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Examen 6è dan de karaté - Mémoire de José LOBO Directeur de mémoire : Monsieur Christian CLAUSE 8 ème dan KARATE-DO et IAI-DO Je pratique le KARATE-DO depuis 38 ans, et je l'enseigne depuis 25 ans. En parallèle, je pratique le IAI-DO - l'art du sabre japonais - depuis 36 ans et je l'enseigne depuis 20 ans. Ces deux disciplines présentent bien des points communs : frappes, blocages, esquives, déplacements et bien d'autres... Au fil du temps, j’ai pu enrichir ma pratique du karaté par celle du iai-do, et inversement. Je vous propose mes réflexions sur les passerelles existant entre ces deux disciplines, qui, pour moi, n’en forment plus qu’une aujourd’hui. IAI-DO KARATE-DO

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Examen 6è dan de karaté - Mémoire de José LOBO

Directeur de mémoire : Monsieur Christian CLAUSE 8 ème dan

KARATE-DO et IAI-DO

Je pratique le KARATE-DO depuis 38 ans, et je l'enseigne depuis 25 ans. En parallèle, je pratique le IAI-DO - l'art du sabre japonais - depuis 36 ans et je l'enseigne depuis 20 ans.

Ces deux disciplines présentent bien des points communs : frappes, blocages, esquives, déplacements et bien d'autres...

Au fil du temps, j’ai pu enrichir ma pratique du karaté par celle du iai-do, et inversement.

Je vous propose mes réflexions sur les passerelles existant entre ces deux disciplines, qui, pour moi, n’en forment plus qu’une aujourd’hui.

IAI-DO KARATE-DO

Examen 6è dan de karaté – mémoire de José LOBO : KARATE-DO et IAI-DO

Table des matièresPrésentation du Iai-do............................................................................................................................. 3

Les origines du iai-do................................................................................................................... 3Le iai-do aujourd'hui..................................................................................................................... 4

Karaté-do et iai-do : des éléments communs.........................................................................................5Le regard...................................................................................................................................... 5Différentes gardes........................................................................................................................6La précision, l'efficacité................................................................................................................. 8Les déplacements........................................................................................................................ 9Les katas.................................................................................................................................... 10Casses ou tests de coupes.........................................................................................................11Le relâchement........................................................................................................................... 12La stabilité.................................................................................................................................. 13Le saya biki ou hikité.................................................................................................................. 14

Le karaté sous l'éclairage du iai-do......................................................................................................15Le salut, ce rituel si important.....................................................................................................15Le salut du karaté issu du salut du sabre...................................................................................16A la droite du professeur ............................................................................................................20Une technique : shuto................................................................................................................. 21

Les apports du karaté au iai-do............................................................................................................22Travail avec partenaire : recherche de la distance, du rythme, du réalisme...............................22Bunkais, les applications............................................................................................................22Une technique : age uke ou uke nagashi....................................................................................23

Conclusion............................................................................................................................................ 24

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Examen 6è dan de karaté – mémoire de José LOBO : KARATE-DO et IAI-DO

Présentation du Iai-do

• Les origines du iai-do

A l'époque féodale, les samouraïs ont remarqué que, lors d'attaques imprévues, c'est la rapidité avec laquelle on dégainait le sabre et on enchaînait une contre-attaque qui permettait d'acquérir un avantage fondamental dans le combat. C'est de cette observation qu'est né le iai-do. La première formalisation du iai-do est due à un certain Hayashizaki Shinsuke Shigenobu né vers 1542 à Shinzaki. Hayashizaki aurait créé le premier style de iai-do appelé Hayashizaki-ryu, (aussi connu sous le nom de Shinmeimuso-ryu ou Jushin-ryu). Il aurait enseigné jusqu'à l'âge de 70 ans. Le iai-do a failli disparaître après la révolution Meiji avec l'abolition de la caste des samouraïs et donc l'interdiction du port du sabre en 1876. Il s'est développé de nouveau grâce à l'un des derniers grands enseignants de l'époque Meiji, Nakayama Hakudo qui, après avoir étudié le style eishin-ryu, créa le muso shinden-ryu en 1933. Les premiers experts arrivés sur le territoire français pratiquaient le muso shinden-ryu. Ce style est le plus répandu en France.

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• Le iai-do aujourd'hui

Le iai-do regroupe l’ensemble des techniques d'escrime au sabre japonais (katana). Sa pratique ne reflète pas vraiment ce qui se passait sur le champ de bataille à l'époque féodale. Il incarne plutôt des situations d’agression dans la vie quotidienne. Les pratiquants sont sans armure, ce qui permet une totale liberté de mouvement et une plus grande vitesse d’exécutions des techniques.

La tenue traditionnelle : une veste, un hakama, une ceinture (obi). Il n'y a aucune protection. Le sabre est porté le tranchant dirigé vers le haut, sa forme courbe permet de dégainer et couper l’adversaire dans un mouvement continu.

Un cours de iai-do commence et se termine par le salut. Le travail consiste en l'étude de katas. Chaque kata reprend une situation de combat spécifique, ou le nombre d'adversaires et leur placement varient. Mais les katas suivent un scénario commun : dégainer le sabre, puis pourfendre le ou les adversaires et enfin égouter le sang présent sur la lame avant de rengainer.Comme le karaté, le iai-do est une pratique de défense. Les katas répondent à une agression.

En France, il y a 3 principaux styles : muso shinden-ryu, katori shinto-ryu et muso jikiden eishin-ryu. Personnellement, je pratique le style muso shinden-ryu qui est composé d'une cinquantaine de katas. Comparativement au karaté, ces derniers sont relativement courts : les affrontements sont brefs, tuer ou être tué pouvant être très rapide.

Le iai-do fait partie du Comité National de Kendo, dépendant de la Fédération Française de Judo et Disciplines Associées.Pour ne pas léser ou favoriser un style par rapport aux autres, la fédération de iai-do a créé une série de douze katas servant de tronc commun pour les passages de grades : le seitei iai. C'est uniquement à partir du 4è dan que les candidats doivent éxécuter 2 katas de leur style puis 3 du tronc commun. Il y a environ 1 800 licenciés de iai-do en France. Comparée aux 250 000 licenciés de la FFKADA, cette discipline reste donc confidentielle.

Morihiro OKADA

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Karaté-do et iai-do : des éléments communs

Au premier abord, ces deux disciplines paraissent bien différentes : l'une se pratique à mains nues, tandis que l'autre utilise un sabre. Mais ces deux pratiques martiales ont à l'origine la même finalité : sauver sa vie. Des experts ont élaboré des techniques de combat en utilisant une arme ou en se servant de certaines parties du corps pour bloquer ou frapper. Pour cela, des principes communs ont été développés, notamment : le regard, la garde, la précision et l'efficacité, les déplacements, les katas, les casses, le relâchement, la stabilité, le hikité.

▪ Le regard

Noboru OGURA Fumio DEMURA

Pour évaluer la situation et réagir, il faut regarder. Le regard permet de situer la cible. Que se soit en karaté ou en iai-do, le regard anticipe les changements de directions.

En iai-do, comme il faut dégainer pour pouvoir attaquer ou bloquer, il est impératif de masquer le plus longtemps possible ses intentions. Pour surprendre l'adversaire, un regard du coin des yeux anticipera un mouvement complet de la tête.

Le regard peut également montrer que l'on est prêt au combat, déterminé. C'est du langage corporel, qui peut être dissuasif. Il y a une expression en iai-do appelée "Saya no uchi" (Litt. : sabre au fourreau) qui signifie que le combat peut être gagné sans sortir son sabre…Une citation de G. Funakoshi: « Gagner 100 victoires sur 100 batailles, là n’est pas le vrai but. Soumettre son ennemi sans avoir à combattre, là est l’objectif le plus haut. »

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• Différentes gardes

La garde est une organisation corporelle permettant au combattant de se préparer à se défendre et à attaquer, cela dans une configuration qui lui offre un maximum de sécurité et d’efficacité.

Lors d'un stage, un sensei japonais m'a expliqué ceci : il faut imaginer tenir un oiseau dans ses mains. Si les mains ne sont pas assez serrées, l’oiseau s'envole (le sabre tombe) si elles sont trop serrées, l'oiseau meurt (la crispation rend le sabre inerte). En garde, il faut n'être ni trop contracté ni trop relâché, j'applique ce conseil également en karaté.

Voici quelques exemples de gardes :

- pour se déstabiliser et inciter l'autre à attaquer

Christian CLAUSE

- pour se protéger ou dissuader

Taiji KASE

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- pour inciter l’autre à attaquer en provoquant «l’ouverture»

Pascal LECOURT

- toujours provoquer, déclencher l’attaque pour mieux la contrôler

Jean Pierre LAVORATO

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• Les déplacements

À la base de la marche et de tous les déplacements, il y a le pas. En japonais, le Kanji "Ashi" signifie le "Pied", mais aussi par extension le "Pas".

L’apprentissage des déplacements exige de se poser des questions sur l’utilisation de nos appuis et de la répartition du poids sur nos pieds, de notre posture de dos et du placement du bassin.

Pour être à distance de frappe ou pour être hors d'atteinte, la mobilité est indispensable. Dans une situation d'un contre plusieurs, cela est encore plus flagrant. Pouvoir se déplacer dans toutes les directions sans être entraîné en déséquilibre est primordial. Les hanches doivent rester sur un même plan horizontal.

Le ventre est le détonateur du mouvement, tout vient de lui. La respiration : l'inspiration nous donne toute la liberté du mouvement, l'expiration toute la force finale. La décontraction du corps pendant les déplacements est indissociable de la vitesse d'exécution.Les déplacements permettront des angles ou des niveaux de frappes ou de coupes variés. Ils peuvent provoquer des réactions de l’adversaire et ainsi offrir des nouvelles possibilités. Dans les deux pratiques, il y a cette même logique d’adaptation du déplacement par rapport à la distance de l’adversaire et de son orientation. Suivant les situations, des pas glissés, chassés et des retraits seront nécessaires.

Particularités du iai-do :Les combats en sabre se déroulaient le plus souvent à l'extérieur, sur le terrain. De nos jours, cette pratique est essentiellement pratiquée en dojo sur un parquet. Malgré tout, les déplacements sont particuliers, car ils ont conservé l'éventualité de rencontrer des trous, des bosses ou des cailloux. Ce sont donc des petits pas où l'on conserve avec la pointe des orteils le contact avec le sol. Évidemment, pour reculer cela s'applique aussi, car il est impossible de voir ce qu'il y a derrière soi sur le sol. Il n'était pas question de chuter ou de trébucher. Les grands pas sont utilisés pour des actions décisives nécessitant une position fendue permettant des actions fortes de coupes ou de blocages.

La distance de départ entre deux adversaires est le plus souvent plus importante en sabre qu'en karaté. La longueur des lames augmente la distance entre les adversaires. En iai-do, l'hakama masque le positionnement des jambes. D’un point de vue stratégique, cela permet de cacher à l'adversaire le placement des appuis et donc de le surprendre.

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• Les katas

Un mode traditionnel de transmission de génération en génération

La pratique des katas permet d'enregistrer le principe des mouvements et de développer sa capacité à les comprendre. Cette capacité peut se comparer aux différentes manières de lire un texte : le déchiffrer, le réciter, le comprendre littéralement ou lire entre les lignes.

Le kata dépasse l'aspect purement physique et technique car sa réalisation demande mémorisation, concentration, relaxation, et développe l'esprit de combat.Pour réaliser correctement un kata, il est nécessaire de le répéter encore et encore.

Rechercher la perfection des mouvements est sans fin.

Les katas commencent par un blocage ou le cas échéant par une attaque qui arrêtera net l'intention d'engagement de l'adversaire. Cela indique bien que l’on se situe dans des pratiques de défense.

Dans les deux disciplines, nous retrouvons ce même schéma qui est de faire face à une agression. L'apprentissage est identique, l'acquisition des techniques se fera lentement. Puis avec le temps à pleine puissance. Le kata fait travailler la musculation et l'explosivité. Il développe le contrôle du corps, de la respiration, du rythme, des positions et des déplacements dans toutes les directions.

Dans les katas de iai-do, il peut y avoir de un à quatre adversaires. Certains commencent à genoux, d’autres debout. Il y en a même qui débutent par une percussion avec la poignée du sabre. Comme en karaté, la précision de la frappe et sa puissance seront déterminantes.

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• Casses ou tests de coupes

Engagement total du corps et de l’esprit. La sanction peut être immédiate, blessure ou torsion voire casse du sabre.

Mas OYAMA Taizaiburo NAKAMURA

Que ce soit dans le cadre de rassemblements ou de compétitions, des «spécialistes» proposent régulièrement ces démonstrations spectaculaires.

En karaté, des frappes sont réalisées avec les coudes, mains ouvertes, tibias et autres parties du corps. Des matériaux différents comme du bois, de la glace, des tuiles seront utilisés.

En sabre, il s'agira de coupes à une ou deux mains, en remontant ou descendant et avec différentes épaisseurs à trancher. Cela s'appelle le batto-do.

Le batto-do est l'aboutissement de la coupe au sabre. Pour cela, des bambous ou des bottes de paille seront utilisés. Il demande une maîtrise de l'attitude et des gestes que seule la pratique initiale du iai-do peut apporter.

La recherche première de la perfection du geste trouve ici son application initiale par le résultat immédiat de la coupe : si le geste est maîtrisé, la coupe sera effectuée avec succès, sinon elle ne sera pas réalisée ou incomplète.

La pratique du batto-do ne doit pas être recherchée comme le moyen de couper uniquement des bambous ou des bottes de paille, mais plutôt comme un moyen de la maîtrise de soi à travers la maîtrise totale de son arme.

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• Le relâchement

La recherche de l'efficience : être le plus efficace possible en dépensant le moins d’énergie possible.

Le relâchement vise à réduire la dépense d’énergie inutilement engendrée par des contractions.

Dans la pratique, les techniques sont une succession de temps de décontraction et de contraction à exécuter dans un laps de temps très court. J'ai souvent entendu de la part des intervenants «relâchez-vous, baissez les épaules ». C'est avec beaucoup d'années de pratique que l'on commence à ressentir cela. La décontraction permet la rapidité d'exécution du geste. La contraction permet de supporter le choc du contact et de rendre efficace la frappe ou la coupe. Il faut travailler avec force et non en force. Bien sûr, je retrouve cela dans ces deux disciplines.

En karaté, prenons l'exemple du oi-tsuki. Le relâchement du bas du corps permet d'avoir la vitesse d'exécution indispensable au déplacement pour une attaque efficace. Au départ du geste, le bras est relâché, la contraction se fera à l'impact puis le bras se relâchera à nouveau pour être disponible pour une éventuelle autre action (blocage ou frappe).

En iai-do, sur une coupe de face en visant le sommet du crâne, lancer le sabre en décontraction permettra à la lame d'arriver très rapidement à l'endroit voulu. Puis la contraction permettra de résister au choc du contact avec la boite crânienne. Ensuite, à nouveau décontraction, car c'est uniquement le poids du sabre qui terminera de couper les parties molles à l'intérieur du crâne.

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• La stabilité

Pour frapper avec efficacité ou couper un adversaire, il faut être stable à l’impact. De bons appuis sont nécessaires pour cela. Le positionnement correct des pieds donne aux hanches et aux épaules une bonne orientation. En cas de mauvais placement, le résultat est sans appel : une perte d’équilibre s'en suivra.

En karaté, par exemple, la position Zenkutsu dachi met en évidence le principe de recherche de stabilité, par :

• l'augmentation de la surface d'appui au sol (polygone de sustentation), en écartant les pieds, le polygone augmente.

• le placement du corps (droit) situe le centre de gravité du corps à l'aplomb et le plus au centre possible du polygone de sustentation.

• la réduction de la distance qui sépare le centre de gravité du sol => flexion de la jambe avant.

En iai-do, nous retrouvons cette position. Elle servira essentiellement pour les coupes ou les percussions. La posture est presque semblable. Une petite différence est à préciser : le pied de la jambe arrière est très légèrement soulevé pour obtenir un amorti. Ce qui permet, sur la coupe, une rétroversion du bassin, effectuée pour verrouiller les hanches et éviter que le poids du sabre projeté vers l’avant n'engendre un déséquilibre. Ce mouvement est appelé koshi.

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• Le saya biki ou hikité

La symétrie du mouvement

Ce geste technique est commun aux deux disciplines. Ce mouvement symétrique apporte la vitesse d'exécution et l'énergie nécessaire pour une coupe réussie ou des percussions et blocages efficaces. De plus, pour dégainer le sabre, il est impératif de tirer le bras gauche en arrière et le droit vers l'avant. En effet, la lame est incompressible, il faut donc se servir des deux bras pour la sortir du fourreau (saya). Cette action s'appelle Saya biki. Ne pas tirer suffisamment le bras gauche peut provoquer au mieux un éclatement du fourreau et au pire une coupure.

Sensei ICHIDO Sensei KANAZAWA

Plus le bras arrière est tiré, plus le bras avant est puissant.

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Le karaté sous l'éclairage du iai-do

• Le salut, ce rituel si important

Comme dans tous les autres arts martiaux, l'étiquette (reigi) joue un rôle très important dans le iai-do où elle est particulièrement élaborée, très précise et ponctuée d'un grand nombre de marques de respect (au sabre, au dojo, etc.).

Le sabre avait pour les bushis un pouvoir redoutable.C'était une arme extrêmement dangereuse qui pouvait tuer et à laquelle le samourai confiait sa vie.Il n'est donc pas surprenant que son emploi et son maniement soit entourés de marques de respect.

Noboru OGURA Noboru OGURA

Ces marques de respect sont en partie inhérentes à la culture traditionnelle japonaise. Elles viennent aussi du sabre lui-même. Son utilisation au combat peut amener au dernier échelon de la sauvagerie. L'étiquette est un moyen de revenir à l'humanité.

C'est sans doute pour cette raison que les entraînements dans les arts martiaux japonais et notamment dans le karaté et le iai-do commencent et se terminent par le salut.

Enfin, le tranchant redoutable du katana fait qu'il est aisé de se blesser en le manipulant. L'étiquette est aussi un moyen d'appliquer de façon automatique un certain nombre de consignes de sécurité.

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• Le salut du karaté issu du salut du sabre

Noboru OGURA

Le salut en seiza s'exécute d'une manière très précise :

• maintenir le regard au sol et commencer à s'incliner

• positionner la main gauche au sol

• positionner la main droite au sol

• finir de s’incliner le regard vers le sol

• se redresser

• ramener la main droite, puis la gauche

Cette façon de faire vient directement de la pratique du sabre. Le samouraï ne pouvait pas porter son katana en tout lieu. Mais il pouvait conserver en permanence son wakizashi (sabre court). Cela pouvait lui être salutaire en cas d'attaque surprise, notamment parce que la main droite est laissée disponible autant que possible, afin de saisir le wakizashi.

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Voici le même salut, en présence cette fois d'un ennemi potentiel :

• maintenir le regard droit devant tout en commençant à s’incliner,

• puis positionner la main gauche au sol : la droite est disponible pour dégainer et parer une attaque.

• Positionner la main droite

• finir de s’incliner le regard vers le sol.

• puis se redresser en relevant le regard, ramener la main droite puis la gauche.

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C'est aussi valable pour l'attaquant. Pour tuer avec un sabre court, il faut être relativement près de sa victime. Donc la surprendre pendant le salut, par exemple. Il est possible de commencer à saluer en s'inclinant, en posant la main gauche devant soi puis, rapidement, avec la droite, saisir et dégainer le sabre court.

Nous retrouvons ce salut en karaté avec une autre interprétation :

Parer et frapper. Le principe de ne pas mobiliser les deux mains en même temps est martialement plein de bon sens.

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Prendre l’initiative de l’attaque lorsque l'adversaire s'incline.

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• A la droite du professeur

Pourquoi place-t-on les nouveaux élèves à la droite du professeur, puis les autres pratiquants par grade ? Le iai-do fournit l'explication.

Dans le Japon féodal, il était crucial de se poser des questions de sécurité :- Qui sont ces nouveaux venus ? Viennent-ils au dojo avec de bonnes ou de mauvaises intentions ? Viennent-ils pour apprendre ou pour pourfendre le professeur ?

Il faut se rappeler que le katana est porté sur la hanche gauche, le tranchant dirigé vers le haut. Sa forme courbe permet de couper en dégainant de la gauche vers la droite dans un mouvement continu.

En positionnant les nouveaux ou les visiteurs à la droite du professeur, ils sont de fait positionnés vers son « côté fort ». Si le professeur est attaqué par la droite, il peut dégainer et couper aussitôt.

Tandis que si l'attaque arrive du côté gauche, il faut alors effectuer un déplacement ou pivoter pour bloquer ou couper, cela prend plus de temps.

C'est donc une mesure de sécurité : les élèves les plus gradés, donc ceux que le professeur connaît depuis longtemps, sont placés à gauche, là où il est le plus vulnérable, puis les grades se succèdent en décroissant, pour finir par le nouveaux, dont on se méfie, et de qui le professeur pourra facilement se défendre.

Ce placement traditionnel des élèves, issu des écoles de sabre, perdure encore aujourd'hui dans certains dojos de karaté (et d'autres arts martiaux).

Agencement du dojo

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• Une technique : shuto

S'il y a bien une technique de karaté qui s'inspire directement du sabre, c’est le shuto.

shutô ( 手 刀 ) signifie littéralement “sabre de la main” : on peut décomposer les idéogrammes ainsi : 手 (shu ou te ) = main et 刀 (tô ou katana) = katana Pour faire comprendre aux débutants la différence entre coupe et une percussion, je prends souvent cet exemple :

Si l'on pose une lame tranchante sur son bras, il ne se passe rien. Mais si en maintenant le contact l'on effectue un mouvement vers l'arrière ou l'avant, ce déplacement provoque une coupure.

Pour couper, il faut réunir deux conditions :

• que le tranchant soit en contact avec la partie à couper

• qu'il y ait un déplacement de la lame après le contact.

Pour le shuto, nous retrouvons ces deux conditions :

• frappe avec le tranchant de la main

• une trajectoire partant de l'oreille et descendant en décrivant un arc de cercle et allant au delà

Pour couper, il faut avoir une trajectoire de coupe.

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Les apports du karaté au iai-do

• Travail avec partenaire : recherche de la distance, du rythme, du réalisme

Le iai-do consiste en l’exécution de katas. Il se pratique donc seul.

Avec les années, il m'est apparu que cette discipline certes très esthétique pouvait manquer de vie, de rythme ; ce travail dans le vide me paraissait incomplet.

D'ailleurs, au Japon, la plupart des senseis pratiquent en parallèle le kendo.Personnellement, depuis de nombreuses années, j’applique à ma pratique du sabre le recours à un partenaire. Pour éviter d’abîmer les lames et d’occasionner des blessures graves, ce travail se fait avec des sabres en bois. Ce contact de sabre contre sabre permet de vérifier si le poignet est correctement orienté, si la contraction au moment de l'impact est bonne, si la puissance déployée est suffisante, si l'angle utilisé et adéquat, si la hauteur est correcte etc...Tous ces «détails» seront appliqués lors d'éxécution de katas, donnant ainsi plus de sens.

Finalement, tout comme en karaté, pour vérifier si la technique est efficace, il faut un partenaire.

La pratique du karaté m'apporte cette recherche de réalisme en iai-do.

• Bunkais, les applications

Prenant modèle sur le karaté, nous développons pendant mes cours de iai-do un travail de recherche d’application de kata.

En utilisant toujours les sabres en bois, essayer de s'approcher un peu de la réalité du combat en travaillant avec un ou des partenaires est très intéressant. Il permet de développer le timing, la vitesse d’exécution, la bonne distance et bien sûr le contrôle. C'est évident, ce besoin de réalisme me vient directement du karaté. C'est également une nécessité pour moi de comprendre ce qui se passe à travers tous ces gestes.

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• Une technique : age uke ou uke nagashi

age uke uke nagashi

Il y a une grande similitude entre ces deux blocages. Mais dans ce cas précis, c'est le age uke du karaté qui m'apporte les éléments nécessaires pour effectuer le blocage avec le sabre.

À l’entraînement, j’ai plus souvent bloqué une attaque de point que dévié un sabre.J’utilise donc mon «ressenti karaté».

Cela est possible, car les principes sont identiques : le placement des hanches, le sabre remplace le bras mais l’angle est le même avec l’idée de faire glisser l’attaque, le hikité qui apporte vitesse d’exécution et puissance nécessaire pour supporter le choc du contact, la rotation du poignet qui sert de verrou articulaire.

En karaté, ce blocage se fait à un endroit précis : sur la partie centrale de l'avant-bras (ni avec le poignet, ni avec le coude). Avec le sabre, la même précision est requise, le blocage se fera avec le premier tiers de la lame car c’est la partie la plus proche de la main et donc la plus puissante.

Le premier tiers de la lame sert aux blocages, le second à contrôler ou dévier et le troisième à couper car c'est là qu'il y a la pointe, et toute la synergie de la lame.

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Conclusion

En enseignant aux autres, j'ai progressivement pris conscience des similitudes existant entre karaté et iai-do. En voulant amener mes élèves à réaliser un geste précis, je décortique le mouvement et je retrouve une sensation perçue dans l'autre discipline. Ces deux arts martiaux ont plusieurs points communs et l’enseignant que je suis pioche dans les deux disciplines pour essayer d'être le plus clair possible : je parle de karaté aux cours de iai-do et inversement.

Dans ma pratique personnelle, les deux disciplines interagissent également. Ma vision et ma pratique du iai-do sont influencées par la pratique du karaté. La réciproque est également vraie, même si elle est moins visible.

Lorsque je pratique le karaté, rien n’indique que je suis également iai-doka. En revanche, mon iai-do est « imprégné » par le karaté. Quand je bloque ou lorsque je frappe, j’essaie de le faire avec le plus de réalisme possible, comme s'il y avait quelqu'un en face. C'est ce travail avec partenaire, habituel en karaté qui m'apporte cela. Le karaté m'a permis de répondre à une recherche d'une efficacité combative en iai-do.

Le iai-do enrichit ma pratique du karaté par des connaissances culturelles, voire philosophiques.

Le karaté et le iai-do font désormais partie intégrante de ma personnalité de pratiquant d'arts martiaux. Naturellement, en tant qu'enseignant, j'ai reproduit cette interaction. Et depuis plusieurs années, des élèves de iai-do viennent aux cours de karaté et inversement.

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