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Document numérique. Volume 5 – n° 3-4/2001, pages 45 à 64 Expérimentation d’une approche coopérative et multipoint de vue de la construction et de l’exploitation de catalogues commerciaux « actifs » Jean-Pierre Cahier* Manuel Zacklad* * Laboratoire Technologie de la coopération pour l’innovation et le changement organisationnel (Tech-CICO) Université de Technologie de Troyes (UTT) 12, rue Marie Curie – BP 2060 F-10010 Troyes cedex {jean-pierre.cahier,manuel.zacklad}@utt.fr RÉSUMÉ. Les approches du web Sémantique apparaissent prometteuses pour mieux maîtriser l’organisation de grands ensembles de documents numériques commerciaux. Nous proposons pour cela la notion de catalogue commercial « actif », construit et exploité à partir d’une multiplicité de points de vue. Notre hypothèse est que pour ce type de collection de documents électroniques, l’utilisation de structures en réseaux sémantiques, en s’appuyant sur des approches d’ingénierie des connaissances, donne de meilleurs résultats par rapport aux systèmes à classifications monopoint de vue. ABSTRACT. Semantic web approachs could be useful to better organize big sets of numeric commercial documents. We propose for that purpose a solution of “active” catalogue, build and exploited using multiple viewpoints. We assume that, for this type of collection of electronic documents, semantic network structures built with the help of Knowledge Engineering approachs, lead to better results than the classification systems using only one point of view. MOTS-CLÉS : documents commerciaux, catalogues multifournisseurs, coopération, ontologies, web sémantique, points de vue. KEYWORDS: Business Documents, MarketPlace Catalogues, Cooperative Work, Ontologies, Semantic Web, Viewpoints.

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Document numérique. Volume 5 – n° 3-4/2001, pages 45 à 64

Expérimentation d’une approchecoopérative et multipoint de vuede la construction et de l’exploitationde catalogues commerciaux « actifs »

Jean-Pierre Cahier* — Manuel Zacklad*

* Laboratoire Technologie de la coopérationpour l’innovation et le changement organisationnel (Tech-CICO)Université de Technologie de Troyes (UTT)12, rue Marie Curie – BP 2060F-10010 Troyes cedex

{jean-pierre.cahier,manuel.zacklad}@utt.fr

RÉSUMÉ. Les approches du web Sémantique apparaissent prometteuses pour mieux maîtriserl’organisation de grands ensembles de documents numériques commerciaux. Nous proposonspour cela la notion de catalogue commercial « actif », construit et exploité à partir d’unemultiplicité de points de vue. Notre hypothèse est que pour ce type de collection dedocuments électroniques, l’utilisation de structures en réseaux sémantiques, en s’appuyantsur des approches d’ingénierie des connaissances, donne de meilleurs résultats par rapportaux systèmes à classifications monopoint de vue.

ABSTRACT. Semantic web approachs could be useful to better organize big sets of numericcommercial documents. We propose for that purpose a solution of “active” catalogue, buildand exploited using multiple viewpoints. We assume that, for this type of collection ofelectronic documents, semantic network structures built with the help of KnowledgeEngineering approachs, lead to better results than the classification systems using only onepoint of view.

MOTS-CLÉS : documents commerciaux, catalogues multifournisseurs, coopération, ontologies,web sémantique, points de vue.

KEYWORDS: Business Documents, MarketPlace Catalogues, Cooperative Work, Ontologies,Semantic Web, Viewpoints.

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1. Introduction

Les catalogues électroniques comparatifs sont un type de documentscommerciaux électroniques que des fournisseurs parfois concurrents mettent à ladisposition de leurs clients sur internet pour qu’ils achètent leurs produits. De mêmeque de nombreux systèmes de place de marché sur internet, ces catalogues agrègentles documents commerciaux élémentaires dans des ensembles multifournisseurs,référençant au total jusqu’à des centaines de milliers de produits. Ilss’accompagnent d’un degré élevé de complexité dans les pratiques attenantes, aussibien de la part des fournisseurs que de la part des acheteurs.

Pour les fournisseurs, les catalogues posent des problèmes de classement deleurs articles et de valorisation de leurs propriétés, au milieu de nombreux articlesconcurrents et dans des structures sémantiques prédéfinies souvent rigides. Pour lesacheteurs, ces catalogues électroniques ne sont pas optimaux pour le repérage desproduits et la comparaison de leurs caractéristiques. Parmi les multiplesinformations relatives au produit, telles qu’elles apparaissent de façon explicite ouimplicite, structurée ou non structurée, dans les documents commerciaux descriptifs,on ne peut complètement prédire lesquelles vont constituer des critères deréférencement ou de recherche déterminants pour ces différents acteurs.

Le document commercial gagne donc à être considéré et classé selon demultiples points de vue. Pour le catalogue que nous avons étudié en exemple dans ledomaine de la vente de produits de formation continue, nous avons réalisé uneontologie multipoint de vues avec l’aide d’experts. Pour sa formalisation, nous noussommes tournés vers les techniques du web sémantique [BER 98] qui offrent destechnologies normalisées pour la représentation de structures informationnellescomplexes sur internet. En particulier nous nous sommes appuyés dans notreexpérimentation sur la norme Topic Map [ISO 01].

De plus, les places de marché virtuelles [NIE 00], [PEN 01] s’appuyant sur descatalogues multifournisseurs, se prêtent souvent mal à une administration centraliséedes ontologies, d’autant plus que le document, comme le catalogue, sont pris dansdes processus complexes de coopération. Les concepteurs de ces systèmes en lignesont donc amenés à accorder une place croissante aux modalités collaboratives parlesquelles les fournisseurs peuvent jouer un rôle actif dans le référencement de leursoffres, contribuant à un cadre d’administration, plus décentralisé, de la sémantiquedu catalogue.

Pour étudier les processus de coopération entre fournisseurs, puis entrefournisseurs et clients, à travers une place de marché, nous avons défini le cadreconceptuel de la « place de marché à base de connaissances » (KBM, pourKnowledge-Based Marketplace) [CAH 02]. Dans cet article, nous proposons unepremière opérationalisation de certaines fonctionnalités d’une place de marché àbase de connaissances à l’aide de la notion de « catalogue actif ». Elle nous

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permettra de commencer à définir des expérimentations de certaines modalités decoopération se déroulant à travers ce dispositif.

Le concept de document actif ou de collection active de document est issue detravaux dans les domaines de l’ingénierie de la connaissance, de la recherched’informations, et de la gestion documentaire. Dans le domaine de la conception[BOY 01] utilise la notion document « actif » pour souligner le fait qu’ils sontenrichis de façon itérative et coopérative tout au long du cycle de développementd’un artefact. D’autres auteurs ont cherché à représenter et traiter des collectionsactives de documents basées sur des gabarits exploitant des relations sémantiques,collections pouvant par exemple, être automatiquement (activement) mises à jour encas de mise à disposition d’une nouvelle version d’un document [KO 01].

Dans le prolongement de ces travaux, un catalogue commercial actif est àconsidérer avant tout comme portant des contenus d’information technico-commerciale lisibles et structurables selon de multiples points de vue, étant donc« actif » dans les deux sens du termes, collectivement mis à jour et diversementaccessible selon la problématique de l’utilisateur. Ces multiples points de vuecorrespondent notamment aux divers rôles et activités, de repérage et de coopérationque les acteurs concernés (fournisseurs, clients, concepteurs et administrateurs descatalogues numériques) déploient par rapport aux catalogues, dans le cadre desprocessus les mettant en relation.

L’hypothèse que nous souhaitons vérifier dans l’expérimentation à venir est que,pour une collection donnée de documents commerciaux multifournisseursimpliquant la confrontation d’ontologies différentes, l’utilisation de structures enréseaux sémantiques (basés dans notre cas sur l’approche XML Topic Map)i) donne de meilleurs résultats avec des catalogues « actifs », comparés auxsystèmes à classifications « plates » ou aux organisations hiérarchiques établies d’unseul point de vue, et ii) que ces résultats sont encore améliorés lorsque la conceptiondes structures sémantiques multipoints de vue s’appuie sur des attributs heuristiquesélaborés dans une approche d’ingénierie des connaissances.

2. « Le catalogue actif » : un réseau sémantique pour une représentationmultipoint de vue cohérente d’une collection de documents commerciaux

Le problème de la conception des catalogues multifournisseurs est tout d’abordmarqué par l’évolution rapide de l’offre et de la demande dans le contexte dessystèmes d’informations. Certaines applications « e-business » – cataloguesdynamiques s’adaptant au profil de l’acheteur, places de marché présentant desoffres concurrentes sur internet – impliquent une importante sophistication dans laprésentation, la mise en œuvre et la gestion du contenu des collections de documentscommerciaux ou technico-commerciaux. Chacun d’eux comporte des informationsvariées comme le nom de l’article, son prix, ses labels de qualité, sa photo, sesspécifications techniques ou ses délais de disponibilité. Composé dynamiquement,

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le document traduit en temps réel une description composite de l’article proposé à lavente. Il regroupe des informations, souvent distribuées physiquement sur internet etagrégeant plus ou moins dynamiquement des éléments issus de bases de textes, debases de données et d’applications informatiques de gestion du back-office dechaque fournisseur (outils de gestion de la documentation produit, gestion dedonnées techniques, progiciels de gestion intégré).

2.1. Du document au catalogue

Comme le montre la figure 1, il nous semble nécessaire de bien distinguer entredeux niveaux d’agrégation de l’information commerciale : d’une part le niveau dudocument commercial, correspondant à l’ensemble des informations et descriptionsde contenu particulières à un article donné d’un fournisseur, et d’autre part le niveaudu catalogue qui met l’accent sur la structure d’une collection de documents. A cesecond niveau, le catalogue réalise suivant les cas l’agrégation des documentscommerciaux d’un même fournisseur (catalogue monofournisseur) ou de plusieursfournisseurs (catalogue multifournisseur, place de marché), sachant qu’unfournisseur a en général intérêt à participer à plusieurs places de marché.

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Figure 1. Les différents niveaux d’agrégation de l’information commerciale etapport des standards d’annotation du web sémantique

Suivant que l’on s’intéresse au niveau du document ou de la collection, on estamené à situer respectivement l’explicitation des ontologies entre deux pôlesextrêmes, avec d’un côté les termes et concepts qui sont purement repérables à partirdu documents lui-même, et de l’autre les concepts du domaine, formulables par

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exemple par un expert du domaine, et qui peuvent être complètement absents desdocuments. Cependant, il est clair qu’il existe entre les deux types d’ontologies desrelations et une certaine complémentarité, notamment du point de vueméthodologique. Dans un catalogue « actif », une partie de la structure du domainepeut en effet être induite par l’expert en examinant un document unique selon demultiples points de vue, comme nous l’avons fait dans cette étude en utilisant uneméthode de type « tri de cartes » (voir section 3).

En première analyse, les technologies du web sémantique utilisables semblentproposer des angles d’approche différents suivant que l’on s’intéresse auxdocuments considérés comme ressources – on mettra l’accent sur des métadonnéespartie intégrantes du document comme avec RDF ou Dublin Core – ou auxcatalogues, pour lesquels des représentations par Topic Maps présentent plusieursavantages. Elles proposent notamment un mode de structuration des sujets abordés,qui est à la fois indépendant des ressources documentaires et moins contraignantpour la modélisation du réseau sémantique [CAU 02].

En effet, les Topic Maps constituent un standard de notation qui permet dedéfinir des vues multiples et concurrentes d’un ensemble d’information. La naturestructurelle de ces vues n’est pas contrainte : elles peuvent traduire une approcheorientée objet, ou encore relationnelle, hiérarchique, ordonnée, non ordonnée, ouune quelconque combinaison de celles-ci. Les Topic Maps, qui disposent de plusd’une représentation XML, la spécification XTM [XTM 01] définie par leconsortium indépendant Topic Maps.Org, semblent adaptées à nos objectifs commenous le montrons dans [CAU 02].

2.2. Du multipoint de vue au multiexpert

Du point de vue de l’ingénierie des connaissances, et en particulier des travauxsur les ontologies (telles qu’elles sont définies dans [BAC 00] et [GUA 99]), lescatalogues multifournisseurs relèvent d’une problématique à la fois multipoint devue et multiexpert [CAH 02].

Dès qu’ils atteignent des volumes et des complexités importants, les cataloguesmonofournisseur sont souvent envisagés avec des représentations multipoints devue, tout en continuant à relever d’une approche unifiée du point de vueterminologique (que l’on qualifierait en ingénierie de connaissances de« monoexpert », puisque le contexte monoentreprise procure en général unenormalisation du vocabulaire, pour les noms d’article, leurs propriétés, etc.). Il n’enest pas de même des catalogues multifournisseurs et des places de marché, oùchaque acteur aux côtés des autres a besoin de continuer à employer sa propreterminologie (ce qui conduit pour ces catalogues à une approche à la fois multipointde vue et multiexpert). Etudiés sous l’angle de l’ingénierie des connaissances, lescatalogues nécessitent une coconstruction par de très nombreux acteurs détenteursd’expertises complémentaires.

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La prise en compte combinée des problématiques multipoint de vue etmultiexpert est une voie possible pour tenter de répondre au problème, crucial pourles coopérations considérées, de la diversité des ontologies dont les agents sontporteurs dans différents contextes. Le problème de la cohabitation d’ontologiesconcurrentes a par exemple été abordé en ingénierie des connaissances [FEN 00],[DIE 97], [CAS 00], [HUR 98], [EUZ 95], [RIB 99], ainsi qu’en travail coopératifassisté par ordinateur (TCAO ou CSCW) [SIM 00]. Ces travaux contribuentindirectement à éclairer une caractéristique centrale des catalogues multifournisseursqui sont, par nécessité, des systèmes ouverts acceptant, voire visant une pluralité dedénominations des ressources et de leurs propriétés identifiantes ou qualifiantes.

2.3. Le point de vue syntaxique

Il est aussi intéressant de considérer les façons concrètes dont sont réalisés lescatalogues multifournisseurs sur internet. Si l’on considère les architectureslogicielles et les systèmes d’informations qui les supportent, de très nombreusessolutions sont mises en œuvre, pour constituer, composer automatiquement, agrégerdes solutions distribuées, maintenir et exploiter les catalogues mono oumultifournisseurs à partir des informations de base [DAN 01]. Ces dernières sontpar exemple les données de spécifications techniques, de prix ou de délais, dedisponibilité des articles, issues des bases de données de nomenclatures ou deprogiciels de gestion intégrée (PGI ou ERP) des fournisseurs ou de leurs sous-traitants.

Dès ce niveau d’analyse, qui relève du point de vue syntaxique, en considérant lamajorité des catalogues électroniques actuels, les documents commerciaux et lescatalogues apparaissent pris dans des processus complexes. Ils sont construits defaçon de plus en plus dynamique et résultent de collaborations diverses impliquantconcepteurs et utilisateurs. Le standard XML s’est rapidement généralisé dans cedomaine, et les données issues des systèmes de gestion, de même que les photos etles textes, sont en général maintenus à la source, de façon à maintenir la cohérence,à éviter les tâches redondantes et à faciliter l’agrégation de descriptions dans le casde catalogues multifournisseurs. Toutes ces informations sont prises dans unensemble complexe de processus de gestion, supposant l’interopérabilité entre lessystèmes d’informations de multiples départements et entreprises concernées par unproduit donné.

Par exemple, dans une optique de diffusion « multicanaux » de l’informationcommerciale, les mêmes informations de base ou les mêmes documentscommerciaux vont servir à constituer à la fois des catalogues papier s’adressant àdes populations ciblées, des catalogues en ligne, des versions lisibles sur destéléphones ou des assistants portables, etc., en même temps qu’à travers desstandards sectoriels plus ou moins développés (tels que RosettaNet), le fournisseurva participer aux catalogues multifournisseurs d’une ou plusieurs places de marché.

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Dans le contexte de notre étude, nous ne nous intéressons que de façonsecondaire à ces aspects syntaxiques et à la mise en œuvre des systèmesd’informations nécessaires à ce niveau, en préférant nous concentrer dans la suitesur les deux autres niveaux de sémiotisation des contenus sur le web [BAC 02] : lesystème sémantique et le système d’usages. Il nous semble nécessaire en effet deposer, de façon séparée par rapport au niveau syntaxique, la question du cadre danslequel les informations commerciales prennent sens, par rapport aux acteurs, auxactivités et aux coopérations qui mettent ces informations en jeu.

2.4. Le catalogue actif, support des activités collaboratives multifournissseurs

L’activité coopérative apparaît donc particulièrement importante dans lesapplications de catalogues multifournisseurs sur internet. Elle a en particulier pourrésultat la coconstruction des catalogues, en réunissant les efforts de fournisseursdifférents, par ailleurs concurrents, proposant des produits voisins qu’ils souhaitentvaloriser et différencier dans un cadre d’intercompréhension commun. Unecoopération s’engage, conduisant parfois à structurer la base de documents selon desorganisations sémantiques sophistiquées, tentant de prendre en compte la variabilitéou les conflits entre les ontologies des différents fournisseurs.

Dans ce contexte, les technologies de web sémantique devraient faciliter larecherche et la comparaison par l’acheteur dans les catalogues multifournisseurs, cequi est aujourd’hui un point crucial dans la réussite des systèmes de places demarché, dont les plus grands regroupent couramment des milliers de fournisseurs etdes centaines de milliers d’articles.

De plus, les collections de documents commerciaux sont confrontées àl’apparition continuelle de nouveaux types de produits – avec en corollairel’incomplétude chronique et l’obsolescence rapide des classifications permettant dese repérer dans les domaines concernés. En conséquence, dans les dispositifsmultifournisseurs, une partie des processus collaboratifs entre offreurs visel’évolution permanente et consensuelle des classifications liées aux articles.

En ce sens, les collections de documents commerciaux illustrent la notion decollections « actives » de documents proposée par In-Young Ko et al. [KO 01] quis’appuie sur les travaux récents de John Sowa [SOW 00]. En effet, une collection dedocuments commerciaux, dont on doit distinguer les aspects « contenus » et lesaspects « structure », est confrontée sur le versant structure à la nécessité d’enrichiret de modifier en permanence sa représentation sémantique d’ensemble, à la foisd’un point de vue diachronique et synchronique : d’une part parce que le domainede métier d’un catalogue évolue, et d’autre part parce que toute modification d’undocument par l’un des fournisseurs, ajoutant par exemple un nouvel article, unenouvelle propriété ou une nouvelle façon de les décrire ou de les utiliser, estsusceptible de toucher la structure sémantique de l’ensemble, ce qui se traduit dansle réseau des classifications. Ainsi, le document commercial, accompagné des

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médiations humaines et informatiques nécessaires, devient un vecteur actif del’évolution de la structure sémantique à multiples points de vue, que nousdénommons « catalogue commercial actif ».

2.5. Les documents actifs au service d’une implémentation du modèle KBM

Ces observations mettent en lumière les dimensions cognitives de la coopérationautour des catalogues multifournisseurs qui ont commencé à être représenté dans lemodèle de coopération « place de marché à base de connaissances » (KBM, pourKnowledge-Based Marketplace) [CAH 02]. Dans cette démarche, nous explorons enparticulier les déterminants cognitifs de la construction et de l’exploitation, par lesconcepteurs et les utilisateurs, des documents commerciaux en ligne synthétisant ladescription des ressources proposées à l’échange. Les dispositifs de coopérationprévus, s’appuyant sur le catalogue multifournisseur, présentent l’avantage de servirde support pour les dimensions relationnelles et épistémiques [ZAC 00] desinteractions : en aidant l’utilisateur à comparer, à réunir des informations ou àconsulter l’avis d’autres utilisateurs, le client peut, par exemple, évaluer l’influencede la crédibilité de son fournisseur (dimension relationnelle) ou l’influence descritères de description des articles (dimension épistémique).

Une KBM représente à la fois un modèle de coordination client-fournisseur, unespace partagé et la confrontation de multiples classifications permettant d’accéderau produit. C’est un espace de coopération favorisant l’harmonisation desreprésentations sémantiques des différents acteurs. Si un client veut transmettre unmessage, au(x) fournisseur(s) ou à ses pairs (« bouche à oreille », post-it...)concernant une recommandation ou un dysfonctionnement associés à une propriétéd’un produit, il est important que le dispositif de structuration sémantique luipermette d’identifier à quel endroit il va coller le post-it en question, et permette auxautres intéressés de retrouver ce message.

Le catalogue commercial actif tel que défini plus haut permet d’opérationnalisercertaines facettes du modèle KMB que nous souhaitons étudier expérimentalement.

3. La problématique appliquée à un domaine

La constitution d’un catalogue commercial actif à des fins d’étude expérimentaledu modèle KBM a été effectuée à partir d’un jeu d’essai réaliste. Cet exemple a étéprélevé dans le domaine des places de marché de services, en s’inspirant d’une baseréunissant l’offre concurrente de nombreux organismes de formations pourinformaticiens. Ce dispositif est conçu pour étudier les activités de fournisseurs et declients coopérant à travers le catalogue. Le montage de ce dispositif, qui s’inspired’une base de donnée réelle, nous a aussi conduit à analyser certaines difficultés

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rencontrées par les utilisateurs et administrateurs, révélatrices de problèmes desfournisseurs et clients participant aux places de marché actuelles.

La source, pour le catalogue agrégé dont nous nous sommes inspirés, est trèsvolumineuse : 600 mots-clés, 500 thèmes de formation, 1 500 organismes de toutestailles, soit 18 000 modules de formation répertoriés, tous dans le domaineinformatique. Il a donc été nécessaire de procéder à l’extraction/aménagement d’unjeu d’essai de taille plus manipulable. Dans la suite, les modélisations etexpérimentations effectuées porteront sur un sous-ensemble d’une centaine destages dans le domaine des formations à XML et à Java.

3.1. Le type de domaine considéré

Le domaine considéré présente un large spectre et une grande variabilité desproduits d’un fournisseur à l’autre, ainsi qu’une grande évolutivité, puisqu’environun tiers des thématiques de stages de formation, dans le domaine des compétencesinformatiques, se renouvelle chaque année. De plus, le profil de la collection dedocuments considérée est de celles qui rendent très difficile le développement d’uneontologie complète de toutes les connaissances nécessaires, par exemple tous lesfacteurs (thématiques de contenu et d’usage, critères économiques, pédagogiques,d’agenda, connaissances de sens commun...), que pourrait utiliser un acheteur pourprendre une décision.

Dans ce type de secteur commercial, il est donc hors de question de chercher àdévelopper sur tous ces aspects une approche d’ontologie formelle visantl’exhaustivité et sur laquelle des mécanismes d’inférences largement automatisésseraient le moyen principal de recherche d’information. Alors que cette démarchepeut sans doute être envisagée par certains pour d’autres domaines (tels que l’accèsà la documentation de disciplines scientifiques ou médicales), nous sommes ici dansun domaine où le caractère particulièrement actif, ouvert et évolutif des collectionsde documents oblige à rechercher des solutions différentes, ne serait-ce que pour desraisons de coût de développement de la structure sémantique, qui doit évoluerfréquemment pour remplir efficacement son rôle auprès des utilisateurs.

3.2. Les coopérations concernant le catalogue

L’étude du domaine a fourni l’occasion d’inventorier les divers processus etcoopérations à partir desquels les utilisateurs (fournisseurs et clients) étaient amenésà interagir avec le système sémantique du catalogue commercial actif. La figure 2inventorie un certain nombre des formes concrètes que prend la collaboration, dansle cas du catalogue commercial actif de la KBM prise en exemple.

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Processus et collaborations d'une KBM (« Knowledge-Based Marketplace » )

Exemples de processus de collaboration , pour la KBM prise en exemple dans le domaine de la formation - Un acheteur analyse le parcours personnalisé de formation dont il a besoin, en fonction des compétences qu'il possède déjà, et confronte cette analyse avec les stages proposés, leurs logiques d'enchaînement, leur découpage en modules, etc. - Un acheteur choisit un stage ou un enchaînement de stages

- Pour choisir, un acheteur ré-utilise des critères de classification résultant de l'activité antérieure d'autres acheteurs de profil voisin

- Avant ou en cours de stage, par messagerie asynchrone ou simultanée, un acheteur consulte le corpus des impressions d'anciens stagiaires des organismes. En cours de stage, il échange des impressions avec d'autres acheteurs du même stage (ajustements de cursus, échange de documents, etc.)

Confrontation Fournisseur -Support

- Le fournisseur d'une formation référence celle-ci sur un dispositif partagé (inscription, suivant le cas, dans une terminologie unifiée ou acceptant les différences de classification et la cohabitation de multiples points de vue)

- Un vendeur situe l'offre de la concurrence par rapport à un type de formation

- Un fournisseur se concerte avec un organisme sous-traitant, un organisme labellisateur ou un formateur indépendant pour harmoniser ou unifier leur présence commune au catalogue - Participation du fournisseur à un circuit de validation (par exemple: révision de connaissances consensuelles, d'ontologie, groupe de travail de normalisation sectorielle…) - Requête générale par l'acheteur vers un panel d'organismes présélectionné via la KBM - Diffusion sélective ("push") d'informations ou de formations en ligne vers des acheteurs abonnés intéressés par ces thèmes - Aide en ligne, boucle de retour pour la conception de nouvelles formations mieux adaptées ("e-CRM"), confrontation entre les ontologies du client et du fournisseur - Aide à la description et à la mémorisation d'arguments échangés entre acheteurs et vendeurs concernant les stages: attachement de questions, de remarques ou d'arguments à des attributs particuliers; précision ou négociation autour de certains attributs du stage (contenu, date, enseignant, aspects facultatifs...)

- Collaboration via la KBM d'acteurs, chacun étant à la fois émetteur et consommateur de formation: formation dans le cadre de projet, réseaux d'échange de savoir.

Confrontation Acheteur -Support

Collaboration Acheteur-Acheteur (s) via le support

Collaboration Fournisseur-Fournisseur (s) via le support

Collaboration Acheteur-Fournisseur (s) via le support

Figure 2. Exemples de coopérations et d’interactions cognitives portant sur lecatalogue commercial actif de l’application KBM étudiée, dans le domaine de laformation

Catalogues commerciaux « actifs » 55

3.3. Les différentes façons d’utiliser l’information commerciale

L’exemple du catalogue commercial actif de formation étudié nous a aussipermis d’illustrer et d’envisager la comparaison expérimentale des différentes voiespossibles pour utiliser l’information commerciale.

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Figure 3. L’exemple d’un document source

De multiples informations relatives au produit apparaissent de façon explicite ouimplicite dans ces documents descriptifs sources, parmi lesquels on ne peutcomplètement prédire à l’avance lesquelles vont constituer des critères deréférencement ou de recherche déterminants pour un utilisateur particulier. Parexemple (figure 3), une page de catalogue amène dans le texte des informations sur

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les prix, le calendrier, le contenu, le plan et la progression du stage, ainsi que desinformations sur le type de métier ou de projet auxquels vont servir les compétencesenseignées. De la sorte, le texte peut être, par exemple, regardé avec un point de vuede contenus thématiques (les matières enseignées, les niveaux prérequis ou atteints,par exemple « savoir programmer en Java »), ou de finalité métier du stage (« savoirdévelopper un site web »), ou selon un point de vue très opérationnel lié à un outilprécis (« développer en Java avec Jbuilder »), autant de points de vue qui sont engénéral mélangés dans les textes descriptifs.

Une page de catalogue peut aussi comporter sous forme d’icône ou de logo desindications de label (d’éditeur de logiciels, d’organisme certificateur) qui apportentune information sur la qualité, l’approche pédagogique ou la notoriété del’organisme de formation. Ou encore, des schémas vont résumer la situation dustage dans un cursus plus complet, comme lorsque le stage suppose en prérequis unecompétence ou l’antériorité d’un autre stage (sanctionnée éventuellement par unniveau certifié).

3.4. Attributs standard et attributs heuristiques

Dans la définition d’un produit nous effectuons une distinction entre desattributs standards et des attributs heuristiques. Les premiers correspondent à despropriétés triviales du produit (s’agissant d’un stage de formation : sa date, sonlibellé, sa durée, son prix…). Les seconds correspondent à des propriétés plusdépendantes des connaissances du domaine et qui peuvent avoir un caractère plus« subjectif » (un indicateur de notoriété, le but de la formation, les métiers auxquelselle destine les stagiaires, une appréciation de rapport qualité/prix…). A partir devaleurs similaires pour le même attribut on peut regrouper les produits dansdifférentes classes. Chaque point de vue est basé sur un attribut standard ouheuristique dont les valeurs permettent de constituer les classes.

A un premier stade, dans la pratique de beaucoup de cataloguesmultifournisseurs, les classifications triviales – effectuées sans analyse du domaineselon plusieurs points de vue – s’appuient sur des attributs standards et parfois surcertains attributs heuristiques mal maîtrisés du point de vue sémantique. Censésrésumer les principales caractéristiques des outils, ces attributs ont été dégagés plusou moins arbitrairement ou habilement par une opération d’analyse, effectuée engénéral à un moment donné par un gestionnaire du catalogue, ou un analysteinformaticien. Cela pose des problèmes dans le cas d’applications, comme celle quenous traitons, où l’évolution et la variabilité du domaine et des critères sontimportants.

La figure 4 (ci-dessous) donne quelques exemples de stages répertoriés dansnotre application et d’une partie des attributs considérés pour les décrire après untraitement des catalogues. Une telle représentation se révèle bien adaptée pour les

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requêtes portant sur ces attributs, et par contre inadaptée si l’utilisateur se pose desquestions qui n’ont pas été prévues au moment de la conception des attributs.

Figure 4. Quelques produits de la KBM exemple (sur le thème « Java »)

Dans la pratique, une tâche courante sur le catalogue, comme l’identificationd’un jeu de stages thématiquement convenable, se révèle en général très sensible àl’acheteur et au contexte, et rarement simpliste. Par exemple, ce n’est pas parce quel’acheteur cherche un stage « pour développer en Java pour des applications B toB », qu’il va mécaniquement n’évaluer que le stage de la liste qui se rapprochebeaucoup de son besoin de par son libellé. Un catalogue actif doit par contreapporter des solutions à cette variabilité des requêtes et à leur sensibilité au contexte,en permettant de réellement restituer la richesse des documents sources en termesd’interrogation multipoint de vue.

3.5. Comment rechercher l’information ?

Dans le cas pris en exemple, si on considère l’information technico-commercialedans le document source, une approche de recherche envisageable est celle des

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moteurs de recherche « plein texte », qui présente certains avantages pratiques maisqui a l’inconvénient, notamment du point de vue de la coopération, de correspondreà une approche d’ontologie non pensée, chaotique ou en explosion combinatoire.

Formations développeurs

Séminaires décideurs Autres

FormationsInternet et réseaux

les « incon-tournables"

Qualité et sécurité

Approchesobjet

Middleware

Ingénieriedesconnaissances

Développementgroupware

GénéralitésInternet

Sécurité du Système d'informations

UML

Websphere

Java

Serveursd'applications

Architecturesdistribuées,Corba

MiddlewareCommerceélectronique

Gestion desconnaissances

'DéveloppementGroupwareet workflow

XML

Stratégie Commerce électronique

Figure 5. Cas d’un référentiel de classement imposé et monolithique dans ledomaine exemple

Au contraire, le dégagement d’un tableau d’attributs, comme évoquéprécédemment, correspond à une recherche selon un référentiel de classementunique imposé : il aboutit à un système de classement très incomplet ou arbitraire,résultat par exemple d’une approche pragmatique ou d’une expertise académique,ayant un rapport lointain avec la richesse sémantique du corpus d’origine et lecontenu des requêtes réelles. La figure 5 illustre le cas d’un tel référentiel declassement imposé et monolithique, effectivement employé dans le cas d’uncatalogue multifournisseur « non actif ». Par la force des choses, différents points devue se trouvent mélangés et comme « aplatis » sur une seule dimensionhiérarchique, les classifications thématiques se mélangeant par exemple aux vuespar métier ou aux informations promotionnelles contingentes (catégorie « lesincontournables »).

Il est donc nécessaire d’envisager une classification basée sur de multiples indexcherchant à répondre aux besoins des utilisateurs, de type Yahoo. Le problème avecce multi-index est qu’en l’absence d’une méthodologie adaptée, le nombre declasses possibles est potentiellement en nombre infini (toutes les facettes quipermettent de voir l’objet). Ces systèmes sont souvent dans la pratique inadaptés aubesoin de l’utilisateur et confinés d’un point de vue sémantique. Cela justifie de

Catalogues commerciaux « actifs » 59

faire intervenir une démarche d’ingénierie des connaissances pour guider laconception de systèmes multi-index mieux adaptés.

3.6. L’approche par « ontologie experte » du domaine

L’approche suivie a été une approche par « ontologie experte », où des attributsheuristiques ont été dégagés avec un expert du domaine commercial étudié(figure 6). L’ontologie experte du domaine ainsi mise en évidence a servi de base àla structuration par points de vue multiples. Nous avons étudié l’activité et lecheminement d’un expert en position d’acheteur.

Concept: stage de formation

Point de vue par thème

Point de vue calendrier

Point de vue par coût

Point de vue Qualité/Notoriété

Point de vue par métier

Point de vue par notions enseignées

Point de vue par but

Point de vue par outil

Figure 6. Exemple d’attributs heuristiques déterminés par l’expert dans l’étude duprocessus d’achat

La méthode d’acquisition des connaissances qui a été utilisée à cette étape adonc consisté à faire émerger les attributs heuristiques en travaillant avec l’expertconfronté au catalogue, selon une méthode inspirée du « tri de carte ». Dans lecontexte de cet article, l’un des auteurs connaissant le domaine a joué le rôle del’expert.

Cette méthode a permis de mettre en évidence différentes classificationspertinentes pour un même concept de « stage » selon le point de vue que l’expertadopte ou recommande. Le catalogue a ainsi été analysé suivant un mode multipointde vue et monoexpert. Le stage de formation participe à des vues différentes,suivant que l’on privilégie la thématique, le calendrier (dates et durée), le coût ou le

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facteur qualité/notoriété. Par exemple, s’intéressant au critère de la thématique,l’expert propose plusieurs façons d’accéder aux stages de la KBM, suivant despoints de vue par notion (N) ou par but (B), pour lesquels il effectue à chaque foisun classement des instances d’un échantillon (figure 7).

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N1:Initiation développeur Java (18)

N2:Perfectionnement tronccommun développeur Java (15)

N3:Perfection-nement Java en spécialités (23)

1

Les 3 classes « par notions enseignées » (N)

Non classéssuivant N(3) :

Figure 7. Les classes des points de vue « par notions » et « par buts » selon l’expertclassés à l’aide de la méthode du « tri de cartes »

4. Problématique des expériences préparées

En considérant l’information sur les produits telle qu’elle apparaît dans lesdocuments commerciaux descriptifs ou dans des attributs censés résumer leurscaractéristiques sur une place de marché, nous avons donc passé en revue et analyséquelques lacunes des approches de recherche aujourd’hui utilisées : moteur « pleintexte », référentiel de classement imposé et monolithique, formes de classificationbasées sur de multiples index avec ou sans intervention de méthode d’ingénierie deconnaissances.

La classification selon de multiples perspectives concurrentes proposée parl’expert sert notamment à dériver une structure de navigation dans les produits.Mais il est nécessaire de vérifier si celle-ci apporte une amélioration de la recherched’informations, et de quelle façon.

Plus précisément, l’hypothèse à vérifier est que, pour une collection donnée dedocuments commerciaux multifournisseurs, l’utilisation de structures en réseauxsémantiques donne de meilleurs résultats par rapport aux systèmes à classificationsmonopoint de vue, et que ces résultats sont encore améliorés lorsque la conception

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des structures sémantiques multipoints de vue s’appuie sur des approchesd’ingénierie des connaissances, considérées au stade actuel de notre étude sousl’angle d’une monoexpertise (l’implantation dans le système « d’ontologiesexpertes »).

Pour vérifier cette double hypothèse, nous avons conçu trois cataloguesnumériques multifournisseurs dont deux catalogues commerciaux actifs. Ces sitesont le même contenu, mais présentent diverses formes de structuration sémantique.Pour cette expérimentation en laboratoire, l’approche consiste à mobiliser différentsgroupes d’étudiants en tant qu’utilisateurs du catalogue soumis à différentesconsignes. Leur performance, nombre et pertinence des résultats, est mesurée pourles trois types de structuration sémantique expérimentées. Par exemple, uneconsigne données aux utilisateurs sur les différents sites peut exprimer une demandede la forme : « Pour un projet en technologies web, avec UML, Java, Java Beans,trouvez une formation au développement en Java, pour un programmeur qui connaîtdéjà bien la programmation objet mais pas du tout Java. »

Il s’agit de comparer, dans l’exécution de ces consignes, plusieurs approches :

1) l’approche avec référentiel unique imposé évoquée précédemment ;

2) des approches basées sur des catalogues actifs exploitant les différents pointsde vue de l’ontologie experte et offrant donc à l’utilisateur différentes modalités denavigation dans le réseau sémantique, notamment :

2a) organisation dominante du catalogue actif « par hiérarchies »,

2b) organisation dominante du catalogue actif « par associations ».

L’enjeu de la comparaison entre 1) et 2) est de valider en termes de nombre et depertinence des articles sélectionnés la supériorité des approches par catalogue actif.

L’enjeu des comparaisons entre 2a) et 2b) est davantage qualitatif : étant donnéun même réseau sémantique, intégrant de multiples points de vue, déterminer lesmeilleures structures de navigation en fonction du contexte d’usage. La mise enévidence des modalités de structuration d’un catalogue selon les problématiques etbesoins de ses utilisateurs est essentielle pour sa conception. Elle peut notammentfaciliter l’adaptation du catalogue aux changements de contexte ou d’utilisateur, enmettant en avant différents modes de navigation dans le réseau sémantique.

5. Nécessité d’un modèle de représentation de connaissances plus approfondipour valider nos hypothèses

Ces considérations sur l’explicitation de la relation entre la structure ducatalogue actif et le contexte d’usage nous ont incités à prendre le temps d’élaborerun modèle de représentation de connaissances qui soit adapté à ce problème. Cecadre de modélisation des représentations doit permettre de décrire et rendre comptedes rapports entre plusieurs organisations de concepts, notamment celles qui sont

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présumées chez le sujet confronté au catalogue, celles qui sont proposées dans lecatalogue, ainsi que les formes intermédiaires apparaissant dynamiquement dans lescénario d’interaction.

L’objectif de rigueur scientifique de l’expérimentation préparée nous conduitégalement à cette démarche : la modélisation de certaine composantes de lareprésentation mentale supposée des participants est nécessaire si l’on veuteffectivement tenter de prédire a priori la valeur ajoutée offerte par les diversesstructures d’organisation sémantique et interpréter ensuite les écarts de l’expériencepar rapport à la prévision.

Nous travaillons actuellement à une modélisation de la représentation desconnaissances adaptée à ces problèmes, dans le cadre du web sémantique etparticulièrement des Topic Maps. Cette approche devrait nous permettre de mieuxmaîtriser les interactions cognitives liées d’une part, aux consignes de rechercheimposées aux participants à l’expérience, et d’autre part à leur navigation dans lecatalogue à travers les structures sémantiques proposées. Ce modèle dereprésentation des connaissances devrait aussi permettre de mieux comprendrecomment un participant à l’expérience est amené à établir des passerelles entre sesreprésentations sémantiques et celles du système, de façon à apparier sa proprereprésentation avec celle du catalogue. Dans un premier temps, ce modèle estesquissé, sur un cas très épuré et abstrait de collection de documents selon uneorganisation multipoint de vue, minimisant les risques de biais liés auxconnaissances antérieures des sujets.

6. Conclusion

En attendant de pouvoir fournir une validation expérimentale de nos hypothèsespar la comparaison des performances de recherche, la modélisation de notredomaine exemple nous a permis de mettre en évidence, d’un point de vuepragmatique, un certain bien-fondé de notre approche par catalogue actif.

Les attributs heuristiques qui la sous-tendent peuvent effectivement être dégagésà travers une approche d’ingénierie des connaissances, considérée au stade actuel denotre étude, sous l’angle d’une monoexpertise (l’implantation dans le système d’uneontologie experte). A ce stade, l’étude à en effet montré la possibilité de réalisationd’une telle approche. En termes de méthodologie, dans un catalogue « actif », lastructure du domaine peut être induite et rendue explicite par l’expert en examinantles documents selon de multiples points de vue.

De nombreux points restent à approfondir. En particulier l’expérimentation quiest en cours de préparation devrait permettre de mieux maîtriser les principes destructuration sémantique de documents selon les problématiques et besoins desutilisateurs. Elles devraient permettre de valider la supériorité des catalogues actifs,

Catalogues commerciaux « actifs » 63

tout en précisant sous quelles conditions et de quelles façon une approched’ingénierie de connaissance peut être mise à profit pour conforter ce résultat.

Dans une phase ultérieure, nous souhaiterions intégrer une dimension demultiexpertise, plus adaptée avec les problèmes de confrontation d’ontologies quinous sont apparus décisifs dans le cas des catalogues multifournisseurs. Ladétermination de la structuration optimale d’un catalogue dans un contexte donnéest aussi la clé d’une meilleure performance de la coopération entre les acteursconcernés par les applications utilisant des catalogues en ligne : entre fournisseurs,entre clients, ou entre fournisseurs et clients, ainsi que les problématiques de gestiondynamique des classifications multipoints de vue quand le domaine ou les offresévoluent rapidement. D’une meilleure structuration des collections de documents,assurée par les catalogues actifs, peut résulter une meilleure intercompréhensionentre les acteurs coopérant autour de ces catalogues.

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