glas, de j. derrida

Upload: vince34

Post on 10-Oct-2015

39 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • Grard Blanchard

    Glas, de J. DerridaIn: Communication et langages. N26, 1975. pp. 114-115.

    Citer ce document / Cite this document :

    Blanchard Grard. Glas, de J. Derrida. In: Communication et langages. N26, 1975. pp. 114-115.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1975_num_26_1_4213

  • Jacques Derrida GLAS (Rflexion prliminaire une lecture, sur la physique d'un ou deux textes) Editions Galile. 1974, 62 F.

    C'est encore, apparemment, un livre de rupture (diffrent) et d'abord par son format carr, ensuite par un dispositif typographique colonnal qu'il dfinit, lui, l'auteur, plutt comme colossal . Un livre double colonne sur chaque page ne serait certes pas une nouveaut s'il ne s'agissait de deux textes diffrents, l'un sur Hegel, l'autre sur Genet (en maints dveloppements).

    Une premire lecture peut faire comme si deux textes dresss, l'un contre l'autre ou l'un sans l'autre, entre eux ne communi-

    quaient pas. Cependant, issus d'une mme surface, runis en un mme lieu, cohabitants, copropritaires, ils ne sont pas sans effets l'un sur l'autre et tentent comme pour toute polyphonie de s'influencer mutuellement, d'organiser l' change infini de deux colonnes qui se regardent l'envers . Et Derrida de dcrire son systme. Pourquoi faire passer un couteau entre deux textes ? Pourquoi, du moins, crire deux textes la fois ? Quelle scne joue-t-on ?... On veut rendre

    l'criture imprenable, bien sr. Quand vous avez la tte ici, on vous rappelle que la loi du texte est dans l'autre, et ainsi n'en plus finir. A engrosser la marge plus de marge, plus de cadre on l'an- nule, on brouille la ligne, on vous reprend la rgle droite qui vous permettrait de d- limiter, dcouper, dominer... Si j'cris deux textes la fois, vous ne pourrez pas me chtier. Si je dlinarise, j'rige, mais, en mme temps, je divise mon acte et mon dsir... Si je linarise, si je me mets en ligne et crois niaiserie n'crire qu'un texte la fois, cela re- vient au mme et il faut encore compter avec le cot de la marge. Contradiction en soi de deux dsirs incon- ciliables. Je lui donne ici, accus dans ma langue, le titre de DOUBLE BANDE, le (la, les) mettant pratiquement en forme et en jeu. Un texte sangle en deux sons. Deux fois ceint. Bande, contre-bande. Un seul titre, Glas , rassemble et rend compte, largissant les sens de Hegel et de Genet et les rassemblant la fois, portes, voles de toutes les cloches de la s- pulture, la pompe funbre, le legs, le tes- tament, le contrat, la signature, le nom propre, le prnom, le surnom, la classifica- tion, la lutte des classes, le travail du deuil dans les rapports de production, le ftichisme, le travestissement, la toilette

  • Les livres 115

    du mort, l'incorporation, l'introjection du cadavre, l'idalisation, la sublimation, la relve, le rejet, le reste, etc. Ce qui frappe, au premier regard sur ces colonnes ingales (l'une est en caractres plus petits, donnant un gris plus dense, l'autre, plus grossement faite, est divise, brise de blancs), c'est que toutes deux sont perturbes de textes additifs, incorpors. Elles ingrent leurs propres notes et se rapprochent ainsi des textes gloss que nous a livrs le Moyen Age finissant. Le jeu savant du langage qui s'entremle, en s'cri- vant sur plusieurs plans, est ainsi perptu, renouvel. C'est un type d'criture qu'approchent parfois les textes scientifiques, les ditions critiques ou, autrement, plus proche de nous, la potique de certains crivains prenant possession d'un espace que les lourdes manipulations typographiques (et leurs prix de revient) pratiquement leur interdisaient. Derrida, par ce texte pluriel, dcoupe un peu plus la robe sans couture gutenbergienne. Le grand enjeu du dis

    cours... littraire r(est)e la transformation patiente, ruse, quasi animale ou vgtale, inlassable, monumentale, drisoire aussi, mais se tournant plutt en drision, de son nom propre, rbus, en choses, en nom de choses. D'o une

    part de ces textes procdant par dfinition ou redfinition ou jeu de mots. L'exemple de Hegel prte ce jeu professoral ; la traduction s'loigne de la preuve par l'tymologie pour se servir, plus globalement, du contexte. Le jeu sur les mots propose les associations dont la psychanalyse fait l'objet mme de son attention. La posie des listes et des accumulations devient rvlatrice du projet de celui qui parle et transforme galement le mot mot en nouveau texte, tout comme le dispositif typographique adopt rorientait le flux du discours ou tait influenc par lui. Ds les premires pages, cette affirmation : Aucun sens privilgier ici la loi du droulement temporel ou narratif qui n'a prcisment aucun sens interne ou concep- tuel. C'est dj l une rsonance de l'enseignement de Hegel , et: Limitons- nous : le glas qui s'lve et rsonne la surface de quelques pages dj entre lilas et clats annonce aussi, la couvrant de fleurs, la mort de tout code... , ou : Que reste-t-il du savoir absolu ? de l'his- toire, de la philosophie, de l'conomie poli- tique, de la psychanalyse, de la smiotique, de la linguistique, de la potique ? du tra- vail, de la langue, de la sexualit, de la famille, de la religion, de l'Etat, etc. ? Ces deux stles dresses, troues de textes

    rajouts ou de blancs, sont une rponse, une provisoire pierre d'attente sur laquelle s'inscrit le texte vou d'avance mais qui sait ? tous les effacements et dpendant de la lecture de chacun. Ainsi, priodiquement, sont matrialises nos interrogations, depuis les stles apolloniennes jusques Mallarm, jusqu'au rcent et abondant Derrida. Par elle, le discours pdant du philosophe polyvalent tend (s'il n'y russit tout fait) s'organiser en posie (essentielle en prenant comme sujet mme outre ici le prtexte de Hegel ou de Genet la prcarit de la vie travers les uvres). Voici en amas sculaire de notes, le coup de ds de Derrida, ou plutt Igitur .

    Grard Blanchard.

    Sous la direction de Georges Bonnin et Pierre Croquet L'ART DU LIVRE A L'IMPRIMERIE NATIONALE Imprimerie nationale, 1973-1975, 250 F.

    L'Imprimerie nationale vient d'diter un somptueux ouvrage consacr l'histoire de la typographie franaise et plus particulirement celle de l'Imprimerie royale devenue l'Imprimerie nationale. Histoires sinon communes, du moins trs imbriques comme nous l'explique Raymond Blanchot dans un survol historique. En effet, c'est seulement en 1640 que Richelieu fonde officiellement l'Imprimerie royale. Mais, ds la Renaissance, Franois Ier avait charg son lecteur Pierre Duchtel de faire prospecter l'Europe pour y dcouvrir les manuscrits les plus rares et permettre la typoaraphie grecque franaise de rivaliser avec celle des Aides, les clbres imprimeurs italiens. C'est encore Franois Ier qui commanda au clbre graveur Garamond les caractres universellement connus sous le nom de Grecs du Roi . Plus tard, ce sera Louis XIV qui commandera une typographie spciale qui sera le Romain du Roi , grave par Philippe Grand- jean... L'ouvrage nous rappelle notamment les apports de l'Imprimerie royale la fonte des caractres chinois de Fourmont, l'dition des uvres de Buffon, la fonte de multiples polices de caractres trangers, et notamment orientaux, qui constituent une collection typographique unique1 au monde. Les diteurs ont naturellement dsir raliser un ouvrage digne du sujet, du moins,

    InformationsAutres contributions de Grard Blanchard

    Pagination114115