la grande aventure des celtes
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À l'occasion du 44e Festival interceltique de Lorient, Historia retrace l'épopée des Celtes de la réalité au mythe.TRANSCRIPT
SEPTEMBRE 2014 - N° 810
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Le passé éclaire le présent AOÛT 2014 - N° 812www.historia.fr
ACTUALITÉS LES CHASSEURS DE TRÉSORS SOUS-MARINS
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EXPOSITIONLONDRES FÊTE LA DYNASTIE DE LA REINE VICTORIA
REPORTAGEMAZAGAN, LA PERLE MAROCAINE… DE L’AMAZONIE
• Une civilisation novatrice • Un art de vivre millénaire• Une civilisation novatrice • Un art de vivre millénaire Un art de vivre millénaire
DES CELTES
FESTIVAL INTERCELTIQUE DE LORIENT du 1er au 10 aoûtUn peuple méconnu et fascinant
DES CELTESDES CELTESLa grande aventure
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Véronique DumasCollaboratrice régulière de notre magazine, elle a parcouru Toulon et sa rade, à la recherche de la petite et grande Histoire (p. 76).
Paul RogerDocteur en histoire, spécialiste de la Royale, des grandes batailles navales et des naviga-teurs illustres, il brosse le destin de l’amiral Sidney Smith (p. 60).
Xavier DonzelliJournaliste à Historia, il nous révèle le destin peu banal d’une ville portugaise dont l’histoire se déroule sur les deux rives de l’Atlantique (p. 54).
Laurent VissièreMembre du comité édi-torial d’Historia, agrégé de l’université, maître de conférences à Paris IV-Sorbonne, il nous plonge au cœur de la bataille de Crécy (p. 48).
Simon VeilleJournaliste, historien, il a publié Einstein dans la tragédie du XXe s. (Imago, 2013). Il s’est penché sur les racines du Festival de Lorient (p. 38).
Patrick HuchetNé sur les rives de la ria d’Étel, il sillonne la Bretagne depuis de nombreuses années et évoque pour nous la renaissance des bagadou (p. 36).
Pierre JoannonGrand spécialiste de l’Irlande (Histoire de l’Ir-lande et des Irlandais, Perrin, 2006), il retrace la lutte qui opposa Gaëls et les « pâles étrangers » (p. 30).
Bernard RioAuteur de nombreux livres (dont Bretagne secrète de A à Z, éditions du Rocher, 2011), il revient sur l’histoire des peuples celtes (p. 22).
6 �ActualitésChasseurs de trésorsÀ la découverte des épaves grâce à l’archéologie sous-marine.
10 À l’afficheExpos (« Victoria et les siens »…), cinéma, théâtre…
16 �L’art de l’HistoireErasmus de Bie
47 �Un mot, une expressionUn plébiscite
48 ce jour-làLa bataille de Crécy (26 août 1346)
54 �reportageMazagan, la perle des sablesau XViiie siècle, les habitants portugais de cette place forte sont chassés du maroc. ils rebâtiront leur cité… au Brésil !
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DossierLes CeltesOù commence le mythe ? Où s’arrête l’Histoire ? À l’occasion du 44e Festi-val interceltique de Lorient, Historia revient sur ce peuple mystérieux. Et retrace sa formidable épopée
// 22 Sept peuples, une même culture
// 30 Ces irréductibles Irlandais
// 36 Le triomphe des sonneurs
// 38 Les racines du Festival interceltique de Lorient
// 44 La programmation du Festi-val : la sélection d’Historia
60 PortraitSir Sidney SmithCet amiral de la Navy, fin stratège et ambitieux, n’eut qu’un rival, et ce fut – pour son malheur – Nelson.
66 Les hauts lieux de la préhistoireFont-de-Gaume
68 L’inédit du moisLe paysage expliqué aux touristes
70 L’air du tempsLes Vacances au bord de la mer
72 Pas si bête !La salamandre, petite mais royale
74 À tableLes artichauts à la toulonnaise
76 Spécial villeToulon, l’arsenal de charmePour le meilleur et pour le pire, la cité est devenue, depuis 1481, le port d’attache de notre marine…
87 Un illustre inconnuFulton
89 Mots croisés
90 Livres
98 Les couacs de l’HistoireLa naissance de Louis XIV
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Partout, le carnaval connaît un regain de vitalité. C’est ce que démontre l’ex-position « Le monde
à l’envers », proposée au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditer-ranée (MuCEM), à Mar-seille. Outre une sélection riche d’éléments – mas-ques, costumes, coiffes, chars, fétiches – attachés à ce moment de liesse popu-laire, y sont également présentées des peintures d’artistes ayant réussi à traduire, dans des com-positions flamboyantes, l’effervescence et les bom-bances caractérisant cette parenthèse de transgres-sion et de désordre. C’est le cas de la toile Procession de chars sur la place du Meir, à Anvers (1670), qui montre un défilé d’animaux géants aussi spectaculaires que ceux qui font aujourd’hui le succès de la compagnie de théâtre Royal de luxe. Cette peinture, maintes fois reprise et réinterpré-tée par plusieurs artistes, dont Alexander Van Bre-dael en 1697, est considérée
comme le chef-d’œuvre du peintre anversois Eras-mus de Bie (1625-1675), qui aurait été l’élève de David Ryckaert.Un peu partout, les masca-rades rurales et les carna-vals dits « traditionnels » ou « historiques » renais-sent. Ces processions se déroulent, selon le calen-drier chrétien, le Mardi gras précédant le carême, mais elles s’enracinent dans les rites païens qui marquent le passage d’une saison à l’autre. Et, bien que l’on ne s’accorde pas toujours sur les origines exactes de cette irrup-tion festive et subversive, beaucoup de chercheurs et d’historiens soulignent son lien étroit avec les for-ces de la nature de même que la troublante répéti-tion de ses pratiques au cours des siècles.Ainsi, dans le monde grec, les poteries montrent- elles déjà des êtres hybri-des, humains à tête de bête, masqués et traves-tis. En Attique, les petites filles apprennent à « faire l’ourse », et à Sparte les
garçons, devenus loups ou renards, se livrent à des danses grotesques, imitant des satyres, des gorgones ou de vieilles édentées… Ces ripailles échevelées sont dénoncées par les Pères de l’Église à partir du IVe siècle. Sont visées les saturnales et les calen-des de janvier – leurs dan-ses, leurs déguisements avec inversion sexuelle, les masques de monstres qui, selon les ecclésiastes, relè-vent de l’indécence, de la souillure, de la luxure. Comme le souligne l’histo-rien Michel Vovelle dans le catalogue de l’exposi-tion : « Entre le solstice d’hiver et Pâques, dans la période hivernale de l’at-tente du printemps, dans l’angoisse des forces obs-cures et des forces maléfi-ques, un conflit d’appro-priation du temps sacré et/ou festif oppose le monde ancien et le nouveau. » Et ce n’est qu’au XIe siècle que le concile de Bénévent, en fixant le début du carême au mercredi des Cendres, entérine la naissance de ce qu’on appelle le carnaval.
Aux XVe et XVIe siècles, toujours selon Michel Vovelle, « l’ours et l’homme sauvage visitent la cité pour annoncer le prin-temps, mais ce sont les masques et les fous qui tiennent le haut du pavé, quêtant et répandant la parole, où la scatologie, l’apologie de la bonne chère et de la sexualité débri-dée esquissent le portrait d’une société où les lois sont inversées ».Et c’est bien là le problème : la Réforme serre la vis, préfigurant une période de déclin. Il faut attendre le XIXe siècle pour que s’ouvre une nouvelle ère : le carnaval comme contre-modèle ou contre-religion disparaît au profit de fêtes spectaculaires, comme à Rio ou à Nice. Ce qui n’ex-clut pas, au tournant de l’hiver, les processions de village animées par la peur millénaire de ne pas voir la nature renaître. Ces rituels avec troupes de masques sorties de la nuit témoignent du principe de l’éternel retour. L Élisabeth Couturier
l’art de l’histoire
Jusqu’au 25 août, carnavals et mascarades sont à l’affiche du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille. Illustration avec une toile de ce peintre du XVIe siècle qui fit toute sa carrière dans la cité des Flandres.
Erasmus de Bie : l’Anvers du décor
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La pLace du Meir, à anvers. Elle se trouve au cœur de la ville, à l’intersection de rues commerçantes. Elle est bordée de maisons bourgeoises flamandes aux toits en escalier. Plus tard, au XVIIIe siècle, dans son prolongement sera érigé l’hôtel Susteren (1745), palais royal de style rococo, où de nombreux souverains éliront domicile.
1 La fête. Il ne s’agit pas vraiment d’un
carnaval, avec ces chars impressionnants entourés d’une foule bigarrée, mais de l’ommegang, festivité donnée en l’honneur de la Vierge, patronne de la ville d’Anvers, qui avait lieu le 15 août. Il était courant au XVIIe siècle de voir des chars et des géants rythmer une fête chrétienne – les domaines religieux et païen étant à cette époque intrinsèquement mêlés.
2 Le géant. Druon Antigon, immortalisé par
Erasmus de Bie, est apparu pour la première fois en 1535 à Anvers. Il a probablement inspiré l’artiste Alexis Bafcop (1804-1895), le père de Reuze Papa, le géant de Cassel, créé, lui, en 1827. Tous deux sont des légionnaires et ont les mêmes insignes, le même faciès.
3 neptune. Le dieu de la Mer, au centre du tableau,
chevauche une baleine qui arrose les badauds. Le mammi-fère marin évoquerait les nombreux dangers auxquels les navires marchands sont exposés : tempêtes, pirates, animaux…
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« Procession de chars sur la Place du Meir, à anvers » (1670).� Huile sur toile (89 x 120 cm).• Musée de Flandre, Cassel.
dossier
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tutélaire Forgé il y a 2200 ans, le mystérieux dieu aux cerfs du Chaudron de Gundestrup peut garder le sourire : la culture qui l’a vu naître a laissé bien des traces…
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La grande aventure
des celtesIl y a 2 500 ans, ils régnaient sur l’Europe. Il y a deux
siècles, leurs lointains descendants étaient cantonnés
aux confins des terres occidentales et soumis à des for-
mes d’apartheid culturel. Aujourd’hui, leur identité,
leur langue – et parfois leur autonomie politique – est
reconnue, des Asturies à l’Écosse. Et le tout, sans révo-
lution… et en musique. C’est pourquoi Historia revient
ce mois-ci sur le succès du Festival interceltique de Lo-
rient, qui fête, ce n’est pas rien, sa 44e édition, avec une
invitée d’honneur, l’Irlande. Cette manifestation, qui
s’est imposée par sa fréquentation comme l’un des évé-
nements majeurs de la saison culturelle européenne,
prouve la vitalité et le rajeunissement de la culture
« celte » : échappant à la mondialisation uniformatrice
comme au folklore rance, il ressort du généreux pro-
gramme du festival l’envie de mieux connaître ces sept
merveilles, que sont les sept « nations » conviées à célé-
brer l’éternel retour du monde celte…
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imprenable. Des remparts de 400 m de côté, 13 m de hauteur, 11 m d’épaisseur… La citadelle, achevée en 1548, bravera les princes maures plus de deux siècles durant.
Par Xavier Donzelli – photos : Manuel Cohen
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Mazagan, la Perle
Des sablesLes habitants de cette place forte portugaise céderont la ville aux
Infidèles. Peu importe : ils la rebâtiront au
Brésil !
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La médina occupe l’ancien préside portugais. De la forme d’une étoile, il possède la force et l’élégance bru-tes des ouvrages défensifs bâties à la Renaissance. Les murs de cette citadelle, bien qu’érodés par les siècles, sont toujours debout, tout comme ses portes monumentales. La peinture des habitations cloque par endroits, et des bosquets de mauvaises herbes ont envahi le chemin de ronde. Ces aléas cos-métiques font aussi le charme de la ville, classée en 2004 au patri-
moine mondial de l’humanité par l’Unesco.Mazagan… Ce nom à consonance « luso-arabe »
serait une déformation de Mazigha (la « source »). Un toponyme qui va de soi, quand on sait que la région est une oasis, et c’est précisément pour ses réserves d’eau douce, et son mouillage sûr, que les marins lusitaniens, faisant voile vers l’Orient, s’implantent au début du XVe siècle dans cette anse à mi-chemin entre Tanger et Agadir. L’intérieur du pays, brûlé par le soleil, veiné par les contreforts du Haut-Atlas, est le royaume aride des Doukkalas.
Les Portugais ne sont pas les bienvenus. Au lendemain de la Recon-quista (1492), les Maures voient d’un mauvais œil l’implantation en terre d’islam de ses adorateurs du Christ. D’autant que les nouveaux venus, en ouvrant des factoreries ( feitorias) tout le long du littoral marocain, ont siphonné une partie du tra-fic des caravanes sahariennes, qui acheminaient jusqu’aux ports de la Méditerranée les épices, l’or, le cuivre. Les colons, menacés, prennent donc les mesures qui s’imposent : ils se retranchent derrière leur citadelle et prient pour leur salut dans les lieux saints… Hors les murs, on ratisse, on bine, on plante. Le ciel se montre généreux, la terre est fertile, la mer nourrit avec abondance. La viande, elle, provient des tribus voisines. Voilà pour le menu. Mazagan s’érige doucement, elle vit chichement, guettant à l’horizon les étendards hostiles ou le passage d’une voile amie qui apporte subsides et souvenirs du pays. Des treize places fortes bâties par les Portugais en territoire maro-cain, Mazagan sera la dernière à rester debout.
Par une porte dérobée dans une ruelle de la médina, on accède au secret de cette longévité : la source. C’est une citerne discrète, creusée dans la muraille, pour
recueillir et stocker l’eau douce. L’endroit ressem-Bru
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Derrière une porte dérobée, la médina couve le secret de sa longévité : la source
les couacs de l’histoire Par Joëlle Chevé
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les couacs de l’histoire Par Joëlle Chevé
Depuis 1615, quatre fausses couches ont brisé l’espoir d’Anne d’Autriche et attisé le ressentiment de Louis XIII, qui songe à la répudiation
contrarié car il estime qu’à l’étranger la duchesse sera encore plus dange-reuse et incontrôlable. Quant à la reine, elle est effondrée. Il ne man-querait plus que son portemanteau, Pierre de La Porte, qui a acheminé ses courriers et qui a été embastillé et menacé de la question, fasse des aveux contredisant les siens. Marie de Hautefort prend à nouveau tous les risques. Déguisée en servante, elle se rend à la Bastille et convainc le com-mandeur de Jars, emprisonné en 1633 pour avoir comploté contre le cardi-nal, de faire passer les instructions de la reine à La Porte.Anne d’Autriche a frôlé le pire, en l’occurrence la répudiation, selon des rumeurs à Madrid et à Rome. Mais le problème entre elle et Louis XIII est celui de la stérilité de leur couple après plus de vingt ans de mariage. La disparition de la diabolique « Che-vrette » a-t-elle dénoué l’aiguillette de Louis XIII ? Entre ses deux maîtres-ses platoniques, dont l’une, Marie de Hautefort, se rit de lui, et l’autre, Louise de La Fayette, lui préfère le couvent, a-t-il songé qu’il lui restait une épouse ? Anne d’Autriche a-t-elle pris conscience que son seul rempart en France était son époux ? Quoi qu’il en soit, le 5 septembre 1638, un an jour pour jour après la fuite de Mme de Che-vreuse, naît « l’enfant du miracle », le futur Louis XIV. La Porte, dans ses Mémoires, écrit qu’il est « l’enfant de son silence », d’autres affirment qu’il fut conçu lors du violent orage du 5 décembre 1637, qui força le roi à cou-cher au Louvre, d’autres encore que le ciel avait entendu les prières de Mlle de La Fayette et de Mme de Hautefort… L
L’affaire débute comme une tragi comédie. Et finit de même ! Anne d’Autriche, alors que la France est en guerre contre l’Espagne, entretient une cor-
respondance secrète avec ses frères, le roi d’Espagne Philippe IV et le car-dinal-infant, gouverneur des Pays-Bas espagnols. Le 15 août 1636, som-mée par Richelieu, elle avoue à demi sa trahison sous serment ! Elle veut en effet protéger les bénédictines du Val-de-Grâce, où elle a pris l’habitude de se retirer pour recevoir en privé sa famille ou lui écrire. Et elle veut aussi gagner du temps pour que son amie et intermédiaire entre Paris et Bruxelles, Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, soit avertie à temps pour confirmer ses dires. Marie de Hautefort, dont Louis XIII est amou-reux mais qui est la dame d’atours et la très loyale amie de la reine, prend l’affaire en main. Elle convient avec Mme de Chevreuse, exilée en Touraine
depuis 1633, qu’elle lui enverra un livre d’heures rouge en cas de danger, bleu s’il n’y a rien à craindre. Le 5 sep-tembre 1637, la duchesse reçoit un livre relié de rouge… Le soir même, déguisée en homme, elle galope à bride abattue vers l’Espagne.Marie de Hautefort a-t-elle voulu débarrasser la reine d’une amie trop encombrante ? Son émissaire a-t-il mangé la consigne ? Mme de Chevreuse, affolée, a-t-elle décidé de partir en dépit des ordres de la reine ? Seul Louis XIII se réjouit du départ de celle qu’il estime responsable des tra-hisons de son épouse et dans laquelle, jusqu’à sa mort, il verra l’incarnation du diable ! Richelieu, pour sa part, est
Pendant vingt ans, la cour prie pour que la reine mette au monde le dauphin. Sa patience va être récompensée par un coup du sort.
La naissance de Louis XIV