la poursuite du sens à travers la mutilation du langage commun

Upload: david-enrique

Post on 02-Mar-2018

221 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    1/8

    L'Homme et la socit

    La poursuite du sens travers la mutilation du langage communJean Duvignaud

    Citer ce document Cite this document :

    Duvignaud Jean. La poursuite du sens travers la mutilation du langage commun. In: L'Homme et la socit, N. 63-64, 1982.

    Langage et rvolution. pp. 109-115.

    doi : 10.3406/homso.1982.2077

    http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1982_num_63_1_2077

    Document gnr le 25/09/2015

    http://www.persee.fr/collection/homsohttp://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1982_num_63_1_2077http://www.persee.fr/author/auteur_homso_22http://dx.doi.org/10.3406/homso.1982.2077http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1982_num_63_1_2077http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1982_num_63_1_2077http://dx.doi.org/10.3406/homso.1982.2077http://www.persee.fr/author/auteur_homso_22http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1982_num_63_1_2077http://www.persee.fr/collection/homsohttp://www.persee.fr/
  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    2/8

    la

    poursuite

    du sens

    travers la

    mutilation

    du langage commun

    JE N

    DUVIGN UD

    Dans

    un

    texte

    bref et saisissant,

    Kleist

    assure que

    l ide

    vient

    n

    parlant , et qu U

    faut

    mastiquer

    longuement

    les mots

    pour

    u merge un

    sens.

    Il

    ajoute :

    Les

    ides et leurs signes

    poursuivent

    nsemble

    leur

    marche

    en avant

    et U

    y a

    concidence entre

    l acte

    sychologique de la pense et

    celui

    de l expression.

    Le dynamisme

    ltrieur au

    langage anime

    les sons, triture les

    termes* jusqu

    l blouissement

    d une

    formule, d une mtaphore. (1)

    ...

    ette marche

    en avant

    du

    sens travers le droulement de la

    parole,

    cette

    cration continue

    ,

    on

    l oubUe

    parfois,

    en ce

    moment.

    La critique, depuis

    des

    annes, assombrit le langage et le

    discours

    Uttraire. On a sans

    doute

    par

    trop

    cherch

    le

    dcryptage

    en

    feignant de croire que la Uttrature

    n tait

    qu un masque, un

    cache. Et sans

    doute la

    smiologie,

    la

    psychanalyse ou le marxisme

    ont

    prfr l anatomie voire la dissection du

    cadavre,

    l tude du

    mouvement

    mme, assurment phmre

    et

    prissable, mais

    nourri

    de

    ces incertitudes imprvisibles

    qui

    font

    la

    trame

    du langage

    crateur.

    Et

    qui

    ne

    renvoient pas

    ncessairement

    une immobUe

    structure

    inconsciente

    ou

    quelque configuration abstraite.

    Je dis que le discours Uttraire, le langage de la fiction,

    n est

    point

    la

    place

    de

    quelque

    chose

    d autre

    que

    lui, et

    qui serait

    plus

    vrai

    complexe ou

    paradigme Unguistique.

    Qu U est

    un acte

    de

    gense cratrice

    dont

    l intentionnalit

    n est

    pas de servir de

    dmonstration

    des

    universitaires,

    mais de Ueu de dchiffrement

    pour quiconque s y attache. Ce

    que dit

    Kleist, c est

    que

    l image,

    la mtaphore,

    l ide

    eUe-mme

    ne

    rsulte

    pas

    d une

    reprsentation

    de

    structure

    universeUe

    et

    cache, d une copie,

    d un

    reflet,

    mais

  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    3/8

    110

    Jean

    Duvignaud

    qu une volont aprs avoir quelque

    peu

    bafouUl, hsit,

    err,

    trouve

    par la distribution

    inopine

    et trans-fonctionnelle

    des

    relations

    coutumires des mots et des

    termes,

    le

    moyen

    d ouvrir une brche

    dans

    la

    crote des

    codes,

    des

    ides

    reues,

    des strotypes.

    Une

    brche

    par

    o passera le

    sens

    ... (2).

    Sans

    doute convient-U

    de

    revenir

    des

    vidences simples

    :

    ceUe

    que Sartre avait formule

    en

    rappelant que

    l acte d crire

    comme

    celui

    de

    lire est

    une

    manifestation existentielle

    qui

    ne peut

    tre

    qu en

    se faisant . Ou ceUe de Paulhan qui, dans

    les

    Fleurs de

    Tarbes rappelait

    l usage dialectique

    de toute

    rhtorique.

    Ou cette

    volont

    que

    Blanchot tente de

    retrouver

    sous

    tous

    les

    textes

    qu U

    examine. Cela conduit chercher

    la

    gense du discours

    travers

    sa

    propre

    laboration,

    demander

    l intentionnaUt,

    au

    contenu

    de la vise , la projection,

    ce que

    l on

    a

    trop

    souvent

    demand

    l

    en-de

    .

    Que

    le discours Uttraire soit imprgn

    des

    instances de l ances-

    traUt,

    des complexes famiUaux,

    des

    conflits

    sociaux,

    qu on

    y

    dcle

    les

    simulacres d une

    culture

    fabrique^tLcontrle par

    les

    exigences

    d un march, qu on

    y

    dtecte

    des

    configurations

    Unguistiques

    pourquoi

    pas ?

    Mais

    ce

    sont

    l des

    justifications

    secondes

    et

    justement idologiques. U

    y a

    toujours chez ceux

    qui

    procdent ainsi et

    se contentent de

    ces

    analyses

    du

    ressentiment contre

    l imaginaire,

    contre la

    cration

    Uttraire

    et

    comme

    une

    volont

    malsaine

    de la discrditer

    en

    la

    rduisant

    ses

    minimas .

    Si nous prenons

    les

    choses la racine, le discours de fiction,

    l acte

    Uttraire

    retrouve

    sa

    simple et presque

    humble

    raUt

    :

    une

    tentative

    de

    communication, une

    recherche

    du sens

    travers

    les

    mots et les

    termes

    communs (expUcites

    ou latents)

    et

    dont

    l intentionnaUt

    est

    plus fascinante que l tat. Ainsi

    faut-U

    arracher

    le

    discours de la fiction au

    muse,

    et chercher ce que veut

    l crivain

    par

    la mutilation

    des

    mots et

    des

    ides communes

    ce

    qu on

    peut bien

    appeler son style .

    Ce

    que

    Pierre

    Francastel

    nomme

    l objet

    figuratif

    ne

    concerne

    pas seulement

    l art

    plastique (3).

    Une

    uvre crite,

    un

    texte littraire

    est

    lui

    aussi, un objet

    figuratif

    , paquet de significations diverses,

    matrices d motions et

    de participations multiples

    qu aucune

    smiologie,

    aucune

    expUcation

    partieUe

    ne

    saurait rduire. Ainsi

    Madame

    Bovary,

    La

    Prisonnire, Ulysse

    ne

    sont

    pas des prtextes Ulustra-

    tions

    thoriques, linguistiques ou idologiques : ce

    sont

    des

    manifestations

    qui

    ex-plosent

    en directions diffrentes,

    de sorte que nous

    retrouvons

    la

    gense cratrice

    du

    sens,

    non

    dans

    les

    dterminismes

  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    4/8

    La

    poursuite

    du sens 111

    de

    toute

    sorte dans

    lesquels un auteur

    est,

    dans

    son

    poque,

    ncessairement

    coinc

    ,

    mais

    dans les incertitudes, les intuitions

    suggrant une exprience possible

    au milieu de la trame du

    rel.

    U

    est

    par

    exemple

    frappant

    que

    certains textes puissent

    agir

    sur

    des lecteurs de

    telle sorte qu Us veUlent

    chez ces derniers une

    incitation

    crire,

    et comme une vocation. On sait ainsi

    que

    la

    rencontre

    des

    Trois Contes

    de Flaubert a excit chez des hommes

    aussi

    diffrents que Faulkner,

    Malraux

    ou Bars

    un

    lan

    qui n a

    pas

    t

    sans efficacit

    sur le

    dsir

    d crire que

    les

    uns

    et les autres

    ont

    raUse. Ce n est, certes pas,

    par

    les

    contenus

    de

    ces rcits,

    d une

    extrme pauvret,

    mais

    par le jeu formel de la phrase et du discours.

    Sorte de provocation

    la

    rivaUt sans laquelle ne

    se renouvellerait

    sans

    doute

    pas la Uttrature.

    Il est vrai que le style de Flaubert, par les manipulations,

    les

    bricolages qu U impose la

    langue

    commune est comme le disait

    Proust dans un

    article

    connu (4) un extraordinaire

    rvlateur.

    Flaubert,

    dit Proust

    n estai pas un homme qui

    par l usage

    entirement

    nouveau et personnel qu U a fait du

    pass

    dfini, du pass indfini,

    du participe

    prsent,

    de

    certains

    pronoms

    et

    de

    certaines

    prpositions, a renouvel presque

    autant

    notre

    vision

    des choses

    que

    Kant

    avec ses Catgories,

    les thories

    de

    la Connaissance et

    de la

    ralit

    du

    monde extrieur .

    Ce

    que

    les

    analyses

    Unguistiques

    ou

    smiotiques contemporaines

    ne

    peuvent

    examiner ni comprendre,

    n est-ce

    pas

    justement cette

    crativit rpte

    au niveau des

    mutUations imposes

    la

    langue

    par

    la

    phrase

    qui

    se

    dploie

    ?

    Si Proust assure

    que

    ces

    singularits

    grammaticales

    traduisent une

    vision

    nouvelle

    ,

    c est qu U faut

    chercher

    dans le

    mouvement

    mme

    de la

    parole crite qui se

    constitue

    l indication

    de la

    poursuite du sens.

    L analyse, ici, devrait,

    pour ressaisir

    rellement l exprience

    imaginaire de la Uttrature, fake la

    part

    de

    l tat

    commun de la

    langue

    l Ultrieur

    de

    laqueUe

    habite

    l crivain,

    des

    mots

    ou

    des

    termes renvoyant des idologies

    ou des concepts

    utUiss par

    l organisme

    social dont

    U

    est

    un

    des

    membres,

    puis,

    partir

    de ce tableau

    des

    choses

    reues

    o

    se

    mlent l ancestraUt et le structurel

    suivre le jeu,

    statistiquement

    dnombrable

    parce

    que rpt, dans

    l obsession

    d crire,

    des mutilations ou dviations

    qui

    bouleversent

    les

    donnes

    afin de construire un style. Que ce style

    constitue

    une

    forme

    nouveUe

    de

    la

    perception des

    choses et

    des hommes,

    qu U soit

    une vision nouveUe du monde, voU quoi devrait tendre

    l analyse complte.

  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    5/8

    112

    Jean

    Duvignaud

    Comme

    le dit

    Kleist,

    le

    mouvement de la

    phrase

    est celui d une

    pense

    qui

    cherche sa formulation travers

    les

    approximations de

    l acte

    d crire

    :

    acte de

    fiction

    qui,

    par

    une suite

    d altrations

    microscopiques,

    de

    menues

    catastrophes

    instants

    qui,

    dans

    la

    coule

    de

    la phrase, seraient comparables au

    renouveUement

    continu et

    chaque seconde de la cration divine de Malebranche

    suscite le

    foisonnement du sens,

    ou plus

    vaguement le

    plaisir

    du texte .

    Lire est

    alors,

    comme le dit Sartre, dchiffrer

    un

    sens, suivre

    travers

    la dislocation systmatique et arbitraire

    du langage

    reu,

    les Unaments

    de

    l univers

    utopique que suscite le style d un

    crivain ...

    Mais

    qu en

    est-U de ce

    dmembrement,

    de

    cette

    dislocation de

    la

    langue commune,

    forme

    stable, scurisante

    et

    habitable

    de

    l

    humaine

    condition ?

    Qu en

    est-il

    de

    ce

    dtournement

    ou

    de cette

    dformation

    des

    ides reues, des

    strotypes, des

    liaisons

    obUges

    entre les choses et leur

    reprsentation par le

    code de la socit

    o

    loge durant

    sa

    vie l crivain

    ?

    L~sans doute,

    faut-iFrevenir

    en

    arrire et se questionner sur la

    manire

    dont

    l homme sans criture

    obtient

    travers

    la

    dformation

    des

    formes

    plastiques

    et

    cela d une manire

    qui

    parait universelle

    des effets fictifs, tous trangers l ordre naturel des

    choses.

    On

    pense ici

    ce

    que

    disent certains

    anthropologues comme Franz

    Boas, de ces altrations,

    dmembrements,

    ddoublements

    artificiels

    de la reprsentation reUe (pour

    qui

    ?).

    Boas

    parle des

    Eskimaux

    de la

    cte

    nord-ouest de l Amrique,

    mais Lvi-Strauss

    qui

    cite

    fragmentairement cette

    analyse

    l largit aux

    figurations

    primitiv s de la Chine archaque, de la Nouvelle-Zlande, de

    Sibrie,

    et

    des

    Indiens Caduveo du Brsil (5).

    Il semble

    que

    la dislocation

    des

    formes naturelles corresponde

    une volont systmatique

    et universeUe de l homme

    dont aucune

    diffusion

    ne

    rend compte, bien

    entendu.

    S agit-U,

    comme le

    pense

    Leonhard Adam,

    de

    suggrer

    une

    figure

    arbitraire

    et,

    par

    cet arbitraire

    mme,

    d ouvrir

    un champ indfini

    une perception

    qui

    ne

    prendrait

    pas

    pour contenu de

    sa vise des

    choses

    situes

    dans la nature , mais proposant une nouveUe donne et par l

    ouvrirait l homme le champ du

    possible

    ? (6) Ne

    serait-ce

    pas

    l, dans la pratique matrieUe, le bricolage

    ou

    la manipulation

    de

    l

    outillage social et mental , de

    l acte

    mme que nous

    appelons

    imaginaire

    ?

    Et Lvi-Strauss

    a

    raison de noter que ces

    mutilations dformations

    (sacrifications,

    masques, objets

    divers,

    tatouages,

    dessins

  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    6/8

    La poursuite du sens 113

    corporels, etc.)

    forment un panthon

    plutt qu une

    ancestraUt

    ,

    car

    ces figures arbitraires ne sont jamais tournes

    vers

    la

    restructuration du pass (mme si eUes en

    prennent

    parfois

    la

    forme) non plus

    que

    vers

    l

    ustentiaUt

    ou la

    mmoire coUective, mais

    vers

    une

    exprience que l espce

    humaine

    serait seule connatre.

    Exprience

    d une

    prcession de

    l exprience

    sur

    eUe-mme,

    d une

    anticipation au

    sens qu Ernest Bloch

    donne ce mot.

    L laboration du

    sens

    travers le discours Uttraire est-U si

    diffrent de cet

    ordre, chez les peuples

    sans criture,

    pour

    susciter

    des

    figures arbitraires ? L acte provocateur de

    sens que nous appelons

    imaginaire

    n est-U pas

    l homologue,

    dans

    nos civUisations, de

    cet

    effort de subversion-destruction du

    rel

    que

    nous

    constatons chez

    les

    primitifs

    Si la cration

    fictive se

    constitue dans toutes les

    cultures et tous les niveaux d exprimentation

    pratique

    de l espce

    humaine,

    ne

    devrait-on

    pas

    dire

    aussi que

    l criture prolonge avec

    ses propres moyens un mouvement de dngation de

    l ordre

    naturel

    qui prolonge un

    effort

    continu

    ?

    Ce

    que

    les hommes cherchent

    travers

    les multiples

    dviations ou

    altrations du sens commun

    et du langage, dont

    on sait

    le rle dans

    la

    reproduction et

    la

    conservation des socits

    hummes, n est-ce

    pas

    ouvrir le champ de

    la

    perception

    connue

    un perception

    encore

    inconnue, et

    qui serait

    le moteur impUcite

    de

    tous

    les

    changements ou de ce

    qu on

    appelait

    au

    sicle

    dernier

    le

    progrs

    ?

    (7)

    Si

    la

    cration imaginaire parat se

    constituer dans

    toutes

    les

    cultures par d infinitsimales

    et innombrables mutilations de

    l ordre

    commun, comment

    l art du langage

    chapperait-U

    ce dynamisme

    destructeur ?

    Nous

    avons

    cru tablir une

    relation

    entre la manire

    dont

    l espce

    humaine

    traitait la mort et

    l mergence

    du symbole

    dans les socits humaines :

    en

    faisant de l os

    le

    reprsentant durable

    et permanent de l tre

    qui

    ne

    fut vivant que par la chair prissable et

    putrescible

    par inhumation,

    crmation,

    momification

    l homme

    ne

    pratique-t-U pas une inversion arbitraire ? Le dur dsigne

    le

    mou

    bien

    que le

    mou

    porte la substance pensante, l inerte

    connote le

    souvenir ou

    l image de ce

    qui

    fut, et par son

    contraire.

    Cela

    ne

    fait-U pas de ce renversement de l activit

    symboUque qui

    l accompagne, le principe mme de ce jeu de simulacre dont l espce

    fera

    la pense,

    l imaginaire

    (8) ? Et le genre de mutilation

    que

    nous

    imposons

    la

    nature ou

    au

    langage

    ancestral par l criture,

    n est-U

    pas comparable cette pratique

    mortuaire

    d o nat le symbole ?

    Le

    cheminement du langage

    de fiction, la phnomnologie vcue-

    pense de

    l criture

    procde,

    si

    l on

    en

    croit ici

    Kleist

    et Proust,

    moins

    d une

    smiologie

    en

    acte

    ou d une

    dsignation

    raUste

    de

  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    7/8

    114 Jean Duvignaud

    relations reUes, que

    d une

    suite

    d mfinitsimales

    dformations,

    systmatiquement

    utUises

    par le

    ferme

    propos d un auteur, et

    qui

    dfinit son style.

    Ces menues

    catastrophes

    (nous

    employons

    ce

    mot dans

    l acception

    que

    lui donnent

    certains mathmaticiens

    comme R.

    Thom),

    s insinuent dans

    la

    trame Uttraire, au

    prix de

    multiples bricolages

    ou dformations

    et

    qui

    toutes tendent susciter

    de l incertitude au

    milieu

    des scurisantes vidences. Et c est bien

    l

    la

    part

    subversive

    ou

    maudite

    de toute

    volont

    d crire

    dans

    le

    domaine de la fiction

    ...

    Freud

    dit que le

    lapsus , l involontaire

    jeu

    de

    mot

    ouvre

    une

    brche dans la trame

    confortable

    et institutionnelle du langage

    commun

    et renvoie

    l en-de qu est le non-conscient. C est,

    dirait-on, par un chemin inverse, que le volontaire et Ubr lapsus

    ou contre-sens,

    la

    faute

    de

    syntaxe arbitraire,

    la

    relation

    inopine

    suggre

    entre

    les

    termes et les choses qu Us

    dsignent, ouvre

    dans

    la mme trame confortable,

    la

    bance

    du sens. Notre perception

    pourrait

    n tre

    que

    ceUe de

    tous

    et se

    fondre

    dans la perception

    sociale gnrale.

    Ces menues perversions

    instaures

    dans

    le langage

    et par l acte

    mme

    de

    l criture

    de fiction,

    ouvre notre perception,

    ouvre

    la conscience du lecteur

    la rgion non encore explore

    de

    l exprience

    venu*, de

    l exprience possible

    ...

    Le

    physiologiste

    Goldstein

    dit

    que

    la maladie

    consiste

    rpter

    des motions

    connues et

    s enfermer frileusement dans

    le confort

    des

    choses

    acquises et de l exprience ancestrale ou duement

    structure.

    U dit aussi

    que

    la sant consiste affronter des

    motions

    inconnues, indites,

    fl y

    voit la marque

    du

    courage

    humain.

    Ce

    courage

    parat caractriser

    l acte d crire

    et

    sans

    doute

    l imaginaire.

    Nous ne sommes peut-tre que parce que nous mutilons ce que

    nous avons

    reu

    ...

    Notes

    (1) De l laboration de la pense

    par le discours, traduit en

    franais par Jacques

    Decour

    dans Commerce

    Mesures ,

    n

    3,

    1936.

    (2)

    Ne serait-il pas

    captivant

    de se demander pourquoi,

    en

    France, la critique

    cherche

    presque exclusivement des structures

    fixes, immobiles,

    qu elle voudrait

    universelles

    parce

    qu elles lui semblent rptitives

    : n est-ce pas

    l le signe d une

    dgnrescence, d une

    maladie d un pourrissement ?

    (3) Les

    uvres compltes de P.

    Francastel sont en

    cours de publication aux

    ditions

    Gonthier-Denol. C est sans doute te plus lucide des critiques de

    la cration, souvent

    pill,

    parfois oubli.

    (4)

    A

    propos du

    style

    de

    Flaubert ,

    in

    Nouvelle Revue

    franaise, janvier

    1920.

  • 7/26/2019 La Poursuite Du Sens Travers La Mutilation Du Langage Commun

    8/8

    La

    poursuite

    du

    sens

    115

    (5)

    Franz Boas, Primitive

    art,

    in

    Institutte for sammenligende kulturforshung

    ,

    Srie

    B,

    VIII, Oslo

    (1927).

    Il faut se reporter

    ce texte

    que cite Lvi-Strauss dans son

    article

    Art

    de L Anthropologie structurale, dans

    une perspective

    diffrente de celle

    que nous

    suggrons

    ici, puisqu il

    rintgre ces formes dans

    la dialectique

    de l organisation sociale.

    (6)

    Art

    primitif,

    trad,

    fr.,

    Arthaud.

    (7)

    Platon,

    dans la Rpublique, te texte te plus ractionnaire de la pense grecque

    ne propose-t-il

    pas

    d exclure

    de la cit rationnelle qu il construit ceux

    qui

    modifieraient

    la structure une fois pour toute

    tablie

    des accords de

    la

    lyre et du langage ? Eliminant

    ainsi celui qui fait

    ,

    te pote ?

    (8) Le

    Langage

    perdu (PUF et Pantheon Books, NY.).