite, ni sur l’incidence du cancercolorectal en France

’’� Balance benefice/risque moins favorabledans la vraie vie que dans les essais

Le b�en�efice observ�e en termes de r�eduction de mortalit�epar CCR est moindre que celui promis par les essais.

De meme, les complications de la coloscopie ont �et�e sous-�evalu�ees dans tous les essais ayant d�emontr�e l’efficacit�e dud�epistage par Hemoccult1 [2, 12]. Nous avonsmontr�e que,dans la vraie vie, le taux de complications apr�es coloscopiepour Hemoccult1 positif �etait de 4,5 complications mod�e-r�ees �a s�ev�eres pour 1 000 coloscopies, dont 1 perforation et3 h�emorragies et 1 d�ec�es pour 18 000 coloscopies. Le tauxde complications restait stable entre les p�eriodes 2003-2010et 2011-2014, par contre leur gravit�e diminuait significa-tivement :moins de complications s�ev�eres,moins de recours�a la chirurgie, moins de nuits d’hospitalisation, moins deculots transfus�es (JFHOD 2015) [11].

� Absence de referentiel qualite pour la coloscopiedes depistes positifs

Le programme francais de DO du CCR est aussi source detr�es grandes disparit�es de prise en charge par coloscopie desd�epist�es positifs. Le taux de d�etection des ad�enomes (TDA)mesur�e dans le programme de DO par Hemoccult1 variaitselon l’endoscopiste de 13 �a 73 % dans la p�eriode 2002-2010 (figure 2) [13]. 43 % des endoscopistes avaient unTDA< 35 %.Ce taux ne s’est pas am�elior�e avec le temps : il�etait de 41 % dans la p�eriode 2011-2014 (p = 0,6) (JFHOD2015) [11]. La variabilit�e inter-endoscopiste est encore plusimportante pour la d�etection des ad�enomes proximaux etdes ad�enomes/polypes festonn�es sessiles proximaux [14].Nous avons montr�e que la pr�evalence des ad�enomes/polypes festonn�es sessiles dans le programme alsacien �etaitde 1,5 % et s’am�eliorait significativement avec le temps,

1 830cancers colorectaux

1 055 (57,7 %)50-74 ans

459 (25,1 %)refus ou exclus DO

596 (32,6 %)participants DO

278 (15,4 %)cancers d’intervalle

318 (17,4 %)cancers dépistés

775 (42,3 %)hors âge DO

Figure 1. Cancers colorectaux invasifs diagnostiqu�es dans le Haut-Rhin entre 2004 et 2007 (Registre des cancers du Haut-Rhin) (DO d�epistageorganis�e).

146 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestivevol. 24 n8 2, f�evrier 2017

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© John Libbey Eurotext, 2017

atteignant 2,5 % en 2015-2016 (JFHOD 2017) [11]. Cetteprogression encourageante reste insuffisante, les tauxobserv�es se situant �a l’extr�emit�e inf�erieure de la fourchettede 1 �a 22 % rapport�ee dans la litt�erature [15]. En Alsace, letaux de d�etection des ad�enomes/polypes festonn�es sessilesvariait de 0 �a 8 % selon l’endoscopiste et de 0 �a 9 % selonle pathologiste. Un tiers des endoscopistes et un quartdes pathologistes n’en d�etectaient jamais dans le colonproximal. Ce constat est inqui�etant si l’on consid�ere que20 �a30 % des CCR se d�evelopperaient �a partir de l�esionsfestonn�ees [15].De meme, le taux de polypes � 20 mm sans carcinomeinvasif adress�es au chirurgien pour r�esection chirurgicalevarie selon l’endoscopiste de 0 �a 47 %, le plus souvent sansrecours pr�ealable �a un endoscopiste expert [16]. Pourtant, lamorbi-mortalit�e d’une r�esection chirurgicale est nonn�egligeable, sup�erieure �a celle d’une r�esection endosco-pique. L’ASGE recommande le recours �a un 2e avis aupr�esd’un endoscopiste expert pour juger de la faisabilit�e d’uner�esection endoscopique avant de confier le patient �a unchirurgien [17].

‘‘Le taux de detection des adenomesdes coloscopies pour HemoccultW positif

varie selon l’endoscopiste de 13 a 73 %

’’Enseignements et propositions

Les raisons de cet �echec national sont multiples, li�ees �a lapopulation et au syst�eme de sant�e. Le CCR souffre d’un

d�eficit d’image par rapport �a d’autres cancers plus « sexy »mais ce n’est pas insurmontable. Aux �Etats-Unis, le taux depersonnes ag�ees de 50-75 ans « �a jour » pour le d�epistagedu CCR augmentait de 54 % en 2002 �a 65 % en 2012 (de56 �a 76 % selon l’�etat, dont 62 % par coloscopie et 10 %par recherche de sang occulte dans les selles). La mortalit�epar CCR y a diminu�e de plus de 50 % depuis 1975 etl’incidence du CCR y a diminu�e de plus de 45 % depuis lemilieu des ann�ees 80 [18]. Le d�epistage, ne s’�etant r�epanduqu’apr�es les ann�ees 90, n’en est en aucun cas la seuleexplication. Les progr�es th�erapeutiques principalement,mais aussi les modifications des facteurs de risque(tabagisme, alimentation, microbiote intestinal, salicyl�es,traitements hormonaux substitutifs. . .) sont autant d’expli-cations plausibles [18]. Par comparaison, la mortalit�e parCCR a diminu�e en France de 33 % chez l’homme et 37 %chez la femme entre 1980 et 2012, alors que l’incidence duCCR augmentait jusqu’en 2000, se stabilisait ensuite, puisdiminuait faiblement de 2005 �a 2012 (de 2,5 % chezl’homme et 3,7 % chez la femme) [1].Que peuvent faire les gastro-ent�erologues francais pouram�eliorer la situation ?

Diversifier l’offre de depistage

Le mod�ele bourguignon a fait ses preuves dans certainsd�epartements et montr�e ses limites dans d’autres. Il y adans notre pays trop de diversit�e, des individus et desterritoires, pour qu’un mod�ele unique s’impose �a tous etpartout. Le CCR a la « chance/sp�ecificit�e » de disposer deplusieurs tests de d�epistage �a l’efficacit�e prouv�ee. Selon laformule d�esormais consacr�ee, il n’y a pas de test de

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Figure 2. Taux de d�etection des ad�enomes des endoscopistes francais (2002-2010) et anglais (2006-2010) dans leurs programmes de d�epistageorganis�e du cancer colorectal par Hemoccult1 (population 60-69 ans).

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D�epistage organis�e du cancer colorectal par Hemoccult

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© John Libbey Eurotext, 2017

d�epistage qui soit meilleur que les autres, « le meilleur testde d�epistage est celui qui est effectivement r�ealis�e » [56].Telle personne sera dispos�ee �a se preter au d�epistage duCCR par tel examen, pas par tel autre. Il est n�ecessaire dediversifier l’offre de d�epistage pour am�eliorer l’adh�esion dela population cible. De meme que les �Etats-Unis r�ealisentque la coloscopie ne permettra pas, �a elle seule, d’atteindrel’objectif de 80 % de taux de couverture du d�epistage duCCR en 2018 et d�ecouvrent les vertus des tests derecherche de sang occulte dans les selles, de meme laFrance doit se rendre �a l’�evidence : le programme de DO duCCR par test immunologique n’atteindra pas, en l’�etat, letaux de 60 % de participation fix�e par le plan cancer. Laposition r�ecente de la SFED en faveur de la « coloscopie depr�evention » va dans ce sens et avalise les pratiquesexistantes [19]. Nous avons tous des patients qui« exigent » une coloscopie de d�epistage et nombre decoloscopies effectu�ees pour explorer des troubles fonc-tionnels intestinaux sont de fait d’authentiques coloscopiesde d�epistage. Cependant, la coloscopie ne peut/doitpas etre la seule r�eponse �a la demande de d�epistage duCCR [20].Et pourquoi pas la recto-sigmoıdoscopie ? Elle permet dediminuer de 28 % la mortalit�e par CCR et de 18 % sonincidence [2]. Le programme pilote anglais a obtenu untaux de participation de 43 %, meilleur chez l’homme(45 %) que chez la femme (42 %). Nous avions obtenuun taux de 21 % en Alsace [11]. La tol�erance �etaitexcellente grace �a l’emploi d’un gastroscope, et pourraitetre encore am�elior�ee par l’utilisation de m�elange�equimolaire oxyg�ene-protoxyde d’azote (MEOPA). Le seulinconv�enient, de taille, est le caract�ere peu lucratif del’examen, sans compter son cot�e « r�etrograde » �a l’heurede la capsule d’endoscopie, de la coloscopie virtuelle et destests ADN f�ecaux.De meme, des alternatives au mod�ele bourguignond’invitation au DO du CCR ont �et�e explor�ees, certainesefficaces (pharmaciens dans le Finist�ere, navigateur dans leCalvados. . .), d’autres moins (conseil t�el�ephonique enAlsace [21], coupon-r�eponse dans les Bouches-du-Rhone)[22]. Les exp�erimentations doivent se poursuivre.

‘‘Il n’y a pas de test de depistage qui soitmeilleur que les autres, le meilleur test

de depistage est celui qui est effectivementrealise

’’Augmenter l’implication des medecinsgeneralistes

Il est d�emontr�e que le conseil d’un professionnel de sant�eest le moyen le plus efficace d’obtenir l’adh�esion aud�epistage [22]. Le MG est le mieux plac�e pour �evaluer

individuellement le niveau de risque de CCR et decomorbidit�es, proposer le test de d�epistage adapt�e,convaincre de le r�ealiser, �evaluer la motivation et les freins�eventuels, et, le cas �ech�eant, proposer une alternative dansle cadre d’une discussion permettant le choix �eclair�e dupatient. Encore faut-il que le MG soit lui-meme form�e,convaincu, motiv�e, et dispose du temps n�ecessaire. Il estregrettable que certains MG n’adh�erent pas ou peu au DOdu CCR. La sensibilisation et la formation des MG aud�epistage et �a la pr�evention du CCR doivent resterprioritaires pour les gastro-ent�erologues et les structuresde gestion des d�epistages des cancers. Ces derni�erespourraient faciliter la tache des MG si l’Assurance Maladieleur communiquait le nom du m�edecin traitant de chaquepersonne cible. Cela permettrait de personnaliser les lettresd’invitation et de relance en incluant la signature du MG. Ilest d�emontr�e qu’une lettre sign�ee du MG est plus efficacequ’une lettre �emanant d’une entit�e administrative (sauf �aParis) [22]. De plus, les structures de gestion pourraientcommuniquer p�eriodiquement �a chaque MG la liste de sespatients ni d�epist�es ni exclus ainsi que son taux de d�epist�eset d’exclus.

Promouvoir la reprise de la relance postaleavec envoi du test

Le remplacement du test au gaıac par un test immunolo-gique quantitatif permet d’augmenter la participation de 5 �a13 %, mais l’abandon de l’envoi du test �a domicile risqued’an�eantir le gain de participation esp�er�e [3]. Nous seronsfix�es fin 2017 �a la fin de la premi�ere campagne avec lenouveau test. Plusieurs �etudes ont montr�e qu’en France ilfallait la conjonction du m�edecin g�en�eraliste et de l’envoipostal du test pour obtenir une participation suffisante. Deplus, le mode d’invitation actuel, qui repose exclusivementsur le MG, n’est pas �equitable vis-�a-vis des personnes qui neconsultent pas de MG (jeunes en bonne sant�e, d�esertsm�edicaux. . .) oudont leMGnepr�econisepas led�epistageduCCR (pas convaincu, pas motiv�e, surcharg�e. . .). La relanceavec test est le meilleur moyen de corriger cette in�egalit�e[22, 23]. Il faut la reprendre. Elle a un cout non n�egligeable,de l’ordre de 15 % du budget d’une structure de gestion,mais repr�esente 15 �a 20 % de la participation selon led�epartement. Elle pourrait rester destin�ee �a toute lapopulation non participante comme c’�etait le cas avantl’arret�e du 15 avril 2013, ou bien etre cibl�ee aux personnesayant d�ej�a particip�e et aux primo-invit�ees pour en r�eduire lecout. En effet, les personnes n’ayant jamais particip�eauparavant jettent le test dans 95 % des cas (JFHOD2015) [11].

‘‘La relance avec envoi postal du test est lemeilleur moyen de corriger les inegalites

d’acces au depistage

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Integrer les personnes a risque eleve dans leprogramme de depistage organise

Il est paradoxal, illisible et contre-productif qu’aujourd’huiles personnes les plus �a risque de CCR soient exclues duprogramme de DO. Les structures de gestion qui assurentle suivi des d�epist�es positifs sont les mieux plac�ees pourcontribuer �a g�erer les personnes �a risque �elev�e. Elles ontd�ej�a connaissance des r�esultats des coloscopies duprogramme de DO et de certaines exclusions pour hautrisque et/ou coloscopie r�ecente. Elles ont l’habitude deg�erer des bases de populations et pourrait contribuer �aconvoquer les patients suivis par coloscopie pour ant�e-c�edent personnel d’ad�enome ou de cancer. Les modalit�esde surveillance coloscopique sont en effet loin d’etreoptimales dans notre pays. Nous avons montr�e sur unecohorte alsacienne de 1 200 coloscopies pour Hemoccult1

positif, qu’une coloscopie normale sur 7 b�en�eficiait d’unesurveillance excessive, qu’une coloscopie anormale sur 4b�en�eficiait d’une surveillance conforme, une sur 4 d’unesurveillance excessive, une sur 4 d’une surveillanceinsuffisante et une sur 4 �echappait �a toute surveillance

(JFHOD 2014) (figure 3) [11]. Le taux de surveillanceconforme variait consid�erablement selon l’endoscopiste.Le 3e plan cancer 2014-2019 pr�evoit la « mobilisation desacteurs du d�epistage (professionnels de sant�e, structuresde gestion) pour assurer aux personnes �a risque aggrav�e lememe niveau de sensibilisation, d’incitation et de suiviqu’aux personnes �a risque standard. » Pour mettre enœuvre ce programme, la collecte d’informations seracruciale et devra permettre de compl�eter les bases dedonn�ees des structures de gestion avec des informationscompl�etes sur toutes les coloscopies r�ealis�ees et le r�esultatanatomopathologique des l�esions diagnostiqu�ees. Lesnouvelles technologies de l’information et de la commu-nication (NTIC) permettent le partage des informations etleur traitement dans un but de suivi mais aussi d’�evaluation.En Allemagne, le registre national des coloscopies ded�epistage permet l’enregistrement des coloscopies par lesendoscopistes. Le paiement des coloscopies de d�epistageest d’ailleurs subordonn�e �a l’enregistrement de celles-cidans la base du registre [5]. Sans aller jusque-l�a en France,le partage d’informations doit d�epasser le cadre del’organisation locale et s’accompagner d’incitations natio-

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Figure 3. Incidence cumul�ee des coloscopies de surveillance apr�es coloscopie pour Hemoccult1 positif entre 2003 et 2005 dans le Haut-Rhin (CCRcancer colorectal ; HR ad�enome �a haut risque ; BR ad�enome �a bas risque ; pas de n�eopl absence de l�esion n�eoplasique).

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D�epistage organis�e du cancer colorectal par Hemoccult

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nales permettant de garantir �a toute personne r�esidant enFrance un traitement �egal vis-�a-vis du d�epistage.

Publier un referentiel qualite et organiserun programme assurance qualite pour lescoloscopies des depistes positifs

Quel que soit le test utilis�e, tous les programmes ded�epistage du CCR ont en commun la coloscopie etd�ependent de la r�ealisation d’examens de haute qualit�e[7, 17, 24]. Pourtant, alors que le cahier des charges duprogramme francais de DO du CCR est tr�es contraignantpour tout le processus d’invitation, de distribution et delecture des tests, il donne toute libert�e pour la r�ealisationdes coloscopies des d�epist�es positifs. Tous les pays dot�esd’un programme de d�epistage du CCR, organis�e ouopportuniste, ont �edit�e des recommandations assurancequalit�e pour la coloscopie, sauf la France. Il est imp�eratifque le programme francais se dote d’un r�ef�erentiel qualit�econcernant la coloscopie, soit dans son cahier des charges,soit sous forme de recommandations des soci�et�es savanteset/ou professionnelles. Qui, mieux que les professionnelseux meme, peut proposer des crit�eres qualit�e �a la foisrobustes, fond�es sur un bon niveau de preuve etacceptables en routine ?Il est d�emontr�e que le TDA est corr�el�e au risque de CCRd’intervalle [25] et ce constat a conduit la plupart dessoci�et�es savantes �a inclure un TDA seuil dans leursrecommandations assurance qualit�e coloscopie. Le TDAdoit d�epasser 25 % lors d’une coloscopie de d�epistage aux�Etats-Unis [17] et 35 % lors d’une coloscopie pourHemoccult1 positif en Grande Bretagne (NHS BCSP :quality assurance guidelines for colonoscopy1). En France,aucune recommandation n’a �et�e �emise par les soci�et�essavantes. L’Assurance-Maladie et le SYNMAD ont inclus leTDA des coloscopies du DO du CCR dans les indicateursqualit�e pris en compte pour la r�emun�eration sur objectif desant�e publique (ROSP). Cependant, son mode de calcul estcritiquable (effectif annuel souvent trop faible) et lesobjectifs interm�ediaires et cibles sont de 15 % et 20 %,notablement sous-�evalu�es. C’est bien 35 % qu’il auraitfallu instaurer comme minimum requis �a l’instar de ce quiest recommand�e en Grande Bretagne (et ce devrait etre45 % pour les coloscopies pour test immunologique positif(JFHOD 2017) [11]).Outre le TDA, d’autres crit�eres qualit�e sont imp�eratifs :d�elai de rendez-vous ; pr�eparation fractionn�ee ; tauxd’intubation cæcale ; dur�ee d’exploration au retrait ; tauxde gros polypes adress�es pour r�esection chirurgicale ;recensement syst�ematique des �ev�enements ind�esirables

aupr�es des patients ; respect des d�elais de surveillancerecommand�es ; etc. [7, 17, 24].Un programme assurance qualit�e coloscopie est lui aussiimp�eratif. Que faire vis-�a-vis des endoscopistes dont leTDA reste inf�erieur au seuil propos�e par le r�ef�erentiel ?Faut-il en arriver au mod�ele anglais d’accr�editation desendoscopistes ? Moins de 300 endoscopistes (environ12 %) sont accr�edit�es et font toutes les coloscopiesdu programme anglais de DO du CCR (NHS BCSP).Nous avons montr�e qu’ils avaient un rendement plushomog�ene et significativement sup�erieur �a celui desFrancais (TDA > 35% – 94 % vs. 68 % – p < 0,01)(figure 2) (JFHOD 2013) [11]. Il faut reconnaitre qu’il leurest allou�e trois quarts d’heure pour la r�ealisation d’unecoloscopie.

‘‘Il est imperatif et urgent que les societessavantes et professionnelles concernees

elaborent un referentiel qualite et un programmeassurance qualite pour les coloscopiesdu programme de depistage organisedu cancer colorectal

’’Conclusion

Le verre est-il �a moiti�e plein ou �a moiti�e vide ? La Frances’est donn�e les moyens de se doter d’un programme de DOdu CCR couvrant l’ensemble du territoire national et ceprogramme fonctionne. Pr�es de 2,5 millions de personnesd�epist�ees chaque ann�ee, c’est d�ej�a beaucoup ! Cepen-dant, �a ce jour, malgr�e l’argent investi, ce programme estaussi un �echec. Le remplacement du test Hemoccult1 parun test immunologique peut contribuer �a redresser lasituation, mais ne r�esoudra pas tous les probl�emes. De grosprogr�es doivent etre faits concernant le pilotage duprogramme et son �evaluation, la grande h�et�erog�en�eit�er�egionale de participation de la population et d’implicationdes m�edecins g�en�eralistes, les in�egalit�es socio-�economiques d’acc�es, et l’absence de r�ef�erentiel qualit�eet de programme assurance qualit�e pour le diagnostic,endoscopique et anatomo-pathologique, et le traitementdes n�eoplasies d�epist�ees. Il est imp�eratif et urgent que lessoci�et�es savantes et professionnelles concern�ees �elaborentun r�ef�erentiel qualit�e et un programme assurance qualit�epour les coloscopies du programme de DO du CCR. Il y vade la cr�edibilit�e de la profession ! Chacun doit apporter sapierre �a l’�edifice, la principale mission du gastro-ent�erologue �etant de r�ealiser des coloscopies de hautequalit�e pour diminuer la mortalit�e et l’incidence du CCRdans notre pays. &

1 Accessible a l’adresse suivante : http://www.cancerscreening.nhs.uk/bowel/publications.

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© John Libbey Eurotext, 2017

Remerciements : les auteurs remercient chaleureusementtoute l’�equipe d’ADECA Alsace, tous les m�edecinsg�en�eralistes, m�edecins du travail, gastro-ent�erologues etpathologistes qui contribuent au succ�es de la campagnealsacienne. Ils remercient leurs financeurs, avec unementionsp�eciale aux deux conseils d�epartementaux du Bas-Rhin etdu Haut-Rhin. Enfin, ils expriment leur profonde gratitude �atous ceux qui ont contribu�e aux �etudes collaboratives cit�eesdans ce travail : Hamou Ait Hadad, Franck Arnold, LaurentBailly, Marie Oc�eane Berardi, Francoise Bommelaere, JeanBotokeky, Jean Francois Bretagne, Guillaume Broc, PatriceBureau du Colombier, B�eatrice Charlier, Denis Constantini,Vincent Dancourt, Patrick Delasalle, Catherine Exbrayat,Jean Faivre, Yvon Foll, Kamel Gana, Jean Pierre Ghnassia,Claire Granon, Myriam Guerbaz, Esther Jafflin, Jo€elLacroute, Agn�es Maire, Emilie Marrer, Catherine Morel,Catherine Payet, Christine Piette, Gr�egoire Rey, V�eroniqueRivi�ere, Matt Rutter, Erik Andr�e Sauleau, Marie ChristineScandola, Michel Thirion, Herv�e Uettwiller. . .

Liens d’int�erets : les trois auteurs sont salari�es d’ADECAAlsace. &

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T ake home messages

& Le bilan du programme francais de d�epistageorganis�e du cancer colorectal par Hemoccult1 estmitig�e : c’est �a la fois un succ�es et un �echec.

& La participation nationale est notoirement insuffi-sante (30 % en 2013-2014).

& Dix ans apr�es son d�emarrage, le programme francaisde d�epistage par Hemoccult1 n’a pas d’impactmesurable sur la mortalit�e par cancer colorectal.

& Le programme francais de d�epistage organis�e ducancer colorectal est le seul au monde sans r�ef�erentielqualit�e ni programme assurance qualit�e pour lescoloscopies des d�epist�es positifs.

& Le taux de d�etection des ad�enomes doit etresup�erieur �a 35 % en cas d’Hemoccult1 positif (45 %en cas d’OC-Sensor positif1).

151HEPATO-GASTRO et Oncologie digestivevol. 24 n8 2, f�evrier 2017

D�epistage organis�e du cancer colorectal par Hemoccult