j. van ess - ibn kullab et la mihna - trad. c. guillot, arabica 37 (1990)

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  • 5/14/2018 J. Van Ess - Ibn Kullab Et La Mihna - Trad. C. Guillot, Arabica 37 (1990)

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    IBN KULLAB ET LAMI8NA*PAR

    JOSEF VAN ESS(traduit de l'allemand par Claude GILLIOT)

    "Kcine eilfertige Weisheit treibt sic zu unzeitigerRe ife ,(Friedrich HClderlin aus TGbingen, Hyperion)Avant-propos de I 'auteur

    LORSQUE j'ai ecrit cette etude, j'avais tout juste trente ans, et jen' avais alors rien ptrbfie , horrnis rna these et quelques recen-sions. Sur plus d'un point, aujourd'hui, je verrais les choses dif-ferernrnent . Le chapitre d'introduction, notamment, devrait etrerevu; entre temps, plusieurs bonnes etudes ont paru sur l'arriere-plan politique de la mihna . En revanche, si }'on excepte mon ami,Ie defunt Pere Michel Allard, personne ne s'est oocupe depuis deIbn Kwllab . Ce que j'ai dit a ce sujet peut done toujours servir de* [Ndt: Josef van Ess, Ibn Ku'llab und die M'ihrra, Hellmut Ritter zum 70.

    Geburtstag (Pour les soixante-dix ans de H. Ritter), in Oriens , 18-19 (1965-66),pp. 92-142. Nous avons traduit ce texte , a l'origine pour nos erucliarrts en doctoratet nous avons pense qu'il pour rait etre utile a un plus large public qui ne lit pasla langue de Goethe.Nous remercions Monsieur le Professeur Josef van Ess et la revue Oriens d'avoir

    accepte que cet article soit traduit et par aisse ici. Monsieur le Professeur van Essa bien voulu relire cette traduction, qu'il soit tout par ticufierernerrt rerneroie pourles remarques qu' il a bien voulu nous faire.Que la phrase de H6lderlin que nous avons ptacee en exergue soit un hommagea notre eminent collegue qui a la chance de vivre et d'enseigner dans la ville des

    trois arnis pasteurs auxquels la pen see occidentale moderne doit tant!: Aucunesagesse hative ne les fait murir trop vite (II s'agit des Atherriens et de tous les filsd' Arhertess l).Les ajouts du traducteur dans les notes sont signales comrnes suit: [... ]. DansI'original allemand, les references figurent dans le texte, eUes ont ete placees ici

    dans les notes. Certains pasaag'es du texte qui apportent des complements d'infor-mation ant ete egalernent rejetes en notes. Les sous-trtres et la rrurnerorariori desparagraphes sont de nous. Les signes abreviatifs des noms propres arabes sontceux de GAS, I, p. XV, sauf Ahmad , abrege ici: A. L'abreviation du titre d'unouvrage est indiquee entre parentheses, lors de Ia premiere mention qui en estfaite] .

    Arabica, Tome XXXVII, 1990

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    174 J. VAN ESSpoint de depart pour une autre recherche. Je rerne rcie MonsieurClaude Gilliot qui a bien voulu se donner la peine de faire cettetraduction, et qui, de la sorre , me donne l'occasion d'atteindre plusdirectement I' islamologie Fraricaise .

    J. van Ess, Tlibingen, le 21 mars 1989.

    I) Le contexte historique et ideologique de la mihna1. Lorsque en 218/833, le calife al-Ivla+mun interrogea a Damas

    les jurisconsultes de la ville sur leur position concernant Ia justiceet a la profession de foi unitariste (al- cadi wa t-taw/.zfd)l et ordonna,dans une missive desormais bien cormue", adressee a songouverneur de Bagdad, l' adoption de la doctrine mu'itaz ilite duCoran cree , cornrrierrca pour les gens de la sunna , adversaires dukaldm et du rrru'it.azilisrne , une epoque qui resta toujours pour lesgenerations futures celle"de la grande epr euve (mi/.zna).L'histoire de la mihna est connue. Elle est presentee, en relation

    avec les principaux recit s historiques, dans l'etude de A. Pa ttorr"qui demeure fondamentale, tout au moins pour Ie derou lerneritexterne des evenements. Cependant, Patton touche peu aux motifscaches et a l'imbroglio des partis en presence qui en constituent latoile de fond. Desormais, ap res plus d'un clerni-siecle de recherche,il paralt quasiment certain que la politique calide du calife y a joueun role. W. M. Watt4 a e.xprirrie cette idee a plusieurs reprises etD. Sourdel l'a foriclee de facori explicite dans une etude recenteexcellernrnent cloctrrnenr.ee".

    1 Cf. Ya

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    IBN KULLAB 1752. Les sICites, apr es que leurs espoirs eurent ete cruellement

    de.;us depuis Ia prise du pouvoir par les cAbbasides, s'etaient can-tormes dans une dangereuse opposition, loin de la vie de l'Etat.Que ce soit dans l'attentisme de la resignation ou dans le soufeve-ment arrne , iis conservaient le souvenir de leur revendication. Leplus souvent, les cleterrteu rs du pouvoir les traitaient avec rigueur;ainsi fit al-Jvlarisfi r ou, plus tard, Hariin ar-Rasld; seuls lesBarmeciries , qui furent finalement rerrver ses a leur tour, les con-side rererrt avec sympathie. Quant a al-Ma'miin, au debut de sonregne , (p. 93) en 199/814, il avait dfi mater la revolte de AbiiSar aya en Irak. Deux ans plus tard, il s'etait resolu , probablementpour refaire l'unite de la cornrnu riau te musulmane, a designer Iecalide

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    176 J. VAN ESSautres Compagnons). II dit: '11est d'entre [tous] les hommes le plusexcellent apres I'Envoye de Dieu.' Cela se produisit en Rabff Idecette anriee-Ia (=juin 827)7. Ce n'est que d'un Coran cree que,comme Ie faisaient les srites, l'on peut prete.nclre , avec quelqueveracite , qu' il avait ete falsifie en certains endroits et abrcge". Seulun Coran cree pouvait permettre de valoriser la revendication deI'autorite des imams qui se reservaient Ie droit de la decision de foi.4. Cela n' a evidemment pas ete le seul motif de la decision des

    califes. Celle-ci n'avait pas seulement la faveur des si'ites, maisaussi celIe des theologiens mu'tazilites de la cour; c'est pourquoi,on a longtemps vu en eux les seuls qui tirassent les ficelles. Mais,comme l'histoire n'est pas seulement dererrniriee par des partis et(p. 94) par des forces, la conception personnelle du pouvoir quiet.ait celle d'al-Ma)miin a du influencer aussi Ie cours desevenements. A cet effet, on constatera qu'il a traite justement lesaffaires religieuses avec. une grande force de decision et avec uninteret tout personnel, par exemple, dans les propos introductifs desa missive sur la question et dans sa remarque conclusive apres unedispute avec les fuqahd? sunnites: il y prend la defense du point devue srite9 Toutefois cette conception consciente et personnelle desdevoirs du califat peut se comprendre a son tour par l'influence del'ideologie sri te, par une assimilation de I' idee de l' imamat 10. Dernerne pour la mihna, c'est seulement la relation ala ft

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    IBN KULLAB 177H'usayn a Kar'bala? et en transforrna les environs en terre arablell.Ainsi il fut rnis fin a la sympathie pour le kaldrn nlu'tazilite et a Iamihna, ce qui est evident pour tous., mais aUSSIaux relations avecla f~a.La persistance d'une tendance sI'ite dans la politique d' al-

    Ma)mun est attestee de facori notoire par deux passages de sonrestarrrerrt+";il ordonne qu'on prononce cinq fois l'invocation duDieu grand (takblr) sur son lit de rnort+"et il recommande explicite-ment a son successeur de pr'oteger les 'alides14 Le parti qu'al-Gal).i~appelle Ndbita est oppose a cette tendance; il venere Mu'awiya etprofesse la these du Coran eternel. C' est egalenlent a ce derniercontexte qu'il faut rattacher un ser'rrrorrclas-S'uf'yanf, le MahdIsunnite de la maison anti-'abbaside de Abu S'ufyarr, et qui veutdelivrer le monde de Ia domination de ses ermernis!".5. Le rnouverrrerrt avait perdu beaucoup de sa logique ration-nelle et politique bien avant al-Mutawakkil. II serrrble qu'al-M'uStasi rn, des la mort de son frere al-Jvla+rnfrn , ait cat-esse l'ideede mettre fin a l'experience de la mihna . Cependant le puissantrnuStaz ilite Ibn a. Duwad qui jouissait encore de sa confiance, surle conseil de son frere , et qu'il avait merne nornrne Qa

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    178 J. VAN ESSengage. II est possible qu+al-Ma-mu n ait perise , surtout au debut,a satisfaire a son devoir de calife qui consistait a veiller sur la foide ses sujets, comme il s'en exprime dans sa premiere missive etplus clairement encore, dans la deuxiemel7. Mais il avait lie Ie pro-b'lerne , des le debut, et de plus en plus par Ia suite, sous I'effet duferme refus qu'on lui opposait, avec une contrainte pesante e.xerceesur les consciences. La parole et le terno'igria ge de ceux qui ne sepliaient pas n'etaient plus dignes de corrfiarrcc!"; iis se montraientainsi indignes des fonctions qu'ils remplissaient19. Cela concernaittous cetrx a qui un traitement etait verse par 1'Erat pour un officeou pour un service: en premier lieu, les juges20 Leur sentencearbitrale ne devait clesor'm ais plus etre val able?"; en effet, endeclarant Ie Coran iricr-ee, ils montraient qu'ils se rattachaient auxchret ierrs - ce qui etait un reproche infamant - qui parlaient duLogos eternel22, alors qu'ils avaient jure de ne dire sur Dieu quedu vrai?". Abu

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    IBN KULLAB 179encore, (p. 96) contraints qu'ils avaient ete a se prononcer, ils secon sicler-aierit comme decha rges de toute reaporrsab ilite a ce sujet-".Cependant, le calife ne se laissa pas prendre a ce jeu. Dans unequatrieme et cler rriere missive aclressee a ses forrdes de pouvoir aBagdad, il exigea une confession qui fut sans arnb iguite , II appuyacet ordre par des menaces pleines de sous-entendus qui devaientfaire sentir plus clairement encore aux personnages corrcer nes com-bien ils cleperid aierir dangereusement de lui. II souligna des man-quements supposes ou reels commis dans le passe et les mit envaleur; il exprima des soupcoris de toute sorte, choisis avec sagacite ,Par exernple, il etait notoire, et cela n'avait pas ete otrbf ie, que l'und'entre eux avait derou rrie du ravitaillement alors qu'il eraitgouverne ur=", qu'un autre s'etait enrichi de facori illicite enEgypte, ou qu' un tro isierne pratiquait I' usure?". Quelqu' un quiportait Ie gentilicium de Ziyadi se faisait injurier parce que son nomprovenait de celui du gouverneur omeyyade honni Zryad b.Abfh i + " . Celui qui portait Ie surnom de Saggada32 (celui qui se pro-sterne beaucoup, i.e. qui prie souvent) s'entendit dire, selon unreproche repandu a l'epoque, qu'il se frottait Ia peau avec desnoyaux de dattes afin d' avoir des cloches qui faisaient croire qu' ils' abimait en prosternations. Quant a Ibn Banbal qui etait inatta-quable, a cause de sa siricer ite, il fut tout simplement qualifie desot '".7. Al-M'a+rnun semble avoir ete tres bien inforrrie sur Iesaccuses; celui qui etait dans des services de I'Etat ne pouvait g'uereech appe r a la surveillance. Les manquements financiers n'etaientcertainement pas chose rare, etarrt donne les conditionsadministratives et Ia politique fiscale corrrpfi qrree a I'epoque. IIn'est pas etorm.an t , des lors, que, dans Ie groupe de ceux qui ontete poursuivis, seuls quatre re.stere.nt inflexibIes; le premier sesoumit des Ie cleuxierrie jour, et Ie cleuxierrre , Ie lerrdern airr'". Les

    28 Patton, p. 71 sq. [p. 127].29 T'abarf , III, p. 1127, 1. 8.30 Ibid., 1. 15 sqq.31 Op. cit., p. 1128, 1. 4 sqq. [II s'agit de Abu I:Iassan aI-I:Iasan b. CUt., m.242/856, historien et Qa

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    180 J. VAN ESSdeux derniers, M'uharnrriad b. Nul) et Ahrnad b. I:Ianbal, com-parurent sur l'ordre d'al-Ma'mun dans sa residence temporaire deTarsous. La nouvelle du deces subit d'al-Ma'mun les dispensa depoursuivre plus avant leur voyage. D'ailleurs, Mul)ammad b. Nul)fut surpris par Ia mort alors qu'il et.ait sur Ie chernin du retour. IbnH'arrbal, cornme on Ie sait, fut expose a de nouvelles poursuites plusclures?". (p, 97)II ) Ibn Kulliib et ses partisans8. II ne sera toutefois pas question ici de Ibn I:Ianbal. Son destin

    est connu et a ete souvent preserrte, On s'interessera plutot audebat theologrque dont les evenernents qui se cler'otrleent autour delui constituent le cadre. Habituellernent, on y oppose lesrnuvtaz.ilites aux gens de la sunna, ou gens du {ladfJ, ccst-a-clire leschampions de la creation du Coran aux defenseu rs de sa non-creation, les theologieris dialectiques aux fideistes35 Les informations directes sur les cas certainement nombreux d'abjuration de

    leur foi par les gens du /:tadil sont, on s'en doute, rares. Cf. as-Safad'i (SalabaddinIjalil b. Aybak), al- Wifz bi-l-ioafaydt ; IX, ed. J. van Ess, DMG/Wiesbaden (BI61), 1981, p. 75, n 3992, a propos de Ism. b. Ibr. a. Ma'mar al-Fl uclall , A I'occa-sion, la constance des savants peu nombreux qui resister ent est aoufigriee avec tropd'insistance, par exemple, pour Bisr b. al-Walid al-Kindi, cf. SAN, X, p. 674, 5. Dt apres une declaration d'al-Gabi~, qui n'est d'ailleurs pas specialernent bieniriterrtiorme et d'autant plus suspect, rnerne Ibn Haribal a tout simplement abjureapres trente coups de fouet (p. 97), cf. K. /:lugag an-nubuunoa ; en marge de al-Mubarrad, Kamil, Le Caire, 1324/1906, II, p. 139.De nouvelles sources sont merrtiormees dans la precieuse introduction de

    cAbdal'aziz 'Abdalbaqq a sa traduction de l'ouvrage de Patton: Ahmad b. Hanbalwa l-mihna. Le recit du cousin de Ibn H'arrbal , I:Ianbal b. Tshaq b. I:Ianbal [m.273/886, cf. GAS, p. 503, 510; [SAN, XIII, pp. 51-53], irnprirne au Caire, al-MatbaCa at-tigariyya, 1961 [al-Milzna aw rJikr mihnat Ibn Hanbal ; ed. M. Nag-as, IeCaire, Matba'iat Dar nasr al-laqafa, 1977, 118 p.], des extraits en sont dorrnes parcAbdalbaqq, p. 19 sqq.Du cote mu'itaailite, aI-Gabi~ prit position sur la mihna apres qu'elle eut echoue,

    cf./:lugagan-nubuwwa, en marge du Kdmil, op. cit., II, p. 115 sqq., surtout p. 130,l. 4 sqq. (cite par cAbdalbaqq, p. 14) Rasd=i]; ed , Hartin, III, p. 285 sq.Pour des informations sur Ia mihna au Mag-rib, cf. cAbalbaqq, p. 27 sq.; aD'arnas , cf. Tarrb Bagdad, XI, pp. 72-75 [sur Abu Mushir 'AbdaPa'la b. Mushiral-Gassani acl-D'irnasqf , m. 218/833 ernpr ison ne a Bagdad; cf. SAN, X, pp. 228-238, surtout pp. 233-236]; en Egypte, cf. Kindi, Wuldt Misr, ed. Guest, p. 451,L 3 sqq (a }'epoque d'al-Waliq, 1e mystique bien connu Ou n-Nun s'en enfuit,mais il tomba plus tard aux mains du gouverneur, p. 453,1. 10 sq. On trouve quel-ques informations sur les juges qui se mirent a la disposition de la mihna dansWaki"Abbaral-qutit, v.g., III, p. 191, l.4 sqq.; 290, 1. 14sqq.: OU unjugedissoutun mariage, sans repudiation directe, parce qu 'un homme ne confesse pas la crea-tion du Coran ,

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    IBN KULLAB 181forrdarnerrtal istesw; pourtant, ils ne sont pas les seuls. Ceux qui ypratiquaient le kaldm , avaricarrt en theologie dialectique argumentcontre argument, n'etaient pas tous des rnuvtaz'ilites et desopposants des gens de la sunna. 11y avait un groupe de theologierrs ,peu t-erre une ecole, qui, issus du camp or-thocloxe, essayaientde lorgner sur le metier des mu'tazilites et de s'opposer ainsi a leursprincipes fondamentaux. As-SahrasUinI les appelle les mutakallimiinmtt as-salaj, Ies theologieris dialectiques de l'epoque desArrciens>":les gens de Ibn KulHib.9. Pour la methode, ils sont appar'enres aux mu'tazilites, mais ils

    sont loin d'eux pour la doctrine et les positions theologiques. Con-trairement a ceux-ci, ce ne sont pas des theologieris de cour. AI-BaqillanI cite une parole de Ibn Kullab et de son celebre discipleal-Ivluhasib'i: al-Ma)mun est un souverain injuste et un grandpeche.ur-. Nous ne voulons rieri aller chercher dans son college(maglis)>>. 11poursuit, sur un ton reprobateur qui est caracter-istiq'uepour un homme qui se fit envoyer a Byzance comme ambassadeurpar 'A

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    182 J. VAN ESSdu monde et la peur de s'exposer pouvaient, etre melecs de facoriconfuse.

    10. Les informations sur ce Ibn K'ullab et son ecole sont rares.Merne le nom du fondateur et.ait controverse. As-Subki discutelonguement la lecture juste de ce nom: Kilab ou Kullab; maisfinalement, il se decide, tout comme acl-D'ahabj , pour la secorrde+".11corrsiclere ce nom comme un surnorn derive de kulldb crochet;grapp irr, parce que, a l'instar d'un harneoon, il tirait scsopposants a soi dans la dispute. Quant a Ibn, il aurait ete ajou teensuite, comme dans ibn as-sabil ou, l'exemple est donne paras-Subkr, comme ibn bugdat a..-~tay), grand connaisseur. Ce fai-sant, il semble s'appuyer sur une etyrrrolog ie secondaire frequente.Si c'ctait celle qui convenait, on se serait au rnoins attendu a: IbnaI-KuIHib; la forme de son nom (Abdallah b. Kullab41 n'auraitg'uer-eetait possible. Kullab est, comrne nous l'apprend Ibn Bagaral-(AsqalanI, le nom de, son arriere-grand-pere42. II n'est pas rareque celui-ci ou le gr'ancl-per-e I'ernporte sur Ie per-e; qu'on pense aAbmad (b. Mul;1ammad) b. Banbal. Lc nom complet donne parIbn Bagar est (Abdallah b. Sa'Td b. Mubammad b. K'ull ab al-Qanan al-Basr'i. Ailleurs, on trouve cornrne autre ethnique at-'Tarrurnf . AI-Maqrlzi lui donne la kunyd de Abu Mubammad43Pour ce qui est de I'ordonnance de son nom, Ibn H'agar et al-Maqrlzi sont les seuls qui ont une orientation juste; les autressources negligent l'un ou I'autre des rnernbres inter-mecli air-es. Laforme habituelle est (Abdallah b. Sa'Td b. K'ullab+". (p. 99) II estrare qu'on donne la date de sa mort; Isrna'Tl Pa.sa semble avoirraison, qui donne 241/85545.40 Subki (Tagaddin), 'Tabaqdt as-Saficiyya al-kubrd (= Subki), Le Caire,1324/1906, II, p. 51 sqq.; Qahabi (M. b. A.), al-MuJtabihfi r-riifal, cd. CA.M. al-Bagawi, Le Caire, 1962, pp. 555, I. 13; [SAN, XI, p. 174: li-annah u kana_yaifurru

    l-!Ja~ma ita nafsihi bi-bayanihi].41 Ascari (a. I-B. CA. b. Ism.), lvlaqalat al-isldmiyyin wa btiliif al-musallin (=

    Maqalat), ed. H. Ritter, I-II et indices, Constantinople, 1929-33; rcimpr.Wiesbaden (BI I a-c), 1963, p. 584, l. 9.42 Ibn Bagar al-CAsqalani, Lisdn ai-Miedn ; Hyderabad, 1330-3111911-12, III,p.290.43 Maqrizi (A. b. CA.), Hitat , Le Caire, 1324-26/1906-8, IV, p. 184, apudMu~~aIacAbdarrazzaq, Tamhid li-ta)ri!J al-Jalsafa al-islamiyya, Le Caire, 1379/1959,p. 291. [SAN, XI, p. 174: Abu M. CALb. Sa'Td b. Kullab aI-Qanan al-Basr'L]HDahabr, Muftabih, loc, cit.;

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    IBN KULLAB 18311. Si nous nous tournons maintenant plus preciserne nt vers la

    doctrine d'Ibn K'ul'lab , nous devons nous appuyer surtout sur lesdonnees d'al-As'arl dans ses Maqiiliit; c'est tout juste si lesheresiographes pcisrer ieu rs portent attention a Ibn K'ulf ab , peut-etre parce que sa doctrine a ete assimilee par al-As'arl. II faut 'faireexception pour des banbalites tardifs, surtout Ibn Taymiyya et soneleve Ibn Qayyim al-Gawziyya. Cornme ils etaierit soucieux deretrouver Ia veritable doctrine des Anciens, et surtout de Ibn Ban-bal, et de la faire adopter a nouveau par la refor me , ils prennenten consideration Ibn K'ullfib , son contemporain qui pensait autre-ment. Une vieille poternj que , jamais totalement eteinte, est reprise;dans le rejet, maint trait de l'adversaire oubl ie se manifeste denouveau. Les reproches que Ibn Taymiyya fait a Ibn K'uflab sontnombreux. C'est meme a Ibn al-Qayyim que nous devons Ie seulfragment quelque peu developpe d'un ecrit de notre theologien46En dehors de leur ecole, I' acces a Ibn Kxrllab semble etre ferme. IIa certes ecrit beaucoup d'ouvrages sur Ie kaliim, mais deja al-Pazdawl, ariter ieu r a Ibn Taymiyya d'environ deux sie'cles, n'en aplus aucun en rnain?".12. Pour ce qui est de la transmission des Maqiiliit, elle est,

    comme de coutume, quelque peu rnor'celee. Du fait que l'ouvrageordonne tout d'abord les opinions doctrinales par sectes et ecolcs ,puis ensuite, de nouveau, systeruat.i querne nt , plus d'un point estrepete. AI-Ascarl aborde Ibn K'ulf ab frequernrne nt en relation avecles mu'tazilites; sa doctrine, par consequent, n'est cornpfeterne ntcomprehensible qu' a partir de la potern iqtre avec les mu'tazilites eten rrrerrre temps dans laoreprise de leur methode et de leur langage.Toutefois, il lui arrierrage un espace propr-e?" qui est en appendicea la grande profession de foi des partisans du /ladil et des gens de

    [CU. b. aI-Bus.], pere du plus celebre Fahraddrn, se clerrrancle si Ibn Kullab estbien le frere du traditionniste Yahya b. Sa'Td al-QaHan at-T'arnfrnf (la questionprovient d'une affirrnat ion de Bagcladf (,Abdalqahir), Usii! ad-din, Istanbul, 1928,p. 309, l. 8 sq.). Sa reserve, rnalgre la concordance dans la suite du riorn, est rresjustifiee: Ie grand-perc de Yah ya ne s'appelle ni Mwharnrrrad , ni Ktrllab , rrraisFarrub, cf. Ibn Hagar al-CAsqalani, T'ahdib at-tahdib, XI, p. 216; de plus, Yahyaest rnort en 198/813-4, cest-a-dire , une generation et clerrriavant Ibn Kullab, IbnHagar, Lisan al-miedn , III, p. 291, 1. 9, rejette egalell1ent cette hypothese.+6 v. infra notes 148, 251, 334, 336, et surtout 360.47 ouu ad-din, ed, H. P. Linss, Le Caire, 1383/1963, p. 2, l. 13 sqq.48 Maqdldt ; p. 298, sq.

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    184 J. VAN ESSla sunnar", soulignant expresserncnt qu'il est dans leur rrrouvarice?".II ne laisse donc aucun doute possible sur le lieu propre de sadoctrine.13. Ibn Kullab a fait ecole parmi les anciennes gens de la sunna.

    Parmi ses partisans les plus importants, on nomme toujours lemystique (p. 100) Baril al-M'uhasibf et le theologien Abu I-cAbbasal-Qjalarrisi'" .Nous sommes assez bien renseigries sur Baril b. Asad al-

    M'uhasibf al-cAnazI (m. 243/857)52. II avait a peu pres le rnerne ageque Ibn K'uflab , Ibn Taymiyya l'appelle Ieplus excellent (afdal) deses partisans='. Chez al-As'iarr, il figure seulement comme al-Harit,sans sa celebre nisbar",Pour ce qui est de Abu l-cAbbas al-QalanisI, les sources

    embrouillent les choses plus qu' elles ne les ecla'irent . Lesheresiographes ne mentionnent jamais son nom (ism). Certes, Trit-ton, a la suite d'al-Murtaga az-ZabldP5, donne Ahrrrad b. Lbrfihfrn;cependant c'est a tort, 'car celui-ci, malgr'e la kunyd et la nisba, estd'une generation poster ieure, la troisierne classe apr'es al-AscarI56;c'est un contemporain de Ibn Ffrrak. Les dates de sa vie semblentde meme plorigees dans I'obscurite. 8i l' on consulte as-SahrastanP7, on a I'impression qu'il s'agit, comme pour al-Mu}:lasibi, d'un contemporain, peu t-erre plus jeune, de IbnKxrllab. On peut dire la rrrerrrechose, semble-t-il, pour plusieurspassages d'al-BagdadP8. A cela s'oppose cependant un autreterrroig'rraged'al-BagdadI, selon lequel al-Qalanisl se trouve apr'es

    +9 Op. cit., p. 290 sq.50 Op. cit., p. 298, l. 2.51 Cf. Ibn Tayrniyya, ar-Risala at- Tadmuriyya (ft tahqiq al-llbat li-asmii? Allah wa

    ~ifatih wa bayan haqiqat aI-gam' bayna i-farc wa l-qadary, s. 1. (= Le Caire), s.d.,MatbaCat as-surirra al-rnuQarnrnadiyya, p. 66, l. 6 sqq.52 Cf. Van Ess, Gedankenioelt, op, cit., p. 1 sqq.53 Ibn Taymiyya, Madhab as-salaf (al-qaioim fi tahqiq kaldm. Allah al-Karim), in

    Magmii'at ar-rasdti! wa l-masiiiil, Le Caire, 1349, III, p. 76, l. 6.5+ Pour son identification, deja proposee par H. Ritter dans son index auxMaqaliit, cf. van Ess, op. cit., p. 195 et 207 sq.55 al-Murta

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    IBN KULLAB 185al-As

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    186 J. VAN ESSque ou Ie kaldrn orthodoxe ne pouvait plus prendre de risques, apr'esl'interdiction sous al-M'utawakkil?". (p. 101)14. A cote d'al-MubasibI et d'al-QaHinisI, al-BagdadI68 place

    encore dans le cercle de Ibn K'ullab: cAbdalcazlz al-Jvlakkf al-K'irranr, al-I:Iusayn b. al-F'adl aI-Bag-alIet al-Cunayd, le plus celebreeleve d' al-Mul).asibLLe premier de ces personnages est cAbdalcazlz b. Yahya b.

    cAbdaIcaz1z b. Muslim b. Maymun al-Ivlakkr al-KinanI (rn.240/854-5), disciple, entre autres, de Suf'yari b. CUyayna et com-pagno!! de longue date d'as-SaficI; on lui attribuait une dispute, enpresence d'al-Ma)mun en 209/824, avec Brsr' aI-MarlsI sur la crea-tion du Corari?".Le cleuxierne savant devrait pouvoir etre icleritifie a Abu cAlI al-

    I:Iusayn b. al-Fa

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    IBN KULLAB 187probablement apocryphes, il est rnerne oppose, comme protoype dutasaunouf, a Ibn K'ul'lab, figure du kaldrn. L'intention, qui esthabituelle, est de montrer la super iorite de la cormaissarice(maCrifa) mystique sur la science (c'ilm) theologi.que?". 11n'est pasnecessaire de corisiclerer, comme le fait ag-I)ahabl, qu'une rencon-tre entre les deux personnages est un anachronisme; certes Gunaydest mort seulement en 298/910, mais il avait erudie aupres dujuriste Abu 'T'awr, et celui-ci est mort des 240/854-5, donc pe.ut-et.reencore avant Ibn Kullab7315. On 74 a sig'rraleune relation entre Ibn Krrllab et Abu Bakr

    Mub.ammad b. Isbaq b. J:Iuzayma, Ie tb.eolog'ienen vue de Nrsabtrr(223/838-311/923). Lui aussi pofernjque dans son K. at- 'Taiohid wazlbiit aC(iii' ar-Rabb contre les gahmites et les rrru'itaz ilires?". Maisnous n'avons pas de trace d'un rapport de maitre a disciple entreles deux, rrierne si Ie maitre mot i.1biit as-sifdt peut laisser supposerune certaine par'erite. Ibn I:Iagar pretend rrierne savoir que IbnUuzayma aurait eu des objections constantes contre la doctrined'Ibn K'ulfab?". En fait, le K. at- 'Taiohid montre combien IbnH'uz.ayrna a ete (p. 102) traclitiorraliste?". II s'est tenu scrupuleuse-

    72 Cf. Abdcl-Kader (Ali Hassan), The Life, Personality and Writings of Al-Junayd,Londres, 1962 (GMS, NS 22), p. 6 sq.73 Op. cit., p. 4; pour ag-Qahabl, cf. Subki, II, p. 51,1. 14sqq. [Cf. SAN, XIV,p. 69, ou ag-Qahabi se contente de commenter: lam yaJihha, au debut d'un recitqui rapporte un echarige indirect entre Cunayd et un mutakalLim dont on dit qu'ilse serait agi de Ibn Kullab. J74 Ibn al-Murrada, Munya, op, cit., p. 52a, 1. 5 sqq. [ed, Madkur, p. 24,antepenult. ]76 Lisdn al-miedn , III, p. 291, 1. 6 [En fait, cette idee est tiree de I'Histoire deNfsabu r d'al-l:fakim an N'isaburi, dont SAN, XIV, pp. 377-381 donne un longextrait. .Al-Flakirn y raconte comment Ie rmr'it az.ifiteAbu cAr. M'arisijr b. Y'ah'yaat-T'usf decicla de semer la zizanie (wa/:lfa) entre Ibn tIuzayma et quatre de ses

    ficlefes: Abu >. Le tout etant precede d'une profession de foi sur Ie Coran incree,dir'igee contre les gahmites.]

    77 Cf. infra, nO56.

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    188 J. VAN ESSment a l'ecart de tout kalam?", l'inimitie de Ibn I:Ianbal coritre IbnK'ullab et al-Mul)asibI lui servant d'exemple iristr-ucrif?"; et il s'enprend aux deviations doctrinales des theodog'iens de la jeunegeneration (a/ldiil tulldb al-CiLm)80.16. Al-Bu'harf, que YaItkaya nomme comme second theologienqui aurait part age les idees de Ibn K'ullab, semble plutot appartenir

    au groupe des lafziyya, bien que as-SubkI le mette en relation avecal-Mul)asibI81. Les Laf,ziyya etaierrt un groupe de theologiens, dontal-Flusa.yn b. cAlI al-KarabIsI (m. 248/862 ou 245/859), quisoutenaient que la prononciation du Coran est creee82.17. Ibn Taymiyya donne une liste de partisans de Ibn K'ullab

    dont on ne peut guere tirer de conclusions. II remarque qu'il avaitdes disciples dans toutes les ecoles de droit, mais cela est relativisepar Ie fait qu'il donne des exemples d'ascarites tardifs comme al-Baqjllanf et al-Guwaynl. Pour lui, Ibn Ktrllab est responsable detout ce qui n'est pas hanbalite; il voyait dans le developpell1ent deI'orthodoxie tardive urie repetition du clerro'uement de la situationa I'epoque d' Ibn I:IanbaI83.III) Le Coran et LaParole de Dieu18. Dans Ie debat, les positions parurent irreconcilia.bles: pour

    les rrruStaz.ikires , le Coran, cornrne texte revele introduit dansl'histoire, dernier livre saint apres la Torah, les Psaurnes et

    78 Ibn tIuzayma, K. at- 'Tauihid wa llbiit fifii! ar-Rabb (= Taw&.id), Le Caire,1354/1934, p. 3, I. 12 sqq. red. revue et annotee par M. BallI H'aras , Le Caire,1968; reirnpr , Beyrouth, Dar al-Kutub al-Silmiyya, 1978, pp. 4-5].79 Cf. 'Taiohid, Introduction de l'ed., p. f [Le passage reproduit dans cette intro-duction est, en fait, l'extrait de I'Histoire d'al-I:Iakim repris par ag-QahabI, cf.SAN, XIV, pp. 277-281, surtout p. 380, avec la reference a Ibn I:Ianbal; cf.QahabI, 'Tadkirat al-&.uffii?, II, pp. 723-728, surtout p. 727.]80 Tawbid, p. 3, l. 22/p. 5.81 SubkI, I, p. 252, l. 13.82 MaqdisI (al-Mutahhar b. Tahir), Bad) al-halq wa l-ta)ritJ = Le Livre de la Crea-

    tion et de l+Histoire d'Ahou Zayd A. b. Sah! al-Balkhi, publ. et trad. par Cl. Huart,Paris, 1899-1919, V, p. 149, I. 10. [Sur lui, cf. LRS, p. 396, n. 22; SAN, XII,pp. 79-82: huwa awwalu manfataqa l-Iafza; il fut exp'ulse apres une dispute avec IbnI:Ianbal sur Ie Coran. Cf. a ce propos et au sujet de la position d'al-Bubari, lalongue mise au point d'ag-QahabI qui pr-eserite un excursus historique sur lafacon dont il voit cette question: SAN, XI, pp. 510-511.]83 Minhiig as-sunna, Biilaq, al-Arrrir-iyya , 1322/1904, I, pp. 118, I. 8-16. [IbnTaymiyya, Daqdriq at-tafsir , ed. M. as-Sayyid al-Gulaynid, Djeddah/Beyrouth,19863, III, pp. 186-187 (= commentaire de la sourate at-7awba).]

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    IBN KULLAB 189l'Evangile, rreta.it qu'acte, et non essence divine, fini et cree; enrevanche, pour .Ahrnad b. H'arrbal et ceux qui avaient la rnernepen see que lui, il etait Parole de Djeu (kalam Allah), et ainsi il etaitete rriel comme Iui?". Ibn I:Ianbal etait a ce point inaccessible a tousles arguments du kaldm qu'il ne voulait pas voir les citations corani-ques comprises Iitter alernerrt , lorsque, ava.ncees habilement par sesadversaires, elles semblaient attester le corrtr airev".19. Les malentendus commenc;aient avec l' arnb ig'urte du mot

    Cor an Iui-rnerrie: qur idr: pouvait signifier Ie texte existant dans unarabe inimitable depuis la mission de M'uharnrnad , ou, au con-traire, (p. 103) l'Ecriture celeste originelle dont on pouvait discuterla forme de la langue. II pouvait signifier aussi un exemplaire duCoran (mu~ftaj), ou rnerne la recitation (

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    190 J. VAN ESSacquis (kasb, Ie futur terme asCarite) par I'homme; ce qui est recite,en revanche, subsiste en Dieu comme I'un de ses attributs. Larnerne chose vaut pour le fait de faire rrierno ire de Dieu (dikr): celuidont on fait rnerno ire est eter nel ; le fait de faire rnerno ire advientdans le temps (multda1)88. Toutefois la terminologie d'Ibn K'utlab esten partie encore plus cliffererrciee , si nous nous refer-oris a la sectiondans laquelle al-Ascar1 rapporte sa doctrine sur le Oor anv":cAbdallah b. K'ulfab dit: Dieu a ete de toute eterrrite parlant (lam

    yazal mutakailimanv'" , et la Parole de Dieu est I'un de ses attributssubsistant en lui. II est eterriel avec sa Parole et sa Parole est sub-sistante en lui, comme son Omniscience et sa Toute-puissance sontsubsistantes en lui, dans la mesure ou il est eternellement avec sonOmniscience et sa Toute-puissance. La Parole n'est pas lettres etsons; elle ne se Iaisse ni diviser, ni partager, ni fragmenter; elle nese clifferericie pas non plus en efle-rrrerne (lii_yatagiiyaru). Elle est uneenrite (maCnan) unique en Dieu. [Alors que] sa trace (rasm) est cons-tiruee par des lettres qui se clifferericient les unes des autres et parla recitation (qirii:>a) du Coran. II est faux de dire que la Parole deDieu est identique a lui (huwa huwa) ou une partie de lui ou encoreautre que lui. En fait, les expressions (Cihiiriit) de la Parole de Dieusont var iees et sont ciiffererrciees (tabtalifu wa tatagiiyaruy, alors quela Parole de Dieu, elIe, ne se cliffer-errciepas et ne varie (p. 104) pas.II en est de rnerne de la rnerno'ire que nous faisons de Dieu, ellevarie et se cliffererrcie , mais I' objet dont nous faisons rrierno ire (al-madkiir), lui, ne varie ni ne se ciiffererrcie . Que si l'on appelle laParole de Dieu ar abe?", c' est parce que la trace [de cette Parole],laquelle en est I'expression et la recitation, est arabe. On l' appelledonc arabe ou hebr aique pour une ra.isonf? (li- cillatin), a savoir,dans Ie dernier cas, que la trace, qui en est l'expression, est hebr.ar-que. De rrrerrre, elle est appclee ordre (amr), interdiction ou infor-mation (babar)93 pour une raison. Toutefois, Dieu a ete de touteererrrite parlant avant que sa Parole ne fut appelee ordre et avant88 Op. cit., p. 601, I. 13 sqq.; utilise comme argument mu'itazilite, cf. Patton,p. 102 sqq.89 Maqiiliit, op . cit., p. 584, 1. 9 sqq.90 [Cf. LRS, pp. 252 penult.-253 et n. 23, 25, a propos de laposition de cAbbiidet des mu'tazilites. Pour celle de Ibn Kullab , cf. LRS, pp. 257-268, ri. 14.J91 Elle est appe-lee ainsi par Ie Coran: 12, 2; 30, 113; 43, 3, et passim.92 [i.e. pour une raison extririseque a son essence de parole (divine), et eon-tingente.]93 lei encore, par Ie Coran, eomme ar'abe, supra, ri,90.

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    IBN KULLAB 191I'existence de la raison pour laquelle elle a ete appelee ordre?+. Lameme chose vaut pour Ie cas OU sa Parole est appelee interdictionou information. [Ibn K'ullab] refuse qu'on dise que Ie Createurinforme ou interdise de toute etcr-riite. II dit que Dieu ne cree pasune chose sans dire: 'sois!'; il serait absurde que cette parole 'sois!'ait ete, elle, creee .cAbdallah b. K'ullab pr'eterrdait que ce que nous entendons

    reciter par les lecteurs (... t-tdlina .yatluna) est une expression de laParole de Dieu et que [seul] MOIsea entendu Dieu parlant dans sa[propre] Parole. Le passage du Coran qui dit: ' ... pour qu'ilentende la Parole de Dieu' (9, Tawba, 6) signifie: pour qu'il com-prenne la Parole de Dieu. Selon sa doctrine, il pourrait aussisignifier: afin qu'il entende les lecteurs Ie reciten>95.lci encore nous avons la nette distinction entre la Parole eter'neflede Dieu et sa realisation terrestre et finie dans Ie Coran ou dans la

    Torah. La Parole de Dieu doit etre iricr'eee, car c'est par la seuleparole, le sois! injonctif, que tout existant est cree, et commentquelque chose pourrait-il etre cree par une chose Creee96?Cepen-dant, cette Parole de Dieu est encore, dans une certaine mesure,informe; elle ne prend une forme que dans les expressions de lalangue, que ce soit la simple expression ou l'ordre et l'interdictionmarques par un affect, et comme telle dans les divers idiomes danslesquels les Livres sacres ont ete composes: en hebr'eu ou en arabe,et finalement dans le texte recite et dans les lettres (buruj), de quoice dernier est fait. Tout cela n'est que trace (rasm), imitation creeeet finie de la Parole eter-ne.llede Dieu, archetype celeste du Livre.21. Les muctazilites pouvaient faire I'ecorrorrriede cette chrafite.

    Pour eux, en effet, Ie Coran etait tout simplement cree, commeParole de Dieu et comme son attribut. (p. 105)97; IorsquequeIqu'un parle, il produit, il cree, dans une certaine mesure, de

    94 [Pour ce dernier passage, cf. M. Allard, Le problems des attributs dioins dans ladoctrine d'al-Afcari et de ses premiers grands disciples (= Allard), Beyrouth, Imprimeriecatholique, 1965, pp. 147-148.]95 Pour la traduction, cf. O. Pretzl, Die Friihislamische Attributenlehre, Munich,SBAW, 1940/4, p. 28 sq. [Quelques passages en sont traduits par Allard, p. 147-148, p. 150].96 cr. Maqiiliit, p. 512, I.4; voyez la rnerne argumentation chezYfisuf b, Yahyaal-Buwaytf', l'une des victimes de la mihna, dans Patton, p. 119 [trad. arabe, p.167; l'argumentation d'al-BuwaY!1(m. 231/845) se trouve dans TB, XIV, p. 302,

    1. 9-10] et plus tard dans Ibn Uuzayma, T'aiohid, p. 106, l. 15sqq. [pp. 161-132.]97 Maqiiliit, p. 528, l. 7 sqq.

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    192 J. VAN ESSla parole, pcur-etre rrierne en un autre, comme Dieu dans Ie buissonarclerrt?". Sans aucune clifficrrlte, ils mettaient donc sur Ie rnerneplan Parole, ordre ou interdiction, expression ou qtrestion?"; ilsconstataient que la parole humaine est faite de lettres et ne voyaientpas d' objection a transferer cela, par analogie, a la Parole deDieu10022. Ibn Kwllab a maintenu cette analogie sans Iaquelle il aurait

    dfi se contenter d'un simple hilii kayf comme Ibn I:Ianbal. Seule-ment, en revanche, il defiriit autrement la parole de I'homme, enfonction de sa conception de la Parole de Dieu. Elle non plus n'estpas identique avec sa forme et ses parties constitutives; c'est unerealite (maCnii) spirituelle qui subsiste dans I'arne et qui n'estqu' expr-irrieepar des Iettres"?", donc le contenu de ce qui est dit,ou mieux l'idee qui s'y trouve: le sens du dit est Ie dit Iui-rnerrre(inna ma'md l-qawl nafs al-qawl)102 et non sa forme exter'ieure; laparole est plus qu'une simple expression. Un ordre n'est un ordrequ' en raison de ce qui a ete ordonne103, c'est seulement par soncontenu qu'il rcco'it sa qualification p.a.rtictrlier-e. Pour Ibn KuIHib,kaliim a une anteriorite conceptuelle par rapport a amr, nahy, babar,etc... 104, c'est Ia conception de ce qui doit etre dit trlter-ieu.rernerit.De la sorte, Ia Parole de Dieu, sa pensee creatrice, peut etreererrrelle , mais son expression, elle, en tant qu'elle se porte sur unun faire historique concret, est creee dans Ie temps. De toute eter-rrire , Dieu est mutakallim [parlant], mais il n'en est pas pour autantmukallim [adressant une parole] de toute eternite105, car commemukallim il entre en relation avec le cree non eter nel par sa parole(kaliim) eterrielle"?", et celle-ci doit, dans une certaine mesure, pren-dre un vetement humain.

    98 Cf. Ibn 'T'ayrrriyya, Madhab as-salaf, op, cit., p. 27, antepenult. sqq.99 Maqtiliit, p. 444, I. 10 sqq.100 Op. cit., p. 604, 1. 8 sqq.; cf. la definition tardive et corrrplexe deCAbdalgabbar (b. A. al-Qac:;li),al-Mugni fi abwiib at-tatohid (= Mugni) , VII, flalqal-Qur'iin, ed. Ibr. al-Jbyarf , Le Caire, 1961, p. 6, 1. 11 sqq.101 Maqiiliil, p. 604, 1. 4 sq. = p. 425, 1. 10 sq. (?)102 Maqdisl, Bad' al-balq, I, p. 43, 1. 10.103 Maqtiltit, p. 444, 1. 13 sqq.104 Ibid.105 [Sur la distinction mutakallimlmukallim et la position de certains rrru'iraaifites ,cf. LRS, p. 253, n. 25; 267, n. 13.]106 Pazdawl, Usii! ad-din, op. cit., p. 65,1. 15 sqq.; cf. aussi Sahrastanl, Nihtiyat

    al-aqddm fi Film al-kaliim, ed. A. Gtrilfaurne , Oxford, 1931, p. 303,1. 16 sqq.

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    IBN KULLAB 19323. Pour l'homme, il en est de la Parole de Dicu comme de la

    perrsee d'autrui, elle lui reste incomprehensible et inaccessible; ils'en tient aux formes qui l'expriment, dont il la cledrrit , tout commeil saisit la puissance d'agir (qudra) a partir du faire (fiCl)107; iIn'entend cette parole que par le moyen d'un son ter'restre "?". SeuIMOIse a entendu directement la voix de Dieu: . .Je t'ai choisi,ecoute ce qui t'est revele (20, 'Taha, 13). Mais comme pr'ophete ,il reste une exception. Pour soutenir cette these, Ibn Kxrllab doit,a l'instar des mu'itaz.ilites, meme rernrer-prete r une declaration duCoran qui semble promettre que chaque croyant eritenclra IaParole de Dieu (9, Tawba, 6): on ne fait que la cornpr'enclre. Az-Za.rnaljsariiriter'pr'ete de la rnerrre (p. 106) facori cette declarationcomme reflechir sur (yatadabbaruhu)1 09.

    IV) L 'affinement de La theorisation sur le Coran24. Les deux theses, celle des rrru+taz.ilies et ceUed'Ibn KulIab,

    polies et affirrees par une discussion continue, sont bien constiruteeset conseq'ueru.es, Des convictions qui, au debut, se fondaient sur leCoran et sur un certain engagement irrationnel, ont re~u dans Iecours du cleb.at un large fondement theor-ique. Ibn K'ulfab disposaitpour ce faire d'une terminologie adapree: a cote de kaldm Alliih, iIdistingue, comme nous l'avons vu, la recitation (qirii'a) , l'expres-sion (Cibiira), la trace (rasm), a partir de laquelle on conclut aI'existence de la Parole de Dieu: les lettres des exemplaires duCoran et les sons de Ia recitation. clbiira est certainement la notionla plus typique chez Ibn Kullab. EUesemble relativement peu mar-quee et est merne reprise par quelques harib.alites, ce dont IbnTaymiyya s'indigne110 Ce rnerne terme se trouve aussi chez Iecontemporain d'Ibn K'ullab, Ibn ar-Rawandl, dans un contexte

    107 CAbdalgabbar, Mugni, VII, op, cit., p. 99, 1. 10 sqq.108 Cf. Sarrusr, Muqaddima. Les proligomenes theologiques de Senoussi (Proligomenes),

    texte arabe et trad. fr arrcaj se par J .-D. Luciani, Alger, 1908, p. 185, penult. sqq.109 Zamabsari, Kasidf, ad locoCette position un peu delicate a ete abandon nee

    par les as

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    194 J. VAN ESSsernbfable t!". II n 'y a aucun doute possible sur la dependance desdeux autres termes: qirii'a est repris des rrru'itaz.ifites et rasm, dutheologien rafid'ite Hisam b. al-Bakam 112. Pour ce dernier aussi lessons iaoles sont la trace du Coran, rrierne si, contrairement a IbnKrrll ab , ce Coran (Ibn Kullab aurait: Ia Parole de Dieu) est con-sidere comme un acte de Dieu (fi'l Alliih) , et non comme une partiede son essence-!".25. Cette derrriere dependance va plus loin encore. Elle nous

    remet en presence du point qui est au cceu r du cleb at de Ia mihna:pour Ibn Kullab, Ie Coran est-il cree ou non? La question etaitequivoque, comme devait le reconnaitre quiconque travaillait avecIa notion de trace, et c'est pourquoi Hisam, consequent avec lui-rrierne , I'a declaree sans objet. Le Coran ne peut etre dit ni cre ateu r(biiliq), ni cree, ni iricree. C'est un attribut de Dieu, et commentdevrait-on qualifier une qualite par une autre (i. e. la creation ou lanon -creatiori) 114?Ibn Kullzib devoile qu' il connait cette idee: onpeut certes dire que la Parole de Dieu est iricreee , mais non pasqu'elle est eterrielle; car quelque chose n'est ete rrrel (p. 107) quepar une eterrrite qui subsiste en elle, et cette eternit.e, en tant quequ alite (positive) ne peut de nouveau subsister dans une autrequ alite (Ia Parole )115. Dieu est seulement ete rriel avec saParole116. C'est presque la rnerne argumentation que pr'ececlern-ment. II y a, toutefois, une Iegere difference: pour Ibn Kullab, ils'agit de l'attribut eterriel, et non plus, comme chez Hisam, del'attribut cr'ee ou iricr'ee; Ibn K'u llab qualifie explicitement lesois! de l'acte cr'eareu r d' incree11 7. Seulement, ce n'est pas IeCoran qui est iricree , mais la Parole de Dieu. La difference d'avecHisam ne porte pas sur Ie contenu, elle est verbale; en introduisantIe terme kaliim Alliih et en evitant, autant que faire se peut, Ie motCoran, Ibn Kullab devient libre d'utiliser a nouveau les mots creeet iricree.26. On pouvait encore formuler la chose autrement. Ainsi un

    des partisans d'Ibn Ktrll ab , selon toute vraisemblance al-

    III Pazdawi, trsa! ad-din, p. 61, 1. 17 sqq.112 Maqiiliit, p. 583, 1. 1.113 Ibid., I. 2.1HOp. cit., p. 40, l. 2 sqq.; 582, I. 11 sqq. [: li-annahu sifa wa ~-~'ifaIii tU$af]iis Cf. CAbdalgabbar, Mugni, VII, p. 4, I. 2 sq.Jl6 Cf. supra, nO 21.117 Cf. ibid.

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    IBN KULLAB 195MubasibP 18, qUI exprune Ia these de Hisam positivement: IeCoran est en partie cree et en partie iricree. Cela signifie toutsimplement qti.'il n'est pas les deux exclusivement et qu'il ne peutetre dit les deux exclusivement. L'idee est ensuite expficiree: Cequi y est cree ce sont, par exemple (fa-mzll) (Ies passages ou il estquestion des) qualites des creatures ou leurs noms, ainsi que lesdeclarations (abbar) sur leurs actions119. Nous pouvons interpretercela dans Ie sens de la theor ie d'Ibn Ktrll ab ; les passages dont ilest ici question ne seraient alors que la partie pour Ie tout (mill),pour toutes les expressions: ordre, interdiction, declarations, etc.C'est dans ce sens que va encore un autre point de vue qu'al-Ascarimet dans la bouche d'un partisan du hadit; il I'emprunte a sasource qui I' attribue au zaydite Strla.yrnan b. Garir dont Ies thesestheologiques viennent souvent dans Ie voisinage de celles d'IbnK'ultab dans les Maqalat, mais pour dire qu'elle s'est trornpee: Cequi est science divine dans Ie Coran, nous ne l'appelons pas creeet nous ne disons pas que c'est quelque chose d'autre que Dieu; estcree, en revanche, ce qui contient ordre et interdiction120. Lesexpressions sont creecs ; mais au-clela d'elles, Ie Coran a toujoursegalement un aspect et.er-nel iricree: Ia science divine qui estexpr irrree en lui.27. Mais cela donnait encore a penser. AI-Ascari continue: Ces

    (tb eolog'iena) preterrdent que la Parole (de Dieu) est advenue dansIe temps et que Dieu est parlant de toute ete rrrite ; pourtant elle con-siste en lettres et en sons, et Dieu a exp rime ces nombreuses lettresde toute eternite121. Telle est aussi la doctrine d'al-Mubasibi,comme Ie montre un passage paralleIe d'al-Kalabadi, mais cettefois (p. 108) different d'Ibn K'ulfab: pour ce dernier, Ie kalam Allahne consiste pas de toute ererrrite en sons et en letrres"!". En cela lepoint de vue d'aI-Mubasibi est peut-etre moins un compromis avecles rrru'itaz il.itest '>, pour qui la Parole de Dieu est bien creee, qu'uneconcession faite a la conception orthodoxe des gens du hadit, telle118 Van Ess, Gedankenwelt, p. 207.119 Maqdldt , p. 586, 1. 1 sq.120 Op. cit., p. 586, 1. 7-10.121 Op. cit., p. 586, I. 2-4.122 Gedankenwelt, op. cit., p. 207 sq.; [al-Kalabad1, Ta'orruf, ed. A. J. Arberry,

    Le Caire, 1934, pp. 18-19; [trad. R. Del adr-iere , 'Traite de soufisme , Paris, 1981, pp.41-43.]

    123 Comme il est dit dans Gedankenwelt, p. 207 sq.

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    196 J. VAN ESSqu'elle est rapporree par al-Gal:ti,? a propos des 'ndbita'?", IbnTaymiyya pourrait alors avoir raison, lorsqu'il remarque qu'al-M'ubasib'i se convertit a ce point de vue seulement apres sonaffrontement avec Ibn I:Ianbal et apres s'etre detou rne d'IbnKullab125.28. Perrt-erre faut-il placer ici egalement Ibn Ma_g-asun (m.213/828 ou 214/828)126, rnalik.ite et contemporain d'as-Safi'I, Iors-qu'il qualifie Ie Coran de rnoirie cree et rnoitie incree127. AI-PazdawI pretend que certains partisans du /:tadil dependent deH'isam b. al=Hakam sur Ie point meritiorme ; il cite, entre autres, lenom de 'Abdallah b. al=M'ubarak (Abu 'Ar. al-MarwazI, m.281/894)128. II y avait des choses dans Ie Livre saint qu'on pouvaitdifficilement croire eterrielles Le Pcre de l'EgIise mu'tazilite'Amr b. 'Ubayd deja n'avait pu se faire a l'idee que les maledic-tions dans Ie Coran, par exemple, dans la sourate de Abu Lahab,fussent d'origine divine129. De plus, on voyait difficilement com-ment Dieu dans son Coran irrcree pouvait adresser des ordres a deschoses qui n'etaient pas encore creees130 Ibn I:IanbaI, de I'autrecote, s'etait approche, de facori caracteristique, du pr-oblerrie: lesnoms de Dieu sont iricrees, or ils apparaissent dans Ie Coran, doncIe Coran, a leur instar, est incree131.29. Ni Ibn K'ullab , ni d'abord vraiment son collegue d'ecole

    anonyme (af-M'ubaaibf) ne qualifient sans restriction Ie Corand'incree; ils ne pretendent cela que du kaliim Allah. Ils ne le tiennentpas non plus pour exclusivement cree , Ibn Kullab, contrairementa al-Ivluhaaibf , evite meme tout a fait Ie mot mahliiq (ou balaqa). IIne voulait pas, comme Ie faisaient les mu'tazilites, faire equivaloirIe verbe anzala, par Iequel on desigriait la descerite du Coran etsa revelation a M'ub.arnrrrad dans I'histoire, avec balaqa, mais avecaClama communiquer et afhama faire comprendre, tous deux

    124 Cf. Ch. Pellat, AIEO, Alger, 10 (1952), p. 323; [cf. Ch. Pellat, ArabischeGeisteswelt, op. cit., pp. 139-140].125 Ibn Taymiyya, Madhab as-salaf, op. cit., p. 74, 1. 7 sq.126 [SAN, X, pp. 359-360].127 Maqiiliit, p. 586, 1. 5 sq.128 PazdawI, Usa: ad-din, p. 54, 1. 3 sqq.; pour CALb. al-M'ubar ak, cf. Ta)rilJBagdad, X, p. 152 sqq.129 Cf. Gedanlcenwelt, p. 208.130 Cette question est encore cliscutee par an-Nasafi, Bahr al-kaldm ; dans A. Jef-fery, Reader, op. cit., p. 399 sqq.131 Patton, p. 90.

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    IBN KULLAB 197etant mis en relation avec Gabriel qui Ie transmettait aMubammad132. A cette epoqtre, on cherchait encore des termes etdes formulations inoffensifs. C'est ainsi qu'un contemporain d'IbnKrrllab, un peu plus jeune que lui, Mubammad b. SugaC at-TaigI(m. 266/879-80) utilise au lieu de cela Ie mot mubdal aclverru dansIe temps133, probablement repris du rrru+tazilite ancienMuCammar134; Ie Coran est muhdai; mais rri cr'ee (p. 109) niiricree, on y verra a nouveau une reminiscence de Hisam b. aI-Hakarn . D'awud b.

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    198 J. VAN ESSV) Vcrs La -formule d)I bn K ulldb31. Dieu parle eternellement; sa Parole appartient a ses attributs

    essentiels (~ifiit an-nafsy'?", Dieu donc ne peut que parler: IbnK'ulfab , a la suite de Abu l-Fluclayl , distingue entre la parole con-trairrte (i(i.tiriiri) et la parole librement voulue (kaliim ibtiyiirf, chezAbu I-Hugayl; iktisdbi chez Ibn Kullab)141. Chez Abu l-Efudayl ,cela se rattache a sa tb.eor'ieseion laquelle les habitants du paradissont contraints a dire la verite142; chez Ibn Kullab, rrierne si lessources ne nous donnent pas plus de details, on pourrait compren-dre par la la distinction entre la parole divine et la paroleh'urnairie t+".32. Restait la question de savoir dans queUe mesure Ia Parole

    comme qualite essentielle est efTectivement identique aDieu.Df apres une remarque de Mul:Iammad b. SugaC al-Talgl, certainsfaisaient equivaloir le Coran avec Ie cr'eateur , d'autres n'y voyantqu'une partie de Dieul44, ainsi comme l'ajoute Zurqan (M. b.Saddad af-M'isrna'T, m. 297/909 au 278), le traditionniste ancien,le tres pieux Waklc b. al-Garrab (m. 129/746-197/813 au 198/814).On pouvait rrrerne, a l'inverse, corrsicle.re.r Dieu COlTImeune partiedu Coran, dans la rnesure au il y est rrierrrioririe t+". Ibn K'ullab semontre ici beaucoup plus prudent. II (p. 110) voit toutes lesdeclarations sur le Coran dans un contexte plus vaste, celui de Iadoctrine des attributs; de plus, on pouvait clifficiferrrerrt travailleravec des termes si Hi.chesque partie. Les noms et les attributs deDieu sont globalernerrt non differents de Dieu, mais ils ne sont pasnon plus identiques a lui: sinon les qualites seraient inter-changeables, la science de Dieu, par exernple, equivaudrait a satoute-puissance, et cela ne saurait etre. Les attributs ne sont niidentiques a Dieu, non plus que non iclerrti qtres+t". Pour exprimercela positivement, Dieu et ses attributs ant quelques chose de com-mun, et ceux-ci, a leur tour, ant quelque chose de commun entre

    140 Op. cit., p. 517,1. 6 sq.141 Op. cit., p. 605, 1. 2 sqq.142 Ibid., pour l'ensemble du problerne , cf. I::.Jayyat, Intisdr , p. 56, 1. 6 sqq;

    Maqiiliit, p. 485, I. 12 sqq.; H. S. Nyberg, Abu I-Hudhayl al-CAlliif,dans EF,I, pp. 131-132.143 Cf. la polerrrique contre cela dans (Abdalgabbar, Mugni; VII, p. 95, et

    l'emploi de kasb, supra n" 21.lHMaqdldt ; p. 586, 1. 11 sqq.145 Op. cit., p. 586, 1. 13 sqq.146 Op. cit., p. 298, 1. 6 sqq.

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    IBN KULLAB 199eux. II subsistent tous en Dieu (qieim bi-lliih), sans, encore une fois,pouvoir subsister l'un dans l' autre147 D'ieu parle signifie: en Dieusubsiste l' attribut parole (maCnii qii)im hi-d-diit)148, et de rnernepour les autres attributs; mais cela ne signifie pas qu'il parle avecsa volorite ou avec sa toute-pu issaricet+".33. Cette expression, qui fait un effet quelque peu irrationnel,

    rri identique, ni non iclerrti.que, avec laquelle Ibn KulHib travailleici formellement, sent Iecompromis, et l'on est terrte de situer celui-ci entre les rrru+taz.iltes et les gens du /:ladil. D' ailleurs, on ne peutignorer qu'il se tourne presque uniquement vers les muCtazilites.Mais n' existait-t-il rien de correspondant du cote adverse oir ilaurait pu servir d'intermediaire et pour lequel il aurait pu faire desconcessions? II n'existait pas encore de tb.eolog'ieorthodoxe dontil aurait pu temperer Ies vues; c'est seulement lui qui l'a forrdee, Sinous comparons avec ce qu'al-Ascarl rapporte sur la doctrine despartisans du /:ladil et des gens de la sunna , il apparalt qu'on y parlepeu d'une doctrine des att.rib'uts'>". On etait seulement d'accord surle fait que Dieu a une science, comme Ie Coran Ie voulait (4, Nisa ',166; 35, Fdtir , 11), et qu'on ne pouvait pas dire, comme lesrrru'iraz ifites , que la phrase Iesnoms (et les attributs) de Dieu sontquelque chose d' autre que D'ieu signifie: Creel51 En revanche,semble-t-il, on se gardait de dire positivement, que les fifiit sontidentiques aDieu, si ce n'est dans le sens de la non-creation. Onrejetait une these, mais on n'en enon~ait pas une nouvelle. Oncroyait a l'existence eterrrelle des fifiit, mais on s'en tenait a ladeclaration du Coran. S' il s' erait agi du contenu de la doctrined'Ibn Kullab, et non aussi de la methode (dialectique), par laquelleil y parvenait, on se serait senti peu coricer-ne,34. II en allait autrement des muvtazifites. Tlsse sentaient con-

    cernes quand Ibn Kullab disait que (p. 111) l'expression Dieu estscient signifiait aussi Dieu a une science, et qu'il en etait ainsipour tous ses attributs dans leur enumeration concrete etpart.icufieret>". De rnerne lorsqu'il pensait que des noms pr'esup-

    147 Op. cit., p. 298, 1. 9; 169, 1. 12 sq.; 546, 1. 8 sqq.148 Ibn al-Qjryyirn , IgtimiiC al-guyiis al-isliimiyya (Calii gazw al-rnu'iauila wa 1-

    gahmiyya), litho. AIllritsar, 1314/1896, p. 110, l. 2 sqq. [Beyrouth, Dar al-Kutubal-Silrrriyya., 1984, p. 179, l. i. 6].149 Ibn T'ayrrriyya, Madhab as-salaf ; p. 27, antepenult.; 73, L 12 sqq.150 Maqiiliit, p. 290 sqq.; Ibiina, p. 5,1. 6 sqq,151 Op. cit., p. 290, 1. 13 sqq.152 Op. cit., p. 169, 1. 10 sqq.; 546, 1. 3 sqq.

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    200 J. VAN ESSposaient aussi des attributs (rt~els), comme toute chose quand elleest qualifiee - i.e.; du point de vue grammatical, pourvue d'unadjectif (maw~iij) - cela ne pouvait etre qtra cause d'un certainfacteur (maCna)153, precisement a cause d'une qualite-P", d'unechose, d'un accident (Cararj, eviclernrnerrt ici, seulement pour leschoses terrestres) qui subsistent en lui155. Car les rrruStazilitesfaisaient partie avec les barigites, les norribr'eux murgi'ites etzayclires, de ceux dont al-As'iarf, errurnerant de nouveau un par untoutes les #fiit et tous les asmd? (on n'etait pas pret a l'abstractionet peut-etre n'en etair-orr pas capable), rapporte le point de vueselon lequel on ne pouvait, d'un adjectif, iriferer une qualitereelle156 cAbbad b. Su'layrnan , notamment, avec lequel Ibn Kullaba engage une discussion ace sujet '>", pensait qu'ici seule l'existenced'un nom erait confirrnee pour Dieu (i.1biit ism u-ussv=, ou encoreari-Nazzarn , pour qui chaque adjectif confirmait seulementl'essence (diit) de Dieu dans son existence, et non un attributcorresporidarrt tw Da~s un rrrorrotheisrrre (tawI;Jd) consequent, oncraignait toute d'ualite, ffrt-efle conceptuelle.VI) Les antecedents de LaformuLe35. II se peut que le pr'obferne ne soit pas bien pose tel quel. II

    y va de laformuLe rri identique, ni non identique et de l'accent alui donner; or elle ne provient pas de Ibn K'ullab. Deja Abu 1-Hudayl (m. age 227/840?) l'employait, mais seulement pour larelation entre les attributs. Contrairement a son disciple an-Nazzarn et a cAbbad b. Sutayrnan dont nous connaissons deja Iepoint de vue, il confirme encore l'existence (albata) d'attributs, neles redu.isant pas a de simples noms: Dieu est scient par sascience, puissant par sa toute-pu issa.nce-?". Si l'on dit scient, onveut dire par la qu'il a de la science et qu'on nie de luil'ignorance161; ce dernier aspect est presque mot a mot en accord153 In. d. t.:J. van Ess traduit icimaina par Moment, c'est-a-dire, en allemand,element decisif, factexrr,cf. Petit Robert, sub moment" II/2].154 Maqiilat, p. 357, 1. 3 sqq.155 Op. cit., p. 370, 1. 11 sq.156 Op. cit., p. 177, 1. 7 sqq.157 Cf. Subki, II, p. 51; apres Fihrist, p. 180, 1. 11; cf. infra nb 73.158 Maqaliit, p. 178, 1. 4-5.159 Op. cit., p. 178,1. 1-3; pour plus de details, cf. Pretzl, op, cit., p. 13 sqq.160 Maqaliit, p. 165, 1. 5 sqq.161 Op. cit., p. 165, 1. 8; 484, 1. 7 sq.

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    IBN KULLAB 201avec Ibn Krrllab et est peut-etre une pointe dirigee contre latheologie negative162de son prcdecesseu r dans Ie kaldm basr ien ,D'irar b. cAmr, }'un des premiers th.eologiens musulmans a propre-ment parler. Seulement ces attributs, contrairement a Ibn Krrll.ab,sont identiques a Dieu163; toutefois, cornrne le precise Abu 1-Hugayl, en ce sens que Ia science de Dieu est identique aDieu, etnon pas parce que la science, en tant que telle, serait (p. 112) egalea D'ieu164. Entre eux, cependant, Ies attributs ne sont rii identiquesni non identiques165: le sens (maCnii) de D'ieu est scient est certesidentique a celui de D'ieu est tout-puissant; mais l'objet de lascience divine est different de celui de sa pu issaricev''".36. Abu l-Flucla.yl donc parle d'attributs; mais il ne veut y voir

    des ent ites autonomes que dans un sens tres restreint. AI-Ascari metfortement en valeur I'inconsequence que, selon lui, comporte cepoint de vue; si la science de Dieu est identique aDieu et sapuissance identique a lui-me me (clapres l'axiome selon lequel deuxchoses identiques a une troiaierrie doivent egalement etre identiquesentre elIes), la science doit etre identique a Ia toute-puissance, etnon pas ni identique, ni non ideririque '>". Il semble qu'il y ait unargument plus ancien derriere cette remarque, De toute facon , siI'on relevait cette inconsequence, la conclusion s'ensuivaitirrrrnecli aternent que les attributs ne devaient plus, comme chezAbu I-Hugayl, etre identifies avec Dieu, mais, cornrne nous Iesavons pour Ibn Kullab, etre tenus pour rri identiques, ni nonidentiques a lui; de fait, c'est pour cette solution qu'ont opte desopposants (mubiilifiin) de Abu I-Hugayl, desquels al-As-art parleici "?".37. Des I'abord, on est tente de penser que les opposants ainsi

    designes sont Ibn K'ullab et ses partisans; mais cette conclusionserait pr-ernat.uree et probablement fausse, car un troisierne person-nage entre en ligne de compte, II s'agit, a nouveau, du theologien

    162 Op. cit., p. 281, 1. 13.163 Op, cit., p. 165, 1. 5: huwa ciilim bi-cilm huwa huwa, wa huwa qiidir bi-qudra hiya

    huuia, wa huwa I.zayybi-hayd! hiya hutoa.164 {Lam yaquI innahu (= Dieu) 'ilm]; op. cil., p. 584, L 14-15; cf. Pretzl, op. cit.,p. 11 sq.165 Maqiiliit, p. 177, l. 15 sq.; 484, i. 11 sqq.166 Op. cit. , p. 486, l. 2 sqq. Sur la remarque d'al-Ascarl selon qui Abu I-Hudaylaurait repris cette doctrine d'Aristote, cf. Pretzl, op . cit., p. 13.167 Maqiiliit, p. 485, l. 4 sqq.168 Ibid., p. 384, l. 13 sqq.

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    202 J. VAN ESSrafidire Hisalll b. al-Fl akarn , lequel a deja soutenu cet te these bienavant Ibn Krrllab . Tout cornrne chez ce dernier, pour lui aussi Dieuconnait par une science qui n'est ni lui, ni autre que lui, et ced'autant plus que Hisalll tient la science divine pour finie, et seule-rnent possible apr'es la venue a L ' existence des choses au sujet des-queUes Dieu sait169 On ne peut rien declarer d'autre sur cettequ alite parce qu'on ne peut pas la qualifier encore une fois '?". Noussavons, par ailleurs, que Hisalll a eu une dispute avec Abu 1-Hugayl alors que celui-ci se rendait au pefer inage a la Mecque171lei encore, cornme dans sa doctrine du Cor-an 172, Ibn K'ullab lui faitdes errrpr urrts.38. Une question reste toutefois ouverte, celle de la pr ior ite

    absolue entre Abu I-Hugayl et Hisalll. II serrrble ici encore qu'ellerevienne a Hisalll. Chez al+Mas'iucli , on trouve (p. 113) une infor-rnat iori interessante seIon laquelle Abu I-Hudayl aurait iriter rogeHisalll sur la forrrrule: pourquoi la qualite n' est-elle ni identiqueau qualifie ni non idehtique? Hisalll trouve I'explication suivante:Mon acte non plus n'est ni identique a rrroi, ni non identique a rrroi;c'est une rrioclificatio n apport.ee a une substance qui subsiste en soi ,il ne subsiste pas en soi, rnai.s il n'est pas non plus identique a cettesirbst.ance '?". Hisalll b. al-Fl akarn , bien que probablernent encorerres jeune a l'epoque, a freque nre le cercle de Gacfar a.s-S'adjq , lesixierne Lrnarn , et de son fils-?", et la on a visiblernerit deveIoppe desidees part icufieres sur les attributs.169 Van Ess, Geda nken welt , p. 175; Id., Oriens , 13-14 (1960-61), p. 384.170 Maqiiliit, p. 37, 1. 10 sqq. [: li-annahu sifa wa s-sifa LatilJa!]; Ibn K'ullab auraitdit: parce qu' aucune qualite ne peut subsister en une autre, cf. supra n? 25.171 H. S. Nyberg, Abu l-Fl'uclhayl, EI, I, p. 131 b.172 Cf. supra, n 24.173 Mas'udi, Muriig, op. cit., VII, p. 232 sq.v'ed. 'Abdall).amid, IV, p. 105, 1.5 sqq. red. Ch. Pellat, V, p. 22, 2917].174 M. G. S. Hodgson, Dja'Tar a~-Sadik, EI, II, p. 385a. Cf. Maqiiliit, p. 36,l. 1 sqq.; Bagciacli, Farrv op. cit., p. 52, 1. 8 sqq.: concernant les Zurarites, par-tisans de cAbdallah b. Ga'Tar a~-Sadiq; Zurar a est d'accord avec Hisam sur cer-tains points de Ia doctrine, cf. Milal, op. cit.; p. 401, 1. 6/LRS, p. 537. Hisam a,semble-t-il, connu encore cAmr b. CUbayd (m. 1441761), cf. Kassi, Ri/liil, ed. A.CA. I:Iusayni, KerbeIa, s. d. (1960 ?), p. 232, 1. 5 sqq.Pour I'utilisation de la forrrmle- dans son systerne , cf. MaqiiLiit, p. 38, 1. 1 sq.;222,1. 1 sqq.; 493, 1. 15 sqq. Ces trois passages sont idcntiques et proviennent,cornrne nous I'apprenons dans le dernier, de l'ouvrage heresiographique de AbuI-Qasim al-Ballji. Il resulte d'une comparaison entre Ie deuxierne et le tr-oisierriepassage que c'etait dans un chapitre sur les attributs divins et specialement sur Iascience de Dieu, cesr-a-cli re, non pas, comme on pourrait aussi le penser, d'unresume de Ia doctrine de Hisam b. al-Flakarn.

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    IBN KULLAB 20339. La dependance d'Ibn KulHib par rapport a Hisam b. al-

    Bakam nous aide peu.t-er re a eclairer I'obscur ite qui entoure un.autre mutakallim qui doit etre egalernent rnenriorme dans ce con-texte, Iezaydite Sutayrnart b. Garlr ar-RaqqI. Ses vues, telles qu'al-As'arl nous les rapporte, sont etorrnarnmerrt proches de celles d'IbnKrrllab, beaucoup plus proches que celles de Hisam b. al-Bakam 175. La seule divergence semble etre que Strlayrn.an b. Garlrtient le visage de Dieu pour identique aDieu et que, contraire-ment a Ibn K'ullab, il ne veut pas appliquer ici la forrnule qu'il(p. 114) utilise toujours, par ailleurs17640. II ne s'agit toutefois pas de faire de lui un partisan d'Ibn

    Krrllab. Nous ne savons rien de precis sur ses dates, mais il faudraitcertainement les placer tres t6t. An-NawbabtIl77, tout comme lesautres heresiogr.aphes, nous apprend que, corifor'rrrerrrerrta la posi-tion rnocie.reedes zaydites en general, il ne voulait plus corrsiclere.rl'hommage rendu a Abu Bakr et a 'Vmar comme une aberration(!Ja. ta~; de plus, il nous dit que certains partisans de Ga'far as-S'ad'iq, donc du aixierrie Imarn, Ie rerrier-ent lors de la mort de sonfils airie Isrna'Tl (ca. 143/760-1) qu'il avait desigric comme son sue-Le collationnement des textes montre qu' al-Asvarf agit tres librement avec sasource; il elucide ou raccourcit selon que lecontexte I'exige: plus d'un passage estpIus une reportatio qu' une citation. Le passage le plus developpe est p. 493, 1. 15sqq.; p. 222, 1. 1 sqq. est, en regard, quelque peu abrege et commence apres lapremiere phrase; p. 37, 1. 8 sqq., la conclusion clevie du sujet. IIresterait aexaminer dans quelle mesure la formule introductive (ftukrya, qdla ; etc.) exprime,dans chaque cas, la pr-ecisorrde la reportatio qui suit. Des fautes directes sont a met-tre sur le compte du manuscrit. Ainsi p. 37, 1. 11, il faut lire: fa-Iii yagiizu au lieu

    defa-yagiizu, comme p. 494, 1. 2; p. 493, ult., doit etre probablement complete parbi-l-asyii"; apres lam yazal ciiliman, comme p. 37, 1. 9.Le passage cite d'al-Mas(tidi serait a adjoindre a Maqiiliit, p. 44, 1. 5 sqq.; laaussi la forrrruleest appliquee a Ia relation des actes a leur sujet, l'homme, ellele sera plus tard egalement aux corps irrarrirneset a leurs qualites; cf. Maqdldt ; p.344, 1. 9 sqq. Comme on Ie sait, Hisam a, probablement sous l'influence dustojcisrne , iderrtifie tout simplement corps (soma, en grec) avec existarrt,Maqiiliit, p. 304, 1. 11sq.; il pouvait de la sorte trouver une justification a I'applica-tion de ceconcept aDieu, Maqiiliit, p. 521,1. 1sq. Cela lui a valu par la suite d'etrecouvert d'ignominie comme anthropomorphiste (mufabbih) radical et cor'poreiste(mu,gassim). rCf. SAN, X, p. 543, nO 174: ar-riifidi al-musabbili al-mu'1ir.]175 Sur la doctrine des attributs, cf. Maqdlat , p. 70,1. 8 sqq.; 514,1. 15 sq., ouSrrlayrrran et Ibn Kullab sont nornrries ensemble; cf. infra n" 50.176 Maqiiliit, p. 171,1. 6; cf. infra n" 57, 2.177 Nawb.ahtf, Firaq af-ff

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    204 J. VAN ESScesseur et passererit a S'ulayrnan b. Garir178 S'ils quite"rent Ga'far,c'est visiblement que, a la suite de l'echec de la brancheisrrrailierme, ils esper aient une plus grande activite du groupezaydite et qu'ils n'etaient pas d'accord avec le trajet non politiqueet presque quieriste (qu'iid) de Ga'far. IIse peut que ce soient lesmemes zaydites qui, environ vingt ans auparavant, apr'es l'ecrase-ment de la revolte de leur chef Zayd b. 'Ali (122/740), avaientrejoint Ga'far as-Sacliq'?". Cornrne leurs objectifs ne furent pasrealises, c'est vraisemblablement Sufayrnari b. Garir qui profita deleur deception. Celui-ci, rnalgre la situation politique clefavor-able,n'a pas voulu totalement se derobe r a des plans revolutionnaires;c'est ce qu'on peut constater, puisque plus tard il a fait allegeariceau pretend ant 'alide Y'abyab. 'Abdallah b. al-H'asan qui mena desactions au Daylam autour de 175/791-218. C'est peut-etre de cetteepoque que provient la doctrine agressive que Mutahhar al-Maqdisi181 nous transmet de lui: celui qui a fait la guerre contre'Ali est cornrne un irnpie.41. Le lien entre Gacfar et Strlayrn an expliquerait egalement

    pourquoi ce dernier appar ait en un lieu des Maqdlat'"? commesource heresiographique pour certaines theses doctrinales desirrrarrrites, justement les partisans mocleres de Gacfar as-Sadi q.Parlait-on deja a I'epoque de irnarn iyya? Le scepticisme aveclequel Watt, notamment, examine ce passage ne semble pasinfonde183.Du reste, aI-As'arP84 Iui-ruerne le nourrissait deja, con-tredisant explicitement sa source lorsqu' elle attribue un point devue a Strlayrnan b. Garir; nous sentons egalement en un autreendroit185 que ce que rappor-terrt quelques mutakallimiin deSutayrnan b. Garir Ie met mal a l'aise. De fait, ce qu'on y trouveest dit dans une langue cornpfiqtree , telle que cela peut difficilementavoir ete expr irne au II/VIIleme siecle; on rencontre egalementune these doctrinaIe, elle aussi tres subtilement forrrnrlee (p. 115)

    178 oe, cit., p. 55, 1. 7 sqq. [trad. pp. 78-79, n 106]; 56, ult , sq. [trad., p. 80].179 Cf. Ell, sub Zaid b. 'Ali.180 Cf. C. van Arendonk, De Opkomst, Leyde, 1919, p. 73 et 59 sqq.; (trad. Les

    debuts de l'imiimet zaidite au Yemen, Leyde, 1960, p. 80-1, 65 sq.]181 Bad', op. cit., V, p. 133, 1. 5 sqq.182 Maqiiliit, p. 64, I. 5.183 Cf. Oriens , 16 (1963), p. 119.184 Maqiiliit, p. 586, l. 10 [: /:takiihu hii{Jii l-/:tiiki can Sulaymiin b. Garir wa huwa gala!

    Cindi].185 Op. cit., p. 73, 1. 5.

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    IBN KULLAB 205et sous une forme arralog'ue-v" sur le rnerne theme, celui de la toute-puissance de Dieu; mais cette fois, eUe est attr ib'uee a aI-Gubba?I(m. 303/915-6). On a l'impression d'avoir affaire a un passageapocryphe. Nous avons un cas sembIable avec Ie corpus de Zayd b.

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    206 J. VAN ESSune seconde date pour la mort de Hisam: 199/814, cest une simplevariante scripturaire; al=Hj.ll!opte pour elle192 Cependant, nousaboutirions ainsi a l'epoque d'al-Ma)mun, alors que tout ce quenous savons de Hisam se place a celle d'ar-RasId. De plus,l'histoire citee dit qu'avant sa mort Mfisa al-Ka?irn, Ie scptierneimam, a ete errrprisorme ; celui-ci est mort, ciap res la date la pluscredible, en 183/799, au plus tard, en 189/805. At-TusI fait deHisam uniquement Ie contemporain de Ga(far as-S'adiq et de sonfils Musa al-Ka?im193.Que Strlayrnan b. Garlr, qui, peu avant, avait rejoint le (Alide

    Yab.ya b. (Abdallah, apparaisse soudain chez les Barrriecides peuttenir au fait que Fa.dl b. Yahya, fils du puissant vizir avait pousseIe preteridarrt , avec de la ruse et de l'argent, a se revolter"?"; peut-etre surveillait-on Sufayrnan , II est possible aussi qu'il ait g'agrie lafaveur des Barrriecides en se montrant accommodant pourl'empoisonnement du (Alide Ldrfs (1) b. (Abdallah (p. 116), fon-dateur de la dynastie idrIside au Maroc, et, soit dit en passant, frerede Y'ahya b. (Abdallah. Le meurtre eut lieu, d'apres une dorrncerres repandue, en 177/793195, done peu apres les troubles (alides duDaylam. Or dans la tradition, il n'est pas rare qu'ils soient imputesa un S'ulayrnan b. Garlr al-GazarI qui est expr'essernerit designecomme un mutakallim zaydite, et qui aurait agi a l'instigation duvizir Y'ahya b. Ijalid196 On fera bien toutefois de suspendre pro-visoirement son jugement, car Ia date de mort n'est, roalgr'e tout,pas tout a fait sure. L'une des sources les plus anciennes mentionneI'annee 174/790; ainsi nous serions avant la fin de la r'evolre auDaylam. L'histoire qui est Iiee au meurtre est quelque peurornancee: I'instrument du crime aurait ete un parfum, voire unpoisson, ernpoiaorme ; Ie meurtrier perd un doigt Iorsqu'il se defendpour s'enfuir. Pour ce qui est du meurtrier Iui-rnerne , les chrorri-queurs n'y voient pas tres clair, ce qui est comprehensible pour une192 Him, Rigal, ed. M. Sadiq Al B ah r al-Su lfirn , N ag af', 138111961, p. 178, l.7 sq.193 Tusi, R(giil, ed, M. Sadiq Al Bahr aI-culUm, Nagaf, 138111961, p. 329.194 Arendonk, op. cit., p. 60/p. 66 sq.195 D. Eustache , Ldrfs Ier, El, Ill, p. 1057b.196 Abu I-Farag al-I~fahani, Maqiitil at-'Talibiyyin; ed, A. Sn.qr, Le Caire,1369/1948, p. 489, 1. 1sqq.; al-Bakrr tAbu CUbayd), al-MugribfigikrbiliidIfriqiyyawa l-Magrib, ed. de Slane, p. 120, l. 1 sqq., etc. Ibn al-Abbar (M. b. cAl.), Hulla

    as-siyara", ed. H. Mones, Le Caire, 1963, I, p. 52, L 8 sqq. parle rnerne explicite-rnent de SuI. b. Garir ar-Raqqi.

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    IBN KULLAB 207

    affaire secrete. Abu l-F'ar ag al-Isfaharn y clesigne Strlayrn an b.Garlr de la secte des butrites, laquelle, bien qu'elle fut un sous-groupe des zaydites, soutenait sur I'Hornrnage a rendre a Abu Bakret a cUmar la these exacternent opposee a celle qu' on pr'ete aStrlayrnan. Mais il n'est peur-etre pas necessaire de prendre celatrop au ser'ieux , erant donne Iepeu de connaissance que nous avonssur les zaydites en general. Mais toujours au sujet du rrreurtre, ily a une iriforrn at.ion divergente qui irrrpure cet acte a un mawlii ducalife al-MahdI du nom de Salllmab (parfois Strlayrnanas-Salllrnab)197.44. De toute facori , il semble que Sulayrriari b. Garlr ait su.rvecua Hisam b. al=Hakarn . Si nous acceptions que dans sa jeunesse il

    s'est mele ala politique sICiteet qu'il s'est oppose a Gacfar as-Sacli.q,il pourrait etre ne en 125/743, ou rnerne un peu plus tot. Lors dela mort de Hisam, il aurait done eu cinquante-cinq ans. C'est a peupres a cette epoque qu'aurait pu naitr'e Ibn K'uflab , Rien nes'oppose a ce que Ibn K'ul'lab ait repris des idees de Hisam, lesrepensant et les elabor ant systernaricruernerrt. Cela nous est con-firme par IeQagI CAbdalgabbar sur un point particulier, la doctrinede la volorrte clivirre"?". Ibn ar-Ruwancli encore suppose que leszaydites, et eux seulement, professaient leur propre doctrine, dif-fererrte de celle des rmr'it azilites, sur les attributs de Dieu subsistantsen SOi199.(p. 117)45. II ressort de ce qui precede que la formule d'Ibn K'ultabqu'on a pu associer plus tard presque a son seul nom, n'etait pasa I'origine si caracter istique de lui. De la sorte, on est morns etormede ce que tous ses partisans ne l'aient pas acccptee ; certains d'entreeux pensaient qu' on ne pouvait dire chose sembIable , sans pourautant proposer quelque chose de micux"?".Af-Muh asibf surtout larefusa energiquement. Pour lui, le Cr-eareu r n'est tout simplement

    197 Maqiitil, op, cit., p. 490, L 2 sqq.; Bakrf , op. cit, p. 124,1. 13 sqq.; al-Mahdi,par ailleurs, etait deja mort depuis un demi aiecle , Pour I'instant nousn'aborderons pas des presornpt ions qui elles aussi ont un caractere romance. Lanotice de K. Salfba, Dirdsiit falsofiyya, I, Damas, 1383/1964, p. 80, qui ne s'appuiepas sur des references, ne soutient pas non plus la critique: Strlayrrran aurait ren-corit re Abu I-Hudayl a Sarrrarr-a"; or la residence califale y a ete fondee seulementen 221/836, ce qui devrait etre trop tard, du moins pour Strlayrrran , Toutefois, lelieu portait deja auparavant Iemerne nom. Pour Strlayrrian cf.W. Madelung, DerImiim al-Qiisim b. Ibrdhim (= Imam), Berlin, 1965, p. 61 sqq.

    198 Mugni, VIz, Iriida, ed. G. S. Anawati, Le Caire, 1962, p. 5, 1. 6 sqq.199 B"ayyat, Intisiir, p. 81, 1. 6 sq.200 Maqiiliit, p. 169, L 11 = p. 546, 1. 13 sq., avec quelques modifications.

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    208 J. VAN ESSpas different de ses qualites, alors que celles-ci se distinguent lesunes des aurres-?", Pour ce qui est de la seconde partie de sa these,elle est plus radicale que chez Abu l-FIudayl et chez Ibn K'ullab; lesdiverses ~ifat sont maintenant totalement separces les unes desautres. Dans la premiere partie, en revanche, il ne s'agit ni d'uneconcession a Abu I-Hugayl, qui n'aurait d'ailleurs plus eted+actualite , ni d'un pas de plus vers une position propre aux gensdu /zadij. Ceux-ci pouvaient, en fait, du moins de facori purementverbale, etre de la rnerne opinion que Abu l-Fluclayl, a savoir queles attributs sont identiques aDieu, eterriels cornme lui; et desor-mais, apres que les mu'tazilites de la nouvelle generation se furentderour'nes de cette position, il etait d'autant moins choquant de serattacher a lui. Naturellement, le dilemme demeurait, auquel Abul-Fludayl avait ete corifrorite: comment concilier les deux rriorties dela these202? Nous ignorons comment al-Ivlubasib.i a soutenu sonpoint de vue dialectiquement. Nous n'en connaissons qu'un fonde-ment philologique: ai Ie nom (ism), i.e. l'attribut, est totalement unavec Ie riornrne (musammii), i.e. Dieu, et qu'il atteint immediate-ment son etre, c'est parce que ism est par nature de la rnerneetyrrrolog'ie que sumuww eminence. lei al-Qalanisl I'a plus tardrejoint. Ibn K'ullab , en revanche, qui ne voulait pas reconnaitrecette iclerrtitedu ism et du musammd , a r'appcoche Ie mot de wasamamarquer au fer rouge, designer; un nom est seulement ce parquoi on reconnalt Ie riornrrie. Les philologues dont les differencesse trouvaient enrichies d'une nuance theologique ont continue adisputer longuement sur ce sujet"?".II en resulte le schema suivant204:[mu'tazilitesAbu I-HugaylHisam b. al-I:Iakam

    ~ifiit = 1 = A lliih~ifiit = Alliih

    sifa!sifdt

    ~ifiit]sifdt

    201 Op. cit., p. 546,1. 15sq.: opinion de Baril; = p. 170,1. 15 sq.: anonyme;pour l'identification, cf. Gedankenwelt , p. 195 et 208.202 Cf. supra, nO 36.203 Cf. CAbbadi (M. b. A.), 'Tabaqdt al-fuqahd': af-Siificiyya, ed. G. Vitestam,Leyde, 1964, p. 27, l. 5 sqq.; Lisiin al-cArab, sub rad.: smw.20. = identique; * ' non identique; :::::ni identique ni non identique; [ ]:rnu'itaailites et ahl al-hadii desigrient ici plus des positions iclealesque des systernesreellement acrual ises [c'est-a-dire en acte]. Pour les mu-taz.ilites, la realite estbeaucoup plus complexe; les ahl al-hadii , dans la mesure ou ils n'etaient pasd'accord avec Ibn Kullab, n'ont guere forrmrle leur position de fac;onsystematique.

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    IBN KULLAB 209vStrlayrn an h. Garlr fifat Allah sifiit - sifat (p. 118)-Ibn KuIHib

    al-M'uhasibf sifat = Allah $ifat = I = - $ifat[ahl al-!tadill

    VII) Le point de depart de Laformule46. Jusqu'a maintenant nous ne savons toujours pas si, nous

    avons veritablement affaire a une formule de compromis. Il estirrderriab'lequ'on I'a souvent prise pour telle; mais provisoirementcela ne joue qu'en faveur de sa flexib'ilire. D"un autre cote, le faitque Ibn Ktrllab I'a transmise ne s'oppose pas obligatoirement a cequ'ill'ait utilisee; une question cornpternenta.ire se preserrte donc anous, celle de savoir ce que Hisam b. al-H'akam entendait par la oUne citation prccieuse , et provisoirement tout a fait airigul iere nousdispensera de resouclre ~e problerne de marue.re purementhypothetique. Abrrrad b. H'arrbal reproduit le passage suivant danssa Refutation des eindiq-s et des gahmites: Le gahmite fit une autreassertion absurde. II dit: 'Parlez-nous du Coran: est-il Dieu ouautre que Dieu?'. 11 fit alors sur Ie Coran une assertion quideconcerra les gens. Si l'on demande a un ignorant: 'Le Coran est-il Dieu ou autre que Dieu?', il donnera necessairernenr l'une desdeux reporrses, S'il dit: 'II est Dieu', Ie gahmite lui dira: 'Tu reniesta foi'. S'il dit: '11est autre que Dieu', le gahmite lui dira: 'Tu disvrai! Pourquoi, des lors, ce qui est autre que Dieu ne serait-il pascree?' [... ] La rcponse a donner au gahmite a la question qu'il aIui-rnerne posee: 'Parlez-nous du Coran: est-il Dieu ou autre queDieu?' consiste a lui dire: 'Dieu n'a pas dit dans le Coran: IeCoran, c'est moi; il n'a pas dit non plus: Ie Coran est autre quemoi. Mais il a dit: le Coran est rna Parole. C' est pourquoi nous lenommons comme Dieu l'a riornrne, Ainsi ceux qui nomment leCoran du nom avec Iequel Dieu l'a nomme sont bien guides, maisceux qui lui donnent un autre nom sont egares205.47. Ainsi il paralt certain que la for'rrrue chez Ibn K'ulfab etait

    corrsider'ee comme une reporise a un dilemme pose par lesgahmites, et probablement aussi par Ies mu'tazilites. Son point de205 Ibn H'arrbal , ar-Radd calii z-eanadiqa wa l-gahmiyya, [in CAqii">idas-salaf, ed. CA.Sami Nassar et 'Ammar Gum'i at-T'alibi, Alexandrie, Munsa">atal-Macarif, 1971,p. 73/Le Caire, as-Salafiyya, 14033/1983, p. 30.], trad. anglaise dans: M. S.Seale, Muslim Theology, Londres, 1964, pp. 101-102.

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    210 J. VAN ESSdepart, et cela est significatif pour l'esprit de l'epoque, a ete unediscussion sur Ie Coran, et elle a ete transferee, visiblement suite aune systematisation, de la Parole de Dieu aux attributs, en general.En rnerne temps, nous constatons combien Ibn K'uflab et.ait prochede la marriere dont Ibn I:Ianbal resoud ici Ie dilemme: Ibn H'a.nbal,lui aussi, a evite d'identifier de queIque facon le Coran a Trieu etiII'a deja d'istirigue conceptuellement du kaldm Allah; toutefois, illefait exegeriquernent ; Ibn Kullab, speculativernent . Pour Hisam (p.119) b. al-Flakarn , il pouvait en aller de rrierne, Certes, a ce qu'ilsernble-, il ne parlait pas de kaliim Alliih206 de facori si consequerrte,mais ila applique la forrrrule directement au Coran207. Lui aussiaurait done pris ses distances par rapport aux gahmites208.48. Mais ce n'est pas tout. La forrnule, bien que peut-et re

    uritisee par Hisam et par Ibn K'ultab ad hoc, n'a pas ete pour autantirrverrtee ad hoc par l'un et par l'autre. II nous faut revenir quelquepeu en ar'r-iere. AI-Ascari209, a la suite de Abu cJsa al-Warraq, metdeja la for'rmrle dans la bouche de certains dualistes, probable-ment des claysarrites , On est arnerie a se demander si, erarit donnequ'il s'agirait des partisans de Bardesarie"!", elle ne se trouvait pasdeja dans la thcologie chr-etierme orthodoxe en Orient. Yahya b.cAdi (m. 364/974) pensait que, comme chrer ieri, il pouvait aussibien dire D'ieu est different (plusieurs personnes) et non dif-

    206 Cf. supra, n 25.207 Maqdldt ; p. 583, l. 2.208 La these gahmite du Coran cree fut transmise a peu pres a cette epoque nonseulement par les muCtazilites, mais aussi par d'autres qui, par ailleurs, etaientplus proches de l'orthodoxie. Dirar b. cAmr l'a soutenue (ef. Maqiiliit, p. 594,l. 14 sqq.). Comme nous l'avons vu (cf. supra , ri" 42), mais il en existe aussid'autres indices, Hisam b. al=Hakarn l'a r-ericorrte dans Ie cercle des Barrnec.icles ,Les disciples de Drrar , Baf~ al-Fard et Bisr al-Marisi, ont fait scandale aupresd'as-Safici avec cette rnerne doctrine. J'espere pouvoir revenir b'ienrot plus a fondsur ces circonstances. [C'est chose faite depuis la parution de cet article, cf. J. van

    Ess, Dinar b. cAmr und die Cahmiya. Biographie einer ver~ssenen Schu]e~H,Der Islam, 44 (1968), pp. 29-31, et index, p. 70a, sub nom. as-Saficl. Pour as-Saficiavec Baf!?al-Fard, cf. SAN, X, pp. 18-19; 28-29, 30, 32 (as-Saficil'apeelle: Baf~al-munfaridy; avec Bisr-,p. 27, 30 (Iamere de Bisr intervient aupres d'as-Safici pourqu'il Ie fasse cesser de pratiquer Ie kaliim), 44 (Bisr' fait Ies eJoges d' as-Safi

  • 5/14/2018 J. Van Ess - Ibn Kullab Et La Mihna - Trad. C. Guillot, Arabica 37 (1990)

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    IBN KULLAB 211fe.rerrt(une seule subetance}":". II est evidernrnent trop tardif pource qui nous occupe, mais Jean Damascene avait, trois siecles avantlui, parle de facori semblable d'identite et de rrorr-iclerititesirrrultariees. II l'avait fait ici encore a propos de la doctrine de la'Trirrite, sur Ie rapport entre Ie Logos et Ie Saint Esprit212; ouencore, a propos de la 'Trirrite ut SiC213 Lui aussi s'inscrit dans unetradition: les deux passages sont des citations, l'une, de Gregoirede Nysse, l'autre, de Gregoire de Naziance. Comme cela n'est pasrare, I'echarige entre la rheologie chrerierme et Ia thcologiemusulmane a pu se faire par une sorte d'osmose. II se peut qu'unerecherche plus approfondie revendique un jour Ie roleirter-rndcli air-e d'hommes comme Ie disciple de Jean Damascene,I'eveque Theodore Abu Qurra qui avait encore sa cornrnuriautehefleriopb orie au I:Jardin2H. (p. 120)

    211 Cf. A. Per'ier, Yalrya ben cAdi, un philosophe chretien du Xe siecle ; Paris, 1920,p. 106sq.; [cf. E. Platti, Yabya b. cAdi, thiologien chretien et philosophe arabe, Louvain,1983, p. 64, 92 sqq.].212 Cf. DeJide orthodoxe, - Des HeiligenJohannes von Damaskus genaue Darlegung des

    orthodoxen Glaubens, aus dem Griech. ube rsetzt von D. Stiefenhofer, Kcmpten,1923, I, 6, BKV, t. 44, p. 10; [Saint-Jean Damascene, Lajoi orthodoxe, suivie deLa dijense des ictines , trad. E. Ponsoye, Paris, Publication de }'Institut orthodoxefranc;:aisde rheologie de Paris Saint-Denys, Editions Cahiers Sa.int-Lreriee, 1966,pp. 19-20.].213 Op. cit., I, 8; BKV, t. 44, p. 24.

    214- Cf. Abel, in L 'elaboration de I 'Islam, Colloque de Strasbourg, 12-14juin 1959,Paris, 1961, p. 70 sq. [V. Ie rrrater-iau assemble depuis parJ. van Ess, Friihemurtaeilitische Hiiresiographie. Zwei Werke des NiiSi al-Akbar (gest. 293 H.) (FMH),Beyrouth/Wiesbaden (BTS 11), 1971, p. 87 sqq.].H. A. Wolfson, The Moslim Attributes and the Christian Trinity, in HarvardTheological Review, XLIX (1956), pp. 1-18; Id., in Homenaje Millas-H: Vallicrosa, II,p. 550; [The Philosopher Kindi and Yahya Ibn cAdi, in Etudes philosophiquespresentees au Dr. Ibrahim Madkour, Le Caire, 1974, pp. 49-64], a attire l'attentionsur des parerrtes dans la pr-oblernat.ique de la T'rinir.e chrerierme et de la doctrinemusulmane des attributs et sur la reprise d'idees et de concepts qui en a resu'lte,Le fait que Ie rrruStaz ifite bagdadien ancien elsa al-Murdar (m. 226/840-1) a ecritun ouvrage contre Theodore Abu Qurra (cf. Fihrist, ed. Flick, inMuhammad ShajiCiPresentation Volume, II, Lahore 1955, p. 62, 1. 9) [desormais dans Fihrist, ed. Tagad-dud, Teheran, 1971, p. 207,1. 6; sur Abu Musa elsa b. Sab1l:;tlSubayl).f-M'ur-dar,cf.J. van Ess, Eine Predigt desMu'itazifiten Murdar, BEO, 30 (1978), pp. 307-315] montre que celui-ci entre egalement en ligne de compte. IIest possible quel'eveque ait provoque cette refutation avec son ouvrage contre (p. 120) les par-tisans de la creation de la Parole de Dieu (cf. M. Allard, in Arabica, IX (1962),p. 383) [R. Caspar et alii, Bibliographie du dialogue islarno-chr-erien,Islamochris-tiana, 1(1975), p. 155], qui pouvaient etre des rrru'itaaifites ; tout au rnoiris ceux-cipouvaient-ils se sentir iriter'pelles.

  • 5/14/2018 J. Van Ess - Ibn Kullab Et