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La Collection PRINTEMPS 1, r u e G a z a n , P A R I S (XIVe)

p a r a î t d e u x fois p a r m o i s ( l e s 2e e t 4e d i m a n c h e s ) sur 90 pages illustrées, sous double couverture de luxe en couleurs, au pr ix de 0 fr . 75 (1 f r a n c franco).

Un roman complet en I volume

D E R N I E R S V O L U M E S P A R U S

N° 236. — Un Naufrage en Patagonie, par Léon LAMBRY. N° 237.— L'Éléphant blanc, par M. de CRISENOY. N° 238. — Un Drame au Labrador, par Ernest ANDOLLY. N° 239. — Des Pas dans la Vase, par René LOUYS. N° 240.— Deux Timbres sur une enveloppe, par Noël TANI. N° 241.— Mission Secrète, par Michel DORLYS. N° 242.— La Tour du Nord, par M. de CRISENOY. N° 243.— L'Arbre mangeur d'Hommes, par G. de BOISSEBLE. N° 244.— Le Parchemin révélateur, par L. de MAUREILHAC. N° 245.— Trouvez-moi, par J. ANGIOUX. N° 246.— Tragique Odyssée, par Jean DAYOL. N° 247. Route Barrée, par M. de CRISENOY. N° 248. — Un Coup de Feu dans la Forêt, par Gaël de SAILLANS. N° 249.— L'Homme en gris, par Claude RENAUDY. N° 250. — Le Vent tourne, par J. de CHATEAULIN. N° 251. — Une Aventure dans le Fou-Kien, par Léon LAMBRY. N° 252. — Malgré Lui ! par S. PASCAL. N° 253.— La Flèche empoisonnée, par Noël TANI. N° 251. — A Bord du « Loyalty », par Th. BERNARDYE. N° 255.— Le Bracelet de Cristal, par G. VERDAT. N° 256. — Le Fétiche, par M. D'URBAL.

Abonnement d'un An (24 vol.) : France, 1 5 fr.; B e l g i q u e , 2 6 f r . b e l g e s ; Su i s se , 4 f r . 5 0 s u i s s e s ; U n i o n p o s t a l e , 2 5 f r . a u t r e s p a y s é t r a n g e r s , 3 0 f r .

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Roman d'aventures africaines

par MYRIAM CATALANY

I

Une cloche sonna dans les profondeurs du vaste établissement. Aussitôt, l'Ecole professionnelle de Notre-Dame de Septmons s'anima et se mit à bruire comme une ruche, depuis les ateliers Saint- Joseph, où travaillaient les apprentis charpentiers, menuisiers et ébénistes, jusqu'aux usines Saint- Eloi où les futurs métallurgistes s'initiaient au maniement du fer et de l'acier, tant à la forge qu'au tour et aux tables d'ajustage.

C'était, pour les internes, la récréation; pour les externes, la sortie. Et l'on vit promptement une fourmilière d'adolescents et de garçonnets en cottes bleues ou brunes envahir les cours, tandis

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qu'en défilé pressé les heureux externes sortaient des vestiaires.

Parmi les « sortants », un jeune garçon d'en- viron treize ans se faisait remarquer par son im- patience. Il piétinait sur place, trouvant que la file n'avançait pas, si bien qu'un « prof », remar- quant son énervement et en connaissant probable- ment les causes, lui dit avec bonté :

— Michel Viarmez, sortez des rangs. Venez par ici !

Le gamin obéit; son maître lui fit longer le long serpent vivant qui allait jusqu'à la sortie, et, là, écartant les plus proches du seuil, libéra Michel.

— Merci, Monsieur!... jeta le petit avec une pro- fonde expression de reconnaissance.

Et il s'élança dans la nuit tombante vers l'un des tramways qui, stationnant près de là, était pris d'assaut par les élèves. Il y trouva place; le véhicule s'ébranla presque aussitôt.

Le départ de Viarmez avait suscité quelques murmures parmi ceux qui ne « savaient pas ». Mais ceux qui « savaient » les renseignèrent en quelques mots :

— On est sans nouvelles de son père; alors il lui tarde toujours d'être rentré chez lui pour sa- voir si rien n'est arrivé en son absence.

— Pauvre Michelet!... répondait-on, une nuance de pitié dans la voix.

C'est qu'il était sympathique à tous, Michelet, avec sa bonne tête brune et frisée, ses joues cou- leur de pain brûlé tellement le hâle des vacances y avait mordu, sa bouche rieuse et ses yeux d'un bleu clair, lumineux, jolis comme deux pervenches dans cette figure cuite. Ardent au jeu comme au travail, c'était le modèle des élèves. Il n'avait qu'une ambition : être aviateur, comme son père.

Ce dernier, Viarmez (Louis-Etienne), avait été un héros de l'escadrille de Guynemer qui l'ho- norait d'une amitié et d'une estime particulières. La liste de ses victoires était longue... A la fin des hostilités, l'aviateur avait poursuivi sa car- rière dans le civil. Il était entré comme pilote dans la puissante Société France-Aérienne et assu- rait, à travers l'Afrique, la liaison de nos colonies d'outre-mer avec la métropole.

Une très grave maladie de sa femme avait né-

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cessité, récemment , des soins coûteux. M Viar- mez se rétabli t , mais bien incomplè tement . C 'é ta i t une femme de san té fragile, t rès délicate, e t à qui toute fa t igue devai t être évitée. H e u r e u s e m e n t , une peti te bonne i ta l ienne, nommée Francesca , vaqua i t d i l igemment a u x soins de la ma i son e t de la cuisine. La villa louée p a r l ' av i a t eu r se trou- va i t à Toulon, à quelques centaines de mè t res de la mer . On ava i t une vue superbe s u r le Mou- ri l lon e t Saint -Mandrier . M. Viarmez, au r e tou r de ses voyages africains, a t t e r r i s sa i t à l 'aéro- drome, et, s a u t a n t dans s a pet i te torpédo, il filait vers le Nid de Roses, où l ' a t t enda i t le sour i re fri- l eux de s a chère Annie .

Or, u n soir, il y ava i t de cela cinq jours déjà, les hab i tan t s du Nid de Roses ava ien t a t t e n d u en vain le ronflement famil ier du moteur . Vers la tombée de la nui t , cependant , u n b ru i t d ' au to s ' app rochan t leur donna une émotion joyeuse. Hé- las! . . . c 'é ta i t l ' un des ingén ieurs de l ' aé rodrome qui venai t annoncer que l ' av ion d 'Af r ique avai t u n re tard incompréhens ib le e t qu ' i l é ta i t inu t i le que la famille de l ' av ia t eu r l ' a t t end î t a u j o u r d ' h u i ! Au- cun té légramme n ' é t a i t arr ivé, et la météorologie n ' annonça i t aucune t empê te en mer n i s u r le ter- ri toire nord-africain. I l y ava i t donc lieu d 'espérer que, t rompé par le brouil lard, Viarmez avai t a t t e r r i quelque pa r t e t donnera i t le l endema in s igne de vie.

Malheureusement ces prévis ions opt imis tes ne s ' é ta ien t pas réalisées. On a p p r i t success ivement des nouvelles a la rmantes . L ' av ion ava i t été aperçu pour la dernière fois dans u n pe t i t doua r du Maroc espagnol . Il pa ra i ssa i t désemparé , vo- lai t très bas et cherchai t év idemmen t à se poser; Puis la n u i t é tai t venue. . .

Enfin, l ' inqu ié tude , après cinq jours, é ta i t à son comble, et l 'on é ta i t encore dans l ' incer t i tude au su je t de Viarmez, de son appare i l e t d u cour- r ier qu ' i l portai t .

Nos lecteurs comprendron t l a hâ te avec laquel le Michelet r egagna i t chaque soir la pet i te v i l la où sa mère se désespérai t ! . . .

Ce soir, la n u i t é tai t sombre : pas u n e étoile au ciel. On ne d i s t ingua i t , comme des as t res ter- restres, que les feux des navi res en r ade e t ceux

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d e s postes côtiers. Le regard fixé s u r la lumière rose qui s igna la i t l à -hau t une fenêtre al lumée, Michelet g r i m p a i t à t o u t e a l lure et d u fond du j a rd in fut annoncé p a r le g r incemen t familier du portai l . La hau te por te cintrée qui domina i t le per ron engu i r l andé de gé ran iums g r i m p a n t s s 'ou- vrit , r é p a n d a n t sa c lar té s u r les marches . F ran- cesca appa ru t et di t à voix basse :

— C 'es t vous, Monsieur Michel ? Ne faites pas de b ru i t : votre m a m a n repose! . . .

Le pe t i t ressent i t a u c œ u r u n p incement a igu . — M a m a n repose? . . . Vous ne voulez pas dire

qu 'e l le es t ma lade? . . . La pet i te I ta l ienne p a r u t gênée. — El le a été u n peu fa t iguée cet après-midi .

Le docteur est venu.. . — Mon Dieu! . . . Mais laissez-moi passer , F ran-

cesca ! Laissez-moi donc passer ! — At tendez donc, Madona ! Que vous êtes

pressé! . . . Ne faites pas de tapage , vous dis-je! Elle va mieux , m a i n t e n a n t . M. Coupans v ien t de repar t i r , mais M Coupans es t restée auprès d'elle.

Michel étai t a t terré . Pou r que le r ep résen tan t de France-Aér ienne e t sa femme se fussent déran- gés, il fal lai t qu ' i l y e û t que lque chose de bien grave. . .

I l péné t ra dans le pe t i t hall , si gai jadis, q u a n d papa é ta i t là, r empl i s san t les pièces de sa h a u t e s t a tu re et de son en t ra in . . . Le pauvre pe t i t t rem- blai t e t n 'osa i t p lus avancer. Alors il v i t so r t i r de la chambre de sa mère une dame a u x cheveux l égè rement g r i sonnants . El le ava i t re t i ré son cha- peau e t por ta i t u n pet i t ta i l leur fort s imple : c ' é ta i t M Coupans .

— Te voilà, m o n pe t i t Michel! . . . dit-elle en s ' a p p r o c h a n t de lui. Ta m a m a n a eu une syncope, tantôt ; le docteur recommande le plus g rand calme. On lui a donné une potion e t elle repose. Viens dans la sal le à m a n g e r : ton dîner est prêt .

L ' en fan t secoua la tête. Son visage crispé avai t pr is une express ion d 'angoisse dont s ' é m u t le c œ u r de l ' excel lente femme.

— Viens donc, insista-t-elle. — Je voudrais d ' abord voir m a m a n , chuchota-

t-il. Je v e u x m ' a s s u r e r qu 'e l le n ' e s t pas. . .

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M Coupans compr i t la c ra in te affreuse qui s ' é t a i t emparée de l ' enfant . Le p r e n a n t p a r la main, elle l ' en t r a îna j u s q u ' à la por te de la chambre et la lui fit f ranchir . Ils a r r ivè ren t près du lit, e t Michel vi t bien que sa mère n ' é t a i t pas. . . ce qu ' i l ava i t cru. El le do rma i t pa i s ib lement . Un souffle égal soulevai t sa poi t r ine . Ses joues é ta ient légèrement teintées de rose, ses lèvres aussi . Quant à ses yeux , . . . Michel f rémi t en voyan t ces pauvres paupières boursouflées, rougies , qui, cer- t a inement , avan t de se clore, deva ien t avoir terr i- b lement p leuré !...

E n t r a î n a n t v ivement M Coupans hors de la pièce :

— Madame, dit-il auss i tô t qu ' i l s fu ren t dans le hall, m a m a n a pleuré. Pourquo i ? e t quelle est la cause de cette syncope? . . . Etiez-vous là q u a n d elle l ' a eue?

La femme de l ' i ngén ieu r compr i t que l ' âme en- fant ine qui l ' in te r rogea i t n ' é t a i t pas puéri le e t q u ' u n e volonté, un r a i sonnemen t jud ic ieux , l 'ani- maient . A y a n t e m m e n é le pe t i t dans la sal le à m a n g e r :

— Je vais te par ler comme à u n homme, dit- elle : sois fort.. .

— Je le serai, promit - i l f ièrement. Mais une sueur d ' angoisse moui l la i t ses t empes

et il c royai t deviner ce qu ' i l a l la i t entendre .

II

— On a eu des nouvelles de ton cher papa, com- mença M Coupans.

— Il a eu un accident,... il est tué!... balbutia l'enfant en devenant blême.

— Un accident, oui ; mais tué, non, scanda for- tement l'excellente femme. Il est, dit-on, vivant. Mais son avion est tombé dans un territoire in- soumis; un djich arabe a brûlé l'appareil et le courrier, et ton père est leur prisonnier.

— Ah ! gémit l'enfant, cachant sa figure entre ses mains; pourvu qu'ils ne le massacrent pas!

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— Ils s'en garderont bien ! ce serait contraire à leurs intérêts ; ils vont s'efforcer d'en tirer une bonne rançon, sois tranquille!

Michel n'était pas rassuré; la rançon était cer- tainement, pour ces hordes sauvages, un appât merveilleux; mais leur naturel farouche résisterait- il à cette soif de carnage dont lui avait parlé l'avia- teur lui-même?... Viarmez était à la merci d 'une fantaisie de ces brutes.

— Rassure-toi, te dis-je, reprit M Coupans, tout émue; déjà les autorités espagnoles ont pro- mis leur appui; des espions sont partis simultané- ment de Melilla et de Fez vers la zone dissidente. L'essentiel est de se mettre en rapport avec la tribu dont ton père est captif.

— Oui, je comprends, bégaya Michel d'une voix rauque. Et cela va demander des mois et des mois, et maman, pendant ce temps, tombera malade et mourra de chagrin!...

— Elle sera courageuse, surtout si elle te voit bien courageux toi-même, et elle patientera en priant.

Le pauvre enfant demeurait sceptique : il con- naissait la sensibilité extraordinaire de sa mère, son tempérament émotif, sa santé fragile.

— C'est en apprenant cela qu'elle a eu une syn- cope?... demanda-t-il.

— Oui. Mon mari a eu la pénible mission de lui annoncer ce malheur; j'ai voulu l'accompagner, et j'ai bien fait. Quand j'ai vu ta mère perdre con- naissance, aidée de Francesca je l'ai transportée dans son lit, pendant que M. Coupans prenait l'auto et allait chercher le docteur. Celui-ci doit revenir dans une heure...

— S'il revient, c'est qu'il est inquiet, observa Michel.

— Pourquoi serait-il inquiet? tenta de raison- ner la bonne personne, émue de tant de réflexion chez un si jeune enfant.

Celui-ci ne répondit pas. Il refusa de se mettre à table. M Coupans réussit cependant à lui faire boire une demi-tasse de consommé. Le pauvre gamin semblait un automate, et, sous son front pâli, on devinait quelque idée fixe.

Le docteur vint assez tard. Il entra dans la chambre, suivi de Michel et de M Coupans; en

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vain voulut-on éloigner l'enfant : celui-ci tenait à observer la figure de l'homme de science pendant qu'il ausculterait sà mère.

Dans le hall, sans prendre garde à Michel, le docteur dit à la femme de l'ingénieur :

— Je crains que les centres nerveux n'aient été ébranlés et que...

Son regard rencontra à ce moment le regard anxieux de Michel, et il se tut brusquement, cons- cient de l'épouvante qui grandissait dans ces pru- nelles de pervenche. Sa main tapota la joue brune du gamin.

— Allons, ce ne sera rien, fit-il avec un feint enjouement; courage, mon petit homme ! On gué- rira ta maman, et tu reverras ton papa !

Quand il fut sorti, une terrible crise d'abatte- ment accabla Michel. Il eût voulu pleurer, san- gloter : il ne le pouvait pas. Une main cruelle l'étouffait, le prenait à la gorge; ses cris eux- mêmes refusaient de jaillir, et il ne sortait de cette bouche contractée qu'un râle étranglé, affreux.

M Coupans, aidée de son mari qui venait de revenir, le porta dans sa petite chambre, le désha- billa, le coucha avec des soins maternels, essaya de le réchauffer avce des bouillotes et finit par réussir à l'endormir en lui parlant d'espoir d'une voix très douce, tout en caressant ses beaux che- veux bouclés.

Le lendemain, il ne put être question de retour- ner à l'école professionnelle. L'ingénieur s'occupa de prévenir les directeurs des événements doulou- reux qui retenaient Michel Viarmez au Nid de Roses.

Des jours passèrent. Comme l'avait prévu le docteur, M Viarmez, à son réveil, ne se souve- nait plus de rien : le coup qui l 'avait frappée avait aboli en elle toute mémoire. Elle ne reconnaissait ni l'ingénieur ni sa femme; seul Michel avait le don d'amener par sa présence un sourire sur cette figure dont la placidité faisait mal à voir.

— Elle ne se souvient pas, c'est fort heureux pour elle, disait le médecin.

Un neuro-psychiâtre fut appelé à ce chevet dou- loureux. Il examina longuement la pauvre femme qui le regardait curieusement, la fit parler, ne put

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tirer d'elle que des balbutiements incompréhen- sibles, et défendit qu'on laissât entrer Michel, à qui un tel spectacle ne pouvait que faire du mal.

Aucun mieux ne survenant, les docteurs furent d'avis que la situation ne devait pas se prolonger davantage. Il fut décidé que la malheureuse serait placée dans une maison de santé, à Hyères. Là, à force de soins, on espérait rendre une lueur de raison à cette pauvre créature. Chose étrange, maintenant que l'esprit anxieux ne tourmentait plus le corps, celui-ci semblait reprendre des forces et retrouvait le bel équilibre de la santé.

On juge du désespoir de Michel en apprenant qu'il allait être séparé de sa maman qu'il aimait avec tant de tendresse. Pour comble de malheur, aucun des espions envoyés en zone dissidente n'avait pu retrouver les traces de Viarmez. On ignorait le nom de la tribu qui l'avait enlevé : les différentes peuplades nomades que l'on interro- geait fournissaient toutes des alibis déconcertants; à les entendre, l'endroit où Viarmez avait atterri était absolument désert le jour du drame, et l'avion avait pris feu tout seul.

Par contre, un ami, un excellent camarade de Louis-Etienne, champion des ailes lui aussi, et connaissant « la face de l'Afrique » sur le bout du doigt, était allé sur les lieux faire son enquête personnelle. Profitant de l'immense solitude qui ce jour-là régnait sur les sables, il avait atterri et reconnu les débris carbonisés de l'appareil. Parmi eux, il n'avait rien retrouvé qui fût sus- ceptible de provenir d'un corps humain. Bien mieux, alentour, le sable était foulé comme par des pas nombreux, voire une lutte. A deux kilo- mètres on relevait les traces indiscutables d'un campement récent. L'aviateur fit son rapport à qui de droit, puis, voulant tranquilliser la famille de son camarade, écrivit à M Viarmez pour lui rendre compte de ce qu'il avait vu. M. Coupans ayant décacheté la lettre la fit lire à Michel dont les yeux versèrent des larmes d'attendrissement et de joie. L'initiative généreuse de ce camarade de son père l'émouvait jusqu'au fond du cœur, et il balbutia :

— Ah! que n'étais-je avec lui!...

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