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54 autohebdo.fr = 4 MARS 2015 4 MARS 2015 = autohebdo.fr 55 VISITE TATUUS LA FORMULE MAGIQUE EN L’ESPACE DE DEUX DÉCENNIES, LA PETITE FIRME MILANAISE S’EST INTERNATIONALISÉE AU POINT DE DEVENIR LE LEADER MONDIAL DE LA MONOPLACE D’INITIATION. DANS LE SILLAGE DE DALLARA. JEAN-LUC TAILLADE PHOTOS ARCHIVES J.-L. TAILLADE D rôle de nom que ce- lui de cette petite so- ciété de Concorezzo, commune lombarde dans la grande ban- lieue nord-ouest de Milan. Gianfranco De Bellis, son copro- priétaire de 53 ans, avoue qu’au lance- ment de la marque, au début des années 1980, le surnom « Tato » donné à son ami et associé Artico Sandonà, a servi de base pour Tatuus. « J’ai toujours été passionné de sport auto- mobile, avoue-t-il. À l’âge de 20 ans, j’ai commencé à courir, en 1982, sur le circuit junior de Monza avec des petites mono- places dépourvues d’aérodynamique (les bien nommées Formula Monza. Ndlr). On a démarré avec des moteurs de Fiat 500, et ils ne sont passés qu’en 2013 à des mo- teurs 1000 cm 3 . Les courses se déroulaient le samedi, avec parfois 120 voitures et le recours à des manches qualificatives. À cette époque, on pouvait commencer à pi- loter et prendre une licence à 19 ans, un an après avoir obtenu le permis de conduire. Maintenant, à 17 ans, on peut faire de la F1… (Référence à Max Verstappen. Ndlr) » Avant d’ajouter : « Je n’ai pas pu conti- nuer à courir pour des questions d’argent. J’avais fait des études et obtenu un diplôme d’orthodontie et de mécanique prothé- siste dentaire. Mais j’ai juste travaillé six mois, ce n’était pas ma vocation. Durant ces deux ou trois ans passés à piloter ces monoplaces artisanales, j’y ai connu l’un

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54 autohebdo.fr = 4 MARS 2015 4 MARS 2015 = autohebdo.fr 55

VISITE

TATUUS

LA FORMULE MAGIQUE

EN L’ESPACE DE DEUX DÉCENNIES, LA PETITE FIRME MILANAISE S’EST INTERNATIONALISÉE AU POINT DE DEVENIR LE LEADER MONDIAL DE LA MONOPLACE D’INITIATION. DANS LE SILLAGE DE DALLARA.JEAN-LUC TAILLADE PHOTOS ARCHIVES J.-L. TAILLADE

Drôle de nom que ce-lui de cette petite so-ciété de Concorezzo, commune lombarde dans la grande ban-lieue nord-ouest de Milan. Gianfranco De Bellis, son copro-priétaire de 53 ans, avoue qu’au lance-

ment de la marque, au début des années 1980, le surnom « Tato » donné à son ami et associé Artico Sandonà, a servi de base pour Tatuus. « J’ai toujours été passionné de sport auto-mobile, avoue-t-il. À l’âge de 20 ans, j’ai commencé à courir, en 1982, sur le circuit junior de Monza avec des petites mono-places dépourvues d’aérodynamique (les bien nommées Formula Monza. Ndlr). On a démarré avec des moteurs de Fiat 500, et ils ne sont passés qu’en 2013 à des mo-teurs 1000 cm3. Les courses se déroulaient le samedi, avec parfois 120 voitures et le recours à des manches qualificatives. À cette époque, on pouvait commencer à pi-loter et prendre une licence à 19 ans, un an après avoir obtenu le permis de conduire. Maintenant, à 17 ans, on peut faire de la F1… (Référence à Max Verstappen. Ndlr) » Avant d’ajouter : «  Je n’ai pas pu conti-nuer à courir pour des questions d’argent. J’avais fait des études et obtenu un diplôme d’orthodontie et de mécanique prothé-siste dentaire. Mais j’ai juste travaillé six mois, ce n’était pas ma vocation. Durant ces deux ou trois ans passés à piloter ces monoplaces artisanales, j’y ai connu l’un

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de mes concurrents, Artico Sandonà, mon futur associé. J’ai commencé à travailler pour San Remo Racing, d’Alberto Colombo (cet Italien fut un bon pilote jusqu’en F2 dans les années 1980. Ndlr). Je l’ai rencon-tré lorsqu’il s’occupait de l’école de pilo-tage fédérale basée à Vallelunga (banlieue de Rome. Ndrl), où je m’étais inscrit (La Scuola Federale CSAI, que gère désormais Tatuus. Ndlr) Il cherchait quelqu’un pour s’occuper de la gestion sportive de son team, au moment où il alignait des For-mula Boxer, puis des F3. J’y suis resté de 1984 à 1988, et je m’occupais de tous les aspects logistiques et d’organisation. Puis, un ami et moi avons créé Practice Racing, une société traitant jusqu’en 1993 de tous ces aspects d’intendance pour diverses équipes. Nous avions également, sous ce nom, une équipe de Formula Opel Lotus, comprenant Alessandro Mariani (actuel patron de JAS Racing. Ndlr), Giancarlo Bruno (ingénieur de Tarquini en WTCC. Ndlr) et un autre ami, Pierluigi Terruzzi. Les pilotes les plus connus que l’on a eus sont Oliver Martini et Tony Kanaan. Ma-riani, qui avait travaillé avec Capelli chez Genoa Racing, est parti en F1 à la Scuderia Italia, et les autres ont aussi bifurqué vers la F1 ou diverses disciplines. Il m’était dif-ficile de continuer sans eux. »

ENTRÉE REMARQUÉEAvant de poursuivre : « C’est comme cela que nous nous sommes associés à parts égales, Artico Sandonà et moi, dans la société Tatuus Racing. Elle a tout d’abord fabriqué quelques Formula Monza ou Boxer. De par mon expérience en Formula Opel Lotus, qui faisait parfois meeting commun avec la Formula Renault, nous avons décidé de construire une FR en vue du changement de règlement pour 1995. Il y avait de nombreux constructeurs en lice et c’était intéressant, pas seulement pour le championnat italien. Pour nous, c’était le meilleur moyen de voir si l’on pouvait réussir à l’international en tant que constructeur. »Dans cette Formule Renault, encore mul-timarque, adoptant des moteurs 1,8 litre sur ses ultimes châssis tubulaires, couplés pour la première fois à des boîtes de vi-tesses Hewland à crabots, Tatuus fait une entrée remarquée. « Nous nous sommes confrontés à des constructeurs très connus comme Martini ou Van Diemen, et aussi Alpa, Swift et Mygale. On est arrivés un peu en retard, mais la voiture marchait bien, reprend Gianfranco De Bellis, dont les compétences de gestion et d’organisa-tion vont donner un bel élan à l’entreprise lombarde. J’ai organisé ma propre équipe avec comme pilote Tommy Rustad pour l’Eurocup (le Norvégien évolue actuelle-ment en Rallycross RX. Ndlr). RC Motors-

port, qui avait collaboré pour la construc-tion de la voiture, en engageait aussi, ainsi que le team Zakspeed en championnat allemand, et l’équipe B & B en Italie. Ales-sandro Manetti a signé la première pole position au Mans, mais en course, sous la pluie où nous n’avions jamais roulé, nos réglages furent catastrophiques. Nous avons signé huit pole positions en dix courses cette année-là, mais terminé seu-lement quatre épreuves que nous avons remportées, après avoir subi beaucoup de problèmes avec les câblages électriques. La voiture ayant montré un potentiel très important, nous avons fourni une voiture à Cram Competition pour engager Enrique Bernoldi lors des finales internationales de Monza. Il s’est montré fantastique, gagnant dans le même week-end ses trois courses, dont celle d’Eurocup, en débordant au dernier tour dans la Parabolica, l’Ermolli de De Lorenzi. En 1996, le team Cook a

gagné le championnat anglais, et en Euro-cup, avec notre team officiel et JD Motors-port, nous avons été titrés quatre années consécutives, de 1996 à 1999 (dont en 1998 avec le Français Bruno Besson. Ndlr.). En Angleterre, Manor Motorsport a gagné tous les autres championnats. D’autres succès sont arrivés en Allemagne, avec différents teams. Nous avons aussi triomphé en Es-pagne avec Sundberg et Elide Racing. Nous avons vendu une centaine de voitures, ce qui représentait 70 % du marché pendant l’exercice de ce règlement. »

RENAULT MADE IN ITALIALorsque le service Promotion Sportive de Renault, comme on l’appelait alors, sous l’impulsion de Christian Contzen, Bertrand Lemasson et Daniel Charles, a pris la déci-sion de lancer la Formula Renault 2000, c’est Tatuus qui s’est vu confier la réalisation de cette monoplace devenue monotype, au

point de ne fournir qu’un châssis unique, cette fois en composite. « Ils ont dû se rendre compte de notre motivation, se remémore De Bellis. C’était un pari osé pour notre pe-tite société. Renault Sport nous commandait 100 monoplaces et pour l’assumer, il nous fallait acheter des machines et augmenter notre personnel. C’était un gros investis-sement à faire. Quand nous avons montré le protocole d’accord prévu avec Renault, notre banque a donné le feu vert pour avan-cer la trésorerie. Mais lorsque nous sommes arrivés à Viry-Châtillon, pour sceller la com-mande, Monsieur Contzen nous a informés que l’accord était quelque peu changé. Re-nault ne s’engageait plus à acheter les 100 voitures, mais seulement à organiser quatre championnats. Le lancement de la construc-tion revenait à nos risques, et c’était à notre bon travail de garantir la vente des voitures. C’était une manière de nous mettre la pres-sion. Après examen du contrat de 90 pages, une nouvelle réunion avec notre banquier l’a fait revenir en arrière. Mais nous avons pris le risque. Aujourd’hui, on peut dire que Monsieur Contzen était visionnaire, car il savait que ce produit était le bon. Le prix de la voiture complète, très bas, était de 32 500 € HT, avec une monocoque carbone,

MODÈLES FABRIQUÉSMONOPLACES TUBULAIRES1980 à 94 : Formula Monza 500 cc (15 ex)Formula Monza Panda 1000 cc (70 ex)Formula König (Allemagne monotype) (50 ex)Formula Marbella (Espagne monotype) (25 ex)Formula Alfa Boxer (15 ex)95-99 : Formule Renault RC 94 à RC 99 (100 ex)97-98 : Formule Ford 2000 (USA)(15 ex)98 : Formule Ford 1600 (Europe)(10 ex)

MONOPLACES EN CARBONE MONOTYPES2000 : Formula Renault 2000, rebaptisée FR 2.0 en 2005 (Renault F4RS 2L. BV Sadev) (900 ex)2002 : Formule Renault 1.6 (Renault K4R, BV Sadev) (130 ex)2003 : Formule Renault V6 (Renault V4Y RS 3,5L, BV Sadev) (30 ex)2004 : Kit FR 2.0 20042005 : Formula Challenge Japan FC106 (moteurs 2L Honda, Nissan ou Toyota, BV Sadev) (30 ex), Formule Junior Mexico, Formula Toyota FT40 Nouvelle-Zélande (Toyota 2ZZ-GE 1800, BV Sadev) (40 ex)2007 : Kit FR 2.0 2007, Formula Master N.T07 (Honda K20A 2L, BV Sadev)2009 : Kit Formula Master 20092010 : Formula Abarth FA 010 (Fiat-FPT 414 TF 1,4L turbo, BV Sadev) (120 ex)2013 : FR 2.0 2013 (Renault F4R 832 2L. BV Sadev) (180 ex, en cours), kit Formula Master China (VW EVO 2.0, BV Sadev) (50 ex)2014 : FIA F4 T-014(Fiat-FPT 1,4L turbo, BV Sadev) (30 ex, en cours)2015 : Formula Toyota FT50 Nouvelle-Zélande (Toyota 2ZZ-GE 1800, BV Sadev)

PROTOTYPE CN22012 : PY 012 (Honda 2L, BV Sadev) (20 ex)

Gianfranco De Bellis et Artico Sandona, les deux associés, peuvent être fiers de leur best-seller, la FR 2000 construites à 900 exemplaires dont ils entourent une maquette.

L’ingénieur Corrado Casiraghi, qui pose ici avec la maquette de l’hélice de la soufflerie Tatuus, est l’un des chefs de projets, avec Luca Orlandi.

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une boîte séquentielle Sadev, et un niveau de sécurité très élevé. Un prix choc, car celui de la voiture précédente à châssis tubulaire était de 50 000 €. La coque et le moteur ont été présentés aux écuries fin 1999 à Monza, puis la voiture complète lors des finales de Barcelone. Je me souviens que, lorsque je suis rentré au bureau, j’ai vu une quantité incroyable de commandes arrivées par fax. Et du coup, nous n’avons jamais redeman-dé d’aide à la banque. J’ai même été obligé de dire à Monsieur Contzen que les com-mandes étaient supérieures à ce qu’il avait imaginé. Nous sommes arrivés à 160. Ils ont dû transformer la première course au Mugel-lo en une épreuve de bienvenue hors-cham-pionnat, avec une quarantaine de voitures livrées. Lors de laquelle Kimi Räikkönen était en tête lorsqu’il a cassé un basculeur de suspension arrière. Cet incident a servi à fabriquer de nouveaux basculeurs. »

BEST-SELLERDès lors, la Formula Renault 2000 conçue par Artico Sandonà, rebaptisée FR 2.0 en 2005, est devenue un best-seller en matière de mo-noplace d’initiation. « Après dix ans, nous avons atteint la production de 932 coques, pour environ 900 voitures complètes, sou-ligne Gianfranco. Deux kits de transforma-tion ont été introduits en 2004 et 2007, mais concernant seulement l’aérodynamique et la carrosserie. C’est incroyable que cette voiture dure encore autant actuellement. Avant 2007, Tatuus vendait les pièces déta-

chées, ensuite c’est Renault Alpine qui s’en est chargé. Cette FR 2.0 roule encore dans certains championnats, et cela fait plus de quinze ans. Je crois que c’est unique dans l’histoire de la monoplace ! »Pour 2011, Renault Sport Technologies lance une nouvelle génération de FR 2.0 conçue au Mans chez Barazi-Epsilon par

Michel Lecomte et Alain Duluart. La firme britannique Caparo est en charge de la production, l’assemblage étant assuré par l’usine Alpine de Dieppe. « Ce fut, bien sûr, une déception lorsque Renault annon-ça que cette voiture ne serait pas faite par nous, se souvient De Bellis. La FR était évi-demment très importante pour Tatuus, et je crois aussi que nous avons fait beaucoup pour la réputation de Renault. En 2004 ou 2005, il y avait 12 ou 13 championnats FR dans le monde entier. » Si les qualités de performance de cette monoplace « made in Caparo » ne vont pas être en cause, cer-tains problèmes de qualité de construction, affectant la fiabilité, vont conduire les responsables du losange à revenir vers la

firme milanaise pour la saison 2013. Mais après avoir perdu son plus gros client, Tatuus avait planché sur de nouveaux produits. « Heureusement que nous avons trouvé la solution avec la Formula Abarth. Cela a amené certains teams à nous suivre, comme JD, Prema ou Jenzer. Il y a deux ans, Gilles Lallemant, qui gérait Renault Alpine

à Dieppe, nous a recontactés. Une nouvelle page s’est tournée et nous sommes repar-tis de zéro pour fournir de nouvelles voi-tures. » En fait, ce que RST a nommé un kit proposé aux teams comprenait une nou-velle coque Tatuus, une nouvelle carros-serie, mais conservait beaucoup de pièces existantes.

LA CARTE ABARTH« C’était plus difficile de faire une nouvelle voiture en gardant ces nombreuses pièces de l’ancienne qui ne venaient pas de chez nous, explique De Bellis. Mais au final, je crois que nous avons fait du très bon travail. La FR 2.0 est redevenue un championnat de référence, et certains teams de bon niveau sont reve-

nus en faire. Nous avons fabriqué 180 exem-plaires pour Renault de cette FR 2013. L’idée est de porter l’utilisation du kit actuel à cinq ans d’utilisation. Les coques étant devenues encore plus solides, les teams peuvent les amortir sur davantage d’années. » Si les FR 2.0, depuis quelques années, sont vendues et livrées par Renault Alpine Dieppe, en Seine-Maritime, Tatuus se charge de la réparation des coques, nécessaire après certains gros ac-cidents. Chaque année, 15 à 20 exemplaires sont ainsi reconditionnés à Concorezzo.La Formula Abarth FPT, introduite en Italie en 2010, a permis à Tatuus de compenser sa perte momentanée d’activité pour Renault. La première année s’avère un grand succès, avec des grilles de départ très copieuses. « La CSAI (équivalent de la FFSA. Ndlr.) a décidé de lancer la discipline, et FPT (Fiat Powertrain Technologies. Ndlr) a choisi le

1.4 litre Turbo Abarth. Avec les mêmes voi-tures, Davide De Gobbi a lancé le champion-nat Formula Pilota en Chine. Pour la saison 2014, avec le support de Volkswagen Chine, les Formula Pilota se sont muées en Formula Masters China, en recevant un bloc 2.0 litres allemand. Nous avons également vendu des voitures pour la Panam Series au Mexique, en Russie (Formula Russia) et à Taiwan. Cent vingt monoplaces Formula Abarth ont été construites. » Étonnamment, à partir de la seconde saison du championnat italien, doublé pendant deux ans d’une série euro-péenne, l’effectif va se réduire au point de déclencher son arrêt. « Du côté de la CSAI, cela manque souvent de ligne de conduite, déplore Gianfranco De Bellis. Je n’ai jamais rencontré d’autres organisateurs comme ceux de Renault Sport. Peut-être est-ce dû au fait que c’est une compagnie privée. » C’est alors qu’en vue de 2014, sous l’impulsion de Gerhard Berger, alors président de la Com-mission Monoplaces de la FIA, le concept de Formula 4 a été lancé. Tatuus et Mygale ont été les plus prompts à s’y engager. Et l’autorité sportive italienne la première à y adhérer. « En remontant un championnat F4, la CSAI a peut-être compris ce qu’il faut faire en faisant appel à un promoteur exté-rieur, Luca De Donno et sa société WSK, pour organiser le championnat italien. Il gère déjà les championnats du monde et européen de karting. C’était difficile cette année, parce que c’est un nouveau produit, le règlement FIA étant sorti en retard. Maintenant, je crois que la F4 sera le championnat de référence après le karting. »Cette entrée en matière transalpine a donné le signal à d’autres pays pour une discipline de libre concurrence en matière de monocoque et groupe propulseur. « En Italie, nous avons lo-giquement opté pour le moteur Abarth, précise De Bellis, mais doté d’un cartec sec rehaussé, d’une admission d’air différente, d’une évolu-tion électronique qui gère les palettes Magneti Marelli, et dont la puissance est rabaissée de

185 ch à 160 ch, pour davantage de fiabilité. » Depuis, Tatuus a déjà enregistré 100 nouvelles commandes début novembre 2014. Les F4 transalpines ont décroché de nouveaux mar-chés, l’ADAC F4 allemand et le championnat SMP F4 NEZ (North European Zone. Ndlr) dès 2015, motorisées Fiat Abarth. Mais aussi pour 2016, le BRDC F4 Championship organisé par Motor Sport Vison. « En Grande-Bretagne, nous avons signé un accord avec Jonathan Palmer, qui avait déposé localement le nom F4 avant la FIA, et fait courir depuis deux ans des Van Diemen tubulaires avec un moteur Ford de 185 ch, explique De Bellis. Il a dû apprécier ce qui s’est fait en Italie. Les gens de MSV m’ont téléphoné l’été dernier, nous ont visités et ils se sont vite décidés pour 2016, car ils vont terminer une troisième saison avec les voitures existantes. Ils veulent disposer de nos voitures fin août 2015, pour préparer une Winter Series, mais n’ont pas encore choisi le moteur. Par ailleurs, je n’ai pas compris pour-quoi Renault n’a pas fait un moteur pour la F4 FIA. » Un projet de Tatuus F4 est également à l’étude en Amérique latine, pour une série Panam regroupant Costa Rica, Colombie et Équateur. Mis à part Dome, qui en a construit une pour le Japon, et Signatech, pionnier de la F4 carbone d’avant l’élaboration des nouvelles normes FIA, et qui équipe le championnat de France F4 et la FR 1.6 NEC, le concurrent prin-cipal de Tatuus est Mygale. La marque de la famille Decoster est le fournisseur de quatre nouveaux championnats : China F4 avec des moteurs Geely 2.0 litres, CAMS Autralian F4, MSA Formula britannique et Spanish F4, tous trois faisant appel au Ford 1.6 EcoBoost.Corrado Casiraghi, qui est le chef de tous les projets Tatuus depuis 2001, nous expose tous les détails de la conception et de l’esprit d’une F4. « Cela fut un peu particulier à abor-der, car le cahier des charges n’était pas com-plètement déterminé. Des réunions de tra-vail réglementaires ont eu lieu pendant deux ans avec la FIA et les autres constructeurs. La grande problématique a été de partir d’une

“APRÈS LA PRÉSENTATION DE LA FR 2000 À BARCELONE, DE RETOUR AU BUREAU, J’AI VUUNE QUANTITÉ INCROYABLE DE COMMANDES ARRIVER PAR FAX”GIANFRANCO DE BELLIS/CO-FONDATEUR DE TATUUS

La Formula Toyota FT 50 qui évolue en Nouvelle-Zélande chaque hiver est la dernière nouveauté commandée à la marque.

La dernière FR 2.0 en date, introduite en 2013, a permis à Tatuus de redevenir fournisseur de Renault Sport.

La Formula Master à moteur Honda, notamment vue au Grand Prix de Pau, était née de l’association de Tatuus avec N-Technology.

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base complètement nouvelle, en aucun cas inspirée de celle d’une F3. Les dimensions de la voiture sont plus grandes que celles d’une F3, cela pour prendre en compte les besoins des écoles de pilotage, et la grande taille de certains pilotes. Par exemple, en Italie, nous avons recensé récemment deux extrêmes : un petit pilote de 1,50 m et 47 kg, et un de presque 1,90 m et 78 kg. Il faut tra-vailler pour trouver la manière d’installer les deux pilotes et le lest dans les mêmes condi-tions sportives. Côté technique, il y a eu un gros changement en matière de sécurité, par rapport aux dernières normes F3. On a dû intégrer sur la coque un gros panneau anti-intrusion qui avance jusqu’à l’axe des roues avant, et ça a pris beaucoup de temps. C’est la dernière chose ayant été validée par la FIA, en janvier 2014. C’est quelque chose

de tout nouveau, et nous sommes presque les premiers à exploiter cela. Sur les autres monoplaces, type F3 ou GP2, par exemple, les panneaux sont en zylon, moins épais, et ne vont pas si loin, s’arrêtant au niveau du couple de l’arceau avant. Comme ces pan-neaux sont plutôt épais, on ne peut pas les coller et il a fallu travailler pour les intégrer. Pour le nez de la monoplace, on a le même règlement que pour la F1. La hauteur de la crashbox est plus basse que le centre des roues des autres voitures. On doit suivre des préconisations côté carrosserie, des sections minimales pour l’entrée des radiateurs et leur position imposée. On n’a pas le droit d’avoir des ouvertures ou des ailerons sur les pontons. En termes de conception, cela impose beaucoup de choses, il faut être bien attentif pour le design. Ce que l’on est arrivé à faire avec la FIA, c’est d’avoir des points d’ancrage côté châssis ou boîte de vitesses

figés. Ça veut dire que si l’on démonte, par exemple, un moteur Abarth pour mettre un moteur Ford, on ne doit rien changer côté mécanique, sauf pour le refroidissement ou l’admission. Les motoristes des blocs éli-gibles F4 doivent nous donner un ensemble moteur et entretoise de la même longueur et le même ancrage. On a fait le même travail côté électrique, de manière à ce que cela soit bien interchangeable, chaque moteur ayant son propre équipement de contrôle. L’arceau carbone intégré n’est pas interdit, mais les raisons de moindre coût font qu’il est en acier rapporté sur la coque, ce qui facilite aussi l’exploitation par les écuries, après un accident en cas de besoin de remplacement. Sa résistance atteint néanmoins 8 tonnes et demie. Au niveau des suspensions, on a dû utiliser les mêmes porte-moyeux pour les

quatre roues. Des pièces comme les roule-ments de roue ou les disques de frein pro-viennent presque de la série. Nous avons doté ces autos d’entrée de gamme, d’un système de boîte de vitesses semi-automa-tique Magneti Marelli, avec qui nous avons développé leur premier système électrique de palettes. Au niveau aéro, on n’a pas droit à beaucoup de possibilités, car tous les ailerons sont imposés par le règlement, et il n’y a pas de diffuseur arrière. Toutes les carrosseries sont en fibre de verre. Le fond plat a lui aussi des restrictions imposées. À l’avant, ce sont les mêmes règles de sécurité. Le pédalier ne peut pas dépasser l’axe des roues avant. Dans le crash box arrière, c’est devenu une habitude, nous avons intégré le feu de pluie, un nouveau modèle conforme aux dernières normes FIA. »En présentant, en 2012, la PY 012, ce proto CN2 destiné aux courses sprint, d’endu-

rance ou courses de côte, Tatuus est entré dans le domaine des voitures aux roues couvertes. Une initiative pour se diver-sifier de la monoplace. Tatuus a même engagé avec sa propre équipe l’une de ces barquettes. En faisant notamment appel au jeune français Brandon Maïsano comme pilote de pointe de son équipage pour les épreuves du Challenge d’Endurance V de V, la marque s’est ainsi étalonnée face aux Norma, Ligier ou autres Wolf. Cette voi-ture officielle a d’ailleurs remporté les 12 Heures du Portugal à Estoril. « Cela nous permet d’acquérir une compétence diffé-rente et c’est une très bonne base pour des projets ce type dans le futur, comme du LMP3 ou LMP2, justifie De Bellis. Dix-huit exemplaires ont été fabriqués. La décision de démarrer la construction d’une LMP3 à coque fermée a été pour l’heure écartée pour 2015. « Si nous la prenons, ce sera à partir d’une feuille blanche. On peut ima-giner plancher en même temps sur une LMP2, ajoute De Bellis, mais le règlement n’est pas défini dans les détails. Avec notre implication en F4 et FR 2.0, nous tenons à consolider ce qui existe avant de nous lan-cer dans de nouveaux projets. »

NOUVELLES COMPÉTENCESLa base de Concorezzo, qui emploie actuel-lement 25 personnes, s’est étoffée ces der-nières années. Si l’usine n’a pas la même envergure que celle de Dallara à Varano, elle dispose des outils nécessaires pour rester à la pointe de la conception et la produc-tion d’autos de course, avec son bureau d’études rodé à la CFD et FEM (méthode des éléments finis), ses bancs de torsion et son atelier d’assemblage, et même depuis sept ans sa soufflerie, qui permet de tester des maquettes jusqu’à l’échelle 33 %. « Nous avons engagé de nouveaux ingénieurs, pour étoffer notre bureau d’études et acheté de nouvelles machines. Je m’occupe de la par-tie commerciale, Artico Sandonà gérant la partie technique, Corrado Casiraghi étant le chef des projets avec Luca Orlandi. La par-tie aérodynamique est sous la responsabi-lité d’Eugenio Bardoscia. Maintenant, nous sous-traitons certaines choses à l’extérieur. Pour la mécano-soudure, nous avons un par-tenariat historique avec Breda Racing, basé à Padova (Padoue, près de Venise. Ndlr). » Pour la fabrication en série des monocoques et autres pièces en matériaux composites, Tatuus a recours à Bercella (comme Dallara. Ndlr), situé à Varano, et HPC, une société rachetée par le groupe de Jacques Nicolet, à San Benedetto del Tronto. Parmi les autres partenaires habituels, les principaux sont Brembo. Magneti Marelli, OMP, et Sadev, le spécialiste français de la transmission, dont plus de 1500 boîtes de vitesses séquen-tielles ont équipé des Tatuus depuis l’année 2000. Et ce n’est que le début… l

Si elle sous-traite la fabrication des coques carbone, l’usine Tatuus est dotée des machines nécessaires à la fabrication.

Dans ce petit bureau d’études est née la plus diffusée des monoplaces en carbone de l’histoire.

Le sport-prototype est la catégorie où Tatuus peut se diversifier, depuis la création de la PY 012 du groupe CN 2 litres.

Héritière de la Formula Abarth, la Tatuus F4 T-014 connaît déjà un beau succès.

“LES DIMENSIONS D’UNE F4 SONT PLUS GRANDESQU’UNE F3, CELA POUR PRENDRE EN COMPTE LES BESOINS DES ÉCOLES DE PILOTAGE ET LA GRANDE TAILLE DE CERTAINS PILOTES”CORRADO CASIRAGHI/CHEF DE PROJET TATUUS