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HAL Id: meteo-00355587 https://hal-meteofrance.archives-ouvertes.fr/meteo-00355587 Submitted on 7 Nov 2013 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Des cyclones et des hommes Fabrice Chauvin, Jean-Francois Royer To cite this version: Fabrice Chauvin, Jean-Francois Royer. Des cyclones et des hommes. La Météorologie, Météo et Climat, 2008, 8e série (61), pp.PP.52-66. meteo-00355587

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HAL Id: meteo-00355587https://hal-meteofrance.archives-ouvertes.fr/meteo-00355587

Submitted on 7 Nov 2013

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L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Des cyclones et des hommesFabrice Chauvin, Jean-Francois Royer

To cite this version:Fabrice Chauvin, Jean-Francois Royer. Des cyclones et des hommes. La Météorologie, Météo etClimat, 2008, 8e série (61), pp.PP.52-66. �meteo-00355587�

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Des cyclones et des hommesFabrice Chauvin et Jean-François RoyerMétéo-France - Centre national de recherche météorologique (CNRM)42, avenue Gaspard-Coriolis - 31057 Toulouse Cedex 1

RésuméLe nombre global annuel de phénomè-nes cycloniques est à peu près stable etse situe aux alentours de quatre-vingtssystèmes. Mais leur nombre dans cha-cun des bassins océaniques varie enfonction de la variabilité climatiquenaturelle, en particulier en fonction duphénomène Enso (El Nino SouthernOscillation). Depuis la saison cyclo-nique 2005, qui a été intense dans lebassin Atlantique, la question de savoirdans quelle mesure l’activité cyclo-nique risque d’être modulée par lesbouleversements engendrés par leréchauffement anthropique en cours sepose de manière accrue. Le manque definesse des simulations climatiques glo-bales actuelles ne permet généralementpas de rendre compte du comporte-ment des ces phénomènes cycloniqueset, pour l’instant, les études scienti-fiques n’ont pas encore convergé. Le 4e rapport du Giec fait état du manquede consensus au sein de la commu-nauté scientifique sur cette question.De plus, les bases de données observéessur les systèmes cycloniques ne sontpas assez homogènes pour permettrede détecter un éventuel changement deleur activité dans le passé. Il faudradonc attendre encore quelques annéesavant de pouvoir se prononcer plusclairement sur ce sujet.

AbstractTropical cyclones and mankind

The annual global number of tropicalcyclones is roughly stable at about 80.But their number in each of the ocea-nic basins fluctuates with natural cli-mate variability and particularly withENSO (El Niño Southern Oscillation).Since the severe 2005 Atlantic cyclo-nic season, the question of knowinghow much impact the current anthro-pogenic warming will have on cyclo-nic activity has arisen. The coarseresolution of global climatic simula-tions does not generally allow to des-cribe their behavior and scientificstudies have not yet converged. The4th IPCC assessment report emphasi-zes the lack of consensus in the scien-tific community on this matter.Moreover, databases of observed tro-pical cyclones are not homogeneousenough to allow detection of anychanges in the past. Many more yearsof work will be necessary to deliverclear answers on this topic.

D e tout temps, les cyclones ontgénéré de nombreuses pertes envies humaines ainsi que des

dégâts matériels considérables. Les popu-lations primitives avaient compris l’inté-rêt de s’installer en retrait des zonescôtières sujettes au risque cyclonique.Avec le temps, il semble que cette pré-caution ait été oubliée et l’urbanisationcroissante des côtes dans les tropiquesrend les sociétés actuelles de plus en plusvulnérables aux cyclones tropicaux. Lenombre global annuel de phénomènescycloniques est à peu près stable et sesitue aux alentours de quatre-vingts sys-tèmes. Mais les différents bassins océa-niques connaissent des fluctuationsnaturelles de leur nombre de cyclones,liées à la variabilité du climat et du phé-nomène Enso (El Niño SouthernOscillation), en particulier.

La publication du 4e rapport du Groupeintergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) en 2007(IPCC, 2007) est l’occasion de faire lepoint sur l’évolution attendue d’un cer-tain nombre de phénomènes climatiquesayant une influence sur le bien-être dessociétés humaines. S’il ne fait désormaisplus aucun doute que le climat moyensubira l’impact du réchauffement anthro-pique au cours du siècle qui vient dedémarrer, il y a également de fortes pré-somptions pour que les événementsextrêmes, au sens littéral du terme, subis-sent également des modulations. Mal-heureusement, la modification de cesévènements dans leur fréquence, leurdurée, leur intensité ou leur localisationpourrait avoir des conséquences autre-ment plus graves que celles d’un réchauf-fement moyen de quelques degrés. Lorsde la canicule de 2003 en Europe, ons’est clairement rendu compte que nossociétés étaient très vulnérables à ces évé-nements dits « extrêmes ». Parmi les

événementsextrêmes quenotre planètepeut générer,les cyclonest r o p i c a u x fascinent les

hommes par leur puissance et leurbeauté. Ils nous interpellent égalementpar leur potentiel de destruction. La sai-son cyclonique de 2005, sur l’Atlantique,et particulièrement le cyclone Katrina quia touché la Nouvelle-Orléans le 29 aoûtde cette même année (Renaut, 2005), ontrappelé aux populations vivant sur lepourtour de la mer des Caraïbes qu’ellesn’étaient pas à l’abri d’un phénomènemajeur. Dès lors, il semble judicieux dese demander dans quelle mesure l’évolu-tion que connaît actuellement notre cli-mat pourrait se traduire par deschangements dans l’activité cycloniquedes différents bassins océaniques concer-nés par ce risque.

L’article qui suit va tenter de présen-ter l’état des connaissances de la com-munauté scientifique concernant l’im-pact du réchauffement sur l’activitécyclonique globale. Comme pour tousles autres phénomènes climatiques, ilconvient de faire la distinction entre ceque l’on peut déduire des observationspassées et les projections futures. Cesdernières ne peuvent être abordées quepar le biais de la modélisation clima-tique, alors que le climat passé est géné-ralement bien documenté par lesobservations. Nous verrons que, mal-heureusement, ces observations ne sontpas un gage de certitude quant à l’évo-lution récente de l’activité cyclonique.

Couverture du 4e rapport du Giec.

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HistoriqueAussi loin que l’on remonte dans letemps, les effets ravageurs des cyclonestropicaux ont été ressentis par les sociétéshumaines, et ce d’autant plus que celles-ci tournaient leur activité vers les océanssoumis à ces catastrophes naturelles. Leterme même d’ouragan, utilisé dansl’Atlantique nord et le Pacifique nord-est,aurait été donné par les explorateursespagnols, qui l’auraient emprunté aulangage des Indiens Tainos, pour quihuracan qualifiait un esprit démoniaque.Ceux-ci l’auraient eux-mêmes empruntéaux Mayas, chez qui Huraken était ledieu des tempêtes. Kerry Emanuel(2005a), dans son superbe livre dédié auxcyclones, Divine Wind, raconte la légendeTaino, selon laquelle la naissance de cesvents serait due à la jalousie du dieuGuacar envers son frère Yucaju qui avaitcréé le Soleil et la Lune. Celui qui devaitpar la suite se faire appeler Jurakan, ledieu de la destruction, créa donc desvents puissants pour déchirer la Terre.Emanuel rapporte également que lesTainos pourraient avoir découvert lecaractère rotationnel des ouragans bienavant que des moyens autres que visuelssoient mis en œuvre pour le prouver.Toujours est-il que des figurations dudieu Huracan le représentent sous laforme d’un tourbillon. Néanmoins, cettereprésentation aurait pu être égalementinspirée des tornades ou des trombes,dont le caractère tourbillonnant est nette-ment plus facile à observer pour un êtrehumain.

L’origine du terme typhon semble plusdifficile à déterminer, mais il est très pro-bable qu’il découle du terme chinoisjufeng, c’est-à-dire « vent effrayant ouvenant des quatre directions », que l’onretrouve dans la littérature du Ve siècle.

Kubilai Khan, un empereur mongol descendant de Genghis Khan, tenta pardeux fois d’envahir le Japon. À chacunede ses tentatives, sa flotte de plusieursmilliers de navires fut réduite en piècespar un typhon (en 1274 et 1281). LesJaponais ont cru voir là l’action d’un« vent divin » (kamikaze en japonais) quiaurait protégé leur indépendance.Quelques siècles plus tard et dans lesCaraïbes, Christophe Colomb a perduune partie de sa flotte, même si le phéno-mène qui lui a inspiré ce qu’on s’accordeà considérer comme le premier compterendu européen sur les cyclones, pourraitn’avoir été qu’une trombe marine. Àpeine un siècle plus tard, en 1565, laFrance perdait la Floride au profit del’Espagne après une rencontre malheu-reuse de sa flotte avec un cyclone. Lesexemples de collisions entre l’histoirehumaine et celle des cyclones ne man-quent pas ; mais, même sans infléchir

l’histoire, les dégâts causés par ceux-ciont toujours été énormes (photo ci-des-sous). Pour ne parler que de l’Atlantique,le phénomène le plus meurtrier fut sansaucun doute le « Grand Cyclone » de1780. Deuxième d’une série de troiscyclones qui se succédèrent sur lesCaraïbes, il ravagea les côtes de laBarbade aux Bermudes, faisant plus de22 000 morts. En 1900, le cyclone deGalveston (Texas) fit entre 8 000 et12 000 morts, détruisant la majeure partiede la première ville du Texas. Plus récem-ment, en 1974, le cyclone Fif i était le troisième cyclone le plus meurtrier de l’histoire de l’Atlantique, avec10 000 morts, avant d’être détrôné parMitch en 1998, qui a fait 11 000 morts.

Cette sombre liste de taux de mortalitédans l’Atlantique ouest n’est malheureu-sement qu’une « broutille », comparéeaux 300 000 à 500 000 morts du cyclonequi toucha les côtes de ce qui s’appelaitalors le Pakistan Est (Bangladesh actuel),en novembre 1970. Tout en étant le plus

Le terme typhon vient probablement du mot chinoisjufeng qui est composé de l’élément substantif« vent », feng (à gauche du signe +) et de l’élémentphonétique ju (à droite du signe +).(Voir site Internet :www.oceanography.lsu.edu/faculty/liu/paleoecology_web/index_files/typhoons.pdf)

Maison endommagée par l’ouragan Dennis le 18 juillet 2005 en Ontario, au Canada.

Pour faire l’historique complet des cyclo-nes tropicaux, il faudrait y consacrer plu-sieurs livres, mais notre ami Kerry nous agratifiés d’un résumé déjà suffisammentétayé pour pouvoir briller en société.

On sait donc que les sociétés primitivesont été concernées par ce phénomène,dont les interférences avec l’histoire nemanquent pas. Au cours du XIIIe siècle,

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meurtrier de l’histoire des cyclones, cetévénement n’est malheureusement pasisolé à cet endroit de la planète, où l’em-bouchure du Gange favorise la progres-sion des marées de tempêtes simeurtrières. L’histoire cyclonique decette région se chiffre en centaines demilliers de morts, soit plus de cent foiscelle des Caraïbes.

Bien entendu, l’histoire des cyclones nes’arrête pas à ces quelques exemplesparticulièrement marquants. Les nomsde Hugo (1989), Andrew (1992), Floyd(1999) et, bien entendu, Katrina (2005)figurent parmi la liste des cyclones mal-heureusement célèbres de ces dernièresannées. Curieusement, hormis Mitch,ces cyclones sont loin d’engendrer lesrecords en pertes humaines des cyclonesdes siècles précédents. En revanche, lescoûts matériels occasionnés sont sou-vent les plus importants, à cause de l’é-volution des prix, bien sûr, maiségalement à cause de la densificationdes régions côtières et de l’augmenta-tion des biens assurés. Mais souvent,l’histoire même du phénomène ainsi quesa chronologie suffisent à expliquerl’ampleur des dégâts causés. À titred’exemple, Katrina a détrôné Andrew entermes de coût, avec une facture de80 milliards de dollars, alors qu’Andrewn’avait coûté « que » 30 milliards, treizeans plus tôt. Mais, si ce même cycloneavait atterri 100 km ou 200 km plus àl’est ou plus à l’ouest, personne ne s’ensouviendrait aujourd’hui. On s’aperçoitainsi qu’il est difficile de relater l’his-toire des cyclones sans s’intéresser àl’histoire de chacun d’eux.

Généralités

Représentation conceptuelledes cyclonesNous n’entrerons pas dans une explica-tion approfondie des mécanismes en jeudans les cyclones puisque cela n’est pasl’objet du présent article, mais nousmentionnerons tout de même quelquesprocessus généraux qui caractérisent uncyclone tropical. Le lecteur désireux decreuser ce point peut consulter un arti-cle de référence (Roux et Viltard, 1997)publié dans cette même revue.

Au premier abord, on peut considérerun cyclone comme un gigantesque« vortex » de circulation cyclonique quis’étend sur presque toute la profondeurde la troposphère en un tube de vents

dont l’intensité, maximale en basse couche (au-dessus de la couche limite),décroît avec l’altitude. Pour respecterles lois de la dynamique, au sommet ducyclone, cette circulation s’inverse etdevient anticyclonique. À ce vortex estassociée une dépression centrale en sur-face, surmontée d’une anomalie de tem-pérature dans les niveaux les plus hautsde la troposphère. Celle-ci est produitepar les précipitations, qui libèrent lachaleur latente issue de l’évaporation del’océan. La circulation tangentielle pri-maire perdure tant qu’elle est équilibréepar une anomalie chaude, via l’équilibredu vent thermique ; elle est érodée parle frottement de surface et la dissipationturbulente d’altitude. Une circulationradiale secondaire existe sur toute laprofondeur de la troposphère, conver-gente en basse couche et divergente ausommet du cyclone. Cette circulationsecondaire est essentielle à l’équilibredu cyclone en permettant l’introductiond’énergie dans son cœur par les effetsdu frottement exercé par le flux entrantsur la surface océanique. La brancheascendante de cette circulation secon-daire est matérialisée par le mur de l’œilet les bandes externes qui s’enroulenten spirale autour, c’est-à-dire la régionoù la convection est intense. Les bran-ches descendantes de cette circulationradiale sont constituées, d’une part, parla subsidence de grande échelle de lamasse d’air environnant le cyclone et,d’autre part, par des mouvements subsi-dents au cœur de l’œil (ce qui en faitd’ailleurs une zone peu nuageuse).

Tout ce qui a été appris jusqu’à pré-sent sur les mécanismes de formationdes cyclones ne permet pas, actuelle-ment, de comprendre en détail la forma-tion de tels monstres. Bien entendu, onconnaît les ingrédients de la recette quipermet de constituer un beau cyclone ;on sait également qu’il faut un tour-billon initial pour faire « monter lasauce ». Mais, ce qui fait que la recetteest réussie ou pas, la petite touche ducordon bleu en quelque sorte, on ne lecomprend pas encore. C’est par unsavant dosage entre la convection et soninhibition que les cyclones peuvent sedévelopper sur des océans. On consi-dère, dans notre climat actuel, que lestempératures de la mer doivent dépasser26 °C sur une profondeur de 60 mètrespour fournir suffisamment d’énergie ausystème. On verra plus loin que ce seuiln’a pas, en lui-même, de réalité phy-sique absolue, mais permet de biendécrire les zones actuelles de cycloge-nèse (la cyclogenèse est, étymologi-quement, le mécanisme général deformation des phénomènes tourbillon-

naires, mais on le restreindra ici à laseule formation des cyclones tropi-caux). La convection est nécessaire à laformation d’un cyclone car elle permetl’humidification de l’atmosphère basseet moyenne (par évaporation des préci-pitations) et le réchauffement desniveaux plus élevés (par condensationde la vapeur d’eau ascendante). Ellen’est cependant pas suffisante pour pro-duire un cyclone. L’organisation de laconvection en cyclone nécessite d’intro-duire du tourbillon dans le système,c’est-à-dire du potentiel à mettre enœuvre un mouvement circulaire dansune région donnée. Ce tourbillon peutêtre fourni par des vortical hot towers(tours convectives de petite taille hori-zontale mais qui se développent à tra-vers toute la troposphère) que l’onrencontre dans les amas convectifsocéaniques isolés ou les vortex cyclo-niques de moyenne échelle. Mais il peutégalement provenir de perturbationsdynamiques de type ondes d’est, defluctuations en bordure d’une dépres-sion de mousson ou de l’interactionentre la circulation des latitudes moyen-nes et la bande tropicale (Roux etViltard, 1997). Les conditions dedéclenchement de la cyclogenèse ontfait l’objet de nombreuses études et laquestion ne semble pas encore tranchée(Xu et Emanuel, 1989). L’instabilitéconvective de l’environnement ne sem-ble pas être une condition nécessairepour l’existence d’un cyclone. Surocéan, le profil vertical est plutôt neu-tre. En revanche, le déclenchement nepeut probablement pas avoir lieu si leprofil vertical n’est pas instable. En toutcas, une condition vraiment nécessaireau déclenchement et au maintien descyclones est qu’il existe un échange dechaleur entre l’atmosphère et l’océansous-jacent. Cet échange est, en géné-ral, assuré par le frottement du ventradial de surface (Emanuel, 1986).

Si les conditions de déclenchement res-tent encore assez obscures, on connaîtbien la physique du phénomène dans saphase mature. Le modèle conceptuel leplus popularisé consiste à envisager lescyclones comme de formidables machi-nes thermiques. Kerry Emanuel les appa-rente à des moteurs de Carnot dontl’efficacité est optimale (Emanuel, 1986).

Ce cycle a déjà été très bien décrit parRoux et Viltard (1997) dans cette mêmerevue. On se bornera ici à en rappelerles grandes lignes. Roux et Viltard(1997) présentent, notamment, unschéma représentant le cycle de Carnotassocié à un cyclone tropical à maturité(figure 1, page suivante).

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Le cycle énergétique de Carnot, tel quedécrit par le physicien français au débutdu XIXe siècle, comporte quatre phasesqui contribuent à transformer de la cha-leur en énergie mécanique. Si l’onconsidère un gaz contenu dans un cylin-dre fermé par un piston, les quatre pha-ses se décomposent de la façon suivante(figure 2) : • Phase 1 : expansion isotherme. Legaz reçoit de la chaleur d’une sourceextérieure dont la température est cons-tante. L’apport de chaleur est compensépar l’expansion du gaz, c’est-à-direl’augmentation de son volume et ladiminution de sa pression. Cette étapeest isotherme car la température de lasource de chaleur est constante.• Phase 2 : expansion adiabatique.Lorsque la source de chaleur est retirée,le gaz continue son expansion, maiscette fois, la transformation est adiaba-tique car il n’y a plus d’échange de cha-leur avec l’extérieur. Sa pression baisseainsi que sa température.• Phase 3 : compression isotherme.C’est l’inverse de la phase 1 : le gaz estmis en contact avec une source froide etperd de la chaleur. Il subit ainsi unecompression isotherme• Phase 4 : compression adiabatique.Après suppression de la source froide,le gaz continue de se comprimer et satempérature augmente jusqu’à celle dudébut de cycle.

Ce schéma conceptuel, à la base de tousles moteurs mécaniques, représente bienla conversion des apports de chaleur(sources chaudes et froides) en énergiemécanique (le mouvement du piston).Le rendement du moteur est le rapportentre le travail produit et la chaleur.Carnot a montré que celui-ci était pro-portionnel à la différence entre la tempé-rature de la source chaude (Tc) et cellede la source froide (Tf) : (Tc-Tf)/Tc.

Les quatre phases intervenant dans lemoteur de Carnot se retrouvent dans leschéma conceptuel d’Emanuel (1986).La phase d’expansion isotherme(phase 1) correspond au parcours desparticules de l’extérieur du cyclone versl’intérieur de l’œil, où la source de cha-leur est l’océan. Cette phase est bienassociée à une forte baisse de la pressionatmosphérique, comme suggéré par lathéorie. Lorsque la particule d’air atteintles murs de l’œil, elle subit une forteascendance qui peut être considéréecomme adiabatique, même si des conver-sions de chaleur latente en chaleur sensi-ble ont lieu au cours de cette phase(phase 2). Cette ascendance ne s’arrêtequ’au niveau d’équilibre thermique del’air, où celui-ci s’étale horizontalement,dans un mouvement divergent et anti-cyclonique. Cet équilibre thermique estatteint à la tropopause, au-dessus delaquelle la flottabilité devient négative à

cause du gradient vertical de températurepositif dans la stratosphère. Ainsi, en per-dant de la chaleur par rayonnementélectromagnétique, l’air subside de tellesorte que sa température reste constante(phase 3). Enfin, le retour à l’état initialse fait par compression adiabatique, carla chaleur que la particule perd parmélange avec son environnement estcompensée par la perte de l’humidité dusystème par les pluies (phase 4). L’eauévacuée qu’il aurait fallu évaporer àmesure de la descente de la particule per-met d’économiser l’énergie nécessaire àcette évaporation ; celle-ci est ainsi réin-jectée dans le système.

Ce qui différencie ce moteur de celui deCarnot est que l’énergie mécanique géné-rée par le système, à savoir les vents, esten partie réintroduite sous forme de cha-leur par frottement avec la surface, opti-misant d’autant le rendement du moteur.L’énergie acquise (essentiellement sousforme de chaleur latente) par frottement àla surface de l’océan est transformée enchaleur sensible par la condensation dansle mur de l’œil. Ce surplus de chaleursensible entretient le flux ascendant. Lasubsidence compensatoire qui se produitdans l’œil produit un réchauffement d’al-titude par compression adiabatique. Etpour respecter l’équilibre du vent ther-mique, la circulation tangentielle estaccélérée, ce qui augmente l’énergiecinétique dissipée en surface. À l’équi-libre, les énergies acquises et dissipéessont égales.

Ce modèle conceptuel a l’avantage deproduire une représentation réaliste ducyclone en phase mature. Il a démontré,dans un certain nombre d’études théo-riques, sa capacité à représenter demanière réaliste les caractéristiques ducyclone. De plus, il permet de détermi-ner une limite théorique à l’intensité descyclones qu’aucun phénomène réel n’a

Figure 1 - Cycle de Carnot associé à un cyclone tropical à maturité. L’air entre dans la circulationcyclonique avec un moment angulaire absolu par unitéde masse M0 et une température potentielle équivalente θE0. Il se dirige vers le centre du cyclonedans la couche limite avec une température constanteTsurface, perdant du moment angulaire et gagnant de l’entropie humide par frottement sur la surfaceocéanique. L’air subit une ascendance au voisinage du centre et s’en éloigne ensuite en haute troposphère, en maintenant constants son momentangulaire M et sa température potentielle équivalente θE0. À grande distance du centre, la température potentielle équivalente diminue par refroidissement radiatif vers l’espace et le moment angulaire augmente par interaction avec l’environnement. (Roux et Viltard, 1997)

1 2 4

A Source dechaleur

3

B Source derefroidissement

Expansionisotherme

Expansionadiabatique

Compressionisotherme

Compressionadiabatique

Figure 2 - Les quatres phases du cycle de Carnot.

T = Ttropopause

T = Tsurface

Refroidissement

Troposphère

Réchauffement

Couche limite atmosphérique

Altit

ude

Distance à l'œil

M0 , θE0 M , θE

Océan

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encore jamais dépassée, et la majoritédes systèmes est effectivement restéebien en deçà de cette limite (Emanuel,1988). Enfin, nous avons présenté lescyclones comme des objets à symétriecirculaire, mais dans la réalité, celle-ciest très imparfaite. Il faut introduire deséléments de circulation générale pourexpliquer pourquoi, dans l’hémisphèrenord (respectivement sud) le vent estmaximal dans la partie nord-est (respec-tivement sud-est) du cyclone. En effet,les vents dominants dans les tropiquesvenant de l’est, ceux-ci se conjuguentavec le système pour renforcer sa partied’est « au vent ». Ainsi, dans l’hé-misphère nord, le système tournant dansle sens inverse des aiguilles d’une montre, c’est le quart nord-est qui est renforcé. Le même raisonnement s’ap-plique pour l’hémisphère sud danslequel la rotation se fait dans le sens desaiguilles d’une montre. Mais c’est parles processus de moyenne échelle queles plus fortes discontinuités se déve-loppent. La redistribution du tourbillonpotentiel au sein du système, le cycle deremplacement des murs de l’œil (ouanneaux convectifs), l’interaction avec

des systèmes synoptiques de moyenneslatitudes, la répartition de l’humiditédans la moitié la plus basse de la tro-posphère, etc., sont autant de possibili-tés d’asymétrie pour les cyclones. Sil’on y ajoute l’effet du gradient méri-dien du tourbillon planétaire, on voitbien que le modèle conceptuel axisymé-trique trouve rapidement ses limites.Alors que les modèles de mésoéchellepeuvent produire une représentationcomplète des cyclones, nous verronsplus loin que les modèles de circulationgénérale sont cependant capables dereprésenter une grande partie de leurscaractéristiques malgré des résolutionsqui ne permettent pas de résoudre l’en-semble de leurs composantes. C’estprobablement dans cette direction queles recherches des prochaines annéesvont progresser dans la modélisationdes cyclones.

ObservationsL’observation des cyclones est unetâche difficile et s’est affinée au coursdu temps, à mesure que les moyens demesure se sont développés. Au cours duXXe siècle, un comptage systématiquedes cyclones a été entrepris sur un cer-tain nombre de bassins océaniques,

dont l’Atlantique a été le plus docu-menté. Mais ce comptage s’est fait avecde grandes disparités dans la qualité desmesures. Effectivement, avant l’avène-ment des mesures aéroportées et dessatellites, les régions les mieux docu-mentées étaient celles couvertes par leplus grand nombre de routes maritimes.

On peut distinguer trois grandes phasesdans l’observation des cyclones, chacuneayant apporté une meilleure appréhen-sion du nombre de cyclones ainsi que descaractéristiques des phénomènes obser-vés (vent, pression, température…).

La première reposait entièrement surl’observation visuelle et a duré du débutdes mesures jusqu’à la seconde guerremondiale. N’étaient donc répertoriésque les cyclones touchant l’activitéhumaine. De plus, même si un systèmeétait observé, son intensité n’était pasforcément bien estimée, ce qui pouvaitle reléguer au rang d’une simple tem-pête ou dépression tropicale. Si lescyclones qui atterrissaient (un terme quidésigne l’arrivée du cyclone sur les ter-res) étaient, en général, bien vus, lescyclones maritimes pouvaient passercomplètement inaperçus pour peuqu’aucun navire n’ait eu à rencontrerleur trajectoire. Cependant, même lescyclones « terrestres » pouvaient parfoiséchapper aux observations, lorsque leurintensité était faible et qu’ils entraientsur le continent dans une région peupeuplée. Ainsi, avant l’introduction desavions dans les techniques d’observa-tion, on pense que de nombreux cyclo-nes n’ont pas été observés en tant quetels. On peut donc considérer qu’aucours de cette période, le nombre decyclones a été systématiquement sous-estimé, même s’il est difficile de préci-ser dans quelle mesure (Landsea, 2007).

Durant la seconde guerre mondiale, lesvols de reconnaissance dans les cyclo-nes, ont été initiés (photo ci-dessus) et,le 17 juillet 1944 , eut lieu le premiervol officiel dans un cyclone au-dessusde l’Atlantique. Ce fut également l’époque où les mesures radar permi-rent d’observer que les précipitationsétaient organisées en bandes spiraléesautour de l’œil. Après la guerre, en1946, des vols de reconnaissance au-dessus du Pacifique furent mis en placepar l’armée américaine.

La troisième étape dans l’améliorationdu système d’observation fût l’avène-ment des satellites météorologiques aucours des années 1960, qui ont permisune couverture globale et permanentede la planète (photo page suivante). En

Le mur de l’œil du cyclone Katrina photographié depuis l’avion P3« chasseur de cyclone » de la NOAA le 28 août 2005. (© NOAA)

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57La Météorologie - n° 61 - mai 2008

Le 18 septembre 2006, sur l’Atlantique nord, l’image du satellite Goes 12 montre deux ouragans :

Gordon, de classe 1 (au nord) et Hélène de classe 3 (au sud).

avril 1960, le satellite Tiros-1 put photo-graphier un cyclone à 1 500 kilomètresà l’est de l’Australie qui n’avait pas étérepéré. L’étape suivante fut le lancementdes satellites géostationnaires qui per-mettaient d’avoir une vue continue deszones de développement cyclonique. Àtitre d’exemple, le premier satelliteMeteosat fut lancé le 23 novembre1977. L’étape satellitaire fut primordialedans l’observation des cyclones. Eneffet, bien que l’utilisation des satellitesne garantisse pas le décompte exact decyclones dans tous les bassins océa-niques (étant donné que ce décomptedépend de l’intensité du vent enregis-tré), elle apporte néanmoins la certitudede ne rater aucun phénomène.

Bases de donnéesPour l’observation et la prévision desphénomènes cycloniques, l’océan globala été découpé en sept grands bassins, cha-cun étant sous la responsabilité d’un cen-tre régional spécialisé ou RegionalSpecialized Meteorological Centre(RSMC). La liste des bassins océaniqueset de leur RSMC est la suivante :• Océan Indien nord (New Delhi, Inde),• Océan Indien sud-ouest (La Réunion,France),• Pacifique nord-ouest (Tokyo, Japon),• Pacifique centre (Honolulu, États-Unis),• Pacifique sud-ouest (Nadi, îles Fidji),• Pacif ique nord-est et Atlantique(Miami, États-Unis).

En plus des sept RSMC, on comptecinq centres d’alerte cyclonique ouTropical Cyclone Warning Centre(TCWC), qui produisent des bulletinsd’alerte dans des zones plus restreintesdu globe :• Océan Indien sud-est (Perth,Australie),• Mer d’Arafura et golfe de Carpentrie(Darwin, Australie),• Mer de Corail (Brisbane, Australie),• Mer des Salomons et golfe dePapouasie (Port Moresby, PapouasieNouvelle-Guinée),• Mer de Tasmanie (Wellington,Nouvelle-Zélande).Il n’existe pas, aujourd’hui, de base dedonnées globale documentant l’ensem-ble des cyclones de la planète, maischacun des bassins a sa propre base,dans laquelle les données collectéespeuvent varier d’un bassin à l’autre.

Plusieurs raisons peuvent expliquercette absence d’une base globale. Lapremière provient probablement deshistoires différentes de chacun desgrands centres ainsi que des bassinseux-mêmes. Il est clair que les bassinsocéaniques qui ont été le plus souventparcourus par des navires de toutes sor-tes (seule source d’observation avantl’apparition des avions) ont une baseplus étoffée que ceux dont les routesmaritimes sont moins nombreuses.Ainsi, la base de données actuellementconsidérée comme la plus aboutie estcelle qui couvre l’océan Atlantique. Elleconcerne la période 1851-2006. Onverra plus loins que, malgré sa relative-ment bonne qualité, cette base de don-nées suscite de grandes empoignadesscientifiques au sujet de la détection del’effet du réchauffement climatique surla cyclogenèse. En effet, comme toutesses homologues, cette base de donnéessouffre d’un manque d’homogénéité dûà l’évolution des techniques d’observa-tions et d’estimation des intensités.Avec l’arrivée des données satellites etl’utilisation de la méthode de Dvorakpour l’estimation de l’intensité descyclones (Dvorak, 1975 et 1984), l’esti-mation systématique est réalisée sur lesmêmes bases pour tous les phénomènes.

De plus, l’observation satellite permet des’assurer que tous les cyclones ont étéobservés. Une autre source de disparitéentre les bases de données provient de lamanière de mesurer les variables ducyclone. Par exemple, dans l’Atlantique,

la mesure du « vent maximal moyen desurface », utilisé pour la classificationcyclonique, est effectuée, par leNational Hurricane Center (NHC),avec un pas de temps d’une minute,alors que l’Organisation météorolo-gique mondiale (OMM) préconise dixminutes. Pour les autres bassins, lesdonnées ne remontent qu’au milieu desannées 1940 et leur fiabilité ne peut êtreassurée que depuis les mesures satelli-tes. Ainsi, la grande disparité des basesrend leur centralisation délicate, sachantque, pour utiliser celles-ci, des correc-tions sont souvent nécessaires pourtenir compte des différentes faiblessesd’observation au cours du XXe siècle.

Ce manque de base synthétique est unpeu gênant lorsque l’on cherche à étu-dier les phénomènes cycloniques glo-baux. Des quelques études qui ont déjàété réalisées, on sait qu’il y a à peu prèsquatre-vingts tempêtes tropicalesannuelles (Sugi et al., 2002). De cesquatre-vingts tempêtes, un peu moinsde la moitié atteindront le stade decyclone tropical. Il est bon de rappelerque l’on désigne par tempête tropicaleles dépressions dont l’intensité desvents maxima en surface dépasse17 m/s. Ce ne sont pas des cyclones tro-picaux, mais un nom leur est attribué etelles entrent dans le décompte des phé-nomènes cycloniques. Au-delà de33 m/s, la tempête devient officielle-ment un cyclone tropical. Sous ce nomgénérique se cache un phénomèneappelé « ouragan » dans l’Atlantique et

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Figure 3 - Évolution des cumuls horaires de précipitations en mm à Commerson sur l’île de la Réunion, du 4 au 6 mars 2006, lors du passagede la tempête tropicale modérée Diwa.À Commerson, en trois jours, on a mesuré 2 720 mm.

est de 1 825 mm (cyclone Denise, jan-vier 1966), alors que le record de cumulsur soixante-douze heures vient d’êtrebattu par Gamède avec 3 929 mm(février 2007). Les dimensions extrêmesdes cyclones, mesurées comme le rayonde la zone de vents supérieurs à 17 m/s,ont été de 1 100 km pour le plus grand(typhon Tip, 1979) à 50 km pour le pluspetit (cyclone Tracy, décembre 1974,près de Darwin). Le cyclone à la plusgrande longévité a duré 31 jours (typhonJohn, août-septembre 1994) alors que laplus longue distance parcourue a été de13 500 km (typhon Ophélia, novembre-décembre 1960). Enfin, pour conclurecette liste de bêtes de cirque, le typhonVamei, en Indonésie, est descendu jus-qu’à 1°5 N en 2001, ce qui représente laposition la plus proche de l’équateurpour un cyclone tropical. Ces recordscommunément admis sont évidemmentsusceptibles de changer à n’importe quelmoment, soit parce qu’un nouveaurecord a été battu, soit parce que lecyclone détenant le record a été déclas-sifié. Ce pourrait être le cas du typhonNancy dont on pense que les ventsmaximaux de 95 m/s auraient pu êtresurestimés.

Observations à l’échelle paléoclimatiqueOutre l’observation en temps réel descyclones tropicaux et la mise à jour desbases de données observées, il est unsecteur émergent de l’étude des cyclo-nes tropicaux qui se consacre à recons-truire l’histoire des cyclones au traversde l’observation de phénomènes géolo-giques (coraux, sédiments côtiers etlacustres, grottes) et biologiques(anneaux des arbres). En effet, le pas-sage d’un cyclone laisse des traces enbordure de mer, en déposant des sédi-ments, en détruisant les barrières decoraux des îles touchées ou encore enchangeant la composition en oxygènedes pluies produites sur la région. Enmultipliant les sites d’étude de ces don-nées paléoclimatiques, on espèrereconstruire l’histoire des cyclones tro-picaux sur des siècles. On peut no-tamment reconstruire les évolutions

conjointes de l’activité cyclonique etdes différents modes de variabilité cli-matique naturelle (Enso, Atlantic Multi-decadal Oscillation…). Cette branche,assez jeune, des études paléoclima-tiques porte le nom peu raff iné de« paléotempêtologie » (Liu, 2004).Cette discipline devrait permettre, dansl’avenir, de se faire une idée de la varia-bilité de l’activité cyclonique au coursdes derniers siècles ou millénaires, dansdes climats qui étaient très différents dunôtre. On entrevoit bien ce que cettediscipline pourrait apporter au débat surle changement climatique et ses consé-quences en replaçant les changementsfuturs de l’activité cyclonique dans sachronologie complète. Pour l’instant,étant donné la jeunesse de la disciplineet le nombre limité de sites de mesures,il est évident que l’on ne peut accéderqu’à une vision qualitative de l’activitécyclonique passée.

Modélisation climatique Dans cet article, nous entendons traiterde l’aspect climatique de la modélisa-tion des cyclones, c’est-à-dire lamanière dont ceux-ci sont représentésdans des Modèles de circulation géné-rale (MCG). Ces derniers ne sont, engénéral, que des déclinaisons des modè-les de prévision numérique utilisés opé-rationnellement, dont ils partagent aumoins les équations d’évolution desvariables thermodynamiques. Alors queles modèles opérationnels sont initiali-sés à l’aide des observations de l’at-mosphère, les MCG sont forcés par desconditions de surface (températures desurface de la mer) ou atmosphériquesglobales (gaz à effet de serre, aérosols,volcanisme…). Nous n’aborderons pasles approches plus académiques d’étudedes cyclones par des modèles plus finsmais à aire limitée. Si la résolutionatteinte par ces derniers est très grandeet permet une représentation trèsdétaillée des phénomènes, il est difficilede les utiliser dans des études de change-

ment climatique, pour desraisons de coût, mais aussi deconditions aux limites dudomaine étudié. Ces modèles

le Pacifique nord-est, « typhon », dansle Pacifique nord-ouest et tout simple-ment « cyclone tropical » ailleurs.L’attri-bution d’un nom à la tempête tro-picale est très codifié et, là encore, lesrègles varient d’un bassin à l’autre. Enrevanche, dans tous les bassins, chaquephénomène reçoit bien un nom ou unnuméro dès qu’il atteint le stade de tem-pête (17 m/s). La plupart des bassinsattribuent des prénoms aux cyclonespour permettre de mieux les référencer.Seuls l’océan Indien nord et lePacifique nord-ouest utilisent des nomsd’objets, de fleurs ou d’animaux.L’usage initial de donner un prénomuniquement féminin aux tempêtes tropi-cales a été modifié depuis 1975 dans lePacif ique sud-ouest, 1978 dans lePacifique nord-est, l’Atlantique et legolfe du Mexique, au profit d’une alter-nance des prénoms masculins et fémi-nins pour introduire plus de parité.Aujourd’hui, les noms sont attribuéspar des instances de l’OMM et cetteparité s’applique dans tous les bassinsconcernés. Des listes alphabétiques sontpréparées à l’avance pour chaque annéeet reviennent régulièrement. Lorsqu’uncyclone a marqué son époque par soncaractère particulièrement dévastateur,son nom est retiré de la liste et remplacépar un autre. Ainsi, on ne reverra plusde Katrina ou d’Andrew en Atlantique.

Quelques recordsHormis les tristes records cités plushaut, et sans succomber à la tentation dusensationnalisme, on peut tout de mêmeciter quelques records associés à desphénomènes cycloniques. Dans la litté-rature, de nombreux chiffres circulent,mais comme toujours en termes derecords, ces chiffres se réfèrent parfois àun seul bassin. Nous ne citerons ici quedes records globaux.

Le vent maximal jamais enregistré dansun cyclone est de 95 m/s (typhon Nancy,septembre 1961), soit 342 km/h, la pres-sion la plus basse de 870 hPa (typhonTip, octobre 1979), la marée de tempêtela plus haute de 13 m (cyclone Mahina,1899, en Australie) et la chute de pres-sion la plus rapide de100 hPa en vingt-quatreheures (typhon Forrest,1983). Les records de pluieassociée aux cyclonesvarient en fonction du tempsde cumul, mais ils sont engénéral observés à l’île de laRéunion (figure 3). Pour neciter que deux exemples, lemaximum de pluies enregis-tré en vingt-quatre heures y

100908070605040302010

006 h 12 h 18 h 00 h 06 h 12 h 18 h 00 h 06 h 12 h 18 h 00 h 06 h

4 mars 5 mars 6 mars

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permettent d’étudier les changementsde caractéristiques des cyclones dans unclimat réchauffé, mais n’abordent géné-ralement pas les questions de change-ment du nombre des phénomènes. Eneffet, les interactions globales du climatne peuvent pas, par définition, être pri-ses en compte dans ce type de simula-tion ou alors seulement par le biais desconditions aux limites imposées par l’a-nalyse ou le modèle parent, de résolu-tion plus grossière. De plus, se pose,dans ce cas, le problème de la trajec-toire qui peut démarrer ou f inir endehors des limites du modèle à airelimité. La technologie du modèle avecgrille « basculée/étirée » (dans lequel, lagrille est déformée de manière à aug-menter la résolution autour du pôled’intérêt), dont le Centre national derecherche météorologique de Météo-France (CNRM) s’est fait une spé-cialité, peut être une alternative intéres-sante puisque le même modèle est uti-lisé pour représenter l’évolution del’atmosphère globale et régionale, avecune transition continue entre les deuxapproches. Cette technologie a déjà étéutilisée pour l’étude des cyclones ausein de notre équipe (Chauvin et al.,2006).

Lorsque l’on aborde le problème de lamodélisation des cyclones tropicauxdans les modèles de climat, le premierécueil que l’on rencontre est lié à lataille du phénomène. Dans les simula-tions utilisées classiquement dans lesétudes du climat, notamment dans lesscénarios climatiques qui ont été réali-sés pour le 4e rapport du Giec, la taillede la maille est généralement de l’or-dre de 300 x 300 km2, soit à peu près100 fois la taille de l’œil d’un cyclonemoyen. Autant dire que, dans ces simu-lations, ce qui pourrait se rapprocher leplus d’un cyclone n’est qu’une vaste etmorne dépression tropicale, et lesvents entourant le minimum de pres-sion ressemblent plutôt à de doucesbrises. Bien sûr, dans des simulationsplus courtes, on peut augmenter larésolution de telle sorte que le phéno-mène puisse être représenté de manièreréaliste, mais le temps de calcul et lebesoin de stockage de données pour detelles configurations, utilisées pourplusieurs dizaines d’années de simula-tions, devient un sérieux problème.Mais on a déjà vu apparaître, dans lacommunauté scientifique, des simula-tions de dix ans avec un modèle dont larésolution est de 20 x 20 km2 (simula-tions réalisées par une équipe japo-naise sur le supercalculateur EarthSimulator : Oouchi et al., 2006). Lesressources mises en œuvre pour réali-

ser ces expériences de deux fois dixans rendent néanmoins l’exercice diffi-cile à généraliser. Cependant, il ne faitaucun doute que les dix prochainesannées verront la multiplication de cegenre de simulations et tout laboratoirequi se respecte se devra de montrercomment son modèle reproduit de joliscyclones.

Le CNRM n’a pas à rougir de ses pro-pres simulations puisque nous avonsréalisé deux expériences de dix ans chacune avec une résolutions uniformede 50 x 50 km2, ce qui nous placedirectement derrière les équipes japo-naises en termes de résolution. Deplus, pour des études localisées au bas-sin Atlantique, nous avons eu recours àla technologie de la grille basculée/éti-rée qui nous permet d’atteindre desrésolutions de 50 x 50 km2 sur la zoned’intérêt pour le coût d’une simulationglobale de résolution 2,5 fois plusgrossière. Cela nous place en bonneposition pour des études plus systéma-tiques des cyclones dans un cadre climatologique.

Pour l’instant, nous n’en sommes pasencore là, et il faut se contenter, soit decourtes simulations à fine échelle, soitde longues simulations grossières. Dansles premières, on peut mettre en placedes algorithmes de détection des cyclo-nes et de construction des trajectoires.Dans les secondes, en revanche, cetteméthodologie n’est plus adéquate, maison peut, malgré tout, s’en sortir en étu-diant les facteurs de grande échellefavorables à la cyclogenèse.

Approche directeComme nous l’avons indiqué ci-dessus,l’approche directe consiste à détecterdirectement les phénomènes cyclo-niques dans les simulations, à partir desvariables du modèle, et à en construireles trajectoires. Pour cela, on met enplace des algorithmes de détection et de

trajectographie, danslesquels quelques critè-res sont imposés pouréviter de détecter desphénomènes tourbillon-naires qui n’auraient pas

les caractéristiques d’un cyclone. Laproblématique pour la recherche destrajectoires cycloniques est tout à faitdifférente de celle des dépressions demoyennes latitudes. En effet, auxmoyennes latitudes, on commence parrechercher, pour chaque jour de lasimulation, tous les tourbillons, puis oncherche à construire des trajectoires enappariant ces tourbillons deux à deuxd’un pas de temps à l’autre (Ayrault etJoly, 2000). La première étape est plutôtfacile puisqu’il suffit de se donner unseuil d’intensité pour les tourbillons etde « scanner » les sorties du modèle. Laseconde étape, n’est pas aussi simplequ’elle y paraît car, pour apparier deuxtourbillons consécutifs, il faut choisirceux qui se marient le mieux, parmitous les couples possibles entre les deuxéchéances. Cela demande un algo-rithme un peu plus complexe faisantintervenir un critère de qualité desappariements. Pour la détection et lecalcul de trajectoires des cyclones tropi-caux, la problématique est inversée. Ladétection demande de fixer un certainnombre de critères pour être sûr de nesélectionner que des tourbillons ayanttoutes les caractéristiques de cyclones.Une fois cette étape réalisée, la questionde l’appariement est nettement plusfacile à résoudre, la liste des candidatsne laissant généralement que peu d’in-certitude quant au choix des couples, enraison de la rareté de cyclones multiples(mais le cas peut parfois se rencontrer).Les différentes études qui ont eurecours à ce genre de programmes dif-fèrent légèrement dans les détails descritères imposés ; mais, globalement,pour détecter correctement un phéno-mène cyclonique dans une simulationclimatique, il faut :– un champ de tourbillon ζ (c’est-à-direrotationnel du vent horizontal) consé-quent (ζ > Sζ) ;– un minimum de pression ;– un cœur chaud, c’est-à-dire une anomalie de température, ΔT, plus forte en altitude qu’en basse couche(ΔT > SΔT) ;

Le supercalculateur japonais,Earth Simulateur, sur lequel ont été réalisées des simulationsde dix ans avec un modèledont la résolution est de 20 x 20 km2.

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– des vents forts en basse couche (V850 >SV850 et V850 > V200) ;– une durée de vie suffisante ;

où ΔT est l’anomalie de températureentre le cyclone et son environnement(notions définies ci-dessous) et V850 etV200 sont le module du vent à 850 hPaet 200 hPa dans le cyclone.

Le calibrage de l’algorithme va consis-ter à fixer les seuils Sζ, SΔT et SV850, quivont déterminer le nombre de trajec-toires détectées, ainsi qu’à définir le « cyclone » et son « environnement ».Dans le cas des simulations réalisées auCNRM avec un modèle ayant unemaille de 50 km, les seuils adoptés ontété choisis empiriquement, de tellesorte que le nombre de tempêtes obtenucorresponde à la climatologie sur lescinquante dernières années, et lesvaleurs des seuils obtenues sont les sui-vantes :

Sζ = 1,4.10-4 s-1

SΔT = 3 °CSV850 = 15 ms-1

Pour définir le cyclone, nous avonscalculé pour chaque cyclone rencontré,un rayon de référence (RdR) qui repré-sente la distance entre le maximum devent de basse couche et le centre.Ensuite, la zone qui détermine lecyclone a été définie comme le disquede rayon 2*RdR centré sur le centre ducyclone. Cette zone est extraite d’undisque de rayon 6*RdR qui représentel’environnement du cyclone. Ainsi, unrapport 9 existe entre la surface ducyclone et celle de son environnement.Le calcul de ΔT est effectué sur lamoyenne entre les couches comprisesentre 700 hPa et 300 hPa (Chauvin etal., 2006).

Cette méthodologie est, bien entendu,loin d’être parfaite ; mais, actuelle-ment, elle donne des résultats assezconvaincants pour permettre de s’yfier. Elle donne notamment une répar-tition très réaliste des trajectoires sur lebassin Atlantique, malgré une ten-dance à surestimer le nombre de trajec-toires au-dessus du golfe du Mexique.Elle présente surtout l’intérêt d’appré-hender comment le modèle, soumis àdes conditions de forçage particulières,telles que la concentration de CO2associée à une anomalie de tempéra-ture de surface de la mer (TSM),module ses phénomènes cycloniques,sans avoir besoin de formuler deshypothèses supplémentaires sur la rela-tion entre l’environnement climatiqueet l’activité cyclonique.

Approche par la grande échelle(méthodes indirectes)

Comme nous l’avons déjà signalé, larésolution insuffisante du modèle nepermet pas toujours d’employer laméthode directe. On peut néanmoins sefaire une idée du changement dans lacyclogenèse par un moyen détourné quiconsiste à regarder comment les condi-tions de grande échelle, favorables à lacyclogenèse, évoluent lorsque les condi-tions de forçage changent. Cette appro-che a été popularisée dès les années1960, grâce aux travaux de WilliamGray (Gray, 1968), qui ont abouti à lamise au point d’un indice de cycloge-nèse dépendant de la combinaison deconsidérations thermiques et dyna-miques. Nous allons détailler cet indice,dont le nom anglais est Yearly GenesisParameter (YGP), afin de montrer sapuissance, mais aussi ses limites pourl’étude du changement climatique.

Cet indice YGP est la somme de quatreparamètres saisonniers SGP (pourSeasonal Genesis Parameters), expri-més par le produit de deux potentiels,thermique et dynamique, chacun d’euxétant lui-même composé de trois fac-teurs. Ces facteurs sont calculés men-suellement ou par saison, maistraduisent un état moyen de l’at-mosphère au cours de la saison cyclo-nique.

Le potentiel dynamique PDC’est le produit :

PD = (ζ + 5) . | ƒ | . (ΔV/ΔP + 3)-1, en s-1 m-1 hPa,

où | ƒ | est la valeur absolue du paramètrede Coriolis, qui dépend de la latitude (ƒ = 2Ωsinϕ, où Ω = 7,29.10-5 rad/s estla vitesse angulaire de rotation de laTerre et ϕ la latitude), ζ est le tourbillonrelatif à 950 hPa pondéré par le signede f pour tenir compte de l’hémisphèredans lequel est calculé l’indice, etΔV/ΔP le cisaillement vertical du venthorizontal entre 925 et 200 hPa.

Ce potentiel exprime ainsi que lacyclogenèse ne peut avoir lieu qu’à une distance respectable de l’équateur(où sinϕ est nul), dans un environne-ment tourbillonnaire et peu cisailléverticalement. Le dernier facteur tra-duit le caractère inhibant du cisaille-ment vertical du vent horizontal :celui-ci a un effet inhibiteur en empê-chant le développement vertical ducyclone et en favorisant les échanges

avec l’environnement par ventilation desniveaux intermédiaires du cyclone. Cedernier critère se révèle être un facteur prépondérant sur l’océanAtlantique, alors que sur les autres bas-sins, d’autres facteurs vont dominer. Lafaible largeur de cet océan explique pro-bablement qu’en présence de cisaille-ment, les ouragans n’ont pas le tempsde se développer au cours de leur traver-sée du bassin. De plus, le cisaillementsur l’Atlantique est lui-même fortementmodulé par l’Enso et la QBO (QuasiBiennale Oscillation), un phénomènestratosphérique. Rappelons enfin que lecisaillement vertical, s’il inhibe lescyclones, favorise, sur continent, laconvection, les orages et les tornades.

Le potentiel thermique PTC’est le produit :

PT = E . (Δθ/ΔP + 5) . max ((RH-40)/30,1),en cal cm-2 K hPa-1,

où E est le contenu thermique dessoixante premiers mètres de l’océan,défini comme l’intégrale de l’excédentde température au-dessus de 26 °C surcette profondeur, Δθ/ΔP est la différencede température potentielle entre la sur-face et 500 hPa et RH est l’humiditérelative entre 500 hPa et 700 hPa.

Les constantes entières introduites dansles formules servent, compte tenu desunités dans lesquelles sont expriméesles variables, à assurer des valeurs nonnulles aux différents facteurs, excepté leparamètre ƒ.

Au final, le paramètre saisonnier com-plet de cyclogenèse est le produit desdeux potentiels :

SGP = PD . PT, en cal K s-1 cm-3,

et s’exprime en nombre de cyclogenè-ses par carré de 5 degrés de côté, parvingt ans et par saison.

Pour obtenir le paramètre YGP, oneffectue la somme des quatre para-mètres saisonniers SGP.

Ce paramètre s’est avéré reproduire cor-rectement la répartition des cyclogenè-ses dans les différents bassins au coursdes cinquante dernières années, ce quien fait un outil essentiel pour l’étude dela cyclogenèse, notamment de sa varia-bilité interannuelle ou décennale (cyclesde périodes de l’ordre de dix ans). Eneffet, on peut relier les fluctuations del’activité cyclonique à celles du YGP. Etbien entendu, à partir du moment où lesconditions cycloniques peuvent changer

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avec les conditions de grande échelle,on est en droit de se demander quelleévolution le siècle actuel nous réserve.

Évolution de l’activité cycloniqueavec le réchauffementanthropiqueL’action de l’homme sur les cyclones,avant de se faire sentir par les effets duréchauffement anthropique, avait déjàété envisagée, au lendemain de laseconde guerre mondiale, pour essayerd’affaiblir l’intensité de ces monstresdévastateurs. Le 13 octobre 1947, dansle cadre du projet Cirrus (Willoughby etal., 1985), des particules d’iodure d’ar-gent furent lâchées d’un avion au cœurd’un cyclone qui, malheureusement etsans lien apparent avec l’action intentée,infléchit sa course initiale pour allerfrapper les côtes de la Georgie et de laCaroline du Sud. Les essais ultérieursont donc été dorénavant plus encadrés.Notamment, les expériences d’ensemen-cement ne furent désormais réaliséesque dans des cyclones se trouvant loindes côtes et ne risquant pas de s’enapprocher. L’idée sous-jacente à l’ense-mencement est qu’en introduisant desnoyaux de condensation à l’extérieur dumur de l’œil, on favorise la formation denuages à partir de l’eau surfondue qui yséjourne. Le développement de nuage àl’extérieur du mur de l’œil pourrait ainsipriver celui-ci de son alimentation, l’af-faiblissant ainsi au profit d’un nouveaumur plus large et moins puissant. Cetteidée fit son chemin au cours des années1950, pour aboutir, en 1962, à la créa-tion du projet Stormfury (Willoughby etal., 1985). Ce projet s’est déroulé de1962 à 1983, et de nombreux ensemen-cements ont été réalisés à cette occasion.Quelques résultats furent obtenus, maisla complexité du protocole opérationnel,le manque de financement et la relativeaccalmie des années 1970-1980 surl’Atlantique eurent raison de cette expé-rience. D’autant que, au fur et à mesureque les connaissances avançaient sur lastructure des cyclones, les bases scienti-fiques du projet s’étiolaient et les effetsobtenus par l’ensemencement étaientremis en cause. En effet, l’eau surfon-due, dans un cyclone, n’est pas si abon-dante qu’on le pensait, et le processusd’affaiblissement du mur interne del’œil est un effet naturel qui s’accompa-gne de son remplacement progressif parun nouveau mur, constitué de bandesexternes qui se structurent et s’intensi-fient lors de leur migration vers le centredu cyclone.

D’autres idées d’action pour réduirel’intensité des cyclones ont germé aucours des cinquante dernières années.On a pensé, entre autres, à utiliser dessatellites pour bombarder le cyclone demicro-ondes ou à déverser un film chi-mique à la surface de l’océan pour iso-ler le cyclone de sa source de chaleur.Mais vu la puissance du phénomène, lesressources à mettre en jeu pour le modi-fier seraient énormes et les effets secon-daires importants.

Finalement, aujourd’hui, l’homme sedemande s’il n’est pas en train de réus-sir, par son action involontaire sur le cli-mat, ce qu’il a vainement essayé defaire pendant des années. Ainsi, la ques-tion de l’influence du réchauffementdes océans sur l’activité cycloniquepourrait devenir cruciale pour les socié-tés à venir. De nombreuses populationsont de tout temps habité en bordure desbassins océaniques et sont donc vulné-rables à l’activité cyclonique dans tousles bassins. Les Mayas avaient biencompris le problème puisqu’ils avaientconstruit leurs villes à l’intérieur desterres. Il semble que cette expérience aitété oubliée au fil des siècles et l’explo-sion démographique que connaissentles côtes américaines, mais égalementde nombreuses zones côtières de paysen développement soumises au risquecyclonique (Caraïbes, Philippines,Bangladesh, Inde…), laisse présagerune vulnérabilité accrue des sociétésaux phénomènes cycloniques.

La première idée qui vient à l’espritlorsque l’on envisage le réchauffementanthropique est que l’élévation des tem-pératures de surface de la mer (TSM)engendrera forcément une augmenta-tion de l’activité cyclonique, plus d’é-nergie étant disponible pour lessystèmes. Cette idée a fait son chemindepuis longtemps, notamment grâce aufameux seuil de 26 °C considérécomme nécessaire à la formation descyclones et qui verrait son aire de jeuaugmenter significativement dans unmonde réchauffé.

Les premières études reposant sur l’in-dice YGP de Gray confirmaient biencette dépendance, puisque le contenuthermique de l’océan était approché parl’écart de la TSM à 26 °C. Ainsi, parexemple, sur un océan initialement à28 °C dans le climat présent et qui seréchauffe de 2 °C dans l’avenir, lecontenu thermique serait doublé, et par-là même le paramètre de Gray. Ces éva-luations pessimistes des prémices descénarios climatiques ont été depuisrevues largement, notamment grâce aux

travaux effectués au CNRM (Royer etal., 1998), dans lesquels la remise enquestion du seuil fatidique de 26 °C ajoué un rôle essentiel. Si l’on remonte àl’origine de ce seuil, on trouve les tra-vaux de Pàlmen (1948) qui commença às’intéresser aux conditions favorables àla cyclogenèse. Parmi les facteurs favo-rables, il avait considéré que le profilvertical de température atmosphériquedevait être instable pour favoriser ledéclenchement du cyclone (conditionqui n’est plus nécessaire par la suite). Encherchant à traduire cela à l’aide d’uneentité facile à appréhender et en fixantl’humidité des basses couches à 85 %, ilavait déterminé quelle devait être la tem-pérature de surface pour que le profilsoit instable jusqu’à une altitude d’aumoins 10 km. Celle-ci était la tempéra-ture de surface pour laquelle la diffé-rence entre la température à 300 hPa etcelle obtenue en montant adiabatique-ment une particule depuis la surface soitnégative. Le seuil de 26-27 °C s’estrévélé délimiter la zone de cyclogenèsede manière suffisamment correcte pourêtre adopté. Depuis, les études effec-tuées sur ce seuil ont parfois tendance àoublier que cette température théoriquedépend de l’humidité en surface et de latempérature au sommet de la tro-posphère. Le détail a son importancelorsque l’on sait que le réchauffementanthropique touchera autant la haute tro-posphère que les TSM. Ainsi, l’indiceYGP de Gray, dans sa forme initiale, nepeut être utilisé pour des études de chan-gement climatique, ce seuil de 26 °Cn’étant plus valide dans un climatréchauffé. C’est ce qui a motivé l’appro-che de Royer et al. (1998). Partant duprincipe que les modèles pouvaientgénérer eux-même leurs propres condi-tions favorables à la cyclogenèse, lepotentiel thermique y a été remplacé,dans sa globalité, par les précipitationsconvectives diagnostiquées dans lemodèle, qui synthétisent à elles seulesles contraintes de contenu thermique del’océan, d’humidité et de profil verticalde température. Celles-ci sont, en effet,produites par le schéma de convectionactivé dans le modèle et dépendent doncde la température de surface et les pro-fils d’humidité et de température de l’at-mosphère. Il reste à faire l’hypothèseque la température de surface est un tra-ceur du contenu thermique de l’océanpour accepter définitivement la précipi-tation convective comme critère ther-mique. Cette hypothèse est tout à faitacceptable aux échelles mensuelles ousaisonnières. Le nouvel indice obtenu,surnommé Convective Yearly GenesisParameter (CYGP) s’est révélé pluspropice à représenter les changements

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de la cyclogenèse dans une atmosphèreréchauffée. Récemment, le calcul de cetindice a été effectué pour une grandepartie des simulations produites par leGiec, dans le cadre de son 4e rapport.Les résultats seront abordés dans la suitede ce chapitre.

Toute cette discussion n’est évidem-ment utile que lorsqu’on utilise l’ap-proche indirecte pour estimer leschangements dans l’activité cyclonique.Avec l’approche directe, le modèle pro-duit ses propres cyclones et il n’y a plusqu’à les compter dans les simulationsprésentes et futures pour en déduire leschangements.

Ce qu’on peut dire des tendances passéesAvant d’aborder les projections des scé-narios pour le futur, il est important deregarder ce que le passé nous apprendsur l’évolution de l’activité cycloniqueau cours du XXe siècle. Comme nous l’a-vons signalé dans la partie consacréeaux observations, les bases de donnéessont trop hétérogènes, actuellement,pour en tirer des conclusions irréfuta-bles. Néanmoins, la saison cyclonique2005 sur l’océan Atlantique a marqué,par son caractère exceptionnel, un véri-

table tournant dans l’étude de l’impactdu réchauffement climatique sur l’acti-vité cyclonique. Effectivement, cetteannée-là, de nombreux records cyclo-niques ont été battus. Le record de 1933de vingt-et-un systèmes avec des ventsmaximaux dépassaent 17 m/s a été pul-vérisé, avec vingt-huit systèmes en2005. Parmi les autres records battus,citons celui du nombre d’ouragans(quinze systèmes ont atteint l’intensitéde cyclone tropical, le précédent recordétant de douze en 1969) ; du nombre decyclones de catégorie 5 sur l’échelle deSaffir-Simpson (cette échelle est repor-tée figure 4), parmi lesquels trois des sixouragans les plus forts jamais enregis-trés dans le bassin Atlantique (quatrecyclones de catégorie 5 pour seulement

(Hurricane Database) ne correspondentpas aux améliorations successives desmoyens de mesure, mais qu’elles sui-vent plutôt l’évolution des TSM quisont d’une autre base de données qui nesaurait présenter les mêmes discontinui-tés que Hurdat. Là encore, l’article estprésenté et commenté dans la presse ets’en suit une discussion enflammée surle forum dédié aux cyclones tropicaux.Ces trois articles de référence font,depuis 2005, couler beaucoup d’encreet nombreux sont les scientifiques à enremettre en cause le fondement. Les cri-tiques se fondent sur la qualité de labase de données Hurdat et la variabiliténaturelle à l’échelle décennale de l’acti-vité cyclonique.

deux en 1960 et 1961) ; du cycloneatlantique le plus intense (882 hPa pourWilma, après Gilbert en 1988 qui avaitatteint 888 hPa) ; du premier cycloneayant touché l’Espagne (Vince, du 8 au11 octobre)… La liste est longue ! Il fautmalheureusement y ajouter le record ducyclone le plus meurtrier aux États-Unisdepuis 1928, Katrina, qui a fait1 500 morts et le plus coûteux de l’his-toire avec 80 milliards de dollars dedégâts.

Après cette saison 2005, et dans unedécennie 1995-2005 beaucoup plusactive que les deux précédentes, la ques-tion de savoir quelle était la responsabi-lité du réchauffement anthropique dansces tendances est devenue essentiellepour la population et les scientifiquesaméricains. Sous la pression médiatique,les études scientifiques relatives auxtendances observées ont fait l’objet d’undébat public peu compatible avec lerecul scientif ique nécessaire. Ainsi,deux écoles ont émergé du débat, cellequi considère qu’aucune tendance fiablene peut être déduite de la base de don-nées pour le bassin Atlantique, du fait desa trop grande hétérogénéité, et celle quiessaie d’en trouver. En schématisant unpeu : avant 2005, les scientifiques dechacune de ces deux écoles débattaient

vivement poursavoir si leréchauffementclimatique a déjàeu un impact surl’activité cyclo-nique ou pas.Depuis 2005, laquerelle s’esttransformée enguerre de tran-chées. Chaquearticle publiédans la pressescientif ique est

repris et commenté par ses détracteursdans les médias. Ainsi Webster et al.(2005) ont-ils, malgré eux, lancé lapolémique en affirmant que le nombretotal de cyclones de catégorie 4 et 5 aplus que doublé au cours de la période1970-2004 (figure 5). Au cours de lamême année, Emanuel (2005b) a mon-tré que le potentiel destructif des cyclo-nes, calculé à partir du cumul des ventsportés au cube le long des trajectoiresdes cyclones, a dramatiquement aug-menté depuis les années 1990, en par-faite association avec les TSM dansl’Atlantique tropical est (figure 6). En2007, Webster et Holland (2007) récidi-vent et publient un article, dans lequelils affirment que les discontinuités ob-servées dans la base de données Hurdat

Figure 5 - Évolution du maximum global de vent (noir,en m/s) ; du nombre total de cyclones (bleu) ; decyclones de catégorie 2 et 3 (vert) et de cyclones decatégorie 4 et 5 (rouge), par tranche de cinq ans, surla période 1970-2004. Les traits pointillés représen-tent les moyennes par catégorie, du nombre de cyclo-nes sur l’ensemble de la période1970-2004 (Websteret al., 2005).

Figure 4 - Échelle de Saffir-Simpson et caractéristiques associées.

CatégorieSaffir-

Simpson

1

2

3

4

5

Maximumdu vent

(m/s)

33-42

43-49

50-58

59-69

>69

Pressionminimale

(hPa)

>980

979-965

964-945

944-920

<920

Marée de tempête

(m)

1-1,7

1,8-2,6

2,7-3,8

3,9-5,6

>5,6

Dégâtsrelatifs(33 M$)

1

10

50

250

500Figure 6 - Kerry Emanuel introduit une nouvellemanière de mesurer la force d’un ouragan : l’Indice dedissipation d’énergie (en anglais : Power DissipationIndex, PDI) qui prend en compte la durée et l’intensitéd’un ouragan. Cet indice donne une information plusprécise sur la réelle force destructrice des cyclonesque sur leur fréquence ou les pertes économiquescausées. Cette figure montre l’évolution annuelle duPDI (trait plein) et de la TSM de septembre (moyennéesur le domaine 6°-18° N, 20°-60° W), sur le bassinAtlantique (traits pointillés). Les valeurs annuelles ontété préalablement lissées pour plus de lisibilité(Emanuel, 2005b).

1.6

1.4

1.2

1.0

0.8

0.6

0.4

0.21930 1940 1950 1960 1970 1990 20001980 2010

120

100

80

60

40

100

50

m/s

1970-74 75-79 80-84 85-89 90-94 95-99 2000-04

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63La Météorologie - n° 61 - mai 2008

Hurdat, comme toutes les bases de don-nées cycloniques, contient des informa-tions dont la qualité s’est améliorée avecle temps, rendant délicat l’interprétationde résultats portant sur des périodes anté-rieures aux années 1970 (ère satellitaire).Si l’on restreint les études aux seulestrente-cinq dernières années, il devienttrès difficile de déterminer si la tendanceà la hausse observée est due à une réelletendance imposée par le réchauffementanthropique ou à une manifestation de lavariabilité décennale. Hurdat fait actuel-lement l’objet d’une réanalyse (Landseaet al., 2004) visant à l’homogénéiser surdes périodes plus longues, mais la qualitéde la base restera toujours douteuse. Eneffet, comment estimer le nombre decyclones qu’on a ratés dans le passé, oules vents maxima atteints dans les phéno-mènes qu’on a observés ? Il faudra doncattendre encore quelques années avant detrancher définitivement le débat sur uneéventuelle tendance, due à l’homme, del’activité cyclonique. Il y a fort à parierque les dix prochaines années verront deséléments de réponse à cette question. Eneffet, la variabilité décennale observéejusqu’à présent (Roux, 2004) nous empê-che de conclure sur la récente hausse del’activité cyclonique. Mais si celle-ci estpilotée par ce type de variabilité, ondevrait voir s’amorcer une tendancenégative au cours de la prochaine décen-nie. Patience…

Scénarios pour le XXIe siècleEn attendant le verdict des observations,il n’est pas interdit de spéculer sur l’ave-nir en étudiant ce que les modèles clima-tiques proposent comme tendances pourle XXIe siècle. Personne ne s’est d’ailleursgêné pour le faire. Mais pour l’instant, onpeut dire que les résultats ont du mal àconverger, entre les scénarios climatiquesqui indiquent un accroissement et ceuxqui indiquent une baisse de l’activité. Cesdivergences ont d’ailleurs été mention-nées dans le 4e rapport du Giec (IPCC,2007), en précisant tout de même quecertaines études à résolution élevéeauraient tendance à s’accorder sur unaffaiblissement du nombre de cyclones,mais avec une augmentation des cyclonesintenses. Cette constatation n’est, pourl’instant, pas assez étayée pour en faireune généralité, mais elle n’a pas étédémentie par les études les plus récentes.De même, il semblerait qu’indépendam-ment du signe de la tendance du nombrede cyclones dans les scénarios futurs, lesprécipitations associées aux phénomènescycloniques verront leur intensité aug-menter. Ce dernier point est importantlorsque l’on sait que la majeure partie desvictimes des cyclones périt à la suite des

inondations engendrées par ces systèmes.Ces inondations sont principalement duesaux marées de tempêtes, mais dans cer-tains endroits, les pluies cycloniques peu-vent entraîner des glissements de terrainmeurtriers. D’autres régions sont sensi-bles à l’apport en eau dû aux pluiescycloniques. Sans ces phénomènes, ellespeuvent subir de graves sécheresses. Cefut le cas de la Chine du Sud en 2004,d’après les conclusions du 6th WMOInternational Workshop on TropicalCyclones, à San Jose (Costa Rica), ennovembre 2006. D’autres régions peu-vent subir le même sort, comme laFloride qui a besoin de l’apport en eaudes cyclones pour équilibrer son biland’eau.

En ce qui concerne le CNRM, les études,menées sur le sujet depuis dix ans, ontconcerné aussi bien l’approche par lesconditions de grande échelle que l’appro-che directe. Cette dernière a été menéeces dernières années, dans le cadre duprojet français Imfrex (Impact des chan-gements anthropiques sur la fréquencedes phénomènes extrêmes de vent, detempérature et de précipitations ; cf. lapage web du projet : http://medias.cnrs.fr/imfrex/web/index.fr.php). À l’aide desimulations à forte résolution en modeforcé, avec des anomalies de TSM issuesde scénarios climatiques à basse résolu-tion, nous avons développé une méthodo-logie de suivi de trajectoires qui s’estmontrée intéressante (Chauvin et al.,2006). Différents types de simulationsont été utilisés, ainsi que différentes ano-malies de TSM.

La première simulation est issue du scé-nario climatique du CNRM, utilisé anté-rieurement au précédent exercice Giec etl’autre provient d’un scénario du HadleyCentre (Grande-Bretagne). Le coût d’unesimulation climatique globale à une réso-lution de 50 km est suffisamment élevépour que ce genre d’exercice ne puissepas encore se répéter souvent. Pour cetteétude, deux simulations de dix ans cha-cune (une pour le climat présent et unepour la fin du XXIe siècle) ont été réaliséesavec une telle résolution. Étant donné quenotre domaine d’étude se restreignait àl’océan Atlantique, nous avons égalementeu recours à des expériences complémen-taires en grille basculée/étirée. Cetteméthodologie consiste (comme nous l’a-vons déjà mentionné plus haut), pour unerésolution globale donnée, à étirer lagrille du modèle de manière à resserrerles mailles sur la région concernée, audétriment de l’antipode qui voit sa résolu-tion dégradée. Pour ce faire, le pôle de lagrille est basculé pour venir se placer aucentre du domaine d’étude. À l’aide de

cette configuration du modèle Arpège,nous avons réalisé plusieurs simulationsde trente ans chacune (une pour le pré-sent et une pour chacune des anomaliesfutures de TSM produites par les scéna-rios couplés à plus basse résolution).Comme la technologie du « basculé/étiré » s’est révélée particulièrementadaptée à ce genre de problématique, l’économie sur le temps de calcul a per-mis d’allonger significativement lessimulations. Cela nous a permis égale-ment de comparer les résultats obtenuspour chacune des deux grilles (uniformeet basculée/étirée) et de constater, dansles deux cas, que la réponse de l’activitécyclonique à un scénario d’augmentationdu CO2 dépendait plus de la distributiongéographique de l’anomalie de TSM(c’est-à-dire la manière dont celle-ci serépartit dans les différents bassins océa-niques) que de son intensité. En effet, desanomalies sur les gradients de TSM pilo-tent des réponses atmosphériques plusmarquées qu’une augmentation uniformede TSM. L’anomalie de TSM du scénariodu CNRM est plus faible que celle duHadley Centre (principalement à causedu scénario différent d’accroissement desgaz, sélectionné dans chacune des expé-riences). En revanche, elle est uniformé-ment répartie sur le bassin Atlantique, cequi n’est pas le cas de l’anomalie pro-duite par le Hadley Centre. Le nombre detrajectoires pour l’anomalie CNRM aug-mente dans le futur alors que celui destrajectoires obtenues pour l’anomalie duHadley Centre diminue. Les deux expé-riences s’accordent sur une augmentationde cyclogenèse dans le golfe du Mexique.On interprète celle-ci avec précaution,étant donnée la surestimation du nombrede trajectoires que le modèle produit dansle climat présent, sur cette zone.Néanmoins, la faible profondeur de cettemer pourrait expliquer des variations deTSM plus marquées du fait d’une inertiethermique moindre, pouvant favoriserplus de déclenchements. La simulationutilisant les anomalies de TSM du HadleyCentre présente une structure d’ano-malie de TSM dipolaire est/ouest surl’Atlantique ainsi qu’une anomalie posi-tive marquée sur le Pacifique est, qui ontpour effet de générer une augmentationdu cisaillement vertical du vent horizon-tal, qui est à l’origine de la baisse d’acti-vité sur l’Atlantique ouest. La figure 7représente l’anomalie de densité de joursde cyclones pour chacune des deux expé-riences. L’absence de différence sur lapartie est de l’océan Atlantique n’est pro-bablement qu’une faiblesse de laméthode de détection des trajectoires,laquelle a tendance à minimiser le nom-bre de jours de cyclones sur cette régionde cyclogenèse. En utilisant l’approche

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64 La Météorologie - n° 61 - mai 2008

Figure 7 - Anomalie du nombre de jours de cyclones entre le climat futur (2070-2099) et présent (1970-1999)pour les simulations effectuées au CNRM avec des conditions de surface provenant des scénarios du CNRM (a) etdu Hadley Centre (b). Les densités sont exprimées en nombre de cyclones par 5 degrés par vingt ans.

indirecte et l’indice convectif de cycloge-nèse mentionné plus haut (Royer et al.,1998), les deux expériences s’accordentsur une légère augmentation dans la zonecomprise entre 50° W et 20° W aux alen-tours de 10° N.

Au-delà des antagonismes soulignés plushaut, les deux expériences s’accordentsur l’anomalie des précipitations associéeau phénomène cyclonique qui augmente-rait dans le climat futur. Nous avons attri-bué cette augmentation à l’accroissementde l’évaporation dans un climat pluschaud. En revanche, seule une légèreaugmentation de vents, non significative,est perceptible dans ces simulations,contrairement à d’autres études qui indi-quent une augmentation plus marquée.

La science avance très vite dans cedomaine. Récemment, une équipe japo-naise a réalisé deux simulations globalesde dix ans chacune à 20 km de résolution(Oouchi et al., 2006) sur le EarthSimulator japonais, dans lesquelles lesTSM sont prescrites. La simulation duclimat présent est forcée par la climatolo-gie observée de TSM alors que, pour celledu climat futur, on y ajoute une anomaliecalculée par une simulation coupléeocéan/atmosphère à basse résolution.Leurs résultats indiquent une baisse del’activité cyclonique avec augmentationdes cyclones intenses. Ces résultats sontconfirmés par une étude récente deBengtsson et al. (2007). Bien entendu,ces expériences dépendent fortement del’anomalie calculée par le modèle à basserésolution. De plus, de telles résolutionsseront difficiles à généraliser dans unproche avenir, du fait de leur coût entemps de calcul.

En ce qui concerne l’approche indirecte,outre l’article de 1998 (Royer et al.,1998), nous avons entrepris récemment,au sein de l’équipe, une étude systéma-tique des scénarios de la base de donnéesdu Giec, en calculant le CYGP pourchaque période et chaque modèle. Lespremiers résultats montrent encore unelarge dispersion dans les réponses desmodèles engagés dans le dernier exercice(Royer et Chauvin, 2008). Ces résultatss’inscrivent dans les conclusions du 4e rapport du Giec qui fait état de cettedispersion. Ils semblent confirmer égale-ment un des résultats obtenus avecArpège-Climat en 2006 (Chauvin et al,2006), à savoir qu’il pourrait y avoir unlien entre la réponse de l’activité cyclo-nique et la structure géographique de l’a-nomalie de TSM dans les modèles. Cetteapproche indirecte a également fait l’ob-jet d’un récent article (Caron et Jones,2007) calculant le CYGP pour un sous-

ensemble des simulations produites pourle Giec. Moyennant une sélection desmodèles dont le climat présent est le plusproche des observations, les auteurs trou-vent une légère augmentation de l’indiceCYGP moyen, et ce pour les différentsscénarios du Giec. Géographiquement,l’anomalie est principalement localiséedans le Pacifique nord. Pris séparément,ces modèles présentent, néanmoins, desdivergences marquées.

D’autres indices ont été élaborés depuisquelques années pour rendre compte del’activité cyclonique. On peut mention-ner le plus récent, qui concurrence leCYGP : le Genesis Potential Index(GPI), élaboré par Kerry Emanuel etses collègues, et dont l’utilisation dansles scénarios est prometteuse (Camargoet al., 2007c). Cet indice repose sur àpeu près les mêmes ingrédients que leCYGP, les précipitations convectivesétant remplacées par l’intensité poten-tielle, une mesure de l’énergie disponi-ble pour la cyclogenèse et l’humidité

des couches moyennes de la tro-posphère. La confrontation de ces dif-férents indices ne peut que conduire àune meilleure compréhension du phénomène.

Un autre type d’approche (Camargo etal., 2007 a et b) semble prometteur pourétudier l’impact du réchauffementanthropique sur l’activité cyclonique. Ils’agit de distinguer, par des techniquesstatistiques de type « cluster », différentstypes dans l’ensemble des trajectoirescycloniques, qu’elles soient extraites desbases de données observées ou de simu-lations à haute résolution. Pour lePacifique nord-ouest, Camargo et al.(2007a) ont déterminés sept clusters, donton peut calculer ensuite les différentescaractéristiques : location de genèse,intensité, trajectoire, période d’appari-tion, etc. En étudiant les relations entreces clusters et les conditions de grandeéchelle, on peut déterminer leur sensibi-lité au climat (Camargo, 2007b). En utili-sant cette méthodologie, plutôt que de

90W

10N

20N

30N

40N

80W 70W 60W 50W 40W 30W 20W 10W

403020105-5-10-20-30-40

90W

10N

20N

30N

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80W 70W 60W 50W 40W 30W 20W 10W

403020105-5-10-20-30-40

a

b

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65La Météorologie - n° 61 - mai 2008

(construction de refu-ges, implantation d’ar-bres en bordure de merpour minimiser leseffets de l’onde detempête, alertes pré-coces…) et d’éduca-tion aux risquescommencent à donnerquelques résultats.L’exemple du cyclone Sidr de novem-bre 2007, qui a fait environ3 500 morts au Bangladesh, est àmettre en regard des précédentescatastrophes de 1970 (Bhola, novem-bre 1970) et 1991 (Gorky, avril 1991)dans ce même pays, qui occasion-nèrent chacun des centaines demilliers de morts. S’il reste beaucoupà faire, il semblerait néanmoins quel’on soit sur la bonne voie.

Les scientifiques s’affrontent actuelle-ment pour savoir si le nombre ou l’inten-sité des cyclones a déjà augmenté, ou vaaugmenter, avec l’accroissement des gazà effet de serre dans l’atmosphère. Lesdébats sont houleux, parfois à la limitede la correction. Il ne faut pourtant pasoublier que, comme le dit Boris Viandans La Java des bombes atomiques :« Voilà des mois et des annéesQue j’essaye d’augmenterLa portée de ma bombeEt je n’me suis pas rendu compt’Que la seul’ chos’qui compt’C’est l’endroit où c’qu’ell’ tombe. »

Les cyclones sont des bombes naturel-les dont le potentiel destructeur dépendfortement de l’endroit où ils atterris-sent. De ce fait, même dans un contexteoù l’intensité moyenne diminueraitlégèrement, le potentiel destructeurpourrait très bien augmenter pour demultiples raisons, dont l’évolution cli-matique ne serait qu’une infime partie.

Du côté des scientifiques, indépendam-ment de la polémique sur une tendanceéventuelle de l’activité cyclonique ob-servée sur le XXe siècle, il semble qu’àl’avenir, il faudra résoudre l’incertitudesur la tendance prévue par les modèlespour le XXIe siècle. Pour l’instant, lesétudes ne convergent pas, mais une pos-sibilité, qui se dessine, est une baisse dunombre de cyclones avec, en contre-partie, une augmentation des cyclonesintenses. En d’autres termes, l’évolu-tion des conditions de grande échellepourrait devenir moins favorable audéclenchement cyclonique, mais lahausse des TSM permettrait une alimentation accrue des systèmes existants.

Au-delà de la question du nombre ou del’intensité, des études commencent às’intéresser à la manière dont les trajec-toires pourraient être infléchies par leréchauffement climatique. Cette appro-che du problème est vraiment primor-diale car, contrairement à la question dunombre ou de l’intensité, le changementde trajectoire pourrait avoir commeeffet de toucher des populations jusque-là épargnées par les phénomènes cy-cloniques. Rappelons que l’océanAtlantique sud a connu son premierouragan officiel en mars 2004 et quel’Espagne en a vu un de près en octobre2005 (Vince). De même, la possibilitéde développements plus fréquents de

Figure 8 - Trajectoire de l’ouraganKatrina qui a frappé

la Louisiane en août 2005.

Figure 9 - Carte des vents maximaux en nœuds estimés

entre le 28 août à 18 h UTC où l’ouragan Katrina de classe 3

passe sur le golfe du Mexiqueet le 31 août 2005 à 00 h UTC

où Katrina, déclassée en dépression tropicale,

est située dans les terres entrevers 40° N et 85° W.

34° N

32°°°° N

30°° NN

28° NNNN

92° W 99099 ° W 88888°°° W 86° W

30302020 4040 5050 6060

202020 3030030

40404

50500

50503030

4040

30302020

4040

1010

5050

2020

1010

UTCh TC 00 h UT 0 0 0 TTU UTC UTC 00 h U 00 h U UTUTUU U U U UUU U UUUUUUU

chercher comment le nombre de cyclonesva évoluer dans le futur, on pourrait esti-mer dans quelle mesure la répartition destrajectoires pourrait changer dans un cli-mat plus chaud (sous l’hypothèse que ladécomposition en clusters reste stabledans le climat futur, ce qui n’est pasacquis). De plus, la méthode semble plusrobuste qu’un simple comptage descyclones dans les simulations.

ConclusionIl ne fait aucun doute que la vulnérabilitédes sociétés au risque cyclonique rendl’étude de son évolution essentielle pourles générations futures. La vigilance despopulations pouvant se relâcher à l’occa-sion d’une longue période d’accalmie,comme celle qu’à connu l’Atlantique aucours des années 1970-1990, le retour àune activité normale ou forte peut avoirdes conséquences catastrophiques. Lasaison 2005 et le cyclone Katrina, en par-ticulier, ont marqué les esprits, tout d’abord par la violence des phénomènesqui se sont produits, mais également parle manque de préparation des populationset des institutions publiques à affronter detelles catastrophes. Katrina n’était pour-tant plus qu’un cyclone de catégorie 3(110 nœuds tout de même !) lorsqu’il aatteint les côtes de la Louisiane, le 29 août 2005 à 11 h 10 UTC, après avoiratteint son intensité maximale de150 nœuds la veille à 18 h 00 UTC (caté-gorie 5) [figures 8 et 9]. Le rapport duNational Hurricane Center du 20 décem-bre 2005, mis à jour le 10 août 2006, faitétat de 1 833 victimes dont 1 500 directe-ment causées par le passage du cyclone ;la ville de la Nouvelle-Orléans, où l’ondéplore la majorité des victimes, comp-tait 500 000 habitants, alors que l’agglo-mération qui l’entoure en comptait1,4 million. Cet événement a mal-heureusement rappeléqu’une épée de Damo-clès est dressée au-dessus de la tête denombreux habitants descôtes soumises au risquecyclonique, et ce partoutdans le monde. Il fautnéanmoins mentionnerque, même dans despays où la culture durisque n’est pas forcé-ment développée, lesmesures préventives

31

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66 La Météorologie - n° 61 - mai 2008

phénomènes subtropicaux intenses, telsque ceux observés en f in de saisoncyclonique sur différents bassins, estune éventualité à considérer sérieuse-ment. Les risques les plus importantsdans les années à venir pourraient biense trouver dans ces zones plutôt que cel-les qui connaissent déjà aujourd’hui lesaffres du « vent divin ».

RemerciementsCet article s’est beaucoup appuyé surle magnifique livre de Kerry Emanuel,Divine Wind (2005a). On y découvreune information très complète sur lescyclones, le tout illustré de figures etde textes relatifs à ces phénomènes.Une lecture à recommander.

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Bibliographie

À noter aussi la contribution de l’articlede F. Roux et N . Viltard (1997), appor-tant une information précieuse et enfrançais. Il faut également rendre hom-mage à l’ensemble de nos collègues deséquipes Climat du CNRM qui contri-buent activement aux exercices du Giecet aux progrès scientifiques dans cedomaine.