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  • Les dfi s de lenseignement desmathmatiques dans lducation de base

  • Les ides et opinions exprimes dans cette publication sont celles des auteurs et ne re tent pas ncessairement les vues de lUNESCO.

    Les appellations employes dans cette publication et la prsentation des donnes qui y gurent nimpliquent de la part de lUNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zone, ou de leurs autorits, ni quant au trac de leurs frontires ou limites.

    Publi en 2011Par lOrganisation des Nations Unies pour lducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France

    Conception graphique et impression dans les ateliers de lUNESCO

    UNESCO 2011Tous droits rservs

    ED-2010/WS/37 CLD 2895.10

    Imprim en France

  • Prface

    Notre monde est profondment marqu par la science et la technologie. Prservation de

    lenvironnement, rduction de la pauvret, amlioration de la sant : chacun de ces d s et bien

    dautres encore requirent des scienti ques capables de dvelopper des solutions ef caces et

    ralistes ainsi que des citoyens en mesure de prendre une part active au dbat sur ces sujets.

    Dans cette perspective, la Dclaration de Budapest (1999) a soulign limportance de

    lenseignement scienti que pour tous. En effet, un enseignement des sciences et des

    mathmatiques pertinent et de qualit permet de dvelopper la r exion critique et la

    crativit, aide les apprenants comprendre le dbat public sur les politiques et y prendre

    part, encourage les changements de comportement propres engager le monde sur une voie

    plus durable et stimule le dveloppement socioconomique. Lenseignement des sciences et des

    mathmatiques peut ainsi apporter une contribution dcisive la ralisation des Objectifs du

    Millnaire pour le dveloppement adopts par les dirigeants mondiaux en 2001.

    LUNESCO en a conscience et a donc constitu un groupe international dexperts sur les

    politiques denseignement des sciences et des mathmatiques qui sest runi pour la premire

    fois du 30 mars au 1er avril 2009, et dont les conclusions, sur lesquelles sappuie la prsente

    publication, re tent un remarquable consensus sur les d s auxquels lenseignement scienti que

    et mathmatique est aujourdhui confront, ainsi que sur la manire de les relever. Tous les

    experts se sont accords dire que la dcennie coule avait connu le dveloppement dun

    vaste corpus de connaissances sur lenseignement des sciences et des mathmatiques, et la

    production de prcieux outils et ressources, dont beaucoup taient dsormais accessibles au

    plus grand nombre grce aux avances de la technologie. Il sagit l dun socle solide sur lequel

    sappuyer, qui ouvre de nouvelles perspectives pour des politiques fondes sur des donnes

    factuelles dans le domaine de lenseignement scienti que et mathmatique.

    La prsente publication identi e donc les d s relever pour assurer un enseignement des

    mathmatiques de qualit au niveau de lducation de base et propose, partir dtudes de cas,

    des moyens pour lamliorer. Elle sera utile non seulement aux dcideurs dsireux dintgrer

    un enseignement scienti que et mathmatique de qualit dans leurs systmes ducatifs, mais

    galement aux diffrents acteurs qui souhaitent prendre part au processus de changement.

  • LUNESCO espre que cette publication contribuera susciter chez les enfants, les enseignants

    et les parents, lnergie et lenthousiasme ncessaires pour amliorer lenseignement des

    mathmatiques. Il est en effet indispensable duvrer ensemble llaboration durable et

    coordonne dun enseignement scienti que et mathmatique de qualit dans lducation de

    base a n dassurer tous un avenir plus viable et plus quitable

    Qian Tang

    Sous-Directeur gnral pour lducation

  • Remerciements

    LUNESCO tient en tout premier lieu remercier vivement

    Michle Artigue pour llaboration et la rdaction de cet ouvrage.

    LUNESCO souhaite galement adresser ses remerciements les plus

    sincres au groupe dexperts, aux auteurs des diffrentes annexes ainsi

    qu Jill Adler et Mariolina Bartolini Bussi, membres du comit excutif

    de lICMI qui ont rvis une premire version du texte.

    Dautre part, lUNESCO tient exprimer sa gratitude Bill Barton,

    prsident de lICMI, et Bernard Hodgson, secrtaire gnral de lICMI,

    pour leur prcieuse collaboration.

  • 6

    Prface 3

    Remerciements 5

    1. Introduction 9

    2. ducation mathmatique et littracie 132.1 Le d de la littracie mathmatique 13

    2.2 Au-del du dveloppement dune littracie mathmatique 16

    2.3 Apprentissage de contenus/Dveloppement de comptences 18

    2.4 ducation mathmatique pour tous/ducation mathmatique de qualit 19

    3. Le d de lvolution des pratiques denseignement 21

    4. Le d de lvaluation 25

    5. Le d enseignant : condition, formation initiale et continue 275.1 Le d quantitatif 27

    5.2 Le d qualitatif 28

    6. La mise en synergie des diffrents acteurs 336.1 Un engagement plus large et mieux

    reconnu des mathmaticiens 34

    6.2 Une meilleure collaboration entre communauts 34

    7. Organiser les complmentarits entre ducations formelle et non formelle 37

    8. Le pilotage et la rgulation des volutions 39

    9. Le d technologique 43

    10. Les collaborations 47

    11. Le d de la diversit 4911.1 Les questions linguistiques 49

    11.2 Les questions de genre 50

    12. Le d de la recherche 53

    En rsum 55

    Rfrences 57

    Annexes 63Annexe 1. Liens entre enseignement

    mathmatique et enseignement scienti que dans les programmes allemands SINUS 65

    Annexe 2. Quarante annes de recherches sur lenseignement des mathmatiques et les mathmatiques comme activit humaine pour tous Linstitut Freudenthal 68

    Annexe 3. Problmes et d s de lenseignement des mathmatiques : le cas des Philippines 74

    Annexe 4. La formation continue des enseignants au Japon Le concept de Lesson Study 76

    Table des matires

  • 7

    Annexe 5. Le perfectionnement professionnel des enseignants en mathmatiques au Brsil : problmes structuraux, initiatives et espoirs 79

    Annexe 6. Systmatiser les connaissances sur la formation des enseignants en mathmatiques tude de lIEA sur la formation des enseignants en mathmatiques TEDS-M 84

    Annexe 7. Recherches sur la formation des enseignants en mathmatiques en Afrique du Sud et en Afrique australe 87

    Annexe 8. Promouvoir lexcellence de lenseignement des mathmatiques Le National Centre for Excellence in the Teaching of Mathematics (NCETM) 91

    Annexe 9. Pourquoi les mathmatiques ? Une exposition internationale itinrante 96

    Annexe 10. Objectif Mathmatiques Les Maisons des mathmatiques en Iran 100

    Annexe 11. Collaboration entre mathmaticiens, enseignants et didacticiens Lexemple du rseau des IREM 103

    Annexe 12. Lmergence de communauts denseignants lexemple de Sesamath 105

    Annexe 13. Encourager linteraction et la collaboration Teacher Education Around the World: Bridging Policy and Practice , un volet du IAS/Park City Mathematics Institute Institute for Advanced Study, Einstein Drive, Princeton, New Jersey 108

    Annexe 14. La reconstruction dune communaut mathmatique au Cambodge 111

    Annexe 15. Liste des participants la runion dexperts 114

  • 9

    1. Introduction

    L enseignement des sciences et lenseignement des mathmatiques partagent un grand nombre de valeurs et ont affronter des problmes et relever des d s en grande partie communs. Nanmoins, les diffrences qui existent entre ces enseignements justi ent la parution de Current Challenges in Basic Science Education, dune part,

    et la prsente publication. En particulier, la ncessit dun enseignement des mathmatiques

    pour tous les lves ds le dbut de la scolarit obligatoire nest pas en dbat, contrairement

    ce qui se passe pour lenseignement des sciences. Cet enseignement

    nest pas forcment assur de faon satisfaisante mais il est accessible

    tous les lves normalement scolariss.

    Si la ncessit dun enseignement des mathmatiques dans la

    scolarit de base fait lobjet dun consensus, cela ne signi e pas que

    lenseignement lui-mme nest pas objet de dbat. Les valuations tant

    nationales quinternationales montrent qu la n de la scolarit de

    base, les connaissances et comptences mathmatiques de beaucoup

    dlves ne sont pas celles attendues1. De plus, les disparits observes

    entre pays comme au sein dun mme pays sont proccupantes. Et

    mme parmi les lves qui obtiennent des rsultats satisfaisants dans

    les valuations, nombreux sont ceux qui napprcient pas pour autant

    les mathmatiques et ne voient pas lintrt de leur consacrer autant despace scolaire2. Ces

    constats montrent que les ambitions af ches dans lintroduction de cette publication sont loin

    dtre ralises, et que le seul obstacle leur ralisation nest pas le nombre important denfants

    et de jeunes encore non scolariss, mme si cet obstacle est rel.

    Dans ce contexte, ce qui peut tre attendu dun enseignement des mathmatiques de qualit

    pour tous ne va pas de soi et fait lobjet de dbats rcurrents. Nous considrons donc important

    1 Sur le plan international, on pourra se rfrer aux rsultats des enqutes TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) de lISC (International Study Center), PISA (Programme international pour le suivi des acquis des lves) de lOCDE, ainsi qu lenqute SERCE (Segundo Estudio Regional Comparativo y Explicativo) mene par le LLECE (Laboratorio Latinoamericano de Evaluacin de la Calidad de la Educacin) en Amrique latine.

    2 Ce phnomne a notamment t mis en vidence pour les tudiants de pays asiatiques dans les enqutes TIMSS et PISA.

    Si la ncessit dun enseignement des mathmatiques dans la scolarit de base fait lobjet dun consensus, cela ne signi e pas que lenseignement lui-mme nest pas objet de dbat

  • 10

    de prciser notre position sur ce point, en prenant notamment en compte

    ce qui, dans les visions des mathmatiques et de leur enseignement ainsi

    que dans les pratiques ducatives, rend une ducation mathmatique de

    qualit pour tous souvent problmatique.

    Il est par exemple unanimement reconnu que les mathmatiques

    sont omniprsentes dans le monde actuel, notamment dans les objets

    technologiques qui nous entourent ou dans les processus dchange et de

    communication, mais elles le sont gnralement de faon invisible. Cette

    invisibilit rend problmatique la perception de lintrt de dvelopper

    une culture mathmatique, au-del des apprentissages les plus basiques,

    concernant nombres, mesures et calcul. Il est important que la scolarit de

    base contribue lever cette invisibilit, et ce dautant plus que les besoins

    actuels de ce que lon appelle la littracie mathmatique vont bien au-

    del des besoins traditionnellement associs au savoir compter . Nous

    reviendrons sur ce point dans la suite du document (cf. partie 2).

    De nombreuses incomprhensions affectent galement la vision de lactivit

    mathmatique rsultant de limage que lon se fait du mathmaticien. Cette

    activit est encore souvent perue comme tant presque exclusivement

    une activit solitaire, dtache des problmes du monde rel et

    indpendante des moyens technologiques. Elle est aussi encore souvent perue comme une

    activit purement dductive se traduisant par la production successive de thormes au moyen

    de preuves formelles la rigueur parfaite. Il est en n souvent considr que les mathmatiques

    ne sont pas une science accessible tous et que les lles notamment rencontreraient plus de

    dif cults dans leur apprentissage que les garons3. Ces nombreuses incomprhensions affectent

    lenseignement et font obstacle une ducation mathmatique de qualit pour tous.

    Une ducation mathmatique de qualit doit permettre de se forger une image positive et

    approprie des mathmatiques. Pour cela, elle doit tre dle aux mathmatiques, tant en ce

    qui concerne les contenus que les pratiques. Elle doit permettre aux lves de comprendre

    quels besoins rpondent les mathmatiques qui leur sont enseignes, et aussi que celles-

    ci sinscrivent dans une longue histoire qui se conjugue avec celle de lhumanit4. Apprendre

    3 Sur cette question du genre, on pourra se rfrer limportante bibliographie accessible sur le site de lorganisation internationale IOWME (International Organisation of Women and Mathematics Education http://extra.shu.ac.uk/iowme/). Nous y revenons dans la partie 2 de ce texte.

    4 Concernant cette dimension historique, on pourra se rfrer notamment aux travaux du groupe international HPM (History and Pedagogy of Mathematics http://www.clab.edc.uoc.gr/HPM/) et ltude de la Commission internationale de lenseignement mathmatique (ICMI) consacre ce thme (Fauvel et van Maanen, 2000).

    Il est par exemple unanimement reconnu que les mathmatiques sont omniprsentes dans le monde actuel, notamment dans les objets technologiques qui nous entourent ou dans les processus dchange et de communication, mais elles le sont gnralement de faon invisible

    http://extra.shu.ac.uk/iowmehttp://www.clab.edc.uoc

  • 11

    les mathmatiques, cest aussi se donner les moyens daccder ce patrimoine culturel. Elle

    doit permettre aux lves de comprendre que les mathmatiques ne sont pas un corpus de

    connaissances g mais au contraire une science vivante en pleine expansion, dont lvolution

    se nourrit de celle des autres champs scienti ques et les nourrit en retour. Elle doit aussi leur

    permettre de voir les mathmatiques comme une science qui peut et doit contribuer la

    rsolution des problmes majeurs auxquels le monde doit aujourdhui faire face, qui ont t

    rappels dans lintroduction. Une ducation mathmatique de qualit doit donc tre porte par

    une vision des mathmatiques comme science vivante, en prise avec le monde rel, ouverte

    aux relations avec les autres disciplines, cette ouverture ntant pas limite dailleurs aux seules

    disciplines scienti ques. Elle doit donc en particulier permettre aux lves de saisir la puissance

    des mathmatiques comme outil de modlisation pour comprendre et agir sur le monde5.

    Une ducation mathmatique de qualit doit aussi donner une vision

    non dnature des pratiques de ceux qui produisent ou utilisent

    les mathmatiques. Lactivit mathmatique est en fait une activit

    humaine aux multiples facettes, trs loin des strotypes qui lui sont

    attachs dans la culture commune. Une ducation mathmatique de

    qualit se doit donc de re ter cette diversit travers les diffrents

    contenus mathmatiques quelle fait progressivement rencontrer

    aux lves : poser des problmes ou les reformuler pour les rendre

    accessibles un travail mathmatique, modliser, explorer, conjecturer,

    exprimenter, reprsenter et formuler en dveloppant pour ce

    faire des langages spci ques, argumenter et prouver, dvelopper

    des mthodes, laborer des concepts et les relier au sein despaces

    structurs, changer et communiquer Une telle ducation doit

    permettre de vivre lexprience mathmatique la fois comme une

    exprience individuelle et comme une exprience collective, et faire

    sentir ce quapportent lchange, le dbat avec dautres. Elle doit savoir

    stimuler par des d s tout en cultivant des valeurs de solidarit. Elle

    doit aussi montrer une cole ouverte sur le monde et pour cela tre

    en phase avec les pratiques mathmatiques scienti ques et sociales

    hors de lcole, et savoir notamment sappuyer de faon pertinente

    sur les moyens technologiques qui instrumentent ces pratiques.

    Mettre lducation mathmatique en phase avec ces valeurs, et le faire

    dans le cadre dun enseignement pour tous, reprsente un d que les systmes ducatifs doivent

    5 Concernant cette dimension de modlisation, on pourra se rfrer aux travaux du groupe International ICTMA (International Community of Teachers of Mathematical Modelling and Applications http://www.ictma.net) et ltude ICMI consacre ce thme (Blum et al., 2007).

    Lactivit mathmatique est en fait une activit humaine aux multiples facettes, trs loin des strotypes qui lui sont attachs dans la culture commune. Une ducation mathmatique de qualit se doit donc de re ter cette diversit travers les diffrents contenus mathmatiques quelle fait progressivement rencontrer aux lves

    http://www.ictma.net

  • 12

    relever sils veulent que lenseignement mathmatique, en cohrence avec lenseignement des

    sciences et en le compltant, contribue comme il doit le faire au dveloppement scienti que,

    conomique et social, la citoyennet, ainsi qu lpanouissement personnel des individus.

    Relever un tel d suppose des volutions substantielles par rapport ltat actuel de

    lducation mathmatique. Dans la suite de ce document, nous insistons sur les volutions qui

    nous semblent les plus dcisives et pointons un certain nombre de conditions ncessaires

    ces volutions. Nous essayons galement de montrer leur possibilit en nous appuyant sur des

    ralisations menes dans des contextes divers du point de vue conomique, social et culturel.

    Ces exemples nous servent aussi insister sur le fait que, si des principes communs peuvent

    guider laction, il ny a pas de voie unique pour des volutions positives et quil ny a pas non

    plus de solution que lon puisse directement transposer dun contexte ducatif un autre. Ils

    montrent en n que lobtention damliorations positives et durables ncessite une continuit

    de laction politique dans la dure, sappuyant sur la collaboration organise de tous les acteurs

    impliqus et des formes daction qui, rompant avec les pratiques usuelles, assurent un partage

    adquat des initiatives et responsabilits.

  • 13

    2. ducation mathmatique et littracie

    A ssurer la littracie mathmatique de tous les jeunes nest pas la seule ambition de lducation mathmatique dans la scolarit de base, mais cen est lambition fondamentale et prioritaire. Assurer cette littracie, cest permettre le dveloppement des

    connaissances et comptences mathmatiques ncessaires lintgration

    et la participation active dans une socit donne ainsi que ladaptation

    aux volutions prvisibles de celle-ci. Cest aussi rendre possible laccs

    un monde plus large que celui dans lequel on a t duqu, cest former

    des individus capables de trouver leur place dans le monde actuel, de sy

    panouir, et daider relever les grands d s que lhumanit doit affronter

    aujourdhui : sant, environnement, nergie, dveloppement. Cette ambition,

    loin dtre remplie aujourdhui, constitue un premier d pour lducation

    mathmatique de base.

    2.1 Le d de la littracie mathmatique

    Le d relever est dabord celui de laccessibilit la scolarit de base. Les ambitions exprimes

    dans lObjectif du Millnaire pour le dveloppement, qui prvoit laccs la scolarit de base

    de tous les jeunes en 2015, sont loin dtre satisfaites puisquaujourdhui environ 72 millions

    denfants en ge de frquenter lcole primaire ne sont pas scolariss. Le d quantitatif de

    cette accessibilit gnralise pose en particulier celui de lexistence dun nombre suf sant

    denseignants quali s pour ces lves, sur lequel nous reviendrons dans la suite (cf. partie 5).

    Il ne saurait tre minimis. Dans ce chapitre, nous voudrions nous centrer cependant sur un

    autre d , celui de ladaptation de la scolarit de base aux attentes actuelles en termes de

    littracie mathmatique. Comme nous lavons mentionn plus haut, ces attentes se sont en effet

    considrablement modi es du fait de lvolution technologique, conomique et sociale, et elles

    continueront voluer lavenir.

    Assurer la littracie mathmatique de tous les jeunes nest pas la seule ambition de lducation mathmatique dans la scolarit de base, mais cen est lambition fondamentale et prioritaire

  • 14

    Il ne suf t plus aujourdhui de matriser les savoirs basiques concernant

    les nombres et les grandeurs qui ont longtemps constitu la condition

    mathmatique de lintgration sociale. La culture numrique dans

    laquelle baignent de plus en plus les socits actuelles, les responsabilits

    nouvelles que doivent assumer les individus, en tant que citoyens ou titre

    personnel, lincertitude grandissante qui marque le monde dans lequel

    nous vivons, ncessitent une rvision de lide de littracie mathmatique.

    La connaissance du nombre, du systme de numration dcimal et des

    oprations arithmtiques, la capacit rsoudre les problmes qui relvent

    du champ de larithmtique lmentaire comme le sont par exemple les

    problmes de proportionnalit, la connaissance des systmes de grandeurs

    et des formes gomtriques usuelles du plan et de lespace, ont longtemps

    constitu le contenu de lenseignement des mathmatiques pour tous. Elles

    restent des bases incontournables de la littracie mathmatique. Comme

    ctait le cas hier, lenfant doit apprendre acqurir le sens des nombres

    et des formules, apprendre estimer, mesurer, jouer avec les ordres de

    grandeur. Cependant, dune part ces bases ne suf sent plus rpondre

    aux besoins actuels qui se sont fortement accrus, dautre part on ne peut

    penser leur apprentissage mme sans prendre en compte les conditions

    sociales actuelles dusage de ces connaissances et les moyens nouveaux que

    les technologies offrent pour cet apprentissage.

    Aujourdhui, la littracie mathmatique doit en particulier permettre aux

    individus de comprendre, analyser, critiquer des donnes multiples dont la

    prsentation engage des systmes de reprsentation divers et complexes,

    numriques, symboliques et graphiques, le plus souvent en interaction. Elle

    doit leur permettre de faire des choix raisonnables, en sappuyant sur la

    comprhension, la modlisation, la prdiction, et de contrler leurs effets,

    dans des situations indites et souvent empreintes dincertitude. Il est donc

    essentiel notamment que tout individu soit, au cours de sa scolarit de base

    en mathmatiques, progressivement mis en contact avec la complexit du

    monde numrique actuel, apprenne sy reprer et y agir, quil se familiarise

    avec la diversit des modes de reprsentation qui y sont utiliss. Il importe

    quil soit aussi progressivement familiaris avec les modes de raisonnement

    probabilistes et statistiques qui sont ncessaires pour mettre la pense mathmatique au service

    de la comprhension des nombreux phnomnes qui, dans les sciences comme dans la vie

    sociale, font intervenir lincertain et le risque.

    Il ne suf t plus aujourdhui de matriser les savoirs basiques concernant les nombres et les grandeurs qui ont longtemps constitu la condition mathmatique de lintgration sociale. La culture numrique dans laquelle baignent de plus en plus les socits actuelles, les responsabilits nouvelles que doivent assumer les individus, en tant que citoyens ou titre personnel, lincertitude grandissante qui marque le monde dans lequel nous vivons, ncessitent une rvision de lide de littracie mathmatique

  • 15

    Il faut aussi prendre en compte, comme nous lavons soulign plus haut, les usages rels et

    les potentialits offertes par les technologies actuelles lapprentissage. Les usages rels nous

    montrent en particulier une volution indniable des pratiques sociales du calcul. Le calcul

    est toujours une composante cl de la littracie mathmatique, mais il est de plus en plus

    instrument par une diversit doutils. Son organisation et son contrle ncessitent dans ces

    conditions des capacits accrues destimation, de raisonnement bases sur les proprits des

    nombres et des oprations, de nouveaux quilibres entre calcul exact et calcul approch, entre

    calcul crit et calcul mental. Prparer adquatement les lves ces formes actuelles du calcul

    travers la scolarit de base requiert de repenser la vision de son apprentissage, et notamment

    de repenser les objectifs que lon donne lapprentissage des techniques opratoires. Il ny a

    bien sr pas cette question, source dinpuisables dbats, une rponse uniforme indpendante

    de la ralit des contextes et des moyens qui y sont socialement disponibles pour lactivit

    mathmatique.

    Il nous semble galement important de souligner que lenseignement des mathmatiques nest pas

    le seul contribuer au dveloppement des connaissances ncessaires la littracie mathmatique.

    Il doit le faire en interaction troite avec les autres enseignements, en particulier scienti ques,

    en arrivant dpasser les cloisonnements existants entre les disciplines, comme soulign dans

    lintroduction. Lenseignement des mathmatiques joue nanmoins dans ce domaine un rle cl,

    car il est le seul prendre les objets et techniques concerns comme des objets dtude en soi

    et organiser systmatiquement la progression des connaissances les concernant. Cest le point

    de vue qui est par exemple dvelopp dans louvrage Mathematics and Democracy. The case for

    Quantitative Literacy publi en 2001 aux tats-Unis par le National Council on Education and the

    Disciplines (Steen, 2001), mme sil y est reconnu que lenseignement des mathmatiques aux

    tats-Unis dAmrique ne remplit justement pas cette mission. Il y est galement soulign que

    la notion de littracie ne doit pas tre conue comme quelque chose de xe, indpendant du

    temps et de lespace. Les besoins qui y sont exprims en termes de quantitative literacy sont trs

    visiblement ceux de la socit amricaine actuelle ou de socits comparables cette dernire,

    en termes de dveloppement comme en termes de choix socitaux. Mais, sans minimiser les

    diffrences culturelles, il nous semble important de souligner que, partout dans le monde, on

    observe une volution et un accroissement des besoins en termes de littracie mathmatique

    qui doivent tre pris en compte dans la conception dune ducation mathmatique de qualit

    pour tous. Par ailleurs, on ne saurait oublier que lducation mathmatique de base, dans sa

    composante de littracie mathmatique, doit permettre danticiper sur les volutions futures des

    socits et ouvrir tous laccs dautres mondes.

  • 16

    2.2 Au-del du dveloppement dune littracie mathmatique

    Mme sagissant de la scolarit de base, la seule ambition dune ducation mathmatique de

    qualit pour tous ne peut tre rduite au dveloppement dune littracie mathmatique, au sens

    d ni plus haut. Lducation mathmatique, y compris dans la scolarit obligatoire, doit rpondre

    aussi dautres besoins. Elle doit permettre tous de percevoir lincroyable aventure humaine

    que constitue le dveloppement des mathmatiques travers les sicles et les continents, une

    aventure insparable de lhistoire de lhumanit. Elle doit permettre tous de sinterroger sur le

    rle quont jou, que jouent aujourdhui les mathmatiques dans le dveloppement scienti que,

    technologique, conomique et social. Elle doit permettre aux lves dexercer leur niveau les

    moyens de la pense mathmatique que sont labstraction, la gnralisation, le raisonnement

    logique et la preuve, la symbolisation mathmatique, et den comprendre la puissance. Elle doit

    aussi prparer la formation ultrieure de tous ceux dont la vie professionnelle ncessitera des

    mathmatiques avances, et susciter lintrt des jeunes pour ces professions, ce qui, on le sait,

    constitue aujourdhui dans de nombreux pays un rel d .

    Pour cela, il est important de donner des mathmatiques la vision dune science vivante, ancre

    dans le monde et en interaction avec les autres champs scienti ques. Ceci impose de prendre

    en compte un certain nombre de caractristiques des mathmatiques actuelles rappeles

    par Lsl Lovsz, le prsident de lUnion mathmatique internationale, lors de la confrence

    organise Lisbonne en 2007 sur le futur de lducation mathmatique en Europe : la croissance

    exponentielle de la communaut mathmatique et des activits de recherche dans ce domaine,

    les nouvelles aires dapplication des mathmatiques et leur in uence croissante, les nouveaux

    outils de lactivit mathmatique que sont les ordinateurs et les technologies de linformation

    et de la communication, ainsi que les nouvelles formes dactivit mathmatique (Lovsz, 2007).

    Ceci impose en particulier de considrer les interfaces des mathmatiques au-del de leurs

    interactions historiques avec la physique : interface avec les sciences informatiques, lconomie, la

    biologie notamment ; les volutions internes aux mathmatiques elles-mmes, avec limportance

    croissante prise par des domaines comme les mathmatiques discrtes et les probabilits, et

    lvolution des interactions entre domaines mathmatiques. Ceci impose aussi de prendre en

    compte lvolution des pratiques mathmatiques troitement lie lvolution technologique :

    limportance et la visibilit croissante de la part exprimentale des mathmatiques ; lappui de la

    technologie au calcul, la visualisation et la simulation ; le renforcement et une vision renouvele

    de la dimension algorithmique des mathmatiques ; sans oublier la gestion raisonne et ef cace

    de la diversit actuelle des sources dinformation et formes possibles de travail collaboratif.

    Comment prendre en compte ces volutions dans la scolarit de base ? Face la diversit

    des mathmatiques actuelles, des choix simposent ncessairement. Comme le soulignait Lsl

  • 17

    Lovsz dans la confrence dj cite qui concernait lducation

    mathmatique de faon globale, ils ne sont pas vidents et sont

    rendus encore plus dif ciles par un contexte o la tendance gnrale

    est la baisse des horaires des enseignements de mathmatiques.

    Nous ajouterons quils sont encore plus dlicats quand il sagit de

    la scolarit de base o les lves ne disposent pour approcher ces

    mathmatiques actuelles que de connaissances limites et souvent

    encore fragiles. Mais, sauf perptuer lide trop largement rpandue

    chez les lves que les mathmatiques sont une science morte, il

    faut imprativement relever ce d , trouver des quilibres satisfaisants

    entre le dveloppement des comptences mathmatiques attendues

    de tous et louverture des questions actuelles bien choisies. Ces

    changements doivent seffectuer sans opposer mathmatiques

    traditionnelles et actuelles, en repensant lenseignement des domaines

    traditionnels pour quil re te mieux la ralit des visions et pratiques

    mathmatiques actuelles, et en organisant une meilleure interaction

    entre enseignement des mathmatiques et enseignement des

    sciences. Il ny a pas de rponse unique ce d , mais il importe

    de faire des choix cohrents et ralistes, compte tenu des contextes

    et des cultures6. Ces choix doivent tre informs par une vision de

    lvolution rcente des sciences mathmatiques pense en prenant en

    compte leurs implications possibles pour lenseignement. Cette vision

    doit tre rendue accessible, via des formes adaptes, aux enseignants.

    Cest dailleurs lambition du projet Felix Klein qui vient dtre

    lanc conjointement par lUnion mathmatique internationale et la

    Commission internationale de lenseignement mathmatique7.

    6 Louvrage (Kahane, 2001) rsultant des travaux de la Commission de r exion sur lenseignement des mathmatiques en France ainsi que les diffrents documents labors par cette commission et accessibles sur le site de la Socit mathmatique de France (smf.emath.fr/Enseignement/CommissionKahane/) constitue lexemple dune telle r exion mene dans le contexte franais.

    7 La Commission internationale de lenseignement mathmatique (CIEM alias ICMI : International Commission on Mathematical Instruction) est une commission de lUnion mathmatique internationale. Pour des informations sur le projet Felix Klein, on peut se rfrer au site de lICMI : http://www.mathunion.org/ICMI/. Ce projet vise dans un premier temps les enseignants du secondaire mais il est prvu de ltendre lensemble des enseignants de mathmatiques.

    Il y a aujourdhui consensus pour estimer que ce qui est attendu, ce sont avant tout des connaissances oprationnelles qui sexpriment par la capacit mobiliser des outils mathmatiques pour faire face des situations nouvelles et potentiellement problmatiques, et pas seulement la capacit reproduire des procdures apprises dans des contextes trs proches de ceux de lapprentissage et relativement stables

    http://www.mathunion.org/ICMI

  • 18

    2.3 Apprentissage de contenus/Dveloppement de comptences

    Les considrations qui prcdent imposent que lon sinterroge la fois sur les contenus

    denseignement et sur les attentes prcises que lon a en termes dapprentissage vis--vis de

    ces contenus. De ce point de vue, il y a aujourdhui consensus pour estimer que ce qui est

    attendu, ce sont avant tout des connaissances oprationnelles qui sexpriment par la capacit

    mobiliser des outils mathmatiques pour faire face des situations nouvelles et potentiellement

    problmatiques, et pas seulement la capacit reproduire des procdures apprises dans des

    contextes trs proches de ceux de lapprentissage et relativement stables. Il y a aussi consensus

    pour estimer que ce sont des connaissances suf samment solides et structures pour pouvoir

    servir de base des apprentissages ultrieurs, vu le caractre cumulatif des connaissances

    mathmatiques. La r exion dans ce domaine sest accompagne defforts systmatiques pour

    exprimer ce que lon entend par comptence mathmatique, en essayant notamment de

    dterminer des catgories transcendant tel ou tel contenu prcis, pour aider comprendre plus

    globalement la pense mathmatique et sa progression possible. Par exemple, Kilpatrick, Swafford

    et Findell (2001) d nissent ce quils appellent mathematical pro ciency comme le rsultat

    de lentrelacement de cinq dimensions : conceptual understanding, procedural uency, strategic

    competence, adaptive reasoning and productive disposition . Dans le modle KOM dvelopp

    au Danemark (Niss, 2002), qui a servi de base la rforme de lenseignement secondaire mise

    en uvre en 2005 dans ce pays et inspir galement le concept de mathematical literacy

    du programme PISA de lOCDE (OCDE, 1999, 2006), les comptences mathmatiques

    sont d nies comme le pouvoir dagir avec intelligence et dune faon convenable dans des

    situations comportant une certaine forme de d mathmatique. Huit comptences majeures

    sont identi es, distinctes mais non indpendantes8. Le degr de dveloppement de chacune

    est, pour un individu donn, valu selon trois dimensions : la matrise quil a de ses aspects

    caractristiques, lampleur du domaine de contextes et de situations o il peut les appliquer, et

    le niveau technique de ces applications.

    Cette attention porte lexplicitation de comptences transversales sest traduite dans divers

    pays par une prise de distance avec les descriptions curriculaires traditionnelles en termes de

    contenus au pro t de descriptions structures autour de lacquisition de telles comptences

    transversales. Il nous semble aujourdhui important de trouver un quilibre et une articulation

    8 Ces comptences transversales sont les suivantes : 1. matriser les formes caractristiques de poser et rsoudre des questions mathmatiques ; 2. pouvoir reconnatre, formuler et rsoudre des problmes mathmatiques ; 3. pouvoir comprendre, valuer et construire des modles mathmatiques ; 4. pouvoir suivre, analyser, valuer et construire des raisonnements mathmatiques ; 5. pouvoir manier diverses reprsentations de phnomnes mathmatiques ; 6. pouvoir manier les formalismes mathmatiques ; 7. pouvoir communiquer en mathmatiques et leur propos ; 8. pouvoir utiliser les outils appropris pour lactivit mathmatique.

  • 19

    raisonnable dans la d nition de la scolarit de base en mathmatiques entre ces deux types

    de description. Les d nitions usuelles en termes de seuls contenus laissent gnralement

    implicite ce qui est exactement attendu comme comptence lissue de lenseignement, et

    chouent montrer clairement comment les apprentissages spci ques dans tel ou tel domaine

    sinscrivent dans un objectif plus gnral de dveloppement de comptences mathmatiques.

    En ce sens, elles ne favorisent pas les volutions et adaptations ncessaires mentionnes plus

    haut. Mais les d nitions en termes de comptences gnrales ne suf sent pas non plus elles

    seules construire une organisation curriculaire cohrente respectueuse de lpistmologie des

    domaines concerns, rendant visibles les raisons dtre des notions et techniques enseignes, et

    prenant en compte le caractre cumulatif des connaissances mathmatiques. Comme soulign

    dans (Winslow, 2005), les mathmatiques rsultent dune histoire humaine par rapport

    laquelle une vision en termes de dveloppement de comptences transversales a peu de sens.

    La construction dun curriculum pour la scolarit de base se doit donc de conjuguer, de faon

    quilibre, les deux approches complmentaires que sont lapproche en termes de contenus et

    lapproche en termes de comptences transversales, et cest l un rel d , lexprience montrant

    la dif cult de trouver des quilibres satisfaisants. En particulier, il importe de faire apparatre

    clairement la faon dont lenseignement de domaines mathmatiques donns contribue au

    dveloppement de comptences transversales, sans gommer la spci cit de ces contributions.

    Les formes de raisonnement et de preuve par exemple sont en mathmatiques, au-del de

    bases de logique communes, troitement dpendantes des domaines

    dans lesquels elles se dveloppent. Lef cacit du raisonnement ne

    repose pas en thorie des nombres, en gomtrie, en probabilits et

    statistique, sur les mmes schmas.

    2.4 ducation mathmatique pour tous/ducation mathmatique de qualit

    La scolarit de base doit assurer, nous lavons soulign, une ducation

    mathmatique de qualit tous les lves. Ces deux ambitions

    assurer une ducation mathmatique de qualit et assurer une

    ducation mathmatique pour tous les lves sont souvent perues

    comme inconciliables. Elles le sont, objectivement, si lon ne dispose

    pas dun nombre suf sant denseignants quali s pour assurer, dans

    des conditions satisfaisantes, la gnralisation de laccs la scolarit

    de base, ce qui est malheureusement le cas dans nombre de pays en

    voie de dveloppement. Mais il y a aussi souvent derrire cette vision

    lide quune ducation mathmatique de qualit est ncessairement

    La scolarit de base doit assurer une ducation mathmatique de qualit tous les lves. Ces deux ambitions assurer une ducation mathmatique de qualit et assurer une ducation mathmatique pour tous les lves sont souvent perues comme inconciliables

  • 20

    une ducation slective, que vouloir sadresser tous les lves ne peut se faire quau prjudice

    de cette qualit. Surmonter cette vision, le plus souvent solidement ancre dans la culture, est

    un rel d pour lenseignement des mathmatiques. Il est loin davoir t surmont. Pourtant

    les rsultats dvaluations internationales (OCDE, 2004, 2007) tendent montrer que, parmi

    les systmes ducatifs qui russissent le mieux, gurent des systmes qui ont fait le pari dune

    ducation inclusive dans la scolarit de base. La diversit des choix ducatifs des pays concerns

    montre, encore une fois, que la solution ce problme nest pas unique. Elle montre aussi ce

    quoffrent la comprhension des possibilits offertes les tudes comparatives qui se sont

    multiplies ces dernires annes et ont t largement motives par ces enqutes (cf. par exemple

    (Kaiser, Luna et Huntley, 1999), (Leung, Graf et Lopez-Real, 2006)). Soulignons en n quune

    conception inclusive de la scolarit de base nexclut pas de mettre en place, pour renforcer

    lintrt des lves pour les mathmatiques et leur permettre de sy engager plus intensment

    sils le souhaitent, des activits priscolaires comme il en existe dans de trs nombreux pays

    (cf. partie 7).

  • 21

    3. Le d de lvolution des pratiques denseignement

    S urmonter les d s mentionns dans la partie prcdente suppose une volution des pratiques denseignement permettant leur mise en cohrence avec les ambitions af ches. Les tudes des pratiques enseignantes menes dans le cadre de recherches didactiques et de formations, tout comme les enqutes menes par les

    institutions internationales (Commission europenne, 2007), montrent en effet que ce nest

    pour linstant gnralement pas le cas. Lenseignement des mathmatiques dans la scolarit

    de base est trop souvent encore un enseignement peu stimulant :

    conu comme un enseignement formel, centr sur lapprentissage de techniques et la mmorisation de rgles dont la raison dtre ne simpose pas aux lves ;

    dans lequel les objets mathmatiques sont introduits sans que lon sache quels besoins ils rpondent, ni comment ils sarticulent avec ceux prexistants ;

    dans lequel les liens avec le monde rel sont faibles, gnralement trop arti ciels pour tre convaincants, et les applications strotypes ;

    dans lequel les pratiques exprimentales, les activits de modlisation sont rares ;

    dans lequel une utilisation pertinente de la technologie reste encore relativement rare ;

    o les lves ont peu dautonomie dans leur travail mathmatique et sont trs souvent cantonns dans des tches de reproduction.

    Les recherches et exprimentations montrant que dautres alternatives sont possibles, productives

    en termes dapprentissage et donnant aux lves une autre vision des mathmatiques et de leur

    capacit saisir la signi cation de cette science, se sont pourtant accumules au l des annes

    (cf. par exemple (Bishop et al., 1996, 2003), (Lester, 2007) pour des visions synthtiques).

    Elles sappuient gnralement sur des perspectives socioconstructivistes de lapprentissage

    (Ernest, 1998). Elles mettent laccent sur la place accorder la rsolution de problmes dans

    lenseignement des mathmatiques, que ces problmes soient utiliss pour motiver et prparer

    lintroduction de nouvelles notions, ou quils permettent de les travailler et les exploiter aprs

  • 22

    quelles aient t introduites. Lapprentissage y est peru comme une opration progressive

    de prise de sens au l de la rencontre de situations problmatiques soigneusement choisies et

    organises, grce la mdiation de systmes de reprsentation et dartefacts divers, les objets

    mathmatiques ntant pas des objets directement accessibles nos sens. La dimension sociale

    de cet apprentissage, par le biais des interactions entre lves et entre enseignant et lves, est

    fortement souligne, tout comme limportance accorder lexprience acquise par les lves

    hors de lcole.

    Pourtant, de nombreuses tudes montrent aussi que, lorsque les enseignants essaient de modi er

    leurs pratiques pour les mettre en accord avec ce discours socioconstructiviste dominant,

    proposant par exemple aux lves des problmes plus ouverts censs induire de leur part une

    dmarche dinvestigation, les rsultats ne sont pas ncessairement satisfaisants. Ce qui est alors

    souvent observ, cest une activit des lves qui, mme lorsquelle est convenablement cible

    et raisonnablement productive sur le plan mathmatique ce qui nest pas ncessairement

    le cas , est dif cilement exploite par lenseignant sil ny est pas spci quement form. Le

    partage des responsabilits mathmatiques entre enseignants et lves que sous-entend cette

    vision de lapprentissage est en fait loin daller de soi. Il requiert des tches et un guidage

    appropri des lves, ainsi quun contrat didactique appropri (Brousseau, 1997). Il requiert des

    enseignants capables de faire face limprvu et didenti er le potentiel mathmatique dides

    et de productions dlves non ncessairement anticipes. Il requiert des enseignants capables

    en n daider les lves relier les rsultats quils ont obtenus dans un contexte particulier

    avec les connaissances vises par linstitution, la fois dans leur contenu et dans leur forme

    dexpression. Les besoins en expertise enseignante vont ainsi bien au-del de ce qui est en jeu

    dans les pratiques denseignement traditionnelles.

    Tout cela renvoie la question incontournable de la formation des enseignants et des ressources

    qui sont mises la disposition de ces derniers pour leur permettre de faire voluer leurs

    pratiques. Nous y reviendrons dans la suite de ce texte mais voudrions ds prsent souligner

    quelques points. Une formation approprie devrait en particulier aider plus ef cacement

    les enseignants laborer des tches susceptibles de permettre des activits dinvestigation

    mathmatiquement productives, dans les contraintes qui sont celles de la classe, les aider plus

    ef cacement jouer le rle de guide et de mdiateur qui est le leur pour grer ces activits

    de faon mathmatiquement ef cace. Par ailleurs, les volutions de pratiques sont penser

    en termes de dynamiques, en veillant maintenir une distance raisonnable entre lancien et le

    nouveau, et elles doivent tre soutenues par des ressources adaptes permettant denclencher

    et soutenir les volutions demandes. Trop souvent encore, ce qui est propos aux enseignants

    en formation ou via les ressources qui sont mises leur disposition, ce sont des modles de

    pratiques trop loigns de leurs pratiques relles pour pouvoir tre assimils sans tre dnaturs.

    Par ailleurs, laccroissement des besoins dexpertise tant mathmatique que didactique que les

  • 23

    nouvelles pratiques requirent est largement sous-estim. Tout ce contexte rend dif cile pour

    les enseignants la perception des bn ces quils peuvent retirer des changements prconiss et

    ne les incite pas sengager dans les volutions souhaites.

    travers ces constats est pose la question de ladquation des modles de formation et de

    diffusion des innovations et recherches sur laquelle nous reviendrons ultrieurement.

    Avant de passer au point suivant, nous voudrions cependant insister sur le fait que, mme si

    le modle socioconstructiviste brivement dcrit plus haut inspire aujourdhui, plus ou moins

    explicitement, beaucoup dinnovations et dactions ducatives, il peut, suivant les contextes

    sociaux et culturels, sincarner dans des formes sensiblement diffrentes. Par ailleurs, il nest pas

    le seul modle possible (Sierpinska et Lerman, 1996). Cest ce que montrent des tudes comme

    ltude ICMI concernant la comparaison des cultures denseignement dans des pays dAsie de

    tradition confucenne et des pays de lOuest (Leung, Graf et Lopez-Real, 2006) ou The Learners

    Perspective Study (Clarke, Keitel et Shimizu, 2006), (Clarke, Emanuelsson, Jablonka et Chee Mok,

    2006), qui compare les pratiques denseignants reconnus comme experts dans douze pays.

  • 25

    4. Le d de lvaluation

    L valuation est ncessaire lenseignement des mathmatiques, la fois dans sa dimension formative, pour piloter les apprentissages au cours de leur ralisation, et dans sa dimension sommative, pour situer les rsultats obtenus par rapport aux attentes et valuer lcart entre le curriculum vis et le curriculum atteint. Elle doit pour

    cela savoir conjuguer des dimensions internes et externes, qualitatives et quantitatives, et

    sappuyer sur des mthodologies et instruments appropris. Il y a l un point de consensus

    sur lequel il nous semble inutile de nous appesantir.

    Une question essentielle dans ce domaine est celle de la mise en cohrence

    des moyens de lvaluation avec les objectifs viss par lenseignement, dans un

    respect des valeurs qui sous-tendent ce dernier. Cette mise en cohrence est

    fondamentale vu lin uence que lvaluation exerce sur les enseignements et

    elle reprsente un rel d pour lenseignement des mathmatiques. Elle nest

    pas facile car, comme nous lavons soulign, une ducation mathmatique de

    qualit vise des objectifs divers, en termes de connaissances, de comptences

    spci ques et transversales, dattitudes vis--vis de la discipline. Elle met

    en jeu des capacits individuelles mais aussi des capacits de nature plus

    collective. Elle doit prendre en compte le fait que la rsolution de problmes,

    qui constitue une part essentielle de lactivit mathmatique, ncessite, pour

    tre value convenablement, une dure suf sante. Elle doit tre en accord

    avec les pratiques en ce qui concerne les outils technologiques autoriss. Et,

    dans la perspective qui est celle de lUNESCO, dune scolarit de base de

    qualit accessible tous et vecteur dpanouissement et de dveloppement

    personnel, elle doit tre conue pour permettre chacun dexprimer au

    mieux ses connaissances et comptences, en tant attentive la diversit des

    formes que ces connaissances et comptences peuvent prendre.

    Tout ceci plaide pour une valuation multiforme, aucune forme dvaluation ne pouvant

    prtendre satisfaire lensemble de ces conditions. En particulier, il importe de reconnatre que

    les activits de recherche, les activits exprimentales, les ralisations de projets mathmatiques,

    les activits de synthse, dexpos, les travaux de nature historique, les ralisations pratiques, qui

    doivent avoir leur place dans une ducation mathmatique de qualit pour tous, et doivent donc

    Une question essentielle dans ce domaine est celle de la mise en cohrence des moyens de lvaluation avec les objectifs viss par lenseignement, dans un respect des valeurs qui sous-tendent ce dernier

  • 26

    elles aussi tre values pour voir leur importance institutionnellement reconnue, ncessitent

    des formes adaptes dvaluation.

    Il existe aujourdhui une tendance forte multiplier les valuations et, pour assurer leur

    scienti cit , permettre des passations grande chelle et en minimiser les cots, les baser

    sur des sries de questions choix multiples ou ncessitant une rponse brve, si possible

    traitable de faon automatique9. De telles valuations peuvent tre trs bien conues et on peut

    en tirer des informations trs intressantes, comme le montrent de nombreuses ralisations.

    Elles limitent cependant lapprciation de ce que peut tre une formation mathmatique de

    qualit, en rduisant cette apprciation ce que les outils utiliss, soumis de nombreuses

    contraintes, permettent dvaluer. Il nous semble pour cette raison dangereux de limiter ce

    seul type les modes dvaluation des lves et, plus forte raison, den faire les instruments

    privilgis de pilotage dun systme ducatif. Lhistoire rcente nous donne des exemples deffets

    pervers de tels dispositifs (Schoenfeld, 2007), (Keitel, 2008). Elle nous montre en particulier que,

    dans les contextes les plus fragiles, lenseignement peut driver vers un enseignement centr sur

    la prparation de tests qui, quelle que soit la qualit de ces derniers, est inconciliable avec une

    ducation mathmatique de qualit telle que nous lenvisageons.

    Lvaluation a un rle crucial jouer dans la mise en place et la gnralisation russie dune

    ducation mathmatique de qualit pour tous. Il est important quelle soit mise au service de

    cette cause, que son adquation aux valeurs de lducation mathmatique, sa qualit, ses effets

    directs et indirects soient soigneusement contrls.

    9 Prcisons que toutes les valuations grande chelle ne sont pas de ce type.

  • 27

    5. Le d enseignant : condition, formation initiale et continue

    L es enseignants sont le maillon cl de toute volution positive et durable des systmes ducatifs. Ils constituent aujourdhui le d principal dune ducation mathmatique de qualit pour tous. Les problmes poss sont sur ce plan multiples, la fois quantitatifs et qualitatifs.

    5.1 Le d quantitatif

    Le d quantitatif est un d qui ne touche pas de faon identique

    toutes les parties du monde. Dans certains pays, la profession

    denseignant dans la scolarit de base bn cie dune bonne image

    sociale, les salaires sont convenables si ce nest attrayants, les conditions

    dexercice du mtier sont bonnes, tout ceci contribuant faire de cette

    profession une profession attractive. Cette situation est loin dtre

    gnrale au sein mme des pays dvelopps, comme le montrent les

    srieux problmes de recrutement et de rtention observs dans un

    certain nombre dentre eux (OCDE, 2005). La dsaffection pour les

    tudes mathmatiques luniversit en accrot la svrit, gnrant

    de vritables cercles vicieux (Holton, 2009). Les problmes majeurs

    se posent cependant dans les pays en voie de dveloppement o se

    cumulent trs souvent faible attractivit du mtier, nombre insuf sant

    la fois dtudiants issus de lenseignement secondaire susceptibles

    de sorienter vers cette profession, et de formateurs pour en assurer

    la prparation. ceci sajoute, dans nombre de ces pays, un exode

    important des tudiants ou mme enseignants dj forms au

    pro t de pays offrant de meilleures perspectives professionnelles.

    Ce phnomne est particulirement prsent dans bon nombre de

    pays africains, comme le montre ltude sur ltat de la formation

    Les enseignants sont le maillon cl de toute volution positive et durable des systmes ducatifs. Ils constituent aujourdhui le d principal dune ducation mathmatique de qualit pour tous. Les problmes poss sont sur ce plan multiples, la fois quantitatifs et qualitatifs.

  • 28

    des enseignants dans douze pays motive par le colloque AFRICME1 (Adler et al., 2007). Les

    auteurs de cette tude ajoutent aux dif cults mentionnes ci-dessus celles dues la mortalit

    conscutive au SIDA, et soulignent que les problmes rencontrs, mme sils concernent la

    profession enseignante en gnral, touchent spcialement les enseignants de mathmatiques, car

    de nombreuses autres perspectives demploi soffrent eux, dans le pays mme ou ltranger.

    Le problme quantitatif du recrutement et de la rtention des enseignants est donc un

    problme majeur et, pour le rsoudre, il faut considrer les problmes de lenseignement des

    mathmatiques au-del de la seule scolarit de base. Comme soulign dans le rapport rcent :

    Mathematics in Africa: Challenges and Opportunities, ralis par le Developing Countries Strategic

    Group de lUnion mathmatique internationale pour la John Templeton Foundation (DCSG,

    2009) : To concentrate on primary education alone will be futile if there are no quali ed

    teachers; there can be no quali ed teachers without skilled mentors to teach the teachers 10

    Un tel constat suppose des ux suf sants dans lenseignement secondaire suprieur et au

    niveau des tudes universitaires. Surmonter ce d ncessite une reconnaissance sociale de

    la profession la hauteur de son importance relle, et une amlioration des conditions de

    travail des enseignants. De telles amliorations passent forcment par des efforts systmatiques

    pour permettre tous les enseignants daccder des rseaux, des ressources, des formations,

    dchanger et collaborer avec dautres.

    5.2 Le d qualitatif

    Le second d est celui de la qualit, car il est clair que, dans beaucoup de pays, la qualit de

    la formation est loin dtre satisfaisante, mme lorsque le problme quantitatif ne se pose pas.

    Comme nous lavons soulign, les attentes vis--vis de la scolarit de base se sont substantiellement

    accrues. Rpondre ces demandes accrues exige des enseignants solidement forms tant sur

    le plan mathmatique que didactique et pdagogique. La scolarit de base, notamment dans

    ses premires annes mais, dans un certain nombre de pays, dans son intgralit, est assure

    par des enseignants qui, dans leur grande majorit, ont eux-mmes connu des dif cults dans

    leurs apprentissages mathmatiques et ont une image ngative de la discipline. De plus, il sagit

    souvent denseignants polyvalents et les heures consacres la formation scienti que, et a

    fortiori la formation mathmatique, ne constituent quune fraction limite de leur formation.

    Tout ce contexte rend le problme de leur formation dautant plus dlicat.

    10 Limportance accorder la formation au-del de la seule scolarit de base tait galement au centre de la confrence Higher education and research in developing countries , organise conjointement par le Niels Henrik Abel Memorial Fund et lOslo Center for Peace and Human Rights, Oslo, en fvrier 2008 : http://www.dnva.no/c26889/artikkel/vis.html?tid=27509.

    http://www.dnva.no/c26889/artikkel/vis.html?tid=27509

  • 29

    Ces caractristiques de la scolarit de base imposent une r exion approfondie sur les

    connaissances ncessaires lexercice de cette profession et sur la faon dont ces connaissances

    peuvent tre dveloppes. Nul ne saurait nier que lexercice de la profession requiert une

    connaissance approfondie des mathmatiques vises par lenseignement. Un premier point

    important est que les mathmatiques de la scolarit obligatoire ne se limitent plus, comme nous

    lavons soulign, aux mathmatiques enseignes ce mme niveau il y a quelques dcennies.

    Trop souvent, la formation mathmatique des futurs enseignants nglige ces volutions et ne les

    prpare donc pas donner dans leur enseignement une vision des mathmatiques comme science

    vivante interagissant avec de nombreux domaines. Ceci est particulirement dommageable si

    lon vise, comme cela a t soulign plusieurs reprises dans ce document, un enseignement des

    mathmatiques qui soit capable de construire des interactions productives avec lenseignement

    des sciences. Un second point, encore plus important, est celui de la spci cit des mathmatiques

    pour lenseignement. Ltude des formations et des pratiques enseignantes a conduit mettre en

    question lef cacit de formations mathmatiques ne prenant pas suf samment en compte les

    besoins mathmatiques spci ques de la profession (Even et Ball, 2009). Il y a aujourdhui en effet

    un large consensus pour considrer que ces connaissances ne se limitent pas des connaissances

    mathmatiques acadmiques, dune part, et des connaissances pdagogiques, dautre part,

    connaissances dont lapprentissage pourrait se faire de faon conscutive ou juxtapose.

    Diverses catgorisations ont t proposes pour dcrire les diffrents types de connaissances

    en jeu, plus ou moins toutes drives du modle initial de Shulman (1986) distinguant content

    knowledge (connaissances disciplinaires), pedagogical content knowledge (connaissances

    didactiques) et pedagogical knowledge (connaissances pdagogiques). Cest le cas par

    exemple de celle dveloppe par (Ball et al., 2005) partir de trs nombreuses tudes de

    cas. Elle distingue quatre catgories de connaissances : common content knowledge (les

    connaissances mathmatiques vises par le curriculum essentiellement), specialized content

    knowledge (celles utilises par lenseignant et qui dpassent celles du curriculum lui-mme),

    knowledge of students and contents (connaissances concernant les lves) et knowledge

    of teaching and content (connaissances concernant lenseignement et son organisation). Ce sur

    quoi ces auteurs insistent est la ncessit de considrer les mathmatiques pour lenseignement

    comme une forme de mathmatiques appliques spci ques dont la connaissance ne drive

    pas automatiquement dune formation mathmatique universitaire, ft-elle approfondie. Ils le

    prouvent en proposant des mathmaticiens universitaires et des enseignants experts du

    primaire des tches professionnelles denseignant concernant nombres dcimaux et fractions. La

    formation mathmatique des enseignants doit prendre en compte cette spci cit.

    Un deuxime point de consensus est le fait que la formation denseignants de qualit doit

    explicitement prendre en charge la mise en relation de ces diffrents types de connaissances,

    laide de dispositifs adapts, et leur actualisation dans les pratiques. Certes, toutes les mises en

    relation ne peuvent tre pleinement comprises ds ce stade, comme le montrent des travaux

  • 30

    tels ceux de Ma (1999), Stevenson et Steigler (2000), mais le processus doit tre amorc

    ds ce stade. Il suppose la collaboration organise de diffrentes expertises : mathmatiques,

    didactiques, pdagogiques. Dans cet entrelacement de connaissances qui contribue lexpertise

    professionnelle de lenseignant, les connaissances didactiques ont un rle particulier jouer, en

    vertu de leur position linterface du disciplinaire et du professionnel.

    Il est aussi clair aujourdhui que la profession denseignant est une profession pour laquelle une

    formation initiale, quelle que soit sa qualit, doit tre complte par une formation continue

    rgulire. Cet tat de fait est d plusieurs facteurs. Dune part, comme soulign ci-dessus,

    un certain nombre de relations entre les diffrentes formes de connaissances, de rapports

    entre connaissances et pratiques, ne peuvent prendre sens en formation initiale, faute dune

    exprience denseignement suf sante ; dautre part, lenseignement des mathmatiques doit

    sadapter sans cesse lvolution des sciences mathmatiques et de leur rapport au monde,

    lvolution des demandes sociales, lvolution des conditions et moyens de lenseignement,

    notamment ses moyens technologiques, ainsi qu lvolution des connaissances issues des

    diffrents champs de recherche qui sintressent lenseignement et lapprentissage. Dans trop

    de pays aujourdhui, la formation continue des enseignants est au mieux une formation bricole,

    sans vision long terme, sans cohrence, sans lien de continuit avec la formation initiale. Et

    cette situation hypothque trs srieusement la possibilit damliorations durables de la qualit

    de lenseignement. Pourtant, lvolution des connaissances sur les pratiques des enseignants et

    sur leurs modes dvolutions possibles (Krainer et Wood, 2008), (Vandebrouck, 2008) permet

    aujourdhui de mieux comprendre comment la formation peut servir lvolution des pratiques

    dont nous avons soulign le besoin dans la partie 3, permettant aux enseignants de faire vivre

    dans leurs classes une activit mathmatique de qualit.

    Nous avons mis en vidence dans cette partie du texte de grandes lignes consensuelles et

    des points sur lesquels il est particulirement important de cibler les efforts. Comme dans le

    cas des pratiques, il ny a pas une unique voie de progression et la plus grande attention doit

    tre porte aux caractristiques contextuelles et culturelles. Certains pays ont une tradition de

    formation des enseignants intgrant tout au long du cursus de formation les diffrents types

    dapprentissages requis, tandis que dautres vivent dans une tradition o priorit est dabord

    donne la formation disciplinaire ; certains pays ont des enseignants polyvalents pour toute la

    scolarit obligatoire tandis que dans dautres cest uniquement le cas pour les premires annes

    de cette scolarit, et dans dautres encore, les lves ont ds le dpart plusieurs enseignants.

    On ne peut penser de faon identique les dynamiques dvolution dans ces diffrents systmes

    mais, encore une fois, une telle situation rend particulirement intressantes les comparaisons

    qui aident mieux comprendre les points forts et points faibles de tel ou tel systme, et

    imaginer des volutions qui, de lintrieur du systme, ne seraient pas envisages. De ce point

    de vue, ltude ICMI rcemment publie concernant The Professional Education and Development

  • 31

    of Teachers of Mathematics (Even et Ball, 2009) est instructive par la diversit des exemples et

    analyses quelle fournit11.

    Une question que nous souhaiterions nalement aborder dans cette partie est celle de

    lvaluation de la qualit des formations et de limpact de ces dernires sur lapprentissage des

    lves. Il sagit l de questions complexes et, alors que lon dispose dnormment de travaux

    concernant lvaluation des lves en mathmatiques, la recherche est, dans ce domaine, encore

    mergente. Elle est dif cile car, comme pour toute valuation, les outils labors ne sont pas

    neutres. Ils constituent le ltre travers lequel les formations sont values. Ils supposent des

    hypothses sur les connaissances et comptences attendues dune telle formation, ainsi que des

    mthodologies pour mesurer si celles-ci sont ou non disponibles lissue de la formation.

    Si lon vise des chantillons consquents, le recueil de donnes ne peut seffectuer dans le

    contexte mme de lexercice de la profession mais peut au mieux le simuler. Cest dans cet

    esprit quest dveloppe la premire enqute de lIEA sur la formation des enseignants (Tatto

    et al., 2008)12. La recherche de liens entre les connaissances et comptences des enseignants et

    les apprentissages de leurs lves pose, plus avant, la question de la discrimination entre facteurs

    et de la comprhension, au-del de lidenti cation de corrlations ou implications statistiques,

    des mcanismes susceptibles dexpliquer les liens ventuellement obtenus. L encore, cest une

    forme de recherche relativement nouvelle et dif cile (Hill et al., 2007). Si on peut esprer

    aujourdhui quelle produise des rsultats intressants, cest aussi parce que, comme nous lavons

    soulign plus haut, la recherche qualitative sur les pratiques enseignantes et leurs dterminants

    a substantiellement progress au cours de la dernire dcennie.

    11 Nous prsentons en annexe lapproche Lesson Study, un dispositif de formation continue des enseignants existant au Japon et qui a suscit lintrt lorsque les rsultats de ce pays dans les valuations internationales TIMSS ont attir lattention sur les pratiques denseignement et de formation qui y sont mises en uvre.

    12 Une description en est donne en annexe.

  • 33

    6. La mise en synergie des diffrents acteurs

    T out ce qui prcde montre clairement que le d dune ducation mathmatique de qualit pour tous ncessite la mise en synergie dune diversit dexpertises, celles des mathmaticiens, des enseignants, des formateurs denseignants

    et des didacticiens, notamment. Cette mise en synergie nest pas

    vidente. Linvestissement des mathmaticiens dans les questions

    dducation est pourtant une longue tradition, au moins dans

    certains pays, comme en tmoigne par exemple lhistoire de lICMI

    qui a clbr en 2008 son premier centenaire13. La Commission

    elle-mme a t cre au quatrime Congrs international des

    mathmaticiens Rome en 1908 et son premier prsident a t

    le grand mathmaticien Felix Klein. Il tait lauteur des clbres

    ouvrages de la srie Mathmatiques lmentaires dun point de

    vue avanc , destins aux enseignants et visant surmonter les

    discontinuits existantes dj lpoque entre mathmatiques

    universitaires et mathmatiques du secondaire. Pendant un sicle,

    lICMI sest situe linterface entre mathmatiques et ducation

    mathmatique, cherchant renforcer les synergies, avec des

    russites diverses (Artigue, 2009). Aujourdhui encore, beaucoup

    reste faire. Deux d s nous semblent en particulier devoir tre

    relevs : celui dun engagement plus large des mathmaticiens et de

    la reconnaissance de cet engagement, dune part, et celui dune meilleure collaboration entre

    mathmaticiens, didacticiens, enseignants et formateurs, dautre part. Ils sont particulirement

    dlicats relever dans beaucoup de pays en dveloppement qui cumulent plusieurs dif cults :

    un nombre trs limit de mathmaticiens ayant dj faire face un grand nombre dautres

    responsabilits et demandes, mais un nombre trs important dlves et enseignants a priori

    concerns, labsence par ailleurs dune tradition comparable celle qui a t voque ci-

    dessus.

    13 Cf. information sur le site historique de lICMI http://www.icmihistory.unito.it/.

    Tout ce qui prcde montre clairement que le d dune ducation mathmatique de qualit pour tous ncessite la mise en synergie dune diversit dexpertises, celles des mathmaticiens, des enseignants, des formateurs denseignants et des didacticiens, notamment

    http://www.icmihistory.unito.it

  • 34

    6.1 Un engagement plus large et mieux reconnu des mathmaticiens

    Il existe, comme nous lavons soulign, dans de nombreux pays une tradition dengagement

    des mathmaticiens dans les questions relatives lducation primaire et secondaire et la

    formation des enseignants, mais lnergie de ces derniers sest souvent concentre sur la

    dtection et laccompagnement des futurs talents mathmatiques. En tmoigne leur engagement

    dans lorganisation de comptitions mathmatiques diverses et notamment des Olympiades de

    mathmatiques. Ce choix est comprhensible, mais la russite dune ducation mathmatique

    de qualit pour tous ncessite un engagement plus large des mathmaticiens, sadressant un

    public moins cibl et prenant dautres formes que lorganisation de comptitions. De nombreux

    exemples de telles initiatives existent aujourdhui et cest ce qui a conduit lICMI lancer

    une tude intitule Challenging Mathematics In and Beyond the Classroom (Barbeau et Taylor,

    2009). Nous prsentons quelques exemples en annexe mais ils ne sauraient rendre compte

    de la richesse et diversit des actions existantes auxquelles les mathmaticiens contribuent

    ou peuvent contribuer en faveur dune ducation mathmatique de qualit pour tous. Ceci

    tant, il nen demeure pas moins que cet engagement des mathmaticiens seffectue le plus

    souvent titre personnel, est peu encourag institutionnellement et peu valoris. Pour quil

    en soit autrement, il faudrait que lon rompe avec un systme o seule la productivit en tant

    que chercheur est valorise professionnellement, ce qui est malheureusement gnralement

    le cas. Cette situation est particulirement problmatique pour les jeunes mathmaticiens, qui

    pourtant sont particulirement mme de montrer aux lves que les mathmatiques sont

    une science vivante.

    6.2 Une meilleure collaboration entre communauts

    Le second d est celui dune meilleure collaboration entre les

    diffrentes communauts en charge des questions dducation,

    notamment celles des mathmaticiens, des enseignants et des

    didacticiens. De ce point de vue, au cours des dernires dcennies,

    le dveloppement et linstitutionnalisation de la didactique comme

    champ de recherche acadmique, sur la base entre autres des

    dsillusions engendres par la priode des mathmatiques modernes,

    ont modi les quilibres traditionnels. Durant la dernire dcennie,

    dans un certain nombre de pays, linsatisfaction ressentie quant la

    qualit de lenseignement des mathmatiques sest traduite par une

    m ance, voire un rejet vis--vis dune recherche dont les ides,

    dfaut dtre vritablement mises en uvre dans les pratiques, se

    Une meilleure collaboration entre les diffrentes communauts en charge des questions dducation, notamment celles des mathmaticiens, des enseignants et des didacticiens

  • 35

    trouvaient re tes dans un certain nombre de documents curriculaires. Cet tat de fait est

    particulirement vrai dans les pays o mathmaticiens et chercheurs en ducation mathmatique

    vivent dans des institutions spares et collaborent peu, y compris dans la formation des

    enseignants. Cette situation nous semble profondment dommageable pour lenseignement des

    mathmatiques. Elle nest pas inluctable pourtant et il importe donc de faire mieux connatre

    les russites dans ce domaine et den faire une source dinspiration14.

    14 En annexe, nous prsentons quelques exemples : le cas des IREM (Instituts de recherche sur lenseignement des mathmatiques) en France, le cas du Park City Mathematics Institute aux tats-Unis dAmrique..

  • 37

    7. Organiser les complmentarits entre ducations formelle et non formelle

    N ous avons insist dans ce qui prcde sur la ncessit pour lenseignement des mathmatiques dans la scolarit de base dtre un enseignement stimulant, celui de mathmatiques vivantes, en relation avec le monde dans lequel vivent les lves et les questions qui se posent aujourdhui lhumanit. Nous avons galement fait

    rfrence des ralisations qui semblent montrer que cela est possible, sous diffrentes

    formes, en fonction des choix effectus et des contextes sociaux et culturels. Mais dans

    le cadre contraignant de lorganisation scolaire usuelle, auquel sajoute trs souvent un

    fort cloisonnement disciplinaire, tout nest pas possible. Cest pourquoi il est important de

    mnager dans linstitution scolaire des espaces de libert pour des activits plus ouvertes

    obissant une autre temporalit et une autre gestion didactique. Cest pourquoi aussi il est

    important de sappuyer sur les nombreuses possibilits dapprentissage qui sont aujourdhui

    offertes aux jeunes, au-del de lcole. Cest l encore un d car, si des ralisations existent,

    elles touchent pour linstant une proportion trs limite des lves de la scolarit de base. La

    quinzime tude ICMI dj cite donne une ide de la multiplicit des ralisations existantes

    en les organisant en seize catgories diffrentes et en illustrant chaque catgorie par des

    exemples prcis. Sagissant ici dun texte produit pour lUNESCO, il nous semble par ailleurs

    important de mentionner tout spcialement lexposition itinrante UNESCO Pourquoi

    les mathmatiques ? dont trois exemplaires parcourent le monde depuis 2005. Elle est

    maintenant double dune exposition virtuelle et ses prsentations sont gnralement

    accompagnes de manifestations mathmatiques diverses qui attirent non seulement des

    classes mais aussi un trs large public15.

    15 Le site de lexposition http://www.mathex.org/MathExpo/ fournit des informations dtailles sur cette exposition et offre galement la possibilit de tlcharger lexposition virtuelle interactive qui existe en quatre langues : franais, anglais, espagnol et portugais.

    http://www.mathex.org/MathExpo

  • 39

    8. Le pilotage et la rgulation des volutions

    R aliser lambition dune ducation de qualit pour tous suppose donc des volutions indniables, et lon dispose pour penser ces volutions de nombreuses ralisations exprimentales. Il nen demeure pas moins que les essais de transformations grande chelle, mme lorsquils sappuient sur des exprimentations

    pralables, sont le plus souvent dcevants. Le pilotage et la rgulation des volutions des

    systmes ducatifs est une entreprise particulirement dlicate. dfaut de fournir des

    guides srs pour lavenir, lanalyse des expriences passes montre au moins des erreurs quil

    serait bon dviter de rpter. Nous en voquons certaines dans ce qui suit, en accordant une

    importance particulire au cas des pays en dveloppement.

    Une critique svre mais utile de la faon dont ont t souvent menes les volutions

    curriculaires en mathmatiques dans les pays en voie de dveloppement, linitiative ou

    avec le soutien dagences internationales, est par exemple mene par Bienvenido F. Nebres

    (Nebres, 2009)16, en se basant sur lexemple de son pays, les Philippines. Il les dcrit comme

    constitues de quatre phases : lapport dune nouvelle approche de lenseignement issue dune

    thorie labore lOuest (mathmatiques modernes, back to basis , rsolution de problmes,

    constructivisme) ; dveloppement de manuels et ressources partir de ces approches ; tudes

    pilotes petites chelles dans des contextes particuliers, aux rsultats toujours positifs ; mise en

    uvre lchelle nationale. La mise en uvre est accompagne dune formation des enseignants

    obissant au modle dit en cascade, avec une formation substantielle aux niveaux les plus levs

    mais gnralement rduite deux ou trois semaines quand on arrive au niveau des enseignants

    chargs de mettre en uvre la rforme dans leurs classes. Le nouveau curriculum balaye lancien,

    les enseignants doivent sy adapter brutalement avec une formation minimale, les rsultats sont

    mauvais et quelques annes plus tard, un nouveau projet curriculaire est nouveau lanc pour

    remdier la situation. Il oppose cette situation caricaturale le cycle des rformes curriculaires

    au Japon, un cycle qui, selon la description quil en fait, stale sur une priode de 10-12 annes,

    et accorde une grande place la rgulation partir du recueil systmatique de ractions des

    16 Le lecteur pourra aussi se rfrer (Atweh, Clarkson et Nebres, 2003) pour une analyse plus globale.

  • 40

    enseignants, de leur analyse, synthse et discussion tous les niveaux du systme ducatif, pour

    penser et dcider les volutions ncessaires. Des stratgies ont t dveloppes aux Philippines

    pour rompre avec cette situation dans une srie de rformes importantes engages depuis

    une dizaine dannes dans le cadre du Third Elementary Education Project men de 1998-2006

    et de la Synergeia Foundation17. Ces analyses et ces efforts, comme diffrents autres, mettent en

    lumire un certain nombre de principes importants pour guider de telles actions. Ceux-ci sont

    malheureusement assez rarement respects, sagissant des rformes menes dans des pays en

    dveloppement comme dans des pays dvelopps :

    limportance accorder au contexte politique, conomique, social et culturel ; malgr laccumulation de contre-exemples, trop souvent encore persiste lillusion que lon peut

    emprunter un dispositif, une organisation curriculaire qui marchent dans un autre

    contexte pour amliorer le sien propre, et quen reproduisant lorganisation, on reproduira

    ce qui en assure la russite. Une adaptation russie, quand elle est possible, suppose un

    travail de transposition inform par la comprhension des caractristiques et processus

    qui assurent la russite de lorganisation donne ;

    limportance de la dure : en matire dducation, lexprience montre que des projets ayant un impact substantiel et durable sont ncessairement des projets qui demandent

    une action cohrente sur lespace dune dcennie au moins ;

    limportance de penser les changements, quil sagisse de changements curriculaires ou de changements de pratiques, en termes dvolution partir de lexistant et non de

    rvolution ; en particulier, les volutions de pratiques doivent tre penses en termes de

    dynamiques dvolution et il faut prvoir laccompagnement de ces dynamiques suivant

    des modles autres que le modle dit en cascade, sur une dure suf sante. Le travail

    avec les enseignants de terrain et la formation de personnes-ressources au niveau local

    sont cruciaux pour que ces dynamiques se dveloppent et que les changements obtenus

    perdurent au-del de la dure de leur accompagnement institutionnel ;

    limportance de rompre avec des changements imposs den haut et de prvoir un juste quilibre entre les impulsions institutionnelles et les apports des acteurs du terrain, en

    dautres termes dquilibrer dans la conception et le pilotage des volutions les processus

    17 Ces stratgies et leurs effets positifs sont prsents de faon dtaille dans (Nebres, 2009). Nous compltons cette information en annexe par celle fournie par Merle C. Tan, Directrice du National Institute for Science and Mathematics Education Development, University of the Philippines. Les actions qui y sont dcrites visent aujourdhui aller plus loin dans le dveloppement dune ducation mathmatique de qualit pour tous rpondant aux besoins dcrits dans le document. Ces efforts sont soutenus par des collaborations internationales, telle la participation la Learners Perspective Study.

  • 41

    top-down et bottom-up ; limportance dans ce cadre dimpliquer le plus possible

    les communauts dans le changement, au-del de lcole ;

    limportance dinstaller des processus dvaluation et de rgulation ; les effets dune action sur un systme denseignement sont rarement ceux prvus ;

    limportance de prparer soigneusement les changements dchelle et den contrler les effets. Les ralisations exprimentales pilotes sont utiles mais elles donnent rarement

    elles seules les cls dun changement dchelle russi.

    Respecter de tels principes devrait permettre dobtenir des changements substantiels et durables

    et dviter les phnomnes de balancier auxquels les systmes ducatifs sont malheureusement

    trop souvent soumis.

  • 43

    9. Le d technologique

    N ous lavons soulign ds le dbut de cette publication : penser une ducation de qualit pour tous aujourdhui ne peut se faire sans prendre en compte la dimension technologique. Mais nous avons principalement insist alors sur le fait que la notion de littracie

    mathmatique devait prendre en compte les moyens technologiques qui

    instrumentent les pratiques sociales aujourdhui et, notamment, sagissant

    de la scolarit de base, les pratiques de calcul. Nous avons aussi voqu

    lenrichissement des espaces de donnes et des moyens de reprsentation,

    dinteraction entre reprsentations produite par les technologies

    numriques, ainsi que la faon dont lvolution technologique in uenait le

    dveloppement des mathmatiques elles-mmes, en particulier du fait des

    interactions entre sciences mathmatiques et science informatique.

    Cela ne reprsente que trs partiellement ce que constitue aujourdhui le d technologique,

    et nous souhaiterions complter cette vision, en mettant laccent plus particulirement sur les

    changements ouverts par lvolution technologique en matire de formation, de collaboration

    et dchange, daccs aux ressources ducatives et de production de ces dernires. En effet,

    au dpart, la discussion autour des potentialits de la technologie pour lenseignement des

    mathmatiques sest centre sur lusage de calculatrices ou logiciels, conus soit des ns

    ducatives, soit des ns professionnelles et convertis en outils pdagogiques, comme les

    logiciels de calcul formel ou les tableurs. Ce phnomne est par exemple visible dans la premire

    tude ICMI sur ce thme dont une seconde dition a t publie par lUNESCO en 1992

    (Cornu et Ralston, 1992). Dans la scolarit de base, il sagit principalement des calculatrices,

    tableurs et logiciels de gomtrie dynamique, ainsi que de micromondes comme Logo. Comme

    le montre clairement la seconde tude ICMI sur le domaine (Hoyles et Lagrange, 2009), les

    technologies ont enrichi de faon indniable les possibilits dexprimentation, de visualisation,

    de simulation ; elles ont modi le rapport au calcul, le rapport aux gures gomtriques. Elles

    ont permis de rapprocher les mathmatiques scolaires du monde extrieur en permettant de

    traiter des donnes plus complexes et des problmes plus ralistes, mais malgr les potentialits

    indniables quelles offrent lenseignement et lapprentissage des mathmatiques et les

    nombreuses ralisations positives existantes, leur effet est jusquici rest limit, mme dans les

    systmes ducatifs qui en ont promu fortement lutilisation. Les travaux rcents concernant les

    Penser une ducation de qualit pour tous aujourdhui ne peut se faire sans prendre en compte la dimension technologique

  • 44

    pratiques des enseignants dans des environnements informatiques commencent fournir des

    lments pour comprendre cet tat de fait et envisager des formations rellement adaptes

    aux besoins, mais la question dune utilisation ef cace gnralise de ces technologies dans la

    scolarit de base en mathmatiques reste pour linstant non rsolue.

    Des volutions rcentes lies au dveloppement doutils collaboratifs dapprentissage,

    lInternet et aux technologies mobiles, mergent des possibilits et des effets dune tout autre

    nature : la possibilit de soutenir par la technologie des formes collaboratives dapprentissage

    mathmatiques pour les lves, laccs en ligne et gratuit une diversit de ressources, de

    nouvelles organisations possibles pour la formation distance, le support la production

    collaborative et la mutualisation de ressources, le support lmergence de communauts

    denseignants et de chercheurs, le support lactivit de rseaux, des changes distance

    entre lves et entre enseignants. Comme la bien montr la seconde tude ICMI dj cite

    (Hoyles et Lagrange, 2009), des possibilits nouvelles souvrent ainsi pour lapprentissage, pour

    faciliter laccs aux ressources et la formation, lutter contre lisolement, favoriser la diffusion

    des ides et des innovations, faire vivre les valeurs de solidarit qui sont celles de lUNESCO.

    Cest l une ouverture qui semble particulirement prometteuse pour tous, et en particulier

    pour les pays en voie de dveloppement. Il est particulirement important de tirer parti de

    ces possibilits pour lenseignement des mathmatiques, dautant plus quil

    semble que leur intgration ne pose pas les mmes dif cults que celle des

    technologies mentionnes plus haut, car elles naffectent pas les pratiques de

    faon similaire.

    Nous souhaiterions relier cette question de la technologie celle des

    ressources pour lenseignement. Une ducation mathmatique de qualit

    pour tous ne peut se raliser sans la production de ressources de qualit : des

    ressources pour les lves et des ressources pour les enseignants. Les dif cults

    rcurrentes rencontres dans la diffusion des connaissances acquises sur

    lenseignement et lapprentissage, dans la diffusion des innovations, amnent

    mettre en question la conception la fois des ressources et des processus de

    diffusion. Nous avons soulign dans la partie 3 les problmes poss par des

    ressources censes soutenir lvolution ncessaire des pratiques, mais trop

    distantes des pratiques usuelles pour se situer dans la zone proximale de

    dveloppement des utilisateurs viss. Un autre problme rside dans le fait que

    les ressources existantes sont souvent des ressources qui ne sont pas penses

    en fonction du travail ncessaire dadaptation de lenseignant son contexte denseignement

    particulier, ou que les enseignants ne sont pas ef cacement prpars effectuer ce travail.

    En fait, on a aujourdhui une connaissance trs insuf sante des pratiques documentaires des

    enseignants ne permettant pas de guider de faon satisfaisante la formation. Les recherches qui

    Une ducation mathmatique de qualit pour tous ne peut se raliser sans la production de ressources de qualit : des ressources pour les lves et des ressources pour les enseignants

  • 45

    mergent dans ce domaine (Gueudet et Trouche, 2009) montrent cependant des volutions

    rapides portes par lvolution technologique, avec notamment la multiplication des ressources

    accessibles en ligne, le support et lincitation au travail collaboratif18. Il y a l indniablement de

    nouvelles possibilits pour la conception et la dissmination de ressources et sans aucun doute

    aussi des besoins de formation diffren