la nourriture dans la bible_jean soler
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étude sur la signification de l'alimentaion biblique, différence entre animaux purs et impursTRANSCRIPT
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
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Jean Soler
Sémiotique de la nourriture dans la BibleIn: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 4, 1973. pp. 943-955.
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Soler Jean. Sémiotique de la nourriture dans la Bible. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 4, 1973.
pp. 943-955.
doi : 10.3406/ahess.1973.293396
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1973_num_28_4_293396
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CULTURE ET SOCIÉTÉ
Sémiotique de la nourriture
dans
la
Bible
Comment rendre compte
des
interdits alimentaires
des
Hébreux, de cesègles qu aujourd hui encore, avec des variantes mais en se référant aux
lois
e Moïse, de nombreux Juifs
orthodoxes
respectent ? Une fois écartées plusieursausses pistes, comme l explication par
l hygiène, l approche
structuralistearaît éclairante.évi-Strauss a mis en
évidence l importance
de la cuisine, qui est le
propre
e
l homme,
au
même
titre
que le langage. Mieux même : la cuisine est un lan
gage
à
travers
lequel
une
société s exprime. Car
la
nourriture
que
l homme
absorbe
pour
vivre,
il
sait qu elle va
s assimiler
à son être, devenir lui.
Il
faut
donc qu il
y
ait une relation entre l idée qu il
se fait
de
tel
ou
tel
aliment et
l image
qu il
se
donne
de
lui-même et
de sa
place
dans
l Univers. La cuisine
d un peuple
et
son appréhension du monde sont
liées.
La
langue et la cuisine présentent, d autre part, une
analogie
formelle. De
même,
en effet,
qu une langue,
pour constituer son système phonétique,
retient
quelques sons seulement parmi ceux que l être
humain
peut produire, de même
une
communauté se donne
un
régime alimentaire en opérant
un
choix parmi
tous les aliments
possibles.
N importe
qui
ne mange pas n importe quoi et
il
ne
suffit pas qu un aliment soit mangeable
pour
qu il soit mangé. Ainsi, mettre
à jour
la
logique qui
est
à
l œuvre
dans
ces choix,
et
dans l agencement
des
éléments
—
ici,
des
aliments
—
retenus,
reviendra
à
définir
ce
qu une
société,
tout
comme une
langue,
a de
spécifique.
L étude de
mon
problème
est facilitée par l existence
d un corpus
dont
la
délimitation
ne
peut
être
taxée
d arbitraire : les lois alimentaires des Hébreux
ont été fixées
dans
un
livre, le Livre,
et
plus
précisément,
dans les
cinq premières
sections
de la Bible, que les Juifs appellent la « Torah »
et
les Chrétiens
le
« Pentateuque ». Cet ensemble est formé de textes de diverses époques,
qui
couvrent
un
vaste
espace de temps.
Mais
dans
la mesure
où
ils
ont été cousus
côte
à
côte
et où
ils
ont coexisté, et coexistent encore, dans la conscience d un
peuple,
il
est recommandé de les étudier synchroniquement. Je négligerai donc
la
dimension
historique
pour
chercher les
règles
qui
donnent leur cohérence aux
différentes
lois
qui
constituent
la
Loi.
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CULTURE ET SOCIÉTÉ
Sans
doute,
ces cinq
livres racontent-ils une histoire, qui va de la création
du Monde à la mort de
Moïse, à
qui
ces
lois, et même cet ensemble de textes,
sont attribués.
Il faudra
prêter
attention
à l ordre
du
récit,
mais
que
les
évé
nements
et
les personnages mentionnés aient
ou
non
existé, et
quand, c est ce
qui
est,
pour mon
analyse,
rigoureusement
indifférent,
à
l égal
de l existence
ou de la non-existence de Dieu.
Il
est
fait mention de la nourriture de l homme dès le premier
chapitre
du
premier
livre. Elle a sa place
dans le plan
de la Création :
«
Voici que je vous
ai donné toute herbe émettant semence, qui se trouve sur la
surface
de toute
la terre et tout arbre
qui
a en lui fruit d arbre,
qui émet
semence : ce sera pour
votre
nourriture »,
dit
Élohim (Gen.,
I,
29)
x.
Le Paradis est végétarien.
Pour
comprendre
pourquoi,
implicitement mais
sans
équivoque,
la
nourri
ture
arnée est exclue,
il
faut
relever comment se
définissent
dans
le
mythe,
chacun
à l égard
de l autre,
l homme et Dieu. L homme a été
fait «à l image» de
Dieu (Gen., I, 26-27), mais
il
n est pas Dieu et ne
peut
l être. C est
ce
qu illustre
le tabou alimentaire qui porte sur le fruit de
deux arbres. Après qu Adam et
Eve ont enfreint
cet
interdit en mangeant
du fruit
de l un de ces arbres, Élohim
dit : « Voici que
l homme
est
devenu
comme l un de nous, grâce à la science
du
bien et
du
mal.
Maintenant,
il faut
éviter
qu il étende sa main, prenne aussi
de
l arbre
de vie, en mange et
vive
à jamais» (Gen., Ill, 22). Cet
écart
nettement
marqué entre l homme et Dieu, cette
différence fondamentale, se décèle
sous
trois
formes
:
En premier
lieu,
l immortalité
de
l âme est impensable.
La vie appartient
en
propre
à
Dieu
et
à lui
seul.
Dieu
est
la
Vie,
l homme
n en
a
qu une
parcelle
temporaire.
Et,
de
fait,
la
notion
de
l immortalité
de
l âme n apparaît
dans
le Judaïsme qu au 11e siècle av. J.-C,
et
c est
un
apport extérieur.
En
second lieu, tuer est l interdit
majeur de la Bible. Seul le
Dieu
qui donne
la vie peut la retirer. Si l homme en dispose librement,
il empiète sur
le
domaine
de
Dieu, il franchit la limite. Il suit
de
là que la nourriture carnée est impossible.
Car
pour manger une bête,
il
faut au préalable la
tuer.
Or
les bêtes
appar
tiennent
comme l homme, à la catégorie des êtres qui ont en eux une « âme
vivante
». Consommer
un
être vivant
équivaudrait,
de
plus, à absorber le
principe qui pourrait faire de l homme l égal de Dieu.
L opposition de l homme et
de
Dieu est ainsi dénotée par un partage
des
nourritures.
A
Dieu, les
êtres vivants, qui
sous forme de sacrifices
(victimes
humaines
dont
le
sacrifice
d Abraham
garde
la
trace,
ou victimes
animales)
constituent selon la Bible son « aliment » ; aux hommes les nourritures végétales
(les
végétaux
ne font pas
partie
du « vivant
»).
L origine de la nourriture carnée fait dès lors
problème.
Les
hommes
ont-ils
pu,
un
jour, tuer des bêtes et les consommer sans provoquer un cataclysme ?
Ce cataclysme
a
bien
eu
lieu
et
la
Bible en
parle. Il
s agit
du Déluge,
qui
marque
une
rupture
dans l histoire de l humanité.
Dieu
décide d abord de
supprimer
sa
Création,
puis il
épargne une
famille,
celle
de Noé,
et des
couples
1.
La
Bible,
I, l Ancien
Testament, texte établi par Edouard Dhormb,
Gallimard,
«
La
Pléiade
».
(Abréviations
:
Gen.
=
Genèse
;
Ex.
=
Exode
;
Lév.
=
Lévitique
;
Nbs.
—
Nombres
;
Deut.
=
Deutéronome.)
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J.
SOLER
LA
NOURRITURE
DANS LA
BIBLE
de
chaque
espèce
animale. Après
le Déluge
commence donc une
ère nouvelle,
une deuxième
Création,
qui
coïncide
avec l apparition d un
nouveau
régime
alimentaire : « Tout ce qui
remue
et qui
vit
vous servira de nourriture, comme
l herbe verte : je vous ai donné tout cela
»
(Gen., IX, 3).
Ainsi, ce
n est
pas
l homme qui a
pris
sur
lui de
manger
de
la
viande, c est
Dieu
qui
lui en a donné le
droit.
Et
le cataclysme
ne
vient
pas après,
mais
avant,
inversion fréquente
dans les mythes. Mais
il
faut bien
voir
que la nourriture
carnée
n est pas présentée comme une
récompense
accordée à Noé. Si Dieu
a voulu
détruire « toute
chair
en qui se trouve
un
souffle de
vie sous
les
cieux
»
(Gen.,
VI,
17), c est qu il
s est rendu
compte
que l homme avait «corrompu»
la terre entière : « et la terre fut
remplie
de violence » (Ibid., 11), autrement
dit,
de
meurtres. Sans
doute
épargne-t-il
Noé
pour la raison
qu il
est
«
juste
»
et
même
« parfait » (Ibid.,
9)
; mais l humanité qui va se reconstituer à partir de
lui n échappera pas au mal qui caractérisait
l humanité
d où il est issu. Yahvé
dit, après
le Déluge
: «
Je
ne
recommencerai
plus à maudire le sol à
cause
de
l homme, car
l objet
du
cœur
de l homme
est
le
mal, dès
sa jeunesse,
et
je
ne
recommencerai plus à frapper tout
vivant
comme je l ai fait... » (Gen. VIII, 21).
En
somme, Dieu prend acte de l instinct
du mal qui est en
l homme. Et
c est
quelques versets plus loin qu il
donne
à Noé le droit de manger des animaux.
La
nourriture
carnée est
marquée négativement.
Encore n est-elle
possible
qu au prix
d une
distinction
nouvelle.
Dieu
ajoute
en effet : « Seulement, vous ne mangerez point la chair avec son
âme,
c est-à-dire
son sang» (Gen., IX, 4). Le sang devient le signifiant
du principe
vital,
ce
qui
permet
de maintenir l écart entre l homme
et Dieu,
en
le
dénotant autrement
sur
le plan de la nourriture.
Au
lieu de l opposition initiale entre
nourriture
végétale et nourriture carnée,
on
met désormais en opposition la chair et le
sang
:
en
excluant
le
sang
(la
part
de
Dieu),
la
chair
devient profane
—
et
licite.
La
structure reste la même ; seuls les éléments de
signification
ont changé.
A cette
étape, la
distinction entre animaux
purs
et impurs
n apparaît pas
encore,
même
si trois
versets
s y
réfèrent
dans le récit du Déluge. Rien n est
dit qui
permettrait à
Noé
de reconnaître ces deux
catégories
d animaux, et
cette distinction n a
pas de raison
d être
puisque le
pouvoir
qu il reçoit de
manger des bêtes vaut pour toutes
« Tout ce
qui remue et
qui
vit vous servira
de nourriture. »
II faut attendre Moïse
pour
qu intervienne
un troisième
régime
alimentaire,
fondé
sur
l interdiction de certains animaux.
Là
se situe une seconde rupture
dans l histoire de
l humanité.
En effet, l alliance que Dieu avait
conclue
avec
Noé s adressait
à
tous
les
hommes
qui
naîtraient du seul
survivant
du
Déluge
;
à
l absence
de
différenciation
entre les
hommes correspondait
l absence
de
différenciation entre
les
animaux qu ils pouvaient
consommer ;
le
signe de
cette
alliance était un signe cosmique, et
par
conséquent universel :
Гагс-en-ciel
(Gen., IX,
12-17).
Au
contraire, l alliance conclue
avec Moïse ne
vaut que pour un peuple,
les
Hébreux ; à la
différence
introduite entre
les
hommes
correspond une
différence entre les animaux
dont
ils peuvent se nourr
ir
« C est moi, Iahvé,
votre
Dieu,
qui
vous ai séparés des peuples, et ainsi vous
séparerez la
bête pure
de
l impure,
l oiseau
impur
du pur,
et
vous ne vous
rendrez
pas
abominables par
la bête, par l oiseau, par tout ce
dont
fourmille
le sol, bref
par
ce que j ai
séparé
de vous comme impur » (Lév., XX, 24) ; les
signes
de
cette
nouvelle
alliance
ne
pourront
être
que particuliers, puisqu ils
doivent
servir,
pour
le
peuple
hébreu,
de
traits
distinctifs.
Ainsi
la
nourriture
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CULTURE ET
SOCIÉTÉ
de
Moïse remplit-elle
la
même fonction
que la
circoncision ou
l institution du
sabbat.
Les trois signes
mettent
en jeu une
coupure
(coupure dans le sexe mâle :
castration partielle, analogue à un sacrifice qui appelle
en
retour la
bénédiction
de Dieu
sur
l organe qui
assure
la transmission de la vie et donc la survie
du
peuple
hébreu
;
coupure
dans
l alternance
régulière des
jours
:
mise
hors
circuit
d un jour
sur
sept, le jour sacrifié rendant les
six
autres profanes et leurs
tr
avaux bénis de
Dieu
;
coupure
dans
le continuum
des animaux créés, qui s ajoute
à
la
coupure déjà établie,
dans tout animal,
entre
la
chair et
le
sang, et
qui va
être doublée,
au
sein de chaque espèce
décrétée
pure, par une coupure entre
les
premiers-nés, sacrifiés à
Dieu,
et
les
autres,
rendus
par
là
plus licites) De la
coupure
naît la différence, condition de la signification.
Que
les
interdits alimentaires permettent de
couper
un peuple
des
autres,
les
Hébreux en ont
fait
l expérience à leurs dépens. Quand
les
frères de Joseph se
rendent en Egypte pour y acheter du blé,
il
leur fait servir
un
repas avec de la
viande : « Or
on
le servit à part,
on
les servit à part et
on
servit à part les
Égypt
iens
qui
mangeaient avec
lui,
car
les
Égyptiens
ne^
peuvent
prendre un
repas
avec les
Hébreux :
ce serait
une abomination pour l Egypte
»
{Gen., XLIII,
32).
Il
est vraisemblable que les Hébreux nomades avaient déjà des interdits
alimentaires,
mais, à
s en
tenir à l Histoire biblique,
c est seulement après
l Exode, comme s ils prenaient modèle sur la civilisation égyptienne,
qu ils
font
entrer
la nourriture
dans
la définition
de
leur peuple.
Cette nourriture,
pour
jouer son rôle, doit être différente, mais
différente
par
rapport
à
quoi ? Par rapport à la nourriture des peuples avec qui les
Hébreux
étaient
en
contact,
sans aucun doute, et l on a la preuve,
dans
le cas
de
l interdit
célèbre
:
« Tu ne feras pas
cuire un
chevreau dans le lait de sa
mère »,
qu ils ont
prohibé là
une
coutume en
usage
dans les
peuples
de la
région.
Ce
n est
pas
cependant
point
par
point
que
le
régime
alimentaire
des
Hébreux
s oppose
aux régimes des autres peuples,
sinon il ne
leur
serait pas resté
grand-
chose à manger
Alors,
pourquoi ont-ils condamné
formellement
tel aliment
et
non
tel
autre ?
La raison n est
pas
à
chercher dans
la
nature de
l aliment,
pas plus que le
sens d un mot n est contenu dans le mot lui-même (il est contenu
dans
le dictionnaire,
qui définit ce
mot par d autres mots,
lesquels
renvoient
à d autres mots, sans que l on sorte
du dictionnaire).
Un
signe
social — ici un
interdit alimentaire — ne peut se comprendre isolément.
Il
est à
replacer au
sein
des
signes
de son
niveau, avec lesquels
il forme
système, et
ce système
doit être lui-même confronté aux
systèmes
de niveau différent, avec lesquels
il s articule
pour constituer le
système socio-culturel d un
peuple. Les
invariants
de
ce
système
devraient
nous
livrer les
structures fondamentales
de
la
civil
isation
hébraïque
ou,
ce
qui
revient peut-être
au
même,
les
structures mentales
des Hébreux.
Un
premier
invariant s offre de lui-même
dans
la notion de
«pureté »
qui sert
à qualifier les aliments permis. Pour
éclairer
cette notion, il faut d abord
y
voir
une valorisation
des
Origines. Dans
la mesure
où la
sortie
d Egypte et
la révé
lation
du Sinaï
représentent un
nouveau
départ
dans
l histoire
du
Monde,
on
peut supposer en effet que Moïse, ou ceux qui ont construit le système qui
porte
son
nom,
ont conçu cette nouvelle Création, la troisième, comme devant
être
articulée, faute de se dégrader à son tour,
au mythe
de la Genèse (que ce récit
ait
été
élaboré
ou seulement
pris
en
charge par
Moïse).
La
nourriture
de l homme
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J. SOLER LA
NOURRITURE DANS
LA
BIBLE
sera donc ďautant plus
pure
qu elle respectera davantage les desseins du Créat
eur. Or
le
mythe
nous dit
que
la nourriture prévue
pour l homme était
exclu
sivement
végétarienne.
Y
a-t-il eu, historiquement, une tentative pour imposer
aux Hébreux un régime végétarien
?
Rien
ne
permet de l affirmer, mais de cette
tentative, ou
en
tout
cas
de
cet
idéal,
la
Bible
porte
des
traces.
C est,
en
premier
lieu,
le fait que la
manne,
la seule nourriture quotidienne des Hébreux
pendant
l Exode,
soit
présentée comme végétale :
«
C était comme une graine de
coriandre blanche
et elle
avait
le
goût d une galette
au
miel»
(Ex., XVI,
31).
Les Hébreux,
d autre
part,
ont
des
troupeaux nombreux,
mais n y
touchent pas.
Cependant, les hommes se
révoltent deux fois contre
Moïse parce
qu ils veulent
manger de la viande.
Une
première fois dans le désert de Sin : « Que ne sommes-
nous morts de la main de Yahvé
au
pays d Egypte, quand nous
étions
assis
près
du
chaudron de
viande... »
(Ex., XVI, 3). Dieu leur
accorde alors le
miracle
des cailles.
La
deuxième
révolte
est rapportée dans Nombres (XI,
4)
: « Qui
nous
fera
manger de la viande
?
», clament
les
Hébreux. Dieu consent à renouv
eler
e
miracle
des
cailles mais
il
le fait
à
contrecœur
et
même
dans
la
plus
grande des
colères
: « Vous n en mangerez pas seulement
un
jour, ni deux jours,
ni
cinq jours,
ni
dix jours,
ni
vingt jours, mais tout un mois,
jusqu à
ce
qu elle
vous
sorte par le nez et qu elle
vous
soit
en dégoût » (Ibid.,
19-20). Et
d innomb
rables
Hébreux qui se jettent
sur
les cailles et s en gavent, en meurent.
Comme
dans le mythe
du Déluge, la
viande
reste marquée négativement.
C est
une concession de Dieu à l imperfection des hommes.
La viande
sera donc tolérée
par
Moïse, mais avec
deux restrictions
: en
renforçant
le tabou du
sang et en
prohibant
certains animaux.
L exclusion
du
sang donne
lieu désormais à
un
rite. Obligation est faite,
pour
manger de
la
viande,
de présenter la bête au prêtre,
qui
opère
«
un sacrifice de pacifique
»
où
il
répand le
sang
sur
l autel.
Il
ne
s agit
plus
seulement
de
séparer
la
part
de Dieu de
la part
de
l homme. Il
faut,
de plus,
racheter par un sacrifice le
meurtre commis sur la bête que l on veut manger.
Tout
meurtre doit être
compensé, selon
la logique
élémentaire
du
talion, par le meurtre
du
meurtrier :
ainsi l équilibre
est-il
rétabli. Étant
donné
que les animaux, comme l homme,
constituent
des «
âmes
vivantes
», l homme qui
tue
un animal
devrait être tué
à son tour.
Si
l on
s en tient
là, aucune
nourriture carnée
n est
possible.
La
solution est le recours
à un
rite
où
le sang de
l animal sacrifié
prend la place
du sang
de l homme
qui sacrifie
2 :
«
Car l âme de la
chair
est
dans
le
sang
et
moi,
je
l ai mis
pour
vous sur l autel, pour faire propitiation pour vos âmes,
car
c est le
sang qui
fait
propitiation pour l âme» (Lev., XVII, 10).
Si, au
contraire,
un
homme tue
lui-même une
bête
pour
la manger, «
le sang
sera
imputé
à
cet
homme
:
il
a
répandu
le sang
et
cet
homme sera retranché du sein
de son peuple », c est-à-dire mis à mort (Ibid., 4). On comprend ainsi l impor
tance u
tabou
du
sang. Ce n est
pas
un interdit
alimentaire parmi
d autres,
c est la
condition
absolue
pour
qu une
nourriture carnée
soit
possible.
Notons
que
le
Deutéronome
assouplit ce rituel. Avec
l instauration d un
sanctuaire
unique à Jérusalem,
il
devient difficile aux Hébreux
qui
habitent
2. Que le sang
d une
bête puisse racheter-épargner
la vie des
hommes qui l ont
sacrif
iée, on le voit
dans
l épisode d Ex.
XII
où,
la
nuit qui
précède la sortie
d Egypte, les
Hébreux sacrifient un agneau (l agneau
pascal)
et
enduisent
de son sang les portes de
leurs maisons ;
cette nuit-là,
Dieu frappe tous les premiers-nés d Egypte, à l exception
de ceux qui
vivent
dans
les
maisons marquées par
le
sang. Dans
le sacrifice
d Abraham,
aussi,
la
vie
d une
bête et
la
vie
d un
enfant
se
révèlent
permutables.
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CULTURE ET SOCIÉTÉ
loin
de la ville de se rendre
à
Jérusalem chaque
fois qu ils veulent
manger de
la
viande.
Il
leur est permis dans ce cas de sacrifier
eux-mêmes
des bêtes.
Ils procèdent alors
comme
dans
la
chasse,
où
les
sacrifices
rituels
sont
évidem
ment
mpossibles : « Tu pourras sacrifier et manger de la chair... comme
on
mange de
la
gazelle
et
du
cerf
;
il
n y
a
que
le
sang
que
vous
ne
mangerez
pas
tu
le répandras
sur
la terre, comme
de
l eau» {Deut.,
XII,
15-16). On saisit là
comment les variations d un système doivent
tenir
compte de l infrastructure
qu est la géographie 3.
En ce qui concerne la prohibition de certains animaux,
il
faut analyser
maintenant
les
deux
chapitres
(Lév., XI et
Deut., XIV) consacrés
à
la
distinction
des espèces pures et impures. Ni dans l un ni dans l autre texte, identiques pour
l essentiel, aucune explication
n est
donnée. La
Bible
indique
seulement
des
traits particuliers que les animaux purs doivent avoir — et encore pas
toujours
:
à
propos des oiseaux,
elle
se contente d énumérer les espèces
impures.
Il
est d abord question des animaux qui vivent sur
terre.
Ils sont « purs »
s ils ont
le
«
pied
ongle
»,
Г
«
ongle
fendu
»
et
s ils
«
ruminent
».
Le
premier
de
ces critères est destiné, de
toute évidence,
à repérer
les
herbivores. Les Hébreux
ont établi
une
relation entre la patte de
l animal
et son régime alimentaire.
Ils ont
fait
le même
raisonnement
que
Cuvier
: « Les animaux à sabots doivent
tous être
herbivores, puisqu ils n ont aucun
moyen de saisir
une proie
». 4
Mais pour
quelle raison les herbivores sont-ils purs
et
les carnivores
impurs
?
La
clef est à chercher, une fois encore, dans la Genèse, s il est vrai que les
lois
de Moïse
entendent
respecter le
plus possible la
volonté
première du
Créateur.
Or
le
Paradis est
végétarien
pour
les
animaux aussi. Le verset qui traite
de
la
nourriture humaine : « Voici que
je
vous ai
donné
toute herbe
émettant
semence,
qui se trouve
sur
la surface de toute la terre, et tout arbre qui a en lui
fruit
d arbre,
qui
émet
semence
:
ce
sera
pour
votre
nourriture
»,
est
suivi
d un
verset
relatif aux animaux (et l on
relèvera
au passage une
différence secondaire
qui
marque un
écart
entre l espèce humaine et les espèces animales) : « A
toute
bête sauvage, à
tout oiseau des cieux,
à
tout ce qui rampe sur la
terre, à tout
ce qui a en soi âme vivante, j ai
donné
toute herbe verte en nourriture »
(Gen., I, 29-30). Ainsi, les carnassiers
n entrent
pas dans le
plan
de la Création.
Si la
nourriture carnée
pose déjà un problème à l homme, à
plus
forte raison
s il s agit
de manger
un animal
qui
a lui-même
consommé de la
viande
et qui
a
tué
pour cela d autres animaux. Les carnassiers sont
impurs. En manger,
pour l homme, ce serait être
deux fois
impur.
Le
«
pied ongle
»
(le
sabot) est
donc un trait distinctif
qui s oppose
aux
griffes
dont
sont munis les carnivores :
chien, chat, félins, etc. — griffes
qui
leur permettent de saisir des
proies.
Ce
point
acquis,
l interdit
qui
frappe
la
plupart
des
oiseaux
cités
comme impurs
3.
Conformément au principe de l arbitraire du signe, la
vie
peut
avoir
d autres signi
fiants que le
sang
: par exemple, dans certaines sociétés,
la tête,
le cœur
ou la
matrice.
Dans
le Lévitique même,
la
graisse qui recouvre
les organes internes
est
prohibée et réser
vée Dieu (III, 16-17).
L usage
métaphorique du
mot
donne
à
penser
que la
graisse
est
conçue
comme
la
substance vitale
des
parties
solides
du corps :
« Pour que
je
vous
donne
le
meilleur
du
pays
d Egypte
et que vous
mangiez la
graisse du
pays
» (Gen.,
XLV,
18, etc.).
Le
nerf
sciatique,
interdit
lui aussi
à
la consommation, est
peut-être
interprété
comme
l élément par excellence de la
locomotion,
privilège du
vivant
: dans sa lutte
avec
l ange,
l atteinte de ce
nerf a
paralysé Jacob
(Gen., XXXII, 26-33).
Graisse
et nerf sciatique
seraient des
variantes secondaires du
sang, situées
à d autres niveaux.
4. Cité par le Dictionnaire Robert, article
«
sabot ».
Voir
aussi
F. Jacob,
La
Logique
du
vivant,
Paris,
1970, p. 119.
948
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
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J.
SOLER
LA NOURRITURE DANS
LA
BIBLE
devient compréhensible : ce sont des carnassiers, notamment les
rapaces,
à commencer par
«
l aigle »,
premier
nommé.
Mais revenons aux animaux terrestres. Comment
se fait-il
que
le critère
« pied
ongle
» soit
complété par deux autres ? C est qu il ne suffit
pas
à
classer
les
vrais
herbivores
:
il
laisse
passer
les
porcins.
Porcs
et
sangliers
ont
le
pied
ongle et
ils
sont
sans doute
herbivores,
mais ils sont
aussi
carnivores
5.
Aussi,
pour
isoler les purs herbivores, faut-il recourir à un second
critère
: la rumi
nation.
On
est sûr
que
les
ruminants
mangent de l herbe
:
ils la mangent
même
deux
fois. En théorie, ce caractère
est
suffisant
pour distinguer
les
purs herbi
vores. Mais
il
est difficile à
repérer,
surtout
sur les animaux sauvages qu on ne
peut bien étudier que morts. La
preuve
en est
que le
lièvre est considéré par
la Bible (Lev., XI, 6 et Deut., XIV, 7) comme
un
ruminant, ce qui est une erreur :
on
a confondu la mastication des rongeurs avec la rumination. Ce
critère
physiologique
a
donc
besoin d être doublé
par un
critère anatomique,
celui
du
sabot,
lequel
est renforcé en prenant
pour
modèle
le
sabot des
ruminants
qu on
connaît
le
mieux
:
les
bœufs
et
les
moutons.
(Le bétail
constitue
dans le
mythe
de
la Création
une catégorie à part,
qui s oppose
à
la catégorie des bêtes
sau
vages.
Il n y
a aucune
trace
de la domestication des animaux : le bétail a été
créé tel quel.)
Les
bêtes
sauvages pures
doivent
ainsi
être
conformes aux
an
imaux
domestiques
que
Ton
peut
consommer ;
or les bovidés
et
les
ovidés
reposent
sur le sol
par
deux
doigts
recouverts d un
étui corné. Ainsi
s explique
le
troisième
critère retenu
par
la Bible : Г « ongle
fendu
».
Il faut faire ici
une
remarque
importante : la présence
du critère «
ongle
fendu » élimine un certain
nombre
d animaux
qui
ne sont pourtant
qu herbi
vores
le cheval, l âne
et
principalement les trois animaux cités
par
le
texte
comme
impurs
: « le chameau », « le lièvre », « le daman ») Un
pur
herbivore
n est
donc
pas
forcément
un
animal
pur.
C est une
condition
nécessaire
mais
non suffisante. Il doit avoir
de
plus la
patte analogue à
celle
qui fixe la norme :
la
patte
des bestiaux.
Toute
conformation de la
patte
qui s écarte de ce modèle
est
conçue
comme une tare et
l animal
est impur.
Cette
notion
de «
tare
» et la valeur qu on lui attribue sont éclairées
par
divers
passages
de la Bible.
Le
Lévitique
interdit
de sacrifier des animaux
dont
l espèce est pourtant
pure, mais qui
présentent, à
titre individuel, des
anomalies
par rapport au type normal de l espèce :
«
Quand un homme
offrira
un sacrifice de
pacifique
à Yahvé,
pour
accomplir
un vœu ou en don volontaire,
qu il s agisse
de gros bétail
ou
de petit bétail, ce sera
un animal
parfait,
pour
qu il soit agréé,
il
n y aura aucune tare en lui. Un aveugle, un estropié, un mutilé,
un
tuméfié,
un
galeux,
un dartreux,
vous
ne
les
offrirez
pas
à
Yahvé
et
vous
ne mettrez
aucun d eux
sur
l autel
comme
sacrifice
par
le feu
à
Yahvé
»
(Lév., XXII, 21). Cet interdit est repris dans le
Deutéronome
(XVII, 1) : « Tu ne
sacrifieras
pas
à Yahvé, ton Dieu, un bœuf ou un mouton, qui ait une tare en
lui
ou
quoi que ce soit de mal,
car
c est
une
abomination pour
Yahvé,
ton Dieu. »
L équation est posée explicitement : la tare est un mal. Un trait fondamental
des structures
mentales
des Hébreux est mis là en
évidence.
Dans d autres
sociétés,
les êtres infirmes
sont
considérés
comme divins.
Ce qui vaut
pour l animal
vaut pour l homme. Le prêtre qui doit être un
5. Le
sanglier, avec
ses défenses qui
sont
des canines
développées, avait
tout
pour
être
classé parmi
les
bêtes
féroces
dont
il
est
dit
: «
Je
lâcherai
contre
vous
l animal
des
champs
et
il
vous
privera
d enfant,
il
exterminera votre
bétail
»
(Lév.,
XXVI,
22).
949
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
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CULTURE
ET SOCIÉTÉ
homme
pur, ne peut avoir
aucun défaut
physique.
Yahvé
dit
à
Aaron
{Lev., XXI,
17) : « L homme de ta race,
suivant
les générations
à
venir, qui aura une
tare
en lui,
n approchera
pas
pour
offrir
l aliment de son Dieu.
Car tout
homme
qui
a en lui une tare ne
peut
approcher, qu il
soit
aveugle ou boiteux, défiguré ou
disproportionné, ou
bien
un
homme
qui
a
une
fracture
du
pied
ou
une
fracture
de la main, ou s il est bossu ou
atrophié,
s il a une
tache dans
son œil, s il est
galeux ou
dartreux,
s il a un
testicule broyé, tout homme qui a en lui
une
tare,
de la race
du
prêtre Aaron, ne s avancera pas
pour
offrir les sacrifices
par
le feu
à
Yahvé...»
Quant aux
hommes qui
participent
au
culte, il
faut
qu ils soient
de vrais hommes : « Celui qui a les
testicules
écrasés ou
l urètre
coupé n entrera
pas dans
l assemblée
de
Yahvé»
(Deut.,
XXIII, 2).
L intégrité est une des compos
antes
de la pureté : eunuques et animaux castrés sont impurs.
A
la
tare,
il faut ajouter
l altération, qui
est une tare temporaire :
les
pertes
périodiques de
substance sont impures, qu il s agisse
de l émission de sperme
pour l homme ou des règles pour la femme (Lév., XV).
A
plus forte raison
sera impure
la
mort,
qui
est
la
perte
définitive de
l élément
vital
et
l altération
irréversible de l organisme.
La
mort est l impureté majeure pour les Hébreux.
Elle est si forte qu un grand prêtre (Lév., XXI, 11) ou un naziréen (Nbs., VI,
6-7) ne
peut
s approcher
d un
cadavre, même
si c est
celui
de
son père ou
de
sa mère, que le Décalogue demande pourtant ď «
honorer
».
Le scheme
logique qui
lie la pureté à l absence
de
tare ou
d altération
joue
au
regard des
choses, aussi
bien que des
hommes
ou des animaux.
Il
permet
de comprendre le statut des
ferments
et des
produits
fermentes. Je partirai
de la prohibition
du pain
levé pendant la Pâque. L explication que
donne
la Bible ne peut être
retenue :
il s agirait de
commémorer
la sortie
d Egypte
où,
dans leur précipitation, les Hébreux n ont pas
eu
le temps de faire
lever
la
pâte
(Ex.,
XII,
34).
S il
en
était
ainsi, il faudrait manger
du
pain
mal
levé
ou à moitié
cru, mais
pourquoi
du pain sans levain ? En réalité,
même
si
la Pâque est
une
fête
dont le sens, selon
les âges,
a
pu
varier
— c est le
cas
d autres institutions, notamment
du
sabbat — , elte fonctionne comme une fête
des Origines
où l on célèbre, aussi bien
la sortie
d Egypte et
la naissance d une
nation, que le
début
de l année religieuse, à la
première
pleine lune qui suit
l équinoxe du printemps.
Le
repas pascal est
un sacrifice
de renouveau
où
les
participants consomment la nourriture des
Origines
6. Ce
repas rituel
doit
comporter
des «
herbes
amères
»,
de la
viande
« rôtie
au
feu »
et
du «
pain
azyme »
(Ex., XII, 8).
Les herbes
amères sont à
comprendre, semble-t-il, en opposition
aux légumes, produits de l agriculture. Le rôti s oppose
au
bouilli, explicitement
proscrit
par
le
texte
(Ibid.,
9)
:
le
bouilli qui implique
des récipients,
obtenus
par
une
industrie,
même
élémentaire, est un
mode
de cuisson
tardif.
Quant
au pain azyme,
c est celui des Patriarches. Aux trois envoyés de
Dieu
en
route
vers Sodomě, Abraham sert
des galettes
de
fleur
de
farine
(Gen., XVIII, 6).
Celles-ci
sont
sans
aucun
doute identiques aux
galettes
que prépare
un
peu plus
tard Loth
pour
les
mêmes envoyés de Dieu :
« II
fit cuire
des
pains sans
levain
et
ils
mangèrent » (Ibid., XIX, 3). Mais le pain azyme n est pas pur seulement
parce
que c est
le pain
primitif. Il est pur
aussi et surtout
parce que la
farine
6.
« Se nourrir
n est pas simplement un acte physiologique, mais également un acte
religieux
: on
mange
les créations des
Êtres
Surnaturels, et on les
mange
comme les
ont
mangées
les
ancêtres mythiques,
pour
la
première
fois,
au début
du
Monde
»
(Mircea
Eliade,
Aspects du
Mythe,
Paris,
1963, p.
59).
950
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
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J.
SOLER LA
NOURRITURE
DANS LA
BIBLE
n y est pas
modifiée par le
ferment qu est
le
levain
: elle
est conforme à
son
être
naturel. Cette
interprétation
permet de comprendre que les aliments fermentes
ne puissent faire l objet
de sacrifices par le
feu
:
«
Aucune oblation
que
vous
offrirez
à
Yahvé
ne
sera
faite
de
chose
fermentée,
car
de
tout
levain
ou
de
tout
miel
vous
ne ferez rien fumer
comme sacrifice par le
feu
pour
Yahvé» (Lév., II,
n). Un produit fermenté est
un
produit altéré, c est-à-dire devenu autre.
La
fermentation est l équivalent
d une
tare. Vérification a
contrario : de la
même
façon que
les
ferments sont prohibés,
le
sel est
obligatoire dans
toutes
les obla
tions (Ibid., 13). L opposition
apparaît
donc nette entre le ferment, qui altère
l être,
et le
sel,
qui
le
conserve
dans
son état naturel.
Pain
levé,
miel
7 ou vin
ont
le même
statut d aliments
seconds
: seules les
nourritures
premières,
sorties
telles quelles
des
mains
du
Créateur, peuvent entrer
dans
cette cuisine sacrée
qu est un sacrifice. Sans doute, le vin
fait-il
l objet, dans le culte, de libations.
Mais
le prêtre
ne le consomme pas
et même
il
doit
s abstenir
de
toute
boisson
fermentée
avant
d officier,
«
afin
de
discerner
entre
le
sacré
et
le
profane, entre
l impur et
le pur »
(Lév., X, 10). Les boissons fermentées altèrent le
jugement
parce
qu elles
sont elles-mêmes des produits altérés.
La
libation de
vin
est
à
mettre
en parallèle avec la
libation
du sang, qu elle accompagne dans les
holo
caustes. Le vin est
versé
sur
l autel exactement comme
le sang
dont il est l équi
valent sur le plan végétal : le
vin
est «le sang des raisins» (Gen.,XUX., 11,
etc.).
Bref, pour reprendre mon propos, les animaux
terrestres
purs doivent être
conformes au plan
de la
Création,
c est-à-dire végétariens,
et conformes
de
plus à leur modèle idéal, c est-à-dire sans tare. Pour rendre
compte
maintenant
du partage entre poissons purs et poissons
impurs,
référons-nous encore une
fois
au premier chapitre de la Genèse.
Dieu crée d abord trois éléments : le ciel,
l eau
et
la terre et
il
crée
ensuite
trois types d animaux à partir de chaque él
ément : «
Que
les
eaux
foisonnent
d une
foison
d animaux
vivants
et
que
des
volatiles volent
au-dessus de la terre, à la
surface
du firmament des
cieux
»
(Gen., I,
20) ;
« Que la
terre
fasse sortir
des
animaux vivants selon leur espèce :
bestiaux, reptiles, bêtes sauvages, selon leur espèce » (Ibid., 24). Chaque animal
est
donc lié à un
élément
et à un
seul
8.
Il en est
issu et
il doit y vivre.
Le
cha
pitre XI
du Lévitique
et le chapitre XIV
du
Deutéronome reprennent cette
classification en trois groupes
: animaux
de la
terre,
de l eau
et de l air.
Au sujet
des animaux de l eau, les
deux
textes disent
seulement
: «
Tout
ce qui a nageoire
et écaille
dans l eau...
vous en
mangerez.
» Le
reste est
impur.
Il faut comprendre
que
la nageoire est l organe
de
la
locomotion propre
à
l animal vivant
dans
l eau. C est
l équivalent
des
pattes
pour les animaux terrestres, des ailes pour
les
animaux
du
ciel.
Et
il
faut
se rappeler
que
la
locomotion
est
ce
qui
distingue
les animaux des végétaux, lesquels
n appartiennent
pas, pour la Bible, à la
catégorie du
« vivant ». Les animaux
terrestres
doivent donc marcher,
les
pois
sons
nager, les oiseaux voler. Les
animaux
marins qui n ont pas de nageoires
et
qui ne se déplacent pas
(les coquillages) sont impurs. Les animaux
marins
7. Le miel
est un mets
déjà « cuisiné » ; «
il
peut être consommé frais
ou
fermenté » ;
il
« rayonne l ambiguïté par
toutes ses
facettes » (Lévi-Strauss,
Du
miel aux cendres,
Paris, 1964, p.
253).
8.
Dans Purity and
Danger,
London, 1966
(éd.
fr.
De
la Souillure, Maspero,
1971),
ouvrage dont
j ai
eu
connaissance
après
avoir
rédigé cette
étude,
Mary
Douglas adopte
une
approche
analogue
et
la
similitude
de
nos conclusions
sur
ce
point
est
frappante
(pp. 74-75
de
l éd. fr.).
4 951
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
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CULTURE
ET
SOCIETE
qui ont des
pattes
et qui marchent (les crustacés) sont
impurs aussi
: ils vivent
dans l eau avec des organes terrestres, ils sont à
cheval
sur deux éléments.
De même, les écailles s opposent à la
peau des
animaux terrestres, comme
au
plumage
des
oiseaux.
Pour
ces
derniers,
il
faut prendre
au pied
de
la
lettre
l expression biblique : « les oiseaux des cieux » ; ce n est pas une image
poétique
mais
une
définition. Dans la
formule :
«
une figure de quelque
oiseau ailé qui
vole
dans les
cieux »
(Deut.
IV,
17) se
trouvent réunis
les
trois
traits
distinctifs
de
l oiseau
pur : ailé ; qui vole ; dans les cieux. Soit un oiseau qui a des
ailes
mais
ne
vole
pas
(« l autruche » par exemple, citée dans le texte) : il est impur.
S il a des ailes, s il vole, mais
s il
passe son temps
dans
l eau
au
lieu de vivre
dans les airs,
il est impur
(la Bible
mentionne
«
le
cygne
»,
« le
pélican »,
« le
héron », et les échassiers). Les insectes posent un
problème.
«
Tout
insecte
ailé
qui marche
à
quatre
(pattes), dit
le
Lévitique
(XI, 20), sera
pour
vous
une
abomination ».
Il
ne
s agit
pas d insectes dotés de quatre
pattes,
pour la
bonne
raison
que tous
les
insectes
en
ont
six.
C est
le
mot
«
marcher
»
qui
fournit
la
clef.
Les insectes visés «
marchent
à quatre », c est-à-dire à la façon des animaux
terrestres-types
que sont les
quadrupèdes.
Leur
impureté
tient au fait que,
uoiqu
«
ailés
», ils marchent au lieu de voler. L exception que mentionne le
Lévitique (Ibid., 21) ne fait que confirmer la règle :
échappe
en effet à l impureté
l insecte
« qui
a des
jambes
au-dessus de ses pieds
pour
sauter avec elles
sur
la
terre ».
Le
saut est
un mode
de locomotion
intermédiaire
entre la marche et
le
vol.
C est presque un vol, pense le Lévitique, et il absout ces sauterelles ailées.
Mais le Deutéronome n est pas
convaincu
et
prohibe
tous les insectes (XIV, 19).
Le
Lévitique mentionne
encore,
in.
fine, quelques
espèces impures qui
échappent à sa classification en trois groupes et que le Deutéronome, pour cette
raison sans doute, ne reprend pas. Tout d abord les reptiles. Ils appartiennent
à
la
terre,
apparemment,
mais
n ont
pas
de
pattes
pour marcher.
«
Sur
ton
ventre tu marcheras », a dit Dieu
au serpent
(Gen. Ill, 14). C est une malédict
ion
out ce qui
rampe ou traîne son ventre
sur
la terre est
proscrit.
Ces
an
imaux vivent plutôt
sous
terre que sur
terre.
Ils ne
sont
pas vraiment « sortis
de
terre
»,
selon l expression de Genèse
I,
24. Ils
ne
sont pas tout
à
fait créés.
Au même titre que le serpent, le mille-pattes est condamné (Lév. XI, 30) avec
« tout ce qui
a une
multitude de
pieds
»
(Ibid.,
42).
Avoir trop de pattes ou
pas
du tout, c est du même ordre : l animal terrestre pur a quatre pattes et pas
n importe lesquelles, nous
l avons vu.
Tous
ces
animaux
sont marqués
d une tare : ils présentent
une
anomalie
par rapport à l élément
dont
ils sont issus, et aux organes qui caractérisent la
vie,
en particulier la
locomotion,
dans cet élément. S ils n appartiennent à
aucune
classe, ou à deux
classes
à
la fois,
ils
sont
impurs.
Impurs
parce qu impens
ables u lieu de répéter, en
effet,
qu ils
ne sont pas
conformes
au
plan de la
Création,
il
est peut-être permis d avancer
maintenant que le système aliment
aire
es Hébreux,
aussi bien
que le
mythe
de la Création du Monde,
reposent
sur
une
taxinomie
où l homme, Dieu,
les
animaux et
les
végétaux sont strict
ement définis, les
uns
relativement aux autres,
par
une série d oppositions.
L ordre que les Hébreux ont mis dans
le
monde
est
pensé
par
eux comme l ordre
selon
lequel
le monde a
été créé.
Et
l impureté, c est
le
désordre,
à
tous
les
niveaux.
952
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
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J.
SOLER LA
NOURRITURE DANS
LA
BIBLE
Pour ce qui touche
à l élevage et à
l agriculture, le
Lévitique
(XIX, 19)
mentionne
cet
interdit :
« Tu
n accoupleras
pas ton bétail
de deux
espèces
»,
repris dans
le Deutéronome (XXII,
10)
avec une variante :
«
Tu
ne
laboureras
pas avec
un
bœuf et
un
âne ensemble. »
C est
que les animaux ont
été créés (ou
classés)
«
chacun
selon
son espèce
»,
l expression
est
un
leitmotiv
de
la
Bible.
De
même
qu un
animal
pur ne peut appartenir
à deux
classes (être hybride),
de même
il
n est pas permis à l homme d unir des animaux d espèces
différentes
:
il ne faut pas mêler ce que Dieu (ou
l homme)
a séparé, que l union se
fasse
par
le sexe ou seulement par le joug.
A
propos des
végétaux
cultivés
: « Tu
n ense
menceras pas ton champ de
deux
espèces » (Lév., XIX, 19),
traduit
ainsi dans
le
Deutéronome (XXII,
19)
:
« Tu n ensemenceras pas
ta
vigne
de deux
espèces. »
Un interdit
analogue
s applique
aux choses : «
Un
habit de deux espèces,
hybride, ne
sera
pas
porté par toi
» (Lév., XIX, 19), ce qui devient dans le Deuté
ronome (XXII,
11)
:
«
Tu ne revêtiras
pas
un tissu hybride de laine et de
lin
»,
l origine,
soit animale,
soit
végétale, de
ces
fibres rendant plus
forte encore
la
distinction.
Sur
le
plan
des hommes,
le même scheme
peut se
lire
dans
l inter
diction
des mariages
mixtes
— -entre Hébreux
et étrangers
— (Deut., VII, 3),
comme dans le fait qu un métis (fruit d un mariage mixte)
ou,
selon une
autre
interprétation,
un
bâtard
(fruit d un
adultère)
ne peut entrer dans l assemblée
de Yahvé (Deut., XXIII, 3). On
comprend mieux dès lors, semble-t-il,
pourquoi
les Juifs n ont pas accepté la divinité de Jésus.
Un
homme-dieu ou
un
dieu
fait
homme,
c est ce
qui pouvait
heurter le plus
leur logique 9. Le
Christ
est l hybride
absolu.
Un homme est un
homme,
ou
il
est Dieu.
Il ne
peut
être
à la fois l un et
l autre. De
même, un
être humain est
un
homme ou une
femme,
pas les
deux
:
l homosexualité
est proscrite
(Lév., XVIII,
22).
L interdit
s applique
même
aux
vêtements
:
«
Une
femme
ne
portera
pas un
costume d homme
et
l homme
ne
revêtira
pas
un
vêtement
de femme...
» (Deut.,
XXII, 5). La
bestialité est
condamnée aussi (Lév.,
XVIII,
23),
sur
le même plan que l adultère (Lbid., 20)
et, en tout premier lieu,
l inceste
(Ibid.,
6
ss.)
:
«
celle-ci
est
ta
mère, tu ne
découv
riras
pas sa nudité ». Cette formulation
tautologique
laisse voir le principe
qui entre en
jeu
: à partir
du
moment où une femme
est définie
comme
«mère »
par rapport à un garçon,
elle ne peut être en
même temps pour lui autre chose.
L inceste
est
un
interdit logique. Les prohibitions
sexuelles et
les prohibitions
alimentaires se
révèlent
coordonnées. Ainsi
s explique
sans doute l interdit
le
plus
mystérieux
de la Bible : « Tu ne feras pas
cuire un
chevreau dans le lait
de
sa
mère
»
(Ex., XXIII,
19
et XXXIV, 26 ;
Deut., XIV, 21). Il faut
prendre ces
mots
au
pied de la lettre. Il est question d une
mère et
de
son
petit.
Traduisons :
tu
ne
mettras
pas
dans
la
même casserole,
pas
plus
que
dans le même
lit,
un
fils et sa mère 10. Ici, comme ailleurs,
il
s agit de maintenir la séparation entre
9. Cf.
Évangile
selon Jean (X, 31-33) : «
Les
Juifs apportèrent des pierres pour le
lapider. Jésus leur dit alors Je vous
ai
fait voir quantité
de
bonnes
œuvres, venant
du
Père
pour laquelle me
lapidez-vous ?
Les Juifs
lui
répliquèrent : Ce n est pas pour
une
bonne œuvre que nous te lapidons ; c est pour un blasphème : parce que toi,
qui
n es
qu un homme,
tu
te fais
Dieu .»
(Les^
citations
du
Nouveau
Testament sont tirées de la
Bible
traduite
sous la direction de l École
Biblique
et
Archéologique
française de Jéru
salem
éd.
du
Cerf.)
10. Cf. l interdiction de prendre, dans
un
nid d oiseau, la mère en même temps
que
les petits ou les œufs —
les
œufs suffisant à représenter
les
petits,
comme
le lait la mère
du
chevreau (Deut.,
XXII,
6-7).
Ou
encore
l interdiction d immoler
le
même
jour une
953
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
http://slidepdf.com/reader/full/la-nourriture-dans-la-biblejean-soler 13/14
CULTURE ET SOCIÉTÉ
deux
classes
ou deux
types de relations. Abolir la
distinction par un acte
qui
relève
de la
sexualité
ou de la cuisine, c est
attenter
à l ordre
du Monde.
On
appartient à une espèce
seulement,
à un peuple, à un sexe, à une catégorie.
Et de même
on n a
qu un Dieu : «
Voyez
maintenant que c est moi qui suis
moi,
et
qu il
n est
point
de
Dieu
à côté
de
moi»
(Deut.,
XXXII,
39).
La
clef
de voûte de cet ordre
est
le principe
d identité, érigé
en
loi de l être.
La logique
de
Moïse
est
remarquable par
sa rigueur et,
pour
mieux
dire,
sa rigidité.
C est une logique
«
à
la nuque raide
», selon
l expression que Yahvé
applique
à son peuple.
Il
va de soi que la
fixité
de
cet ordre
a été un puissant
facteur
d unification et
de conservation
pour un
peuple qui s est voulu
« à part » u.
En
contrepartie, la religion de Moïse, inséparable
du
système
socio-culturel
des
Hébreux,
ne
pouvait
que
perdre en
pouvoir
de
diffusion
ce
qu elle gagnait en
pouvoir
de
concentration.
Le
christianisme, pour
naître,
a
dû rompre avec les
structures
qui isolaient les Hébreux des autres peuples.
Et l on
ne s étonnera pas qu une
des ruptures
décisives
porte
sur
la nourriture.
Matthieu fait dire à Jésus (XV, 11) : «
Ce
n est pas ce qui entre dans la bouche
qui rend l homme impur ; mais ce qui sort de sa bouche,
voilà
ce qui rend
l homme impur. » Des paroles semblables sont rapportées par Marc,
qui
commente
:
«
Ainsi il déclarait
purs
tous
les aliments » (VII, 19).
Le sens
de ce
rejet des interdits alimentaires éclate dans
l épisode
de la vision de Pierre,
à
Jaffa
(Actes
des
Apôtres, X) : une nappe descend
du ciel avec des
animaux
purs et
impurs
et la voix de Dieu
dit
à Pierre : « Tue et mange. » Pierre
résiste
par
deux fois
à
cet ordre, en
affirmant
qu il est
un bon
Juif et qu il
n a
jamais
rien
mangé
d impur.
Mais
Dieu
réitère
son
ordre
une
troisième
fois.
La
per
plexité de
Pierre
est levée
par l arrivée
de trois hommes envoyés
par
le centurion
romain
Corneille, en
garnison
à Césarée. Corneille
veut
entendre Pierre lui
exposer la
nouvelle doctrine
qu il
propage.
Et
Pierre, persuadé
jusqu alors que
la réforme de Jésus ne
s adressait
qu aux
seuls Juifs,
comprend
qu elle vaut
aussi
pour
les païens. Il se rend à Césarée, partage le repas d un non-juif, parle
à Corneille et le baptise. Corneille est le
premier
non- uif converti
au
christia
nisme.
La
vision où la distinction entre
aliments
purs et
impurs
était abolie
dénotait donc l abolition de la distinction
entre Juifs
et non-
uifs.
A
partir
de
là, le
christianisme peut se
répandre en
se
greffant
sur
la civil
isation gréco-romaine,
prête, elle, à accueillir tous les
mixtes,
à
commencer par
un
homme-dieu.
Un nouveau
système
va
s élaborer,
construit
sur
d autres
structures. De
ce
fait,
les matériaux qu il
prend
au premier changent de valeur.
Le
sang,
par
exemple,
est
consommé
par le
prêtre, dans
le sacrifice
de la
messe,
sous la forme de son
signifiant,
« le sang des
raisins
».
C est
que la fusion est
désormais
possible
entre l homme et Dieu
grâce
au
moyen
terme
qu est
le
Christ. Le sang, qui était un isolant entre les
deux
pôles, devient un corps
conducteur. Ainsi,
tout emprunt
du christianisme
au judaïsme,
toute citation
vache ou
une
brebis avec
son
petit (Lév.,
XXII, 28).
Ces deux
actes
pourraient être
suivis
d un inceste culinaire.
11. « C est
un
peuple
qui demeure à part et qui n est
pas compté
parmi les nations
»
(Nbs.,
XXIII,
9).
954
7/18/2019 La Nourriture Dans La Bible_Jean SOLER
http://slidepdf.com/reader/full/la-nourriture-dans-la-biblejean-soler 14/14
J.
SOLER LA
NOURRITURE
DANS LA
BIBLE
du
texte biblique
dans
le texte de la
civHisation
occidentale
(dans
la littérature
française, par exemple) relèvent de ce que Lévi-Strauss a comparé au
«
bricolage
» 12.
Par contre, quelles qu aient pu être les variations du système de Moïse
au
cours
de
l Histoire,
elles
ne
semblent
pas
avoir ébranlé
ses
structures
fonda
mentales.
Cette logique qui pose ses termes en
opposant
des
contraires et
qui
se donne
pour
règle de refuser
l hybride,
le mélange, la
synthèse
ou le comprom
is
n
la voit peut-être en action,
aujourd hui
encore, en Israël, et pas
seulement dans la cuisine.
Jean Soler.
12.
Lévi-Strauss,
La
Pensée sauvage,
Paris,
1962,
pp.
26
ss.
955