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UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE

FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL

******************

ANNEE 2006 N°

THESE

POUR LE DIPLOME D’ETAT

DE

DOCTEUR EN MEDECINE

Discipline : NEUROLOGIE ------------

Présentée et soutenue publiquement le 18/10/2006 à La Faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière (Université PARIS VI)

------------

Par Nicolas CHAUSSON

Né le 05/06/1977 à Perpignan

------------

Exploration fonctionnelle des patients dans le

coma:

Les apports de l’électrophysiologie

PRESIDENT DE THESE : Pr Jean-Claude WILLER

DIRECTEUR DE THESE : Dr Lionel NACCACHE

Signature du Président de thèse

LE CONSERVATEUR DE LA BIBIOTHEQUE UNIVERSITAIRE :

Cachet de la bibliothèque universitaire

1

UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE

FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL

******************

ANNEE 2006 N°

THESE

POUR LE DIPLOME D’ETAT

DE

DOCTEUR EN MEDECINE

Discipline : NEUROLOGIE ------------

Présentée et soutenue publiquement le 18/10/2006 à La Faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière (Université PARIS VI)

------------

Par Nicolas CHAUSSON

Né le 05/06/1977 à Perpignan

------------

Exploration fonctionnelle des patients dans le

coma:

Les apports de l’électrophysiologie

PRESIDENT DE THESE : Pr Jean-Claude WILLER

DIRECTEUR DE THESE : Dr Lionel NACCACHE

Signature du Président de thèse

LE CONSERVATEUR DE LA BIBIOTHEQUE UNIVERSITAIRE :

Cachet de la bibliothèque universitaire

2

Remerciements :

Par votre compétence, votre sens pédagogique et vos qualités humaines vous avez joué un

rôle capital dans ma formation médicale. Je tenais à vous assurer de mon plus grand respect et de ma profonde reconnaissance.

Merci à tous d’avoir accepté d’être membre de mon jury.

Au Professeur Jean-Claude WILLER, Professeur des universités - Praticien hospitalier, Chef de service de la Fédération de Neurophysiologie Clinique. Hôpital Pitié-Salpêtrière.

Je tiens à vous exprimer toute ma gratitude et ma sympathie pour votre accueil chaleureux au sein de votre service, pour le partage de votre expérience médicale et humaine. Je suis profondément sensible à l’honneur que vous me faites de présider ma thèse et d’éclairer par votre savoir et votre expérience ce travail.

Au Docteur Lionel NACCACHE Assistant Hospitalier Universitaire, Fédération de Neurophysiologie Clinique. Hôpital Pitié-Salpêtrière.

Grâce à ton enthousiasme communicatif, au partage de ta réflexion pertinente et originale et à la confiance que tu as su m’accorder, j’ai découvert avec passion le monde de la neuropsychologie et celui dynamique et inventif de la recherche au sein d’une équipe compétente et accueillante. Je te suis très reconnaissant pour la qualité de tes conseils et ta disponibilité bienveillante tout au long de cette année. Je te remercie sincèrement de m’avoir fait l’honneur et le plaisir de diriger cette thèse.

3

Au Professeur Didier SMADJA Professeur des universités - Praticien hospitalier, Chef de Service de Neurologie. CHU Fort-de-France.

Les six mois passés dans votre service, bénéficiant quotidiennement de votre expérience et témoin de votre capacité à améliorer constamment l’ensemble de la filière neurologique en Martinique, constituent une belle promesse pour les deux ans à venir. Je vous suis très reconnaissant d’avoir accepté de m’accueillir dans votre service, au sein d’une équipe compétente et généreuse. L’invitation à participer à ce jury est un témoignage de ma gratitude et de mon profond respect.

Au Professeur Louis PUYBASSET Professeur des universités - Praticien hospitalier, Département d’Anesthésie-Réanimation. Hôpital Pitié-Salpêtrière.

Vous avez su créer un service de réanimation à la pointe de la technologie, ouvert aux autres spécialités et profondément humain. J’ai pour votre engagement, parfois difficile, au service du malade et de sa famille le plus grand respect. Je sais que votre expérience clinique sera une source d’enrichissement pour ce travail. Je vous suis très reconnaissant d’avoir accepté d’être membre de mon jury de thèse.

Au Docteur Alain AMERI Chef de service de Neurologie. Hôpital de Meaux, Praticien attaché en Neurologie. Hôpital Pitié-Salpêtrière.

Tu es le premier à m’avoir enseigné la richesse de la neurologie clinique. Ta compétence et ton sens de la pédagogie m’ont convaincu de poursuivre dans cette voie. Ta participation à mon jury de thèse est un véritable plaisir au même titre que les moments durant lesquels nous avons travaillé ensembles. Je te remercie sincèrement pour cet accompagnement et l’ensemble des conseils éclairés que tu m’as prodigués au cours de mon internat.

4

Aux patients,

inquiets et généreux

A mes amis,

simples et extraordinaires !

A ma famille,

Au Docteur Patrick Chabert,

dont les valeurs humaines restent un modèle pour moi.

Encore merci pour mon premier stéthoscope !

A mes parents et mes sœurs,

qui chaque jour ont su m’entourer de leur amour inconditionnel. Ce refuge

précieux me permet aussi d’aller de l’avant et de progresser.

Au-delà des mots, je tenais à vous exprimer mon amour, ma reconnaissance

et mon admiration

A Caro,

dont le sourire m’a enchanté

et par laquelle tout est possible

MERCI !!!

La suite s’annonce tout aussi passionnante !

5

Table des matières :

INTRODUCTION................................................................................................................................. 8

PARTIE I : COMA ET AUTRES ETAT D’ALTERATION DE LA CONSCIENCE ................. 10

I ) CONSCIENCE ET EVEIL : TERMINOLOGIE ET NUANCES ............................................. 11

II ) LES DIFFERENTS ETATS DE CONSCIENCE ALTEREE APRES LESION CEREBRALE

............................................................................................................................................................... 12

A) LE COMA ...................................................................................................................................... 12 A-1) Notions générales............................................................................................................. 12 A-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle ............................................................................. 13 A-3) Pronostic du coma............................................................................................................ 14

B) L’ETAT VEGETATIF ....................................................................................................................... 15 B-1) Notions générales............................................................................................................. 15 B-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle.............................................................................. 17 B-3) Pronostic .......................................................................................................................... 19

C) UN NOUVEAU CONCEPT : L’ETAT DE CONSCIENCE MINIMALE ..................................................... 20 C-1) Notions générales............................................................................................................. 20 C-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle.............................................................................. 22 C-3) Pronostic .......................................................................................................................... 23

D) LE LOCKED-IN SYNDROME ........................................................................................................... 24 D-1) Notions générales............................................................................................................. 24 D-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle ............................................................................. 25 D-3) Pronostic .......................................................................................................................... 25

E) AUTRES EXEMPLES D’ABOLITION REVERSIBLE DE LA CONSCIENCE............................................. 26 F) TABLEAUX RECAPITULATIFS ........................................................................................................ 26

III ) NOUVELLES ECHELLES D’EXPLORATIONS DE LA CONSCIENCE .......................... 28

A) LES AVANTAGES ET LIMITES DU SCORE DE GLASGOW (GLASGOW COMA SCALE : GCS)........... 28 B) LE COMA RECOVERY SCALE-REVISED (CRS-R) .......................................................................... 30 C) LA WESSEX HEAD INJURY MATRIX (WHIM) .............................................................................. 32 D) THE SENSORY MODALITY ASSESSMENT REHABILITATION TECHNIQUE (SMART).................... 35

PARTIE II : LES TECHNIQUES ELECTROPHYSIOLOGIQUES UTILISEES EN SOINS

INTENSIFS.......................................................................................................................................... 36

I ) L’ELECTROENCEPHALOGRAPHIE (EEG)........................................................................... 37

A) CONTRIBUTION DE L’EEG AU DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE DU COMA .......................................... 39 B) CONTRIBUTION DE L’EEG CHEZ LES PATIENTS COMATEUX SUR LE PLAN PRONOSTIQUE............ 41

B-1) Appréciation de la profondeur du coma............................................................................... 41 B-2) Apport pour le diagnostic de la mort cérébrale ................................................................... 43 B-3) Apport pour le pronostic évolutif.......................................................................................... 44

II ) LES POTENTIELS EVOQUES « PRIMAIRES » .................................................................... 45

A) LES POTENTIELS EVOQUES AUDITIFS DU TRONC CEREBRAL (DITS AUSSI POTENTIELS EVOQUES

AUDITIFS PRECOCES) ......................................................................................................................... 47 B) LES POTENTIELS EVOQUES AUDITIFS DE MOYENNE LATENCE...................................................... 49 C) LES POTENTIELS EVOQUES SOMESTHESIQUES.............................................................................. 50 D) PEUT ON TESTER GRACE AUX POTENTIELS EVOQUES L’INTEGRITE FONCTIONNELLE DES AUTRES

VOIES SENSORIELLES CHEZ LES PATIENTS DANS LE COMA ?............................................................. 55

6

D-1) Modalité visuelle .................................................................................................................. 55 D-2) Modalité olfactive et gustative ............................................................................................. 55

III ) LES POTENTIELS EVOQUES AUDITIFS COGNITIFS..................................................... 57

A) CHOIX DU CANAL D’ENTREE SENSORIEL A UTILISER ................................................................... 57 B) LA P300........................................................................................................................................ 59 C) LA MISMATCH NEGATIVITY (MMN)........................................................................................... 62

IV ) UTILISATION COMBINEE DE CES DIFFERENTS MARQUEURS................................. 69

PARTIE III : PERSPECTIVES......................................................................................................... 75

I ) PERSPECTIVES EN EEG............................................................................................................ 76

A) L’INDEX BISPECTRAL (BIS) ......................................................................................................... 76 B) LE NEUROMONITORAGE EEG CONTINU ....................................................................................... 80

B-1) Apport du neuromonitorage EEG continu dans l’épilepsie.................................................. 81 B-2) Apport du neuromonitorage continu dans l’ischémie aiguë................................................. 83

C) MESURE DE COHERENCE DE L’ACTIVITE CEREBRALE : « EVENT-RELATED BRAIN DYNAMICS ». 87 C-1) Synchronisation et désynchronisation de l’EEG liées à un événement................................ 87 C-2) Théories de communication neuronale ................................................................................ 92

II ) PERSPECTIVES EN POTENTIELS EVOQUES..................................................................... 95

A) L’USAGE D’UN «STIMULUS HAUTEMENT PERTINENT » POUR LE SUJET........................................ 95 A-1) Les stimuli « novels » (nouveaux, originaux) ....................................................................... 95 A-2) L’exemple de l’utilisation du prénom du patient .................................................................. 97

B) L’EXPLORATION DES CAPACITES RESIDUELLES LIEES AU LANGAGE ......................................... 104 B-1) La détection d’une violation sémantique (N400)................................................................ 105 B-1-1) Une N400 chez certains patients végétatifs : qu’en penser ? .......................... 107

B-1-2) Création d’un paradigme N400 en vue d’une application chez les patients comateux............................................................................................................................... 109

B-2) La détection d’une violation syntaxique ............................................................................. 115 B-3) La détection d’une répétition.............................................................................................. 117

C) LA MUSIQUE ............................................................................................................................... 118 D) TESTER LES POSSIBILITES D’APPRENTISSAGE ............................................................................ 121

D-1) Sur quel type de mémoires pourrait s’appuyer un apprentissage chez un patient dans le

coma ?......................................................................................................................................... 121 D-1-1) Mémoires à court terme et mémoires à long terme ........................................... 122 D-1-2) Mémoires déclaratives et mémoires implicites (non déclaratives) .................. 123

D-2) Le conditionnement pavlovien ou « classique »................................................................. 125 D-2-1) « Delay conditioning » ............................................................................................ 126 D-2-2) « Trace conditioning » ............................................................................................ 130 D-2-4) « Fear conditioning » .............................................................................................. 133

D-3) Le conditionnement opérant ou instrumental..................................................................... 137 E) FAVORISER LA RECUPERATION CHEZ LES PATIENTS AVEC CONSCIENCE ALTEREE GRACES AUX

TECHNIQUES ELECTROPHYSIOLOGIQUES ........................................................................................ 139 E-1) Arguments en faveur d’une possibilité de récupération ..................................................... 139 E-1-1) La récupération spontanée .................................................................................... 139 E-1-2) L’apport potentiel des médicaments..................................................................... 143 E-1-3) La stimulation électrique profonde........................................................................ 147

E-2) L’utilisation des potentiels évoqués comme outil de rééducation ...................................... 149 F) L’ELECTROPHYSIOLOGIE A L’AIDE DES PATIENTS HANDICAPES ................................................ 152

7

PARTIE IV : QUELS SONT LES VERITABLES ENJEUX DE L’EXPLORATION A VISEE

PRONOSTIQUE DES PATIENTS DANS LE COMA ?............................................................... 154

I ) L’INTERET THEORIQUE : LES PATIENTS DANS LE COMA COMME MODELE

D’APPROCHE PAR DEFAUT DE LA CONSCIENCE............................................................... 155

A) LE « MODELE THEORIQUE DE L’ESPACE DE TRAVAIL CONSCIENT ............................................. 155 B) L’APPROCHE MODULAIRE DES CAPACITES RESIDUELLES COGNITIVES D’UN PATIENT EN ETAT DE

CONSCIENCE ALTEREE..................................................................................................................... 157

II ) L’INTERET CLINIQUE : DIMINUER LE DILEMME DU REANIMATEUR ................. 158

A) COMPRENDRE CE DILEMME : LA REVOLUTION DES PROGRES DE LA REANIMATION BOULEVERSE

LE CONCEPT DE MORT : DE L’ARRET DU CŒUR A LA « CONSCIENCE TROUEE » .............................. 158 A-1) La mort cérébrale est le produit des progrès technologiques ............................................ 158 A-2) Etat des lieux de la mort cérébrale dans le monde............................................................. 160 A-2-1) Mort cérébrale et religions...................................................................................... 160 A-2-2) Tour du monde de la « mort cérébrale » : définition et pratique ...................... 162

A-3) Les différents concepts de mort cérébrale .......................................................................... 165 A-3-1) La mort de l’ensemble du cerveau........................................................................ 165 A-3-2) La mort du tronc cérébral ....................................................................................... 167 A-3-3) La mort de la conscience : aussi appelée « higher brain formulation ».......... 168 A-3-4) « La conscience trouée » ....................................................................................... 170 A-3-5) Le retour de la conception circulatoire ................................................................. 170

A-4) Réflexions sur ces notions : Ne pas confondre « mort » de « vie qui ne mériterait plus d’être

vécue par un homme » ................................................................................................................ 171 B) LE DROIT D’EVITER L’ACHARNEMENT THERAPEUTIQUE............................................................ 173

B-1) Qui doit choisir ?................................................................................................................ 174 B-1-1) Réflexion autour de 2 patients............................................................................... 174

B-1-1-1) Terri Schiavo....................................................................................................... 174 B-1-1-2) Vincent Humbert .............................................................................................. 176

B-1-2) Cas où le patient peut exprimer sa volonté ......................................................... 177 B-1-3) Cas où le patient ne peut exprimer sa volonté ................................................... 179

B-2) Sur quels critères décider ? ................................................................................................ 182 B-3) Comment faire ? ................................................................................................................. 184 B-4) Que dit la loi ? .................................................................................................................... 186

AIDER LE REANIMATEUR DANS SON CHOIX....................................................................... 190

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES:....................................................................................... 194

ANNEXES.......................................................................................................................................... 206

� ANNEXE 1 : COMA RECOVERY SCALE –REVISED (CRS-R) ................................................... 206 � ANNEXE 2 : WESSEX HEAD INJURY MATRIX (WHIM) .......................................................... 207 � ANNEXE 3 : LISTE FERRAND ET ALARIO ................................................................................ 212 � ANNEXE 4 : LOI D’AVRIL 2005 RELATIVE AUX DROITS DES MALADES ET A LA FIN DE VIE (LOI

LEONETTI) ....................................................................................................................................... 213

Introduction

Les progrès des soins intensifs et de la réanimation cardiopulmonaire dans les années

1960, ont permis de maintenir en vie des patients qui seraient morts auparavant.

Pouvoir distinguer les patients qui pourront récupérer une activité consciente, voire une bonne

qualité de vie et pour lesquels il ne faut pas hésiter à poursuivre des soins « lourds », des

patients qui resteront sans vie mentale consciente et pour lesquels les mesures de réanimations

intensives s’apparentent à de « l’acharnement thérapeutique » est devenu un enjeu important.

En effet, la poursuite prolongée des soins et du maintien en vie peut constituer une souffrance

pour les proches du patient. Elle représente aussi une source de démotivation profonde pour

les soignants et un coût important pour la société.

Cette évaluation pronostique d’un patient dans le coma est source de débats et

d’interrogations sur le plan médical, scientifique, éthique et socio-économique. Elle a pour

objectif d’apporter des éléments de réponses à trois problèmes fondamentaux posés par ces

patients c’est à dire évaluer la profondeur du coma et les capacités d’intégration cognitive

résiduelles, donner un pronostic de réveil mais également un pronostic de handicap cognitif.

Actuellement, cette évaluation repose essentiellement sur les données anamnestiques et

cliniques ainsi que sur un ensemble d’explorations complémentaires biologiques,

radiologiques et neurophysiologiques.

Du point de vue neurophysiologique, l’électroencéphalographie a longtemps constitué

l’unique outil pour apprécier le fonctionnement cérébral avec une résolution temporelle

inégalée (de l’ordre de la milliseconde et donc à l’échelle de la pensée : un état mental

durerait environ une centaine de ms), de manière non invasive au lit du malade. Ces dernières

années de nouvelles techniques dérivées de l’EEG et des données récentes de la recherche en

sciences cognitives ont émergées. Elles ont pour but d’évaluer les processus cognitifs

résiduels encore à l'œuvre chez ces patients incapables par définition de produire des réponses

comportementales volontaires. Certaines sont déjà utilisées en pratique quotidienne, tandis

que d’autres commencent juste à être validées et ne sont utilisées que dans quelques centres,

enfin certaines sont encore des hypothèses de travail et devraient être évaluées prochainement.

Résolution temporelle de différents examens d’exploration fonctionnelle : la résolution temporelle des examens neurophysiologiques est sans commune mesure avec celle de l’IRM fonctionnelle ou du PET scan.

9

Les réanimateurs attendent de ces techniques qu’elles soient des outils d’évaluation

extrêmement fiables afin de pouvoir s’appuyer dessus pour la prise de décision de poursuite

ou d’arrêt des soins. Cela souligne à quel point les progrès de la réanimation ont bouleversé la

pratique médicale et la société obligeant à une nouvelle réflexion sur les notions de mort et de

qualité de vie minimale.

Cette thèse est une revue des techniques électrophysiologiques existantes ou en cours de

développement pour l’évaluation des capacités cognitives résiduelles et du pronostic des

patients dans le coma (ou sévèrement cérébrolésés) et une mise en lumière de leur intérêt

fondamental au vue des nouveaux problèmes éthiques complexes nés des progrès de soins.

PARTIE I :

Coma

et autres états

d’altération de la

conscience

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

11

I ) Conscience et éveil : terminologie et nuances

Une des difficultés pour les chercheurs et cliniciens travaillant sur la conscience et les

états de conscience altérée est d’employer la même terminologie pour désigner les mêmes

concepts.

Il faut comprendre la Conscience (Consciousness) comme la résultante de deux autres

fonctions dont chacune serait nécessaire mais pas suffisante : l’Eveil (Arousal) et la

conscience (Awareness) qui sont des notions respectivement proches de l’état de conscience

et du contenu de la conscience.

Dans la conscience, on distingue la conscience de l’environnement et la conscience de

soi. La conscience de soi est difficile à appréhender pour un observateur extérieur ; de même,

la plupart du temps l’approche de la conscience de l’environnement se fait de manière

indirecte par la recherche d’interactions non réflexes avec celui-ci.

Pour Antonio R. Damasio , « La conscience apparaît dans l’intériorité d’un organisme

plutôt qu’en public, mais elle est associée à un certain nombre de manifestations publiques.

Ces manifestations ne décrivent pas le processus interne aussi directement qu’une phrase

parlée traduit une pensée, pourtant, elles sont bien là, disponibles à l’observation, corrélats

et signes révélateurs de la présence de la conscience» (35).

Cette conception rejoint celle de Plum et Posner qui dès 1972 écrivaient que : « les limites de

la conscience sont difficiles à définir avec satisfaction et nous pouvons uniquement estimer la

conscience de soi des autres par leur apparence et par leurs actes» (163).

Aussi, on dit généralement d’un patient qu’il est conscient s’il réagit de manière non

réflexe à un stimulus.

Le terme d’ « éveil » signifie qu’un retour du cycle veille-sommeil existe (fonctionnalité

du système activateur ascendant ; un patient en état végétatif est donc éveillé), alors que

« réveil » signifie un retour à la Conscience.

L’éveil (dans le sens « éveil cortical ») semble donc nécessaire mais non suffisant à la

conscience.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

12

II ) Les différents états de conscience altérée après lésion cérébrale

A) Le coma

A-1) Notions générales

« Ca ressemble au sommeil, et pourtant ça n’est pas le sommeil » (35). Damasio A

Le coma est un état caractérisé par l’absence

d’éveil (du grec kôma : sommeil profond) et donc

également de conscience, à la fois de soi et de

l’environnement. Le patient est allongé, les yeux

clos et ne peut être réveillé par aucune stimulation

(bruit, douleur). Pour être clairement distingué des

syncopes, commotion cérébrale, ou autre état

d’altération transitoire de la conscience, le coma doit

durer au moins une heure.

Schéma simplifié des deux composantes majeures de la conscience : le contenu

de la conscience et le niveau de conscience. D’après Laureys S. Trends in

Cognitive Sciences. 2005 (115).

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

13

En général, les patients comateux qui survivent vont avoir un système d’éveil qui va

progressivement redevenir fonctionnel en 2 à 4 semaines.

Le patient pourra alors se retrouver dans un état végétatif, un état de conscience minimale ou

à un niveau supérieur de récupération de la conscience.

A-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle

Anatomie lésionnelle :

Le coma peut résulter soit de lésions diffuses bihémisphériques (corticales ou de la

substance blanche) soit de lésions « focales » touchant des structures clés de « l’éveil

cortical » dans le tronc cérébral ou au niveau des thalami (région paramédiane bilatérale).

Les lésions du système d’éveil au niveau du tronc cérébral sont plus spécifiques du coma, par

rapport aux autres états de conscience altérée.

Classiquement on parle de lésions de la formation réticulaire activatrice ascendante du tronc

cérébral oubliant que celle-ci n’est pas un système homogène sur le plan anatomique,

biochimique et physiologique. Il s’agit d’un ensemble de noyaux neuronaux identifiables,

dotés d’une fonctionnalité spécifique et disposant d’un réseau de connexions propre qui sont

impliqués dans la modulation de l’activité corticale et donc dans le maintien de la conscience.

De plus, d’autres noyaux hors de cette formation, jouent un rôle dans l’activation ascendante

cérébrale (notamment le thalamus et des noyaux diencéphaliques).

Dans une étude de 2003, Parvizi et Damasio ont étudié 47 patients avec lésions

vasculaires dans le tronc cérébral. 9 d’entre eux étaient dans le coma (151). Les lésions

responsables de coma étaient regroupées dans la partie rostro-caudale du tronc cérébral, c'est-

à-dire au niveau du tegmentum pontomesencéphalique. La zone de superposition maximale se

situaient dans la partie haute et postérieure du pont incluant le complexe du raphé, du locus

coeruleus (projections noradrénergiques et sérotoninergiques vers la plus grande partie du

cortex cérébral), du noyau tegmental latérodorsal (projections cholinergiques vers le

thalamus), du noyau tegmental pédunculopontin, du noyau pontis oralis (projections

glutamatergiques vers le noyau intralaminaire du thalamus) et du noyau parabrachial.

Une plus longue durée de coma était associée à des lésions bilatérales.

Les lésions au niveau du tronc cérébral touchant directement ces noyaux, ou au niveau de

leurs voies de passage dans le mésencéphale vers le diencéphale altéreraient leur influence sur

les structures rostrales et donc sur la modulation de l’activité globale du cerveau, pouvant

donc entraîner un coma.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

14

Imagerie fonctionnelle :

En moyenne, le métabolisme cortical (évalué en PET scan avec le Fluorine-18-labelled

deoxyglucose (FDG)) est de 50 à 70% de la normale chez les patients dans un coma post

traumatique ou post anoxique (114). La baisse du métabolisme cérébral concerne plus

spécifiquement les thalami, le tronc cérébral et le cortex. Néanmoins, pour l’instant il n’y a

pas de corrélations établies entre le métabolisme cérébral du glucose ou de l’oxygène mesuré

en PET à la phase aiguë et le devenir du patient.

D’ailleurs, il faut garder en mémoire que, le métabolisme cérébral global diminue de manière

encore plus importante dans des états de conscience altérée parfaitement réversibles : comme

l’anesthésie générale (28% du taux normal), ou le sommeil profond stade IV (40% du taux

normal).

A-3) Pronostic du coma

Une étude prospective multicentrique (américaine et anglaise) a porté pendant un an sur

500 patients dans un coma d’étiologie diverse exceptée post traumatique (117). Les patients

dans le coma depuis plus de 6H étaient recrutés. Le devenir était évalué par le Glasgow

Outcome Scale (GOS). A un an, seulement 10% des patients ont eu une bonne

récupération (GOS 4 ou 5) et 63% sont morts ou n’ont récupéré qu’à un stade « végétatif »

(GOS 1 et 2). 27% restaient sévèrement handicapés. Mais les résultats « globaux » de cette

étude cachent une grande hétérogénéité dans le pronostic du coma.

L’importance de l’étiologie dans le pronostic des patients dans le coma :

Dans l’étude de Levy, les patients dans le coma après intoxication médicamenteuse

avaient un pronostic excellent, et ce malgré l’absence fréquente de réflexes du tronc en phase

aiguë (117). Les causes métaboliques avaient également un meilleur pronostique que les causes

anoxiques ou ischémiques.

Dans l’étude de Catherine Fischer, réalisée en 2004, portant sur 346 patients dans le coma et

qui intègre les dernières notions d’évaluation plus fine de la conscience (état de conscience

minimale ; cf Partie I chapitre II-C) : 86,4% des patients dans un coma traumatique ont

récupéré un état de conscience (dont minimal), pour 68,8% des patients dans le coma suite à

un AVC et seulement 32,8% des patients avec un coma d’origine anoxique (53). (N.B. :

Seulement 37% des patients de l’étude de Levy ont repris conscience : cela s’explique par

l’exclusion des patients dans un coma d’origine traumatique de son étude (de meilleur

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

15

pronostic), et également par une possibilité de surdiagnostics d’état végétatif pour des patients

pauci relationnels (non utilisation du concept d’état minimal de conscience ).

Les comas post-anoxiques sont plus homogènes et sont de très mauvais pronostic ; les

régions les plus sensibles à l’anoxie sont touchées les premières et les lésions s’étendent

progressivement vers les régions les plus résistantes (au niveau du tronc cérébral).

Au contraire, les comas post traumatiques sont un groupe hétérogène et si les résultats de

groupes sont en moyenne meilleurs, l’évaluation à l’échelle individuelle est plus difficile.

Enfin, les comas d’origine métabolique peuvent refléter les réactions d’un cerveau normal à

un environnement métabolique anormal et sont donc globalement de meilleur pronostic si

l’anomalie métabolique est corrigée.

Pronostic selon la durée du coma :

Plus le patient reste longtemps dans le coma, moins il a de chance de bien récupérer. Au

3ème jour la probabilité d’avoir une bonne récupération (GOS 4 ou 5) est de 7%. Elle chute à

2% après le 14ème jour. A la fin de la première semaine, la moitié des patients qui n’ont pas

récupéré un état conscient sont en état végétatif (5).

B) L’état végétatif

B-1) Notions générales

La Multi-Society Task Force sur l’Etat Végétatif Permanent a défini en 1994, l’état

végétatif comme une « condition clinique dépourvue de toute conscience de soi et de

l’environnement, associée à la présence de cycles veille/sommeil avec maintien complet ou

partiel des fonctions automatiques de l’hypothalamus et du tronc cérébral (134, 135). »

Les deux principaux éléments cliniques pronostiques des patients dans le coma sont

l’étiologie et la durée du coma.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

16

Les patients en état végétatif (VS pour

Vegetative State) ont donc un système d’éveil

fonctionnel (ils sont éveillés) sans vie mentale

consciente. Les grandes fonctions « végétatives »

sont également fonctionnelles comme la respiration,

la régulation thermique…

Le terme a été utilisé pour la première fois par

Jennett et Plum en 1972 : « végétatif décrit un corps

capable de croissance et de développement mais

dépourvu de sensation et de pensée (92)».

Selon la Multi-Society Task Force sur l’Etat Végétatif Permanent, il faut distinguer en

fonction de la durée de l’état végétatif deux groupes de patients :

- ceux en « état végétatif persistant » lorsque la durée dépasse un mois.

- ceux en « état végétatif permanent » lorsque la durée dépasse 3 mois si l’origine est

anoxique et un an si l’origine est traumatique (134,135).

En réalité, cette distinction, bien qu’elle apporte des renseignements complémentaires, est une

source d’erreur importante. D’abord parce que les termes « persistant et permanent » sont

parfois utilisés l’un à la place de l’autre, même par des professionnels de l’évaluation de la

conscience et non distingués par la plupart des autres médecins (pour qui « persistant » a

souvent valeur d’irréversible) ; confusion encore augmentée par l’utilisation de l’abréviation

« PVS » pour « Permanent vegetative state ».

Ensuite parce que le délai choisi pour parler d’état végétatif permanent est arbitraire, reflétant

certes une probabilité faible de récupération mais une idée fausse sur le caractère absolument

fixé de l’état.

En France, passé un an, on parle d’état végétatif chronique. Certains auteurs conseillent tout

simplement d’utiliser le terme état végétatif en précisant la durée et l’étiologie.

Exemple de confusion entre « persistent » et « permanent » vegetative state. Perry J et al. Ann Intern Med. 2005 (157).

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

17

La principale difficulté du diagnostic d’état végétatif est de ne pas le poser en excès. En

effet, ce diagnostic repose sur une absence complète de conscience de soi ou de

l’environnement. Celle-ci est parfois difficile à identifier chez des patients à l’éveil fluctuant

et aux capacités d’expression limitées qui doivent pourtant être absolument distingués des

patients végétatifs.

De ce constat est né un nouveau concept : celui des patients en état de conscience minimale

(cf Partie I chapitre II-C).

Epidemiologie :

Aux Etats-Unis, le nombre d’adultes en état végétatif est estimé entre 10 000 et 25 000

et pour les enfants entre 6000 et 10 000 (de toute durée) (134, 135).

B-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle

Anatomie lésionnelle :

Dans l’état végétatif, les structures d’éveil dans le tronc cérébral sont fonctionnelles,

tandis que la substance grise et la substance blanche au niveau hémisphérique est largement

endommagée. Plus rarement, un état végétatif peut se rencontrer après lésions bilatérales de la

région paramédiane du mésencéphale souvent associées à des lésions thalamiques bilatérales

paramédianes.

En 2000, Adams et al, ont étudié le cerveau de 49 patients décédés après plus d’un mois

d’état végétatif d’origine variée (1). Pour les étiologies non traumatiques, les lésions

touchaient surtout les thalami (chez 100% des sujets), et étaient associées à des lésions

diffuses corticales (64%). Pour les états végétatifs d’origine traumatique, 96% des patients

avaient des lésions axonales étendues et des lésions thalamiques. L’état végétatif pourrait

donc être avant tout une pathologie cérébrale au niveau d’intégration thalamique, avant d’être

lié aux lésions corticales. (Même si les lésions thalamiques peuvent être secondaires aux

lésions de la substance blanche par déafférentation.)

Anatomie fonctionnelle :

En moyenne le métabolisme cortical estimé en PET scan est de 40 à 50% par rapport

aux sujets normaux éveillés (114). La diminution du métabolisme est particulièrement nette au

niveau des régions associatives (au niveau préfrontal, dans les régions pariéto-temporales

(région du précunéus), et pariétales postérieures) tandis que le métabolisme est relativement

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

18

bien préservé au niveau du tronc cérébral. Cette chute du métabolisme cérébral est lié à la fois

à une perte neuronale et à une atteinte fonctionnelle. Elle pourrait donc être en partie

réversible. (Le retour à la conscience de certains patients pourrait s’expliquer par le retour de

connexions fonctionnelles entre ces structures corticales et les noyaux intralaminaires des

thalami soit par repousse axonale, soit par division cellulaire…)

Une étude portant sur plusieurs patients végétatifs a montré que des stimulations

nociceptives ou auditives entrainaient une activation des cortex sensoriels primaires sans

activation des cortex associatifs (insulaire, pariétal postérieur, cingulaire antérieur)

contrairement aux sujets contrôles (114). Des réponses stéréotypées comme des pleurs, des

grimaces peuvent se voir chez ces patients et seraient dues à la persistance de certains circuits

fonctionnels entre le tronc cérébral et le système limbique. Plus rarement, certains patients en

état végétatif avéré, peuvent prononcer certains sons ou même mots mais de manière

inadaptée et non spécifique à un contexte particulier. Un patient qui était en état végétatif

depuis plus de 20 ans et qui prononçait rarement (une fois par 48h environ) un mot de

manière inadaptée a été étudié en imagerie fonctionnelle. Son métabolisme cérébral était en

moyenne inférieur à 50% de la normale, mais proche de la normale dans certaines régions

hémisphériques gauches.

Préservation de régions métaboliquement actives chez un patient en état végétatif produisant occasionnellement des mots isolés. Laureys et al.

The Lancet. 2004 (114).

Comparaison du métabolisme cérébral (estimé par le 18-FDG PET Scan) entre un patient conscient et un patient en état végétatif. Entourée, la région du précunéus (cortex pariétal médial), qui est la région la plus métaboliquement active chez un sujet conscient. Laureys et al. Lancet

Neurol.2004 (114).

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

19

L’ensemble de ces résultats est en faveur d’une persistance possible d’îlots corticaux (et sous

corticaux avec des boucles thalamo-corticales intactes) actifs ou potentiellement fonctionnels

chez les patients en état végétatif, mais sans intégration des ces données à un plus haut niveau

permettant un accès conscient à ces informations.

B-3) Pronostic

Comme pour les patients dans le coma, le pronostic des patients en état végétatif dépend

de l’étiologie et de la durée.

D’après la Multi society Task Force sur l’Etat Végétatif Permanent (1994) :

«approximativement 52% des patients en VS post traumatique 1 mois après l’accident vont

récupérer à 1 an un état conscient (33% à 3 mois et 19% de plus au cours des 9 mois

suivants). La récupération est souvent très mauvaise : seulement 7% vont avoir une bonne

récupération (GOS 4 ou 5), parmi ceux là, la moitié se réveille durant les 3 premiers mois

(134, 135). Après 1 an, les survivants sont dits « en état végétatif permanent ».

Sur 159 patients en VS d’origine non traumatique à un mois après l’événement, seulement

11% ont retrouvé la conscience à 3 mois, tandis que 89% restaient en état végétatif ou étaient

morts. A 6 mois, seulement 2 patients de plus avaient retrouvés la conscience. Les résultats à

un an étaient : 15% avaient retrouvés la conscience (sans précision du niveau de séquelles

neuropsychologiques), 32% étaient toujours en état végétatif et 53% étaient morts.

Devenir de patients en état végétatif persistant d’origine traumatique ou non-traumatique. En cas d’état végétatif persistant d’origine traumatique : 52% des patients ont repris conscience dans la première année : la majeure partie dans les 6 premiers mois, exceptionnellement après 6 mois. Etat végétatif persistant d’origine non traumatique : 15% seulement ont repris conscience à un an, et de manière exceptionnelle après 3 mois.

Multi society Task Force sur l’Etat Végétatif Permanent. NEJM. 1994. (134, 135)

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

20

Le Working Group of the Royal College of physicians (J R Coll Physicians London.)

suggérait donc en 1996 qu’en cas d’état végétatif d’origine non traumatique et supérieur à 6

mois, un arrêt des soins devrait être envisagé (209).

En l’absence d’arrêt des soins et avec une prise en charge adaptée (pour éviter les

complications du décubitus, même si certains patients peuvent tenir assis…), la survie de ces

patients peut être prolongée plusieurs années.

(Ce tragique record appartient à Elaine Esposito (1934 - 1978) en Floride aux USA. Dans le

coma, suite à une anesthésie pour appendicectomie depuis l’âge de 6 ans, elle est décédée à 43

ans et 357 jours après plus de 37 ans en état végétatif.)

C) Un nouveau concept : l’état de conscience minimale

C-1) Notions générales

Depuis 2002, The Aspen Group (comprenant des

neurologues, des neuropsychologues, des

neurochirurgiens des réanimateurs et des rééducateurs) a

proposé de définir un nouveau groupe de patients avec état

de conscience altéré (65). Il s’agit des patients qui ont des

signes d’interactions non réflexes bien que limitées avec

l’environnement (ils ne sont donc pas en état végétatif),

mais ne peuvent communiquer avec leur entourage. Ils ont

proposé le terme d’ « état de conscience minimale » pour

ces patients (« Minimal Conscious State », MCS).

DEFINITION: « L’état de conscience minimale (MCS pour Minimal Conscious State)

est un état d’atteinte sévère de la conscience dans lequel un comportement minimal de

conscience de soi ou de l’environnement est mis en évidence. »

(The Aspen Neurobehavioral Conference Workgroup 2002)

Les phénotypes cliniques des patients MCS sont donc caractérisés par une grande variabilité.

Exemples de comportements limités et fluctuants possibles d’un patient en état de conscience

minimale (MCS):

– Mouvements de poursuite oculaire ou de fixation soutenue d’un objet.

– Sourires ou pleurs en réponse à des stimuli verbaux ou visuels avec contenu émotionnel

mais pas aux stimuli neutres.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

21

– Vocalisations ou gestes en réponse directe à des questions.

– Toucher ou saisie d’objet d’une manière qui tient compte de la taille et de la forme de

l’objet…

L’interaction non réflexe avec l’environnement doit pouvoir être mise en évidence de façon

certaine et répétée, même si elle est souvent caractérisée par de grandes fluctuations. La sortie

de l’état de conscience minimale est définie par la capacité à communiquer ou à utiliser des

objets de manière fonctionnelle.

Même si un débat existe entre les partisans d’une approche linéaire de la conscience(le

niveau de conscience augmenterait de manière progressive) et les partisans d’une approche

binaire de la conscience (on est soit conscient de quelque chose, soit on ne l’est pas). Cette

notion d’état de conscience minimale est largement acceptée et de plus en plus utilisée. Elle

est basée sur le consensus que chez certains patients sévèrement cérébrolésés, le contenu de la

conscience pourrait être réduit, l’état de conscience (niveau d’éveil) fluctuant, et le registre

comportemental de ces patients limité.

Les comportements choisis pour étayer la présence d’une conscience minimale (fixation,

poursuite…) sont discutés.

Un patient MCS est donc conscient.

Epidemiologie :

La prévalence d’adultes et d’enfants MCS a été estimée entre 112 000 et 280 000 de

manière rétrospective à partir d’un registre de données californien et extrapolé à l’ensemble

de la population américaine (188). D’après cette étude, les MCS pourraient être en fait 8 fois

plus nombreux que les VS. (Ils correspondent à tous les patients qu’on dit : « pauci-

relationnels »). De plus, d’après les résultats de Majerus et al environ un tiers des patients

diagnostiqués en état végétatif seraient en fait MCS (122).

L’identification des patients MCS est importante pour le pronostic, pour les décisions

thérapeutiques et les décisions médicolégales. Dans toutes les circonstances, les soignants

doivent savoir que ces patients ont le potentiel de percevoir et ressentir la douleur.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

22

C-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle

Anatomie lésionnelle :

Les patients MCS sont caractérisés par une instabilité de l’initiation et du maintien des

comportements. Cette fluctuation dépendrait de l’interaction des structures de l’éveil au

niveau du tronc cérébral et des « gating-systems » mésencéphaliques et diencéphaliques avec

les autres structures cérébrales (176). Ces « gating-systems » comprennent les noyaux

intralaminaires du thalamus et la formation réticulée du mésencéphale. Ils contrôleraient les

interactions du cortex cérébral, des ganglions de la base et du thalamus.

Donc un état de conscience minimale serait lié soit à des lésions axonales diffuses ou à des

lésions hypoxiques ; soit à des lésions plus focales avec altération des « subcortical gating-

systems » et de ses associations avec les aires associatives.

L’émergence du MCS pourrait être liée à une récupération d’activités de structures qui étaient

fonctionnelles et connectées mais dynamiquement touchées.

Anatomie fonctionnelle :

En PET Scan, le niveau moyen global du métabolisme est de 40 à 50% de la normale,

c'est-à-dire comparable à celui des patients en états végétatifs (114). Mais il est nettement plus

important dans certaines régions comme le précunéus (cortex parietal médial) et le cortex

cingulaire postérieur pour les patients MCS comparativement aux patients végétatifs.

Ce sont des régions associatives multimodales richement interconnectées très

probablement impliquées dans le réseau neural sous tendant la conscience.

Des études fonctionnelles ont montré la capacité des patients MCS à activer lors de

tâches d’écoutes de stimuli, non seulement le cortex auditif primaire mais aussi des aires

associatives auditives et du cortex préfrontal (114).

Comparaison du métabolisme cérébral (estimé par le 18-FDG PET Scan) entre un patient conscient et un patient en état de conscience minimale. Laureys et al.

Lancet Neurol.2004. (114)

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

23

C-3) Pronostic

L’état de conscience minimale peut survenir suite à une grande variété de pathologies

neurologiques : traumatisme, anoxie, ischémie, maladies métaboliques et même maladies

neurodégénératives.

C’est une entité récente et donc peu d’études ont été réalisées.

Après un coma, les patients MCS auraient une amélioration plus nette et sur une plus longue

période que les patients VS.

Dans une étude rétrospective portant sur 104 patients dont 55 VS et 49 MCS évalués à un

mois, le pronostic des patients MCS était meilleur à un an, spécialement pour les MCS après

traumatisme crânien. 50% de ces patients avaient un handicap modéré à un an contre

seulement 3% des patients en VS (66).

En 2000, Strauss et al ont étudié la survie des patients MCS et VS en divisant ce groupe en

« MCS mobiles » (capacité à relever la tête, rouler de côté, rester au fauteuil assis plus de 5

min) et « MCS immobiles » (188). Les résultats suggéraient que la mobilité était un meilleur

facteur pronostique de survie que l’état MCS ou VS. Le pourcentage de survie à 8 ans était de

81% pour les patients MCS mobiles comparativement à 65 et 63% pour les MCS immobiles

et les patients en VS.

Ces deux études suggèrent que la mort des patients cérébrolésés serait donc liée avant

tout aux complications de décubitus et que le pronostic de bonne récupération à 1 an

serait nettement meilleur pour les patients MCS que pour les patients VS (évalués à un

mois).

Après 3 mois, 80% des patients qui restent MCS ou VS post traumatiques vont garder

au minimum un handicap sévère (134, 135). Notamment, certains patients MCS resteront

en état de conscience minimale de façon « permanente ».

Mais il faut souligner que « l’état MCS » comprend des patients très hétérogènes, certains

étant très proches des patients végétatifs et d’autres proches de la « pleine conscience ». Par

ailleurs, l’existence de progrès parfois très lents passe parfois inaperçue du fait d’échelles

d’évaluation clinique peu sensibles et inadaptées au suivi prospectif de ces patients.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

24

D) Le locked-in syndrome

D-1) Notions générales

Le locked-in syndrome (LIS) est caractérisé par une

quadriplégie, une aphonie et, le plus fréquemment, des

yeux ouverts en permanence. La réponse motrice à la

douleur est typiquement en décérébration. Seuls des

mouvements volontaires des yeux (verticalité) ou des

paupières restent possibles permettant d’établir un code de

communication (alphabet « ESARINT » pour les

français).

La conscience de soi ou de l’environnement du patient est

préservée.

C’est Plum et Posner qui en 1966 ont pour la première fois employé ce terme de « locked-in

syndrome », même si on trouve des descriptions détaillées de patients LIS plus anciennes

dans des romans. Par exemple, dans « Le Comte de Monte Cristo » d’Alexandre Dumas

(1845), M. Noirtier de Villefort est décrit comme un « corps avec des yeux vivants », il ne

peut communiquer que par clignement des yeux depuis 6 ans.

On comprend l’intérêt pour les soignants d’identifier rapidement ces patients conscients,

enfermés dans leur corps immobile, et de les distinguer des patients dans le coma ou

végétatifs. En effet, il faut adapter son attitude au lit du malade, et prendre en charge l’anxiété

de ces patients. Cependant des études récentes font état d’un retard diagnostic important (en

moyenne 2,5 mois, parfois plus de 4 ans, traité comme un corps sans conscience (116)). Le

diagnostic est porté dans 55% des cas par un membre de la famille et seulement dans 23% des

cas par le médecin.

Epidémiologie :

L’incidence n’est pas connue. Une idée de la prévalence en France peut être estimée à

partir de la base de données de l’association française des patients en « locked-in Syndrome »

(ALIS : http://alis-asso.fr/index.php ). Elle a recensé 367 patients « locked-in » depuis sa

création en 1997. Mais ne sont comptabilisés que des patients LIS chroniques.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

25

D-2) Anatomie lésionnelle et fonctionnelle

Anatomie lésionnelle :

Le plus souvent, il s’agit de lésions de la partie ventrale de la base du pont ou du

mésencéphale (infarctus bilatéral, hémorragie…) qui interrompent les voies corticospinales et

corticobulbaires sous le noyau du III. (La verticalité du regard est donc le plus souvent

conservée). L’origine des lésions est le plus souvent vasculaire (ischémique), parfois liée à

une hémorragie du pont, un traumatisme crânien…

A noter que certains patients hospitalisés en soins intensifs avec une forme sévère de Guillain

Barré peuvent présenter un tel tableau de « déconnexion ». La verticalité du regard n’est alors

pas particulièrement épargnée. Le tableau peut alors mimer celui d’un patient en mort

cérébrale (absence de respiration spontanée et abolition des réflexes du tronc) alors que le

patient est parfaitement conscient (62, 203).

Anatomie fonctionnelle :

L’étude du métabolisme cérébral des patients locked-in retrouve des résultats

comparables, au niveau supratentoriel, avec les sujets contrôles (114).

D-3) Pronostic

La mortalité est élevée pendant les premiers mois (à 4 mois, 76% de décès pour les

causes vasculaires, 41% de décès pour les causes non vasculaires). Avec des soins adaptés, la

survie de ces patients passée la phase aiguë (1ère année) est de 83% à 10 ans et de 40% à 20

ans (45). Le record de survie dans des conditions de locked-in (c'est-à-dire sans récupération)

serait de 27 ans. Mais en fait, beaucoup de patients LIS ont un tableau clinique incomplet et

une récupération distale, bien que très modérée, est possible. D’après la base de données

d’ALIS sur 245 patients LIS chroniques: 44% vivent à domicile, 21% à l’hôpital et 17% dans

Comparaison du métabolisme cérébral (estimé par le 18-FDG PET Scan) entre un patient conscient et un patient en locked in syndrome. Laureys et al. Lancet

Neurol.2004. (114)

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

26

un centre de rééducation.).La trachéotomie peut le plus souvent être retirée et parfois une

alimentation orale est possible.

E) Autres exemples d’abolition réversible de la conscience

D’autres états réversibles d’abolition de la conscience peuvent également constituer des

modèles d’études théoriques intéressant des mécanismes sous tendant la conscience. L’un de

leurs intérêts par rapport au coma est leur caractéristique plus « pure ». En effet, on peut

distinguer :

• La perte de conscience par atteinte réversible du système d’éveil comme pour :

-l’anesthésie générale

-le sommeil profond

N.B. : Le sommeil paradoxal est un cas particulier. Après un rêve, nous pouvons en garder en

mémoire quelques fragments et les rapporter ; ceci indique un certain degré de conscience

pendant cet état onirique. Le sommeil paradoxal serait donc un état conscient, même si altéré.

• La perte de conscience par atteinte réversible du contenu de la conscience :

-les crises d’épilepsie et de manière caricaturale : l’épilepsie absence

La crise d’absence type est un des plus purs exemples de perte de conscience sans atteinte du

système d’éveil.

F) Tableaux récapitulatifs

Evolution possible après une lésion cérébrale aiguë induisant un coma :

-La survenue d’une ouverture spontanée ou provoquée des yeux en l’absence d’activité

motrice volontaire marque la transition entre coma et état végétatif.

-En cas de comportement minimal volontaire reproductible, le patient passe dans la

catégorie : état de conscience minimale. Ce comportement est souvent observé en cas de

stimuli émotionnels.

-L’émergence de l’état de conscience minimale est signée par le retour d’une

communication fonctionnelle ou par l’utilisation fonctionnelle d’objets.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

27

-La possibilité d’une vie autonome définit un handicap modéré, par rapport à un handicap

sévère.

-La réinsertion scolaire ou professionnelle définit une bonne récupération.

Ce schéma souligne à quel point l’évaluation clinique de la conscience dépend des

capacités de réponses motrice du patient. Elle dépend également des « entrées » possibles.

(Par exemple, les lésions anoxiques sont souvent responsables de troubles du champ

visuel, avec au maximum une cécité corticale, la fixation et la poursuite oculaire sont donc

souvent altérées…)

Métabolisme cérébral global entre différents états de conscience :

Les différentes entités cliniques rencontrées au cours de la récupération progressive d’un coma illustrées comme fonction des capacités cognitives et motrices. D’après Laureys et al. The Lancet Neurology. 2005.

(114)

Evolutions possibles après lésion cérébrale aiguë. D’après Laureys, Owen et Schiff. The Lancet Neurology.

2004. (114)

Métabolisme cérébral global estimé par FDG PET Scan dans différents états neurologiques. L’étude globale du métabolisme cérébral est peu discriminante pour pronostiquer l’état de conscience d’un patient.

Laureys et al. Lancet Neurol. 2004. (114)

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

28

III ) Nouvelles échelles d’explorations de la conscience

Le panel de réponses comportementales possibles chez les patients sévèrement

cérébrolésés est par définition très réduit. De même, les « entrées » vers ces patients peuvent

être limitées.

Aussi, il existe un risque important de sous estimation du degré de conscience chez ces

patients (locked-in ou MCS) avec surdiagnostic de patients dans le coma ou en état végétatif

alors qu’un degré de conscience est présent chez ces patients.

Pour éviter cet écueil, de nombreuses échelles d’évaluation de la conscience ont été

proposées ; les plus récentes utilisant un nombre d’ « entrées » (nombreux stimuli différents)

plus important et se voulant plus sensibles à des réponses comportementales minimes ou

fluctuantes.

A) Les avantages et limites du score de Glasgow (Glasgow Coma Scale : GCS)

Créé en 1974 par Teasdale et Jennett, le

score de Glasgow (GCS) est l’échelle d’évaluation

de la conscience la plus largement utilisée au travers

le monde (190).

Cela est du notamment à sa grande simplicité (elle

est donc utilisable par des personnes non expertes en

neurologie) et à son intérêt pour la prise en charge en

aiguë.

Un patient est considéré dans le coma si le score

global est inférieur à 8 (ou plus précisément Y=2,

M=4, V=2).

En 1982, Born et al, ajoutent à l’échelle de Glasgow, l’étude de quelques réflexes du tronc

cérébral. C’est le score de Glasgow-Liège (17). Cela permet d’étendre la sensibilité de

l’échelle pour les comas profonds. En effet, cela permet d’identifier plusieurs groupes de

patients parmi les scores les plus bas (GCS à 3, 4).

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

29

Néanmoins le GCS et le GCS/Liège comportent de nombreuses limites. Tout d’abord,

un même score global peut exister pour des patients très hétérogènes cliniquement. Pour cette

raison, il faut noter les 3 sous scores séparément : Y (ouverture des yeux), M (réponse

motrice) et V (réponse verbale) sans les additionner.

Ensuite, l’échelle verbale est trop importante : un patient aphasique sera sous côté par rapport

à son état de conscience. (N.B : pour un patient intubé, on doit noter V=T (Tube)).

Plus grave pour une échelle d’évaluation de la conscience, certains patients peuvent être côtés

au minimum alors que parfaitement conscients (certains locked-in syndromes) avec des

conséquences importantes sur la prise en charge thérapeutique.

Et enfin, surtout, c’est une échelle qui a été pensée pour la phase aiguë mais qui manque

de sensibilité pour l’évaluation prospective des capacités cognitives et de la conscience

passée cette période. Elle reste pourtant alors l’outil d’évaluation de la plupart des services

de réanimation.

Pour l’ensemble de ces raisons, de nombreuses équipes ont essayé d’élaborer des scores

d’évaluation de la conscience corrigeant les défauts du GCS.

Depuis la création du GCS, plus de 20 échelles d’évaluations de la conscience ont été créés.

Exemples d’échelles, autres que le GCS, d’évaluation de la conscience :

-Maryland Coma Scale (1981) (173)

-Glasgow Liège Scale (1982) (17)

-Comprehensive Level of Consciousness Scale (CLOCS) (1984) (187)

-Clinical Neurologic Assessment Tool (1989) (34)

-Coma Recovery Scale (1991)

-Coma Exit Chart (1996) (60)

-Sensory Modality Assessment Rehabilitation Technique (SMART) (1997) (70)

-Wessex Head Injury Matrix (WHIM) (2000) (182)

-Coma Recovery Scale-Revised (CRS-R) (2004) (68)

Et la plus récente:

-Full Outline of UnResponsiveness (FOUR) (2005) (207)

La plupart de ces échelles sont restées confidentielles. Les raisons sont soit qu’elles restent

basées le plus souvent sur l’ajout de quelques items au score de Glasgow, soit qu’elles

deviennent trop compliquées.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

30

B) Le Coma Recovery scale-revised (CRS-R)

En 2000, devant la difficulté du diagnostic différentiel des différents états de conscience

altérée, The Aspen workgroup a proposé quelques recommandations pour évaluer le niveau

de conscience (65).

-Maximiser l’éveil :

S’assurer que les traitements sédatifs soient arrêtés autant que possible.

Stimuler de manière adéquate (douleur, stimulation vestibulaire…) le patient avant son

évaluation pour s’assurer que le niveau d’éveil est maximisé.

-Ne valider les réponses comportementales qu’après avoir éliminé une possible réponse

réflexe ou aléatoire.

-Une large variété de réponses comportementales doit être testée avec un grand nombre de

stimuli différents afin de pouvoir mettre en évidence les capacités résiduelles de ces patients.

Cette évaluation doit se faire dans un environnement non distractif.

-Cette évaluation doit être répétée dans le temps.

-L’observation de la famille et de l’ensemble du personnel soignant le patient devrait être

considérée.

En 2004, Giacino (qui fait partie du Aspen workgroup) et Kalmar, conçoivent une

échelle d’évaluation basée sur ces principes et ayant pour vocation de distinguer avec

sensibilité les patients dans le coma, les patients VS, les patients MCS, ainsi que l’émergence

vers la « pleine » conscience (68) (Annexe 1).

Comme le GCS: cette échelle comprend un sous score visuel, moteur et verbal. Ces sous

scores intègrent les données de la définition du MCS (fixation prolongée, poursuite

oculaire…). Il y a en plus 3 autres sous scores: auditif, de communication (intégrant une

communication non verbale : par exemple pour les locked-in…) et d’éveil afin de maximiser

« les canaux d’« entrées et de sortie » de ces patients ayant parfois un arsenal comportemental

très restreint.

L’évaluation se fait en 2 temps: un temps d’observation pendant 1 minute (évaluation du

niveau d’éveil ; ouverture des yeux : fixation visuelle, poursuite; repérer les mouvements

spontanés pour les différencier des réponses volontaires...) et un deuxième temps de cotation.

Ce dernier comprend au départ l’administration d’un protocole de facilitation d’éveil

(stimulation nociceptive ou vestibulaire) afin de maximiser les chances de réponses du

patient. Les réponses ne doivent pas être cotées après un délai supérieur à 10 secondes.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

31

Les auteurs ont validé cette échelle sur 80 patients dans le coma d’étiologie variée

(TC:48%, AVC:31%, Hypoxie: 21%). Le score deux mois après l’événement était en

moyenne de 12/23. La reproductibilité interobservateur, la stabilité test-retest, la consistance

interne et validité concurrente étaient bonnes.

Pour ces 80 patients:10 ont été diagnostiqué MCS par la CRS-R alors que la DRS (très proche

du score de Glasgow) les avait diagnostiqué en VS. Cependant, pour les 10 cas, cela était du

uniquement à la présence d’une poursuite visuelle préservée.

Ces auteurs suggèrent que prendre en compte la dynamique de récupération serait un meilleur

outil pronostique qu’une évaluation statique des capacités pour ces patients sévèrement

handicapés (67, 68). Le CRS serait plus adapté pour identifier des modifications subtiles dans

les réponses comportementales du patient que le score de Glasgow.

Traduction française du CRS-R. Grâce à l’amabilité de

Laureys et al.

Fluctuations cliniques d’un patient évalué par le CRS-R les 37 premières semaines après son coma. Durant les 4 premiers mois, le patient a fluctué entre VS et MCS. Il a finalement émergé de l’état de MCS et a récupéré une conscience normale après la 30ème semaine. Giacino et Trott. J Head Trauma Rehabil. 2004.

(67)

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

32

La principale critique du CRS-R est la nécessité d’un apprentissage (car la cotation des

différents items repose sur des critères stricts à connaître). Sa stricte adéquation avec la

définition du MCS est une qualité, mais implique une modification de l’échelle en cas de

changements des critères diagnostiques du MCS.

C) La Wessex Head Injury Matrix (WHIM)

Cette échelle créée par Agnès Shiel et al propose une approche originale dans

l’évaluation de la conscience et des capacités cognitives du patient après une lésion cérébrale

aiguë (182). En effet, il s’agit d’une grille d’observation comportementale destinée à

l’évaluation et au suivi des progrès subtils des patients après traumatisme crânien. Elle permet

également d’établir des objectifs thérapeutiques réalistes.

Elle a été créée à partir des données d’une étude prospective portant sur 88 patients avec

traumatisme crânien sévère suivis de la phase aiguë à la sortie de l’amnésie post traumatique.

147 comportements différents ont été identifiés chez ces patients, puis regroupés en 62 items

classés par ordre chronologique d’apparition.

Il n’y a pas de division en sous échelles: le score correspond au rang du comportement le plus

évolué observé. La cotation est arrêtée après 10 items non observés. Le temps de passation

varie de 2 à 35 minutes.

Cette approche originale a pour avantage l’absence d’a priori concernant les comportements

les plus significatifs à évaluer. L’ordre de certains items était difficilement prévisible (par

exemple « Exécute un mouvement physique sur requête verbale » : 15 ; et « s’oriente vers un

bruit » : 22…).

La WHIM a une bonne fidélité inter évaluateurs et test-retest, ainsi qu’une bonne validité

concurrente (par rapport au DRS, ou au CRS-R)

En 2001, Steve Majerus et Martial Van der Linden ont proposé une version française de

la WHIM (non publiée) (Annexe 2)

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

33

On peut classer les réponses en 3 groupes :

- Les réponses élémentaires (avant obéissance aux ordres simples)

-réapparition d’une interaction sociale et d’actions intentionnelles

-récupération orientation et mémoire épisodique. (Sortie de l’amnésie post traumatique)

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

34

Martial Van Der Linden (données non publiées, accessibles sur le site Arobase 5) a

réalisé une étude prospective portant sur 23 patients ayant présenté un coma d’origine

vasculaire ou traumatique (GCS < 8). Ces patients ont été évalués de manière bihebdomadaire

par le Glasgow Coma Scale/ Glasgow Liège Scale et la WHIM (total=176 évaluations).

L’auteur a confirmé la bonne concordance de l’ordonnancement hiérarchique des différents

items.

La WHIM :

- serait moins sensible que le score de Glasgow-Liège pour la phase la plus profonde du

coma. (Evaluation des réflexes du tronc cérébral pour le score de Glasgow-Liège.)

- serait plus sensible aux changements subtils pour évaluer la période de sortie du coma,

l’état végétatif et la période post coma. Alors que le patient semble stable lorsqu’il est

évalué par le GCS/GLS (ce qui peut avoir des implications thérapeutiques), la WHIM

permet de repérer les progrès discrets et lents, ce qui est encourageant pour l’équipe

soignante et la famille.

- pourrait servir de transition entre échelles de phase aiguë (GCS) et évaluations

traditionnelles des fonctions cognitives, motrices (qui nécessitent souvent une bonne

coopération du sujet et des performances meilleures…).

- permettrait d’observer les capacités préservées du malade et pourrait être le point de

départ d’une prise en charge adaptée.

Comparaison entre le GSC/GCL et la WHIM chez 23 patients dans le coma suivis prospectivement. Pour les comas profonds, le GCS/GCL est plus sensible (grâce à la cotation des réflexes du tronc). Pour la période de récupération, la WHIM permet de mettre en évidence des progrès subtils non mis en évidence par le GCS/GLS. Van der Linden, Majerus. Données non publiées (Arobase 5).

2001.

Partie I : Coma et autres états d’altération de la conscience

35

D) The Sensory Modality Assessment Rehabilitation Technique (SMART)

C’est à la fois une échelle d’évaluation et un outil de rééducation basé sur un

programme de stimulation sensorielle (70).

Cette échelle comprend deux phases:

-une phase d’observation de base (10min)

-une phase de cotation de 10 sessions sur 3 semaines (avec un nombre égal d’évaluation le

matin et l’après midi).

Pour donner le maximum de chance au patient de pouvoir exprimer ses capacités résiduelles,

huit modalités sont testées : 5 sensorielles, les fonctions motrices, la communication et l’éveil.

Le temps de passation est d’environ 30 min.

Conclusion de la partie I

Les états de conscience détériorée (coma, état végétatif, sommeil profond…) se prêtent

difficilement aux analyses comportementales, car presque toutes ces manifestations

cliniques sont abolies. Corrélativement, on présume abolis les processus cognitifs chez ces

patients. Cela peut être une source d’erreur car les comportements sont une mesure très

indirecte de la conscience et des capacités cognitives résiduelles. Certaines techniques

d’explorations électrophysiologiques permettent de s’affranchir d’une absence de réponse

comportementale. Elles sont couramment utilisées chez les patients dans le coma afin

d’évaluer le fonctionnement de leur système nerveux central, de leur systèmes sensoriels et

de leur capacité d’intégration cognitive de divers stimuli.

36

PARTIE II :

Les techniques

électrophysiologiques

utilisées en soins

intensifs

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

37

I ) L’électroencéphalographie (EEG)

Le 1er enregistrement EEG a été réalisé chez l’homme en 1929 par Hans Berger.

L’EEG est le recueil de l’activité bioélectrique (d’origine corticale post synaptique

essentiellement) au moyen d’électrodes placées sur le scalp. Cette activité bioélectrique

correspond à des différences de potentiel électrique entre deux électrodes. Les signaux EEG

sont de faibles amplitudes, alternatifs, entrant dans la bande des fréquences basses et très

basses (de 0,5 à 60 Hz). Cette faible amplitude (de l’ordre de la centaine de µv) explique que

cette technique soit exposée aux artéfacts (contraction musculaire, parasite électrique

d’appareils des soins intensifs…).

L’EEG a longtemps représenté la seule technique non invasive dans l’investigation

cérébrale. L’avènement des techniques d’imagerie structurelle non invasives (comme le

scanner ou l’IRM) ont réduit le champ d’application de l’EEG.

Ce n’est pas pour autant que l’EEG a perdu tout son intérêt, en effet, au contraire des

techniques neuroradiologiques classiques, il explore le fonctionnement cérébral avec une

résolution temporelle excellente (de l’ordre de la milliseconde) et complète donc les données

anatomiques. Par ailleurs, il s’agit d’un examen peu onéreux, réalisable au lit du malade de

Hans

Berger

Exemple de tracé EEG normal d’un patient enregistré dans le service d’électrophysiologie de la Pitié-Salpêtrière. L’ouverture

des yeux bloque le rythme α qui est bien visible sur les dérivations occipitales. L’ensemble des dérivations étudiées simultanément constitue un montage. Par convention, les numéros pairs concernent l’hémisphère droit et les impairs l’hémisphère gauche. Une dérivation enregistre l’activité électrique cardiaque (ECG).

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

38

manière répétée. Ses principales indications restent l’étude de l’épilepsie, du sommeil et

l’exploration des troubles de la conscience comme le coma.

Dans l’exploration des altérations de conscience, l’EEG participe à la réflexion (en

complément des données cliniques et paracliniques) sur le plan étiologique et pronostique.

L’interprétation d’un EEG est toujours fonction du contexte clinique.

Cette interprétation de l’EEG des patients dans le coma doit suivre le plan habituel :

-décrire le rythme de fond : fréquence, répartition, amplitude, modulation, réactivité.

-rechercher des anomalies paroxystiques.

Ces anomalies du rythme de fond ou paroxystiques peuvent soit être présentes sur

quelques dérivations (reflétant un dysfonctionnement focal du système nerveux), soit être

présentes sur l’ensemble du scalp en cas de dysfonctionnement généralisé.

*Les anomalies du rythme de fond :

Elles peuvent être diffuses ou focales ; réactives ou aréactives.

-On décrit les rythmes β rapides, le plus souvent d’origine pharmacologique (devant faire

soupçonner une imprégnation médicamenteuse toxique par benzodiazépines ou

barbituriques). Ils ont une topographie le plus souvent à prédominance fronto-centrale.

Si l’imprégnation médicamenteuse s’accroit on observe un ralentissement de ces oscillations

vers l’α, puis le τ, puis des discontinuités électriques peuvent apparaître avec au maximum,

un tracé isoélectrique. Cette évolution « biphasique » serait assez caractéristique des

substances sédatives GABA-ergiques.

-Les activités lentes :

On parle de rythme δ en dessous de 3hz. Ces activités lentes seraient liées à la dénervation

cholinergique qui peut être physiologique (sommeil lent) ou signer une pathologie focale ou

diffuse.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

39

-L’ « α-coma » :

Le tracé ressemble à celui d’un sujet normal, mais est monomorphe sur l’ensemble du scalp,

monotone au cours du temps et non de réactif à la stimulation. C’est un tracé de mauvais

pronostic, notamment en cas de coma post anoxique.

-L’EEG pauvre, microvolté :

Une dépression focalisée doit faire suspecter un hématome extra ou sous dural (responsable

d’une augmentation de la distance entre le cortex et les électrodes d’enregistrement).

*Les anomalies morphologiques « paroxystiques » :

En unités de soins intensifs, les crises d’épilepsie et les états de mal peuvent survenir en

l’absence de convulsions. L’absence de convulsion peut être due à la curarisation de certains

patients, aux lésions corticales ou médullaires (pouvant être responsables d’une paralysie

motrice)…

Les tracés avec « burst-suppression » d’origine post anoxique sont souvent de très mauvais

pronostic.

Les ondes triphasiques à prédominance frontale sont suggestives d’une encéphalopathie

métabolique, le plus souvent hépatique.

A) Contribution de l’EEG au diagnostic étiologique du coma

L’EEG est indispensable et contributif dans de nombreuses situations :

- Etat de mal épileptique :

L’EEG est une technique essentielle pour le diagnostic, le suivi et l’évaluation de l’efficacité

du traitement anti épileptique.

C’est également un examen essentiel dans le dépistage des états de mal épileptiques parfois

non convulsifs qui peuvent être la cause première du coma ou un facteur d’aggravation.

- Encéphalopathies métaboliques secondaires :

Le plus souvent ces encéphalopathies sont dues à la réaction d’un cerveau normal à un

environnement métabolique anormal. L’EEG peut être utilisé comme un index de mesure de

l’importance du dysfonctionnement métabolique.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

40

Le coma sur encéphalopathie hépatique est

caractérisé par la présence quasi-permanente

d’ondes triphasiques à prédominance

antérieure. De telles ondes se voient également

dans d’autres comas métaboliques comme le

coma urémique par insuffisance rénale (dans

20% des cas) (88).

Mais beaucoup d’encéphalopathies

métaboliques sont seulement associées à un

ralentissement de l’EEG proportionnel à

l’importance de la cause (par exemple

l’ammoniémie pour l’insuffisance hépatique ou

l’urémie pour l’insuffisance rénale).

Pour l’encéphalopathie hépatique, on utilise la classification de Child dont un des paramètres

est la fréquence et l’amplitude du rythme EEG.

-Stade 1 : fréquence > à 7Hz

-Stade 2 : de 5 à 7 Hz

-Stade 3 : de 3 à 5 Hz

-Stade 4 : < à 3 Hz

- Encéphalopathies infectieuses :

-L’encéphalopathie herpétique est caractérisée pendant quelques jours par une activité

périodique d’ondes lentes à front raide localisée au niveau du lobe temporal.

-Au stade évolué, la maladie de Creutzfeldt-Jakob détermine une activité de pointes

périodiques permanentes sur une activité de fond lente ou même un silence électrique.

Ci contre : tracé riche en ondes triphasiques d’un patient dans un coma (encéphalopathie hépatique ammoniémie : 109µg/mL).

Kaplan. Journal of Clinical neurophysiology. 2004. (100)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

41

Enfin, un EEG normal apporte des indices importants pour les états de non réponse

psychogène et les locked-in syndromes. Cependant, certains patients comateux et donc en

l’absence de conscience, présentent un EEG normal (les fonctions des noyaux réticulaires

classiques doivent donc être conservées).

B) Contribution de l’EEG chez les patients comateux sur le plan pronostique

B-1) Appréciation de la profondeur du coma

La classification de Hockaday (1965) en 4 stades de la profondeur du coma à partir des

données EEG tend peu à peu à être abandonnée car trop simplifiée (85).

-Stade I ou coma vigile : caractérisé par un ralentissement du rythme de fond et reste réactif.

-Stade II : caractérisé par la présence d’ondes δ diffuses, avec parfois des ondes plus rapides

notamment pendant les stimulations.

-Stade III : activité δ de topographie plus antérieure et aréactive aux stimuli.

-Stade IV : EEG isoélectrique.

Eléments à front raide latéralisés pseudopériodiques typiques d’une encéphalopathie herpétique. Interprétation des examens complémentaires en neurologie. J.-M.Léger. (collection : Traité de Neurologie)

Activités triphasiques périodiques diffuses typiques d’un stade terminal de Creutzfeldt-Jakob.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

42

En 1972, Plum et Posner ont décrit un parallélisme entre l’aspect EEG et le niveau de

dysfonctionnement axial du système nerveux central, la gravité du coma croissant avec

l’extension vers le bas de la limite inférieure du dysfonctionnement (163).

2 types d’EEG conservent une bonne réactivité et sont de bon pronostic:

- Si présence d’activités proches du sommeil stade II (fuseau), ralentissement du rythme de

fond : ondes lentes τ et δ en faveur d’un dysfonctionnement cortico-sous cortical.

- Si tracé diphasique ou « coma alternant » avec alternance de rythmes rapides peu voltés et

d’ondes δ monomorphes amples en faveur d’un dysfonctionnement diencéphalique.

EEG avec un pronostic plus péjoratif :

-Si tracé monophasique lent, avec ondes δ polymorphes, parfois surchargé de fréquences plus

rapides et réactives à la stimulation douloureuse en faveur d’un dysfonctionnement au niveau

méso-diencéphalique.

- Si présence d’ondes δ polymorphes très lentes aréactives en faveur d’un dysfonctionnement

mésencéphalique.

- Si constitué par des rythmes rapides de bas voltage, ressemblant à l’α, parfois appelé « α-

coma ». Cet aspect est monomorphe sur l’ensemble des dérivations et est complètement

aréactif. Cela signe le plus souvent un dysfonctionnement protubérantiel. Le coma est alors le

plus souvent dans ce cas irréversible.

- Le tracé discontinu (burst-suppression) qui, s’il n’est pas toxique, peut être considéré

comme pré-agonique.

Activité δ diffuse aréactive au cours d’un coma traumatique. Tracés tirés de « Interprétation des examens complémentaires en neurologie ». J.-

M.Léger. (collection : Traité de Neurologie)

Activité de type « pseudo-α » au cours d’un coma profond par lésion protubérantielle.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

43

En résumé, pour les comas post-anoxiques ou post-traumatiques :

• Les signes en faveurs d’un bon pronostic sont :

- Un tracé faiblement altéré avec persistance de cycles veilles-sommeil (coexistence au sein

du tracé de pattern électriques différents témoins de fluctuation de la vigilance).

- Une réactivité franche aux stimuli.

La réactivité du tracé constitue un élément pronostic essentiel. On recherche le plus souvent la

réactivité à la douleur, qui en raison de lésions neurologiques possibles doit être évaluée de

manière bilatérale. Elle peut présenter chez le patient comateux un aspect très varié.

-une réaction d’arrêt classique (disparition de l’α). Il faudra alors éliminer un état

de non réponse psychogène et un locked-in syndrome.

-l’apparition de complexes K, notamment aux stimulations auditives.

-l’apparition, le plus souvent, de bouffées lentes diffuses de grandes amplitudes.

• Les signes de mauvais pronostics sont :

-Les tracés monomorphes monotones notamment l’« α−coma ». Mais attention,

l’ « α−coma » n’est pas spécifique de l’anoxie et peut se rencontrer dans certains

dysfonctionnements primaires du tronc cérébral ou dans le cas d’intoxication

médicamenteuse. Il reste alors compatible avec une évolution favorable dans 15% des cas (11).

-Les tracés particulièrement pauvres en l’absence de sédation ou d’intoxication

médicamenteuse (« burst-suppression », δ de faible amplitude, et EEG isoélectrique)

-Les tracés non réactifs aux stimulations externes.

B-2) Apport pour le diagnostic de la mort cérébrale

L’apport de l’EEG est fondamental dans le diagnostic de mort cérébrale chez les

patients dont les organes sont maintenus artificiellement en vie par des appareils de

réanimation.

La mort cérébrale est définie par :

- En l’absence d’hypothermie et d’intoxication médicamenteuse (barbituriques…) qui peuvent

induire des silences EEG prolongés de plusieurs heures.

- Une absence de respiration spontanée et une abolition des réflexes du tronc

- 2 EEG, à un intervalle minimum de 4h, nuls et aréactifs sous amplification maximale avec

une durée d’enregistrement 30 minutes minimum.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

44

Depuis 1989, concernant la réalisation technique de l’électroencéphalogramme, la société française de neurophysiologie recommande :

o Un minimum de 8 électrodes sur le scalp et des électrodes de référence au lobe de l'oreille. o Les résistances inter-électrodes doivent avoir moins de 10.000 ohms mais plus de 100 ohms. o Pour tester le bon fonctionnement du système d'enregistrement, chaque électrode du montage doit être

manipulée doucement pour créer un potentiel artéfactiel. o La distance inter-électrode doit être d'au moins 10 cm. (montage à grande distance) o La sensibilité doit être de 7.0 à 2.0 microvolts par mm pendant la majeure partie de l'enregistrement. o Des constantes de temps de 0,3 à 0,4 secondes doivent être utilisées pendant une partie de

l'enregistrement. o Des dispositifs de monitoring sont recommandés pour évaluer les artefacts extra-cérébraux (ECG :

électrodes sur le dos de la main droite). o Des tests pour apprécier la réactivité à la douleur, aux bruits intenses, à la lumière doivent être

appliqués. o La durée de l'enregistrement, doit être au moins de 30 minutes. o L'enregistrement doit être fait par un technicien qualifié. o L'enregistrement doit être répété si un doute existe sur le silence électrique cérébral. o Un EEG transmis par téléphone ne convient pas pour la détermination du silence

A amplification maximale, le tracé est constitué de lignes droites, isoélectriques. Cette forte

amplification peut être responsable de l’apparition d’artéfacts qu’il est important de

reconnaître. Il s’agit le plus souvent de l’électrocardiogramme (facile à repérer car une

dérivation ECG est toujours présente sur un tracé EEG), d’artéfacts rythmiques liés aux

appareils de réanimation (respirateurs…), ou d’artéfacts de contraction musculaire le plus

souvent temporale (mais non réactifs).

B-3) Apport pour le pronostic évolutif

Les modifications EEG se voient d’un jour à l’autre, aussi la première semaine, est

conseillé un enregistrement quotidien des patients dans le coma. Le retour progressif de la

conscience s’annonce par la réapparition d’une réactivité d’abord à la douleur, puis aux autres

types de stimuli. Pour les comas d’origine métabolique, l’EEG s’améliore progressivement

parallèlement à la diminution de « l’intoxication métabolique » ; le rythme de fond devient

plus ample, plus régulier (la récupération d’un rythme α même irrégulier et ralenti correspond

au réveil du patient.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

45

Limites :

- L’EEG réalisé au stade aigu du coma présente une faible sensibilité et spécificité

pronostiques. Par exemple, Jorgensen en 1981 a montré que 37/125 patients sans activité

corticale immédiatement après une réanimation cardiopulmonaire sont redevenus conscients.

De même, dans les traumatismes crâniens de l’enfant, des ondes δ très lentes et peu réactives

peuvent être réversibles après quelques jours et sont probablement liées à un œdème cérébral

(96, 97).

La seule exception est pour les comas d’origine métaboliques pour lesquels l’EEG reflète

assez fidèlement le niveau de dysfonctionnement métabolique ou d’intoxication dès la

survenue du coma.

- Passée la phase subaiguë, l’EEG perd son intérêt pronostique. Il n’y a plus alors de rapports

significatifs entre l’état clinique et les modifications de l’EEG.

C’est donc surtout par l’aspect du tracé EEG au cours du premier mois (après 24 à 48H) et en

fonction de ses modifications, combiné avec les données cliniques qu’on pourra affiner le

pronostic d’un patient dans le coma.

II ) Les potentiels évoqués « primaires »

L’EEG permet d’enregistrer l’activité électrique corticale des patients dans le coma,

mais si celle-ci peut apporter des informations en vue d’un pronostic, les données restent trop

« globales ». Les potentiels évoqués offrent une approche plus ciblée permettant de mieux

identifier le système dysfonctionnel et le niveau du dysfonctionnement. Par rapport à l’EEG,

ils permettent de tester en plus du cortex, le tronc cérébral et également un niveau encore plus

périphérique.

Qu’est ce qu’un potentiel évoqué ?

Un potentiel évoqué est la réponse électrique recueillie à l’aide d’électrodes à la surface

du scalp suite à un stimulus ( qui peut être auditif, visuel, électrique…). Cette réponse, de

faible amplitude, est obtenue par moyennage successif d’un grand nombre d’essais afin de

faire disparaître le bruit de fond (activité cérébrale non liée à la tâche, survenant de manière

non synchrone, « aléatoire », par rapport à la présentation du stimulus).

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

46

En fonction du choix de la période temporelle étudiée, les ondes recueillies reflèteront

un niveau d’intégration neurologique différent (tronc cérébral, diencéphale, cortex auditif puis

associatif).

Pour enregistrer les composantes corticales des potentiels évoqués par un stimulus, il

faut l’intégrité fonctionnelle des récepteurs sensoriels et de leurs voies afférentes. La

disparition isolée d’un composant signe une atteinte de ce niveau d’intégration. Ainsi, une

véritable exploration du système sensoriel peut être réalisée chez les patients non collaborants

(comme les patients dans le coma).

Extraction du fragment d’EEG faisant suite au stimulus et

moyennage des différents « essais ».

PEA du tronc cérébral <10msPEA du tronc cérébral <10ms

PEA de moyenne latence

(thalamus & A1) <80ms

PEA de moyenne latence

(thalamus & A1) <80ms

PEA tardifs >80ms

(intégration corticale)

PEA tardifs >80ms

(intégration corticale)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

47

Potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral. « Interprétation des examens complémentaires en neurologie ». J.-

M.Léger. (collection : Traité de

Neurologie.)

A) Les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (dits aussi potentiels évoqués auditifs précoces)

Les ondes enregistrées au vertex pendant les 10 premières ms après un click

correspondent aux potentiels de champ lointain liés à l’activation des voies auditives dans le

tronc cérébral. Les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (Brainstem Audititory

Evoked Potentials : BAEP) évaluent l’état fonctionnel des voies auditives dans le pont depuis

la partie basse du mésencéphale jusqu’aux colliculi inférieurs.

Ils consistent en cinq à huit pics de polarité positive au vertex, identifiés par des chiffres

romains. Les pics principaux de I à V sont les plus utilisés en clinique. Les pics plus tardifs

sont variables et inconstants et donc non utilisés en routine clinique.

-Le pic I est produit dans la portion cochléaire du nerf auditif. Si la fonction cochléaire est

préservée le pic I doit être présent. Il s’agit souvent de la seule composante préservée dans la

mort cérébrale. (En l’absence de pic I, les BAEP ne sont pas interprétables.)

-Le pic II est produit au niveau de la partie proximale du nerf cochléaire ou au niveau du

noyau cochléaire. Il peut être préservé dans la mort cérébrale.

-Le pic III est produit à la partie inférieure de la protubérance.

-Les pics IV-V sont probablement liés à l’activation des voies auditives du lemnisque latéral

dans la partie basse du mésencéphale. Le pic V est un pic robuste qui est présent pour de

faibles intensités de stimulation, ou en cas de perte auditive sur les hautes fréquences. (Il est

utilisé pour la détection du seuil auditif.)

Les BAEP permettent une évaluation fonctionnelle des voies auditives dans le tronc cérébral,

et donc nous renseignent sur l’état du tronc cérébral.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

48

L’idée que les BAEP pourraient servir d’indicateurs pronostiques chez un patient dans

le coma vient du caractère nécessaire de la fonctionnalité des systèmes d’éveils situés à la

partie haute et postérieure du tronc cérébral. Par ailleurs, un des avantages des BAEP est que,

contrairement à l’EEG, ils sont peu sensibles aux médicaments sédatifs (benzodiazépines,

barbituriques…) fréquemment utilisés en réanimation.

Chez les patients dans le coma, les potentiels sont souvent côtés de cette façon :

- grade 1 : normaux

- grade 2 : allongement de la latence I-V sans modification d’amplitude

- grade 3 : amplitude V/ I<0,5

- grade 4 : pas de détection d’onde V

- grade 5 : seule présence de l’onde I

Résultats :

• Dans l’étude de Fischer et al de 2004, portant sur une étude prospective à 1 an

d’un groupe de 346 patients dans le coma d’étiologie variée, les résultats des potentiels

évoqués auditifs du tronc cérébral n’ont apporté aucun élément pronostique de réveil (53).

317 patients sur 346 (91,6%) avaient des BAEP normaux ! Et seulement 217/317 se sont

réveillés (68,4%). Présents, ils attestent de l’intégrité fonctionnelle des voies auditives dans le

tronc, mais ce niveau d’intégration n’est pas suffisant pour être un indicateur de retour

prochain à l’état de conscience.

Une absence de BAEP n’est pas non plus synonyme de mauvais pronostic de réveil, car 19/29

des patients avec anomalie des BAEP se sont finalement réveillés.

La principale critique que l’on peut faire à cette étude est que les résultats ne sont pas corrélés

à l’étiologie du coma (dont on connaît l’importance pronostique).

Exemple d’enregistrement des potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral chez un patient dans le coma. Logi F et al. Clin Neurophysiol. 2003. (119)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

49

• Pour Logi et al la valeur pronostique des BAEP dépendrait étroitement de

l’étiologie du coma (119). Ils seraient plus souvent altérés en cas de coma post traumatiques et

moins sensibles à l’anoxie (tous les patients en coma post anoxique avaient des potentiels

grades 1 ou 2). Mais même en tenant compte de l’étiologie du coma, la valeur pronostique de

ce test est mauvaise.

-En effet, 16% des patients (groupe post traumatique et post AVC) avec BAEP franchement

altérés (grade 3 et 4) se sont réveillés.

-87% des patients toujours dans le coma à 3 mois avaient des BAEP grade 1 ou 2

-87% des patients morts avant la fin du 3ème mois avaient des BAEP grade 1 ou 2

B) Les potentiels évoqués auditifs de moyenne latence

Il s’agit de potentiels évoqués (une négativité : Na, suivie d’une positivité : Pa)

enregistrés entre 30 et 80 ms suite à un stimulus auditif, sensés refléter l’activation du cortex

auditif primaire. Quelques rares études suggèrent que les potentiels évoqués auditifs de

moyenne latence (PEAML) pourraient servir d’indicateurs de mauvais pronostic de réveil en

cas d’absence.

L’absence de PEAML dans un coma post anoxique aurait une valeur prédictive

positive de non réveil de 100%, tandis que cette valeur diminuerait pour les étiologies

traumatiques ou vasculaires (119). La présence d’une onde Pa d’amplitude normale chez les

patients dans le coma serait un indicateur minime « positif » de réveil. (72,6% des patients

réveillés à 3 mois avaient une Pa d’amplitude normale, au lieu de 53,4% pour les patients non

réveillés à 3 mois et 48,2% pour les patients morts à 3 mois (119).)

Donc, en résumé, ces études sont en faveur de l’absence de rôle des potentiels évoqués

auditifs du tronc cérébral comme indicateur pronostique de réveil ou de non réveil

d’un patient dans le coma.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

50

C) Les potentiels évoqués somesthésiques

Les potentiels évoqués somesthésiques (PES) sont des potentiels électriques traduisant

l’activité des voies somatosensitives au niveau périphérique, spinal, sous cortical et cortical.

Les réponses précoces sont obtenues pendant les 60 ms suivant la stimulation électrique d’un

nerf périphérique. Pour les patients comateux, on stimule le plus souvent le nerf médian (de

manière bilatérale), rarement le nerf tibial postérieur.

Comme pour les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral, la plupart des agents

pharmacologiques fréquemment utilisés en réanimation ont peu d’effet sur les PES précoces.

Seul des surdosages importants en médicaments dépresseurs du système nerveux central

peuvent allonger le temps de conduction centrale.

A gauche : enregistrement de PES après stimulation du nerf médian droit. L’amplitude de la N20 est mesurée pic à ligne de base et pic/amplitude de N24. A droite : exemple d’abolition de la N20. Epi=électrode point d’Erb ipsilatérale à la stimulation ; Cv6=électrode sur 6ème vertèbre cervicale ; AC= électrode cervicale antérieure ; Pi = électrode pariétale ipsilatérale à la stimulation ; Pc= électrode pariétale controlatérale à la stimulation ; A1= électrode mastoïde droite ; Fz= électrode frontale médiane. Logi F et al. Clin Neurophysiol. 2003. (119)

Enregistrement simultané des potentiels évoqués auditifs précoces (= du tronc cérébral) et de moyenne latence (=cortex auditif primaire) chez un sujet normal. (Positivité vers le haut). Logi F et al.

Clin Neurophysiol. 2003. (119)

Enregistrement des potentiels évoqués précoces et de moyenne latence chez un sujet dans le coma. L’amplitude de Pa est réduite en F3-A1 et Pa est absent en F4-A1. Logi F et al. Clin Neurophysiol. 2003. (119)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

51

Les PES nous renseignent sur l’intégrité fonctionnelle des voies somatosensitives au

niveau périphériques, du tronc cérébral, des projections thalamo-corticales, jusqu’au niveau

du cortex sensorimoteur primaire (N20).

La composante d’intérêt privilégiée est la N20, car si elle est d’amplitude et de latence

normale, elle signe l’intégrité fonctionnelle des voies somatosensitives jusqu’au cortex

sensitif primaire. Les composantes plus précoces sont mesurées afin de vérifier l’intégrité

des voies périphériques (N9), au niveau cervical (N13) et au niveau de la jonction cervico-

bulbaire (P14). Le plus souvent seule l’onde P14 est mesurée en plus de l’onde N20 chez les

patients dans le coma. En effet, la présence d’une onde P14 permet de s’assurer de

l’interprétabilité d’une absence d’enregistrement de l’onde N20. Une onde P14 présente avec

une onde N20 absente signe donc une anomalie de conduction intracrânienne.

L’enregistrement se fait au lit du malade, et ne nécessite aucune coopération. Il est

recommandé de n’enregistrer les PES qu’après 24 à 48h après la survenue du coma.

En cas d’asymétrie entre la droite et la gauche, la meilleure réponse est retenue pour

l’interprétation des résultats. En cas d’absence d’onde N20 sur un premier enregistrement, on

recommande d’enregistrer une seconde fois le patient afin de confirmer les résultats.

Que nous apportent les PES dans l’évaluation du pronostic d’un patient dans le coma ?

(Résultats de la méta-analyse réalisée en 2003 par Lawrence Robinson et al (169).)

Les auteurs ont repris les données de 41 études au sujet de PES et coma entre 1983 et

2000. Ces études devaient inclure des données à propos de l’étiologie du coma, l’âge, la

présence ou l’absence de PES (réponse N20), et le devenir du patient.

Au total, les données de 2701 patients ont été étudiées.

Les PES ont été classés comme absents, anormaux (critères variables selon les études :

conduction centrale allongée, amplitude basse…) ou normaux.

Le taux de réveil (intervalle de confiance de 95%) a été calculé en fonction de l’étiologie et de

l’âge (cf tableau ci-dessous).

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

52

Taux de réveil en fonction des résultats des PES et du groupe (étiologie et âge)

PES absents PES anormaux PES présents

Adultes :Anoxie 0% (0 à 1%) 22% (17 à 26%) 52% (48 à 56%)

Adultes :Hémorragie

intracrânienne 1% (0 à 4%) / 38% (27 à 48%)

Adultes et adolescents :

Traumatisme crânien 5% (2 à 7%) 70% (64 à 75%) 89% (85 à 92%)

Enfants-adolescents : 7% (4 à 10%) 69% (61 à 77%) 86% (80 à 92%)

La spécificité reste très élevée pour les autres étiologies.

En revanche, la présence d’une N20 est peu prédictive de réveil dans le groupe des

patients post anoxiques (environ la moitié des patients avec présence d’une N20 normale, ne

se réveilleront pas). Pour les comas post traumatiques ou post AVC, il existe une petite valeur

prédictive positive de réveil en cas de présence d’une N20.

Les résultats sont en faveur d’une très haute spécificité de prédiction de non réveil en

l’absence de PES (composante corticale N20). Cette spécificité est de 100% s’il s’agit d’un

coma post anoxique (sur 18 études et 336 patients !). C'est-à-dire qu’un patient dans un

coma post anoxique sans N20 a moins de 1% de chance de se réveiller.

Pourcentage de réveil en fonction de la présence ou l’absence des PES dans différents groupes : adultes coma anoxique (HIE), adultes hémorragie intracrânienne (ICH), adultes traumatisme crânien (TBI), enfants et adolescents toutes étiologies (sauf TBI adolescents comptés avec les adultes). Lawrence Robinson et al. Crit Care Med.

2003. (169)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

53

Limites dans l’intérprétation de ces résultats :

Tout d’abord, les études utilisées pour cette méta-analyse sont hétérogènes sur le plan

de la méthodologie, par exemple pour le moment du test par rapport à la survenue du coma,

pour la technique utilisée (notamment la fréquence de stimulation) et la durée du suivi. Mais

ces différences ne semblent pas pouvoir constituer une source importante d’erreur dans

l’interprétation des résultats.

Plus sérieuse est la critique de «la prophétie auto-réalisée ». En effet, toutes ces études

sont rétrospectives. Or les PES sont utilisés comme outil pronostique par les réanimateurs

(connus depuis le début des années 80) ; les résultats des enregistrements sont donnés aux

réanimateurs qui sont probablement influencés dans leur décision de poursuite ou non des

soins.

La moins bonne valeur prédictive de non-réveil des PES dans le coma chez les enfants (7% de

réveil si N20 absente) pourrait être expliquée par une meilleure plasticité cérébrale à cet âge,

mais également parce qu’à cet âge les décisions de maintien de réanimation sont peut être

moins influencées par les résultats des PES mais également par le désir de la famille…

Les potentiels évoqués corticaux évaluent les structures nerveuses sensibles à l’anoxie,

et en particulier les cortex primaires, qui au sein des structures sensibles, en constituent les

plus résistantes. Par ailleurs, comme l’onde Pa des potentiels auditifs de moyenne latence

(activation du cortex auditif primaire), l’onde N20 résiste à tous les facteurs d’interférence

(abaissement de la température corporelle, facteurs toxiques et métaboliques) habituellement

rencontrés en USI. La présence d’une onde P14 permet d’interpréter l’absence de N20 chez

un patient anoxique comme un signe de décortication fonctionnelle.

Une disparition des composantes corticales primaires des PE ne peut être expliquée par une

origine métabolique isolée et doit faire rechercher un dysfonctionnement cérébral structurel

surajouté.

Quelle plus value apportent les potentiels évoqués somesthésiques par rapport aux autres

examens usuels cliniques et paracliniques ?

(Résultats de la méta-analyse de Carter et Butt réalisée en 2005 (22).)

Les auteurs ont comparé la valeur prédictive de l’examen clinique (réactivité pupillaire,

réponses motrices et score de Glasgow), de l’EEG et du scanner cérébral comparativement

aux potentiels évoqués somesthésiques au travers de 25 études (ayant collecté toutes ces

données mais sans précision sur l’étiologie du coma).

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

54

Pour la prédiction de non réveil, les PES (absence de N20) ont la plus grande

valeur prédictive de non réveil comparativement à tous les autres tests pris

indépendamment (réactivité pupillaire, réponse motrice…). Néanmoins la sensibilité des

PES est mauvaise (capacité à prévoir l’absence de réveil par rapport à l’ensemble des

patients) comparativement à la réponse motrice et la réactivité pupillaire.

Les PES sont l’examen le plus spécifique de prédiction de mauvais pronostic

(absence de N20) chez un patient dans le coma comparativement à la clinique ou aux

autres examens paracliniques usuels pris indépendamment. Si l’origine du coma est

anoxique, une absence de N20 après 48h signe l’absence de réveil possible (moins de

1%).

Néanmoins, chez la très grande majorité des patients les PES sont présents (par exemple,

dans l’étude de Logi et al : sur 131 patients dans le coma d’étiologie variée, seuls 12 patients

avaient une abolition des PES. Aucun ne s’est réveillé (119).) et donc cet examen est la

plupart du temps peu informatif sur le devenir du patient.

Peut-on augmenter la sensibilité des PES ?

- D’après Logi et al, chez les patients post anoxiques : il semble que la sensibilité puisse être

étendue en conservant une spécificité de 100%. Pour cela, il faut tenir compte de l’amplitude

de la N20. Si la réponse N20 est présente mais que son amplitude est réduite sous une valeur

seuil (pic-baseline<0,6 µV ou pic à pic < 1,2µV), aucun des patients ne s’est réveillé (119).

- Madl et al suggèrent que les PES de longue latence (avec la composante N30 enregistrée en

frontal) seraient plus sensibles que les PES standards (basés sur la N20). L’absence de la N30

serait plus souvent associée à un mauvais facteur pronostic de réveil. Mais, il semble que cette

composante signant une intégration cognitive soit variable selon les individus et hautement

sensible à la sédation et aux artéfacts, et donc plus difficilement utilisable.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

55

D) Peut on tester grâce aux potentiels évoqués l’intégrité fonctionnelle des autres voies sensorielles chez les patients dans le coma ?

D-1) Modalité visuelle

Peu de données existent sur l’enregistrement de potentiels évoqués visuels chez les

patients dans le coma. L’utilisation de flash permet de stimuler la rétine malgré la fermeture

des paupières. En 1990, Firsching R. et al ont enregistrés les potentiels évoqués visuels au

flash chez 112 patients dans le coma d’étiologie variée 36h après leur admission, l’abolition

bilatérale des potentiels était associée à un taux de mortalité de 98%. En revanche, seulement

60% des patients avec VEP normaux ont survécu (51).

Les VEP pourraient donc être associés aux PES afin d’augmenter la sensibilité de ces deux

tests pris isolément.

D-2) Modalité olfactive et gustative

Les modalités olfactives et gustatives n’ont jamais été testées en potentiel évoqué chez

les patients dans le coma (d’après la base de données Pubmed).

Chez le sujet conscient, les potentiels évoqués olfactifs (« olfactory evoked potentials ») sont

parfois utilisés en ORL pour attester objectivement de l’intégrité fonctionnelle des voies

olfactives, souvent pour des raisons médicolégales avant chirurgie. Un olfactomètre stimule

électriquement la muqueuse nasale.

Dans la littérature, quelques articles évoquent l’existence de potentiels évoqués gustatifs

(« gustatory evoked potentials ») comme possible moyen d’attester objectivement de

l’intégrité des voies gustatives. La stimulation se ferait grâce à un électrogustatomètre

(stimulation électrique dans certaines régions gustatives de la langue qui induirait la

perception d’un goût chez les sujets sains ou grâce à de l’eau salée (131).

Mizoguchi et al ont mis en évidence chez 5 sujets sains 3 composantes en potentiels évoqués

gustatifs suite à la présentation de 0,3 ml d’eau salée: la P1, la N1 et la P2. En MEG, l’origine

de la P1 a été localisée au niveau du cortex gustatif primaire, tandis que la N1 et la P2 ont

pour origine l’activation de plusieurs structures corticales comme la partie inférieure de

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

56

l’insula et le sillon temporal supérieur signant déjà un niveau supérieur d’intégration

gustative. Mais là aussi, il n’y a eu encore aucune application de cette technique chez les

patients dans le coma.

Disposer de techniques permettant de tester l’intégrité fonctionnelle des différents systèmes

sensoriels pourrait nous apporter des renseignements intéressants chez les patients comateux.

En conclusion :

On appelle potentiels évoqués « primaires » les potentiels évoqués enregistrés au

niveau du scalp suite à l’administration d’un seul type de stimulus (auditif, sensitif, visuel ou

autres). Ils ont pour but de tester l’intégrité fonctionnelle des voies sensorielles depuis les

récepteurs jusqu’au cortex cérébral. En pratique, seuls les PES et les potentiels précoces

auditifs sont couramment utilisés (ces derniers correspondent à l’activation au niveau du

tronc cérébral, tandis que les potentiels auditifs de moyenne latence ou les potentiels évoqués

visuels ne sont pas étudiés le plus souvent).

Après un coma d’origine anoxique, les potentiels évoqués « primaires » sont donc assez

performants pour affirmer un mauvais pronostic (en cas d’absence qui est dans ce cas le plus

souvent symétrique). Mais ils sont peu sensibles pour annoncer un bon devenir. Cela est

probablement du au fait que les structures impliquées (voies dans le tronc cérébral et cortex

primaire auditif et sensoriel) sont trop résistantes à l’anoxie. Lorsqu’elles sont touchées, cela

reflète une anoxie sévère et implique des lésions étendues au niveau des structures corticales

et sous-corticales plus sensibles à l’anoxie. Le pronostic est alors sévère (Valeur prédictive de

non réveil de 100% si absence bilatérale des PES). Pour gagner en sensibilité, il faudrait donc

pouvoir évaluer les réseaux neuronaux plus sensibles à l’anoxie (cortex associatif…). C’est ce

que nous permettent de faire les potentiels évoqués cognitifs (cf Partie III chapitre III).

Après un coma d’origine traumatique, une absence de potentiels évoqués « primaires »

est également un facteur de mauvais pronostic. Elle signe des lésions traumatiques étendues

car bilatérales. Néanmoins, les lésions sont moins diffuses et peuvent être ciblées sur les voies

sensorielles testées (notamment pour les BAEP). Celles-ci n’étant pas directement impliquées

dans les circuits de la conscience, un réveil reste éventuellement possible : 5% si PES absents.

Le plus souvent l’altération des potentiels « primaires » reste incomplète (66% de réveil si

BAEP seulement altérés et 70% si PES altérés).

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

57

III ) Les potentiels évoqués auditifs cognitifs

Les patients sévèrement cérébrolésés présentent un registre comportemental restreint,

souvent de nature réflexe et ayant pour origine la moelle ou le tronc cérébral. Si grâce aux

potentiels évoqués « primaires », il est possible d’explorer l’intégrité des voies sensorielles

jusqu’au niveau du cortex sensoriel « primaire », les capacités d’intégration de l’information à

un niveau supérieur ne nous sont pas accessibles. (Jusqu’à quel niveau cette information est

elle traitée ?). Cela est possible grâce aux potentiels évoqués cognitifs (PEC ou de longue

latence) qui ont pour vocation d’explorer le fonctionnement de régions associatives

impliquées dans l’analyse cognitive du stimulus.

A) Choix du canal d’entrée sensoriel à utiliser

La plupart des études en PEC portant sur des patients

dans le coma utilisent des stimuli auditifs.

Cette modalité auditive de stimulation comporte en effet chez

ces patients plusieurs avantages :

- sa facilité : il s’agit de la modalité sensorielle la plus facile à

tester (utilisation d’écouteurs) et offrant une large variété de

stimuli utilisables possible et de manière reproductible.

-sa robustesse : chez des patients souvent cérébrolésés

(traumatisme crânien, AVC…), il est très rare que les lésions

soient responsables d’une surdité complète. En effet chaque

cochlée envoie ses informations au système nerveux central de

manière bilatérale (80% des fibres décussent, 20% restent

homolatérales). Un son perçu par une oreille arrive dans le lobe

temporal droit et gauche.

- le caractère « passif » : les stimulations auditives

permettent une tâche « en passif » chez ces patients.

Anatomie des voies auditives.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

58

Est-il possible d’utiliser d’autres modalités sensorielles?

Pour l’utilisation de la modalité visuelle, il faudrait obtenir une ouverture des yeux

(hormis pour les VEP au flash). Cette modalité pourrait être utilisée chez des patients en états

végétatifs qui ouvrent les yeux spontanément pendant la période d’éveil. Mais persistent

plusieurs difficultés à résoudre, notamment la nécessité d’une fixation oculaire, chez des

patients ayants souvent des mouvements oculaires spontanés. De plus, le cortex visuel est une

zone relativement sensible à l’anoxie, beaucoup de patients revenus à la conscience après

coma anoxique (arrêt cardiaque, intoxication au monoxyde de carbone) présentent des

troubles visuels pouvant aller d’une réduction du champ visuel, à une cécité corticale

complète. De même les voies visuelles sont souvent touchées lors d’un traumatisme ou d’un

AVC, avec comme retentissement une atteinte du champ visuel.

La modalité tactile (ou les voies somesthésiques) pourrait être utilisée. Il faudrait

auparavant s’assurer par des PES que les voies sensitives sont bien préservées jusqu’au cortex

sensoriel primaire. Mais il existe des difficultés dans l’élaboration de stimuli reproductibles et

variés utilisant cette modalité.

Les stimulations olfactives ou gustatives restent encore anecdotiques en potentiel

évoqués et nécessitent un matériel spécifique.

Alors que les potentiels évoqués du tronc cérébral et « primaires » ont pour fonction

d’explorer de manière « objective » l’intégrité des voies sensorielles depuis les récepteurs

sensoriels jusqu’au cortex primaire, les potentiels évoqués cognitifs explorent le traitement

des stimuli au-delà du cortex sensoriel primaire.

Le principe de base est de comparer les potentiels évoqués par deux types de stimuli

différents. Pour limiter les biais d’interprétation, les stimuli comparés ne doivent différer

idéalement que sur un paramètre. Une différence dans les potentiels enregistrés reflète alors la

préservation fonctionnelle des réseaux neuraux analysant ce paramètre (rareté, lien

sémantique…).

Aussi, dans un paradigme en potentiels évoqués cognitifs, la modalité sensorielle choisie n’est

pas l’objectif à évaluer, mais seulement un canal d’entrée pour induire des processus cognitifs

de plus haut niveau. Aussi, il me semble que la modalité la plus simple à utiliser et la plus

robuste doit être choisie (donc la modalité auditive) ; chez les patients sourds (lésions

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

59

cochléaires ou étendues du tronc cérébral) il pourrait être intéressant de disposer de

paradigmes utilisant un canal d’entrée sensoriel différent.

B) La P300

En 1965, Sutton et son équipe identifient un potentiel évoqué enregistrable sur le vertex

suite à la survenue aléatoire d’un stimulus attendu (189). Il s’agit d’une onde positive de

latence approximativement 300 ms après le stimulus, et cette composante est donc appelée

« P300 ». Il s’agit du premier marqueur électrophysiologique identifié d’un processus cognitif

pur (c'est-à-dire un marqueur de l’activité mentale détectant un stimulus attendu parmi

d’autres stimuli interférents).

Le paradigme le plus utilisé en potentiel évoqué auditif cognitif est connu sous le nom

de « odd-ball ». Il a été inventé en 1975 par Squires et al (186). Il utilise deux stimuli

différents délivrés de manière pseudo-aléatoire, dont l’un est rare (délivré dans 15 % des

essais) et l’autre fréquent (85 % des essais). Lorsque l’on demande à un sujet sain de faire

attention aux stimuli rares (comme les compter ou simplement les détecter), on observe une

très nette différence entre les potentiels évoqués correspondant aux essais contenant le

stimulus auditif rare et ceux contenant le stimulus fréquent : la P300.

(Si le stimulus cible ne diffère du stimulus interférent que par une caractéristique, la P300 est

un marqueur de détection de cette caractéristique précise. En modalité auditive, cela peut être

par exemple : la fréquence d’un son (en Hz), volume (en dB), un clic par rapport à une voix,

et même une omission parmi un train de click.)

Cette onde P300 est générée par l’activité d’un vaste réseau cortico-thalamique incluant

notamment des régions préfrontales, cingulaires antérieures, pariétales et hippocampiques

(variable en fonction de la modalité sensorielle du stimulus et des caractéristiques de la tâche).

En fait, depuis les travaux de Nancy Squires et de Steven Hillyard, on sait que la P300

comprend en réalité plusieurs sous-composantes (P3a, P3b) parfois difficiles à différencier

(186).

-La P3a, de latence plus précoce, serait générée au niveau frontocentral par n’importe quel

stimulus « physiquement » déviant par rapports aux stimuli fréquents indépendamment des

consignes ou de l’attente du stimulus rare. L’amplitude de la P3a serait corrélée à

l’importance de la déviance (ex : voix par rapport à un son pur…). Pour certains auteurs, la

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

60

P3a serait un index de glissement attentionnel automatique vers tout stimulus nouveau (186).

Elle ferait partie du réflexe d’orientation et serait en relation avec les processus d’alerte

d’origine frontale. La P3a pourrait exister en l’absence de conscience (=de rapportabilité) du

stimulus rare.

-La P3b, relèverait de la détection du stimulus déviant particulier dans la tâche de

discrimination en cours et donc contrairement à la P3a, l’attention et la conscience de celui-ci

serait nécessaire à la formation d’une P3b.

Si le sujet est conscient du stimulus rare souvent la P3b « écrase » la P3a. Les travaux

expérimentaux de Donchin et Coles suggèrent que la P300 et plus probablement la P3b,

serait la traduction électrophysiologique de la mise à jour de la mémoire de travail

explicite du sujet qui perçoit une information ; c'est-à-dire qu’elle refléterait un processus

associé à la conscience phénoménale du sujet : “j’ai perçu un son rare !” (46). On parle de

« context updating ».

Cette théorie a été remise en cause par Verleger en 1988. Ce dernier pense que la P300,

survenant lors de la récompense de l’attente, correspondrait plutôt à un processus de clôture :

c’est le « context closure ».

Moyennage PEAC paradigme « odd-ball » chez un sujet (fig de g) et chez 5 sujets (fig de droite) avec soit tâche

distractive (lecture d’un livre), soit tâche attentive (compter les stimuli rares).

(Fréquent= .9=90% ; Rare=.1=10% ; Et 50% de chaque=.5)

Une P3a est obtenue pour les sons rares, malgré l’inattention mais pas de P3b. Pour les tâches « attentives », obtention

d’une ample P3b englobant la P3a. Squires et al. Electroencephalography and Clinical neurphysiology. 1975. (186)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

61

Ce qui est sûr c’est que la P3b indexe une opération volontaire et un traitement conscient de

l’information.

Cependant la distinction de la P3a, de la P3b est difficile car leur latence varie suivant le

paradigme et la population étudiée (âge, état de conscience…). Donc on parle le plus souvent

de P300 sans distinguer P3a ou P3a+P3b.

Ceci explique que, chez les sujets sains, des paradigmes utilisant des stimuli délivrés sous le

seuil de la conscience (stimuli présentés sous le seuil auditif) aient pu entraîner une P300

(probablement une P3a) (43).

P300 (P3a?) et coma :

Une P300 en paradigme « odd-ball » auditif pourrait être enregistrée chez plus de 20%

des patients dans le coma. (Yingling et al : 2 patients sur 8 (211); Gott et al : 6 sur 20 (71);

Mutschler et al : 6 sur 20 (136)). Les auteurs ne font pas de distinction entre P3a et P3b, mais

on peut imaginer raisonnablement que la P300 enregistrée chez certains patients dans le coma

est une P3a, marqueur d’orientation automatique vers un stimulus rare. Enregistrer une P3b

chez un patient signerait pour lui un retour à la conscience.

C’est en 1990 que Yingling et al, ont proposé les premiers la P300 comme possible

marqueur pronostique de réveil chez les patients comateux : sur les 6 patients dans le coma

sans P300 (211) : 4 sont morts et 2 sont restés en état végétatif. Au contraire, les 2 patients

avec P300 se sont réveillés. Pour Gott et al : 83% des patients (5/6) dans le coma avec P300

se sont révéillés tandis que seulement 29% des patients sans P300 se sont réveillés (4/14) (71)

Les résultats sont moins encourageants pour Mutschler et al : 50% des patients (3/6) avec

P300 se sont réveillés contre 1 pour les patients sans P300 (136).

Limites de l’utilisation de la P300 chez les patients dans le coma :

Plusieurs critiques ont rapidement été formulées :

-la P300 dans le paradigme « odd-ball » peut être absente chez les sujets sains et son absence

ne serait donc pas forcément un facteur de mauvais pronostic. D’après O’Mahony et al

environ un sixième des sujets sains n’ont pas une réponse P300 au son notamment chez des

sujets âgés (formant une part importante des patients dans le coma) et chez les musiciens

ayant « l’oreille absolue » qui pour ces derniers ont par ailleurs une perception du son et de sa

fréquence d’occurrence parfaite (146). Les personnes avec « oreille absolue » sont capable de

reconnaître la note d’un son (c'est-à-dire sa fréquence) sans utiliser comme référentiel une

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

62

autre note déjà identifiée (le La le plus souvent). Dans le cas de la MMN, l’hypothèse est que

ces personnes n’analyseraient pas un son en le comparant au précédent mais utiliseraient un

référentiel interne.

-la présence et l’amplitude d’une P300 est très modulée par l’attention. En effet, bien que

générée en paradigme « odd-ball » actif (attentif), la P300 disparaît chez certains de ces sujet

en « passif ».

Si pour l’ensemble de ces raisons la P300 a rapidement été abandonnée comme marqueur

pronostic de réveil, elle a ouvert la voie de l’usage des potentiels évoqués auditifs cognitifs

comme outil d’exploration des capacités résiduelles des patients avec conscience altérée

(coma, démence…) et d’évaluation pronostique.

C) La MisMatch Negativity (MMN)

Plus récemment, le groupe de Näätänen a découvert que cette réponse P300 qui indexe

la détection consciente de la rareté d’un stimulus auditif est en réalité précédée par une

première réponse de polarité inverse et survenant autour de 200 ms, dénommée la négativité

de discordance (MMN pour MisMatch Negativity) (137, 191). La MMN, qui indexe la première

étape de détection par le système nerveux central (générateurs principaux dans le cortex

temporal auditif secondaire) d’une nouveauté auditive, présente une particularité importante

qui la distingue de la composante P300 : elle est automatique. Un processus cognitif est

considéré comme automatique lorsqu’il survient sans nécessiter de ressources attentionnelles

de la part du sujet et en parallèle à d’autres processus mentaux.

La MMN présente donc cette double propriété : elle reflète, d’une part, une intégration

cognitive riche nécessitant une certaine forme de mémoire de l’environnement auditif

(microcontexte temporel pour évaluer rareté) et elle constitue, d’autre part, un marqueur

objectif automatique ne dépendant pas de la tâche cognitive en cours.

Grand moyennage des PEC obtenus avec

le paradigme « odd-ball » chez 14 témoins

enregistrés dans le service de

neurophysiologie de la Pitié-Salpêtrière

du Pr Willer. (Grâce à l’amabilité de

Lionel Naccache)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

63

Application chez les patients dans le coma:

La réponse automatique MMN pourrait être présente chez certains patients comateux et

refléter des capacités cognitives résiduelles témoignant d’un niveau de coma peu profond,

voire d’un pronostic favorable.

En 1993, Kane et al ont, pour la première fois, soumis des patients comateux à un

paradigme « odd-ball » auditif passif (98). Le résultat principal de ce travail fut de mettre en

évidence que certains patients comateux présentaient une réponse de type MMN qui prédisait

un retour à la conscience dans les 48-72 heures avec une spécificité de 100 %.

En France, Catherine Fischer et son équipe, à Lyon, qui possède l’expérience la plus

importante de l’application de cette méthode dans le coma a pu affiner ces résultats (52, 53). En

2004, leur dernière étude portant sur un groupe de 346 patients comateux (Glasgow<8)

d’étiologie variée (Accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien, anoxie…) évalués

prospectivement jusqu’à un an après l’enregistrement des potentiels évoqués a confirmé

l’excellente valeur prédictive positive de la présence d’une MMN chez ces patients. En effet,

88,6% des patients MMN+ sont sortis du coma (Glasgow Outcome Scale>2) contre 62,4%

des 258 patients MMN- et aucun des patients MMN+ n’a évolué vers un syndrome végétatif

permanent. Cette étude a également permis de montrer que la MMN pouvait apparaître plus

de 8 semaines avant le réveil même si la majorité des patients MMN+ étaient sortis du coma

dans les sept jours après l’enregistrement des potentiels évoqués.

A la Pitié-Salpêtrière, Lionel Naccache et son équipe a enregistré prospectivement un premier

groupe de trente patients comateux (score de Glasgow < 8) au lit en réanimation

neurochirurgicale (139).

Exemple de patient dans le coma

avec détection automatique

(inconsciente) de la nouveauté.

Réveil à J7 après l’enregistrement

des PE. Service de

neurophysiologie de la Pitié-

Salpêtrière.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

64

Un mois après l’enregistrement des potentiels évoqués, l’issue clinique a été évaluée à l’aide

de l’échelle de Glasgow (GOS). Une évolution clinique défavorable correspondait aux scores

1 et 2 (état végétatif ou décès) et les trois scores correspondant à un état de vigilance (3-5)

étaient considérés comme une évolution favorable. Parmi les 30 patients enregistrés, 10 (33

%) présentaient une MMN. Neuf de ces dix patients MMN+ étaient vigilants un mois après

l’enregistrement (90 %) alors que le dixième décéda d’une complication survenue 14 jours

après l’enregistrement. Parmi les patients du groupe MMN-, 13 étaient décédés ou avaient

évolué vers un état végétatif un mois plus tard (65 %) tandis que les sept autres patients (35

%) étaient sortis du coma. La présence d’une MMN prédisait donc une sortie du coma avec

une spécificité de 93 %, une sensibilité de 56 % et avec une valeur prédictive positive de 90

%. L’âge, l’étiologie du coma ou encore le délai entre le début du coma et l’enregistrement

n’étaient pas différents entre le groupe MMN+ et le groupe MMN-.

Les données, non encore publiées, de la suite de cette étude (91 patients enregistrés)

confirment ces résultats : 87% des patients MMN+ se sont réveillés contre 23% des patients

MMN-.

Commentaires :

La présence d’une MMN chez un patient dans le coma est un marqueur

électrophysiologique préclinique de réveil (9 fois sur 10). En revanche l’absence de MMN

n’est pas synonyme d’absence de chance de réveil. Cela en raison d’au moins deux

explications possibles :

-la MMN est un marqueur préclinique : absente d’un premier enregistrement, elle peut être

mise en évidence sur un deuxième enregistrement réalisé quelques jours plus tard.

Kane a enregistré ses patients tous les 3 jours. Sur les 15 patients sur 18 ayant récupéré un état

conscient, seulement 4 avaient une MMN sur le premier enregistrement. Mais une MMN a pu

être enregistrée au cours des enregistrements suivants chez les 11 patients qui allaient

finalement se réveiller. Pour avoir une idée plus précise de cette sensibilité réelle, il faudrait

enregistrer prospectivement et quasi quotidiennement les patients dans le coma pour connaître

le pourcentage exact de patients qui se réveilleront sans MMN.

-la sensibilité de la MMN est imparfaite (au moins sur un seul enregistrement).

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

65

Est-il possible d’augmenter la sensibilité du paradigme « odd-ball » par enregistrement chez

les patients dans le coma (c'est-à-dire mettre en évidence une MMN chez plus de patients qui

se réveilleront) ?

Plusieurs travaux montrent qu’il est possible d’obtenir ou de majorer une MMN chez certains

patients ou témoin en modifiant le paradigme « odd-ball » conventionnel (sons purs, ISI de

1000 ms…). On peut par exemple :

- Modifier les paramètres de rareté (138).

- Utiliser des sons complexes (109).

Näätänen et al ont comparé les résultats chez 79 patients en état végétatif ou en état de

conscience minimale d’un paradigme « odd-ball » utilisant comme stimuli auditifs soit des

sons purs (composés d’une seule fréquence : 1000 Hz (son fréquent) ou 2000 Hz (son rare))

soit des sons complexes plus naturels (son rare et son fréquent fabriqué par la superposition

de plusieurs sons purs de fréquence différente). Une MMN a pu être mise en évidence chez

plus de patients en utilisant le paradigme avec sons complexes que celui « classique ».

L’amplitude de la MMN était plus importante pour les sons complexes.

- Raccourcir la durée de l’ISI. (Unité INSERM 562. Groupe Salpêtrière. Lionel

Naccache, Felipe Pegado.)

D’après les travaux de Näätänen, une MMN pourrait être enregistrée à l’aide d’un paradigme

« odd-ball » classique chez les sujets sains pour des ISI allant de 150 ms (durée minimum

correspondant au temps d’intégration du premier son) à 10 secondes environ avec des

Grand moyennage chez 11 sujets contrôles en

Fcz. En pointillé, l’effet MMN suivant un

paradigme « odd-ball » traditionnel en utilisant

comme caractère discriminant entre le son

fréquent et le son rare soit la durée du son,

l’intensité du son, la fréquence du son, la place

du son (plus ou moins latéralisé) ou le silence.

L’effet est fort pour chaque type de stimuli

(p<0,001). C’est la MMN sur la durée du son

qui aurait l’effet le plus fort tandis que celle au

silence (gap) aurait l’effet le plus faible.

Näätänen et al. Clinical Neurophysiology.

2004. (138)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

66

variations de l’importance de l’effet suivant la durée (138). Par exemple, chez des patients

atteints de la maladie d’Alzheimer dans une forme évoluée, la MMN disparaît le plus souvent

pour des ISI supérieurs à 3 s.

Aussi, la durée de l’ISI semble un paramètre clé dans l’obtention et l’amplitude d’une MMN

que ce soit chez un sujet conscient ou chez un patient dans le coma.

Exemple de modulation de la MMN suivant la durée de l’ISI chez des sujets conscients :

Exemple de modulation de la MMN suivant la durée de l’ISI chez un sujet dans le coma :

Exemple d’un patient de 53 ans dans un coma d’origine postraumatique depuis 3 semaines enregistré avec un paradigme « odd-ball » avec ISI 1000 et ISI 600. Alors qu’aucune différence n’existe entre le traitement des sons fréquents et rares sur le paradigme avec ISI 1000, une MMN est clairement identifiable aux alentours de 270 ms (p<0,0025 sur 20 ms) pour un ISI à 600. Unité INSERM 562. Groupe

Salpêtrière. Lionel Naccache, Nicolas

Chausson.

Grand moyennage chez 11 sujets sains enregistrés avec un paradigme « odd-ball » (avec sons purs) selon la durée de l’ISI : 600ms, 1000ms, ou 2000 ms. Alors que les composantes précoces P1/N1/P2 sont remarquablement stables, la MMN est statistiquement plus nette pour l’ISI 600 et s’atténue avec un délai plus important (et de façon inhabituelle par rapport aux données de la littérature dès 1000ms). Au contraire la P300 est plus ample pour un ISI de 1000 ms ou plus.

Unité INSERM 562. Groupe

Salpêtrière. Lionel Naccache,

Felipe Pegado.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

67

L’ensemble de ces résultats suggèrent que l’ISI serait un paramètre clé pour augmenter

la sensibilité du paradigme « odd-ball » chez les patients dans le coma. Il est possible que

dans la dynamique de récupération chez un patient dans le coma, la MMN puisse d’abord être

enregistrée pour des ISI courts (trace du stimulus fréquent précédent le stimulus rare très

évanescente) et qu’au fur et à mesure de la récupération fonctionnelle d’un réseau neuronal

probablement en partie commun avec celui de la conscience (mémoire de travail ?) et du

système d’éveil, elle puisse être enregistrée pour des ISI de durée croissante. Une autre

explication qui irait avec une meilleure sensibilité de la MMN pour des ISI plus courts serait

que dans le microcontexte temporel de « la trace mnésique possible chez un patient dans le

coma », le plus grand nombre de stimuli fréquents accentuerait le caractère rare du stimulus

déviant et donc la détection de la nouveauté auditive.

Les 3 grandes études prospectives de la littérature (Kane et al en 1993 (98) .Fischer et al

en 2004 (53). Naccache et al en. 2005 (139).) sur la MMN comme marqueur prédictif de réveil

chez les patients dans le coma sont basées sur des paradigmes légèrement différents,

notamment au niveau de l’ISI.

Stimuli ISI Spécificité Sensibilité

Valeur

Prédictive

Positive

Valeur

Prédictive

Négative

Fréquents Rares

Kane et

al

sur 18

patients

Son pur

800 Hz

Son pur

1600 Hz 1500 ms

100%

(réveil dans

les 48h)

100%

mais

examens

répétés

Fischer

et al

Sur 346

patients

Son pur

800 Hz

Son pur

800 Hz

mais 30

ms plus

court

610 ms 90% 32,6% 88,6% 38%

Naccache

et al

Sur 30

patients

Son pur

1000 Hz

Son pur

2000 Hz 1000 ms

93%

(réveil dans

les 15j)

56% 90% 65%

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

68

Même si 2 de ces 3 études portent sur un nombre faible de patients, il semble que plus l’ISI

est long plus la spécificité de l’examen est importante. La présence d’une MMN avec un ISI

long (1500 ms par rapport à 1000 ms) pourrait également être prédictive d’un réveil plus

précoce.

Etonnamment, un ISI plus court ne semble pas augmenter la sensibilité de l’examen.

N.B. : Dans une sous analyse par étiologie basée sur 62 patients dans le coma d’origine

anoxique, Catherine Fischer a montré que la spécificité de la MMN comme marqueur

prédictif de réveil était de 100% chez les patients anoxiques et la sensibilité de 60% (54).

- Modifier les paramètres de filtrage et de traitement des données.

La présence et l’amplitude de la MMN serait corrélée à la puissance de l’α de l’EEG juste

avant le stimulus (142). Il devrait donc être possible de sélectionner les essais sur les

caractéristiques du tracé EEG avant la survenue du stimulus (permettant de ne pas réaliser un

raisonnement circulaire) afin de faire apparaître ou de maximiser l’effet MMN.

Mais il faut garder en mémoire que ce n’est probablement pas la présence d’une MMN

chez un patient dans le coma qui signe 9 chances sur 10 de réveil, mais la présence d’une

MMN avec un paradigme bien particulier. Une modification du paradigme pourrait modifier

la spécificité et la sensibilité de cet examen. Chez un sujet dans le coma, la présence d’une

MMN le protègerait d’un état végétatif « permanent » ; en revanche une MMN pourrait être

enregistrée chez certains patients végétatifs. Kotchoubey B et al ont enregistrés une MMN

chez des patients végétatifs « persistants » d’origine anoxique et traumatique (109). Si la MMN

bien qu’inconsciente est modulée par un réseau appartenant en partie à la conscience et par le

système d’éveil, il est logique que mettre en évidence la préservation d’une détection de la

nouveauté auditive chez un sujet dans le coma ou un sujet végétatif n’ait pas la même valeur

pronostique.

Modifier le paradigme afin d’augmenter la sensibilité de ce test, pourrait également lui faire

perdre de sa spécificité et donc de son intérêt clinique. A chaque modification du paradigme,

il faut réaliser une étude prospective sur un groupe important de patients afin de connaître la

réelle sensibilité et spécificité du nouveau test.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

69

Le patient pourra par exemple rester MCS avec comme seul signe d’interactions non réflexes

avec l’environnement une poursuite oculaire.

Ceci n’est pas un objectif clinique suffisant pour les réanimateurs. Ils estiment qu’une qualité

minimale de vie est nécessaire afin de justifier des soins lourds, coûteux, et de préserver la

famille des patients (cf Partie IV chapitre II). Cet objectif clinique nécessaire pourrait

expliquer la tendance erronée des réanimateurs à utiliser l’absence de MMN comme marqueur

de mauvais pronostic (une MMN absente signifierait une absence de retour à cette conscience

même minimale). Cela nous pousse donc à nous demander si les nouveaux paradigmes MMN

ne devraient pas s’attacher à augmenter la valeur prédictive négative de la MMN ?

Les limites du paradigme « odd-ball » soulignent donc la nécessité de développer

d’autres paradigmes en potentiels évoqués cognitifs qui pourraient apporter des

renseignements pronostiques sur le niveau de séquelles neuropsychologiques au réveil.

IV ) Utilisation combinée de ces différents marqueurs

Les résultats de ces examens électrophysiologiques sont utilisés comme outil

pronostique de réveil. L’enjeu est de choisir le niveau de soins qu’il est raisonnable d’offrir au

patient en fonction de ses chances de récupération. Devant un tel enjeu, des examens parfois

très intéressants sur le plan théoriques, s’ils sont trop peu sensibles et spécifiques restent

inutilisables en pratique.

Les réanimateurs se basent sur un ensemble d’arguments cliniques et paracliniques

(biologiques, d’imagerie, neurophysiologiques) pour évaluer les chances de bon pronostic

d’un patient dans le coma. Cliniquement, l’étiologie du coma, l’âge du patient et l’absence de

réveil après un mois sont des éléments ayant une influence majeure. L’expérience personnelle

du réanimateur, l’entourage du patient sont également des éléments jouant un rôle clé dans la

décision, collégiale, du niveau de soins « raisonnable ».

La principale limite de la MMN (dans son paradigme actuel) est que, sa présence chez

un patient comateux a une excellente valeur prédictive positive de réveil, mais qu’elle

ne préjuge pas du niveau de séquelles neuropsychologiques au réveil.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

70

Quelle part raisonnable peut apporter l’utilisation des données neurophysiologiques dans la

prise de décision du réanimateur ?

Les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral évaluent l’intégrité fonctionnelle du

tronc cérébral; les potentiels évoqués somesthésiques et les potentiels évoqués auditifs de

moyenne latence évaluent le cortex primaire.

Certains médecins ont eu l’idée d’utiliser ces marqueurs électrophysiologiques attestant de

l’intégrité fonctionnelle ou non d’une partie du SNC, de manière associée avec des marqueurs

cliniques pour augmenter leur apport pronostique.

La fiabilité des tests dépend de l’étiologie du coma, aussi il et indispensable de distinguer

différents sous groupes de patients (les comas d’origine anoxique et les comas d’origine

lésionnelle) pour avoir un arbre décisionnel fiable et optimal.

Idéalement, il faudrait évaluer de manière indépendante les comas sur hémorragie sous

arachnoïdienne, les comas métaboliques…Cela nécessite de grandes séries et éventuellement

des études multicentriques utilisant strictement la même méthodologie.

Pour les comas anoxiques :

Les lésions vont se faire progressivement, de manière bilatérale, des structures les plus

sensibles à l’anoxie vers les structures les plus résistantes. Les patients sont donc assez

homogènes en fonction de la durée de l’anoxie qui est le paramètre pronostique le plus

important, mais le plus souvent non connu.

Le tronc cérébral et le cortex sensitif ou auditif primaire sont relativement résistants à

l’anoxie. Les PEA du tronc, les PEA de moyenne latence et les PES sont donc souvent

normaux malgré des lésions hémisphériques sévères. Leur disparition signe un niveau

d’atteinte tel que le réveil n’est plus possible.

Tout récemment, l’équipe de Catherine Fischer a proposé un arbre décisionnel pour les

patients dans un coma post anoxique (54) :

62 patients dans le coma suite à un arrêt cardiaque (coma post anoxique) ont été évalués

précocement après la survenue du coma (en moyenne 8 jours après) à la fois cliniquement

(pupilles, GCS) et électrophysiologiquement (potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral

(abréviations anglaise : « BAEP »), potentiels évoqués auditifs de moyenne latence

(« MLAEP »), potentiels évoqués somesthésiques (« SEP »), potentiels évoqués cognitifs

(MMN) et suivis prospectivement pendant un an.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

71

Cette étude prospective a confirmé que le pronostic

d’un patient dans un coma post anoxique est sombre.

Environ 40% des patients vont survivre à un an, mais

moins de 10% vont récupérer une autonomie dans la

vie quotidienne.

Ces 10%, soit 5 patients, se sont réveillés en moyenne

4,8 jours après le coma (contre 15,1 jours pour les

patients avec handicap sévère, et plusieurs mois après

pour les patients MCS).

A un an, la spécificité, la sensibilité, la valeur prédictive positive de réveil et la valeur

prédictive négative (c'est-à-dire la valeur prédictive de non réveil) ont été calculés pour

l’ensemble des paramètres étudiés.

L’ensemble de ces données est rapporté dans le tableau ci-dessous.

Tous les patients avec une MMN se sont réveillés et aucun de ceux qui se sont réveillés

n’avaient pas de MMN (valeur prédictive positive et spécificité de 100%).

Tous les patients qui se sont réveillés avaient des PEA du tronc, des PES et des PEA de

moyenne latence normaux. (Valeur prédictive négative de 100% pour ces 3 paramètres).

Une analyse a été ensuite réalisée pour déterminer la hiérarchie des différents marqueurs de

réveil et de non-réveil afin de réaliser un arbre décisionnel.

Devenir à 1 an des 62 patients en coma post anoxique. Fischer et al. Crit Care Med. 2006. (54)

Sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative de réveil pour le réflexe photomoteur, le score de Glasgow, les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral, les potentiels évoqués somesthésiques, les potentiels évoqués auditifs de moyenne latence, la N100, et la MMN. Fischer et al. Crit Care Med. 2006. (54)

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

72

Une seule variable clinique, associée à deux variables neurophysiologiques explorant les

capacités fonctionnelles résiduelles du cerveau sont apparues pertinentes. La réactivité

pupillaire, la MMN et la composante N20 des PES apparaissent comme les seuls

marqueurs pronostiques de réveil ou de non réveil pour les comas post anoxiques.

Avec cet arbre, sur 62 patients dans un coma post anoxique, une incertitude de réveil n’existe

que pour 16 d’entre eux (MMN absente, réactivité pupillaire présente et PES présents) soit

environ 26%.

Sur ces patients au devenir incertain, la moitié se réveillera.

On peut émettre quelques réserves sur cet arbre décisionnel : l’échantillon étudié reste de

petite taille, pour les PES il existe toujours le risque de « prophétie auto réalisée ». Ces

résultats nécessitent une confirmation par d’autres études. Néanmoins, un arbre décisionnel a

le mérite d’expliciter la démarche d’évaluation pronostique que doit réaliser le réanimateur.

D’après Fischer et al. Crit Care Med. 2006. (54)

Patients dans le coma

d’origine anoxique

MMN

Présent = 100% de réveilp<0,0001

Observée chez 19,4%

des patients

Absent Non retrouvée chez 80,6%

des patients

Réflexe pupillaire

PES

Présent chez 25,8%50% de réveil

50% de non réveil

Présent Observé chez 33,9%

des patients

Absent = 100% de non réveilp=0,0003

Non retrouvé chez 46,8%

des patients

Absent = 100% de non réveilp=0,0445

Non retrouvé chez 8,1% des patients

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

73

Il faudrait intégrer à cet arbre décisionnel, les apports des techniques récentes comme la

spectro IRM et le tenseur de diffusion par exemple.

Pour les comas lésionnels :

Dans le coma post traumatique ou post AVC : les lésions sont plus focales. Elles

peuvent endommager l’intégrité fonctionnelle d’un système testé. Ce système n’est pas

forcément le système clé de réveil ou de l’absence de réveil mais un système dont l’atteinte

est soit le signe de lésions étendues ou sévères. Ainsi la valeur prédictive de non réveil des

PES et des PEA de moyenne latence est moins bonne dans cette population et son utilisation

en pratique doit être plus prudente.

Je pense que l’utilisation combinée de différentes techniques neurophysiologiques

(PES, PEA de moyenne latence et potentiels évoqués visuels au flash) pourrait permettre, en

cas d’abolition de ces potentiels évoqués, d’affirmer une absence de réveil futur chez des

patients dans un coma d’origine traumatique.

Partie II : Les techniques électrophysiologiques utilisées en unité de soins intensifs

74

Conclusion de la partie II :

C’est en combinant les différents examens neurophysiologiques entre eux et en les

associant avec les données cliniques et d’imagerie qu’on pourra au mieux évaluer les

chances de récupération du patient. Cependant, je vois plusieurs limites à l’utilisation en

pratique quotidienne de l’arbre décisionnel de C Fischer.

La première n’est pas absolue : il s’agit de la nécessité d’homogénéisation des

méthodologies des examens (notamment MMN). Actuellement, les laboratoires utilisent

des paradigmes différents (par exemple son fréquent et son rare de fréquence différente, ou

de durée différente ; topographie de l’électrode d’enregistrement différente ; analyse

visuelle ou statistique (avec différentes méthodes) de la significativité de la différence des

potentiels entre les sons rares et fréquents…). Ces différences méthodologiques pourraient

produire des tests basés sur la détection de la MMN qui auraient une sensibilité et une

spécificité différentes. Aussi, il me semble qu’il faudrait établir des recommandations

méthodologiques. Ceci permettrait également des études multicentriques et donc un plus

grand recrutement de patients.

La deuxième limite est dans l’objectif à atteindre : qu’est ce qu’un mauvais pronostic et

quel est le niveau estimé de récupération critique pour pouvoir bénéficier des soins

maximums ?

Pour C Fischer, d’après son arbre décisionnel, c’est le réveil, c'est-à-dire le retour à la

conscience même minimal (estimé par la présence d’une MMN) qui serait ce niveau

critique. Cela ne semble pas en complète adéquation avec les convictions des réanimateurs

qui estiment qu’en plus de la conscience, un niveau minimal de qualité de vie est

nécessaire. En pratique clinique, l'apport de ces examens reste donc limité en raison de leur

faible valeur prédictive du niveau de handicap des patients voués à sortir du coma.

La présence d'une MMN sur un paradigme utilisant des sons rares et fréquents ne

semble pas discriminer les patients se réveillant avec un niveau de handicap cognitif

faible de ceux qui conserveront durablement des séquelles neuropsychologiques

sévères.

Il faudrait pouvoir pronostiquer le niveau de séquelles neuropsychologiques dans les

domaines capitaux pour la qualité de vie. Ces fonctions pourraient comprendre le langage

avec comme niveau critique une communication fonctionnelle, la mémoire… Des

fonctions qui semblent nécessaires à assurer au patient une vie digne et « signifiante » et

qui justifierait et motiverait les efforts de soins nécessaires.

75

PARTIE III :

Perspectives

Partie III : Perspectives

76

I ) Perspectives en EEG

L’EEG est une technique ancienne, mais qui profite des développements récents de

l’informatique. La numérisation de l’EEG a non seulement facilité le stockage des examens,

mais permet aussi un traitement des données après l’acquisition. Il est possible par exemple

de modifier les montages pendant l’interprétation des examens, de faire une cartographie

d’amplitude…. L’homogénéisation du placement des électrodes (systèmes 10/20), ainsi que la

modélisation des sources dipolaires ont permis de réaliser un pas décisif dans la « conquête de

l’espace » de l’EEG, c'est-à-dire dans l’amélioration de la résolution spatiale de l’EEG.

Ces possibilités nouvelles ont ouvert de nouveaux champs d’application de l’EEG et de

techniques dérivées dans l’exploration fonctionnelle neurologique des patients non ou peu

communicants (dont les patients comateux) et dans l’exploration de la conscience.

A) L’index bispectral (BIS)

Le score d’index bispectral (BIS) est dérivé de l’EEG bifrontal recueilli chez un vaste

groupe de sujets normaux éveillés ou sous anesthésie. Les oscillations EEG sont transformées

en utilisant un modèle de régression multivariée en index numérique linéaire qui va de 0

(EEG isoélectrique) à 100 (complètement éveillé).

C’est un outil utilisé par les anesthésistes comme indicateur de la profondeur de l’anesthésie

(170). 50% des sujets n’obéissent plus à la commande verbale lorsqu’ils ont un score BIS entre

67 et 79. Avec un score BIS<50, il est très inhabituel d’être conscient tandis qu’un score > à

90 est le plus souvent associé à la conscience (149). Cela permet une meilleure adaptation des

doses de produits anesthésiques administrées au patient, et le plus souvent une diminution de

la quantité de produits utilisés.

Cette surveillance grâce au BIS a également été proposée en USI chez les patients dans

un coma très sévère pour le diagnostic précoce de mort cérébrale (199). Faire ce diagnostic au

plus tôt permettrait un prélèvement d’organes de meilleure qualité (car il existe une instabilité

hémodynamique de survenue précoce après la mort cérébrale). 56 patients en coma sévère ont

été monitorés par le BIS dès leur entrée en USI. Tous ceux dont le BIS passait à 0 de manière

non transitoire (12 patients) ont eu un EEG ou une angiographie qui a confirmé la mort

cérébrale. Le BIS pourrait donc être un outil d’utilisation facile pour mettre en évidence la

survenue de la mort cérébrale chez les patients comateux graves.

Partie III : Perspectives

77

Cependant les auteurs soulignent la possibilité de faux positifs transitoires (BIS à 0 réversible)

et de faux négatifs également transitoires (surtout liés à des artéfacts EMG, et qui n’existent

pas si le patient est curarisé).

Certaines équipes ont donc pensé pouvoir utiliser ce score comme monitorage de la

conscience et d’un retour de la conscience chez les patients comateux. (Gill et al. Acad

Emerg Med. 2003.). En 2003, Gill et al ont comparé le score BIS avec le score de Glasgow

chez 38 patients avec altération de la conscience. En fait, bien que la corrélation entre le score

BIS et le GCS soit signifiante, elle n’est que modérée et il existe une grande variabilité : un

GCS entre 3 et 5 correspond à un BIS entre 47 et 98 !

On sait que le GCS n’est pas un outil parfait pour évaluer la conscience, aussi cette grande

variabilité pourrait être due à un manque de sensibilité du GCS plutôt que du score BIS. Mais

les auteurs estiment cette hypothèse très improbable car ils ont examiné un patient

complètement comateux avec un score BIS à 98 (compatible avec une pleine conscience) (des

artéfacts musculaires ont il été éliminés ?) et surtout un patient avec GCS à 13 et un BIS à 67

(compatible avec une anesthésie générale).

Faux positif transitoire chez un patient de 34 ans avec traumatisme crânien. Le score BIS a chuté de manière concomitante avec la disparition clinique du réflexe oculocardiaque mais est remonté après injection de mannitol, peu avant que le réflexe oculocardiaque ne réapparaisse.

Vivien et al. Intensive Care Med. 2002. (199)

Faux négatifs chez des patients en état de mort cérébrale confirmée par angiographie liés aux artéfacts de

contraction musculaire. Vivien et al. Intensive Care Med. 2002. (199)

Partie III : Perspectives

78

Un deuxième argument en faveur d’une absence de superposition entre niveau de

conscience et score BIS est présenté dans l’article de Pandit et al (149). Une patiente de 55 ans

en état végétatif permanent depuis 10 ans suite à un traumatisme crânien devait subir une

intervention dentaire avec multiples ablation de dents. Les stomatologues avaient besoin

d’une patiente immobile (sans mâchonnement, ni risque de morsure…) et, je pense aussi, à

cause de l’aspect psychologique de réaliser une telle intervention sans antalgique (même chez

un patient qui serait par définition dénué de conscience), une anesthésie générale a été

réalisée. Le score BIS a été utilisé pour monitorer le niveau d’anesthésie (sevoflurane dans

100% d’O2). Le BIS score initial était de 98 après changement de la canule (flèche (B ) sur la

figure ci-dessous) de trachéostomie (induction d’éveil, même en l’absence de conscience) et

est passé en dessous de 40 après l’anesthésie. Bref, l’ensemble du profil est relativement

comparable à celui d’un sujet normal.

Plusieurs hypothèses peuvent être émises : la première est que la patiente n’était plus

végétative mais MCS, ce qui n’a pas été explicitement recherché. La deuxième est qu’il existe

parfois des îlots de cortex actifs chez les patients végétatifs, capables d’intégrer des

informations à un relativement haut niveau d’intégration mais de manière non suffisamment

intégrée avec le reste du cortex notamment associatif (cf hypothèse de l’espace de travail

conscient : Partie IV chapitre I-A). Malgré ce traitement, le sujet resterait inconscient de

l’information. Le score BIS serait donc juste un reflet de l’activité corticale bifrontale sans

nous renseigner sur le caractère fonctionnel de cette activité.

Score BIS pendant l’anesthésie et la chirurgie chez une patiente en état végétatif. Les valeurs sont comparables à celles d’un sujet sain. Pandit et al. Anaesthesia. 2002.

(149)

Partie III : Perspectives

79

Un troisième argument en faveur d’une absence de lien direct entre score BIS et

conscience est qu’avec certains produits anesthésiques (comme le xénon), un score BIS bas

n’empêche pas la possibilité pour le patient d’obéir à des commandes verbales. De même

paradoxalement, certains produits anesthésiques comme la kétamine induisent une

augmentation du score BIS alors que le patient n’est plus cliniquement conscient (78).

Donc en conclusion, il ne faut pas oublier que le BIS n’est qu’une mesure de l’activité

électrique frontale. Il ne constitue donc qu’un marqueur très indirect du niveau de conscience.

Le cortex préfrontal est soupçonné comme faisant partie du réseau de la conscience mais ne

représente qu’une petite partie de ce réseau, et n’est probablement pas la région clé.

Intérêt potentiel du score BIS dans l’évaluation prospective de l’état de conscience d’un

patient dans le coma :

- Tenir compte de l’étiologie du coma :

Il serait intéressant de tester le BIS chez des patients dans le coma, mais en tenant compte de

l’étiologie, pour avoir des patients plus homogènes. Il serait donc intéressant d’essayer de

suivre prospectivement des patients en coma anoxique et de rechercher une corrélation entre

score BIS et GCS ou une autre échelle plus fine d’évaluation de la conscience.

Un intérêt pourrait également exister dans les comas métaboliques, où l’EEG subit

généralement des modifications qui sont bien corrélées au niveau d’ « intoxication

métabolique ». Le score BIS pourrait donc représenter un paramètre d’utilisation aisée pour

suivre la récupération de l’état de conscience chez de tels patients.

- Tester une autre région corticale :

D’autres régions que la région bifrontale ont une activité qui semble mieux corrélée au degré

de conscience du patient. Il semble que la région du précunéus (cortex pariétal médial) soit

une région corticale dont le niveau d’activation soit fortement corrélé au degré de conscience.

(Cf Partie I : comparaison PET Scan sujet sain, sujet MCS et sujet végétatif (114).)

Partie III : Perspectives

80

B) Le neuromonitorage EEG continu

Une des modifications clé de ces prochaines années devrait être la généralisation du

neuromonitorage continu dans les réanimations « à visée neurologiques » (dans un premier

temps) donnant de nouveaux champs d’application à l’EEG dans les troubles de la

conscience. En effet, l’EEG d’un patient se modifie dans de nombreuses situations

rencontrées en unités de soins intensifs (épilepsie, ischémie, répercussion de l’hypertension

intra crânienne, des encéphalopathies métaboliques ou de modifications d’origine

médicamenteuses) et souvent à un stade très précoce avant la survenue de lésions

irréversibles.

Les deux intérêts principaux du neuromonitorage continu EEG sont donc de détecter

précocement et de manière non invasive :

- un processus physiopathologique potentiellement dangereux pour permettre aux cliniciens

une riposte thérapeutique adaptée.

- les variations du fonctionnement cérébral d’origine métabolique ou médicamenteuse, pour

permettre une meilleure adaptation thérapeutique (comme dans le neuromonitorage du niveau

de sédation en anesthésie).

Cependant, l’utilisation du neuromonitorage en USI se heurte à plusieurs difficultés :

tout d’abord au mauvais rapport signal/bruit (amplitude faible de l’EEG, nombreux artéfacts)

et surtout à la difficulté d’extraire de cette masse de données une information pertinente par

des non spécialistes de la neurophysiologie. Une des solutions à ce deuxième problème est la

création d’algorithmes de détection automatique des anomalies. Certains algorithmes existent

déjà (détection automatique des activités épileptiques, recherche de silences électriques) (82).

Il existe également des algorithmes d’analyse fréquentielle (durée de la période d’analyse à

choisir, ainsi que la fréquence des mesures par l’appareil).

Ces anomalies doivent ensuite être traduites sous la forme de « patterns

neurophysiologiques » signifiants pour le réanimateur, éventuellement en intégrant d’autres

paramètres cliniques et paracliniques (comme la prise de certains médicaments, l’existence

d’une lésion de telle région cérébrale…).

Deux grands champs d’application devraient émerger rapidement : la détection de crises

d’épilepsie infracliniques et la détection précoce d’une souffrance cérébrale ischémique,

notamment chez les patients dans le coma.

Partie III : Perspectives

81

B-1) Apport du neuromonitorage EEG continu dans l’épilepsie

C’est la principale indication actuelle de neuromonitorage : détecter les crises

d’épilepsie « infra cliniques » et les états de mal non convulsifs.

Grâce au neuromonitorage EEG continu, on a pu montrer que les crises infra cliniques étaient

beaucoup plus fréquentes qu’on ne le pensait. Par exemple, en 1998, DeLorenzo et al, ont

monitoré l’EEG de patients dans le coma suite à un état de mal épileptique (42). En l’absence

de crises cliniques, le neuromonitorage a mis en évidence des crises d’épilepsie infra cliniques

(CEIC) chez 48% des patients et 14% d’entre eux étaient en état de mal non convulsif

(EMNC).

Quels sont les patients à risque de CEIC ou d’EMNC ?

En 2004, Hirsch et al ont suivi 500 patients monitorés (moyenne d’âge 52 ans) en USI.

110 (19%) ont présentés des crises d’épilepsie. 101 sur 110 avaient uniquement des crises

infra cliniques, et donc sans monitorage, le diagnostic n’aurait pu être porté (84).

Dans ce groupe, les principaux facteurs de risque de crises d’épilepsie étaient les antécédents

d’épilepsie (31% ont eu des crises), une infection du SNC (26%), une tumeur cérébrale

(23%), une intervention neurochirurgicale récente (23%).

97 des 500 patients étaient dans le coma : 56% ont eu des crises révélées au monitorage.

Analyse spectrale sur 4 heures d’EEG chez un patient de 51 ans épileptique : aspect d’une crise d’épilepsie. Hirsch et al. J of Clin Neurophysiol.

2004. (84)

Analyse spectrale sur 4 h d’un patient de 8 ans dans un coma thérapeutique (phénobarbital) après état de mal épileptique. Chaque bouffée d’activité correspond à une crise infra clinique. Hirsch et al. J of Clin Neurophysiol. 2004. (84)

Partie III : Perspectives

82

Towne et al ont étudié 236 patients dans un coma d’origine inexpliquée, en éliminant les

patients avec crises d’épilepsie clinique antérieure. 8 % des patients avaient des crises

d’épilepsie infra cliniques (192).

Le monitorage EEG en continu apporterait des informations diagnostiques, thérapeutiques et

pronostiques chez les patients dans le coma :

En 1997, Jaitly et al ont montré que la présence de crises d’épilepsie infra cliniques ou

d’un état de mal non convulsif était associée à un mauvais devenir, indépendamment de

l’étiologie (91).

Pour DeLorenzo et al, la mortalité était également significativement plus importante chez les

patients EMNC (51%) que CEIC (32%) que chez les sujets sans crises enregistrées sur le

monitorage (13% de mortalité) (42).

Young et al, en 1996, ont montré que la durée de l’état de mal non convulsif était corrélée au

taux de survie (212). Si l’EMNC est diagnostiqué moins de 30 min après le début, le taux de

mortalité est de 36% comparativement à 75% si le diagnostic est fait après 24H. Quand

l’EMNC dure moins de 10h, 60% des patients retournent à la maison et 10% meurent. Quand

l’EMNC dure plus de 20h, aucun patient ne retourne à la maison et 85% meurent. De même

les crises non convulsives après hémorragie cérébrale augmenteraient l’effet de masse et la

mortalité.

Le neuromonitorage permet également d’argumenter la nature épileptique ou non de certains

mouvements du patient dans le coma (comme un mâchonnement, un tremblement…), cela

peut éviter les effets négatifs d’un traitement anti épileptique non justifié.

Limites :

Une des limites actuelles du neuromonitorage continu EEG pour la détection des crises

infracliniques chez les patients dans le coma est la mauvaise sensibilité des algorithmes de

détections automatiques des crises chez les patients au tracé EEG ralenti. Ainsi, chez les

patients comateux, de nombreux patterns EEG rythmiques peuvent exister et leur nature

épileptique n’est pas toujours évidente. Par exemple certaines figures rencontrées dans les

comas sur encéphalopathie métabolique peuvent ressembler à des figures paroxistiques de

nature épileptique. Par ailleurs, de nombreux artéfacts sont rythmiques (respirateurs…) en

réanimation et peuvent mimer des crises d’épilepsie. Un enregistrement vidéo permettrait

d’éliminer certains de ces artéfacts.

Partie III : Perspectives

83

Deux exemples d’artéfacts pouvant mimer une crise d’épilepsie ; le patient de gauche est en train de manger et le pattern rythmique est lié à la mastication ; celui de droite est en séance de kinésithérapie respiratoire (avec percussion du thorax). Hirsch. J of Clinical

Neurophysiology. 2004. (84)

B-2) Apport du neuromonitorage continu dans l’ischémie aiguë

L’EEG et les PES d’un patient se modifient en fonction de son débit sanguin cérébral.

Cette modification est d’abord le reflet d’une altération de l’activité des neurones corticaux

(atteinte fonctionnelle) avant une éventuelle nécrose. Si bien que ces techniques pourraient

détecter l’ischémie à un stade très précoce et réversible (oligohémie). Ceci pourrait être un

apport fondamental dans le monitorage des patients à risque, notamment ceux pour lesquels

une surveillance cliniques est limitée (patients dans le coma…). En effet, depuis quelques

années, nous disposons de traitements thrombolytiques dont l’efficacité et le risque dépendent

du délai entre le début des symptômes et l’administration. La surveillance par

neuromonitorage continu (EEG ou PES) des patients à risque d’aggravation pourrait donc

apporter un gain thérapeutique majeur.

Intérêts de l’EEG dans la détection précoce d’une ischémie cérébrale :

Le débit cérébral sanguin moyen normal est d’environ 50 ml/100g/min. Sous les

22ml/100g/min apparaît une modification de l’EEG : l’amplitude diminue et le rythme se

ralentit. Sous le seuil de 7 à 15 ml/100g/min, l’EEG s’aplatit.

Cette perte d’activité cérébrale serait due à l’acidose métabolique liée au métabolisme

anaérobie avant même que l’ATP ne soit complètement consommé. Pour certains, la

disparition de l’activité cérébrale serait donc un mécanisme protecteur dans un premier temps

(143).

Partie III : Perspectives

84

Si le débit sanguin cérébral continue de diminuer, ou si l’oligohémie persiste trop longtemps,

la baisse d’ATP est telle que le gradient ionique membranaire des neurones ne peut être

maintenu (dépolarisation anoxique), il y a entrée intracellulaire de calcium, productions de

radicaux libres et lésions neuronales irréversibles.

Dans le cerveau : l’hippocampe, le reste du cortex associatif puis primaire et les noyaux gris

sont les structures les plus sensibles à l’anoxie.

La zone de pénombre correspond au tissu

cérébral dont le débit sanguin cérébral est sous

le seuil fonctionnel mais au dessus du seuil

lésionnel. Celle-ci dépend du temps et du débit

sanguin cérébral.

L’EEG se modifie précocement après une fibrillation cardiaque (10 s) et 20 secondes à 30

min après un clampage carotidien (130).

L’EEG numérisé serait supérieur à l’EEG analogique dans la détection d’une souffrance

ischémique car les données pertinentes seraient plus facilement accessibles et identifiables

(soit par un médecin, soit à l’aide d’algorithmes adaptés).

Analyse temps-fréquence :

Grâce à la transformation de Fourier, il est possible de procéder à l’analyse de puissance-

fréquence sur un temps donné.

Plusieurs algorithmes ont été proposés pour détecter l’ischémie :

Les critères les plus pertinents en puissance totale sont :

-la diminution de puissance dans la bande α et β associée avec une augmentation de puissance

dans la fréquence δ.

-la diminution du ratio puissance α / puissance δ.

-l’étude de la variabilité de la puissance α et β (plutôt que directement la puissance)

Seuil fonctionnel et lésionnel de l’hypoperfusion cérébrale en fonction du temps. G Florence.

Clinical Neurophysiology. 2003. (55)

Partie III : Perspectives

85

Une diminution persistante de la variabilité de la puissance α serait par exemple un signe en

faveur d’un vasospasme chez les patients avec hémorragie sous arachnoïdienne.

-l’analyse comparée de la puissance entre les deux hémisphères cérébraux.

A partir d’une méta-analyse. G Florence et al ont estimé la sensibilité de l’EEG à

détecter une ischémie à 58% et sa spécificité à 99% (55).

(On peut également utiliser l’EEG analogique à la recherche d’un ralentissement asymétrique

et d’une diminution d’amplitude, mais sa sensibilité est beaucoup moins bonne : 27% en

revanche sa spécificité est très bonne : 87%.)

Le neuromonitorage EEG dans la détection précoce d’un vasospasme après hémorragie sous

arachnoïdienne (HSA) :

L’EEG pourrait servir dans la détection précoce du vasospasme après HSA. Ce

vasospasme est détecté par angiographie chez 50 à 70% des patients victimes d’une HSA. Il

est responsable d’une ischémie retardée chez 19 à 46% de ces patients et se complique d’une

nécrose ischémique chez plus de la moitié d’entre eux (64%) (27).

L’EEG est très sensible à l’ischémie à un stade réversible ; il est également très sensible à la

reperfusion avant même la récupération clinique (95).

Les paramètres électrophysiologiques qui semblent corrélés avec le vasospasme confirmé par

angiographie sont : la puissance globale, la variabilité de l’α, le ratio α / δ.

(Voir exemples page suivante).

N.B. : Utilisation des PES pour détecter l’ischémie précocement :

Une diminution d’amplitude de plus de 50% de la N20 et/ou une augmentation du temps de

conduction intracrânien de plus de 1ms (de 1 à 1,5ms) seraient des éléments en faveur d’une

ischémie. Le moyennage nécessaire à l’obtention de PES stables dure de 1 à 2 min.

L’avantage des PES par rapport à l’EEG est que les générateurs (le cortex sensitif) sont situés

au niveau de régions frontières, par exemple le cortex prérolandique entre l’artère sylvienne et

la cérébrale antérieure. Les PES obtenus par stimulation du nerf tibial postérieur pourraient

renseigner sur le territoire de l’artère cérébrale antérieure. Les PES sont un peu moins

sensibles que l’EEG aux artéfacts de réanimation du fait du moyennage, ainsi qu’aux

médicaments sédatifs ou anxiolytiques. D’après la méta-analyse de G. Florence, la sensibilité

des PES serait de 57% et la spécificité de 92% (55).

Partie III : Perspectives

86

EEG continu chez un patient avec HSA. Sur l’EEG du 7e jour, il existe sur les dérivations hémisphériques droites une augmentation des

rythmes δ et une diminution des rythmes plus rapides signant une souffrance cérébrale en rapport avec l’apparition d’une hypoperfusion cérébrale suite à un vasospasme. Claasen J. Journal of Clinical Neurophysiology. 2005. (27)

Ratio α/δ calculé toutes les 15 min et Glasgow Coma Scale du 6e au 8e jour après une HSA suite à une rupture d’un anévrisme de la communicante postérieure chez une patiente de 57 ans. L’anévrisme a été clippé à J2 et le GCS était à 14 en post

opératoire. Le 6è jour vers 14h, diminution du ratio α/δ surtout au niveau de la région postérieure droite. L’examen clinique réalisé le lendemain matin met en évidence une aggravation avec au scanner des signes précoces en faveur d’une ischémie de la capsule interne droite. L’angiographie retrouve un vasospasme et il est décidé d’administrer du verapamil et de la

papaverine. Augmentation transitoire du ratio α/ pendant les 2h après l’injection. Puis le ratio baisse à nouveau, et l’état de la patiente se détériore. Elle décède finalement le 9è jour d’un AVC malin secondaire au vasospasme. Claasen J . Journal of Clinical Neurophysiology. 2005. (27)

Partie III : Perspectives

87

C) Mesure de cohérence de l’activité cérébrale : « Event-related brain dynamics »

C-1) Synchronisation et désynchronisation de l’EEG liées à un événement

Depuis Berger, on sait que certains stimuli peuvent bloquer ou désynchroniser le rythme

de fond α. Cette désynchronisation est liée temporellement au stimulus (« time-locked ») mais

n’est pas de phase constante (« phase-locked ») ; il est donc impossible de l’extraire par la

méthode du moyennage utilisée par les potentiels évoqués ; mais cela pourrait être détecté par

l’analyse fréquentielle.

Ces phénomènes événementiels représentent des changements spécifiques de fréquence

de l’activité EEG en cours et consistent soit à une augmentation soit à une baisse de leur

puissance sur des bandes de fréquences données. Ceci serait du à une augmentation ou à une

baisse de synchronie de la population neuronale enregistrée.

Ceci est appelé « event-related desynchronization » (ERD) et « event-related

synchronisation » (ERS) (160, 161).

Alors que les potentiels évoqués sont liés à des réponses de latence et de polarité fixe

d’un groupe de neurones déclenchés par un stimulus spécifique, les ERD/ERS sont générées

par un ensemble de paramètres contrôlant les oscillations dans les réseaux neuronaux.

Deux grands facteurs déterminent les propriétés des oscillations EEG :

- Les propriétés intrinsèques de la membrane des neurones.

- Les interactions entre les différents modules du réseau, qui sont le plus souvent

bidirectionnelles. On parle des boucles thalamo-corticales et cortico-corticales à courte et à

longue distance.

Les potentiels évoqués représenteraient les réponses des neurones surtout corticaux du aux

changements de leur activité afférente, tandis que les ERD/ERS seraient liés aux changements

d’activités liés à des interactions locales entre des neurones principaux et des interneurones

qui contrôleraient la composante fréquence de l’activité EEG en cours.

Partie III : Perspectives

88

Méthode :

La puissance de l’EEG dans certaines bandes de fréquences spécifiques est mesurée

suite à un événement et comparée à la puissance de la période basale de référence. La durée

entre 2 stimuli doit être de plusieurs secondes (10 s sont recommandées dans le cas de

mouvements volontaires de la jambe par exemple). Le plus souvent la fréquence d’une

oscillation cérébrale est corrélée négativement avec son amplitude.

Les étapes d’analyse du signal EEG sont:

- Filtrer toutes les époques d’EEG enregistrées suite à un stimulus dans la bande de fréquence

étudiée.

- Calculer la puissance de l’échantillon pour la bande de fréquence sélectionnée.

- Moyenner les échantillons de puissance EEG au travers des essais et au travers du temps.

Principe du traitement du signal EEG pour mettre en évidence l’ERD

ou l’ERS. Pfurtscheller. Clinical Neurophysiology.1999. (161)

Partie III : Perspectives

89

Plusieurs travaux ont étudié les modifications de synchronies EEG suite à un stimulus

ou à une tâche cognitive particulière:

- Les tâches de perception, de jugements ou de mémoire entraînent une grande

désynchronisation dans les bandes α de l’EEG.

- La désynchronisation dans les bandes de fréquences les plus basses de l’α (7 à 10 Hz) serait

obtenue sur de larges régions du scalp en réponse à toutes les tâches nécessitant l’attention,

tandis que la désynchronisation dans les bandes de fréquences rapides de l’α (10 à 12 Hz)

serait plus liée au traitement de l’information sémantique sensorielle au niveau des aires

pariéto-occipitales.

- Durant une tâche de mémorisation de mots (encodage), les sujets avec de bons résultats

auraient une ERD plus importante dans la bande α à 7 à 10Hz que les mauvais sujets reflétant

peut être le niveau d’attention pendant l’encodage (105).

Pour Pfurtscheller, la signification des ERD et des ERS dépendrait de la bande de

fréquence étudiée (160, 161) :

-ERD et ERS dans la bande de fréquence α :

L’ERD dans l’α est interprétée comme un corrélat électrophysiologique d’activation d’aires

corticales engagées dans le traitement d’une information sensorielle ou cognitive ou dans la

production d’une activité motrice.

ERD puis ERS sur différentes électrodes du scalp après un mouvement. D’après Pfurtscheller. Clinical Neurophysiology.1999.

(161)

Partie III : Perspectives

90

Tandis que l’ERS dans la bande α est interprétée comme un corrélat électrophysiologique de

désactivation des aires corticales. Cette inhibition dans les réseaux neuronaux servirait à

optimiser la demande en énergie et surtout à contrôler les mécanismes excitateurs.

L’exemple type est le stimulus visuel qui entraîne une désynchronisation de l’α occipital,

mais augmente la synchronisation des rythmes mu centraux.

Le rythme αααα occipital et le rythme mu central correspondraient à ces états de « repos ».

- ERS dans la bande de fréquence β suite à un mouvement (« post movement β ERS ») :

L’ERS dans la bande β suite à un mouvement correspond à des oscillations dans la gamme β

dans la première seconde après la fin d’un mouvement volontaire.

Elles ont pour caractéristiques :

-une organisation somatotopique.

-la β ERS suite au mouvement est rencontrée après un mouvement réel mais

également après un mouvement imaginé.

-le maximum de la β ERS suite au mouvement correspond à une période

d’excitabilité réduite des neurones du cortex moteur.

-il s’agit d’un phénomène robuste.

Un glissement des neurones d’un état activé à un état inactivé pourrait être responsable de ces

oscillations β.

-ERS dans la fréquence γ (autour de 40 Hz) :

Ces oscillations à plus haute fréquence seraient plus appropriées pour un couplage rapide

entre des assemblées de cellules éloignées spatialement.

β ERS ipsilatéral et β ERD controlatéral suite à un mouvement imaginaire de la main droite.

Pfurtscheller. Clin Neurophysiol. 1999. (161)

Partie III : Perspectives

91

Par exemple ces oscillations se produisent lors de stimulations visuelles ou lors de tâche de

mouvements (juste avant et pendant le mouvement). Au contraire du rythme α, l’ERS dans la

bande γ signerait un traitement actif de l’information.

Limites et intérêts des ERD/ERS:

Aftanas et al ont remis en cause cette théorie en étudiant l’ERD et l’ERS suite à la

présentation visuelle de stimuli de valence émotionnelle différente (2). Pour eux, non

seulement le blocage de l’α mais aussi la synchronisation de l’α suite à une tâche mentale

devraient être considérés comme des marqueurs d’activation des aires cérébrales engagées.

Cela met en évidence une des critiques principales de l’ERD et l’ERS : il manque encore une

théorie précise qui permettrait d’expliquer les patterns observés à la surface du scalp et de

comprendre leur signification exacte.

Une explication probable est que l’EEG enregistré par une électrode de surface a une

très mauvaise résolution spatiale, aussi une ERD dans l’α suite à une activation n’est peut être

que la traduction de multiples ERS de plus petites tailles.

Mais même si la nature et les rôles exacts de l’ERD et de l’ERS ne sont pas encore

connus, leur étude pourrait avoir un intérêt majeur chez les patients dans le coma, végétatifs

ou MCS. Cela pourrait nous apporter une information à l’échelle de la ms sur les

modifications d’activation de différentes régions cérébrales suite à un stimulus et donc sur la

préservation de voies de communication fonctionnelles entre ces régions. Chez les patients

cérébrolésés, il est admis que certains îlots corticaux peuvent rester fonctionnels mais

déconnectés, ne permettant pas toujours une intégration consciente de l’information.

Des paradigmes adaptés en ERD/ERS pourraient nous permettre de tester le fonctionnement

intégré de beaucoup de régions cérébrales (en comparant le pattern spécifique ERS/ERD suite

à une stimulation chez des sujets sains, à celui d’un patient dans le coma ou plutôt végétatif).

L’EEG très perturbé des patients dans le coma pourrait constituer un gros handicap dans

l’utilisation de cette méthode chez ces patients ; en revanche chez les patients en état végétatif

ou MCS cela pourrait être plus facilement applicable.

Utilisations possibles chez les patients dans le coma ou végétatifs :

- tester l’effet de stimuli émotionnels auditifs ou visuels

- tester les effets de consignes : lever le bras, lever la jambe…

Partie III : Perspectives

92

C-2) Théories de communication neuronale

Comment les nombreux groupes neuronaux actifs interagissent entre eux et comment leur

communication est modulée de manière flexible pour donner notre dynamique cognitive ?

Le modèle général de communication neuronale est qu’un neurone envoie un message

(codé par son taux de potentiels d’action) par son axone à tous les neurones auxquels il est

anatomiquement connecté. Ces neurones receveurs intègrent les différentes « entrées » sur

une fenêtre temporelle et modulent ainsi le taux de décharge…Cette théorie est celle de la

communication neuronale par modulation du taux de décharge.

Un deuxième mécanisme serait la communication neuronale par modulation du degré de

synchronisation des potentiels d’actions. Pour des raisons de propriétés membranaires, les

neurones sont très sensibles aux entrées de potentiels d’action à haute fréquence. Pour être

efficaces de manière maximale, chaque neurone devrait décharger sous forme de bouffées de

potentiels d’action et chaque neurone du groupe devrait synchroniser ses bouffées avec les

autres neurones.

Cependant ces deux conceptions seules, seraient en faveur que toute forme de

communication entre groupes de neurones est seulement imposée par ses connexions

anatomiques. Or, les fonctions cognitives nécessitent une flexibilité dans la distribution de

l’information au niveau des différentes structures cérébrales. Comment expliquer en effet, les

effets de l’attention sur la perception consciente d’un stimulus par cette seule théorie ?

Il faut donc un moyen, malgré des connexions anatomiques fixes dans la fenêtre temporelle

des tâches cognitives, de rendre plus flexible cette communication.

Pour Fries, la perception serait liée à la formation temporaire d’ensembles de neurones

changeant d’un état cognitif à l’autre (63).

La synchronisation des rythmes au travers de différents cadres spatio-temporels pourrait sous

tendre l’intégration fonctionnelle nécessaire pour réaliser des tâches cognitives (153).

Un autre critère nécessaire pourrait être une cohérence de phase des oscillations de ces

groupes de neurones communiquant entre eux (pattern de « phase-locking »).

En 1974, Sayers et al avaient déjà dit que les stimuli auditifs réorganisaient l’activité

spontanée de l’EEG en changeant la distribution de phase (175).

Les groupes neuronaux activés oscillent et ont donc une fluctuation rythmique de leur

excitabilité qui produit des fenêtres temporelles pour la communication.

Partie III : Perspectives

93

Seuls les groupes de neurones oscillant de manière cohérente peuvent interagir car leur

fenêtre de communication pour les entrée et les sorties sont ouvertes au même moment.

Cette hypothèse est appelée : communication au travers de la cohérence. (La communication

dépendrait non seulement d’oscillations cohérentes, mais également de la phase relative entre

les différentes oscillations.)

Elle est basée sur 2 arguments :

-les groupes de neurones activés ont la propriété intrinsèque d’osciller.

-ces oscillations constituent des modulations rythmiques dans l’excitabilité

neuronale qui affectent à la fois la survenue de sortie de potentiels d’action et la

sensibilité à une entrée synaptique. Seuls les groupes neuronaux oscillant de

manière cohérente (« phase-locked ») peuvent communiquer car leurs fenêtres de

communication pour l’entrée et pour la sortie sont ouvertes en même temps.

Une autre théorie proche est appelée « lien par synchronisation » (Binding by synchronization

hypothesis). Les neurones représentant le même objet perceptuel seraient synchronisés en

grande assemblée de neurones.

Le rôle possible des différentes bandes de fréquences :

La communication doit être facilitée dans un chemin sélectif et non global. Un « Global

phase-locking » est rencontré durant les états d’épilepsie et est incompatible avec un

fonctionnement cognitif normal. La synchronisation dans l’α de régions au repos se ferait sur

de large bande de fréquence afin de minimiser la cohérence neuronale.

Pour la communication, ce serait la cohérence dans la bande γ qui serait la plus pertinente (car

permettrait une communication rapide). On rejoint donc les données ERS dans la bande γ. Et

on peut se demander si l’ERD dans l’α qui signerait une activité corticale induite par le

stimulus ne serait pas le reflet d’une synchronisation dans la bande de fréquence γ de certains

groupes de neurones enregistrés par l’électrode de surface.

Les « rythmes » seraient distribués par un centre de diffusion qui pourrait correspondre

à certains noyaux thalamiques qui ont les larges connexions avec le néocortex. Les

mécanismes de régulation top down face à un stimulus relèveraient donc d’un code

« temporel » avec des contraintes physiques (connexions anatomiques).

Partie III : Perspectives

94

Cette théorie pourrait expliquer les effets de l’attention. (Régulation top-down)

Chez les singes, un stimulus visuel attendu entraîne une plus grande synchronisation

dans la bande de fréquence γ du cortex extrastrié (V4).

Fries fait l’hypothèse que si deux stimuli sont mis dans le champ visuel, les deux groupes

respectifs de neurones activés vont envoyer un message qui va rentrer en compétition au

niveau de la prochaine étape du traitement visuel (63). Le groupe neuronal qui va recevoir ces

informations, reçoit donc des bouffées de potentiels d’action rythmiques et synchronisées

mais non synchronisées entre les deux groupes de neurones « émetteurs ». Les potentiels

d’action venant des neurones activés par le stimulus attendu sont plus synchronisés dans la

bande γ que ceux venant du groupe de neurone activés par le stimulus inattendu. Le groupe de

neurones receveurs aura donc plus tendance à se « phase-locker » sur l’entrée attendue…Donc

un pattern flexible de cohérence permettrait de mieux moduler dynamiquement la

communication des groupes de neurones, en plus des simples connexions anatomiques.

Pour apporter des arguments en faveur de cette théorie de communication neuronale et

éclaircir le problème évoqué plus haut de « l’ERD dans l’α », il est indispensable d’étudier

l’activité de petits groupes neuronaux ciblés (ayant une activité relativement homogène). Cela

serait possible par l’utilisation d’électrodes implantées, dont les nouveaux modèles permettent

un enregistrement unitaire.

Partie III : Perspectives

95

II ) Perspectives en potentiels évoqués

A) l’usage d’un «stimulus hautement pertinent » pour le sujet

Certains stimuli, soit par leur forte valeur émotionnelle, soit en raison d’un

« surapprentissage » pourraient être « identifiés » plus facilement même chez des patients

cérébrolésés ou avec altération de la conscience. Ont été proposés l’usage du propre prénom

du patient, de la voix d’un proche, de mots « effrayants »…

Ce type de paradigme se heurte à plusieurs difficultés :

-Pour beaucoup ces «stimuli pertinents » ou « saillants » (en anglais : « salient stimuli ») sont

propres à l’histoire de l’individu et nécessitent donc une modification du matériel utilisé pour

chaque patient.

-Sur le plan méthodologique, lorsqu’on créé un paradigme en potentiels évoqués cognitifs, il

faudrait idéalement comparer le stimulus testé avec un stimulus contrôle apparié pour toutes

les caractéristiques exceptée celle dont un veut évaluer la capacité de discrimination. Bref,

modifier le stimulus testé impliquerait de modifier le stimulus contrôle.

A-1) Les stimuli « novels » (nouveaux, originaux)

Une alternative méthodologique a été proposée : il s’agit de la méthode des stimuli

« novels ».

Par exemple, on peut utiliser dans un paradigme « odd-ball », en plus des sons rares, d’autres

stimuli hautement déviants (car souvent aux caractéristiques physiques très différentes : mot

versus son…): ce sont des stimuli « novels ».

Chez les sujets sains, ces stimuli « novels » génèrent une P300, notamment la composante

P3a. Le « novel » est donc une variété de « stimuli saillants» qui se caractérise par ses grandes

différences avec les autres stimuli utilisés dans le paradigme. L’interprétation d’une

éventuelle différence en potentiels évoqués par rapport aux sons fréquents ou rares est donc à

faire avec prudence tant les caractéristiques physiques du novel diffèrent avec les sons

fréquents et les sons rares. (Que signent ces différences : une analyse sémantique du stimulus

novel? De la différence acoustique?...).

Pour cette raison, on compare le plus souvent les PE induits par un stimulus novel avec ceux

induits par un 2ème stimulus novel plus comparable sur le plan des caractéristiques physiques.

Partie III : Perspectives

96

Quels sont les avantages à utiliser des stimuli « novels » ?

Le caractère fortement saillant des stimuli novels fait qu’ils ne seraient pas seulement

traités de manière pré attentive et automatique mais captureraient l’attention. Si bien qu’un

paradigme utilisant des stimuli novels peut induire, en passif, une P300 (P3a ?) d’amplitude

comparable à celle induite par une tâche de discrimination (l’amplitude de la P300 en « odd-

ball classique » est sensible à l’attention du sujet).

On peut imaginer des stimuli novels de tout type : sons, bruits (pleurs, téléphone…) ou mots.

Déjà en 1999, Lew et al, ont utilisé dans un paradigme « odd-ball like », le mot

« mommy » prononcée par une voix féminine comme stimulus rare et un son à 1000 Hz

comme stimulus fréquent (118). Ils ont ensuite comparé les résultats obtenus avec ceux

obtenus grâce à un paradigme classique (stimulus rare= son à 2000 Hz). Chez 22 sujets sains,

l’amplitude de la P300 était nettement plus importante en « speech evoked P300 paradigm »,

qu’en « tone-evoked P300 paradigm » (12,1µV vs 5,9µV ; p<0,0001). Chez 6 sujets

cérébrolésés (sans précision sur leur état de conscience…), deux avaient une P300

d’amplitude plus importante pour le « speech » paradigm, plutôt que le « odd-ball » classique.

4 n’avaient aucune P300 quel que soit le protocole. Cela se passe comme si le caractère

« saillant » du mot « mommy » pouvait amplifier le phénomène P300, mais pas le créer. Trois

explications peuvent être évoquées :

- Les caractéristiques physiques du novel. Un mot diffère beaucoup plus par ces

caractéristiques physiques d’un son qu’un son d’une autre fréquence et l’amplitude de la P300

pourrait être liée à la cumulation d’effets liés à chacune des caractéristiques physiques

différentes.

- L’attention. Le caractère « saillant » permet de capturer plus « d’attention », ce qui

amplifierait la P300.

- L’émotion. Le caractère émotionnel du mot « mommy » pourrait également être responsable

de l’amplification de la P300.

La moins bonne rigueur méthodologique des paradigmes novels induit ces difficultés

d’interprétations.

Partie III : Perspectives

97

A-2) L’exemple de l’utilisation du prénom du patient

L’usage d’un « signal identifiant » n’est pas spécifique aux hommes ; par exemple, dans

la plupart des colonies d’oiseaux, les parents reconnaissent leur progéniture par un signal

sonore particulier. Du fait d’un avantage évolutif probable, le signal utilisé pour identifier

certains individus a une histoire phylogénétique plus longue que le langage. Les humains ont

remplacé ces signaux acoustiques par un code linguistique ; mais de nombreuses études (cf ci-

dessous) sont en faveur d’une fondamentale différence entre traiter un signal correspondant à

un individu particulier comparativement à un signal désignant une catégorie d’objet.

Son propre prénom est pour une personne un stimulus auditif très particulier.

Cela pourrait être à la fois en raison d’un surapprentissage au cours de la vie, du fait de sa

capacité à attirer l’attention et de sa connotation émotionnelle.

Il est également possible qu’un réseau neural propre soit impliqué dans la reconnaissance de

son propre prénom.

Un exemple du caractère particulier du stimulus « propre prénom » est qu’après une

anesthésie générale, la réactivité à son prénom survient avant celle à la douleur ou au bruit

(111).

Comparaison chez un sujet normal des potentiels évoqués par un paradigme « odd-ball » classique (à gauche) et un paradigme avec le mot « mommy » (à droite) utilisé comme stimulus rare.D’après Lew et

al. Am J Phys Med Rehabil. 1999. (118)

Comparaison des résultats son rare vs « Mommy » chez 22 sujets sains. D’après Lew et al. Am J Phys Med

Rehabil. 1999. (118)

Partie III : Perspectives

98

Un autre exemple du caractère hautement « pertinent » pour la personne de son propre

prénom est suggéré en électrophysiologie par les résultats de paradigmes « odd-ball » utilisant

ce prénom comme stimulus déviant.

Dans un paradigme « odd-ball » classique (aux sons), l’amplitude de la réponse P300 est

nettement corrélée à l’attention du sujet sur la tâche de discrimination. En passif, on

n’enregistre le plus souvent pas de P300 ou une P3a de faible amplitude.

En utilisant un protocole «odd-ball/ novels » avec, en plus des bips fréquents et rares, des

stimuli novels comprenant le propre prénom du sujet et soit un autre mot ou prénom, plusieurs

équipes ont mis en évidence une ample P300 (3 à 4 fois plus ample que pour le bip rare) pour

le prénom du sujet. Cette P300 était également enregistrée en passif (c'est-à-dire en l’absence

de consignes explicites) (155).

Tout se passe comme si le propre prénom du sujet était un stimulus cible « implicite », c'est-à-

dire qu’il va capturer l’attention. Le sujet va le considérer comme « pertinent », intéressant,

même en l’absence d’instructions explicites. Pour cette raison, l’usage du prénom du patient

dans un paradigme « odd-ball » pourrait être utilisé en « passif » chez des sujets non

coopérants pour induire une P300.

En fait, des études plus récentes ont démontrée que la différence de traitement entre un

nom propre (notamment son propre prénom) et un nom commun se faisait dès les premières

étapes de l’analyse (133). Etonnamment, l’amplitude de la N1 et de la P2 serait plus grande

pour les noms propres.

Une voix familière pourrait encore plus amplifier cette réponse au propre prénom du

patient. En effet, tout récemment en 2006, Holeckova et al, ont utilisé chez les sujets sains un

paradigme « odd-ball/novels » utilisant 3 types de stimuli novels inattendus : le propre

prénom du sujet prononcé soit par une voix inconnue, soit par une voix familière, et un

Grand moyennage chez 32 témoins, des PE obtenus

suite à l’écoute de phrases commençant soit par un

nom commun (22 phrases), soit un nom propre (22

phrases). Muller HM, Kutas M. Neuroreport. 1996.

(133)

Partie III : Perspectives

99

stimulus non vocal de même enveloppe que le prénom prononcé par la voix familière (87). Les

résultats ont été que le prénom du patient induit une P300 plus ample que le stimulus non

vocal. La première partie de la P300 est identique pour le prénom prononcé par la voix

familière et par la voix inconnue. Puis entre 300 et 380 ms, l’amplitude devient plus

importante pour le prénom prononcé par la voix familière.

Cette différence a été interprétée par les auteurs comme une possible P3b. Cette P3b est

habituellement observée dans un paradigme « odd-ball » actif. Dans ce paradigme passif, il

est possible que le prénom, qui a permis la captation de l’attention comme le suggère la P3a,

puisse avoir une signification augmentée quand prononcée par une voix familière.

Entendre son prénom contient peut être comme consigne implicite d’identifier celui qui

nous appelle, et reconnaître cette voix pourrait être responsable d’une P3b.

Enfin, après 450 ms, il existe de nettes différences entre voix familière et non familière

suggérant qu’un traitement spécifique survient à cette latence. En frontal, on peut mettre en

évidence une onde positive vers 625 ms plus prolongée pour les stimuli vocaux que les non

vocaux et en pariétal, une onde négative qui persiste plus longtemps pour la voix familière

que pour la voix inconnue.

Grand moyennage en Cz chez 15 sujets de la réponse en potentiels évoqués suite à leur propre prénom prononcé par une voix inconnue, par une voix familière ou de l’enveloppe du prénom prononcé par la voix familière (stimulus non vocal).D’après Holeckova et al .Brain Res. 2006.

(87)

Partie III : Perspectives

100

Utilisation du propre prénom du sujet comme stimulus chez des sujets en état de conscience

« altérée » :

-Chez des sujets endormis:

Une différence entre les potentiels évoqués induits par l’écoute de son propre prénom,

comparativement à un autre prénom a pu être mise en évidence pendant le sommeil.

Perrin et al ont comparé les PE induits par le propre prénom du sujet comparativement à 7

autres prénoms « neutres » à l’état d’éveil, et pendant différents stades de sommeil (155).

Pendant le sommeil stade II, les stimuli auditifs fréquents ou déviants entraînent des « evoked

K-complexes », avec pour le propre prénom du patient une amplitude nettement plus

importante.

Pendant le sommeil paradoxal (considéré comme un état conscient), le prénom du sujet est

responsable d’une P300 de topographie strictement identique à l’éveil bien que d’amplitude

moins grande.

-Chez des patients en état végétatif ou en état de conscience minimale :

Le paradigme ci-dessus a été utilisé chez des patients cérébrolésés en état végétatif ou

en état de conscience minimale (156).

Perrin et Laureys ont enregistrés les potentiels évoqués auditifs suite à l’écoute du propre

prénom du patient, comparativement à 7 autres prénoms courants chez 15 sujets cérébrolésés

(5 patients en état végétatif (VS), 6 patients en état de conscience minimale (MCS) et 4

patients en « locked-in syndrome » (LIS)) et chez 5 volontaires sains appariés pour le sexe et

l’âge (moyenne : 54,6 ans).

Grand moyennage comparant les potentiels évoqués par le propre prénom du patient à d’autres prénoms chez 10 contrôles pendant le sommeil stade II (en haut) et pendant le sommeil paradoxal (en bas). Figures de droites : carte d’amplitude maximale de la P300 induite par le propre prénom du sujet. (Prédominance à gauche surtout au cours du sommeil paradoxal. Perrin et al. Clin Neurophysiol. 1999. (155)

Partie III : Perspectives

101

Après interrogatoire de la famille, si un des prénoms contrôles était fortement connotés

affectivement (prénom d’un membre de la famille…), il était éliminé du moyennage.

Pour tous les sujets contrôles, une composante N1, P2, N2 et P3 a pu être mise en évidence.

Seule la P3 était significativement différente entre la courbe « propre prénom » et « autres

prénoms » (p<0,05). La latence moyenne de la P3 (P300) était de 460,6 ms, un peu supérieure

à celle habituelle dans la littérature en raison de l’âge moyen plus élevé des contrôles.

Chez tous les patients une P3 pour le prénom du patient a pu être mise en évidence (p<0,05),

excepté pour 2 patients en VS et un patient LIS (ce dernier pour des raisons probables

d’artéfacts sur le tracé).

Une « differential P3 » (amplitude différentielle de la P300 pour le propre prénom du sujet par

rapport aux autres prénoms) a été trouvée pour les patients LIS (ce qui semble normal au vu

de leurs capacités cognitives préservées), mais également pour les MCS même si avec une

latence plus importante que les contrôles.

En revanche, 3 patients en VS sur 5 ont produit également une « differential P3 » à leur

propre prénom.

Potentiels évoqués par le propre prénom du sujet comparativement à d’autres prénoms chez des sujets contrôles, des sujets en locked-in syndrome, de patients MCS et des patients en VS. D’après Perrin F et al.

Arch Neurol. 2006. (156)

Partie III : Perspectives

102

Sur l’étude de groupe, la MANOVA n’a pas permis de mettre en évidence de différence

significative d’amplitude des PE entre les 4 groupes et seule la composante P3 était

significativement différente pour le propre prénom du patient par rapport aux autres prénoms

et ce pour les 4 groupes (p<0,05). La latence de la P3 était significativement allongée pour les

patients en VS comparativement aux LIS et aux contrôles et pour les patients MCS

comparativement aux contrôles.

Commentaires et leçons à tirer de cette expérience :

Plusieurs études ont déjà montré la possibilité d’une onde P3 en paradigme « odd-ball »

chez environ 20% des patients dans le coma (cf Partie II chapitre III-B) et chez des patients en

VS (Glass et al: P3 chez 3 patients en VS sur 8).

Comme le soulignent les auteurs de cet article, il est probable que le caractère « saillant » du

propre prénom du patient renforce cette occurrence de P3 chez les patients en VS dans cette

étude (3 sur 5), même si la caractéristique clé du propre prénom n’est pas certaine. Le

traitement de son propre prénom partage t’il le réseau sémantique usuel, ou est ce que ce

stimulus si particulier est traité par un réseau propre ? En tout cas, cet exemple est la preuve

que chez des patients en VS et donc en l’absence de conscience, le traitement de certains

stimuli, peut-être en raison d’une charge émotionnelle ou d’un surapprentissage, est

probablement facilité par rapport à d’autres plus « neutres ».

La présence dans l’étude de Perrin d’une « differential P3 » chez 60% (3/5) des

patients VS, n’est pas en faveur, pour les auteurs, d’une possible utilisation du prénom seul

comme outil pronostique de réveil et donc encore moins de niveau de séquelles

neuropsychologiques.

Les patients étaient en VS depuis 14 jours à 8,5 mois (médiane 45 jours) et aucun ne s’est

réveillé avant la publication de l’article.

Reste-t-il alors un intérêt à l’utilisation du propre prénom du patient dans des paradigmes

d’exploration électrophysiologique chez des patients dans le coma ?

Nous soulignons encore une fois qu’il est loin d’être certain que la mise en évidence

d’un marqueur électrophysiologique chez un patient végétatif soit la preuve de son inutilité

pour prédire le devenir d’un patient dans le coma. Ce marqueur en présence ou en l’absence

d’éveil a certainement une valeur différente.

Partie III : Perspectives

103

Aussi, il serait intéressant de tester des patients dans le coma (par groupe fonction de

l’étiologie), pour savoir si un système d’éveil fonctionnel est nécessaire à l’obtention de

cette « differential P3 » et de corréler la présence de cette « differential P300 » avec le devenir

du patient.

Une autre possibilité serait que l’effet « differential P300 » soit si robuste que son absence

puisse être un facteur de mauvais pronostic de réveil. Cette valeur prédictive de non réveil,

par exemple dans le groupe des comas post anoxiques, pourrait être plus sensible que celle

obtenue grâce aux potentiels évoqués somesthésiques (cf Partie II chapitre IV arbre

décisionnel de Catherine Fischer (54)).

Cette étude apporte pour moi deux éléments de réflexion fondamentaux :

- Certains patients en l’absence de conscience (coma, VS) gardent la capacité de traiter

certaines informations à un niveau élevé d’intégration. Si on peut imaginer de

nombreux paradigmes en potentiels évoqués cognitifs et en IRM fonctionnelle pour

mettre ces capacités cognitives résiduelles en évidence, toutes ne sont pas forcément

exploitables comme outil pronostique de réveil ou d’évaluation du niveau de séquelles

neuropsychologiques futur (mais attention à l’extrapolation chez les patients dans le

coma de résultats obtenus chez les patients végétatifs).

- Il est indispensable de savoir ce qu’on teste avec un stimulus ! (c'est-à-dire qu’il faut

identifier la caractéristique clé des « stimuli saillants » : émotion, surapprentissage…

et quels sont les réseaux impliqués (étudiés grâce à la MEG ou l’IRMf) chez le sujet

sain et chez les patients.

L’émotion pourrait favoriser le traitement d’un stimulus en l’absence de conscience.

Cette amplification inconsciente émotionnelle me semble être un élément clé de recherche

dans les prochaines années et pourrait augmenter la sensibilité des tests neurophysiologiques

actuels comme l’évoquent les résultats de Lew et al (118).

Peut être faudrait il utiliser des stimuli saillants plus « purs » que le propre prénom du

patient : un mot uniquement surappris (« bonjour ») comparativement à des mots moins

fréquents appariés, un mot uniquement « émotionnel » (« attention »). L’importance de la

charge émotionnelle, même si elle diffère en fonction de l’histoire des individus, pourrait être

« dosée » (au moins en basse et forte ; ou positive et négative).

Partie III : Perspectives

104

B) L’exploration des capacités résiduelles liées au langage

L’intérêt pronostic de la MMN est limité parce que cette dernière apporte un argument

fort pour un devenir nécessaire (le réveil c'est-à-dire un état non végétatif permanent) mais

non suffisant (la qualité de vie peut rester médiocre avec un état très pauci relationnel).

(Idéalement cet examen se devrait donc d’être plus sensible pour être plus intéressant

cliniquement.) Les réanimateurs aimeraient avoir des indices pronostiques de qualité de vie

chez les patients dans le coma.

Une des capacités clé dans la préservation d’un certain degré d’autonomie, d’interaction

avec les autres et donc de qualité de vie est le langage.

Ces dernières années de nombreuses expériences ont été réalisées afin de distinguer les

différents traitements nécessaires à la compréhension d’une phrase. Schématiquement, on

peut dire que le traitement d’une phrase se fait à deux niveaux : un niveau syntaxique et un

niveau sémantique (38).

Deux grandes théories du langage s’opposent dans la conception du traitement

syntaxique et sémantique:

-La théorie modulaire : (Fodor, 1983 (56)) L’analyse syntaxique et sémantique d’une phrase

dépendrait de « modules » de traitements différents. Cette architecture serait innée et donc

universelle (identique quelles que soient les langues).

-La théorie interactive (Bates, 1987 (6)) : Les contraintes syntaxiques et sémantiques

interagiraient simultanément et ne dépendraient que de contraintes de probabilités. Celles-ci

seraient donc très variables selon les langues.

Les études comportementales apportent des premiers résultats intéressants.

La détection de violations syntaxiques ou sémantiques au sein d’une phrase produit le plus

souvent une augmentation du temps de lecture de la phrase, dès que la violation a été perçue

(59). En 2003, Marica De Vincenzi et al ont précisé ces résultats en mesurant le temps de

lecture mot par mot de phrase dont le mot central pouvait être soit adapté, soit syntaxiquement

incorrect (verbe mal conjugué), soit sémantiquement incorrect (verbe inadapté à la phrase)

chez 30 témoins (38).

Partie III : Perspectives

105

Les résultats étaient en faveur d’un effet de la violation syntaxique plus précoce et bref, que la

violation sémantique. Pour De Vincenzi, la rapidité d’action du traitement syntaxique serait

en faveur d’un traitement modulaire et de la possibilité d’un traitement en partie automatique.

Les modules de traitement syntaxique et de traitement sémantique pourraient donc

fonctionner en l’absence de conscience et donc chez les sujets dans le coma.

L’identification de marqueurs en PE spécifiques d’un type de traitement permettrait d’avoir

un marqueur indépendant de la réponse motrice (lecture, appui sur un bouton…) préalable

indispensable à une utilisation éventuelle chez les patients dans le coma..

B-1) La détection d’une violation sémantique (N400)

En 1980, Martha Kutas et son équipe ont pensé pouvoir utiliser la P300 comme

marqueur électrophysiologique de la détection d’une « surprise » suite à l’incongruence d’un

mot en fin de phrase (c'est-à-dire une détection consciente d’une anomalie sémantique) (112).

Pour cela, ils ont enregistré les potentiels évoqués visuels cognitifs de témoins devant lire sur

un écran des phrases dont 25% finissaient avec un mot inapproprié sémantiquement.

Moyennage des temps de lecture chez 30 sujets pour des phrases dont le verbe (en 4 ème position) pouvait être soit correct, soit syntaxiquement incorrect (conjugué à la mauvaise personne), soit sémantiquement incorrect. Les deux types de violations sont responsables d’un allongement global du temps de lecture. Pour la violation syntaxique : cet allongement est limité au mot incorrect et au mot suivant. Pour la violation sémantique cet allongement se répercute sur tous les mots suivant le mot incorrect. L’hypothèse est que la violation syntaxique serait plus facile à résoudre que la violation sémantique. Il peut souvent exister plusieurs alternatives au sens d’une phrase tant que celle-ci n’est pas finie et le lecteur chercherait un sens pendant toute la fin de la phrase. Marica De Vincenzi et al. Brain Language. 2003. (38)

Partie III : Perspectives

106

La surprise fut qu’il n’y eut pas de P300 pour les mots sémantiquement déviants mais une

onde négative d’amplitude maximale 400 ms après la projection du mot incongruent : la N400

et que l’amplitude de cette onde était modulée par l’importance du caractère incongruent.

Depuis les travaux de Markus Kiefer en 2000, on sait que la N400 reflète une

activation automatique inconsciente en réponse à une détection de violation sémantique

(103). En effet, il a démontré qu’il pouvait exister un « effet N400 » en utilisant un paradigme

d’amorçage masqué (seul le 2ème mot était perçu consciemment) mais que celui-ci

disparaissait très vite avec l’allongement du délai entre la présentation du mot masqué et celui

du mot incongruent. Cet effet est net pour un intervalle inter stimulus (ISI) de 67 ms, mais

disparaît si l’ISI dépasse 200 ms. Le fait de pouvoir enregistrer « la signature » électrique (la

N400) d’un traitement sémantique inconscient des mots, a également été retrouvé par le

groupe de Luck en utilisant un autre paradigme, le paradigme de clignement attentionnel, qui

permet de supprimer la perception du second mot cette fois (121).

Tout se passe comme si le contexte (phrase ou mot précédent) servait d’amorce et activait une

représentation conceptuelle dans le réseau sémantique atteignant des concepts

sémantiquement proches et augmentant leur niveau d’activation. La réponse cérébrale à une

cible liée sémantiquement serait donc automatiquement facilitée, alors qu’une réponse suite à

un mot « incongruent » dans le contexte nécessiterait comparativement une plus grande

activité neuronale.

Onde N400 suite à une phrase avec le dernier mot incongruent. (NB : Utilisation de la convention de polarité :

Négatif vers le haut). Kutas M. Science. 1980.

Partie III : Perspectives

107

Il devrait donc être possible d’enregistrer une N400 chez certains patients comateux.

Une réponse de type N400 chez certains de ces patients traduirait l'intégrité de processus

cognitifs complexes associés au traitement du langage et sa présence, pourrait être associée à

un pronostic de niveau de handicap cognitif faible (notamment sur la compréhension).

La présence d'une N400 pourrait donc permettre de mieux prédire le niveau de

handicap cognitif que la seule utilisation d'un paradigme de MMN chez les patients dans

le coma.

B-1-1) Une N400 chez certains patients végétatifs : qu’en penser ?

Il existe un seul article actuellement dans la littérature portant sur la recherche d’une

N400 comme signe d’un traitement auditif à un niveau sémantique chez des patients

cérébrolésés non communicants.

En effet, en 2004, Schoenle et al ont enregistré les potentiels évoqués avec un protocole

N400 chez 120 patients cérébrolésés dans un centre de rééducation spécialisé pour les patients

en état végétatif (177).

L’étiologie responsable du handicap était : traumatisme crânien (41,7%), ischémie (25,8%) et

arrêt cardiaque (32,5%).

Les patients étaient divisés en 3 catégories : état végétatif (35,8%), « near vegetative state »

(19,2%) (avec des signes minimaux d’interactions non réflexes avec l’environnement,

correspondant aux patients MCS les plus sévères), et sévèrement cérébrolésés mais pas en état

végétatif (45%). La durée de l’état, qui est un élément clé (végétatif « persistant » ou végétatif

« permanent »), n’est pas mentionnée.

Aucun patient dans le coma n’a été enregistré. Les patients étaient monitorés sur le plan EEG

et enregistrés au maximum d’éveil.

Bien que la méthodologie soit imprécisément détaillée (des phrases sont utilisées, l’ISI

entre chaque mot n’est pas explicité), et critiquable (analyse uniquement visuelles et non

statistique de la différence entre les phrases congruentes et incongruentes ; époque des

potentiels évoqués centrée uniquement sur le dernier mot rendant impossible l’identification

d’artéfacts ; matériel congruent et incongruent différent sur de nombreux paramètres

physiques et pas uniquement sémantique, et utilisation de phrase sémantiquement incorrectes

mais également grammaticalement incorrectes), les résultats sont intéressants.

Partie III : Perspectives

108

Une N400 pouvait être enregistrée chez :

-90,17% des patients non en état végétatif

-51,36% des patients « near vegetative state »

-12% des patients en état végétatif.

Pour les auteurs le fait qu’on puisse enregistrer une N400 chez 12% des patients en VS

démontre que certains patients en VS sont capables d’analyser le matériel acoustique présenté

jusqu’à un niveau sémantique. Cela irait contre un état où seules les fonctions végétatives

seraient préservées et les habilités cognitives seraient nulles. Pour eux, il faudrait différencier

la performance de la compétence. Certains patients en états végétatifs garderaient certaines

compétences cognitives de haut niveau, probablement en rapport avec des « ilôts » de cortex

et de boucles cortico-thalamiques fonctionnelles.

15% des patients ont été enregistrés une deuxième fois (intervalle entre les deux

enregistrements non précisé). Chez 56% d’entre eux, il y avait une amélioration pour la N400

(critère d’amélioration non précisé : amplitude, latence ?) suggérant une évolution dynamique

des patients non visible cliniquement.

Que penser de la présence d’une N400 chez certains patients végétatifs ?

Cette étude doit, bien sûr, être dupliquée avec une méthodologie de meilleure qualité

afin de vérifier ces résultats.

Si la présence d’une N400 chez une minorité (12%) de patients végétatifs confirme

l’hypothèse d’un traitement sémantique au moins en partie automatique, est ce que cela ne

remet pas en question l’hypothèse de bon pronostic cognitif en cas de présence d’une N400

chez un patient dans le coma ?

Encore une fois, il ne faut sans doute pas interpréter la présence d’un marqueur

électrophysiologique chez un patient végétatif comme en faveur d’une absence d’intérêt

pronostique chez des patients dans le coma avant de l’avoir testé.

Aussi, ces résultats ne doivent pas décourager la recherche d’une N400 au stade de coma

comme bon marqueur pronostique.

On peut aussi penser qu’il faudrait peut-être associer le paradigme « odd-ball » au

paradigme N400. La présence d’une MMN chez un patient dans le coma est très en faveur

Partie III : Perspectives

109

d’une sortie de coma dans un état meilleur que végétatif, et la N400 pourrait être associée à un

meilleur pronostic de récupération du langage (notamment de la compréhension).

On peut même imaginer la création de paradigmes N400 testant une sémantique de

complexité différente (vocabulaire moins courant…) : avec, par exemple, un paradigme

« N400 facile », et un paradigme « N400 difficile »…

B-1-2) Création d’un paradigme N400 en vue d’une application chez les patients comateux

Plusieurs travaux (dont ceux de Markus Kiefer (103)) suggèrent que la conscience

serait nécessaire pour maintenir de manière prolongée une représentation cérébrale afin de

pouvoir la manipuler, la mémoriser de manière explicite… Les représentations inconscientes

liées à une activité neuronale (et non à une modification de pondération synaptique par

exemple) auraient pour caractéristique commune leur évanescence rapide.

Cela laisse penser que, chez les patients comateux, la représentation inconsciente du 1er mot

entendu (si elle existe) pourrait être également de très courte durée. Il nous a donc semblé

inutile et non pertinent d’utiliser, comme dans la plupart des paradigmes, une phrase complète

pour contextualiser le mot final, celui-ci pouvant être adapté sémantiquement ou inadapté.

Nous avons donc choisi, de manière volontairement minimaliste, d’utiliser des paires de

mots avec soit présence, soit absence d’un lien associatif (cf paragraphe suivant) ; c'est-à-dire

que le mot cible (2ème mot de la paire) est amorcé uniquement par le mot précédent (1er mot de

la paire). Les paires de mots ont été créées à partir de normes d’associations verbales libres en

français (Annexe 3 (50)). Les deux critères principaux retenus étaient un pourcentage

d’association libre supérieur à 40% entre le mot inducteur et le mot cible et un point d’unicité

phonologique (rang de phonèmes à partir duquel ce mot entendu est identifiable sans

ambiguïté) final.

Le mot incongruent est choisi à partir du 2ème mot d’une autre paire congruente appariée pour

chaque mot sur le nombre de syllabes, de consonnes et la fréquence.

Les paires sont créées par 4, ainsi ce sont exactement les mêmes mots qui sont utilisés pour les

paires congruentes et pour les paires incongruentes (donc même paramètres physiques).

Au total, la liste de paires de mots est composée avec des mots pouvant être soit congruents

(50%), soit incongruents (50%).

La seule différence est donc l’existence d’un lien sémantique ou non. Ce paradigme est donc de

bien meilleure qualité sur le plan méthodologique que celui de Schoenle.

Partie III : Perspectives

110

Résultats chez les témoins :

• Chez le sujet unique :

Un effet N400 est très nettement visible chez le sujet unique (p<0,01 sur >25 ms consécutives).

Un effet positif de latence plus tardive non attendu se dégage (p<0,05 sur >25 ms consécutives).

Partie III : Perspectives

111

• Résultats sur le groupe témoins :

(18 sujets, médiane d’âge 29 ans, langue maternelle française, absence de surdité et de maladie psychiatrique)

Grand moyennage en Cz : 18 sujets contrôles Grand moyennage en Pz : 18 sujets contrôles

L’effet N400/P600 est très significatif (T test apparié chez 18 témoins)

Cz : p<0,001 sur 275 ms Pz : p<0,001 sur 270 ms

A noter que 6 patients sur 18 ont une onde positive survenant en moyenne 630 ms après le

début du mot et appelé « effet P600 ». Cette onde est probablement à rapprocher de la P300 et

pourrait indexer une détection consciente de l’absence de lien associatif ou pourrait être le

reflet d’une tentative de créer un lien entre les deux mots (appelée « réparation »).

« Effet de répétition non spécifique » :

L’amplitude des PE du 2ème mot de la paire est moins grande que celle des PE du 1er mot.

Nous avons appelé cet effet : « effet de répétition non spécifique ».

Cz:

Pour P1N1 : 17,1% (ANOVA, F= 19,4 ; p<0,0004)

Pour N1P2 : 41,7% (ANOVA, F= 72,4 ; p<0,0000002)

Pz:

Pour P1N1 : 2% (ANOVA, F= 1,2 ; p non

significatif)

Pour N1P2 : 33,9% (ANOVA, F= 14,7 ; p<0,002)

Cette réduction d’amplitude des PE pour le 2ème mot

de la paire est plus importante pour le segment

N1P2 que pour le segment P1N1 et sur les

dérivations antérieures.

Partie III : Perspectives

112

Recherche d’un effet de répétition spécifique du mot :

Quand un stimulus particulier (ou certains de ses

attributs) est répété, l’activité des neurones

impliqués dans l’analyse de ce stimulus diminue

le plus souvent. Cet effet est appelé « repetition-

suppression » (Découvert chez le singe par

Desimone et Miller en 1991 (41).)

Nous n’avons pas retrouvé d’« effet de répétition-

suppression » lors de la répétition d’un mot.

� Donc au total, chez les témoins, nous avons pu mettre en évidence (sur les analyses de

groupe mais également en individuel) 3 niveaux d’intégration fonctionnelle des paires de

mots:

- une intégration auditive de « bas niveau » reflétée par les PE (P1/N1/P2) du

1er et du 2ème mot.

- une intégration auditive prenant compte du microcontexte » c'est-à-dire une

modification du traitement d’un mot faisant rapidement suite à un 1er mot

qu’on a appelé : « effet de répétition » (les PE du 2ème mot sont

comparativement moins amples que ceux du 1er mot). Cet effet est non

spécifique c'est-à-dire non dépendant d’un lien sémantique.

L’hypothèse est que les 2 mots successifs partageraient un réseau neural

commun dépendant de caractéristiques à préciser (son, voix…) et que le

traitement du 1er mot faciliterait celui du 2ème mot. Cet effet est probablement

dépendant de la longueur de la durée de l’intervalle inter stimulus (ISI).

- une intégration auditive de « haut niveau » : la détection d’une déviance

sémantique pour le 2ème mot indexée par l’« effet N400 ».

Partie III : Perspectives

113

Résultats chez les patients dans le coma :

• Résultats chez le sujet unique :

Exemple de tracé :

Me G. 72 ans, dans le coma suite à état de mal épileptique GCS: Y=1, M=2, V=T CRS-R: 3/23 Les potentiels des mots sont plus difficiles à identifier, mais une différence significative (p<0,01 sur 25, 6 ms) existe après le deuxième mot, d’amplitude maximale autour de 1800 ms : (soit près de 600 ms de plus que chez les témoins). Est-ce un « effet N400 » ? La patiente s’est finalement réveillé et présente une compréhension du langage préservée. Pour beaucoup de patient, le tracé individuel est, pour l’instant, difficile à interpréter du fait d’un rapport signal/bruit beaucoup moins élevé que chez les témoins éveillés et conscients.

• Résultats de groupe chez les patients dans le coma :

Comparaison du grand moyennage des 18_ sujets contrôles avec celui des 17 patients comateux avec P1+ (donc absence de surdité certaine) dont 8 P1+ et MMN+ (discrimination de la nouveauté auditive, très bon pronostic de réveil) : - Les potentiels évoqués (P1, N1, P2, N2) des 2 mots sont bien visibles. L’amplitude de ces potentiels est moins importante que pour les témoins. Les latences sont comparables, excepté pour N2 de latence plus tardive chez les patients dans le coma. - Il n’y a pas d’effet N400 statistiquement significatif dans le groupe : patients dans le coma. - Ce qui est très intéressant, c’est qu’il n’y a pas non plus d’ « effet de répétition » (p=0,81 en Cz). Les amplitudes des potentiels évoqués du 2ème mot sont statistiquement comparables à celle du 1er mot.

Partie III : Perspectives

114

� Chez les patients dans le coma, l’importance des artéfacts (mauvais rapport

signal/bruit) gène l’interprétation des résultats individuels.

Dans les résultats de groupe, il n’y a pas de N400. Cela pourrait être du à l’hétérogénéité des

patients (N400 ou pas, et si présence latence variable) responsable d’une absence d’effet sur le

moyennage. La préservation de la N400 chez un patient dans le coma pourrait être rare (12%

seulement des patients végétatifs chez Schoenle (177)).

Une autre hypothèse est que l’absence d’ « effet de répétition » chez les patients comateux est

en faveur de non intégration du 2ème mot dans le contexte du 1er mot. En clair, cet effet non

spécifique de répétition pourrait être nécessaire, bien que non suffisant pour qu’une détection

de violation sémantique puisse se faire (N400). Cet effet concerne probablement des étapes de

bas niveau d’intégration de l’information auditive et devrait donc pouvoir, sous certaines

conditions, se produire en l’absence de conscience.

Le paramètre clé pourrait être, comme pour les paradigmes d’amorçage masqué, la

durée de l’ISI.

La conscience, par la mémoire de travail, permettrait un maintien plus prolongé de

l’information du 1er mot chez les contrôles que chez les patients comateux. Aussi il serait

intéressant de tester ce paradigme en modifiant la durée de l’ISI de 400 à 200 ms afin de

rechercher un effet N400 mais également un « effet de répétition non spécifique » chez les

patients dans le coma.

Commentaires :

L’utilisation d’un paradigme en PE comme test pronostique chez les patients dans le

coma doit pouvoir nous apporter des informations au niveau individuel et non sur un groupe.

Plusieurs modifications pourraient améliorer la qualité des résultats individuels :

o augmenter la résolution de l’échantillonnage (qui est de 5,2 ms par point, soit un

échantillonnage de 192 Hz)

o sélectionner les meilleures paires de mots (les plus « incongruentes »).

o améliorer la qualité du filtrage : avec possibilité de sélection des essais en fonction de

la qualité des composantes précoces P1/N1 du premier mot de la paire. (L’hypothèse

étant que la détection d’une violation sémantique du 2ème mot de la paire nécessite au

préalable une intégration du premier mot de la paire.) ; enfin il semble que certaines

caractéristiques du rythme de fond EEG sur lequel survient le stimulus pourraient être

importante (notamment la puissance de l’α…) et cela pourrait être une voie pour

sélectionner les meilleurs essais.

Partie III : Perspectives

115

Un autre élément critique pour l’utilisation clinique d’un test est qu’il doit posséder une

excellente sensibilité et/ou une excellente spécificité.

Il est encore trop tôt pour savoir si la N400 pourra remplir toutes ces conditions faisant d’elle

un outil pronostic de faible niveau de séquelles neuropsychologiques (au niveau de la

compréhension) chez les patients dans le coma.

B-2) La détection d’une violation syntaxique

Alors que les mots sémantiquement inappropriés induisent une onde négative distribuée

sur tout le scalp (un peu plus en postérieur) appélée N400, les données sont moins uniformes

pour les corrélats électrophysiologiques d’un traitement syntaxique, peut être en raison d’une

plus grande variété de critères syntaxiques possibles.

Deux principaux marqueurs électrophysiologiques de la détection d’une violation

syntaxique ont été identifiés :

-une onde négative précoce générée en antérieur gauche appelée « LAN » (Left Anterior

Negativity) entre 200 et 500 ms après le début du stimulus (par exemple suite à une violation

de conjugaison (agrément sujet-verbe) (195, 75)).

Une « LAN » plus précoce, appelée « ELAN » (Early Left Anterior Negativity), a pu

également être enregistrée environ 250ms après la survenue d’une violation de structure de

phrase (58, 144).

La « LAN » serait automatique et purement syntaxique.

-une onde positive de large amplitude maximale en centro pariétal appelée « P600 », débutant

environ 500 ms après la présentation du mot syntaxiquement problématique. Cette onde est

induite par toutes les violations syntaxiques (structure de phrase, conjugaison) mais également

par les phrases correctes mais syntaxiquement complexes. La « P600 » indexerait donc les

difficultés de traitement syntaxique avec réanalyse et réparation (résolution de l’ambiguïté).

La P600 serait donc dépendante de processus plus contrôlés et nécessiterait une intégration

mixte syntaxique et sémantique.

En résumé, l’hypothèse la plus admise est que le traitement syntaxique se ferait en 2

étapes : une détection de la violation syntaxique (ELAN/LAN) qui pourrait être

automatique, puis un traitement conscient de la violation syntaxique (détection

Partie III : Perspectives

116

(Les données des PE sont donc congruentes avec les données comportementales : une

violation syntaxique et une violation sémantique induit 2 patterns d’activation différents.)

Pour Friederici, la première étape de traitement serait la structure de la phrase

(« ELAN ») puis une 2ème étape consisterait en la syntaxe dans la phrase (conjugaison…)

« LAN » et de la sémantique « N400 ». Ces 2 étapes seraient distinctes mais concomitantes.

Dans l’étude de De Vincenzi, la latence de la « LAN » est de 340 ms en moyenne,

tandis que la « N400 » survient 90 ms plus tard (38). Ces données sont donc en faveur d’un

traitement syntaxique plus précoce que la N400, au moins pour les violations d’agrément

sujet/verbe.

Les violations de temps (57) induisent une « LAN » de latence comparable à la N400. Ce type

d’erreur serait plus complexe à détecter et pourrait être en rapport avec un problème

d’interprétation.

La latence différente de la « LAN » et de la N400, la différence de topographie sur le scalp de

ces marqueurs, l’universalité de la « LAN/P600 » et de la « N400 » (en anglais (145), en

allemand (75) et en italien (38)) sont fortement en faveur d’un réseau neuronal différent pour la

détection d’une violation sémantique ou d’une violation syntaxique. Cela va plutôt dans le

sens de la théorie modulaire.

Grand moyennage chez 23 sujets des potentiels évoqués par des phrases syntaxiquement correctes ou incorrectes. Lück et al. Brain Research. 2006. (120)

Partie III : Perspectives

117

Il y a beaucoup de raisons de penser que la « LAN » ou l’ « ELAN » pourraient être

mise en évidence chez des sujets distraits par une tâche interférente, et probablement chez des

sujets inconscients.

Un paradigme en auditif (Lück a mis en évidence une « LAN » plus ample en modalité

auditive que visuelle (120)) semble possible du type :

Les enfants -----sont-----contents

Lionel-----a ------faim

Les enfants-----a-----contents

Lionel-----sont-----faim

Il faudrait tester ce paradigme chez des patients cérébrolésés. Il est possible que cette onde

dont les générateurs semblent être en frontal gauche soit altérée chez les patients avec aphasie

de Broca. Sa présence chez un patient dans le coma pourrait être liée à un meilleur pronostic

de récupération de l’expression par exemple.

B-3) La détection d’une répétition

Un autre marqueur électrophysiologique, moins connu, pourrait être intéressant dans le

test de capacités cognitives résiduelles liées au langage chez les patients dans le coma. Quand

un même mot est répété à un sujet sain, une onde positive de latence 340 ms peut être

enregistrée. Ce potentiel serait automatique, lié à la phonologie, indépendant de l’habituation,

spécifique au matériel verbal et latéralisé à l’hémisphère gauche pour les droitiers. Pour les

gauchers, la « P340 » serait latéralisé à droite pour 1/3, à gauche pour 1/3 et bilatéral pour 1/3.

En 2000, Cobianchi et Giaquinto rapportent chez 2 sujets avec aphasie de Broca une absence

de « P340 » à 6 mois et même un an après le déficit, alors que la « N400 » était normale (30).

Cette onde, pourrait donc être corrélée au pronostic de récupération de l’expression si on la

mettait en évidence chez des patients dans le coma.

Partie III : Perspectives

118

C) La musique

Le langage et la musique ont de nombreux points communs. Le traitement est dans les

deux cas basé sur l’analyse perceptuelle de la scène auditive. Il dépend d’un apprentissage

implicitement acquis par exposition. La musique occidentale obéit à des règles : elle est basée

sur 12 notes séparées par un intervalle d’un demi ton ou un ton : c’est le système tonal,

inventé au 18ème siècle. Ces notes ont une importance qui est hiérarchisée par les règles de

l’harmonie. L’ensemble de ces règles est respecté dans l’immense majorité des styles

musicaux. Aussi, à l’écoute d’un morceau inconnu, il existe une attente forte des notes

respectant ces règles, en plus des attentes « rythmiques ». Les musiques ne respectant pas ces

codes sont souvent considérées comme « moins musicales » en l’absence d’apprentissage :

par exemple la musique chinoise traditionnelle qui est basée sur les quarts de ton, ou celle

composée par certains compositeurs contemporains qui ont voulu s’affranchir de ces règles

avec le dodécaphonisme par exemple.

Cela explique que, sans être musicien, quand nous écoutons un morceau de musique, nous

détectons immédiatement les « mauvaises notes », c'est-à-dire celles qui ne correspondent pas

à notre attente dans le contexte.

Comme pour le langage, le cerveau pourrait posséder des modules de traitement automatique

de la mélodie avant l’intervention de l’attention.

En 2002, Trainor et al ont mis en évidence que la violation d’une série de sons conjoints

ascendants ou descendants de la gamme (notes d’intervalles réguliers) pouvait induire une

MMN (193). Cela est en faveur d’un traitement rapide et automatique de la distance relative

entre 2 notes. Le traitement de la musique notamment de la mélodie devrait utiliser ces

mécanismes automatiques. Un élément en faveur de cet argument est que nous reconnaissons

tous immédiatement une mélodie transposée dans une tonalité différente.

Plusieurs études ont montré chez des sujets conscients que dans une mélodie, une

« fausse note » (hors de la clé) induisait une onde positive entre 500 et 700 ms (P600) (14, 79).

Dans une mélodie, les notes sont hiérarchisées par les règles de l’harmonie. Certaines notes

ont un rôle plus important et génèrent une attente plus grande, même de manière pré attentive.

La détection d’une telle déviance est indexée par une onde négative antérieure droite dite

« ERAN » (Early Negative Anterior Negativity) de latence environ 150 ms. Cette onde

n’est pas modifiée chez des sujets distraits par des tâches interférentes comme la lecture

attentive d’un livre (108).

Partie III : Perspectives

119

De même, Brattico et al ont enregistré les PE par des mélodies non connues chez des

sujets attentifs et chez des sujets distraits (devant s’intéresser à un film) (18). Certaines de ces

mélodies comprenaient une fausse note. Les résultats de cette étude est qu’en passif, alors que

le sujet ne peut rapporter la fausse note, une onde négative antérieure un peu plus ample au

niveau de l’hémisphère droit a pu être mise en évidence : la « EFN » (Early Frontal

Negative Reponse). Chez les sujets actifs, une fausse note induit non seulement la « EFN »

mais également une onde positive bilatérale très ample et soutenue (« la P600 »).

L’hypothèse est que la «EFN » traduirait la détection automatique d’une fausse note dans une

mélodie. L’amplitude de la « EFN » serait modulée par le caractère de la fausse note (hors de

la clé, ou un quart de ton hors de la gamme chromatique).

Pour les auteurs, la « EFN » aux fausses notes serait un exemple d’habileté du système

auditif central à extraire et à appliquer des règles complexes. Le cerveau humain aurait la

Grand moyennage chez 9 sujets en actif et en passif d’écoute de mélodie avec soit les notes respectant la clé, soit des notes hors de la clé, soit des notes hors du ton. En actif, les notes incongruentes induisent une onde négative précoce antérieure prédominant à droite (EFN) et une onde positive tardive pariéto occipitale (P600). En passif, les notes incongruentes induisent une onde négative en frontal de latence 185 ms (EFN). D’après Elvira Brattico

et al. Brain Research. 2006. (18)

Partie III : Perspectives

120

capacité d’extraire l’aspect « relationnel » des sons d’une mélodie sans nécessité de

l’attention, même si celle-ci serait nécessaire pour un accès conscient de l’information.

Le traitement de la mélodie serait sous tendu par des traitements automatiques rapides ayant

lieu dans le cortex auditif secondaire. Ces traitements seraient dépendants de connaissances

implicites apprises passivement par exposition.

Quels intérêts potentiels à tester la « ERAN » chez des patients dans le coma ?

La MMN provoquée par le paradigme classique « odd-ball » qui utilise un son fréquent

et un son rare de fréquence différente implique une trace mnésique brève afin d’évaluer dans

le microcontexte temporel, la rareté. Cette trace mnésique est sensée être représentée dans le

cortex sensoriel auditif. La conscience par la mémoire de travail permettrait de maintenir cette

représentation de manière prolongée, tandis qu’elle serait évanescente en l’absence de

conscience.

Le fait que chez le sujet sain et semble t’il chez le sujet dans le coma, une proportion

d’environ 80% de fréquents pour 20% de rares soit idéale et non 50% vs 50% ou 66% vs 33%

par exemple est en faveur que la trace mnésique d’un bip chez le patient dans le coma est

supérieure en durée au bip fréquent précédent le rare (c'est-à-dire une trace mnésique

supérieure au SOA (Stimulus Onset Asynchrony).

Chez le sujet sain, la MMN induite par une erreur dans la progression de notes sur la gamme

indique déjà une trace mnésique de durée plus longue permettant de détecter une erreur dans

une règle de succession de notes.

La « EFN » pourrait traduire une trace mnésique de durée plus longue permettant de

discriminer la « fausse note » dans une courte mélodie.

La présence de cette onde chez un sujet dans le coma pourrait donc être un facteur de bon

pronostic de réveil comme la MMN, mais possiblement dans des délais plus courts. (Ceci

serait d’autant plus probable que l’hypothèse de la plus grande sensibilité de la MMN avec un

paradigme « odd-ball » avec ISI 600, par rapport à ISI 1000 était vraie.)

Par ailleurs, les récents travaux de Koelsch en IRM fonctionnelle suggèrent qu’une

partie du réseau neural impliqué dans la détection d’ « erreurs » dans une mélodie serait

commun au langage (aire de Broca, aire de Wernicke…) aussi, la présence d’une onde

« EFN » pourrait être un élément de bon pronostic pour la préservation des capacités de

langage (107).

Partie III : Perspectives

121

D) Tester les possibilités d’apprentissage

Chez un sujet conscient l’apprentissage nécessite classiquement la perception d’une

configuration de stimuli, l’évaluation grâce à différentes boucles d’informations du niveau de

performance actuel du comportement, la comparaison de cet état actuel à un état désiré et la

modification plus ou moins durable de son comportement, le tout sous l’influence de

l’attention et de la motivation. Les fonctions d’apprentissage semblent donc dépendantes

d’autres processus cognitifs comme la motivation, l’émotion, la perception sensorielle,

l’attention, les fonctions motrices et mnésiques...

Cela veut il dire qu’aucune forme d’apprentissage ne serait possible chez un patient

dans le coma chez qui beaucoup de ces fonctions semblent faire défaut ?

Deux grands types d’apprentissage existent : l’apprentissage associatif et

l’apprentissage non associatif. (Le conditionnement est le type même d’apprentissage

associatif : il en existe deux formes : le conditionnement pavlovien et le conditionnement

opérant.)

Plusieurs études suggèrent que certaines formes d’apprentissage sont possibles en

l’absence de conscience des données apprises, et donc peut être en l’absence de conscience.

Pour un apprentissage, il faut pouvoir générer des traces mnésiques suffisantes.

D-1) Sur quel type de mémoires pourrait s’appuyer un apprentissage chez un patient dans le coma ?

La mémoire est cette faculté qui

permet à un organisme de prendre en

charge de l’information, de la

conserver et de la restituer en vue

d’une bonne adaptation à

l’environnement. La mémoire ne

correspond pas à une entité unique

mais à différents sous systèmes

relativement indépendants tant sur le

plan fonctionnel qu’anatomique.

Partie III : Perspectives

122

D-1-1) Mémoires à court terme et mémoires à long terme

On distingue d’abord deux grandes catégories de mémoires : les mémoires à court terme

(ou transitoires) et les mémoires à long terme. La fonction de ces deux types de mémoires est

complètement différente. Alors que la principale fonction des mémoires transitoires est

d’empêcher la dissipation des informations soit en provenance de l’environnement, soit en

provenance de l’activité mentale du sujet pour pouvoir les traiter, les manipuler, les mémoires

à long terme permettent de stocker des données sur une longue durée.

Dans les mémoires à court terme, il y a par exemple les mémoires sensorielles

notamment iconiques (visuelles) et échoïques (auditives) qui maintiennent pendant un laps de

temps très bref (inférieur à 1s) l’information et permettent une courte exploration mentale de

l’objet alors que l’objet a déjà disparu et la mémoire de travail qui permet de retenir à court

terme des informations, de les manipuler mentalement, de manière à ce que de nouvelles

informations prennent sens par exemple (compréhension d’une phrase, reconnaissance d’une

nouveauté auditive…) (3). Ce type de mémoire à court terme a donc un rôle clé dans les

processus cognitifs tels la compréhension, le raisonnement, la résolution de problème et

également l’apprentissage.

Y a-t-il possibilité d’utiliser la mémoire à court terme en l’absence de conscience de

l’objet à mémoriser ?

Chez les sujets normaux, il existe un type de mémoire à court terme qui peut être inconscient :

comme le démontrent les résultats d’expériences en priming ou amorçage lorsque celui-ci est

« masqué ».

(http://www.lpelab.org/userpage/ferrand/PDF/Pour-la-Science-2001.pdf)

Partie III : Perspectives

123

Pour expliquer l’effet comportemental, (par exemple la plus grande rapidité de lecture

du mot cible après amorçage), il faut qu’il y ait une trace (même inconsciente) du mot

amorce.

Chez le patient dans le coma, la présence d’une MMN au paradigme « odd-ball »

suggère qu’une forme de mémoire à court terme est possible. En effet, pour évaluer la rareté

d’un son, il faut le comparer au son précédent, cela n’est possible qu’à condition de garder

une information du « microcontexte auditif ».

Quel type de mémoire a t’il pu être utilisée ? Il est admis que les neurones responsables de

cette trace mnésique feraient partie de ceux activés par le son au niveau du cortex auditif

secondaire. La trace mnésique de cette représentation auditive correspondrait à la brève durée

d’activité de ces neurones.

Dans les mémoires à long terme, l’information a été organisée et consolidée et est

stockée de manière « prolongée » en fonction de critères d’utilités, de motivations…

Là encore, il existe plusieurs sous systèmes. Un élément clé de distinction entre ces différents

systèmes est la capacité de rappel qui peut être explicite, on parle alors de mémoire

déclarative, ou au contraire, pour de nombreuses autres formes de mémoires, implicite (non

déclarative).

D-1-2) Mémoires déclaratives et mémoires implicites (non déclaratives)

Les connaissances déclaratives peuvent être rappelées de manière volontaire, impliquent une

prise de conscience explicite, et peuvent être manipulées : cette forme de mémoire est dite

flexible. On la divise en mémoire épisodique (concernant les informations contextualisées sur

le plan spatio-temporel (mémoire autobiographique essentiellement) et la mémoire

sémantique qui rassemble des représentations mnésiques concernant des connaissances

générales…

Ce type de mémoire nécessiterait l’intégrité des structures médiales du lobe temporal

(hippocampe et structures adjacentes). Les patients avec lésions hippocampiques sont

sévèrement gênés pour les tâches impliquant la mémoire déclarative, mais gardent des

capacités d’apprentissage basés sur la mémoire non déclaratives qui dépend d’autres

structures anatomiques.

Partie III : Perspectives

124

N.B. :

Si l’apprentissage en mémoire déclarative n’est pas possible, l’utilisation des connaissances reste possible pour

certaines données « surapprises », comme nous le démontrent plusieurs expériences d’amorçage masqué.

Un effet d’amorçage masqué a été démontré (raccourcissement d’un temps de réponse par exemple) pour

-le même mot : « CHAT-CHAT », mais également si le mot amorce a d’autres caractéristiques physiques que le

mot cible ex : « chat-CHAT »

- mais, ce qui est très intéressant aussi, pour des mots ayant un lien sémantique comme « pain-BEURRE »

(temps de réponse significativement plus court que « infirmière-BEURRE ») (125). L’utilisation de

connaissances sémantiques peut donc se faire de manière inconsciente.

Les formes de mémoires implicites ou non déclaratives :

Si certaines formes d’apprentissage restent possibles chez un patient dans le coma, il

faut que la trace mnésique puisse se réaliser en l’absence de conscience de l’objet à

mémoriser, cela exclue donc la mémoire à long terme déclarative. Au contraire, les différentes

formes de mémoires à long terme implicites semblent de possibles candidates. Ils s’agit d’un

ensemble de mémoires inconscientes développées très tôt sur le plan phylogénétique, et

exprimées plutôt dans la performance que dans les possibilités de rappel et de manipulation.

La mémoire non déclarative stocke des stratégies et des modalités d’interaction avec

l’environnement qui ne sont pas forcément explicitement communicables. C’est une mémoire

peu flexible (c'est-à-dire qu’elle nécessite le contexte de l’apprentissage pour être restituée)

qui concerne des habilités perceptives, motrices, mais également cognitives. Les informations

pertinentes ne sont le plus souvent stockées qu’à la faveur d’exercices répétés.

L’apprentissage utilisant ce type de mémoire comme support ne se ferait pas forcément sous

un contrôle intentionnel conscient c'est-à-dire qu’il pourrait y avoir automatisation de

certaines associations entre des ensembles de stimuli et des ensembles de réponses.

Dans ce système mnésique, la mémorisation nécessite la conscience de l’objet et donc les

systèmes de la mémoire déclarative ne semblent pas pouvoir être utilisés comme support

d’apprentissage possible chez des sujets dans le coma.

Partie III : Perspectives

125

Ces mémoires implicites à long terme (l’amorçage est une mémoire implicite à court

terme) comprennent :

-La mémoire procédurale, qui est celle du savoir faire par l’apprentissage inconscient

d’habilités motrices (sport, instruments de musiques…), perceptives (lecture) ou cognitives

(stratégies…). Son but est de libérer, par l’automatisation de certaines procédures, des

ressources cognitives pour d’autres tâches non routinières.

Un apprentissage « inconscient » utilisant la mémoire procédurale a été démontré chez des

patients avec lésions hippocampiques (7). Cependant ce type de mémoire ne semble pas

utilisable pour un apprentissage en l’absence de conscience car cette forme de mémoire

nécessiterait une volonté d’apprentissage (celle-ci n’est peut-être que la raison de la répétition

procédurale nécessaire à sa mémorisation).

De plus, un patient dans le coma n’a par définition, qu’un registre comportemental réflexe et

il faudrait pouvoir mettre en évidence un apprentissage procédural en l’absence de

comportement (IRM fonctionnelle, potentiels évoqués ?). Comme pour la mémoire implicite à

court terme, il faut différencier apprentissage et utilisation de connaissances. Aussi, il est

possible que des traces mnésiques « procédurales » déjà acquises avant le coma puissent être

activées de manière inconsciente chez un patient dans le coma ou végétatif et qu’on puisse

mettre en évidence une réponse non comportementale (électrophysiologique par exemple).

-l’apprentissage non associatif. Il s’agit de la forme la plus simple d’apprentissage. Il

comprend « l’habituation » et « la sensibilisation ».

-le conditionnement réflexe qui semble le plus prometteur pour une utilisation chez les

patients dans le coma.

D-2) Le conditionnement pavlovien ou « classique »

Le conditionnement classique ou pavlovien est l’exemple type d’apprentissage par

association ne dépendant pas des systèmes de la mémoire déclarative.

Il s’agit de l’acquisition de réflexes conditionnés selon le procédé de Pavlov. On procède à la

répétition d’un stimulus neutre conditionnel (SC) comme le bruit d’une cloche précédant un

stimulus inconditionnel (SI) ou absolu (par exemple de la nourriture). Le SI produit de

manière réflexe une réponse (salivation). Rapidement, on obtient un déclenchement réflexe de

la réponse dite conditionnée par simple exposition au SC.

Partie III : Perspectives

126

Si le SI est une récompense, on parle de conditionnement appétif.

Si le SI est désagréable (choc électrique…) on parle de conditionnement défensif.

Le paradigme de conditionnement le plus étudié chez les vertébrés et dont les

substrats anatomiques et neurophysiologiques sont les mieux connus est le clignement

réponse des paupières ou « eye-blink conditioning » et c’est donc celui-ci qui va servir de

base à notre réflexion quant à une possible utilisation de l’apprentissage par conditionnement

classique chez les patients dans le coma. Dans le conditionnement du clignement de paupière,

un son (SC) est présenté juste avant un petit jet d’air au niveau de l’œil (SI). Après avoir

répété plusieurs fois l’association SC-SI, le son déclenche une réponse apprise, conditionnée

de clignement de paupière avant le stimulus inconditionnel.

Les deux formes les plus étudiées de conditionnement de clignement de paupière sont le

« delay conditioning » et le « trace conditioning ».

D-2-1) « Delay conditioning »

Dans le « delay conditioning », le stimulus conditionnel est présenté et persiste jusqu’à ce

que le stimulus inconditionnel soit présenté. Les deux stimuli se superposent alors et finissent

ensemble.

On distingue le « single cue delay conditioning » pour lequel un seul SC est utilisé (comme

ci-dessus) et le « differential delay conditioning » qui nécessite un stimulus conditionnel

(SC+) neutre (ex : un son) qui va être associé à un stimulus inconditionnel et un stimulus

neutre, interférant, qui ne sera pas associé au SI (SC-).

� « Single cue delay conditioning »

Le « single cue delay conditioning » est la forme la plus simple de conditionnement

pavlovien. Il est possible chez la plupart des vertébrés. Seul un stimulus conditionnel est

présent. Le niveau de conditionnement est déterminé par le nombre d’essais où la réponse

conditionnée se produit avant le stimulus inconditionnel.

Partie III : Perspectives

127

Cette forme d’apprentissage par association simple dépend uniquement du cervelet et

de structures du tronc cérébral ; aucune structure diencéphalique ou corticale n’est

nécessaire. Les lapins décérébrés (c’est à dire en l’absence de cortex cérébral et donc

d’hippocampes, de ganglions de la base, du système limbique, des thalami et d’hypothalamus)

gardent une acquisition et une réponse normale au « single cue delay conditioning ».

De même chez l’homme, les tests de patients cérébrolésés ont montré que le « delay

conditioning » est altéré chez les patients souffrant de lésions cérébelleuses, mais reste intact

chez les patients avec lésions bi hippocampiques (par exemple après encéphalite herpétique).

Le cervelet est donc l’élément essentiel, à la fois pour l’acquisition et la rétention du

« delay conditioning ».

Intérêt chez les patients dans le coma ?

Rechercher la possibilité d’un « single cue delay conditioning » chez un malade dans le

coma par exemple avec un paradigme « eye-blink » est d’un intérêt limité. Cela permettrait de

savoir si l’intégrité des systèmes d’éveil du tronc cérébral (vu que les thalami ne sont pas

nécessaires) est nécessaire à une telle acquisition.

Cependant les expériences sur les lapins décérébrés démontrent de manière non équivoque

qu’il s’agit d’un apprentissage ne nécessitant qu’un bas niveau d’intégration ainsi la

préservation d’un «eye-blink single cue delay conditioning » ne peut donc pas être utilisée

chez les patients dans le coma comme un outil pronostique du niveau de séquelles

neuropsychologiques (124).

Chez des patients en état végétatifs permanent (donc avec les fonctions d’éveil restaurées), il

est probable que ce conditionnement est possible.

Peut-être que l’acquisition de ce conditionnement pourrait être utilisée chez les patients

comateux pour tester l’intégrité fonctionnelle de ce réseau cerebello-tronc cérébral ?

Mais un intérêt pronostique supérieur ou complémentaire aux PEA du tronc ou aux PES reste

à démontrer.

Partie III : Perspectives

128

� « Differential delay conditioning »

Contrairement au « single cue delay conditioning », le « differential delay

conditioning » nécessite la discrimination entre deux stimuli neutres ; l’un étant le stimulus

conditionnel (SC+), l’autre étant un stimulus « interférentiel » (SC-).

Le « differential delay conditioning » se mesure comme le pourcentage de réponse

conditionnée (RC) au SC+ moins le pourcentage de RC au SC-.

L’identification du stimulus conditionnel parmi les deux stimuli neutres nécessite un

niveau d’analyse dont l’importance dépend de la différence physique entre les 2 stimuli

neutres.

Chez les sujets conscients, cette différence entre les 2 stimuli peut être très variée : physiques,

sémantiques (paires congruentes comme SC+, incongruentes comme SC-) et permet de tester

un grand nombre de capacités de discrimination à plus ou moins haut niveau.

Chez le chat, l’acquisition d’un « differential delay conditioning » avec des sons de

800Hz et 2100Hz n’est pas possible qu’il ait des lésions bihémisphériques ou qu’il soit intact.

En revanche, chez les chats opérés, il reste possible si les 2 sons sont très différents (100Hz et

1000Hz par exemple). De même chez les lapins avec lésions bi-hippocampiques, un

« differential delay conditioning » peut être acquis normalement si les deux stimuli utilisés

sont très différents.

Les travaux de Manns, Clark et Squire sont également en faveur chez l’homme d’une

possibilité de « differential delay conditioning » inconscient (pas de rapportabilité d’un lien

entre SC+ et SI) quand les stimuli utilisés (SC+ et SC-) sont très différents comme un bruit

blanc et un son (124).

On peut donc affirmer que chez les animaux et chez les hommes, un « differential

delay conditioning » peut être acquis sans conscience de la contingence au moins quand

les stimuli sont nettement distincts. Cela s’explique parce que le stimulus neutre (SC-) est

peu interférentiel, et la situation est celle du « single cue delay conditioning » et les structures

corticales ne sont probablement pas utiles.

Partie III : Perspectives

129

Les tâches distractives peuvent diminuer la performance, même si le conditionnement reste

possible dans le cas de SC+ et SC- très différents (par exemple un bruit blanc vs son) (26).

Lorsque le sujet est conscient de l’association, les clignements peuvent être réflexes ou

volontaires. Les clignements volontaires sont de large amplitude, précoces après le SC+ et

maintenus jusqu’après la fin du jet d’air, la plupart des équipes pensent qu’ils ne doivent pas

être comptés comme « réponse conditionnée »). Si on élimine les clignements volontaires, les

sujets conscients de la contingence SC+-SI et ceux n’en ayant pas conscience (pas de

rapportabilité) ont les mêmes résultats, tandis que ceux distraits ont un moins bon

conditionnement.

Intérêt pour le « differential conditioning » chez les patients dans le coma ?

Le « differential conditioning » semble aidé par l’attention, la conscience et d’autres

facteurs cognitifs et cela d’autant plus si les stimuli (SC+ et SC-) utilisés nécessitent une

discrimination complexe que ne peuvent réaliser seuls le tronc cérébral et le cervelet.

Dans le cas d’un SC+ et d’un SC- très différents, il est probable que l’interférence du SC-

avec le SC+ soit faible et que la situation soit très semblable avec l’acquisition du « single cue

Performance durant un « differential delay eye-blink conditioning » (SC+=CS= son à 1000 Hz, SC-= « bruit blanc ») chez des patients avec lésions bi hippocampiques, et des sujets normaux conscients ou non (évaluation par questionnaire) de la contingence SC+ et SI (=US) (jet d’air dans l’œil). Tous ont pu acquérir ce conditionnement et la conscience a peu d’influence sur l’apprentissage. D’après Clark Re et al. Science. 1998. (25)

Diminution de la performance mais succès du conditionnement chez les témoins distraits pour ne pas devenir conscients de l’association pendant le « differential delay eye-blink » conditioning. Clark RE et al. Trends Cogn Sci. 2002. (26)

Partie III : Perspectives

130

conditioning », c'est-à-dire que les structures du tronc cérébral et du cervelet soient suffisantes

et donc le « differential delay conditioning » apporterait dans ce cas peu d’informations

supplémentaires dans l’exploration des comas que le « single cue delay conditioning ».

Peut être que des paramètres comme la rapidité d’acquisition du conditionnement ainsi

que le niveau du conditionnement pourrait différencier des patients dans le coma au

pronostic différent ?

Si chez l’homme, la possibilité de « differential delay conditioning » inconscient

lorsque les deux stimuli non inconditionnels (SC+ et SC-) ont des caractéristiques physiques

proches (sons, voix, mots, lien sémantique ou autres…) persiste, cela permettrait peut-être

d’évaluer chez les patients dans le coma les réseaux neuronaux sous tendant cette capacité de

discrimination inconsciente mais de « haut niveau » (cortical).

D-2-2) « Trace conditioning »

Dans le « trace conditioning » un intervalle de temps (500ms à 1s le plus souvent) sépare le

stimulus conditionnel du stimulus inconditionnel.

On peut également utiliser du « differential trace conditioning ».

La plupart des études suggèrent que l’intégrité des hippocampes ainsi que la conscience

de la contingence du stimulus conditionnel et du stimulus inconditionnel serait indispensable

à l’acquisition « du trace conditioning » (26). En effet, les animaux ou les patients avec lésions

hippocampiques n’acquièrent pas cette forme de conditionnement. Comme pour les autres

formes de mémoires déclaratives, le « trace conditioning » est hippocampe dépendant pour

l’acquisition et un savoir conscient semble nécessaire au cours de l’apprentissage.

Si bien que le « trace conditioning » a été proposé comme paradigme d’évaluation de la

conscience d’un lien associatif entre deux stimuli chez les animaux.

Partie III : Perspectives

131

En effet, des paradigmes de conditionnement avec

environnement distractif (attention portée sur un film avec

questions précises sur le film car test présenté comme un

test de mémoire en environnement distractible : son et air

dans les yeux) chez l’homme ont montré que contrairement

au « delay conditioning », il semble nécessaire d’avoir pris

conscience (évalué par un questionnaire) de la contingence

entre les 2 stimuli SC et SI pour « le trace conditioning »

(26).

Comme pour le « delay conditioning », le cervelet est également nécessaire pour

l’acquisition, le stockage et la génération de la réponse conditionnée dans le « trace

conditioning ». En revanche le silence entre SC et SI (« trace interval ») rend difficile pour le

cervelet leur association. Des études électrophysiologiques anciennes n’ont pas détectée

d’activités dans le cervelet 100ms après une stimulation électrique (47).

Pourtant l’intervalle utilisé en trace conditioning (moins de 1s le plus souvent) est bien trop

court pour créer des difficultés de liens entre les 2 stimuli chez les patient avec lésions

hippocampiques. Mais, il semble que « le trace conditioning » diffère fondamentalement du

« delay conditioning » parce qu’il requiert la connaissance du lien entre stimulus conditionnel

et du stimulus inconditionnel pendant un temps long au cours des différents essais.

Tout semble se passer comme si la représentation du premier stimulus était rapidement

évanescente et que l’hippocampe et certaines structures néocorticales (cortex préfrontal) par la

conscience permettaient de maintenir cette représentation de manière à ce que par voie

descendante l’information du SC et du SI successif arrive dans une fenêtre temporelle

utilisable par le cervelet pour faire le lien associatif. Chez le patient avec lésions

hippocampiques, l’altération du « trace eye-blink conditioning » est d’autant plus sévère que

l’intervalle entre stimulus conditionnel et inconditionnel est long. (Moyennement altéré si

500ms, sévèrement altéré si 1sec).

Effet de la conscience de la contingence du SN et du SC. Clark et al. Trends in

Cognitive Sciences. 2002. (26)

Partie III : Perspectives

132

Ni le groupe « amnésique », ni le groupe « non conscient de la contingence SC+-SI » n’a pu acquérir le

« trace conditioning ». Même si non significatif, avec un intervalle de 500ms, il semble exister un discret

effet (non calculé dans l’étude) d’apprentissage pour les sujets « inconscients ». L’échec de

conditionnement pour le « trace 1000 », est lié à l’absence d’acquisition de la réponse conditionnée suite

au stimulus conditionnel. En revanche, l’échec pour le « trace 500 » est lié à une réponse conditionnée

équiprobable pour CS+ et CS-. D’après Clark RE et al. Science. 1998. (25)

Ces résultats nous surprennent peu car l’évanescence d’un stimulus est en général la règle en

l’absence de conscience de celui-ci. Pour beaucoup de paradigme d’amorçage masqué, un ISI

supérieur à 200 ms devient critique et ne produit plus d’amorçage. De même dans le protocole

de N400 masqué, Markus Kiefer a montré cette même évanescence (103).

La rapidité de la disparition de l’information inconsciente dépend probablement du type de

stimulus utilisé (visuel, auditif, émotionnellement connoté ou pas…). Par exemple, chez les

patients dans le coma, Kane a utilisé pour le paradigme « odd-ball » un ISI de 1500 ms qui

permet encore la comparaison entre les 2 stimuli auditifs.

Partie III : Perspectives

133

Intérêt du « trace conditioning » chez les patients dans le coma, chez les patients végétatifs et

chez les patients MCS?

Il est donc possible que la durée du « trace interval » ou ISI soit l’élément critique et

qu’un conditionnement inconscient soit possible en raccourcissant significativement l’ISI.

On risque alors de se rapprocher fortement du « single cue delay conditioning » et il faudrait

être certain que le « trace conditioning » avec ISI court nécessite plus que l’intégrité

fonctionnelle du cervelet et du tronc cérébral.

Il faudrait évaluer si la durée de l’ISI possible est corrélée avec le pronostic et le délai de

réveil. Pour cela, il faudrait tester les patients comateux avec des ISI progressivement

décroissants.

Jusqu’à présent, aucune étude n’a pu mettre en évidence un apprentissage

inconscient en « trace conditioning » avec ISI supérieur à 1000 ms. La conscience

pourrait être nécessaire au « trace conditioning » ; même si non suffisante (les patients

avec amnésie hippocampique n’acquièrent pas ce conditionnement, mais ils sont conscients).

La propriété nécessaire de la conscience au « trace conditioning » pourrait être le maintien

prolongé d’une représentation active.

D-2-4) « Fear conditioning »

Dans le « Fear conditioning » ou conditionnement par la peur, un stimulus conditionnel

« neutre » prédit un événement inconditionnel aversif (choc électrique, bruit de fort

volume…). Il s’agit donc d’une variante du conditionnement pavlovien pouvant être utilisé en

« delay » ou « trace conditioning » et le plus souvent en « differential conditioning ».

Alors que le conditionnement de clignement de la paupière dépend essentiellement du

cervelet et du tronc cérébral (au moins pour le « single cue delay conditioning »), le « fear

conditioning » dépend de manière essentielle de l’amygdale.

La réponse conditionnée peut être authentifiée par l’enregistrement de divers marqueurs

somatiques de stress dépendant du système nerveux orthosympathique. On peut par exemple

enregistrer la réponse électrodermale, le diamètre de la pupille (mydriase), l’EMG de certains

muscles du visage se contractant automatiquement en cas de peur ou d’anticipation de

sensations désagréables ou les potentiels évoqués cognitifs (par comparaison entre les PE

induits par le CS+ et ceux induits par le CS-).

Partie III : Perspectives

134

Pour la réponse électrodermale, on différencie 2 types de réponses la FIR d’amplitude

maximale durant les 5 secondes après le début du stimulus conditionnel et la SIR, d’amplitude

maximale 5 secondes avant la fin du stimulus conditionnel. La FIR est interprétée comme une

réponse non spécifique à la présentation d’un stimulus tandis que la SIR est considérée

comme un marqueur de la réponse émotionnelle, liée à l’anticipation du stimulus

inconditionnel aversif.

Dans une expérience en « differential fear delay conditioning » de David Knight et al, le

SC+ (700 Hz) et le SC- (1300 Hz) sont présentés d’abord au dessus puis sous le seuil auditif

avant un son blanc de fort volume 100 dB (SI) (106). Bien que les stimuli conditionnels

conscients génèrent une réponse électrodermale (SIR) plus ample que les non-perçus (sous le

seuil auditif) ; la magnitude du conditionnement reflétée par la différentielle entre la réponse

électrodermale entre le stimulus conditionnel et le CS-, n’est pas influencée par la perception

du stimulus (tandis que l’amplitude de la FIR est nettement liée à la prise de conscience du

stimulus conditionnel).

Cette étude où un « differential conditioning » inconscient est aussi important qu’en

conscience de la contingence SC+ et SI pour des stimuli SC+ et SC- proches (700 et 1300

Hz), met en lumière le rôle clé de l’émotion comme probable « catalyseur ».

En effet, le SI « effrayant » met en jeu l’amygdale qui est critique à la fois pour

l’acquisition, la consolidation et l’expression de la peur. Dans l’expérience ci-dessus, il

doit y avoir analyse du son par le cortex auditif et projection vers le noyau latéral de

l’amygdale.

Magnitude d’apprentissage= RC aux SC+ - RC aux SC-.

Lorsque l’association est consciente, il existe une attente du SI

après le SC+ plus importante que pour le SC- (traduite par

l’Unconditioned Stimulus (UCS) Expectancy). Sous le seuil

auditif, l’UCS Expectancy est nulle par contre la magnitude

d’apprentissage (SCR-SIR) reste de niveau comparable que le

SC+ et le SC- soient perçus ou non. Knight D et al. PNAS.

2003. (106)

Partie III : Perspectives

135

Probablement que les stimuli sous le seuil auditif entraînent une activation trop faible du

cortex auditif pour qu’il puisse y avoir prise de conscience de celui-ci, mais que cette

activation est suffisante pour activer l’amygdale et la réponse orthosympathique.

A noter qu’une variante de l’expérience précédente a utilisé pour l’évaluation de l’attente de

la SI après SC+ (perçu ou non) un questionnaire à choix forcé (attente du stimulus

inconditionnel ou pas) ; certains sujets répondaient mieux que le hasard, probablement parce

qu’ils utilisaient des indices viscéraux pour guider leurs décisions (23). Néanmoins dans ces

expériences, l’apprentissage du lien entre SC+ et SI s’est réalisé de manière consciente lors

des premiers essais avec le SC+ au dessus du seuil auditif. Aussi, si l’utilisation inconsciente

d’un apprentissage conscient a été démontrée avec un rôle clé de l’émotion pour renforcer la

force de cette association; la preuve d’un apprentissage véritable inconscient en « differential

fear delay conditioning » n’a pas été mise en évidence.

En « differential fear trace conditioning », l’émotion pourrait également faciliter

l’apprentissage chez les sujets non conscients. Ceci est étayé par les résultats de l’expérience

de Scott Bunce et al (23). Ils ont utilisé des stimuli visuels masqués pouvant être soit un visage

schématique agréable, soit un visage schématique désagréable. Le visage désagréable a été

utilisé comme stimulus conditionnel et donc suivi d’un choc électrique (800 ms après). La

qualité du masquage était contrôlée par une tâche à choix forcée. La réponse conditionnée

était évaluée par l’enregistrement EMG de muscles faciaux : le corrugator superficiel et

l’orbiculaire des yeux (connus pour être indicateurs d’un affect négatif). Cette expérience a pu

mettre en évidence un possible conditionnement différentiel par la peur. L’amplitude de la

réponse EMG moyenne étant plus grande en post conditioning qu’en préconditioning cela

permet d’affirmer que l’effet n’est pas seulement lié à une activation inconsciente de

l’amygdale par le stimulus conditionnel connoté négativement. De même, un stimulus négatif

non conditionné (par exemple une araignée) ne déclenche pas la réponse conditionnée si le

stimulus conditionnel était un visage désagréable, et vice et versa. (En 1997 Wong et al

avaient utilisé un paradigme avec des mots émotionnels masqués comme SC : par exemple

« cancer » et « murder », donnant des résultats allant dans le même sens (208)). Ceci est le plus

souvent interprété comme la preuve d’un apprentissage implicite d’une contingence

émotionnelle entre un stimulus conditionnel non neutre et un stimulus inconditionnel aversif.

En post conditionnement, on observe une résistance à l’extinction pour le stimulus

conditionnel plus grande que dans les expériences avec SC+ véritablement neutre.

Partie III : Perspectives

136

Ces données sont à mettre en relation avec celles de Naccache et al, qui ont utilisé, chez des

patients avec électrodes implantées, un paradigme d’amorçage masqué avec des mots

« menaçants ». Les résultats sont en faveur d’une activation de l’amygdale jusqu’à 900 ms

après la présentation du mot « émotionnel ». Il est donc possible que dans une expérience de

« differential fear trace conditioning », un intervalle « trace » inférieur à 900 ms soit critique

pour le succès du conditionnement (140).

Contrairement au « trace conditioning » classique, le « fear trace conditioning »

serait donc possible en l’absence de prise de conscience de la relation entre stimulus

conditionnel (son) et stimulus inconditionnel (choc électrique).

L’utilisation d’un stimulus conditionnel « non neutre » semble essentiel pour le

conditionnement, en effet l’utilisation d’un stimulus neutre ou gai comme stimulus

conditionnel masqué n’a jusqu’à présent pas permis ce type de conditionnement.

Peut être que le SC+ connoté négativement par l’activation inconsciente de l’amygdale

amplifie dans le temps l’information SC+ et que le lien avec le SI peut alors être réalisé.

Mais l’utilisation de stimuli chargés émotionnellement négativement pose un problème

éthique important chez les patients dans le coma, car même si inconscient cela pourrait

représenter une source de stress pour leur organisme. De plus, l’impact possible après le réveil

est difficile à évaluer. (Ce type de mécanisme de conditionnement par la peur, parfois avec un

stimulus conditionnel inconscient est évoqué comme mécanisme pour certaines pathologies

en psychiatrie comme le stress post traumatique.)

Ces expériences montrent que l’émotion pourrait jouer un rôle capital dans l’apprentissage

par conditionnement permettant « un trace conditioning » en l’absence de prise de

conscience du lien associatif stimulus conditionnel-stimulus inconditionnel, et l’expression

d’un « differential conditioning » avec deux stimuli neutres (sons de 700 et 1300 Hz) peu

différents. L’émotion (notamment de peur) serait donc potentiellement un formidable

catalyseur, permettant d’amplifier le stimulus conditionnel inconscient et de maintenir

cette information jusqu’au stimulus inconditionnel et donc d’apprendre le lien associatif

entre les 2 stimuli. Cet « amplificateur inconscient » qu’est l’émotion pourrait permettre la

réalisation de tâches cognitivement plus complexes nécessitant chez le sujet sain une

amplification consciente attentionnelle.

Partie III : Perspectives

137

D-3) Le conditionnement opérant ou instrumental

Décrit en 1938 par Skinner, le conditionnement opérant ou instrumental est une variante

de l’apprentissage par essais et erreurs : un comportement a une plus grande probabilité de se

produire s’il conduit à un effet favorable pour l’organisme, par contre, il tend à disparaître s’il

entraîne un effet défavorable. Donc si un comportement recherché est manifesté par hasard et

s’il est récompensé rapidement, cette récompense augmente la probabilité que ce

comportement soit adopté une nouvelle fois. Le comportement agit lui-même comme

favorisant le stimulus récompensant, c'est-à-dire que le comportement est l’instrument qui agit

sur le stimulus (la récompense) et on parle donc aussi de conditionnement instrumental.

Par exemple, si on place un rat affamé dans une cage où se trouve un levier qui délivre

de la nourriture quand le rat appuie dessus. L’animal va par hasard, appuyer sur le levier et va

très vite comprendre que le fait d’appuyer sur le levier apporte de la nourriture. Ce

conditionnement opérant implique des comportements qui surviennent de façon spontanée.

Les comportements qui sont récompensés tendent à être répétés tandis que ceux qui sont

« punis » se réduisent.

Pour ce type de conditionnement, il n’y a pas besoin de stimulus inconditionnel. La

production de la réponse est la condition du renforcement (par exemple chez les animaux :

actionner un levier qui délivre de la nourriture). Le renforcement est un événement dont

l’apparition suite à une réponse, entraîne une augmentation de la probabilité de la dite

réponse. Le lien associatif doit se faire avant tout entre réponse et renforcement. Ce type de

conditionnement fait appel à la motivation.

Le renforcement peut être positif (le comportement qu’on veut renforcer induit la

délivrance de nourriture, d’un sourire d’encouragement chez l’homme…) ou négatif (on veut

renforcer un comportement d’évitement du stimulus aversif : exemple se déplacer à tel endroit

de la cage pour éviter un choc électrique) ou punitif (tel comportement qu’on veut supprimer

et puni par un choc électrique par exemple).

Le renforcement peut être continu : chaque réponse « adéquate » est suivi d’un renforcement

ou intermittent ; le renforcement n’est pas obtenu pour chaque réponse adéquate.

Partie III : Perspectives

138

On peut utiliser un stimulus discriminatif comme indicateur de la possibilité de réaliser la

bonne réponse (un son indique que le levier peut être débloqué…). Cela permet de tester

l’apprentissage d’un autre lien associatif.

Ce type d’apprentissage est utilisé dans les thérapies comportementales par exemple dans les

phobies.

Intérêt du conditionnement opérant chez les patients dans le coma ?

L’utilisation du conditionnement opérant pour tester les patients dans le coma se heurte

à de nombreuses difficultés.

La possibilité de renforcement est limitée. Pour un renforcement positif, il faudrait un

stimulus capable d’induire une sensation plaisante de manière rapide (des substances

médicamenteuses ? des caresses ? la stimulation électrique de certaines aires cérébrales

notamment hypothalamiques ?). Le renforcement négatif offre plus de possibilité (stimulation

électrique désagréable, sans besoin d’être douloureuse ; bruit de volume sonore important…)

mais pose un problème éthique.

Mais surtout, la production de la réponse doit être la source du renforcement. Par

définition un patient dans le coma ne peut déclencher une réponse volontaire. Peut être serait

il possible de se servir d’une réponse infraclinique évaluée par électrophysiologie.

Ce système de récompense occupe une place capitale dans le modèle de l’espace de

travail (cf Partie IV chapitre I-A), il est à la base des processus de motivation sous tendant

une grande partie des comportements conscients. C’est donc un système clé qu’il serait

utile de savoir utiliser, notamment dans un objectif de rééducation.

En revanche pour les patients MCS pour lesquels une réponse minimale mais non

réflexe d’interaction avec l’environnement est possible, l’utilisation du conditionnement

opérant semble possible, notamment dans des programmes de rééducation avec renforcement

de certaines réponses fluctuantes et incomplètes.

Partie III : Perspectives

139

E) Favoriser la récupération chez les patients avec conscience altérée grâces aux techniques électrophysiologiques

Les techniques électrophysiologiques d’exploration fonctionnelle des capacités

cognitives pourraient être pertinentes à différents stades après le coma et accompagner le

patient dans sa récupération. En effet, elles peuvent jouer un rôle dans :

- L’évaluation pronostique du patient dans le coma (cf chapitre précédent)

- L’évaluation objective de la récupération et des effets de la rééducation chez des patients

aux possibilités motrices parfois limitées.

- La rééducation même (certains marqueurs électrophysiologiques pourraient être évalués

comme réponse chez des patients « peu communicants »).

- La création d’interfaces visant à augmenter le degré d’autonomie du patient.

Est-ce que ces moyens thérapeutiques mis en œuvre très précocement dès la phase de coma

pourraient en raccourcir le délai et favoriser la récupération cognitive ?

E-1) Arguments en faveur d’une possibilité de récupération

E-1-1) La récupération spontanée

Le fait que certains patients dans le coma, ou en état végétatif récupèrent

progressivement et spontanément une activité consciente donne envie de disposer de moyens

pour accélérer et augmenter cette récupération.

La récupération « rapide » des capacités cognitives et motrices chez un patient dans le coma

est avant tout basée sur la récupération des « systèmes d’éveil ». Il existe également des

possibilités de récupération plus lente mais sans doute plus prolongée qui s’appuient sur

d’autres mécanismes.

Ainsi par exemple pour les patients en VS (système d’éveil fonctionnel même si niveau

d’éveil parfois fluctuant et incomplet) d’origine traumatique 33% sont redevenus conscient à

3 mois, 46% à 6 mois et 52% à un an (d’après la Multi Society Task Force on PVS (134, 135)).

Chez les patients MCS, un suivi avec des échelles adaptées (WHIM par exemple) met en

évidence une amélioration clinique chez une majorité de patients, même si lente et

progressive.

Partie III : Perspectives

140

Chez les patients végétatifs, l’usage du terme « permanent » (après 3 mois pour les

origines anoxiques et 1 an pour les post traumatiques) est seulement en rapport avec une

réalité statistique.

En effet, sur 434 patients en état végétatif suite à un traumatisme crânien, seuls 7 ont récupéré

des signes de conscience après 1 an (durée du suivi de 3 ans seulement). 6 de ces patients

restaient sévèrement handicapés (au GOS) et 1 modérément handicapé. L’âge du patient

semble un facteur important de réveil « tardif » car sur ces 7 patients, 5 avaient moins de 30

ans (134, 135).

Sur 169 patient en état végétatif d’origine non traumatique, 11 avaient récupérés des signes de

conscience à 3 mois, 2 de plus au bout de 6 mois puis 12 de plus progressivement à 1 an.

De plus, il faut rappeler que lors de cette étude en 1994, l’état de conscience minimale n’était

pas défini, aussi le diagnostic d’état végétatif et l’absence de récupération était probablement

surestimée, même si bien sûr les patients restaient sévèrement handicapés (134, 135).

D’après la Muti-Society Task Force sur l’état végétatif permanent, les cas de

récupération tardive, bien que médiatisés, sont souvent peu documentés. Elle reconnaît

néanmoins quelques cas de patients (moins de 10) en état végétatif « permanent » d’origine

traumatique ou anoxique avec retours spontanés tardifs à la conscience (parfois après plus de

30 ans) (135).

Donc, il existe des possibilités d’amélioration de la conscience très lentes (sur plus de

10 ans !), souvent incomplètes chez des patients végétatifs et MCS. Ces cas sont

exceptionnels, mais rares sont aussi les survies prolongées chez ces patients. L’espérance de

survie moyenne d’un patient végétatif était de 2 à 5 ans en 1994. La mortalité serait 82% à 3

ans et 95% à 5 ans. Considérant le nombre de patients en état végétatif, la probabilité d’une

survie au delà de 15 ans est extrêmement faible : estimée entre 1 pour 15000 et 1 sur 75000.

La mortalité est le plus souvent en rapport avec une origine infectieuse, souvent pulmonaire,

parfois par euthanasie passive (absence de traitement).

Aussi, le terme «état végétatif permanent » est plus indicatif d’un très mauvais

pronostic de récupération que d’un état fixé de manière irréversible.

Partie III : Perspectives

141

Voss dans l’équipe de Nicolas Schiff et de Joseph Giacino a pu explorer un des ces

patients qui après 19 ans en état de conscience minimale a pu regagner une communication

fonctionnelle (200).

A l’âge de 19 ans, le patient a été victime d’un accident de la route. Après 2 semaines de

coma, le patient est passé d’un état végétatif à un état de conscience minimale (car présence

d’une poursuite oculaire). De discrètes améliorations sont survenues progressivement sans

que le patient ne soit capable de communiquer de manière fonctionnelle par la voix ou les

gestes (il était donc toujours en MCS).

A l’âge de 39 ans, il a pu prononcer à nouveau son 1er mot : « mom », puis d’autres mots et a

pu regagner une communication fonctionnelle bien que très dysarthrique. Il pensait être en

1984, date de son accident. Par ailleurs, il avait des signes en rapport avec un syndrome

frontal net.

L’IRM montrait une importante atrophie cérébrale avec augmentation de la taille des

ventricules latéraux et diminution de la taille du corps calleux et de la substance blanche péri

ventriculaire. La séquence en diffusion était en faveur de lésions diffuses de la substance

blanche, confirmée par la mesure de l’anisotropie.

Le patient a été réévalué 18 mois plus tard. Cliniquement, une amélioration a pu être

constatée avec augmentation du niveau basal d’éveil et d’attention, diminution de la

logorrhée. En revanche, il restait complètement anosognosique à ses problèmes physiques et

cognitifs. Sur la 2ème IRM, le niveau d’anisotropie était nettement augmenté dans les régions

postérieures bilatérales. Par ailleurs, les résultats du PET scan étaient également en faveur

d’une augmentation du métabolisme de base dans ces régions.

Pour les auteurs, ces modifications du niveau d’anisotropie sont liées à une repousse axonale

avec remyélinisation. L’amélioration clinique du patient pourrait être liée à la récupération

fonctionnelle d’une connectivité « interrégionale ».

Partie III : Perspectives

142

Une repousse axonale entre différentes régions corticales avec importante

réorganisation neuroanatomique a été mise en évidence chez des singes après lésion cérébrale.

L’observation des nouvelles fibres était en faveur d’un aspect plus focal et moins diffus que

chez les sujets contrôles (36). Plus intéressant est que la repousse axonale au delà de 10 mm

serait possible chez les macaques et dépendrait de l’activité (164). Chez les humains, une étude

IRM en tenseur de diffusion a pu mettre en évidence cette plasticité cérébrale suite à la

pratique intensive du piano (8).

Carte couleur d’anisotropie montrant les principales directions des fibres myélinisées. L’intensité de la couleur est proportionnelle au niveau d’anisotropie. VOSS HU et al. J

Clin Invest. 2006. (200)

Partie III : Perspectives

143

Même s’il aurait été intéressant de pouvoir comparer le niveau d’anisotropie du patient

lors de son coma en 1984, aux 2 autres IRM pour constater si la remyélinisation était continue

au cours des 19 années. Ce cas clinique et l’ensemble de ces études suggèrent que

l’activité (rééducation, pratique d’un instrument…) est un facteur majeur de remodelage

cortical et souligne également le rôle de la conscience comme préalable jusqu’à présent

de la rééducation.

Ces mécanismes de récupération lents ne seraient pas spécifiques des patients avec état

de conscience altérée, mais commun à tous les patients cérébrolésés. Cependant, l’absence de

conscience chez les patients dans le coma, en état végétatif et l’absence de communication

possible avec les patients MCS rendent difficile la possibilité d’une rééducation basée sur un

« feed-back » clinique qui permettrait de s’assurer de l’efficacité du programme et d’adapter

les exercices.

E-1-2) L’apport potentiel des médicaments

L’idée de favoriser le retour à la conscience des patients dans le coma et d’améliorer les

capacités cognitives des patients en état de conscience altérée (état végétatif, MCS ou avec

séquelles neuropsychologiques…) grâce à l’usage de certains médicaments neuromodulateurs

est ancienne. L’éveil, préalable indispensable au retour de la conscience, est naturellement la

première cible qui a été visée.

En effet, la conscience peut être considérée comme la résultante de l’éveil et du contenu

de la conscience. Aussi, augmenter le niveau d’éveil pourrait faire sortir un patient du coma et

faire passer un patient VS en patient MCS. Chez les patients MCS, la fluctuation des

performances au cours du temps est également attribuée à une fonctionnalité non parfaite du

système d’éveil. Maximiser le niveau d’éveil serait un moyen de donner à ses patients des

performances maximales et peut être de les aider à récupérer (notamment en optimisant les

possibilités de rééducation).

Si cette idée est ancienne, la plupart des articles publiés concernent des cas uniques et

peu d’études randomisées rigoureuses. Dans la revue de littérature de Richer et al, sur 32

articles retenus, 4 seulement concernaient des études randomisées (168).

Les médicaments étaient le plus souvent prescrits au stade de la prise en charge rééducative

avec comme indication l’absence de progrès (3 à 12 mois après l’accident).

Partie III : Perspectives

144

Les médicaments qui auraient un effet positif sont :

-les substances dopaminergiques : lévodopa et la bromocriptine (Parlodel*). Sur 6 articles : 4

sont positifs (basée sur une amélioration clinique ou sur un score fonctionnel Rancho Los

Amigos) mais sont des rapports de cas unique. Une seule étude rapporte l’efficacité

d’agoniste dopaminergique chez 12 patients cérébrolésés (hétérogènes) avec fenêtre

thérapeutique (113). Ce traitement est bien toléré.

Plus récemment, Matsuda W et al font l’hypothèse que les patients VS ou MCS pour lesquels

la L-Dopa peut apporter une amélioration sont ceux dont on peut mettre par en évidence par

ailleurs des symptômes cliniques de parkinsonisme et qui ont des images IRM T2 évocatrices

de lésions des voies dopaminergiques (126).

-l’amantadine : (Effet présumé cholinergique et GABA-ergique mais non certain.)

7 publications dont une seule randomisée avec cross-over. Cette dernière était en faveur d’une

absence d’effets positifs significatifs. De plus, la tolérance au produit est mauvaise (un décès,

crises comitiales…).

-les tricycliques : (Inhibiteur de la recapture présynaptique de la sérotonine et de la

noradrénaline et effet anticholinergique.) En effet, Reinhard et al ont décrit 3 patients MCS

d’origine traumatique, stables depuis plusieurs mois, ont présentés une amélioration

importante du niveau d’éveil et de manière réversible sous amitriptyline (167).

-les amphétamines : (Agoniste de la noradrénaline et inhibiteur de la recapture de la

sérotonine.)

Amélioration des patients en état végétatif (GOS, GCS) et de patients conscients avec troubles

des fonctions cognitives (batterie de test avant et après traitement).

-Etonnamment, aucune étude n’a encore évalué l’efficacité possible du Modafinil

(Modiodal*) chez les patients dans le coma, en état végétatif ou MCS. Il s’agit d’une

substance éveillante de mécanisme différent des amphétamines. Son activité serait liée à

l'activation de la transmission α adrénergique au niveau central par un mécanisme non encore

connu. L'activité pourrait être due à une réduction de l'activité GABA-ergique corticale

consécutive à une activation noradrénergique et sérotoninergique. C’est le médicament

actuellement de référence dans le traitement des troubles de l’éveil (narcolepsie, hypersomnie

idiopathique…).

Partie III : Perspectives

145

-plus récemment le Zolpidem (Stilnox*) (agoniste GABA-ergique) avec parfois un effet

« paradoxal » psychostimulant.

Il s’agit d’une molécule sédative appartenant à la classe des imidazopiridines, distinct des

benzodiazépines, des barbituriques, des antihistaminiques. C’est un agoniste GABA-ergique

sélectif du récepteur oméga 1 sur la sous unité α du récepteur GABA du canal chlore.

Sa demi-vie est courte (2,4 heures), sans métabolites actifs, permettant une administration

répétée.

Le premier cas décrit d’amélioration fonctionnelle paradoxale chez un patient

cérébrolésé date de 2000. L’amélioration temporaire des symptômes après administration de

Zolpidem a également été mise en évidence chez des patients avec ataxie spino-cérébelleuse,

et chez un patient aphasique après AVC, qui pouvait reparler le temps d’action du

médicament (28, 32).

En 2006, Clauss et al rapportent 3 cas de patients en état végétatif permanent bien documenté

(c'est-à-dire excluant un état de conscience minimale) depuis au moins 3 ans avec

amélioration spectaculaire de leur état après administration de Zolpidem, le temps de la durée

d’action du médicament (29).

Ainsi, une heure après l’administration, un des patients pouvait prononcer quelques mots de

manière adaptée : par exemple répondre « rugby » si on lui posait la question de son sport

préféré, faire des calculs simples, prendre de la nourriture et l’avaler, répondre au téléphone et

même plaisanter. L’effet du médicament dure environ 4h, puis le patient retombe

progressivement dans un état végétatif. Ce patient a été suivi 6 ans, l’effet du Zolpidem reste

intact (pas de tolérance, ni d’effets secondaires négatifs), et le patient s’améliore

progressivement au niveau de sa mémoire à court et à long terme.

Récemment Raphaël Gaillard, a émis l’hypothèse séduisante d’une levée d’inhibition

par le Zolpidem de boucles cortico-striatales notamment orbito fronto striatales chez certains

patients cérébrolésés. Cette levée d’inhibition serait responsable d’une facilitation cognitive

ou d’un effet paradoxal excitateur suivant le type de lésion du patient et le niveau de handicap

du patient (Cf page suivante).

Egalement, en faveur de cette hypothèse, l’effet paradoxal excitateur des benzodiazépines

chez les enfants pourrait être du à la maturation plus tardive du cortex préfrontal chez

l’homme par rapport aux autres aires cérébrales.

Partie III : Perspectives

146

Il est probable qu’à l’avenir certaines substances médicamenteuses pourront contribuer

à la restauration du système d’éveil à un niveau optimal afin de favoriser la récupération et

l’activité des aires corticales préservées. Il faut développer spécifiquement des essais

thérapeutiques et des recherches médicamenteuses dans ce sens.

Actuellement, la grande majorité des articles porte sur des cas cliniques pouvant faire penser

que seuls les résultats positifs ont été publiés. Il faudrait réaliser des études randomisées

multicentriques en double aveugle et cross-over pour mieux évaluer l’efficacité de ces

thérapeutiques.

L’efficacité de médicaments chez certains patients et pas d’autres suggère que l’ensemble des

patients dans le coma (ou autres états de conscience altérée) n’est pas homogène et que

l’efficacité pourrait dépendre de la topographie des lésions et des effets de ces lésions sur les

neuromédiateurs.

SPECT montrant 30 min après l’ingestion de Zolpidem, une augmentation du métabolisme cérébral principalement au niveau du cortex orbito-frontal droit, du gyrus frontal inférieur droit, du striatum et du gyrus cingulaire postérieur chez une patiente ayant développé vers l’âge de 40 ans des symptômes négatifs avec apragmatisme marqué, en partie réversibles sous Zolpidem. Avec l’aimable

autorisation de Raphaël Gaillard. Unité

INSERM 562. Groupe Salpêtrière.

Partie III : Perspectives

147

E-1-3) La stimulation électrique profonde

Jouer sur l’éveil :

Comme pour l’approche médicamenteuse, la 1ère cible a été de stimuler électriquement

le système d’éveil. Un système d’éveil fonctionnel, bien que non suffisant pour la conscience,

est nécessaire comme préalable à la réalisation de tâches cognitives conscientes.

En 1993, Cohadon F et Richer E ont implanté 25 patients en état végétatifs 3 mois après un

traumatisme crânien (31). Le site de la stimulation était le complexe centre médian-

parafasciculaire (un des noyaux intralaminaires du thalamus considéré comme « la partie

terminale de la formation réticulée » qui se projette sur le noyau caudé et le putamen

constituant une « massive entrée striatale » chez l’homme). La stimulation était réalisée de

manière « circadienne » de 8h du matin à 20h. Dans 13 cas une amélioration (récupération

d’un certain degré de conscience) a été obtenue en une à trois semaines. Ces patients

(avec suivi de 1 à 10 ans) sont néanmoins tous restés sévèrement handicapés. Pour les 12

autres patients, après 2 mois de stimulation sans résultats, la DBS ( Deep Brain Stimulation) a

été retirée.

Plus récemment, en 2005, Yamamoto t et al ont traité 21 patients en état végétatif 3

mois après un évènement (traumatisme crânien =9, AVC =9, anoxie =3) et 5 patients MCS.

(TC=3, AVC=2) par stimulation électrique profonde unilatérale de la formation réticulaire

mésencéphalique (noyau cunéiforme) chez 2 patients ou du complexe centre médian-

parafasciculaire au niveau du thalamus chez 19 patients (210). La stimulation était appliquée

toutes les 2 à 3 heures pendant 30 minutes. La fréquence de stimulation était de 25 Hz et

l’intensité était réglée individuellement en fonction de la réponse du patient (légèrement au

dessus du seuil d’éveil). Les patients ont été suivis pendant 10 ans (mais la moitié des

participants étaient morts après la 3ème année).

8/21 patients VS ont émergés de l’état VS et on pu communiquer par la parole ou par geste,

mais sont restés grabataires.

4/5 patients MCS ont pu retourner au fauteuil, et rentrer à la maison.

L’article est assez critiquable. Par exemple, le délai d’apparition de l’effet suite à la

stimulation n’est pas explicité (immédiatement ?, au bout de plusieurs mois ?). Aucun

renseignement sur l’effet d’un arrêt de stimulation (retour en état végétatif ?) n’est

mentionnée et il n’y a aucun groupe contrôle. Il est donc difficile de s’assurer du lien direct

entre récupération et stimulation cérébrale profonde.

Partie III : Perspectives

148

Cependant il semble que:

- les patients qui sont sortis de l’état végétatifs sont sortis pendant les 1ers mois après

stimulation (de 0 à 12, cela n’est pas précisé !) et jamais après un an.

- Le principal facteur pronostic de récupération après DBS serait le délai de

l’intervention par rapport au début de la maladie.

Impossible d’affirmer que le niveau de récupération atteint l’est grâce à la stimulation

profonde, d’autant plus que pour la majorité des patients en VS de l’étude (qui ne sont pas

d’étiologie anoxique), une récupération spontanée reste statistiquement possible jusqu’à 12

mois après la lésion. (Après on parle d’état végétatif permanent, et une récupération spontanée

est moins probable). En revanche l’effet sur l’éveil semble réel et il est possible que chez ces

patients la DBS ait accéléré la récupération. Celle-ci dépend en effet du système d’éveil, qui

chez un patient VS a déjà en partie récupéré, mais pas forcément de manière maximale.

La stimulation du complexe centre médian-parafasciculaire (CM-pf) serait responsable

d’une augmentation du recrutement neuronal et de l’amplitude de l’EEG à basse fréquence de

stimulation et d’une désynchronisation de l’EEG à haute fréquence de stimulation (129, 166).

Les comas chroniques (absence prolongée de toute récupération d’éveil), bien que de règle

dans les films (dits comas « belle au bois dormant » (207)) sont en réalité rarissimes.

Quels pourraient être alors les intérêts à stimuler électriquement chez les patients comateux le

système d’éveil ?

- Diminuer la mortalité précoce. Celle ci est élevée les premiers mois et serait moins

importante chez les patients avec un système d’éveil plus efficace.

- Maximiser l’éveil, au delà de la récupération habituelle qui est la règle mais qui n’est pas

toujours complète ou qui reste fluctuante. Les capacités des patients MCS sont par exemple

très fluctuantes dans le temps en fonction de la vigilance). Cela permettrait d’évaluer les

capacités fonctionnelles résiduelles de ces patients de manière optimale. Un éveil maximal

permettrait également de réaliser une rééducation plus efficace.

La DBS pourrait accélérer et optimiser l’éveil, mais une étude avec groupe contrôle

devrait être réalisée pour confirmer ou infirmer ces résultats.

Partie III : Perspectives

149

Augmenter les capacités cognitives indépendamment de l’éveil ?

La stimulation de certains noyaux intralaminaires du thalamus pourrait également jouer

un rôle dans l’amélioration des troubles cognitifs chez des patients cérébrolésés. Le but serait

d’augmenter le niveau d’activité corticale et de restaurer un pattern normal de cohérence de

l’activité neurale (le thalamus jouerait un rôle dans la synchronisation des activités neuronales

nécessaires à la conscience et aux activités cognitives).

Certaines expériences animales vont dans ce sens : amélioration des performances de

reconnaissance d’objet par des rats durant la stimulation du noyau intralaminaire chez des

rats. De même, la stimulation du noyau parafasciculaire chez les rats augmenterait également

la rétention d’un apprentissage d’évitement à 24h, confirmant le rôle de ce noyau dans la

mémoire et l’apprentissage (74).

Chez les hommes, Bhatnagar et al ont testé 15 sujets avec électrodes implantées au

niveau du thalamus pour traitement de dyskinésies ou de douleur chronique (15). Les auteurs

ont évalués les effets de la stimulation du noyau centre médian gauche sur un ensemble de

fonctions neurolinguistiques. Les résultats ont été en faveur d’une facilitation de la

stimulation : diminution du taux d’erreur, raccourcissement de la latence de réponse… Cette

facilitation ne serait pas spécifique au langage.

E-2) L’utilisation des potentiels évoqués comme outil de rééducation

Le neuromonitorage EEG continu devrait être progressivement la règle dans les services

de réanimations neurologiques et neurochirurgicales. Déjà, certains appareils (Nicolet

Endeavor*) permettent, en plus de l’EEG, l’enregistrement de pistes EMG et la réalisation de

potentiels évoqués.

Si en phase hyper aiguë, beaucoup pensent que la stimulation cérébrale intensive induite par

l’administration répétée d’un paradigme en potentiels évoqués pourrait être délétère.

De tels systèmes pourraient avoir plusieurs avantages en phase subaiguë et chronique :

• La possibilité d’une administration quotidienne des paradigmes ERP

validés (notamment « odd-ball »). Chez un patient dans le coma, la MMN est un

marqueur préclinique de réveil. C'est-à-dire que cet indexe a un caractère dynamique

est peut apparaître chez un patient au cours du temps, signant 9 chances sur 10 de

réveil. Cependant, en pratique l’enregistrement en PE d’un patient est rarement plus

fréquent qu’hebdomadaire. Le monitorage permettrait de réaliser un enregistrement

Partie III : Perspectives

150

quotidien et de disposer de données pronostiques importantes. (Par exemple, chez

les 30% de patients dans le coma qui sont dit se réveiller sans MMN, combien n’ont

effectivement pas de MMN le jour du réveil ?)

• La possibilité d’une administration plus soutenue des potentiels évoqués réalisant,

peut être, une stimulation du système d’éveil.

• L’utilisation de certains potentiels évoqués comme « réponse » du patient (par

exemple la P300 comme marqueur de détection d’un stimulus attendu chez un

patient MCS). Pouvoir en retour « récompenser » cette P300 chez ces patients

pourrait amplifier les effets d’une telle rééducation, même s’il n’est pas évident de

savoir quelle récompense serait pertinente chez de tels patients.

Quels potentiels utiliser en rééducation ?

- Les Potentiels Evoqués Somesthésiques (PES) :

La stimulation électrique cutanée du membre hémiparétique biquotidienne augmenterait au

bout de 3 semaines, l’amplitude des PES du membre stimulé, comparativement au membre

non stimulé. Cette récupération électrophysiologique accompagnerait une récupération

clinique motrice du membre stimulé, au moins chez les patients avec déficit moteur suite à un

AVC ischémique. La stimulation électrique pourrait favoriser le remodelage cortical (158).

- La N140 :

Dans un paradigme « odd-ball » cutané (avec stimulation électrique cutané), la stimulation

rare entraîne chez le sujet sain une onde négative 140ms après le stimulus (c’est une sorte de

« MMN cutanée ») suivie d’une P300. Chez des patients suite à un AVC, l’amplitude de la

N140 était absente ou plus faible du côté de la lésion hémisphérique. La moitié de ces

patients (3 avec N140 seulement) ont été entrainés pendant 3 semaines à passer ce protocole

de manière quotidienne. Au bout de 3 semaines, 16 avaient une N140. Chez les patients non

entraînés 4 avaient une N140 avant 3 semaines et 6 après 3 semaines.

La récupération, ainsi que la vitesse de récupération de la N140 était corrélée avec un score de

mesure de l’indépendance fonctionnelle. (FIM) (69). Cette étude plaide en faveur d’un rôle

des potentiels évoqués non seulement dans l’évaluation mais aussi dans la rééducation

des patients dans le coma (et ce avec le même paradigme).

Partie III : Perspectives

151

- la P300 :

La P300 pourrait être recherchée et mesurée afin d’évaluer la possibilité de détection entre un

stimulus cible et d’autre stimuli interférents chez les patients « peu répondants » afin

d’adapter le programme de rééducation à leurs capacités « cérébrales » et non

comportementales.

- la « Contingent Negative Variation » (CNV) :

Ce potentiel a été décrit pour la première fois en 1964 par Walter (201).

Lorsqu’on présente un stimulus « d’alerte » S1 (par exemple une sonnerie) puis, après une

courte période temporelle constante, un stimulus « impératif » S2 nécessitant une réponse

motrice (par exemple appuyer sur un bouton), on enregistre au niveau du vertex pendant le

délai entre S1 et S2 une onde négative appelée « Contingent Negative Variation » (CNV).

La première partie de la CNV serait en rapport avec l’activité de neurones au niveau du cortex

préfrontal, tandis que des potentiels de préparation motrice (cortex prémoteur) joueraient un

rôle dans la partie terminale. Ce potentiel est « attention-dépendant » car les tâches

distractives sont responsables d’une diminution d’amplitude de la CNV.

Cette CNV serait pour certains un index de bon fonctionnement « frontal ». Dans un article de

1992, Segalowitz a montré que 3 principaux tests (Wisconsin Card Sorting Test, Mazes test,

Trails A et B) évaluant les fonctions exécutives étaient significativement corrélés à

l’amplitude de la CNV chez des traumatisés crânien (178). L’absence de CNV serait un

marqueur de difficulté d’attention de stimuli pertinents et dans la préparation motrice

adéquate (180).

Ce marqueur permettrait de corriger et de créer un planning de rééducation adaptée. On

pourrait par exemple utiliser des stimuli S1 d’intensité décroissante (volume sonore, durée, ou

le « cacher » dans des stimuli interférents plus ou moins proches) pour rééduquer et stimuler

le niveau d’attention chez certains patients MCS.

Partie III : Perspectives

152

F) L’électrophysiologie à l’aide des patients handicapés

Malgré les progrès futurs de la prise en charge des patients après un coma, beaucoup

d’entre eux conserveront des séquelles motrices, et cognitives.

Pour les patients aux possibilités motrices très réduites, les progrès de l’informatique

commencent à rendre possible l’apparition d’interfaces utilisant les capacités résiduelles pour

commander un ordinateur (clignement de paupière, mouvement de l’œil…).

Les possibilités motrices d’autres patients sont si limitées, ou leurs fonctions cognitives non

suffisamment préservées que l’utilisation de commandes ou d’un code de communication est

difficile.

Une hypothèse d’interface cerveau-ordinateur (Brain Computer Interface= BCI)

utilisant les potentiels évoqués, et plus précisément la P300, a été imaginée par Farwell et

Donchin en 1988 (49).

Le principe théorique est simple : présenter plusieurs réponses sur un écran. Le regard du

patient doit pouvoir couvrir tout l’écran. Il n’a ensuite qu’à penser à la réponse qu’il veut,

tandis que les réponses vont clignoter les unes après les autres de manière aléatoire. Lorsque

la réponse sélectionnée mentalement par le sujet va clignoter, la détection par le sujet de la

réponse attendue va générer une P300. Si on arrive à enregistrer en direct cette P300, on

pourra en déduire qu’elle était la réponse du sujet suite à la question posée. On parle donc

d’interface cerveau-ordinateur basée sur la P300 ou P300-BCI (Brain Computer Interface).

Un autre exemple de « P300-BCI » : il faut déplacer une boule jusqu’à une cible. Pour cela, il faut fixer la flèche correspondant à la direction choisie. Les 4 flèches « s’allument » successivement de manière aléatoire. Lorsque la flèche sélectionnée par l’attention du sujet, s’allume on peut, au bout de plusieurs essais enregistrer une P300, qui peut être identifiée « on line ». Une fois cette P300 mise en évidence pour une flèche en particulier, la boule se déplacera dans la direction de la flèche. Piccione F et al. Clin

Neurophysiol. 2006. (162)

Partie III : Perspectives

153

La principale difficulté est de trouver un système d’analyse fiable et rapide permettant

d’extraire la P300 « en direct ».

Plusieurs méthodes existent avec les mêmes contraintes : la fiabilité s’obtient au détriment de

la vitesse (en augmentant le nombre d’essais) et inversement. Sellers et Donchin ont testé

leurs système avec succès chez des témoins et chez des patients avec sclérose latérale

amyotrophique (179). Chez les témoins, sélectionner la bonne réponse parmi 4 réponses

nécessite 16 présentations pour une fiabilité de 75% (soit 22,4s). Pour atteindre 90%, il faut

106 présentations environ. Pour les patients avec sclérose latérale amyotrophique, le temps de

réponse était plus long en raison d’une altération de la P300, nécessitant un plus grand

nombre d’essais avant extraction.

L’avantage de ce système P300 et qu’il ne nécessite pas d’apprentissage difficile. Il est

basé sur la réponse électrophysiologique cérébrale naturelle lorsqu’un stimulus attendu

est présenté au patient. (Ce système pourrait être décliné en modalité auditive.)

On peut donc penser également qu’un tel système pourrait être très utile en rééducation

chez les patients MCS pour identifier, en temps réel, la détection d’un stimulus

pertinent, la compréhension d’une consigne et la participation active du sujet.

154

PARTIE IV :

Quels sont les

véritables enjeux de

l’exploration à visée

pronostique des

patients dans le

coma ?

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

155

Finalement, pourquoi explorer les possibilités cognitives fonctionnelles résiduelles

de ces patients ?

Deux intérêts majeurs justifient l’exploration des capacités cognitives résiduelles chez les

patients dans le coma, les patients végétatifs et les MCS :

- un intérêt théorique

Les patients dans le coma et encore plus les patients végétatifs constituent un modèle

d’approche par défaut de la conscience. Tout ce que le cerveau de ces patients peut faire ne

nécessite pas la conscience, en contre partie cela permet également de mettre en évidence les

possibilités cognitives qui seraient spécifiques d’un homme conscient.

- un intérêt clinique

L’évaluation fine de ces possibilités résiduelles pourrait apporter des renseignements

pronostiques fondamentaux sur le plan du réveil et du niveau de séquelles

neuropsychologiques au réveil. Ces données pourraient être très utiles aux réanimateurs qui

doivent au quotidien décider quel niveau de soins médical à engager est raisonnable pour ces

patients sévèrement cérébrolésés.

C’est ce deuxième aspect, plus en rapport avec l’activité clinique médicale que je

développerai le plus.

I ) L’intérêt théorique : les patients dans le coma comme modèle d’approche par défaut de la conscience

A) Le « modèle théorique de l’espace de travail conscient

Ce modèle théorique de la conscience a été élaboré par Stanislas Dehaene, Jean-Pierre

Changeux et Lionel Naccache, et inspiré de travaux antérieurs de Baars et Fodor (40, 56). Il

implique que, dans le système nerveux central, il existerait de très nombreux modules ou

« processeurs » (composés de groupes de neurones) spécialisés dans le traitement d’un type

d’information comme reconnaître la lettre A, une voix, un visage, maintenir la température

centrale, la tension artérielle…). En permanence, un grand nombre de ces processeurs

fonctionnent en même temps, « en parallèle » et de manière complètement inconsciente.

Pour prendre conscience du stimulus il faut qu’il « rentre » dans « l’espace de travail

conscient ». Cet espace serait composé d’un réseau de neurones à grande distance très

largement interconnectés et de manière bidirectionnelle afin de pouvoir amplifier

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

156

l’information dans des sortes de boucles de résonnance. Il impliquerait essentiellement

les régions fronto-pariéto-cingulaires. La conscience aurait un fonctionnement sériel car

seule une information à la fois peut activer cet « espace de travail ». La possibilité de mettre

en jeu ce réseau dépendrait de plusieurs paramètres comme l’existence de connexions entre le

processeur et l’espace de travail (par exemple, ce ne serait pas le cas pour celui contrôlant la

tension artérielle et son activité nous sera à jamais inaccessible), la durée du stimulus (un

stimulus présenté en subliminal induirait une activité trop faible pour pouvoir activer l’espace

de travail et donc être perçu consciemment. En revanche de nombreuses expériences,

notamment d’amorçage masqué, montrent que ce stimulus peut être traité jusqu’à un niveau

élevé, sémantique par exemple. Les systèmes d’éveil et de l’attention joueraient également

des rôles clés.

Certaines fonctions seraient très impliquées dans l’espace de travail conscient. Il s’agit de la

perception, de la préparation et du contrôle de l’activité motrice, de la mémoire déclarative, de

l’attention et des circuits de récompense.

Des propriétés de l’espace de travail, naissent les propriétés qui seraient spécifiques à la

conscience comme la rapportabilité, le maintien actif de représentations mentales, le

traitement stratégique, et les comportements intentionnels (141).

Représentation schématique du modèle théorique de « l’espace de travail conscient ». D’après Dehaene, Naccache. Cognition, 2001.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

157

B) L’approche modulaire des capacités résiduelles cognitives d’un patient en état de conscience altérée

Qu’en est-il chez les patients dans le coma ?

Un patient dans le coma est par définition inconscient. Ce qui veut dire que l’espace de

travail conscient n’est pas fonctionnel et ce pour deux raisons associées à des degrés divers :

une insuffisance du système d’éveil (notamment par lésion de la formation réticulée

ascendante dans le tronc cérébral), et des lésions propres de l’espace de travail. Mais de

nombreux « processeurs » continuent de fonctionner et les tester permettrait de nous

renseigner sur l’état fonctionnel « sous-jacent » du patient dans le coma.

En effet, dans l’immense majorité des cas, le système d’éveil va récupérer une activité

et le patient va, en fonction du reste de ses lésions cérébrales, soit récupérer une activité

consciente avec un degré variable de séquelles neuropsychologiques, soit si les lésions de

l’espace de travail sont trop importantes, être dans un état végétatif (c'est-à-dire avec éveil,

caractérisé par le retour du cycle veille-sommeil, mais sans d’activité consciente).

Dans le paradigme « odd-ball », la MMN est la signature du fonctionnement d’un

processeur détectant la nouveauté (qu’elle soit auditive, visuelle ou autres). Elle implique que

d’autres processeurs d’analyse des stimuli soient également intacts et nécessite une forme de

mémoire pour détecter la nouveauté dans le contexte « fréquent ». La présence d’une MMN

signe l’intégrité de ce réseau et est associée à une très bonne valeur prédictive positive de

réveil (c'est-à-dire avec conscience).

On pourrait donc imaginer dans le futur, une « batterie » de paradigmes conçus pour

l’évaluation d’un maximum de ces modules spécialisés (par exemple associés à la

compréhension (N400), à l’expression, à la mémorisation, à l’émotion…).

La préservation du fonctionnement de modules qui partagent en partie l’espace de travail

(perception, mémoire, contrôle moteur…) devrait être de bon pronostic pour un retour à la

conscience (MMN), tandis que d’autres modules participeraient plus au contenu de la

conscience (possiblement la détection d’une violation sémantique avec la N400).

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

158

II ) L’intérêt clinique : diminuer le dilemme du réanimateur

A) Comprendre ce dilemme : La révolution des progrès de la réanimation bouleverse le concept de mort : de l’arrêt du cœur à la « conscience trouée »

A-1) La mort cérébrale est le produit des progrès technologiques

Jusque dans les années 50, le concept de

mort était évident car les « fonctions vitales »

(respiration, circulation, digestion,

fonctionnement cérébral) étaient toutes

interdépendantes. Un homme n’était pas

déclaré mort tant que les battements de son

cœur n’avaient cessé.

En France, il faut d’ailleurs attendre le décret

du 31 décembre 1941 pour la première

définition légale de la mort. Celle-ci est

définie par l’arrêt de la circulation sanguine.

Avec l’invention de machines permettant la ventilation artificielle pour de longues

durées (poumon d'acier de Philip Drinker (en 1928) et surtout l’Engström 150 en 1954 lors de

l’épidémie de poliomyélite), des patients avec apnée complète ont pu être ventilés avec succès

permettant au cœur de continuer à battre et à la circulation de persister. S’il s’agissait pour

certains patients de « franchir un cap », pour d’autres, l’apnée était du à une destruction

cérébrale.

Les Français, Mollaret et Goulon, ont été les premiers, en 1959, à décrire cette forme

irréversible de coma lié à la mort cérébrale sous le terme de « coma dépassé » (132).

Mais, une ambigüité persistait : fallait-il considérer ces patients comme morts (car absence de

respiration spontanée, de mouvements volontaires et réflexes) ou vivants (car persistance des

battements cardiaques, de la circulation, de la digestion, de l’excrétion) ?

J-L Vincent. Progress in Brain Research.2005.

Copyright C. Laureys. (198)

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

159

Répondre à cette question, nécessitait de réfléchir à ce que signifiait vraiment « être mort ».

En l’absence d’intérêts autres que théoriques cette question est restée en suspens pendant près

de 10 ans.

Pendant ce temps…

En 1952, l’aventure de Marius Renard passionne les médias en France. Suite à une

chute d'un échafaudage, ce jeune charpentier de 16 ans a d’importantes lésions de son rein

gauche. Le rein doit être retiré ; le chirurgien découvre alors que son patient a un rein unique.

La dialyse n’étant pas encore inventée, le patient est donc condamné. Le Pr. J. Hamburger, à

Paris, propose alors à la mère de lui prélever un rein pour le greffer sur son fils. Dans un

premier temps, cette première greffe d’organe à partir d’un donneur vivant apparaît comme un

succès et le malade reprend rapidement des forces mais il meut finalement trois semaines plus

tard suite à un rejet.

Il ne faudra attendre que quelques mois pour la première vraie réussite de greffe rénale entre

deux vrais jumeaux par John Merill et Joseph Murray à Boston.

C’est la découverte du traitement immunosuppresseur l’azathioprine (Imurel*), en 1957, qui

complétant l’utilisation des corticoïdes (découverts en 1950) permet un regain d’intérêt vers

les hétérogreffes.

La substitution, chez l'homme, d'un cœur définitivement défectueux par un cœur en bon état,

prélevé sur un patient cliniquement décédé, a été réalisée la première fois avec succès, au

Cap, en Afrique du Sud, par C. Barnard en décembre 1967. Le receveur, Louis Washkansky,

54 ns, survivra 18 jours à son intervention. Un engouement pour cette technique se dégage

alors : 102 transplantations dans 17 centres pour cette seule année 1968 dont le Pr Cabrol, en

France pour la première greffe cardiaque européenne.

C’est grâce à ces premières hétérogreffes, et à la nécessité d’approvisionnement en

organes vivants à fins thérapeutiques qu’en 1968, aux Etats-Unis, « the Harvard

Medical School Ad Hoc Commitee » déclare que les patients en coma dépassé ne sont

pas seulement des patients avec un coma irréversible, mais sont déjà morts. Ils

peuvent donc être utilisés comme source d’organes sans que cette utilisation soit

regardée comme la cause de la mort.

En France, c’est la circulaire du 24 avril 1968 qui substitue au critère de cessation de

la circulation sanguine, celui de mort cérébrale ou coma dépassé pour définition légale

de la mort.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

160

La distinction de « mort cérébrale » n’est à préciser évidemment que chez des patients

ventilés. En l’absence de ventilation, l’arrêt irréversible de la respiration et du battement

cardiaque restent les critères de mort.

Cette nouvelle approche de définition de la mort constitue un bouleversement dans l’histoire

de la médecine mais également de l’humanité.

A-2) Etat des lieux de la mort cérébrale dans le monde

A-2-1) Mort cérébrale et religions

De nombreuses révolutions théoriques et scientifiques se sont heurtées aux conceptions

religieuses souvent plus conservatrices. De même, les religions ont depuis longtemps abordé

les questions morales de vie et de mort, aussi elles apportent de nombreux éléments de

réflexion aux groupes de bioéthique. Le caractère sacré de toute forme de vie est un point

commun à l’ensemble des grandes religions.

Quelle influence garde la religion sur les pays occidentaux ?

Voici un siècle que la France a affirmé la séparation de l’Eglise et de l’Etat (loi de

1905). Notre pays est le seul d’Europe où aucun type d’enseignement religieux n’est proposé

à l’école publique. Ce principe de laïcité est marginal, en Europe et dans le monde.

Cependant, 80% des Français sont baptisés catholiques et 39% ont une pratique religieuse

régulière ou occasionnelle. Il est ainsi évident que, bien que laïque et multiculturelle, la

culture chrétienne reste importante (33).

L’Angleterre, la Suède et la Grèce ont une religion officielle. En Angleterre, la Reine est le

chef de l’Eglise anglicane. Au Danemark, il existe un ministre des affaires ecclésiastiques qui

dirige l’Eglise luthérienne et les impôts de l’Eglise sont inscrits au budget de l’Etat. Enfin,

dans beaucoup de pays, la religion « historique » est reconnue ayant une place prépondérante

et bénéficie de privilèges (Espagne, Italie, Portugal pour le catholicisme par exemple).

Mais derrière ces différences, le point commun fondamental en Europe et que les Etats

ont pour principes le respect de toutes les croyances, le principe de liberté de pensée et de

culte et de protection des droits de chacun de pratiquer et de se référer à une croyance (sauf si

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

161

elle met en danger la sécurité des citoyens). Les rapports entre les principales religions

tendent vers un respect et une compréhension mutuels.

Aux Etats-Unis, état fondé par des protestants européens fuyant les persécutions, 9

personnes sur 10 se disent croyantes et 70% sont pratiquantes. Lors du recensement national

de 1990, on comptait respectivement : 140 millions de protestants, 62 millions de catholiques,

5 millions de juifs et 5 millions de musulmans (d’après le site de l’ambassade des Etats-

Unis en France : http://www.amb-usa.fr). La séparation de l'Eglise et de l'Etat est établie

par le 1er Amendement à la Constitution (1787). Cependant les liens entre la religion et le

gouvernement restent très étroits. Il est par exemple interdit aux étudiants de prier

publiquement dans le cadre de l'école mais une prière précède chaque session du Congrès et le

slogan "In God we trust" apparaît sur la monnaie américaine.

Quelle est l’acceptation du concept de mort cérébrale par les grandes religions ? (13)

- Pour les chrétiens :

33% de la population mondiale est chrétienne, dont la moitié est catholique. Pour les

catholiques (1 milliard de personnes), en 2000, Jean Paul II a officiellement reconnu que le

concept de mort cérébrale et de don d’organes étaient compatibles avec les croyances

catholiques. Ce concept a été également accepté par l’autorité protestante.

Aux Etats-Unis, 30 millions d’électeurs protestants évangéliques aux idées parfois

fondamentalistes représentent un poids politique important pouvant influencer des décisions

politiques (cf le cas de Terri Schiavo plus loin). Deux états : le New Jersey et l’état de New

York ont adoptés une exception religieuse : un patient en état de mort cérébrale peut ne pas

être déclaré comme mort si ce concept heurte les croyances religieuses du patient et de ses

proches.

-Pour les musulmans (19,3% de la population soit 1,12 milliard de personnes)

Le Conseil Pan-Islamique de Jurisprudence a reconnu ce concept en 1986. Aujourd’hui,

même dans les pays musulmans les plus conservateurs comme l’Arabie Saoudite, les concepts

de mort cérébrale et de transplantation d’organe sont reconnus.

-Pour les juifs (0,2% de la population, soit environ 15 millions de personnes)

Ce concept est accepté, hormis par une partie des juifs orthodoxes dont certains se référent au

Talmud où la mort serait mentionnée comme un arrêt irréversible de l’activité cardiaque et

respiratoire.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

162

-Pour les hindouistes (13,4% de la population soit 800 millions de personnes) et les

shintoïstes au Japon la mort cérébrale est également acceptée.

A-2-2) Tour du monde de la « mort cérébrale » : définition et pratique

• En Europe :(80)

Le concept de la mort cérébrale est accepté par la totalité des pays européens.

La mort cérébrale y est définie par la perte totale et irréversible de l’ensemble des fonctions

cérébrales excepté pour un seul pays. En effet, au Royaume-Uni, la mort cérébrale est définie

par l’absence de tous signes cliniques de fonctionnement du tronc cérébral (cf Partie IV

chapitre II A-3-2).

Pour tous les pays européens, le diagnostic de mort cérébrale est avant tout clinique.

Il repose toujours sur une démarche en 3 étapes :

-établir l’étiologie du décès. (Reposant sur l’anamnèse, la clinique et l’ensemble des examens

paracliniques)

-exclure certaines étiologies produisant des signes cliniques équivalents à ceux de la mort

cérébrale mais potentiellement réversibles.

-démontrer les signes cliniques de mort cérébrale : coma profond, abolition de tous les

réflexes du tronc cérébral, absence de respiration (critères cliniques ou gazométriques).

Ces signes doivent être confirmés par un nombre de médecin variable suivant le pays (de 1 à

3), et de compétences exigées différentes (nombre d’années d’exercice, spécialité requise…),

parfois à une période variable d’intervalle (6 à 24h). En France, une seule période d’examen

clinique est nécessaire, elle doit être réalisée par deux médecins.

Les plus grandes différences européennes portent sur les recommandations d’utilisation

de tests de confirmations.

Cela va d’une absence d’utilisation de test de confirmation (Pologne, Royaume-Uni), à une

utilisation facultative (c'est-à-dire selon l’utilité estimée par les médecins) comme en

En résumé les principales religions acceptent aujourd’hui le concept de mort cérébrale

(une vingtaine d’années après l’acceptation légale aux Etats-Unis et en France).

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

163

Belgique, au Danemark ou en Suisse et à une obligation légale de confirmer la mort cérébrale

par un (comme en France) ou plusieurs examens complémentaires.

L’EEG est l’examen de confirmation le plus recommandé :

La perte de toute activité électrique cérébrale confirmant la mort cérébrale. Il s’agit du test de

référence pour tous les pays européens excepté le Danemark où l’angiographie cérébrale est le

test de confirmation validé.

En réalité, l’EEG présente plusieurs limites: l’amplification maximale nécessaire amplifie

également les artéfacts et il existe des faux positifs (sédation, hypothermie…).

En 1995, Paolin A et al ont comparé les résultats de l’EEG avec la méthode de référence (la

mesure du débit sanguin cérébral au Xénon 133) chez 15 patients, avec cliniquement les

signes de mort du tronc cérébral. 7 patients n’avaient pas un tracé isoélectrique à l’EEG alors

que l’étude au Xénon 133 ne mettait en évidence aucun débit sanguin cortical (150).

Un 2ème examen neurophysiologique est validé dans environ la moitié des pays européens. Il

s’agit des potentiels évoqués somesthésiques ou auditifs du tronc cérébral. Même s’ils

Comparaison des différentes recommandations européennes en matière de mort

cérébrale. Haupt W et al. J Neurol. 1999. (80)

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

164

comportent des avantages comme la moindre influence des médicaments sédatifs ; des faux

positifs sont possibles surtout en cas de lésions traumatiques.

Le deuxième examen validé par tous les pays utilisant des tests de confirmation est

l’angiographie cérébrale. Ce test démontre l’arrêt de toute circulation cérébrale.

• Dans le reste du Monde :

Sur les 80 pays (sur les 189 reconnus par les Nations Unies) évalués par l’enquête de

Wijdicks 70 (88%) avaient établis des recommandations officielles pour évaluer la mort

cérébrale chez l’adulte (205).

Aux Etats-Unis, the Uniform Determination of Death Act a été accepté par 44 états sur 50. Il

repose sur la mise en évidence d’une perte complète et irréversible des fonctions du tronc

cérébral et du cortex.

Les anciennes colonies anglaises : Inde, Australie, Nouvelle-Zélande suivent les

recommandations du Royaume-Uni et définissent donc la mort cérébrale comme la mort du

tronc cérébral.

Au Moyen Orient, malgré l’acceptation du concept par le Conseil Pan-Islamique de

Jurisprudence en 1986, peu de pays ont légiféré sur la mort cérébrale et le don d’organe.

En Israël, les recommandations officielles concernant les critères diagnostiques et

méthodologiques pour démontrer la mort cérébrale datent de 1991, et ont été modifiées en

1996.

En Amérique du Sud, la plupart des pays a des recommandations officielles, mais souvent les

critères de définition de la mort cérébrale sont laissés à l’appréciation du médecin…

En Afrique, la plupart des pays n’ont pas de recommandations officielles (hormis l’Afrique du

sud, Tunisie…) : l’absence de programmes de transplantation d’organes rendant inutile une

loi pour définir les critères de mort cérébrale du donneur.

Le concept de mort cérébrale comme mort de l’individu est donc accepté dans tous les

pays d’Europe, permettant l’utilisation des corps pour le prélèvement des organes.

Cependant, nul consensus n’existe sur la définition de cette mort cérébrale et sur la

méthodologie clinique et paraclinique nécessaire pour la confirmer. Une homogénéisation

prochaine de ces critères sera nécessaire dans le cadre de l’Europe, en vue d’une

harmonisation des pratiques médicales.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

165

Cette enquête souligne le fait que le concept de mort cérébrale est à peu près accepté partout

et par tous. L’existence de programme de transplantation a rendu nécessaire la définition

de recommandations légales dans la méthodologie clinique et paraclinique du diagnostic

de mort cérébrale. (Dans les pays où un tel programme est absent, les recommandations sont

le plus souvent imprécises.) Cependant, même s’il existe un assez bon consensus clinique sur

la détermination de la mort cérébrale, une grande hétérogénéité persiste au niveau des

examens paracliniques nécessaires pour confirmer ce diagnostic.

Une des raisons principales est l’existence de deux grandes conceptions théoriques de la mort

cérébrale. En effet, suivant les pays, celle-ci correspond soit à la mort de l’ensemble du

cerveau (tronc cérébral et hémisphères cérébraux) soit la mort du tronc cérébral.

A-3) Les différents concepts de mort cérébrale

A-3-1) La mort de l’ensemble du cerveau

« La mort cérébrale ainsi définie serait l’équivalent physiologique moderne de la

décapitation » (Fred Rosner).

La mort de l’ensemble du cerveau, fait disparaître la respiration et le contrôle de la

circulation (par destruction du tronc cérébral), le contrôle neuroendocrine et de l’homéostasie

(destruction du diencéphale), de la conscience (destruction des thalami, des hémisphères…).

C’est cette définition qui est utilisée dans tous les pays exceptés le Royaume-Uni et certaines

de ses anciennes colonies : l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Comparaison du métabolisme cérébral estimé en FDG-PET Scan entre un sujet sain et un patient en état de mort cérébrale (concept « ensemble du cerveau »). Disparition complète du métabolisme dans les

hémisphères cérébraux et le tronc cérébral. Laureys et al. Lancet Neurol. 2004. (114)

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

166

Mais derrière ce consensus apparent, la mort de l’ensemble du cerveau peut être perçue de

deux grandes façons : la mort de l’élément clé pour l’organisme ou la mort de

l’organisme comme un tout (c'est-à-dire la perte pour l’organisme d’intégrer les fonctions

des différents organes).

Critiques :

-Les critiques de cette conception de mort cérébrale comme mort de l’ensemble du cerveau

portent essentiellement sur les tests cliniques réalisés pour l’évaluer. En effet, ces derniers

évaluent le tronc cérébral, et seraient donc en inadéquation avec la définition. Pour être en

accord avec la théorie, un examen paraclinique de confirmation d’absence de fonctionnement

irréversible des hémisphères cérébraux et du diencéphale serait donc indispensable : c'est-à-

dire en pratique l’EEG ou mieux l’angiographie intra crânienne.

-L’utilisation de l’EEG comme examen de référence est également critiquée.

Pour ses détracteurs, l’EEG aurait des faux positifs (hypothermie, intoxication

médicamenteuse…) inacceptables et montrerait parfois des activités difficiles à interpréter

(artéfacts, ou réelle activité cérébrale). La préservation d’une activité cérébrale a été observée

plusieurs fois chez des patients avec cliniquement une mort du tronc cérébral parfois pendant

plusieurs jours (73, 159). Par exemple, plus récemment, Kaukinen et al, en 1995 en Finlande,

ont rapporté le cas d’une patiente déclarée cliniquement morte (mort cérébrale) à la suite d’un

accident avec fractures de la base du crâne et hémorragie sous arachnoïdienne et intra

cérébrale majeure (101). Le score de Glasgow de la patiente était de 3, avec absence de

respiration spontanée et disparition de tous les réflexes du tronc cérébral. En revanche, l’EEG

réalisé 4h après l’examen clinique et dont le but était de confirmer la mort cérébrale, n’était

pas isoélectrique. Une activité ressemblant à de l’α pouvait être mis en évidence sur

l’hémisphère droit.

Les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral étaient absents (enregistré 7 h après

l’examen clinique), en revanche les potentiels évoqués visuels retrouvaient des potentiels de

grandes amplitudes signant le fonctionnement du cortex visuel primaire occipital.

La patiente a donc été monitorée sur le plan EEG. Le tracé est finalement devenu

isoélectrique 40 h plus tard et la ventilation a été arrêtée.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

167

Ces cas soulèvent deux grands problèmes :

o La persistance de toute activité corticale signe-t-elle la vie de la personne ; même

si la survie prolongée avec un tronc cérébral détruit est forcément compromise ?

Si oui, le caractère facultatif dans de nombreux pays de l’utilisation d’un examen paraclinique

de confirmation de la mort « corticale » est donc une erreur, potentiellement criminelle. Par

ailleurs, l’EEG évalue mal le fonctionnement des structures diencéphaliques.

o Pour certains la mort du cerveau ne nécessite pas la mort de tous les neurones du

cerveau. Une activité EEG peut parfois être enregistrée chez des patients en états de mort

cérébrale reflétant l’activité de neurones isolés (13, 73). Cette activité ne contribuerait à aucun

fonctionnement de l’organisme et n’empêcherait donc pas le diagnostic de mort cérébrale.

Pour l’ensemble de ces raisons, le meilleur critère diagnostic serait l’absence de toute

circulation intracrânienne, notamment par angiographie cérébrale. Il suffirait de 8 minutes

pour que le cerveau soit complètement et irrémédiablement détruit après l’arrêt complet de la

circulation cérébrale.

A-3-2) La mort du tronc cérébral

Pour les partisans de cette théorie, la mort cérébrale serait définie par la perte

irréversible de la conscience associée à la perte irréversible de la capacité à respirer

(Conference of Medical Royal Colleges, 1976).

Le tronc cérébral étant au carrefour entre les entrées et les sorties cérébrales et étant

nécessaire pour la conscience (par les systèmes d’éveil) et contenant le centre respiratoire,

démontrer sa destruction suffirait à signer la mort cérébrale.

Cela est en adéquation avec les tests cliniques validés pour la mort cérébrale qui évaluent le

tronc cérébral.

Patiente cliniquement en mort cérébrale (mort du tronc cérébral) mais avec persistance d’une activité EEG pendant presque 2 jours. Kaukinen et al. Intensive Care Med. 1995. (101)

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

168

Critiques :

o L’absence de nécessité de d’arrêt de fonctionnement des structures

diencéphaliques et des hémisphères cérébraux créerait la possibilité de diagnostic par excès de

mort cérébrale, par exemple en cas de « super locked-in syndrome ».

Effectivement, dans la littérature, on retrouve plusieurs cas de syndrome de Guillain-Barré

très sévère (avec abolition des réflexes du tronc) mimant cliniquement un état de mort

cérébrale (62, 203).

o Cette théorie rend impertinents les tests de confirmations basés sur l’évaluation

fonctionnelle ou circulatoire des hémisphères cérébraux (EEG, angiographie…).

(Logiquement, aucun test paraclinique n’est nécessaire au Royaume-Uni pour confirmer le

diagnostic de mort cérébrale.)

En fait, derrière l’aspect légal, le concept de « mort » continue à évoluer dans l’esprit non

seulement des scientifiques mais aussi du public.

A-3-3) La mort de la conscience : aussi appelée « higher brain formulation »

« If we value life, justice, beauty, survival, reproduction, it is only as conscious being that we

value them ». John Searle (philosophe américain)

Pour les partisans de cette théorie, la mort devrait être définie par « la perte irréversible

de ce qui est considéré comme d’essentiel à la nature de l’homme ». (Ceci a été proposé la

première fois par Veatch en 1973). La perte de la conscience chez une personne en état

végétatif, même si certaines fonctions cérébrales restent préservées permettant aux organes

vitaux de continuer à fonctionner, pourrait faire de ces patients des êtres dépourvus de « vie

humaine » et donc morts.

Ce concept est assez bien accueilli par les médecins et par certains philosophes. En effet, la

vie d’une personne serait caractérisée par sa capacité à ressentir des émotions, percevoir, et

agir dans un but. Le fonctionnement intégré des organes ne suffirait pas à faire d’un corps une

personne vivante. Ce nouveau concept permettrait de considérer comme morts les patients en

état végétatif permanent, les enfants anencéphaliques…et donc également de leur prélever des

organes.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

169

Commentaires :

Une étude récente américaine confirme l’intérêt potentiel d’une telle redéfinition de la

mort. En 2003, le nombre de patients en attente d’une greffe d’organe aux Etats-Unis étaient

de 82 117 patients. The Association of Organ Procurement Organizations (New England

Journal of Medicine) a estimé la même année le nombre de donneurs potentiels (c'est-à-dire

nombre de patients en état de mort cérébrale (clinique et EEG isoélectrique) en l’absence de

contre indications médicales) à 18 524. Le taux de consentement des familles était de 54%, et

le nombre de donneur réels par rapport au nombre potentiel était de 42% (soit 7780 patients).

Ce taux est stable depuis plusieurs années. En contre partie, le nombre de patients nécessitant

une greffe augmente légèrement (par exemple, le 14/08/06 à 8h40 : 92 584 sur le site

(http://unos.org). La conclusion de l’article est que s’il faut comprendre l’origine des

réticences de certaines familles pour augmenter le taux de consentement, cela ne sera pas

suffisant. Si on pouvait prélever les organes de tous les donneurs potentiels (en état de mort

cérébrale), pour la greffe de foie, par exemple, le nombre de donneurs annuels ne couvriraient

pas le nombre annuel de « demandeurs ».

En France, dans le but d’accroître le nombre de greffons utilisables, la loi Caillavet du

22 décembre 1976 a consacré la présomption de consentement faisant de tout individu un

donneur potentiel d’organes après sa mort, en l’absence de refus. La nouvelle loi de 2004,

généralise cette loi à tous les prélèvements après décès quelles que soient leur finalités :

thérapeutiques ou scientifiques. Cependant, en réalité, les prélèvements sont

exceptionnellement réalisés en l’absence du consentement de la famille.

Il faudrait définir les critères nécessaires et les instruments de mesure pour s’assurer de

l’absence et du caractère irréversible de la perte des capacités cognitives et de conscience.

Comme on l’a vu auparavant, la conscience étant par définition inaccessible de l’extérieur,

bien que certaines de ces manifestations le soient, on comprend la difficulté à définir des

examens qui pourraient démontrer l’absence de conscience sans faux positifs (ce qui est

indispensable d’un point de vue éthique).

Pour l’instant, malgré l’influence croissante de cette notion de mort de l’homme en cas de

disparition irréversible d’une vie mentale consciente, et bien que plusieurs pays aient

autorisés à interrompre les soins chez ces patients en état végétatif permanent pour les

autoriser à mourir, aucun ne les a considérés comme morts, ou comme une source acceptable

pour le prélèvement d’organes (93).

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

170

A-3-4) « La conscience trouée »

La présence d’une conscience minimale est-elle suffisante (fixation oculaire,

poursuite…)? Pour être logique avec le concept de capacités nécessaires pour rendre

« vivant » un homme, n’y a t’il pas à avoir des exigences de niveau de conscience ?

Damasio : « On peut seulement essayer d’imaginer ce que peuvent être les restes d’un esprit

d’où on a ôté le Soi et la connaissance, peut-être un esprit ponctué d’images de chose à

connaître, mais jamais vraiment connues, de choses pas vraiment possédées, privé du moteur

nécessaire à l’action délibérée » (35).

A-3-5) Le retour de la conception circulatoire

Le retour à cette conception « traditionnelle » de la mort est paradoxalement plus récent

(le philosophe Seifert en est l’initiateur en 1993), et survient en rejet des concepts précédents.

Un organisme ne serait pas mort, tant que sa circulation n’a pas cessé de manière irréversible.

Le renouveau théorique de cette conception ancienne résiderait dans la possibilité

d’intégration à un niveau spinal.

Pour ses partisans, le tronc cérébral est finalement peu différent de la moelle épinière, et

si un patient végétatif est considéré comme vivant, la persistance d’une moelle épinière

fonctionnelle suffit à justifier le caractère vivant de la personne.

En 1973, Ivan et al ont mis en évidence des mouvements réflexes chez 75% (sur 52) d’un

groupe de patients qui remplissaient les critères de mort cérébrale (tronc+ hémisphères) (90).

Plus récemment, en 2000, Saposnik et al ont retrouvé ces mouvements réflexes chez 39%

d’un groupe de 38 patients en mort cérébrale (174). Ces mouvements ont pu être observés

jusqu’à 72h après le diagnostic de mort cérébrale. Il s’agissait le plus souvent de mouvements

des doigts ou des orteils (9/15) déclenchés par la stimulation tactile. Le plus impressionnant

est la possibilité de signe de Lazarus (flexion bilatérale des bras sur la poitrine et croisement

des mains). Tous ces mouvements auraient pour origine un réflexe médullaire illustrant la

possibilité d’intégration d’une information à un niveau segmentaire médullaire chez les

patients en état de mort cérébrale.

Shewmon et al auraient maintenu « en vie », plusieurs patients en état de mort cérébrale

pendant plusieurs mois grâce à des soins intensifs sophistiqués démontrant d’après lui la

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

171

possibilité d’un fonctionnement « intégré », coordonné des organes (181). (Le niveau élevé de

soins nécessaire pourrait plutôt être en faveur du contraire.)

En 2003, Bernstein et Powner ont étudiés le cas de 10 femmes enceintes en état de mort

cérébrale pour lesquelles une prise en charge en soins intensifs a permis la poursuite du

développement du fœtus jusqu’à un délai acceptable pour son extraction (165). Le record est

de 107 jours (de la 15ème à la 32ème semaine de gestation) avec un enfant né en bonne santé

physique et avec un bon développement mental.

Critique :

Chez les sujets en état de mort cérébrale maintenus sous respirateurs et nécessitant des soins

intensifs, les organes ne participent plus aux fonctions vitales de l’organisme comme un tout.

Ces patients ne seraient donc qu’un « ensemble d’organes » maintenus en vie. Autrement dit,

la cessation irréversible du fonctionnement intégré des organes serait la définition de la mort.

A-4) Réflexions sur ces notions : Ne pas confondre « mort » de « vie qui ne mériterait plus d’être vécue par un homme »

La richesse du débat et des conceptions de ce qui rend un homme « vivant » est liée à

des éléments aussi variés que la religion, la notion de spécificité de l’homme capable de

ressentir des émotions et de conscience, influencée parfois par des notions d’économie de

santé…

Comment définir la mort ?

Bernat a exposé les principaux points de réflexion (13) :

- s’accorder sur ce qu’est « la mort »

- faire que ce concept scientifique s’accorde avec le concept consensuel

- trouver le meilleur critère de « mort »

- trouver les tests avec aucun faux positif et le minimum de faux négatif pour évaluer le

meilleur critère retenu.

Pourtant, il ne faut pas confondre la définition de la mort et celle de « vie qui ne mériterait

plus d’être vécue ».

Si l’une doit être stricte, objective ; l’autre est forcément subjective.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

172

Pour lui, la « mort » est un mot non technique, et donc sa définition devrait être en accord

avec son sens consensuel. La mort est un phénomène biologique et donc sa définition doit se

conformer aux données biologiques connues. Le terme de mort ne s’applique qu’aux

organismes. Ils ne peuvent être que vivants ou morts. La mort est un état et non un processus.

La mort est irréversible.

La mort cérébrale comme mort de l’ensemble du cerveau respecte ces critères. Ce n’est pas

une « nouvelle mort », elle correspond à une explicitation du concept traditionnel rendue

nécessaire à cause des progrès technologiques. Cette définition confirme que la disparition du

fonctionnement des différents organes comme un tout (« intégré ») nécessitant le tronc

cérébral et les hémisphères cérébraux signe l’état de mort.

Elle nécessite obligatoirement un examen complémentaire pour confirmer la mort

encéphalique, de préférence l’angiographie cérébrale, ou sinon l’EEG en ayant éliminé

certaines contre-indications.

Les patients en état végétatif « permanent » (en considérant que ce caractère irréversible

soit certain) ne peuvent pas communiquer, et ne montrent aucun signe d’interaction autre que

réflexe à l’environnement. Pour beaucoup, ils ont perdu ce qui fait d’eux des êtres humains :

la conscience. Redéfinir la mort, comme « mort de la conscience » permettrait de considérer

ces patients comme morts, et donc de les utiliser éventuellement pour les dons d’organes ;

évitant à la famille d’être confronté quotidiennement à la tragédie d’avoir un proche dans cet

état et également un gaspillage d’argent, pour certains, irresponsable car collectivement

dommageable.

Mais est ce que ces arguments « utilitaires » ne sont pas la preuve d’un glissement du débat de

ce qui définit la mort d’une personne, à la définition de « vie qui mérite d’être vécue » ?

La définition de la mort comme mort de la conscience est une nouvelle conception,

plutôt qu’une redéfinition de la mort consensuelle. Cette serait spécifique à l’espèce homo

sapiens. Elle ne repose sur aucune réalité biologique. Donc, la principale erreur de ce concept

reposerait sur son incapacité à coller avec notre conception consensuelle de la mort.

Elle poserait également de grandes difficultés dans la définition d’une méthodologie clinique

et paraclinique démontrant cette disparition de toute vie consciente. Car si la conscience peut

être mise en évidence par un ensemble de manifestations cliniques et paracliniques, il est

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

173

encore incertain d’en affirmer une complète et irréversible absence…Ce serait donc une

définition de mort théorique mais en pratique inutilisable. Par ailleurs une conscience « très »

altérée est elle fonctionnelle ? Ne peut-on pas imaginer une escalade dans les critères de ce

qui fait un humain « vivant » ? Est-ce que dans certaines démences sévères, ce critère est

préservé ?

Si tout le monde s’accorde pour dire que la définition de la mort ne doit pas être liée à

des intérêts économiques ou à la nécessité croissante d’organes à prélever, faut-il définir un

niveau de performances cognitives minimal (dont la conscience) qui rendrait spécifiquement

un homme vivant ? Ces arguments ne sont-ils pas la preuve d’un glissement du débat de ce

qui définit la mort d’une personne, à la définition de «la vie qui mérite d’être vécue » ?

B) Le droit d’éviter l’acharnement thérapeutique

Si les personnes en état végétatifs vivantes, cela signifie t’il qu’il faille les maintenir en

vie à tout prix et poursuivre les soins quand les premiers examens réalisés et les premiers

signes cliniques sont en faveur de lésions cérébrales si étendues que le patient est condamné à

un état de dépendance et de séquelles cognitives majeures ? (Critères basés sur le patient.)

Doit-on maintenir le patient en vie parfois au prix d’un désarroi émotionnel important pour la

famille, d’un découragement et d’une démotivation pour les soignants et d’un coût important

pour les états pouvant nuire à la solidarité de santé ? (Critères basés sur l’entourage.)

Aujourd’hui, il existe un consensus au niveau des médecins et de l’opinion publique sur le

devoir d’éviter « l’acharnement thérapeutique ». Par exemple des enquêtes d’opinions aux

Etats-Unis montrent qu’une majorité de personnes interrogées ne voudrait pas être maintenue

indéfiniment en vie si elles étaient en état végétatif permanent (16).

Aussi, la définition de la mort cérébrale comme la mort de l’ensemble du cerveau me

semble être la définition la plus naturelle au vu des données récentes et également la

plus utile en pratique.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

174

Derrière cet apparent consensus contre « l’acharnement thérapeutique » se cachent 3

questions difficiles souvent entremêlées :

- Qui doit choisir ?

- Quels sont les critères de choix ?

- Comment faire en pratique ?

J’ai choisi de ne pas partir de l’aspect légal comme base de réflexion, car plagiant la célèbre

phrase, « la loi doit rendre possible ce qui est souhaitable » et non l’inverse.

B-1) Qui doit choisir ?

B-1-1) Réflexion autour de 2 patients

C’est souvent à la faveur de cas cliniques médiatisés qu’ont lieu les débats publics,

scientifiques, éthiques et législatifs permettant de modifier les comportements de société.

Bien que l’aspect culturel et légal propre à chaque pays soit important, l’aspect médical et

éthique du débat reste indépendant du pays d’origine du patient. Aussi ai-je choisi d’illustrer

les difficultés de la décision d’arrêt de « l’acharnement thérapeutique » par les deux derniers

cas, complémentaires, les plus médiatisés. Ancrer la réflexion sur des cas réels permet de

mieux souligner l’aspect émotionnel d’une telle décision.

B-1-1-1) Terri Schiavo

Terri Schiavo était une américaine vivant en Floride qui en 1990, à l’âge de 26 ans a été

victime d’une syncope suivi d’une anoxie pendant plusieurs minutes. Elle est restée en état

végétatif pendant plus de 15 ans suite à un conflit opposant le mari (qui après 3 ans de

rééducation et d’absence de progrès, estimait que sa femme n’aurait pas voulu être

maintenue en vie de la sorte) et les parents (qui voulaient poursuivre les soins).

N.B. :

Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, depuis le cas de jurisprudence de Karen Ann Quinlan, en 1975, l’arrêt

des soins est autorisé chez les patients en état végétatif permanent, pour lesquels la famille proche affirme que le souhait antérieur du patient aurait été de ne pas être maintenu en vie sous ces conditions. En revanche, la Cour Suprême a toujours rejeté les décisions des médecins d’interrompre les soins lorsqu’ils s’opposaient au désir de la famille (cas de jurisprudence de Baby K enfant anencéphale que la mère a voulu maintenir en vie).

L’affaire a finalement été portée devant la Cour en 2000. Et le jugement a été « que devant

l’ensemble des éléments, et sachant que la médecine n’est pas une science absolue » que la

patiente était bien en état végétatif permanent, qu’après 10 ans la probabilité de retour à la

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

175

conscience était virtuellement nulle et que le désir antérieur exprimé par la patiente (et

rapporté par le mari) était en faveur d’un arrêt des soins.

La sonde naso-gastrique a été retirée une première fois en avril 2001. Puis remise deux jours

après en raison d’un appel des parents. Puis retiré une deuxième fois en octobre 2003 et

remise 6 jours plus tard par intervention de Jeb Bush, frère du président et gouverneur de

Floride. Cette décision fut finalement jugée anti-constitutionnelle par The U.S. District Court

de Floride et la sonde de gastrostomie fut retirée une 3ème fois en mars 2005, malgré

l’intervention du Congrès et du président Georges Bush Junior. De son côté, le Vatican a

dénoncé une mort « hâtée de façon arbitraire » (157).

Cette tragédie a été récupérée par plusieurs organisations (« Pro-Life », certains groupes

évangéliques ; The Terri Schindler Schiavo Foundation a été créée en 2001 pour « défendre

les droits des citoyens les plus vulnérables contre l’euthanasie et le « crime » médical …) et

des vidéos de la patiente (montrant la patiente yeux ouverts et réalisant certains mouvements

spontanés) ont circulées sur internet suscitant le doute sur « l’absence de conscience de

l’environnement ».

Laisser le poids de cette décision aux seuls membres de la famille est sans doute un

fardeau trop lourd à porter. Et le cas Terri Schiavo, illustre les difficultés qui peuvent naître

d’une absence de consensus familial. Par ailleurs, ce cas illustre également les difficultés pour

les proches et pour l’opinion publique de ne pas interpréter des mouvements réflexes comme

intentionnels (cela montre les difficultés au quotidien que poserait une définition de la mort

comme « mort de la conscience »).

« …Watch these streaming Real video clips of Terri Schiavo and her parents and ask yourself, "Was it ok to starve

this severely handicapped woman to death by depriving her of food and water?"

Streaming video of Terri Schiavo appearing to enjoy her father's reminiscences about her childhood.

Streaming video of Terri Schiavo appearing to respond to music.

Streaming video of Terri Schiavo apparently glad to see her mom.

Streaming video of Terri Schiavo opening her eyes, apparently to show that she understands what someone is saying

to her.

Can you imagine what it would be like to be in Terri Shiavo's position, to be slowly and painfully killed, and not to

be able to speak up to prevent it?... »

Exemple de site « Pro life contre l’arrêt des soins chez Terri Schiavo et les autres patients en état végétatif

permanent. http://www.sacramentolifechain.org/schiavo.html

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

176

Le débat a été placé à plusieurs niveaux :

-celui entre le caractère sacré de la vie et la notion de qualité de vie.

-celui de la liberté de choix d’une personne à ne pas vouloir être maintenu en vie indéfiniment

en état végétatif. Le débat glissant vers le droit à disposer de sa vie et de sa mort… et donc le

droit à mourir pour certaines autres personnes estimant ne pas avoir une qualité de vie

suffisante.

Aux Etats-Unis, les jugements ont toujours été rendus en privilégiant la notion de liberté de

choix. Nous verrons plus loin, les intérêts et limites de cette position.

B-1-1-2) Vincent Humbert

En France, nous avons également eu un cas médiatisé, ayant permis de larges débats

d’opinion et en partie à l’origine d’un aménagement récent de la loi sur l’euthanasie.

Il s’agit de Vincent Humbert.

En novembre 2002, le jeune homme, rendu tétraplégique, aveugle et sourd par un accident de

la circulation deux ans plus tôt, avait demandé au président de la République "le droit de

mourir". Ce que Jacques Chirac avait refusé : « Qu’il reprenne goût à la vie. ». Marie

Humbert, la mère de Vincent, a alors tenté d’accéder à la requête de son fils, en septembre

2003 en lui administrant une dose massive de barbituriques. C'est finalement le docteur

Chaussoy, chef du service Réanimation du centre héliomarin de Berck-sur-Mer, qui, deux

jours plus tard, débranchera le jeune homme plongé dans le coma des respirateurs et

accélèrera la mort avec une dose létale de chlorure de potassium. Le docteur Chaussoy, a été

poursuivi pour avoir enfreint la loi pour empoisonnement avec préméditation crime passible

de la réclusion criminelle à perpétuité. Il a été soutenu par de nombreuses associations dont

le Mouvement national pour une loi Vincent Humbert qui demande le droit des patients de

pouvoir choisir sous certaines restrictions la mort. Finalement, il bénéficiera d’un non lieu.

Plusieurs éléments sont intéressants dans cette histoire. Tout d’abord les motivations

exprimées par Vincent Humbert pour justifier sa demande de mourir : il ne veut pas être un

fardeau pour sa mère. Ce qui est souvent mentionné par ces patients.

«Je voudrais faire ceci évidemment pour moi-même mais surtout pour ma mère; elle qui a tout quitté de son

ancienne vie pour rester à mes côtés…Mais dans quelques années, elle…sera donc obligée de repartir …

impossible d'imaginer rester sans sa présence à mes côtés et je pense que tout patient ayant parfaitement

conscience est responsable de ses actes et a le droit de vouloir continuer à vivre ou à mourir. »

Extrait de la lettre adressée par Vincent Humbert au Président de la République

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

177

Ensuite l’aspect légal, c'est-à-dire la décision de non lieu pour le médecin qui explicite dans

ce cas le vide juridique concernant une pratique illégale mais considérée comme non

criminelle.

Les cas de Terri Schiavo et de Vincent Humbert sont complémentaires car ils illustrent deux

grands cadres : celui ou le patient ne peut exprimer sa volonté et celui ou le patient est en

mesure d’exprimer sa volonté.

B-1-2) Cas où le patient peut exprimer sa volonté

Le droit de mourir : jusqu’à quel point autoriser la liberté de choix ?

Aux Etats-Unis, la liberté de choix individuelle est l’élément qui domine le débat

éthique et légal. Par exemple, la Cour Suprême reconnaît le droit des patients compétents de

refuser un traitement médical, incluant l’hydratation et l’alimentation entérale.

Sous quels critères peut-on accepter la liberté de choix d’une personne qui estime avoir

le doit de mourir mais qui ne peut y parvenir seule, et implique donc une autre personne dans

la réalisation de l’acte ?

Il faut, d’après moi, discerner le contexte palliatif où le malade est au stade terminal d’une

maladie évolutive non curable et difficile à soulager, du non palliatif où le patient peut

souffrir par exemple d’un handicap sévère mais stable et non mortel.

Si la liberté de disposer de son corps était totale on laisserait les anorexiques mourir de faim,

les « pauvres » vendre un rein (interdit au nom des principes de la « non patrimonialité et de

l’inviolabilité du corps humain » défini par les lois de bioéthiques), on ne réanimerait pas les

personnes faisant des tentatives de suicide par crainte de procès… Bref, ce principe de

« décider seul » de sa mort n’est pas recevable en l’état.

Dans quelle mesure un patient est-il compétent pour décider seul du caractère

irréversible de sa souffrance ? Jusqu’à quel point ne faut-il pas essayer de corriger ce désir

(par exemple en traitant une dépression…)…

En Europe, certains pays (la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse) ont légalisé le « suicide

assisté »:) si certains critères sont respectés notamment le caractère volontaire, réfléchi et non

équivoque de la demande du patient qui doit être réitérée à plusieurs reprises et le caractère

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

178

insoutenable et sans perspective de rémission de la souffrance (physique ou mentale) du

patient…). Ce dernier critère doit le plus souvent être vérifié par au moins deux médecins.

Au total, j’ai évoqué tous ces éléments pour illustrer que ce « droit de mourir » repose sur

la conviction obligatoire d’une autre personne de « la qualité de vie médiocre du

patient ».

Estimer la qualité de vie de quelqu’un d’autre :

Si on interroge des personnes en bonne santé, elles préféreraient mourir qu’être

grabataires. Pourtant un questionnaire d’auto-évaluation de la qualité de vie chez 17 patients

« locked-in » sans récupération motrice après environ 6 ans a mis en évidence que malgré un

handicap moteur quasi maximal, la perception de leur santé mentale (évaluation de l’humeur

et du niveau de stress…) était comparable à celle des sujets sains. ALIS. Ghorbel et al. 2002

DEA dispo sur site. 48% des patients LIS chronique jugent leur humeur bonne contre 5%

mauvaise. 13% seulement se disent dépressifs. 73% aiment aller dehors et 81% voient des

amis au moins deux fois par mois (116). Bref, contrairement à ce que pensent la plupart des

personnes en bonne santé, les patients LIS estiment avoir une qualité de vie signifiante et la

demande d’euthanasie est exceptionnelle passée la phase de désespoir initial. Il faut aussi dire

que des progrès technologiques importants ont été réalisés ces dernières années pour

augmenter leur autonomie (commande d’ordinateur par le regard…).

En 2005, Kubler et al ont réalisé une étude comparant la qualité de vie chez des patients

avec sclérose latérale amyotrophique estimée par auto questionnaire et à celle estimée par le

partenaire et par les soignants (110). Ces derniers jugeaient le plus souvent la qualité de vie du

patient moins bonne que le patient lui-même. Ces patients pourraient vivre plusieurs dizaines

d’années à l’aide d’un ventilateur pourtant ils reçoivent des médecins une information biaisée.

Ces derniers estiment, peut être à juste titre, qu’être maintenu en vie de la sorte (à terme

complètement grabataire) est insupportable pour le patient et pour la famille.

De nombreuses personnes avec handicap sévère ont senti leur médecin capable de les aider

trop rapidement à mourir (4).

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

179

B-1-3) Cas où le patient ne peut exprimer sa volonté

De manière caricaturale cela correspond aux patients en état végétatif et aux patients

pauci-relationnels (MCS). C’est en pratique le cas le plus fréquent en service de soins

intensifs.

Trois questions se posent :

o Sommes-nous en mesure d’être sûr (sinon quel degré d’incertitudes peut-être

toléré) que la vie de la personne se résume à rien ou à de la souffrance et cela de manière

irréversible? La souffrance d’un patient en état végétatif est par définition nulle, mais cet état,

surtout s’il est prolongé, est responsable d’une souffrance pour la famille et dans une moins

grande mesure pour le personnel soignant.

Qu’en est-il d’un patient MCS qui pourrait sentir avec plaisir la chaleur, une caresse, s’apaiser

en écoutant certaines musiques… ?

o Pour qui on choisit ? La décision peut être motivée par le patient (en raison d’une

souffrance), pour la famille (désarroi émotionnel d’avoir un proche en état végétatif par

exemple, ou de devoir s’occuper d’un proche sévèrement cérébrolésé), pour le médecin

(besoin de libérer des lits, sentiment d’impuissance et d’inutilité…), pour l’Etat (coût du

patient…).

o Qui doit choisir alors ?

-La famille ?

Le cas de Terri Schiavo met en évidence plusieurs limites au « choix familial » :

- La difficulté pour les proches (surtout des parents vers les enfants) d’arrêter les soins et de

renoncer à un être aimé.

- La tendance à interpréter les signes réflexes comme des actes volontaires conscients.

Au total, ces études illustrent le hiatus possible entre la conviction compassionnelle du

médecin d’une absence irréversible de toute qualité de vie chez certains patients

sévèrement handicapés et la qualité de vie réelle de certains de ces patients passée la phase

initiale. Cette conviction erronée peut être à l’origine de limitation excessive du niveau de

soin chez certains patients, ces derniers étant parfois à l’origine de la demande.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

180

Ces deux premières difficultés s’expliquent en partie par le caractère souvent inattendu de

l’événement responsable de l’état végétatif (accident, hémorragie…) chez ces patients

relativement jeunes et jusque-là bien portants. Leur aspect souvent « préservé » et le fait

qu’ils respirent parfois sans machine accentuent cette impression de réversibilité pour la

famille.

-la possible difficulté d’obtenir un consensus entre tous les membres de la famille. Cela

possiblement en raison de convictions personnelles, mais également éventuellement d’intérêts

propres (coût, lourdeur de la prise en charge à la fois pratique et sur le plan émotionnel…).

Au final, il faut se demander si le fardeau d’une telle décision n’est pas trop lourd pour la

famille d’un patient.

- Le patient, grâce à l’expression antérieure de ses volontés dans une telle situation ?

Suite à un événement si dramatique et souvent imprévu, il est souvent difficile de parler de

mort ou d’état végétatif à la famille d’un patient qui espère que celui qu’ils aiment va

récupérer. Alors, pour pouvoir aborder ce sujet de manière moins émotionnelle et plus

raisonnée, et au nom de la liberté de choix du malade, il a été proposé que chacun puisse

donner par avance des directives à suivre en cas d’état végétatif ou de lésions cérébrales

majeures. Tel est le cas aux Etats-Unis et également en France, depuis la loi d’avril 2005 (cf

chapitre II B 4). Le principal avantage est de donner la liberté de choix à la personne, et par

conséquent également d’alléger le fardeau de la famille et des médecins.

En pratique, il est actuellement exceptionnel qu’un patient devenu végétatif après un

traumatisme crânien ou un AVC ait laissé des directives écrites.

Aussi c’est seulement par la famille que la volonté antérieure du patient est recherchée (des

directives orales donc) et les proches peuvent alors avoir des difficultés à exprimer un désir

qui n’est pas toujours le leur à ce moment là.

Comment généraliser les directives écrites et faire qu’elles soient actualisées régulièrement?

Sa propre mort est souvent taboue et peu imaginable pour un homme jeune. La réalisation

spontanée de directives écrites anticipées restera marginale. Aussi, elle devrait être obligatoire

après une information éclairée et neutre. Le port d’une carte pourrait être également envisagé

mais il faut éviter l’amalgame « état végétatif-don d’organe ». Enfin, que faire de ceux qui

n’ont pas donné de directives : arrêter les soins par défaut ou les prolonger ?

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

181

Si je suis favorable à ces directives sous certaines conditions (notamment d’informations

préalables), on peut néanmoins se demander dans quelle mesure, un sujet sain peut il prendre

une telle décision ?

Pour JL Vincent, c’est comme demander à des adolescents visitant une personne âgée dans

une maison de retraite s’ils préféreraient mourir ou « finir comme ça » (198). Pourtant, en

vieillissant, la vie en institution peut devenir acceptable.

Bref, les gens réagissent de manière à rejeter la possibilité d’une telle situation (tabou), et

même si on impose des directives écrites, ils ne sont pas vraiment en mesure de décider. Ils ne

connaissent pas les véritables difficultés à juger de la conscience, du caractère irréversible et

de la qualité de vie réelle d’un patient cérébrolésé ?

Comme préalable, une information claire et neutre me semble indispensable pour biaiser au

minimum ces directives.

- Les médecins ?

Ce sont les personnes les mieux capables de comprendre le niveau lésionnel du patient (état

végétatif, niveau de handicap probable et conséquences au quotidien). Ils sont en mesure de

prendre une décision compassionnelle mais d’une manière plus rationnelle que la famille.

Ils se préoccupent également des conséquences pour la famille d’avoir un proche sévèrement

cérébrolésé pendant plusieurs années parfois.

En pratique, les médecins et le personnel soignant sont ceux qui vont appliquer la décision

d’ « arrêt de soin » (qui englobe l’euthanasie active), il est peu imaginable que cette décision

heurte leurs propres convictions.

Par exemple, aux Etats-Unis, bien que légalement le respect du désir antérieur du malade ou

du choix de la famille soit la règle, un tiers des médecins interrogés ont dit qu’ils avaient déjà

maintenus des soins malgré le désaccord de la famille et 80% ont parfois arrêté seuls le

traitement quand il leur semblait futile (198).

Bref, les médecins semblent plus capables de juger de l’état du patient de manière objective.

Etant moins liés au patient que la famille, cette décision est émotionnellement moins lourde

pour eux, même si elle reste difficile.

Mais, nous avons déjà vu que les médecins avaient tendance à sous-estimer la qualité de vie

des patients sévèrement handicapés, par ailleurs la décision d’arrêt de soins se heurte parfois

au sentiment de devoir préserver la vie.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

182

En pratique :

En France, ce sont les médecins réanimateurs qui sont vraiment confrontés à ce choix.

L’avis de la famille est souvent « testé », obtenu par tâtonnement : le médecin informant de

l’ensemble des résultats et du pronostic très sombre du patient : avec un handicap très sévère

ou une vie végétative et de l’importance primordiale d’éviter la souffrance du patient. En cas

d’opposition de la famille (dont pour conviction religieuse) à l’arrêt de l’« acharnement

thérapeutique » ; le plus souvent les soins sont maintenus et cela en partie par crainte de

procès. En France, la famille est impliquée dans la décision d’arrêt de soins dans 44% des cas,

simplement informée dans 13% des cas (197, 198).

B-2) Sur quels critères décider ?

Le choix des médecins réanimateurs est basé sur un élément clé: la décision du

niveau de récupération probable critique.

De manière schématique, les patients dans le coma peuvent soit mourir, soit récupérer une

conscience proche de la normale (mais avec souvent des séquelles neuropsychologiques

diverses), soit être en état végétatif, soit être en état de conscience minimale (ou pauci-

relationnels).

Pour quel niveau de récupération critique faut-il se battre ?

- un état végétatif (mais vivant)

- un patient en état de conscience minimale avec poursuite oculaire

- un patient en état de conscience minimale capable d’obéir à certains ordres simples

- un patient conscient très sévèrement handicapé avec par exemple aphasie globale et

hémiplégie, ou un syndrome frontal sévère ou une amnésie antérograde ?

- un patient avec une communication fonctionnelle, ou avec une autonomie suffisante ?

La vie n’est plus qu’un objectif nécessaire mais non suffisant pour justifier des soins

intensifs coûteux.

La notion de qualité de vie devient primordiale. C’est une notion imprécise,

subjective.

Des critères comme une communication fonctionnelle, ou un niveau d’autonomie suffisant

justifient les soins. (Un patient MCS sévère n’est pas un objectif thérapeutique suffisant.)

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

183

Les autres critères à prendre en compte sont par exemple la présence d’un entourage, la

possibilité de placement dans des structures spécialisées…

Quel temps donnons-nous au patient pour atteindre ce niveau critique ?

La plupart des bonnes récupérations sont souvent prévisibles au vue des résultats

d’examens et se font le plus souvent rapidement. C’est un niveau de récupération

« intermédiaire » qu’il est plus difficile de prévoir avec certitude.

D’après la Multi Society Task Force, pour les patients végétatifs, il serait raisonnable (en se

basant uniquement sur les données cliniques) d’attendre au moins 3 mois pour ceux d’origine

anoxique et un an pour les post traumatiques avant de prendre une décision d’arrêt de soin.

Cependant, on sait maintenant que même au-delà, des patients sévèrement handicapés, auront

parfois la possibilité d’une lente amélioration spontanée. Celle-ci pourrait être accélérée et

augmentée par certains médicaments, et par de nouvelles techniques de rééducation. Le

handicap pourra être réduit par l’utilisation d’interfaces BCI ou par d’autres machines.

Aussi la certitude d’une absence de bonne récupération, se double également d’une incertitude

du niveau réel de récupération et de qualité de vie.

Pourquoi ne pas attendre et voir ?

Les raisons en faveur d’une prise de décision « rapide » d’arrêt de soins (c'est-à-dire

dans les 2 premiers mois) chez les patients dont les médecins estiment la qualité de vie future

insuffisante, notamment s’ils pensent qu’ils vont rester en état végétatif permanent sont :

- d’éviter la souffrance et le désarroi de la famille

- de préserver la dignité du malade.

- le côté démotivant pour le personnel soignant, dont les médecins de s’occuper d’un patient

au potentiel de récupération très limité.

- d’éviter l’occupation prolongée dommageable d’un lit de réanimation potentiellement « plus

utile » à un futur patient, ceci étant lié au manque de places dans des structures d’aval

adaptées. Cela rejoint la notion de coût :

Le coût estimé aux Etats-Unis pour un patient en état végétatif est de :

- pour les 3 premiers mois : 149 200$

- pour la première année, passés les 3 premiers mois : entre 126 000 et 180 000$

Soit une approximation annuelle aux Etats-Unis entre 1 et 7 milliards de $ par an.

(Même s’il faut nuancer ces chiffres par le travail créé…)

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

184

- la loi (cf chapitre suivant) et les possibilités d’arrêter les soins chez un patient dépendant

(euthanasie passive) plutôt que de provoquer activement la mort (euthanasie active)

Donc on peut dire que cette décision même si elle est prise de la manière la plus

compassionnelle et rationnelle possible par les médecins, n’est pas, au moins pour les patients

en état végétatif non permanent, centrée sur le patient.

En pratique, le niveau de handicap critique est donc un niveau de handicap probable

estimé sur un ensemble de données cliniques (dont l’expérience des médecins) et

paracliniques qui renseignent les médecins sur les possibilités de récupération du patient et

sur son niveau de handicap futur.

B-3) Comment faire ?

Dans les faits, l'euthanasie peut recouvrir plusieurs formes :

- l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration délibérée de substances létales dans

l'intention de provoquer la mort, à la demande du malade qui désire mourir, ou sans son

consentement, sur décision d'un proche ou du corps médical.

- l'aide au suicide, où le patient accomplit lui-même l'acte mortel, guidé par un tiers qui lui a

auparavant fourni les renseignements et/ou les moyens nécessaires pour se donner la mort.

- l'euthanasie indirecte, c'est-à-dire l'administration d'antalgiques dont la conséquence seconde

et non recherchée est la mort.

- l'euthanasie passive, c'est-à-dire le refus ou l'arrêt d'un traitement nécessaire au maintien de

la vie.

En pratique, en France, l’euthanasie active est interdite (cf chapitre suivant).

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

185

Réflexions autour de l’euthanasie passive :

o Si certains trouvent hypocrite la distinction entre euthanasie active et euthanasie

passive, d’autres estiment que l’euthanasie passive est une façon de redonner son rôle

« naturel » à la mort et serait donc en accord avec la déontologie médicale. Elle s’oppose à

l’euthanasie active où la mort est provoquée.

En pratique, on peut distinguer le fait de ne pas débuter un traitement qu’on juge injustifié

au vue de la qualité de vie escomptée du patient ou de le retirer secondairement si on

estime alors qu’il correspond à un niveau de soins excessif . Arrêter un traitement une fois

qu’il a été commencé est difficile (Comme les respirateurs chez les patients avec sclérose

latérale amyotrophique, mais pourquoi arrêter alors si les patients ne le désirent pas ?). Il

existe une différence psychologique et émotionnelle pour les réanimateurs entre le fait de ne

pas débuter un traitement et le fait de le retirer. Dans une enquête réalisée auprès de 504

médecins de soins intensifs dans 16 pays d’Europe de l’Ouest : 93% ont répondu qu’ils ne

débutaient parfois pas un traitement si la qualité de vie future du patient leur semblait trop

mauvaise, tandis que seulement 77% ont dit qu’ils arrêtaient parfois un traitement. (J L

Vincent) Cela peut être un autre élément expliquant la décision précoce d’arrêt de soin chez

les patients en réanimation.

o Que penser de l’arrêt de l’alimentation entérale et de l’hydratation ?

Aux Etats-Unis, la décision d’arrêt de soins chez un patient végétatif peut être prise si cela

semblait être la volonté du sujet avant son accident. L’euthanasie active est interdite et la

méthode recommandée est l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation. Une dizaine de jours

est nécessaire pour que le patient en état végétatif meure de déshydratation. 89% des

neurologues américains considèrent cette pratique chez les patients végétatifs comme éthique

contre seulement 56% des neurologues et neurochirurgiens belges (152,44). Rationnellement,

cette pratique n’est pas si choquante si on considère que le patient végétatif ne peut ressentir

de souffrance (bien que son organisme soit en état de stress provoqué par la déshydratation),

mais par empathie cela est difficilement supportable à la fois par les médecins et l’opinion

publique. Il est par ailleurs vrai que l’absence absolue de toute conscience chez tous ces

patients reste incertain. (L’affamement était mis en avant comme pratique intolérable par les

partisans « Pro Life » dans le cas Terri Schiavo)

Y a t il une différence éthique entre arrêter l’alimentation pour laisser mourir sur une dizaine

de jours un patient végétatif (certes sans conscience) de déshydratation et administrer un

médicament sédatif ou antalgique à dose létale ?

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

186

40% des médecins de soins intensifs interrogés en Europe répondent qu’ils ont parfois utilisé

des médicaments pour accélérer la mort chez des patients sans espoir de survie. Aux Etats-

Unis, 20% seulement des neurologues estiment éthique d’autoriser la mort des patients en état

végétatifs à l’aide de médicament (197).

En dehors de la question de l’alimentation et de l’hydratation, l’euthanasie passive

concerne peu les patients végétatifs et les patients MCS. En effet, ceux-ci respirent le plus

souvent sans machine et peuvent rester en vie sans soins importants de manière prolongée.

Aussi, en France, une fois que la décision d’arrêt de soin a été prise, la plupart des traitements

en cours sont arrêtés, et certains produits sont administrés afin de provoquer ou accélérer la

mort. Ce sont le plus souvent des doses importantes de morphiniques ou d’anxiolytiques

sédatifs dépresseurs respiratoires permettant à la mort de survenir de manière paisible et sur

une période courte. La vitesse d’action et l’aspect « apaisé » du patient sont des paramètres

importants à la fois pour les proches du patient, mais également pour l’ensemble du personnel

soignant, car dans un service de réanimation, de telles décisions font partie de la vie du

service.

B-4) Que dit la loi ?

En France : (d’après le site du Sénat Français sur l’euthanasie : http://www.senat.fr)

L'euthanasie est un terme qui n'existe pas en droit français. Il n'existe donc pas de loi

spécifique concernant l'euthanasie. La mort donnée à un patient (euthanasie active), quels que

soient son état et sa volonté, est considérée comme un homicide : un acte de tuer

volontairement selon le code pénal. Ces pratiques sont donc sévèrement punies par la loi. Le

code pénal précise en effet que le "meurtre", la "non-assistance à personne en péril" et

"l'empoisonnement" sont des crimes passibles d'un procès devant les assises. Ces crimes sont

punissables de peines allant de 30 ans de réclusion criminelle à la perpétuité. Le code pénal

prévoit aussi une interdiction d'exercer la profession de médecin.

L'article 38 alinéa 2 du code de déontologie médical français interdit au médecin de

provoquer délibérément la mort du malade. Il est mentionné que « le médecin doit

accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures

appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la vie du malade et réconforter son

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

187

entourage. Il n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». La violation de cette

disposition peut entraîner des sanctions disciplinaires.

L’inadéquation entre le vide juridique et les convictions des médecins, partagées par

beaucoup de familles et par une majorité de l’opinion publique (88% des personnes

interrogées estiment qu’un arrêt de soin peut être envisagé pour un patient en état végétatif :

sondage IFOP 2002) qu’une qualité minimale de vie future est indispensable à la poursuite de

soins chez un patient a longtemps conduit les médecins à s’exposer à de possibles poursuites

judiciaires. La nécessité d’une reconnaissance légale et d’un encadrement des pratiques

médicales d’ « arrêt de l’acharnement thérapeutique » (autrement dit d’euthanasie) est à

l’origine de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie (ou loi Leonetti) votée en

avril 2005 (Annexe 4). Elle a été élaborée sur la base d'un rapport de 2002 du Comité

consultatif national d'éthique, et permet d'arrêter un traitement ou de refuser un acharnement

thérapeutique (Celui-ci étant défini par le terme flou d’ « obstination déraisonnable »).

• L’euthanasie passive et l’euthanasie indirecte « décriminalisées » :

Article 1er

… « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles,

disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne

pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en

dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »…

Cependant, cette nouvelle loi ne légalise absolument pas l'euthanasie active.

Nous avons vu précédemment comment l’euthanasie passive était peu adaptée aux patients

végétatifs et MCS (hormis si on considère l’hydratation comme un traitement)

En France, une hydratation est souvent maintenue. La mort intervient le plus souvent suite à

l’administration de médicaments sédatifs ou antalgiques. La prescription de ces médicaments

est plus justifiée d’après les médecins pour l’entourage du malade : famille et personnel

soignant. Cela permet d’éviter les signes cliniques de l’agonie et apporte une impression

« d’apaisement » au malade, qui participe à l’acceptation de la décision par les membres de

l’équipe soignante et rend ce moment moins pénible pour la famille.

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

188

Article 2

… « Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale

d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir

pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième

alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des

proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »…

Néanmoins, la souffrance d’une personne en état végétatif étant « théoriquement nulle », et

l’induction de la mort étant l’effet principal recherché et non un effet secondaire, l’utilisation

de médicaments pour abréger la vie de personnes en états végétatifs n’est pas complètement

légale.

A moins que l’on considère que l’état végétatif est en lui-même une atteinte à la dignité d’une

personne, et que l’euthanasie dans ce cas là sert aussi à soutenir l’entourage.

… Article L. 1110-10

(Loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 art. 3 Journal Officiel du 5 mars 2002)

Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à

domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la

personne malade et à soutenir son entourage.

• L’émergence de la notion de directives anticipées :

Cette loi d’avril 2005 a également introduit une nouvelle notion, celle de "testament de vie" :

toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées au cas où elle serait un jour

incapable d'exprimer sa volonté. Ce testament de vie doit être daté et signé, avoir été rédigé

devant un témoin, par une personne saine d'esprit. Il n'existe pas de formulaire pré établi,

l'écriture et la forme de ce testament sont libres.

Article 7

…« Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état

d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie

concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. A

condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin en

tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement la concernant. »…

Partie IV : Quels sont les véritables enjeux de l’exploration à visée pronostique des patients dans le coma ?

189

En pratique, on peut se demander combien de personnes en France ont depuis 2005 laissées

des directives écrites en vue d’un état végétatif éventuel.

La loi Leonetti est donc un pas majeur en France, dans l’approche légale de certaines

réalités médicales plus en adéquation avec l’évolution de la société. Cependant, cette loi

laisse une marge d’interprétation aux médecins, et ne définit pas de procédure claire, ce qui

leur laisse une grande part de responsabilité.

N.B : Le droit européen prévaut sur le droit français, c'est pourquoi il est important de citer la

loi européenne qui s'applique dans les cas d'euthanasie. Le Conseil de l'Europe a adopté le 26

juin 1999 une recommandation sur la protection des droits de l'Homme et de la dignité des

malades incurables et des mourants, condamnant l'euthanasie active, c'est-à-dire l'acte de

donner la mort à un malade, mais autorisant l'arrêt de l'acharnement thérapeutique c'est-à-dire

l'euthanasie passive.)

190

Aider le réanimateur dans son choix

Les progrès de la réanimation ont conduit dans les années 60 et 70 à la définition de

nouvelles entités comme la mort cérébrale ou l’état végétatif. Plus récemment, l’identification

de patients avec un état de conscience minimale, de traitements cognitifs de haut niveau chez

certains patients végétatifs (148), ainsi que de la possibilité (extrêmement faible) de

récupération spontanée tardive ou suite à l’administration de médicaments a mis en lumière la

complexité réelle de l’évaluation de la conscience chez les patients sévèrement cérébrolésés et

l’absence de caractère obligatoirement fixé d’un état, même après plusieurs années.

La conviction de la société est qu’une qualité de vie future minimale est nécessaire.

Un arrêt de soins chez des patients trop sévèrement cérébrolésés pour pouvoir vivre un jour

avec une qualité de vie acceptable est donc justifié et éthique. Les patients concernés ne sont

pas uniquement les patients en états végétatifs « permanents » mais également des patients

dans le coma, des patients végétatifs avec un pronostic fonctionnel sombre et dans une

moindre mesure les patients pauci-relationnels ou sévèrement handicapés.

En France, contrairement aux pays anglo-saxons, ce sont avant tous les médecins

réanimateurs qui endossent cette responsabilité. Avec des soins adaptés la plupart de ces

patients ne mourront pas. Aussi après s’être battu pour la survie de leur patient en phase

aiguë, les réanimateurs décident parfois que poursuivre les soins serait déraisonnable au vu du

pronostic du patient et constituerait un « acharnement thérapeutique ». Cette décision

appelée « arrêt de soins » (et qui peut être de l’euthanasie active) est prise de manière

collégiale et de manière compassionnelle pour le patient et sa famille.

Les critères de ce choix dépendent de chaque centre. Entrent en jeu, en plus de l’aspect

purement médical, l’âge du patient, l’existence d’un entourage, les choix de la famille… La

famille garde une influence importante sur la décision des médecins même si la prise de

décision d’arrêt de soins se fait le plus souvent sans l’impliquer directement. Cela est justifié,

à la fois pour des critères de compétence de jugement mais aussi de poids trop lourd de cette

décision.

Le recours à cette pratique est aussi influencé par le peu de structures « d’aval »

adaptées à la prise en charge de ces malades lourdement handicapés (expliquant également le

peu d’études prospectives fiables sur le devenir de ses patients à long terme) et la crainte

d’avoir ses lits « encombrés » par des malades chroniques à l’espoir d’amélioration bien

faible. Il faut donc veiller à ce que l’euthanasie ne soit pas une solution de facilité moins

191

onéreuse que le développement d’une médecine palliative de qualité, mais reste un acte de

«d’ultime confiance » entre les médecins, le malade et sa famille.

L’interdiction légale de l’euthanasie active, les limitations de l’euthanasie indirecte ainsi

qu’une plus grande adéquation de l’euthanasie passive avec les convictions morales des

médecins, tendent à précipiter la décision à la phase précoce (le 1er mois).

Les premiers jours sont destinés à établir l’étiologie et l’ensemble du bilan lésionnel du

patient. De plus les drogues sédatives administrées pour l’intubation et la ventilation nuisent à

une évaluation objective. Cependant, une fois l’ensemble des renseignements collectés, le

patient est jugé de bon ou de mauvais pronostic de récupération.

De manière un peu schématique, les médecins doivent avoir pris une décision à la phase

précoce, si possible avant que le patient ne soit sevré du respirateur et qu’il ne sorte du service

de réanimation afin de rendre l’euthanasie la moins « visuellement active » à la fois pour eux

même, pour le reste du personnel et pour la famille.

Le challenge des réanimateurs en France est donc celui-ci : anticiper le devenir du

patient dans une triple logique : compassionnelle, légale et économique.

Le dilemme des réanimateurs et d’endosser la responsabilité pratiquement seuls du

choix compassionnel d’ « arrêt de soins » chez certains patients cérébrolésés, en phase

précoce (c'est-à-dire avant d’avoir la certitude du niveau de handicap effectif résiduel

du patient) et cela avec un aménagement légal encore insuffisant.

Comment réduire ce fardeau ?

o en prenant la décision « à la phase d’état » plutôt que sur un pronostic (les possibilités

de récupérations spontanées passées la phase aiguë sont si lentes que si elles modifient l’état

de conscience du patient, elles modifient peu son autonomie).

Fixer « la date d’état » mériterait une étude prospective non biaisée sur le devenir des patients

végétatifs en fonction de l’étiologie. Cependant d’après les données de la Multi Society Task

Force, 3 mois pour un patient dans un état végétatif d’origine anoxique ou un an pour un état

végétatif traumatique seraient des durées logiques. (Même s’il est probable que les nouveaux

examens paracliniques permettent de sélectionner plus précocement les patients de bon et de

mauvais pronostic, cela mériterait des études prospectives.)

192

Laisser plus de temps pour la récupération clinique des patients, nécessiterait une

modification de la loi permettant une euthanasie active pour les patients végétatifs permanents

ou MCS (sauf si l’arrêt de l’hydratation chez ces patients est la procédure recommandée).

Pourtant cette méthode, bien que privilégiant le patient (mais probablement pas la famille), se

heurte psychologiquement à une plus grande difficulté de tuer un patient passée la phase

précoce, malgré un niveau de certitude de mauvaise récupération probable plus grand.

o Prendre une décision fiable de manière précoce (ce qui privilégie la famille, les

soignants et la société). Cela est possible en réduisant la probabilité de sous-estimation du

niveau de récupération du patient grâce à l’utilisation d’outils essentiellement

paracliniques de plus en plus fiables et pertinents. Ces derniers permettent de

s’affranchir du délai d’observation clinique nécessaire pour s’assurer de l’absence de

récupération jusqu’à un niveau de handicap modéré.

L’exploration clinique et paraclinique des patients dans le coma à la phase précoce a

donc ce double objectif : apprécier l’étiologie du coma (afin de guider les soins) et son

pronostic. Les explorations neurophysiologiques pourraient apporter à l’avenir des

informations capitales sur la préservation de capacités cognitives résiduelles (testables avec

une batterie de tests en potentiels évoqués par exemple) chez ces patients qui présentent au

départ une performance clinique quasi absente. Ces renseignements fonctionnels associés à

des renseignements structurels fins comme l’état des voies de connexions par analyse de la

substance blanche par les techniques IRM en tenseur de diffusion ou comme l’analyse

chimique in vivo de marqueurs de la souffrance neuronale en spectro IRM sont capitaux afin

de pouvoir sélectionner les patients pour lesquels les soins intensifs doivent être maintenus

au-delà de la durée d’évaluation habituelle de ceux pour lesquels tous les éléments sont en

faveur d’un mauvais pronostic. Il convient de déplorer pour l’instant un accès à l’IRM encore

trop restrictif en France pour les patients de réanimations et le peu d’équipes formées aux

techniques électrophysiologiques (notamment aux potentiels évoqués cognitifs).

La terminologie « permanent » est statistiquement vraie à l’échelle de groupe et sur une

durée définie mais parfois fausse à l’échelle individuelle, avec une évaluation adaptée et sur

un temps long. Certains de ces patients sévèrement cérébrolésés ont des capacités de

récupération. Elle est limitée, très lente spontanément. Faire un bilan des « modules

cérébraux » fonctionnels permettrait également de sélectionner les patients qui pourraient le

193

mieux bénéficier d’une rééducation précoce (notamment grâce à des paradigmes en

électrophysiologie), de médicaments, ou de stimulation électrique afin d’optimiser leur niveau

de récupération. Les critères critiques justifiant les soins intensifs sont donc amenés à

changer au fur et à mesure des progrès d’évaluation pronostique mais également des

thérapeutiques.

Je souligne l’importance de la réalisation de grandes études prospectives non

biaisées (par la « prophétie auto-réalisée » consistant à arrêter les soins chez les patients pour

lesquels l’examen sensé être évalué est en faveur d’un mauvais pronostic.) pour l’évaluation

de la récupération spontanée ou avec rééducation, et des différents examens paracliniques à

visée pronostique. Ces études apporteront des renseignements fondamentaux permettant

d’établir des arbres décisionnels fiables qui pourraient servir de base à des procédures claires,

soulageant en partie les réanimateurs. Néanmoins, il est certain que, malgré la réalisation de

sous groupes, ces données resteront longtemps des paramètres statistiques d’études de

population souvent hétérogène. Au contraire, les réanimateurs doivent prendre des

décisions à l’échelle individuelle. Leurs décisions doivent rester basées sur une

convergence d’arguments intégrés dans une expérience clinique personnelle.

194

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206

ANNEXES

� Annexe 1 : Coma Recovery Scale –Revised (CRS-R) GIACINO JT, KALMAR K, WHYTE J. The JFK Coma Recovery Scale-Revised: measurement characteristics and diagnostic utility. Arch Phys Med Rehabil. 2004 Dec;85(12):2020-9. (Traduction française : Steven Laureys. Service de Neurologie et Centre de Recherches du Cyclotron Université de Liège)

207

� Annexe 2 : Wessex Head Injury Matrix (WHIM) SHIEL A, HORN SA, WILSON BA, WATSON MJ, CAMPBELL MJ, MCLELLAN DL. The Wessex Head Injury Matrix (WHIM) main scale: a preliminary report on a scale to assess and monitor patient recovery after severe head injury. Clin Rehabil. 2000 Aug;14(4):408-16. Traduction française: Majerus S, Azouvi P, Fontaine A, Marlier N, Tissier A-C, van der Linden M.

208

209

210

211

212

� Annexe 3 : Liste Ferrand et Alario FERRAND L., ALARIO F.-X. Normes d’associations verbales pour 366 noms d’objets concrets. L’Année

Psychologique, 98, 659-70.

213

� Annexe 4 : Loi d’avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (Loi Leonetti)

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ANNEE : 2006

NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : CHAUSSON Nicolas

PRESIDENT DE THESE: Monsieur le Professeur Jean-Claude WILLER

DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Docteur Lionel NACCACHE

TITRE DE LA THESE :

Exploration fonctionnelle des patients dans le coma: Les apports de l’électrophysiologie

Les progrès de la réanimation rendent possible la survie de nombreux patients suite à une

lésion cérébrale. Chez ces patients au registre comportemental réduit, les techniques

électrophysiologiques permettent une exploration fonctionnelle des capacités neurologiques

préservées.

L’électroencéphalographie est une technique ancienne toujours pertinente dans l’évaluation

diagnostique et pronostique des patients dans le coma. Elle bénéficie des développements

récents de l’informatique élargissant ses champs d’application. Plus récemment, les potentiels

évoqués « primaires » sont utilisés pour l’évaluation plus spécifique de l’intégrité d’un

système sensoriel. Mais alors que la destruction d’un tel système est le plus souvent de

mauvais pronostic, sa préservation est peu indicatrice de réveil ou du niveau de séquelles

neuropsychologiques. La mise en évidence grâce aux potentiels évoqués cognitifs, chez

certains patients comateux, d’un traitement de haut niveau de l’information semble pertinente

sur le plan pronostique (Mismatch Negativity et réveil). De nombreux paradigmes sont en

cours d’évaluation testant la préservation de capacités nécessaires à une bonne qualité de vie

comme la compréhension du langage.

Car, alors que la survie du patient n’est plus compromise, les réanimateurs estiment parfois

qu’une décision d’arrêt de soins s’impose si la qualité de vie future du patient est jugée

insuffisante et donc cause d’une souffrance pour lui et sa famille. Le dilemme du réanimateur

nait de la confrontation éthique de cette conviction à la probabilité non nulle de récupération

plus tardive d’une qualité de vie signifiante chez certains de ces patients.

L’intérêt des techniques électrophysiologiques, en complément des apports récents de

l’imagerie est qu’elles pourraient permettre la sélection précoce des patients pour lesquels la

poursuite des soins intensifs est justifiée par un niveau de qualité de vie probable suffisant.

MOTS-CLES :

- coma

- électrophysiologie

- pronostic

- potentiel évoqué

- état de conscience

ADRESSE DE L’UFR : 8, Rue du Général SARRAIL, 94010 CRETEIL

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