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Ce document est extrait de la base de données textuelles Frantext réalisée par l'Institut National de la Langue Française (INaLF) Introduction [Document électronique] / par M. le Cher. Cuvier ptitre Le règne animal distribué d' après son organisation, pour servir de base a l' histoire naturelle des animaux et d' introduction a l' anatomie comparée. Par m. Le ch. Cuvier, conseiller d' état ordinaire, secrétaire perpétuel de l' académie des sciences de l' institut royal, membre des académies et sociétés royales des sciences de londres, de berlin, de pétersbourg, de stockholm, d' édimbourg, de copenhague, de goettingue, de turin, de bavière, des pays-bas, etc., etc. Avec figures, dessinées d' après nature. Tome i, contenant l' introduction, les mammifères et les oiseaux. A paris, chez deterville, libraire, rue hautefeuille, nyy. 8. De l' imprimerie de a. Belin. 1817. p1 INTRODUCTION . DE L' HISTOIRE NATURELLE ET DE SES METHODES EN GENERAL . Peu de personnes se faisant une idée juste de l' histoire naturelle, il nous a paru nécessaire de commencer notre ouvrage, en définissant bien l' objet que cette science se propose, et en établissant des limites rigoureuses entre elle et les sciences qui l' avoisinent. Dans notre langue et dans la plupart des autres, le mot nature signifie : tantôt, les propriétés qu' un être tient de naissance, par opposition à celle qu' il peut devoir à l' art ; tantôt,

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Ce document est extrait de la base de donnéestextuelles Frantext réalisée par l'Institut National dela Langue Française (INaLF)

Introduction [Document électronique] / par M. le Cher. Cuvier

ptitre

Lerègne animaldistribuéd' après son organisation,pour servir de base a l' histoire naturelle des animauxet d' introduction a l' anatomie comparée.Par m. Le ch. Cuvier,conseiller d' état ordinaire, secrétaire perpétuel de l' académiedessciences de l' institut royal, membre des académies et sociétésroyales des sciences de londres, de berlin, de pétersbourg, destockholm, d' édimbourg, de copenhague, de goettingue, de turin,de bavière, des pays-bas, etc., etc.Avec figures, dessinées d' après nature.Tome i,contenantl' introduction, les mammifères et les oiseaux.A paris,chez deterville, libraire, rue hautefeuille, nyy. 8.De l' imprimerie de a. Belin.1817.

p1

INTRODUCTION . DE L' HISTOIRE NATURELLE ET DE SES METHODES EN GENERAL .

Peu de personnes se faisant une idée juste del' histoire naturelle, il nous a paru nécessairede commencer notre ouvrage, en définissantbien l' objet que cette science se propose, et enétablissant des limites rigoureuses entre elle etles sciences qui l' avoisinent.Dans notre langue et dans la plupart desautres, le mot nature signifie : tantôt, les propriétésqu' un être tient de naissance, par oppositionà celle qu' il peut devoir à l' art ; tantôt,

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l' ensemble des êtres qui composent l' univers ;tantôt enfin, les lois qui régissent ces êtres.

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C' est surtout dans ce dernier sens que l' on acoutume de personnifier la nature et d' employerpar respect son nom pour celui de son auteur.La physique ou science naturelle considèrela nature sous ces trois rapports. Elle est, ougénérale, ou particulière. La physique généraleexamine, d' une manière abstraite, chacune despropriétés de ces êtres mobiles et étendus, quenous appelons les corps. Sa partie, appelée dynamique,considère les corps en masse, et fixemathématiquement, en partant d' un très-petitnombre d' expériences, les lois de l' équilibre,celles du mouvement et de sa communication,elle prend dans ses différentes divisions lesnoms de statique, de mécanique, d' hydrostatique,d' hydrodynamique, d' aérostatique, etc..selon la nature des corps dont elle examine lesmouvemens. L' optique ne s' occupe que desmouvemens particuliers de la lumière, et lesphénomènes qui n' ont pu encore être déterminésque par l' expérience y deviennent plusnombreux.La chimie, autre partie de la physique générale,expose les lois selon lesquelles les moléculesélémentaires des corps agissent les unessur les autres à des distances prochaines, lescombinaisons ou les séparations qui résultent

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de la tendance générale de ces molécules às' unir, et des modifications que les diversescirconstances, capables de les écarter ou de lesrapprocher, apportent à cette tendance. C' estune science presque toute expérimentale et quin' a pu être réduite au calcul.La théorie de la chaleur et celle de l' électricité,selon le côté par lequel on les envisage, appartiennentpresque également à la dynamique ouà la chimiela méthode qui domine dans toutes les partiesde la physique générale, consiste à isolerles corps, à les réduire à leur plus grande simplicité,à mettre séparément en jeu chacune de

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leurs propriétés, soit par la pensée, soit parl' expérience, à en reconnaître ou en calculer leseffets, enfin à généraliser et à lier ensemble leslois de ces propriétés pour en former des corpsde doctrine, et s' il était possible pour les rapportertoutes à une loi unique, qui serait l' expressionuniverselle de toutes les autres.La physique particulière ou l' histoire naturelle(car ces deux termes ont la même signification)a pour objet d' appliquer spécialementaux êtres nombreux et variés qui existent dans lanature, les lois reconnues par les diverses branchesde la physique générale, afin d' expliquer

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les phénomènes que chacun de ces êtres présente.Dans ce sens étendu elle embrasserait aussil' astronomie ; mais cette science suffisammentéclairée par les seules lumières de la mécanique,et complètement soumise à ses lois, emploie desméthodes trop différentes de celles que permetl' histoire naturelle ordinaire, pour être cultivéepar les mêmes personnes.On restreint donc cette dernière aux objetsqui n' admettent pas de calculs rigoureux, ni demesures précises dans toutes leurs parties ; encorelui soustrait-on d' ordinaire la météorologie,pour la réunir à la physique générale ; l' histoirenaturelle ne considère donc proprement queles corps bruts, appelés minéraux, et les diversessortes d' êtres vivans, dont il n' est presque aucunoù l' on ne puisse observer des effets plus oumoins variés des lois du mouvement et desattractions chimiques, et de toutes les autrescauses analysées par la physique générale.L' histoire naturelle devrait, à la rigueur,employer les mêmes procédés que les sciencesgénérales, et elle les emploie réellement toutesles fois que les objets qu' elle étudie sont assezsimples pour le lui permettre. Mais il s' en fautde beaucoup qu' elle le puisse toujours.En effet, une différence essentielle entre les

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sciences générales et l' histoire naturelle, c' estque dans les premières on n' examine que desphénomènes dont on règle toutes les circonstances

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pour arriver, par leur analyse, à deslois générales, et que dans l' autre les phénomènesse passent sous des conditions qui nedépendent pas de celui qui les étudie et quicherche à démêler, dans leur complication, leseffets des lois générales déjà reconnues. Il ne luiest pas permis de les soustraire successivementà chaque condition, et de réduire le problèmeà ses élémens, comme le fait l' expérimentateur ;mais il faut qu' il le prenne tout entier avec touteses conditions à la fois, et ne l' analyse que parla pensée. Que l' on essaie, par exemple, d' isolerles phénomènes nombreux dont se compose lavie d' un animal un peu élevé dans l' échelle :un seul d' entre eux supprimé, la vie entières' anéantit.Ainsi la dynamique est devenue une sciencepresque toute de calcul : la chimie est encoreune science toute d' expérience ; l' histoire naturellerestera long-temps dans un grand nombrede ses parties, une science toute d' observation.Ces trois épithètes désignent assez bien lesprocédés qui dominent dans les trois branchesdes sciences naturelles ; mais en établissant

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entre elles des degrés très-différens de certitude,elles indiquent en même temps le but auquelles deux dernières de ces sciences doivent tendrepour s' élever de plus en plus vers la perfection.Le calcul commande, pour ainsi dire, à lanature ; il en détermine les phénomènes plusexactement que l' observation, ne peut les faireconnaître ; l' expérience la contraint à se dévoiler ;l' observation l' épie quand elle est rebelle,et cherche à la surpendre.L' histoire naturelle a cependant aussi unprincipe rationel qui lui est particulier, etqu' elle emploie avec avantage en beaucoupd' occasions ; c' est celui des conditions d' existence,vulgairement nommé des causes finales.Comme rien ne peut exister s' il ne réunit lesconditions qui rendent son existence possible,les différentes parties de chaque être doiventêtre coordonnées de manière à rendre possiblel' être total, non-seulement en lui-même, maisdans ses rapports avec ceux qui l' entourent, etl' analyse de ces conditions conduit souvent à deslois générales tout aussi démontrées que cellesqui dérivent du calcul, ou de l' expérience.Ce n' est que lorsque toutes les lois de la physique

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générale et celles qui résultent des conditionsd' existence sont épuisées que l' on est réduitaux simples lois d' observations.

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Le procédé le plus fécond pour les obtenir estcelui de la comparaison. Il consiste à observersuccessivement le même corps dans les différentespositions où la nature le place, ou à comparerentre eux les différens corps jusqu' à ceque l' on ait reconnu des rapports constans entreleurs structures et les phénomènes qu' ils manifestent.Ces corps divers sont des espèces d' expériencestoutes préparées par la nature, quiajoute ou retranche à chacun d' eux différentesparties, comme nous pourrions désirer de lefaire dans nos laboratoires, et nous montre elle-mêmeles résultats de ces additions ou de cesretranchemens.On parvient ainsi à établir de certaines loisqui règlent ces rapports, et qui s' emploientcomme celles qui ont été déterminées par lessciences générales.La liaison de ces lois d' observation avec leslois générales, faite, soit directement, soit par leprincipe des conditions d' existence, compléteraitle système des sciences naturelles en faisantsentir dans toutes ses parties l' influence mutuellede tous les êtres : c' est à quoi doivent tendreles efforts de tous ceux qui cultivent cessciences.Mais toutes les recherches de ce genre supposent

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que l' on a les moyens de distinguersûrement et de faire distinguer aux autres lescorps dont on s' occupe ; autrement l' on seraitsans cesse exposé à confondre les êtres innombrablesque la nature présente. L' histoire naturelledoit donc avoir pour base ce que l' onnomme un système de la nature, ou un grandcatalogue dans lequel tous les êtres portent desnoms convenus, puissent être reconnus par descaractères distinctifs, et soient distribués endivisions et subdivisions, elles-mêmes nomméeset caractérisées, où l' on puisse les chercher.Pour que chaque être puisse toujours sereconnaître dans ce catalogue, il faut qu' ilporte son caractère avec lui : on ne peut donc

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prendre les caractères dans des propriétés oudans des habitudes dont l' exercice soit momentané,mais ils doivent être tirés de laconformation.Presque aucun être n' a de caractère simple,ou ne peut être reconnu seulement par un destraits de sa conformation ; il faut presque toujoursla réunion de plusieurs de ces traits pour distinguerun être des êtres voisins qui en ont bienaussi quelques-uns, mais qui ne les ont pastous, ou les ont combinés avec d' autres quimanquent au premier être ; et, plus les êtres

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que l' on a à distinguer sont nombreux, plus ilfaut accumuler de traits ; en sorte que, pourdistinguer de tous les autres un être prisisolément, il faut faire entrer dans son caractèresa description complète.C' est pour éviter cet inconvénient que lesdivisions et subdivisions ont été inventées. L' oncompare ensemble seulement un certain nombred' êtres voisins, et leurs caractères n' ont besoinque d' exprimer leurs différences qui, par lasupposition même, ne sont que la moindrepartie de leur conformation. Une telle réunions' appelle un genre.On retomberait dans le même inconvénientpour distinguer les genres entre eux, si l' on nerépétait l' opération en réunissant les genres voisins,pour former un ordre ; les ordres voisins,pour former une classe, etc... On peut encoreétablir des subdivisions intermédiaires.Cet échafaudage de divisions, dont les supérieurescontiennent les inférieures, est cequ' on appelle une méthode. C' est, à quelqueségards, une sorte de dictionnaire où l' on partdes propriétés des choses pour découvrir leursnoms, et qui est l' inverse des dictionnairesordinaires où l' on part des noms pour apprendreà connaître les propriétés.

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Mais, quand la méthode est bonne, elle nese borne pas à enseigner les noms. Si les subdivisionsn' ont pas été établies arbitrairement,mais si on les a fait reposer sur les véritables

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rapports fondamentaux, sur les ressemblancesessentielles des êtres, la méthode est le plus sûrmoyen de réduire les propriétés de ces êtres àdes règles générales, de les exprimer dans lesmoindres termes et de les graver aisément dansla mémoire.Pour la rendre telle, on emploie une comparaisonassidue des êtres dirigées par le principede la subordination des caractères, quidérive lui-même de celui des conditions d' existence.Les parties d' un être devant toutes avoirune convenance mutuelle, il est tels traits deconformation qui en excluent d' autres ; il en estqui, au contraire, en nécessitent ; quand onconnaît donc tels ou tels traits dans un être,on peut calculer ceux qui coexistent avec ceux-là,ou ceux qui leur sont incompatibles ; lesparties, les propriétés ou les traits de conformationqui ont le plus grand nombre de ces rapportsd' incompatibilité ou de coexistence avecd' autres, ou en d' autres termes, qui exercentsur l' ensemble de l' être, l' influence la plus marquée,sont ce que l' on appelle les caractères

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importans, les caractères dominateurs ; lesautres sont les caractères subordonnés, et ily en a ainsi de différens degrés.Cette influence des caractères se déterminequelquefois d' une manière rationnelle par laconsidération de la nature de l' organe ; quandcela ne se peut, on emploie la simple observation,et un moyen sûr de reconnaître lescaractères importans, lequel dérive de leurnature même, c' est qu' ils sont les plus constans ;et que dans une longue série d' êtresdivers, rapprochés d' après leurs degrés de similitude,ces caractères sont les derniers quivarient.De leur influence et de leur constance résulteégalement la règle, qu' ils doivent êtrepréférés pour distinguer les grandes divisions ;et qu' à mesure que l' on descend aux subdivisionsinférieures, on peut descendre aussi auxcaractères subordonnés et variables.Il ne peut y avoir qu' une méthode parfaite,qui est la méthode naturelle ; on nomme ainsiun arrangement dans lequel les êtres du mêmegenre seraient plus voisins entre eux que deceux de tous les autres genres ; les genres dumême ordre, plus que de ceux de tous les autres

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ordres, et ainsi de suite. Cette méthode est

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l' idéal auquel l' histoire naturelle doit tendre ;car il est évident que si l' on y parvenait, l' onaurait l' expression exacte et complète de lanature entière. En effet, chaque être est déterminépar ses ressemblances et ses différencesavec d' autres, et tous ces rapports seraient parfaitementrendus par l' arrangement que nousvenons d' indiquer.En un mot, la méthode naturelle serait toutela science, et chaque pas qu' on lui fait faireapproche la science de son but.La vie étant de toutes les propriétés des êtresla plus importante, et de tous les caractères leplus élevé, il n' y a rien d' étonnant que l' onen ait fait dans tous les temps le plus généraldes principes de distinction, et que l' on aittoujours réparti les êtres naturels en deuximmenses divisions, celle des êtres vivans,et celle des êtres bruts.

INTRODUCTION . DES ETRES VIVANS , ET DE L' ORGANISATION E

GéNéRAL .>Si pour nous faire une idée juste de l' essencede la vie nous la considérons dans lesêtres où ses effets sont les plus simples, nous

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nous apercevrons promptement qu' elle consistedans la faculté qu' ont certaines combinaisonscorporelles de durer pendant un temps et sousune forme déterminée, en attirant sans cessedans leur composition une partie des substancesenvironnantes, et en rendant aux élémens desportions de leur propre substance.La vie est donc un tourbillon plus ou moinsrapide, plus ou moins compliqué, dont ladirection est constante, et qui entraîne toujoursdes molécules de mêmes sortes, mais oùles molécules individuelles entrent et d' où ellessortent continuellement, de manière que laforme du corps vivant lui est plus essentielleque sa matière.

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Tant que ce mouvement subsiste, le corpsoù il s' exerce est vivant ; il vit. Lorsque lemouvement s' arrête sans retour, le corps meurt.Après la mort, les élémens qui le composent,livrés aux affinités chimiques ordinaires, netardent point à se séparer, d' où résulte plusou moins promptement la dissolution du corpsqui a été vivant. C' était donc par le mouvementvital que la dissolution était arrêtée, etque les élémens du corps étaient momentanémentréunis.Tous les corps vivans meurent, après un

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temps dont la limite extrême est déterminéepour chaque espèce, et la mort paraît être uneffet nécessaire de la vie, qui, par son actionmême, altère insensiblement la structure ducorps où elle s' exerce, de manière à y rendresa continuation impossible.Effectivement, le corps vivant éprouve deschangemens graduels, mais constans, pendanttoute sa durée. Il croît d' abord en dimensions,suivant des proportions et dans des limitesfixées pour chaque espèce et pour chacune deses parties ; ensuite il augmente en densité dansla plupart de ses parties : c' est ce second genrede changement qui paraît être la cause de lamort naturelle.Si l' on examine de plus près les divers corpsvivans, on leur trouve une structure communequ' un peu de réflexion fait bientôt juger essentielleà un tourbillon tel que le mouvement vital.Il fallait, en effet, à ces corps des parties solidespour en assurer la forme, et des partiesfluides pour y entretenir le mouvement. Leurtissu est donc composé de réseaux et de mailles,ou de fibres et de lames solides qui renfermentdes liquides dans leurs intervalles ; c' est dans lesliquides que le mouvement est le plus continuelet le plus étendu ; les substances étrangères pénètrent

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le tissu intime du corps en s' incorporantà eux ; ce sont eux qui nourrissent les solidesen y interposant leurs molécules ; ce sont euxaussi qui détachent des solides les molécules

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superflues ; c' est sous la forme liquide ou gazeuseque les matières qui doivent s' exhaler traversentles pores du corps vivant ; mais ce sont à leurtour les solides qui contiennent les liquides etqui leur impriment une partie de leur mouvementpar leurs contractions.Cette action mutuelle des solides et desliquides, ce passage des molécules des uns auxautres, nécessitait de grands rapports dans leurcomposition chimique ; et effectivement, les solidesdes corps organisés sont en grande partiecomposés d' élémens susceptibles de devenirfacilement liquides ou gazeux.Le mouvement des liquides, exigeant aussiune action continuellement répétée de la partdes solides, et leur en faisant éprouver une,demandait que les solides eussent à la fois de laflexibilité et de la dilatabilité ; et c' est, en effet,encore là un caractère presque général dessolides organisés.Cette structure commune à tous les corpsvivans, ce tissu aréolaire dont les fibres ou leslames plus ou moins flexibles interceptent des

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liquides plus ou moins abondans, est ce qu' onappelle l' organisation ; et, en conséquence dece que nous venons de dire, il n' y a que lescorps organisés qui puissent jouir de la vie.L' organisation résulte, comme on voit, d' ungrand nombre de dispositions qui sont toutesdes conditions de la vie ; et l' on conçoit que lemouvement général de la vie doive s' arrêter,si son effet est d' altérer quelqu' une de cesconditions, de manière à arrêter seulement l' undes mouvemens partiels dont il se compose.Chaque corps organisé, outre les qualitéscommunes de son tissu, a une forme propre,non-seulement en général et à l' extérieur, maisjusque dans le détail de la structure de chacunede ses parties ; et c' est de cette forme, quidétermine la direction particulière de chacundes mouvemens partiels qui s' exercent en lui,que dépend la complication du mouvementgénéral de la vie, qui constitue son espèce, etfait de lui ce qu' il est. Chaque partie concourtà ce mouvement général par une action propreet en éprouve des effets particuliers, en sorteque, dans chaque être, la vie est un ensemblequi résulte de l' action et de la réaction mutuellede toutes ses parties.

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La vie, en général, suppose donc l' organisation

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en général, et la vie propre de chaqueêtre suppose l' organisation propre de cet être,comme la marche d' une horloge suppose l' horloge ;aussi ne voyons-nous la vie que dansdes êtres tout organisés et faits pour enjouir ; et tous les efforts des physiciens n' ontpu encore nous montrer la matière s' organisant,soit d' elle-même, soit par une causeextérieure quelconque. En effet, la vie exerçantsur les élémens qui font à chaque instantpartie du corps vivant, et sur ceux qu' elle yattire, une action contraire à ce que produiraientsans elle les affinités chimiques ordinaires,il répugne qu' elle puisse être elle-mêmeproduite par ces affinités, et l' on ne connaîtcependant dans la nature aucune autre forcecapable de réunir des molécules auparavantséparées.La naissance des êtres organisés est donc leplus grand mystère de l' économie organique etde toute la nature ; jusqu' à présent nous lesvoyons se développer, mais jamais se former ;il y a plus : tous ceux à l' origine desquels ona pu remonter, ont tenu d' abord à un corpsde la même forme qu' eux, mais développéavant eux ; en un mot, à un parent. Tant quele petit n' a point de vie propre, mais participe

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à celle de son parent, il s' appelle un germe.Le lieu où le germe est attaché, la causeoccasionnelle qui le détache et lui donne unevie isolée varient, mais cette adhérence primitiveà un être semblable est une règle sansexception. La séparation du germe est ce qu' onnomme génération.Tous les êtres organisés produisent leurssemblables ; autrement la mort étant une suitenécessaire de la vie, leurs espèces ne pourraientsubsister.Les êtres organisés ont même la faculté dereproduire dans un degré variable, selon leursespèces, certaines de leurs parties quand ellesleur sont enlevées. C' est ce qu' on nomme lepouvoir de reproduction.Le développement des êtres organisés estplus ou moins prompt et plus ou moins étendu,selon que les circonstances lui sont plus oumoins favorables. La chaleur, l' abondance etl' espèce de la nourriture, d' autres causes encore

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y influent, et cette influence peut être généralesur tout le corps, ou partielle pour certainsorganes ; de là vient que la similitude desdescendans avec leurs parens ne peut jamaisêtre parfaite.Les différences de ce genre, entre les êtres

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organisés, sont ce qu' on appelle des variétés.On n' a aucune preuve que toutes les différences,qui distinguent aujourd' hui les êtres,soient de nature à être ainsi produites par lescirconstances. Tout ce que l' on a pu dire surce sujet est hypothétique ; l' expérience paraîtmontrer au contraire que, dans l' état actuel duglobe, les variétés sont renfermées dans deslimites assez étroites, et, aussi loin que nouspouvons remonter dans l' antiquité, nous voyonsque ces limites étaient les mêmes qu' aujourd' hui.On est donc obligé d' admettre certainesformes, qui se sont perpétuées depuis l' originedes choses, sans excéder ces limites ; et tous lesêtres appartenans à l' une de ces formes constituentce que l' on appelle une espèce. Lesvariétés sont des subdivisions accidentelles del' espèce.La génération étant le seul moyen de connaîtreles limites auxquelles les variétés peuvents' étendre, on doit définir l' espèce, la réuniondes individus descendus l' un de l' autre ou deparens communs, et de ceux qui leur ressemblentautant qu' ils se ressemblent entreeux ; mais, quoique cette définition soit rigoureuse,on sent que son application à desindividus déterminés peut être fort difficile

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quand on n' a pas fait les expériences nécessaires.En résumé, l' absorption, l' assimilation,l' exhalation, le développement, la génération,sont les fonctions communes à tous les corpsvivans ; la naissance et la mort, les termesuniversels de leur existence ; un tissu aréolaire,contractile, contenant dans ses mailles des liquidesou des gaz en mouvement, l' essence généralede leur structure ; des substances presquetoutes susceptibles de se convertir en liquides ou

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en gaz, et des combinaisons capables de setransformer aisément les unes dans les autres,le fonds de leur composition chimique. Desformes fixes, et qui se perpétuent par la génération,distinguent leurs espèces, déterminent lacomplication des fonctions secondaires propresà chacune d' elles, et leur assignent le rôle qu' ellesdoivent jouer dans l' ensemble de l' univers. Cesformes ne se produisent ni ne se changentelles-mêmes ; la vie suppose leur existence ; ellene peut s' allumer que dans des organisationstoutes préparées ; et les méditations les plusprofondes, comme les observations les plusdélicates, n' aboutissent qu' au mystère de lapréexistence des germes.

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INTRODUCTION . DIVISION DES ETRES ORGANISES EN ANIMAUX ET E

VéGéTAUX .>Les êtres vivans ou organisés ont été subdivisés,dès les premiers temps, en êtres animés,c' est-à-dire, sensibles et mobiles, et en êtresinanimés, qui ne jouissent ni de l' une ni del' autre de ces facultés, et qui sont réduits à lafaculté commune de végéter. Quoique plusieursplantes retirent leurs feuilles quand on lestouche, que les racines se dirigent constammentvers l' humidité, les feuilles vers l' air et vers lalumière, que quelques parties des végétauxparaissent même montrer des oscillations auxquellesl' on n' aperçoit point de cause extérieure,ces divers mouvemens ressemblent trop peu àceux des animaux pour qu' on y trouve despreuves de perception et de volonté.La spontanéïté dans les mouvemens des animauxa exigé des modifications essentiellesmême dans leurs organes simplement végétatifs.Leurs racines ne pénétrant point la terre,ils devaient pouvoir placer en eux-mêmes desprovisions d' alimens et en porter le réservoiravec eux. De là dérive le premier caractère des

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animaux, ou leur cavité intestinale, d' où leur

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fluide nourricier pénètre leurs autres parties pardes pores ou par des vaisseaux, qui sont desespèces de racines intérieures.L' organisation de cette cavité et de ses appartenancesa dû varier selon la nature des alimens,et les opérations qu' ils ont à subir avantde fournir des sucs propres à être absorbés ;tandis que l' atmosphère et la terre n' apportentaux végétaux que des sucs déjà prêts à êtreabsorbés.Le corps animal, qui avait à remplir desfonctions plus nombreuses et plus variées quela plante, pouvant en conséquence avoir uneorganisation beaucoup plus compliquée ; sesparties ne pouvant d' ailleurs conserver entreelles une situation fixe, il n' y avait pas moyenque le mouvement de leurs fluides fût produitpar des causes extérieures, et il devait êtreindépendant de la chaleur et de l' atmosphère ;telle est la cause du deuxième caractère desanimaux, ou de leur système circulatoire, quiest moins essentiel que le digestif, parce qu' iln' était pas nécessaire dans les animaux les plussimples.Les fonctions animales exigeaient des systèmesorganiques dont les végétaux n' avaient

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pas besoin : celui des muscles pour le mouvementvolontaire, et celui des nerfs pour la sensibilité ;et ces deux systèmes n' agissant, commetous les autres, que par des mouvemens et destransformations de liquides ou de fluides, ilfallait que ceux-ci fussent plus nombreux dansles animaux, et que la composition chimiquedu corps animal fût plus compliquée que cellede la plante ; aussi y entre-t-il une substance deplus (l' azote), comme élément essentiel, tandisqu' il ne se joint qu' accidentellement dans lesvégétaux aux trois autres élémens généraux del' organisation, l' oxygène, l' hydrogène et lecarbone. C' est là le troisième caractère desanimaux.Le sol et l' athmosphère présentent aux végétauxpour leur nutrition de l' eau, qui se composed' oxigène et d' hydrogène, de l' air quicontient de l' oxigène et de l' azote ; et de l' acidecarbonique qui est une combinaison d' oxygèneet de carbone. Pour tirer de ces alimens leurcomposition propre, il fallait qu' ils conservassentl' hydrogène et le carbone, qu' ils exhalassent

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l' oxygène superflu, et qu' ils absorbassent peu oupoint d' azote. Telle est aussi la marche de la vievégétale, dont la fonction essentielle est l' exhalation

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de l' oxygène, qui s' exécute à l' aide de lalumière.Les animaux ont de plus que les végétaux,pour nourriture médiate ou immédiate, lecomposé végétal, ou l' hydrogène et le carbone,entrent comme parties principales. Ilfaut pour les ramener à leur composition propre,qu' ils se débarrassent du trop d' hydrogène,surtout du trop de carbone, et qu' ilsaccumulent davantage d' azote ; c' est ce qu' ilsfont dans la respiration, par le moyen del' oxygène de l' atmosphère qui se combine avecl' hydrogène et le carbone de leur sang, ets' exhale avec eux sous forme d' eau et d' acidecarbonique. L' azote, de quelque part qu' il pénètredans leur corps, paraît y rester.Les rapports des végétaux et des animauxavec l' atmosphère sont donc inverses ; les premiersdéfont de l' eau et de l' acide carbonique,et les autres en reproduisent. La respirationest la fonction essentielle à la constitution ducorps animal ; c' est elle en quelque sorte quil' animalise, et nous verrons aussi que les animauxexercent d' autant plus complètement leursfonctions animales, qu' ils jouissent d' une respirationplus complète. C' est dans ces différences

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de rapports que consiste le quatrièmecaractère des animaux.

INTRODUCTION . DES FORMES PROPRES AUX ELEMENS ORGANIQUES D

CORPS ANIMAL , ET DES COMBINAISONS PRINCIPALES DE SES éLéMENSCHIMIQUES .>Un tissu aréolaire et trois élémens chimiquessont essentiels à tous les corps vivans ; unquatrième élément l' est en particulier aux animaux ;mais ce tissu se compose de diversesformes de mailles, et ces élémens s' unissent endiverses combinaisons.

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Il y a trois sortes de matériaux organiquesou de formes de tissu, la cellulosité, la fibremusculaire et la matière médullaire ; et, àchaque forme, appartient une combinaisonpropre d' élémens chimiques ainsi qu' une fonctionparticulière.La cellulosité se compose d' une infinité depetites lames jetées au hasard et interceptantde petites cellules qui communiquent toutesensemble. C' est une espèce d' éponge qui a lamême forme que le corps entier, et toutes lesautres parties la remplissent ou la traversent.Sa propriété est de se contracter indéfiniment

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quand les causes qui la tiennent étendueviennent à cesser : cette force est ce qui retientle corps dans une forme et dans des limitesdéterminées.La cellulosité serrée forme ces lames plus oumoins étendues que l' on appelle membranes ;les membranes contournées en cilindres formentces tuyaux plus ou moins ramifiés que l' onnomme vaisseaux ; les filamens, nommésfibres, se résolvent en cellulosité ; les os ne sontque de la cellulosité durcie par l' accumulationde substances terreuses.La matière générale de la cellulosité est cettecombinaison qui porte le nom de gélatine, etdont le caractère consiste à se dissoudre dansl' eau bouillante et à se prendre, par le refroidissement,en une gelée tremblante.La matière médullaire n' a encore pu êtreréduite en ses molécules organiques ; elle paraîtà l' oeil comme une sorte de bouillie molle oùl' on ne distingue que des globules infinimentpetits ; elle n' est point susceptible de mouvemensapparens, mais c' est en elle que réside le pouvoiradmirable de transmettre au moi les impressionsdes sens extérieurs et de porter aux musclesles ordres de la volonté. Le cerveau en estcomposé en grande partie ; la moelle épinière

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et les nerfs, qui se distribuent à toutes les partiessensibles, ne sont, quant à leur essence,que des faisceaux de ses ramifications.

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La fibre charnue ou musculaire est unesorte particulière de filamens dont la propriétédistinctive, dans l' état de vie, est de se contracterquand ils sont touchés ou frappés parquelque corps, ou quand ils éprouvent, parl' intermédiaire du nerf, l' action de la volonté.Les muscles, organes immédiats du mouvementvolontaire, ne sont que des faisceaux defibres charnues ; toutes les membranes, tous lesvaisseaux qui ont besoin d' exercer une compressionquelconque sont armés de ces fibres ;elles sont toujours intimément unies à desfilets nerveux ; mais celles qui concourent auxfonctions purement végétatives se contractentà l' insçu du moi, en sorte que la volonté estbien un moyen de faire agir les fibres, mais cemoyen n' est ni général, ni unique.La fibre charnue a pour base une substanceparticulière appelée fibrine, qui est indissolubledans l' eau bouillante, et dont la nature sembleêtre de prendre d' elle-même cette formefilamenteuse.Le fluide nourricier ou le sang, tel qu' ilest dans les vaisseaux de la circulation, non-seulement

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peut se résoudre, pour la plus grandepartie, dans les élémens généraux du corpsanimal, le carbone, l' hydrogène, l' oxygène etl' azote ; mais il contient déjà la fibrine et lagélatine presque toutes disposées à se contracteret à prendre les formes de membranesou de filamens qui leur sont propres, du moinssuffit-il d' un peu de repos pour qu' elles s' ymanifestent. Le sang manifeste aussi aisémentune combinaison qui se rencontre dans beaucoupde solides et de fluides animaux, l' albuminedont le caractère est de se coaguler dansl' eau bouillante, et l' on y trouve presque tousles élémens qui peuvent entrer dans la compositiondu corps de chaque animal, comme lachaux et le phosphore qui durcissent les os desanimaux vertébrés, le fer qui colore le sanglui-même et diverses autres parties, la graisseou l' huile animale qui se dépose dans la cellulositépour l' assouplir, etc... Tous les liquides etles solides du corps animal se composentd' élémens chimiques contenus dans le sang ; etc' est seulement par quelques élémens de moinsou par d' autres proportions que chacun d' euxse distingue, d' où l' on voit que leur formation

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ne dépend que de la soustraction de tout oupartie d' un ou de plusieurs des élémens du

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sang, et dans un petit nombre de cas, del' addition de quelque élément venu d' ailleurs.Ces opérations, par lesquelles le fluide nourricierentretient la matière solide ou liquide detoutes les parties du corps, peuvent prendre engénéral le nom de sécrétions. Cependant onréserve souvent ce nom à la production desliquides, et on donne plus spécialement celui denutrition à la production et au dépôt de lamatière nécessaire à l' entretien des solides.Chaque organe solide, chaque fluide a lacomposition convenable pour le rôle qu' il doitjouer, et la conserve tant que la santé subsiste,parce que le sang la renouvelle à mesure qu' elles' altère. Le sang, en y fournissant continuellement,altère lui-même la sienne à chaqueinstant ; mais il y est ramené par la digestionqui renouvelle sa matière, par la respirationqui le délivre du carbone et de l' hydrogènesuperflus, par la transpiration et diverses autresexcrétions qui lui enlèvent d' autres principessurabondans.Ces transformations perpétuelles de compositionchimique forment une partie non moinsessentielle du tourbillon vital que les mouvemensvisibles et de translation : ceux-ci n' ontmême pour objet que d' amener les premiers.