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DROIT INTERNATIONAL PUBLIC 2010-2011

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Droit international public2010-2011

Valérie NICAISE

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Le cours est divisé entre deux profs.Quatre heures de cours à récupérer : jeudi à 16h15 (Mont 11) et jeudi suivant (30/09).

INTRODUCTION

Définition et concepts

Le droit international public, on peut en donner une définition   : « l’ensemble des règles qui régissent les relations entre états ».

On l’appelle aussi droit des gens en référence au ius gentium du droit romain, droit précurseur du droit international public contemporain.

Ce droit régit une société particulière car elle est composée d’états. Mais cela reste du droit : ensemble de commandements et de normes qui s’adressent aux sujets du droit international public. Le concept de droit est le même concept que celui qu’on connaît mais la société qu’il régit est spécifique.

Le fait que les sujets principaux soient des états souverains, cela a des conséquences importantes sur les fonctionnalités et la nature du DIP : il est profondément marqué par la souveraineté.

Mais qu’est ce que la souveraineté ?Du point de vue de l’internationaliste, cela reste quelque chose de mystérieux mais en schématisant on peut dire que c’est « ne pas être soumis à une autorité supérieure ». Sans son consentement ! Car l’état peut consentir à la création d’une autorité supérieure (cfr organisation internationale) : il exerce sa souveraineté en admettant une autorité supérieure.

En dehors du consentement, pas d’autorité supérieure : c’est la souveraineté même.La souveraineté, ce n’est pas le pouvoir de tout faire ! Ce n’est pas la toute puissance… Mais elle signifie que l’état peut faire tout ce qu’il ne s’est pas engagé à ne pas faire. Il peut restreindre sa liberté, dans l’exercice de sa souveraineté (exemple : conclure un traité pour renoncer à des forces armées dans ses relations internationales : il exerce sa souveraineté). Mais cela ne peut pas dire que sa souveraineté est bafouée : il l’utilise pour renoncer à la guerre.

Tout le DIP est marqué par cette nature particulière des sujets. La souveraineté des états va impliquer que l’ordre juridique international est essentiellement décentralisé. C’est une de ses très grandes caractéristiques. C’est donc très différent des ordres juridiques internes, fortement centralisés.La société qu’il régit est composée d’états souverains qui se juxtaposent, voilà pourquoi c’est décentré. Ils sont tous également souverains et ne peuvent être, en dehors de leur consentement, soumis à aucune autorité supérieure.

Pour cette décentralisation il y a trois niveaux de pouvoir : législatif, exécutif, judiciaire :

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- LégislatifIl n’y a pas de parlement mondial. Donc contrairement au droit interne, c’est décentralisé. Il n’y a pas quelqu’un qui vient dire le droit pour tout le monde. Les états ne veulent pas renoncer à leur pouvoir de faire du droit. Donc le droit va être produit par les sujets eux-mêmes, au niveau des états eux-mêmes. On parlera de la manière dont le droit est produit : les sources du droit des gens.

- ExécutifIl n’y a pas de policier universel. Il y a certes les Nations Unies mais c’est particulier. Ce sont des compétences limitées, le conseil de sécurité a des compétences très particulières. Il ne sanctionne pas les violations du droit international comme le fait la police en droit interne.On imagine mal que les états se soumettent à une autorité unique qui se serait chargée d’administrer la sanction en cas de violation du droit. L’exécution du droit est donc aussi décentralisée : les états se font justice à eux même. Donc c’est un système de justice privée : les sanctions sont administrées par les sujets eux-mêmes de façon décentralisée.

- JudiciaireOn retrouve la même réticence à instituer des autorités juridictionnelles qui pourrait imposer leur solution, leur verdict aux états. C’est peut-être ce dont les états ont le plus peur. Exceptionnellement, les états acceptent de se soumettre à la justice internationale. Mais il y a une absence très large d’un juge international, sous réserve de quelques exceptions, qui pourrait administrer la justice à un niveau centralisé. Il faut que l’état ait accepté cela pour que le juge exerce ses compétences.

Différences structurelles fondamentales par rapport au droit interne. Les lois sont votées par une assemblée législative, il faut respecter la loi ou il y a un appareil répressif centralisé et on ne nous demande pas si on est d’accord d’être jugé par tel juge ou si on reconnaît la compétence e tel juge. C’est parce que les états sont fondamentalement souverains.

Et le «   public   »   ?

Il y a aussi un droit international privé : par opposition, il régit des situations privées, à caractère international certes. Cela concerne des personnes privées : ensemble des règles qui régissent des situations privées à caractère international.Exemple : on épouse une australienne en Italie, on a un accident en Espagne. Les états ne sont pas en cause mais il y a un ou même plusieurs éléments d’extranéité : des nationalités différentes, un pays étranger.

Le droit international privé répond à deux questions :- juge compétent en cas de litige- quelle est la loi applicable.

Voilà l’objet du droit international privé. Il est plus international que le droit international public. En effet, le droit international public, malgré son nom, est un droit interne car il régit une société. Elle est spécifique mais c’est une société quand

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même, bien déterminée. Le droit international privé est plus international car il est cheval sur plusieurs sociétés : il régit des situations à cheval sur plusieurs états.Le paradoxe c’est que la plupart des règles de droit international privé, ce sont des règles de droit interne.Le droit international public régit les états dans leur aspect de puissance publique.

Repères historiques du droit international

1. Ce droit nait avec la découverte des Amériques

L’Europe se projette hors d’elle même et découvre qu’en fait, elle n’est pas toute seule ! Elle découvre une altérité et c’est une manière assez inévitable que les auteurs ont commencé à l’existence de règles éventuelles qui régiraient les relations avec ces nations étrangères que l’ont vient de découvrir.Les premiers auteurs de DIP publient à ce moment là un des premiers écrits. Les premiers auteurs sont espagnols. Un des premiers écrits c’est « De Indis » : au sujet des indiens. On cherche des règles qui seraient communes, « inter-nationales ».

2. 1648

C’est la naissance de l’état moderne avec le traité de Westphalie : fin de la guerre de trente ans qui opposaient les grandes nations européennes pour des motifs religieux et politiques. Ce traité de paix fixe le modèle contemporain de l’état : c’est une puissance autonome, maitre chez elle, souveraine. C’est l’invention de la souveraineté dont on a parlé et elles sont irréductibles l’une à l’autre.Cette souveraineté, inventée en Europe, va fleurir en dehors de l’Europe et le premier état moderne qui se constitue selon ce modèle en dehors de l’Europe, ce sont les Etats Unis en 1776.

3. 1815

Congrès de Vienne après les guerres napoléoniennes : l’Europe se réorganise et on met un équilibre des puissance.

4. 1885

Les Européens se partagent l’Afrique : ils font les limites administratives, qui deviendront plus tard les frontières que l’ont connaît.

5. 20ème

Deux guerres mondiales, deux cataclysmes ont des conséquences décisives pour l’ordre juridique international car pour sortir de ces deux guerres, on met sur pied des organisations internationales. En 1918 et 1919, la Société des Nations a une compétence assez générale pour préserver la paix et la sécurité, en évitent une nouvelle guerre. C’est à un niveau européen. On n’a pas pu prévenir la deuxième guerre mondiale donc après e, 1945, on crée les Nations Unies et un tas d’organisations internationales apparentées. C’était aussi pour préserver la paix international mais dès 1947 tout était paralysé par la guerre froide : paralysie du système de sécurité des Nations Unies.

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Au niveau régional, en Europe, on commence à faire du droit international autrement. En 1950-1957, c’est le début des communautés européennes. Autrement car cela reste du droit international (traités internationaux conclu entre états européens) mais manifestement on veut faire du droit international autrement en créent un nouveau type d’organisation : les communautés sont spécifiques et l’union aussi. Leur autonomie est différente. Ce ne sont pas des organisations comme les autres, notamment pas la parce qu’elles accordent aux personnes physiques. En effet, le droit international public tel qu’on le connaissait ne pouvait pas éviter les deux guerres donc les fondateurs de l’Europe ont voulu créer quelque chose en marge du droit international classique. La différence continue de s’accentuer/

Droit européen / Droit international classique.

6. 1960

C’est la décolonisation et le droit des peuples de disposer d’eux-mêmes. Au 19èùe c’était les Amériques latines mais désormais cela profite à toute l’Afrique. Cela bouleverse le visage de la communauté internationale : avant il n’y avait qu’une cinquantaine d’états mais maintenant on se retrouve aux Nations Unies avec plus de 100 états du jour au lendemain. Les grands équilibres internationaux sont bouleversés. Les états du tiers monde se retrouvent majoritaires et ils vont dans les années 70-80 formuler toute une série de revendications d’ordre économique face aux puissances traditionnelles du nord économique. Les états nouvellement indépendants vont vouloir instaurer des facilités de développement.

7. 1989

Chute du mur de Berlin, démembrement de l’union soviétique, fin de la guerre froide : fin d’une nouvelle ère de droit international, ou ce qu’on a cru être à l’époque une nouvelle ère de droit international.

8. 1990-91

La guerre froide est terminée donc le conseil de sécurité peut exercer ses compétences : on va libérer le Koweït d’une façon spectaculaire et on pense que cela peut fonctionner comme ca : personne ne peut violer le droit international. Bush parle d’un nouvel ordre international fondé sur des droits.

Dans la foulée on crée d’autres organisations internationales :- l’OMC en 1994 ((gouvernance universelle),- la Cour pénale internationale (98) qui poursuit les criminels de guerre et les

criminels contre l’humanité ou qui sont coupables de génocides (la justice internationale se développe très fort durant cette décennies)

- Protocole de Kyoto en 97.- 92 : convention sur la biodiversité. On s’attaque aussi aux changements

climatiques. On croit que tout peut être réglé par des organisations internationales.

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Mais cela n’a pas très fort fonctionné et dès le début du nouveau siècle on commence à déchanter. Les attentats du 11 septembre sont un déclencheur. Cela ne modifie pas la face du monde mais cela justifie des interventions unilatérales américaines (2001 et 2003). Ils n’agissent pas tout seul car d’autres états se joignent à eux mais ils agissent sans autorisation du Conseil de sécurité et de manière sans doute contraire au droit international. Les institutions internationales sont marginalisées et on assiste à un retour manifeste à l’unilatéralisme.

On est dans cette période de transition : va-t-on vers un renforcement des institutions, du droit, de la justice internationale ou bien est-ce que le timide essor des années 90 va continuer à s’essouffler ?

DÉBAT   : est-ce que le droit international existe   ? Est-ce que c’est encore du droit   ?

Dans la doctrine, on continue à avoir des doutes sur la juridicité, sur la normativité, voire sur l’existence du DIP : est-ce que cela existe et est-ce un ordre de droit. Il y a plusieurs reproches adressés au DIP :

« Le droit international c’est deux poids deux mesures. »

Les USA exigent le respect des droits de l’homme de la part de l’état birman mais les USA ne disent rien quand Israël commet des crimes des guerres dans les états occupés. Cela ne va pas de nier l’existence du droit international sur cette base là car cela en revient à confondre droit et politique. Il y a du droit mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de politique. Le fait que les états ont des intérêts politiques divergents ne peut pas servir d’arguments pour annuler la juridicité du droit international.

Les inégalités politiques ou économiques entre état

Le DI serait impuissant à supprimer les inégalités et cela ne serait qu’un rêve qu’ils soient tous égaux. C’est un postulat de mettre tous les états à égalité : le Japon ne vaut pas les mini états. MAIS cela ne veut pas dire que ce n’est pas du droit international : il ne faut pas confondre droit et rapports de puissance dans ce cas ci !

« Le droit international est souvent violé, cela ne marche pas, pas de sanctions, les états font ce qu’ils veulent. »

Il est clair que ce droit est plus souvent violé. Bon il n’y a pas de statistiques qui dit qu’il est plus souvent violé que la règle de 120 sur l’autoroute : la violation est consubstantielle au phénomène juridique. S’il n’y a pas de violation, la norme juridique n’a pas de sens. Cela ne sert à rien d’imposer une conduite à quelqu’un si la personne conforme spontanément son comportement à cette norme. Donc il ne faut jamais s’attendre à une absence totale de violations : c’est tout à fait normal que les états violent leurs obligations internationales. Mais en droit international on ne parle que des manquements, on ne souligne pas quand les états observent le droit international de façon banal.

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C’est classique mais cela n’a pas de sens de contester l’existence d’un droit au motif que celui ci est violé.

Le droit international est primitif, même si c’est un ordre juridique.

Il serait non développé. C’est une critique intéressante. Cela serait car il est décentralisé : pas de législateur, exécutif, juge universels (ou en tout cas obligatoire). C’est à des années lumières du perfectionnement du droit interne ; ce reproche part du postulat que tout ordre juridique doit ressembler aux ordres juridiques internes nationaux que l’on connaît. Mais on peut ne pas partager ce postulat : un ordre juridique peut exister sans connaître le perfectionnement du droit belge. Il ne faut pas nécessairement un policier pour parler d’ordre juridique. Il y a des sanctions en droit international même si ce sont les états qui se font justice à eux même : ce n’est pas du tout le chaos, ca fonctionne pas mal ! Alors pourquoi faut il une police mondiale pour parler d’un ordre juridique international ?

On peut de toute façon opposer à ceux qui parlent d’inexistence du droit international public : observez la réalité et la pratique des états. On se rend compte que le droit international existe : il a une effectivité réelle pas difficile à constater.

Weil a écrit : « le droit international existe, je l’ai rencontré ». Il veut dire que dans la vie de tous les jours, il y a du droit international. Si on peut envoyer une lettre à l’étranger, c’est car il y a une union postale. Idem pour les télécommunications, il y a une union internationale. C’est indispensable car ces matières sont internationales donc les états ne peuvent pas tout régler dans leur coin. C’est pareil pour le commerce, les investissements, fleuves,… : cela relève de droits internationaux qui sont respectés tous les jours. C’est la meilleure preuve de la normativité du droit international.

En outre, et c’est plus récent, il y a des valeurs communes qui émergent. Dans les droits de l’homme, dans le droit humanitaire. Ces valeurs sont communes au différents états, propres à la communauté internationale. C’est aussi un élément qui tend à démontrer qu’il y a un droit propre, un ordre juridique spécifique. Il n’y a pas d’ordre juridique qui ne repose pas sur un petit noyau de valeurs communes…

Conclusion   : il ne faut pas attendre trop du droit international. C’est la réponse à apporter à ceux qui ont des doutes. C’est un droit qui a une vocation très modeste. Il ne s’agit pas d’assurer la paix universelle durable, la justice absolue, des égalités économiques mais de permettre aux états de coexister pacifiquement et au besoin, de coopérer. Ce sont les deux grandes fonctions traditionnelles du droit international qui restent d’actualité. Si on attend rien de plus que ca du droit international, on se sera pas tenté de mettre en doute la normativité ou l’existence du droit international.

POURQUOI L’ÉTUDIER ?

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Il y a un double intérêt :

- Intellectuel o Il est intéressant de regarder comment fonctionne un ordre juridique

qu’on a l’habitude d’étudier : comment ca marche sans législateur, exécutif, juge ?

o Comprendre avec un regard juridique le monde dans lequel on vit. On parle d’omniprésence souvent ignorée du droit international dans la vie de tous les jours. Piraterie, réchauffement climatique,… On en parle sans vraiment savoir comment cela fonctionne.

- Pratique Il y a des questions pratiques qui se posent : peut-on attaquer un état débiteur ? Comment faire en matière de traité ? Il y a un embargo des Nations Unies sur l’Iran : qu’est-ce que ca signifie dans les relations économiques. Un tas de questions se posent, même de manière isolée.

COMMENT L’ÉTUDIER ?

Cours magistral assorti de travaux pratiques. Il n’y a pas de syllabus, il y a un synopsis : plan assez détaillé du cours. Il n’y a pas chaque idée mais chacun des points de la matière, structurés comme il se doit. Il y a des renvois à la jurisprudence que l’on cite et qu’on doit connaître. On l’a sous les yeux au cours.Mais attention, ce n’est bien évidemment pas suffisant. Les notes sont indispensables. La matière d’examen, ce sont les notes.Tout est important et c’est assez dense.D’ici au 15 octobre, on pourra se procurer la version à jour du synopsis.

Il est aussi reproduit dans le recueil de documents qui contient les instruments usuels.Il y a aussi une partie importante de jurisprudence. Les principaux arrêts que l’on cite, il faut aller les lire : c’est important pour l’examen. Il y en a peu mais quand il y en a on se jette dessus, c’est une source importante. Disponible d’ici au 15 octobre aussi.On peut mettre des mots dans le recueil mais pas tout le cours : juste des aides mémoires : « légitime défense » etc. On peut mettre des post it et des renvois entre les volumes. On peut mettre des titres qu’on trouve dans le synopsis. Mais pas recopier des phrases du cours.Il ne faut pas étudier les articles par cœur. Juste savoir ce qu’est le concept : il doit être acquis.

Si on se sent vraiment démunie, le cours est basé de manière très générale sur l’ouvrage de Jo Verhoeven (structure et contenu) : précis publié chez Larcier en 2000 donc un peu dépassé mais cela peut nous éclairer.Il y a un code de droit international public chez Bruylant. Une nouvelle édition va sortir mais l’ancienne est ok.

Examen écrit de 3 heures en janvier. Pierre d’Argent nous en dira plus. Ecrit sans aucun document.

Six parties   : - Les sources

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- Les sujets de droit international- La responsabilité et les sanctions- Le régime des espaces- Le règlement des différents- L’usage de la force : la sécurité collective.

CHAPITRE 1   : LES SOURCES Droit international public – Valérie NICAISE – 2010-2011 9

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Il n’y a pas de législateur universel : c’est le constat universel. Le droit est produit de manière fondamentalement décentralisée. Il va reposer sur le consentement des états. C’est très différent de ce qu’on connaît en droit interne : on ne nous demande pas notre consentement pour voir si on est d’accord d’appliquer telle ou telle loi. Toutes les sources ne peuvent avoir d’existence que si elle repose sur la volonté souveraine des états, expresse ou implicite.

En matière de sources, il est usuel de partir de l’article 38 du statut de la Cour Internationale de Justice (on le trouve à la suite de la Charte des Nations Unies car cela en fait partie intégrante).Cela prévoit les sources que la cour est chargée d’appliquer : les traités, la coutume, les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées, la doctrine, la jurisprudence.

Cet article, datant de 1920, en dit à la fois trop et trop peu :

- Trop : la doctrine et la jurisprudence ne sont pas des sources de droit international, et même pas de droit interne dans le système civiliste. Ce sont des moyens auxiliaires de détermination du droit mais ce ne sont pas des sources qui obligeraient les états. Même la jurisprudence de la CIJ n’est pas une source : elle est très importante mais ce n’est pas formellement une source de droit. Il faut biffer doctrine et jurisprudence de cette liste de sources.

- Trop peu : les actes unilatéraux sont ignorés. Or dans certaines situations particulières la déclaration unilatérale d’un état peut constituer une source de droit international. Il faut ajouter ces actes à cette énumération.

On se retrouve avec quatre sources principales à étudier : coutume, principes généraux, traité, acte unilatéral. Ce sont les quatre chapitres à aborder.

Section 1   : La coutume

§1. Notion, fondement et éléments constitutifs

C’est une source de droit général en droit international. Donc elle a vocation à s’appliquer à la généralité des sujets : des états. Les principes généraux, deuxième source, également. Par contre le traité ne s’applique qu’aux parties contractantes, aux états qui l’ont ratifié. On voit directement le parallèle qu’on peut faire : la coutume est l’équivalente de la loi dans l’ordre interne : une règle générale. Le traité, lui, peut être comparé au contrat : il ne lie, conformément à la relativité des conventions, que les parties contractantes.

C’est important de souligner cela car cela nous mène à son corollaire : cela lie directement tout état nouveau présent sur la scène internationale. Il est ipso facto lié par toutes les règles coutumières existantes quand ce nouvel état voit le jour. Il est lié de plein droit par cette « loi » comme règle générale.

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Exemple   : Le Monténégro est devenu un état indépendant par sécession en 2006. Dès le jour de son indépendance, il est devenu lié par toutes les règles coutumières du droit international.

La coutume occupe une place beaucoup moins marginale que les droits internes que nous connaissons. Dans les droits internes moins évolués, elle a un rôle important, mais c’est tout. En droit international c’est très important, même si quantitativement c’est supplanté de plus en plus par les traités car comme c’est une source écrite cela se multiplie. La coutume continue néanmoins à avoir un rôle extrêmement important.En soi, le phénomène coutumier est le même qu’en droit interne : c’est un phénomène de juridification des mœurs, un phénomène de transformation des conduites en normes. On regarde une pratique qui un beau jour se transforme en règle coutumière, obligatoire. Donc c’est un processus assez diffus. La seule différence c’est la place que cela occupe au niveau international et niveau interne.

Qu’est-ce qui explique la force obligatoire de la coutume et ce processus ?

C’est difficile à dire mais c’est inséparable de la volonté des états : une règle de DI n’existe que si elle repose sur la volonté des états. Donc en adoptant telle pratique, les états ont voulu que cette pratique devienne du droit en bonne et due forme : voilà le phénomène. Mais la coutume ne se réduit pas à une rencontre de volonté : ca c’est le traité.Il y a un besoin de règles générales en droit international : donc c’est une besoin sociologique. C’est ca qui explique l’existence de la coutume : on a besoin de règles collectives générales qui s’appliquent à tous les états, en plus des états. Explication sociologique : pas d’autres explication du phénomène de juridicisation des mœurs, de la coutume.

Reprenons les deux éléments constitutifs de la coutume :

1. Elément objectif : pratique générale et constante des états

Une pratique, c’est un ensemble de précédents qui sont des actes matériels ou juridiques.

o Un acte matériel c’est par exemple de recourir à la force armée dans telle circonstance. Les états recourent à la force armée dans une situation de légitime défense donc cela peut donner naissance un jour à une règle coutumière.

o Cela peut aussi être des actes juridiques   : une loi, un jugement. Par exemple, une loi par laquelle la Belgique fixe sa mer territoriale à douze milles marins. Si on voit que cette pratique de fixer la limite à douze mille marins est générale et constante dans la communauté internationale, cela pourrait devenir une véritable règle coutumière. Cela peut aussi être un jugement : si un jugement décide qu’un état a une immunité devant les tribunaux belges, un précédent peut être pris en compte pour la coutume si c’est rependu dans le temps et l’espace. Mais il faut que ce précédent émane d’un organe, d’une pratique des

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Page 12: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

états. Le comportement de particuliers n’a aucune pertinence dans la formation des règles coutumières internationales.

Cette pratique doit être rependue dans le temps et l’espace.

o Dans l’espace   : c’est une pratique générale .

Ce n’est pas universel

C’est partagé par la généralité des états. La jurisprudence de la CIJ a apporté une précision à défaut d’un seuil précis de généralité : elle a dit qu’il fallait au moins dans le groupe des états qui adoptent la pratique, on retrouve les états particulièrement intéressés. L’affaire dans laquelle la cour s’est prononcée était une affaire de délimitation maritime : le plateau continental des Pays-Bas, Allemagne, Danemark : pour déterminer si des règles coutumières existent, je dois regarder si les états particulièrement intéressés ont adopté une pratique dans ce sens là. Ici on regardait la pratique de l’équidistance. On a regardé dans les pratiques des états qui ont un plateau continental : donc on ne va pas prendre la Suisse ! Autre exemple : le nucléaire : on ne regarde que les états qui sont suspectés avoir le nucléaire.

Tempérament : théorie de l’objecteur persistant

La généralité exigée de la pratique ne signifie pas qu’un état ne peut pas s’opposer à une règle coutumière. C’est l’objecteur persistant : un états s’oppose de façon constante à l’émergence d’une règle coutumière en voix de formation.

Par exemple : l’état n’est pas d’accord avec l’idée des douze milles marins. Pendant des dizaines d’années, il réitère sa volonté avec des lois, jugements, prises de position internationales. On peut considérer qu’il objecte de façon constante donc si la règle coutumière voit le jour, il ne sera pas lié par la règle coutumière alors même que la règle coutumière a vocation a être générale.

C’est une théorie, pas vraiment d’exemple.

C’est un tempérament à la généralité. Si l’objecteur est suffisamment puissant, il pourra même s’opposer à la naissance de la règle coutumière.

On admet qu’il existe des coutumes locales, régionales, voire bilatérales : on peut imaginer une règle coutumière pour une région du monde. La pratique pertinente ne sera que celle des états de la région concernée : on apprécie la généralité que pour cette région là.Dans un arrêt de 1950, la CIJ a reconnu une coutume régionale. Un opposant politique péruvien se réfugie dans une ambassade à Lima et il demande l’asile politique. Le contentieux entre le Pérou et la Colombie est arrivé devant la CIJ : on regarde s’il y a une pratique d’asile

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diplomatique accordé aux opposants politiques d’un autre état. La cour dit qu’il n’y a pas de coutume dans ce sens là mais elle a admis l’existence possible de coutume régionale.

Cela peut être bilatéral : dans la jurisprudence récente de la cour.

o Dans le temps   : constance

Une fois n’est pas coutume, il faut que le précédent se répète. La DI ne fournit aucun critère précis, il ne faut pas nécessairement que la pratique soit immémoriale mais plus le laps de temps considéré est court, il faut que la pratique se soit répétée intensivement dans ce laps de temps assez court. C’est bien évidemment le juge qui décidera de l’existence de la coutume.

23/09/2010

2. Elément subjectif : opinio juris.

Sans opinion iuris, il n’y a pas de coutume, cela restera une simple pratique, un simple usage non obligatoire donc pas une source formelle du droit. Permet de distinguer un simple usage d’une règle générale obligatoire pour les états.

Exemple : les règles sur le protocole, ce n’est qu’un usage. C’est bien établi et l’usage est généralement suivi mais les états n’ont pas la conviction qu’il y a là des règles de droit. Pas d’opinio juris donc pas de violation du droit international si on s’en écarte.

C’est un sentiment de droit. Mais de quoi et de qui ?

- De quoi   ? Généralement l’opinio iuris c’est le sentiment de se conformer au droit>. On a l’impression qu’en adoptant tel pratique, on se conforme à une règle de droit coutumier. Sentiment non pas de se conformer à une loi existante mais sentiment de faire le droit : en adoptant telle pratique de manière générale et constante on participe à la création d’une nouvelle règle coutumière. On fait le droit plus que de s’y conformer. Initiative législative des états par une pratique.

- De qui   ? La réponse est implicite : c’est le sentiment des états. L’opinio iuris c’est le sentiment des états : ils participent à la pratique générale et constante et c’est eux qui ont cette conviction de faire le droit.

Ça c’est la théorie et c’est incontestable. Par exemple on considère que des états, en votant pour une résolution à l’AG des Nations Unies, ils exercent l’opinio iuris. Ce vote véhicule l’opinio iuris de l’état : il traduit le sentiment juridique de cet état. Ce qu’il y a dans la résolution pourra alors devenir une règle coutumière.

Remarque   : cela nous fait comprendre l’articulation entre élément objectif et subjectif : les violations répétées de la coutume. Cela pose la question de la survie de

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Page 14: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

cette règle coutumière. Quand un état adopte un comportement contraire de façon récurrente, on peut se demander si cette règle coutumière ne va pas devoir être modifiée.

Est-ce qu’elle survit à une pratique déviante ? La cour, dans l’affaire Nicaragua contre US en 1986 a répondu à la question : le critère c’est l’opinio juris des états qui adoptent le comportement contraire à la règle coutumière. Si les états justifient leur comportement déviant en recourant à des exceptions à la règle coutumière ou en tentant de justifier leurs violations de la règle coutumière, celle-ci va survive et même être consolidée.Prenons un exemple, celui de Nicaragua : le recours à la force armée est interdit sauf en cas de légitime défense. Si un état recourt à la force de façon récurrente, en dehors de la légitime défense, on va regarder si la règle coutumière d’interdiction de la force a encore une valeur constante. Si l’état justifie son comportement en disant qu’il est dans une situation légitime défense, même s’il n’y est peut être pas, on considère qu’il reste dans le cadre établi, dans l’opinio iuris et la règle coutumière est confirmée bien plus que mise en cause. Il se justifie en invoquant l’exception.

2) Le Ius cogens

On va regarder l’autorité juridique de la coutume parmi les sources internationales

A) Autorité juridique

a. Principe d’équipollence

Le principe, c’est que la coutume est équipollente au traité : valeur juridique équivalente. Cela veut dire donc que le traité peut librement déroger à la coutume et inversement. Dans les faits, l’hypothèse la plus courant c’est bien sur qu’un traité (règle spéciale) déroge à une coutume (règle générale).Exemple : les états bénéficient devant les tribunaux internes des autres états d’une immunité de juridiction (règle coutumière). Mais deux ou plusieurs états peuvent conclure un traité prévoyant que cette immunité n’existe pas ou bien renforcer cette immunité.

b. Exception, introduisant une hiérarchie en droit international

C’est le ius cogens ou « droit impératif » : normes impératives du droit international général. Ce sont des normes coutumières mais indérogeables. Ce n’est qu’un petit ensemble de règles mais on ne peut y déroger par traité. Si on déroge au ius cogens, le traité sera nul.

C’est ce qui est prévu à l’article 53 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traité (CVDT) : le traité qui déroge à une norme de ius cogens est nul.

Bon, dans les faits aucun traité n’a été déclaré nul car il dérogeait au ius cogens… Donc un jour Brownlie a dit un jour que le ius cogens c’était comme une Rolls Royce qui ne sortait jamais du garage : jamais d’application de l’article 53,…

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Page 15: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Factuellement, il a raison, il n’y a aucune nullité dans la jurisprudence. Mais au moins le ius cogens fera jouer son effet préventif pour par exemple l’interdiction du génocide, de l’esclavage,… On a pas conclu de traité qui légaliserait le génocide, l’esclavage,… dans leurs relations individuelles. Ca paraît évident ! Mais à l’époque un peu moins donc le ius cogens a joué un rôle préventif.

C’est de l’essence de tout ordre juridique d’invalider des conventions contraires à l’ordre public. Et c’est ça le ius cogens : une sortie d’ordre public international. Un ordre juridique s’auto détruirait s’il n’imposait cette idée de nullité des conventions contraires aux règles fondamentales étant la base de l’ordre juridique. Il en va en droit international comme en droit interne donc c’est normal qu’on ai prévu ça dans la Convention de Vienne.

On a des valeurs communes dans la société internationales, propre à cette société et les états ne peuvent pas y déroger.

B) Contenu et valeurs fondamentales du ius cogens

La communauté internationale a bien du mal à se mettre d’accord sur le contenu du ius cogens…

- Règles générales, coutumières

Ce qui est certain, c’est que ce sont des règles de nature coutumière, on en parle d’ailleurs dans ce chapitre. Ce sont des règles de droit international. Elles peuvent être transcrites dans un traité mais elles sont du ius cogens car elles sont à la base coutumière.

- Certains plus ou moins incontestables

o Interdiction du recours à la force armée dans les relations internationales (ou du moins l’interdiction de l’agression)

o Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.o Interdiction du génocide, de l’esclavage, de l’apartheid (discrimination

raciale)

Difficulté   : les droits de l’homme : certains prétendent qu’ils font tous partie du ius cogens mais il faut trouver un critère. L’interdiction du génocide peut être rapproché des droits de l’homme et ça c’est certain, c’est du ius cogens. La cour l’a rappelé en 2006 dans Rwanda contre Congo : référence expresse au ius cogens et plus juste à des « principes intransgressibles ». De même pour l’interdiction de la torture. Le TPEY a jugé que c’était du ius cogens et la CEDH aussi.Certaines juridictions ont été plus loin : le TPI des CE a jugé que la propriété privée était une règle de ius cogens. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que l’égalité devant la loi étai aussi une règle de ius cogens, ainsi que le droit à la vie.

Large incertitude quant au contour exacte de la notion.

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Page 16: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Bilan du ius cogens : notion intéressante car elle introduite un élément de hiérarchie en droit international, ce qui est nouveau en droit international. Normalement c’est l’équipollence.

Cette idée d’ordre public, d’intérêt général de communauté internationale, c’est bien. Bon il reste le problème de la Rolls : pas d’application et pas de sanction. On peut s’e réjouir ! : aucun traité ne légalise l’esclavage ou le génocide. Mais du coup certains se posent es questions sur l’existence de la notion.Cela pose des questions de l’ordre public dans une société qui reste largement décentralisée : il n’y a pas d’autorité centrale qui est chargée de mettre en œuvre cet ordre public ou sanctionner. Les sanctions restent décentralisées. Toujours une tension entre des concepts communautaires (ordre public,…) et les moyens de leur mise en œuvre qui restent décentralisés. Grand paradoxe.

3) Obligations erga omnes

On ne peut pas parler de ius cogens sans parler d’obligations erga omnes.C’est une autre notion qui renvoie à l’idée d’intérêt général en droit international. Cette notion a été formulée pour la première fois par la CJ dans la Barcelona Traction en 1970 (nationalisation en Espagne d’une société belge). Ce qui est surprenant, c’est que dans une affaire assez technique et banale, la cour ait fait une sorte d’obiter dictum sur les obligations erga omnes. Il n’y avait pas de traces dans la jurisprudence antérieure !

Selon cet arrêt de 1970, ce sont des obligations dues à tous : erga omnes. Pas des obligations vis à vis d’un état déterminé mais de tous vis à vis de tous. Ce sont des obligations coutumières à la communauté internationale. La cour les oppose aux obligations bilatérales classiques qui sont dues par un état à un autre. Les erga omnes transcendent les intérêts individuels des états et sont là pour protéger certaines valeurs fondamentales de la communauté internationales. C’est pour cela qu’elles sont dues vis à vis de tous. Et, conséquence importante, et c’est là l’intérêt de la notion, chaque état à un intérêt à ce qu’elles soient protégées. Chaque état doit pouvoir intervenir, réagir. Chaque état est investi d’un titre pour réagir.

Similitudes et différences avec le ius cogens

Même philosophie de défendre l’intérêt général mais ce sont deux notions différentes. Ces notions sont là pour protéger des valeurs communes à la communauté internationales.

Mais il y a deux différences fondamentales :

- Le contenu des notionsPas le même contenu… Les deux cercles d’obligations se recoupent très largement, certes. Ils sont concentriques : le noyau dur, c’est le ius cogens mais autour, il y a un cercle plus large : les obligations erga omnes. Toutes les obligations du ius cogens sont dues erga omnes mais toutes les obligations erga omnes ne sont pas du ius cogens.Exemple : les obligations du droit de l’environnement c’est erga omnes. Pas de sens qu’elle soit due à un seul état mais néanmoins ce n’est pas du ius

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Page 17: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

cogens. Elles ne sont pas si fondamentales qu’il faille considérer qu’elles sont interrogeables au sens du ius cogens. Le génocide par contre est interrogeable donc elle fait partie du ius cogens et est due erga omnes.

- Les conséquences procédurales en cas de violationLe ius cogens, c’est la nullité des traités qui lui sont contraires (53 Vienne).Les obligations erga omnes renvoient à l’intérêt à l’action : comme elles sont dues à tous les états, tous les états peuvent agir en cas de violation. On ne va pas invalider les conventions contraires (ca c’est le propre du ius cogens) mais son propre est de permettre à tout le monde de réagir.

Le problème c’est de savoir qu’est-ce que les états destinataires des obligations erga omnes peuvent faire. Le débat reste entier… En gros, on peut imaginer théoriquement que leur réaction se situe sur deux plans :

o Celui des sanctionsPuisqu’il y a eu une violation de ces obligations, il semble logique qu’on puisse prendre des sanctions. Dans le cas d’obligations bilatérales, seul l’autre état peut prendre des mesures. Mais en cas de violation erga omnes tous les états théoriquement peuvent prendre des contre mesure. Du moins théoriquement.

o Le plan judiciaireOn peut imaginer que face à une violation d’une obligation erga omnes, tous les états puissent agir devant la CJI ou devant une juridiction internationale. Puisqu’ils ont tous un intérêt à agir pourquoi ne pas le mettre en œuvre devant le juge.

Il y a dans la pratique contemporaine des précédents qui montrent que c’est bien comme ça que ca marche sous certaines conditions, et notamment des pratiques de sanctions. Plusieurs états, et pas seulement les USA, prennent des sanctions contre des états ayant commis des violations erga omnes, alors même que cet état n’a subi aucun dommage. Mais on peut prendre des mesures car c’est pour l’intérêt général.Exemple : un embargo, mais seulement s’il ne viole pas les traités de commerce et le droit international. Pourquoi pas… Voir infra.

Résolution des litiges   : Institut de droit international à Cracovie en 2005. L’institut a voté une résolution qui confirme la pratique que nous venons de voir. Ça n’a qu’une valeur doctrinale mais c’est une bonne doctrine.

4) Codification de la coutume

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Page 18: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Source non écrite mais elle peut être codifiée par :- la doctrine- des traités- des résolutions légiférantes

C’est plus simple d’avoir une règle écrite et c’est mieux pour la sécurité juridique : on sait comment elle apparaît etc. Donc on tend vers ça.

1) La doctrine

L’institut de droit internationalC’est une société savante, une fondation privée fondée en Belgique qui rassemble quelques dizaines de spécialistes, de professeurs : crème de la crème de la doctrine. Ils se rassemblent de temps en temps et font des résolutions : bonne doctrine donc certaine autorité !

Commission du droit internationalC’est un organe des Nations unies depuis sa fondation. Il y a 34 spécialistes indépendants donc ils ne représentant pas leur état. Ils se réunissent tous les ans pour codifier le droit international c’est écrit noir sur blanc dans la Charte. Ou alors la deuxième mission du CDI c’est le développement progressif : on ne met pas par écrit ce qui existe déjà mais on développe petit à petit. La CDI fait rarement la distinction entre les deux dans ses travaux donc c’est un peu le mic mac : elle a déjà beaucoup codifié donc ils tentent des domaines assez farfelus (par exemple le droit et les temps ).

Ces travaux débouchent généralement sur des conventions internationales, des traités. La CDI travaille ainsi : elle élabore des projets d’articles sur des sujets à codifier puis elle les soumet si l’AG le trouve utile à une conférence diplomatique qui va négocier et conclure une convention internationale en bonne et due forme sur base de ces projets. Mais jusque là ces projets n’ont qu’une valeur doctrinale, sauf dans la mesure où ca codifie du droit coutumier préexistant : donc ca sera du droit coutumier mais le document n’a aucune force en lui-même.

2) Les traités

A coté de la doctrine on trouve des règles coutumières codifiées ces temps ci par la voix d’un traité.

Le traité peut être :- déclaratif de droit coutumier

Se contente de mettre par écrit des règles coutumières préexistantes- constitutif de droit coutumier

La règle n’existe pas mais le fait d’inscrire la règle dans le traité va contribuer à l’émergence de la coutume. Il y avait déjà une pratique déjà constante et émergeante mais le fait que les états se mettent d’accord dans les négociations, cela va cristalliser la coutume et lui donner un coup d’accélérateur dans sa formation.

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Page 19: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Que le traité déclare ou constitue, la règle coutumière et la règle conventionnelle ne se confondent pas : on a deux normes autonomes. C’est important car le champ d’application personnel sera différent ! La règle coutumière s’applique à tous sauf les objecteurs persistants, alors que la règle conventionnelle, ayant pourtant le même contenu matériellement, ne s’appliquera qu’aux parties.

Comment savoir si un traité est déclaratif ou constitutif, s’il correspond à une règle coutumière?Il y a un indice : les réserves. Si le traité interdit les réserves, il y a des bonnes chances de penser que les règles sont le reflet du droit coutumier. C’est important à savoir car alors cela va obliger tous les états car il aura une assise coutumière. Si le traité interdit les réserves, c’est qu’on ne veut pas que les états puissent se soustraire unilatéralement à certaines obligations du traité. On ratifie sous réserve de certaines dispositions. Bon si le traité est le reflet du droit coutumier, cela ne peut pas marcher : on ne peut pas échapper par un acte unilatéral à une règle coutumière. Indice que le traité correspond à une règle coutumière et incidence pour le champ d’application ratione personae : s’appliquera à tous els états du monde sauf les états persistants.

3) Les résolutions légiférantes

Ce sont les résolutions des Nations Unies.

Parlons de l’assemblée générale des Nations Unies en général : ce n’est pas un parlement mondial ! Contrairement à l’image qu’on peut en voir, il n’y a pas de législateur universel, même aux Nations Unies, dans laquelle toute la communauté internationale est représentée. On le voit dans la Charte : pas vocation à légiférer des lois mondiales.Elle ne peut que recommander des solutions : faire des recommandations. Sauf pour tout ce qui concerne la cuisine interne des nations unies : questions administratives et budgétaires au sein des nations unies : là on peut avoir des lois ou des résolutions obligatoires qui seront sources d’obligation pour les états membres. Mais en principe selon la Charte, l’AG n’a que le pouvoir de faire des recommandations : elle peut exhorter, les inviter, les priver de manière urgente,... Mais cela n’a aucune valeur obligatoire ou aucune force juridique.Le conseil de sécurité est dans une situation toute différente : il a le pouvoir de prendre des résolutions obligatoires. Il demeure malgré tout dans la pratique qu’il y a un petit nombre de résolutions de l’AG qui manifestement ont une autorité toute particulière : les résolutions légiférantes.

Elles ne peuvent pas se ramener uniquement à des recommandations, elles ont manifestement une autorité juridique supérieure : indirectement elles vont imposer des obligations. Indirectement car on fait la différence entre l’instrumentum (ne sera pas obligatoire) et le negotium, le contenu (lui il aura une force obligatoire).Ces quelques résolutions sont dites légiférantes : elles ne sont pas législatives car ce n’est pas un parlement. Mais dans l’expression de monsieur Verhoeven, on voit que cela préfigure une loi internationale : une règle générale de droit international qui s’imposerait après son adoption à l’AG à l’ensemble des états.Comment expliquer ce phénomène techniquement ?

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Il existe deux techniques dans l’AG :

- déclarativeCertaines résolutions déclarent le droit existant. La résolution peut être déclarative de droit

o Conventionnel   : par exemple, la résolution 152014 de 1960 : droit des peuples à disposer d’eux-mêmes inscrit dans la charte. Quand on lisait la charte et qu’on lisait ce droit on ne comprenait pas trop mais là l’AG va donner une interprétation à ce principe ;: c’est le droit des peuples coloniaux à devenir indépendants.Ce qui est intéressant c’est de voir que l’AG déclare ce droit des peuples à disposer d’eux même. Elle préexistait dans la charte mais elle lui donne un contenu. Ce n’est pas juste une recommandation, cette règle s’incorpore à la charte, qui elle a une valeur obligatoire certaine. Elle déclare une règle conventionnelle préexistante : la Charte. Ce n’est qu’une recommandation formellement mais comme cela renvoie à un traité, le contenu est obligatoire.

o Coutumier   : par exemple la résolution 2625. Elle consacre le principe de non intervention dans les affaires intérieures d’un autre état. Ce principe préexistait en droit coutumier, il ne fallait pas attendre la résolution. Mais l’AG ne fait que le mettre par écrit : elle déclare, elle codifie cette règle coutumière.La résolution n’est pas obligatoire mais le contenu l’est : la recommandation est source d’obligation car son contenu est obligatoire.

- ConstitutiveCela va constituer le droit existant, cela contribue à cristalliser du droit conventionnel ou coutumier nouveau.

o Conventionnel   : exemple de résolution par lequel un traité de droit international serait conclu. Rien n’empêche de conclure un traité par le biais du vote d’une résolution de l’assemblée. L’objet de la recommandation est d’acter leur accord de la conclusion d’un accord international. Mais comme le contenu renvoie à un traité, il aura une portée normative. Encore faut-il s’assurer que le représentant de l’état qui a voté à NY à l’AG en faveur de la résolution avait le pouvoir de conclure un traité au nom de son état. Si c’est le représentant permanent de l’état auprès des nations unies à NY, en principe il n’a pas cette compétence…

o Constituer du droit coutumier   : cristallise du droit en formation. La déclaration universelle des droits de l’homme. C’est une résolution de l’AG et n’a donc pas de valeur en soi. Il y a une jurisprudence de la Cour de cassation en Belgique qui dit qu’elle n’est pas obligatoire : on ne peut pas l’invoquer devant les cour et tribunaux. Mais elle a contribué à cristalliser des règles coutumières qui sont des sources d’obligations pour les états. Les règles correspondent à des règles coutumières qui sont donc alors obligatoire. Cela a véhiculé l’opinio

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iuris des états. Il y avait une pratique émergente et cet ensemble, cette alchimie de la coutume a donné une règle coutumière et donc obligatoire.Deuxième exemple : chaque année l’AG vote des recommandations sru l’usage des armes nucléaires. On considère généralement encore une fois que ce faisant les états expriment leur opinio iuris. Est-ce qu’il n’y a pas là derrière une coutume qui se dessine ?

CONDITIONS

Dans toutes ces hypothèses, il y a quand même des conditions communes indispensables pour être une résolution légiférante :

- Objet   : cela doit porter sur des droits et obligations des états membres des Nations Unies.

- Termes   : elle doit être libellée en termes juridiques, normatifs : elle impose des commandements relativement précis. Pour prendre un contre exemple, la résolution du 26 juillet 2010 sur le droit à l’eau, proclamé comme un droit de l’homme n’est pas libellée en termes très juridiques, très précis. L’AG déclare que c’est un droit fondamental mais elle demande aux états de fournier des ressources financières,… afin de renforcer les efforts pour une eau potable,.. elle salue la décision du conseil des droits de l’homme,… c’est difficile de trouver des obligations qui s’imposeraient aux états.

- Support procédural   : il faut que la résolution ait été acceptée par la généralité des états. C’est normal comme cela va s’appliquer à ces états ! Donc il faut un large consensus. Si 100 états se sont abstenus, on peut difficilement en déduire une résolution légiférante.

Quid de la répétition ou de l’absence de répétition ?

Exemple : les armes nucléaires. Certains disent que c’est un indice de droit coutumier que cela se répète mais d’autres disent que trois fois rien, c’est encore rien. Une résolution c’est une recommandation donc ce n’est pas obligatoire…

In fine c’est au juge de déterminer si une règle s’est profilée sur le plan conventionnel ou coutumier.Mais il est intéressant de voir que les juges sont parfois plus enclins de reposer sur des résolutions de l’AG plutôt que sur des sources de droit international en bonnes et dues formes. Elles n’ont pas de valeur obligatoire et ce n’est pas encore du droit mais cela paraît acceptable par le juge que ca devienne du droit et il en tire argument.

Section 2   : Les principes généraux

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C’est une autre source de droit international général : autre source non écrite de droit international général. Une fois qu’un principe général existe, il s’impose à tous les états, comme la coutume.

Distinction entre principes généraux de droit international et principes généraux du droit international

- Les principes généraux de droit international

Ils sont visés à l’article 38 du statut CIJ. On l’a déjà vue en disant que ca disait trop et trop peu. On dit qu’ils sont « reconnus par les nations civilisées ».

Sens de cette formule   :

Il faut remonter dans le temps…La disposition existait déjà dans le statut de la Cour permanente de justice internationale (CPJI), devancière de la CIJ. Elle fonctionnait dans la société des nations donc dans l’entre deux guerres.Leur sens au début du XX et leur utilité aussi : combler des lacunes du droit international de l’époque. Il y avait beaucoup moins de règles coutumières et beaucoup moins de traités à cette époque donc le juge pouvait régulièrement se retrouver dans des lacunes sans avoir de règles à interpréter et appliquer. Donc le statut a voulu donner au juge la possibilité de retomber sur des principes généraux, conçus comme des sources subsidiaires. Encore aujourd’hui cela reste subsidiaire : applicable que si aucune règle spéciale n’existe : conventionnelle ou coutumière. Ces règles peuvent déroger aux principes. Mais à défaut de règles, on peut appliquer ces principes.

Où les trouver et comment les définir ?

L’idée de la CPJI, restée la même, c’est que ce sont des principes communs aux ordres juridiques internes des états et donc comme ils sont communs, on va pouvoir les transposer. Finalement à l’époque on ne parlait que de « civilisé » donc que de l’Europe mais on ne doit plus en tenir compte aujourd’hui.Il faut regarder s’il y a des solutions communes, des principes communs et si oui, on peut en déduire qu’il y a un principe en droit international pour régir la communauté internationaleExemple : on retrouve un principe de non rétroactivité dans tous les droits internes, donc on peut se dire que cela va s’appliquer au droit international.

Le problème c’est que regarder dans les droits internationaux, c’est un exercice très aléatoire. Peut-être que la rétroactivité existe dans tous les droits nationaux mais finalement est-ce que cela veut dire la même chose dans tous les états ? Et dans toutes les branches ? Aléatoire convergence des droits nationaux donc dur de démontrer un principe réellement commun et donc de droit international comme dans l’article 38.D’ailleurs on ne trouve aucun prononcé dans lequel la cour aurait appliqué un principe conçu comme un principe général commun.

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Au niveau de l’UE on retrouve la même idée : article 340 §2 TFEU. C’est la responsabilité extra contractuelle de l’union : elle est régie par les principes communs aux états membres. Donc même technique au niveau de l’union : assez intéressant. On regarde s’il y a des solutions convergentes en matière de responsabilité contractuelle dans les différents états : si oui, ce sont ces principes qui gouverneront la responsabilité extra contractuelle de l’union elle-même. Et la cour a dit qu’il y en avait : pas de principe pour la responsabilité sans faute mais bien pour la responsabilité pour faute.

Presque impossible de trouver ces principes communs universels donc cela explique cette absence de jurisprudence.

24/10/2010

- Les principes généraux du droit international

Abondantes références dans la jurisprudence. Elle parle de « principes généraux ». Ce n’est pas ici une source autonome, distincte du droit international : ce sont des principes de droit coutumier. Donc ils appartiennent à la coutume internationale mais on les appelle principes généraux car ils sont très importants.Exemple : principe d’interdiction de la force. C’est avant tout un principe coutumier même s’il est transcrit dans des chartes,…Le principe de non intervention dans les affaires intérieures,…

Ce sont des principes coutumiers et donc obligatoires car ils viennent de la coutume. Pas une source en soi donc mais appelés principes généraux pour souligner comme ils sont importants.

Deux hypothèses distinctes   :

- Principes qui appartiennent plutôt à la lex ferandaIls équivalent à des recommandations pures et simples, sans force juridique contraignante.Exemple : les principes de Stockholm. Proclamés en 1972 en matière de droit de l’environnement. On voudrait que ce soit du droit à l’avenir mais ça n’en est pas encore. Ce n’est ni des PG de doit international ni des PG du droit international.

- Principes jurisprudentielsOn les retrouve dans la jurisprudence mais qui ne sont ni des PG du droit international ou des PG de droit international

o Principes interprétatifsOn les utilise pour interpréter un traité,.. Par exemple le principe d’effet utile ou le principe d’interprétation restrictive en cas d’atteinte à la souveraineté.Pas source de droit ou d’obligation en eux-mêmes.

o Principes axiologiques

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Ils tiennent à la nature du droit international à sa structure et donc au système juridique mais ce ne sont pas des droits ou obligations : pas du droit positif même si d’abondantes références dans la jurisprudence. Il y a le principe de souveraineté, d’abus de droit,…

Commode de parler de principes mais encore faut-il voir si c’est source de droit et d’obligations.

Section 3   : Les traités Troisième source du droit des gens. C’est une source écrite et ce n’est plus la source d’un droit international général s’appliquant à tous les états : il ne s’applique qu’aux états qui en font partie et qui l’ont ratifié. Res inter alios acta.C’est l’équivalent de notre contrat si l’on peut dire… Il ne va lier que les parties contractantes mais pacta sum servanda, il les liera bel et bien.

§1. Généralités : Régime juridique des traités

Il a été fixé dans la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. On en a déjà parlé… C’est un peu le traité des traités.Cela régit la manière dont ils sont conclus, les causes de nullité, l’interprétation,…

Elle est entrée en vigueur en 1980 mais pour la Belgique c’était en 1992, le 1er octobre car elle ne l’avait pas ratifiée d’emblée. Cela a son importance car elle ne s’applique qu’aux traités conclus par la Belgique après cette date.Mais la convention codifie assez largement le droit coutumier préexistant (voir supra) : elle met par écrit des règles pour une plus grande sécurité juridique. Il y avait déjà un droit des traités élaboré avant 1969 mais ce n’était que coutumier… Donc la Belgique était liée par le droit des traités avant 1992. Comme tous les autres états : la France par exemple n’a toujours pas ratifié Vienne. Mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas liée par Vienne puisque c’est du droit coutumier. Ça lie tout le monde, sauf ceux qui adoptent un comportement d’objecteur résistant.

1) Comment y est défini le traité   ?

Article 2 §1, 2 : accord écrit entre états, régi par le droit international.

- Accord : c’est le propre du traité : accord de deux volontés souveraines. C’est ça qui distingue le traité de la coutume, naissant de la pratique. C’est une convention et l’expression du consensualisme en droit des gens

- Ecrit : mais cela ne veut pas dire que les états ne soient pas liés de façon purement verbalement. On peut faire un traité oral mais la convention de Vienne ne s’y appliquera pas, sauf par analogie. Mais c’est une question fort théorique : un état n’a jamais prétendu avoir conclu avec un autre un traité purement verbal : il faudrait le prouver.

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Page 25: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- Entre états : cela exclut deux autres types d’accords internationaux de la définition.

o Les accords avec au moins une organisation internationale.Entre deux organisations ou avec une organisation et un état. Ce sont des traités mais ils ne sont pas régis par Vienne. Ce sont des sujets de droit international donc ont la même personnalité juridique qu’un état donc ils peuvent faire des traités. Ils seront régis par une autre Convention de Vienne, celle du 21 mars 1986. Mutatis mutandis c’est la copie conforme de celle de 1969 mais avec les adaptations nécessaires selon la nature des organisations internationales. Elle n’est pas encore entrée en vigueur car il n’y a pas encore assez de ratifications à ce jour. Formellement elle n’est pas applicable mais comme c’est la copie conforme de 1969, on considère que cela reflète le droit coutumier existant. A ce titre cela oblige les états et les organisations.

o Les contrats d’étatAccord écrit mais pas entre deux états : entre un état et un particulier. En principe il n’est pas sujet de droit international et c’est la particularité de ces contrats.Exemple : une entreprise française conclut un contrat avec l’état du Niger pour l’exploitation d’un gisement d’Uranium.Toute la question est de savoir quel régime juridique va s’y appliquer : c’est celui que les parties choisiront, dans le respect de l’autonomie de la volonté. Il n’est pas exclu que les parties fassent appel au droit international, à une certaine lex mercatoria pour des relations commerciales internationales mais en principe ils sont soumis à un droit interne (et dans la pratique le plus souvent le droit de l’état contractant, qui accueille l’investissement : le Niger dans notre exemple). Mais il n’y a aucune règle qui l’impose : on pourrait soumettre ce contrat au droit chinois 

- Régi par le droit internationalSinon c’est un accord purement politique : un gentlemen’s agreement. Cela permet de distinguer accord juridique et politique. Rien n’empêche des états de se lier dans la sphère uniquement politique.Exemple : les accords d’Helsinki de 1975 : conclu au temps de la guerre froide dans le cadre de la Détente : cela créer un cadre de négociation la CSCE.Les états qui les ont négociés et conclu, sont biens d’accord de considérer qu’ils ne sont que politiques. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas important mais ils n’ont pas voulu se lier en droit. Pas régis par Vienne de 1969.

Critère de différenciation ?La volonté des intéressés, leur intention : voulaient-ils se lier en droit ou politiquement ? C’est dur car ils le disent rarement : il faut tenter de la déduire, dit la cour, des termes de l’accord. Est-ce que l’accord véhicule des commandements juridiques précis ? Il faut aussi regarder les circonstances de

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la conclusion de l’accord. Cela permet de se forger une idée sur la nature de celui-ci.Pas de réponse a priori sauf la volonté des parties.

L’article 2 de la Convention ajoute deux précisions complémentaires :

- peu importe la dénomination de l’accord : le DI n’est pas formaliste. Dans la pratique on rencontre un peu de tout et les états peuvent le baptiser accords, mémorandum, charte, entente, protocole,…

- peu importe que l’accord soit concilié dans un seul ou plusieurs instruments : ils ne formeront qu’un seul traité (un traités et ses annexes ou un traité et ses protocoles).Exemple : les accords d’Alger qui mettent fin à la crise entre les US et l’Iran : l’Algérie a fait une médiation dans cette crise. Il y a eu plusieurs accords mais c’est un seul traité, même s’il y a des intruments connexes.

2) Classifications possibles des traités

La doctrine s’amuse à les classer mais cela n’a aucun intérêt puisque cela déboule sur le même régime distinct !

Une distinction imaginée retire un peu plus l’attention même si elle n’est pas entièrement convaincante : traité loi >< traité contrat.

Le traité loi serait par exemple la convention sur le génocide : c’est important, pas n’importe quel traité. Ce sont des règles fondamentales qui ont vocation à s’appliquer à tout le monde. Ne s’applique en soi qu’aux états parties à la convention : on peut en soi essayer de dire que c’est coutumier donc que cela s’applique à tout le monde mais pas de caractère général en soi : seule la coutume et les principes généraux sont généraux.

Traité contrat : par exemple entre la Belgique et l France pour la livraison de voitures, de chars,… Caractère synallagmatique très affirmé, absent d’une convention sur le génocide.

Dans les deux cas le régime reste Vienne 69… Donc cette Convention ne fait pas écho de cette distinction.

§2. La conclusion

1) Treaty making power

A. Principe

Qui est compétent au sein de l’état pour conclure un traité international ?

Cette question est réglée souverainement par chaque état : ils déterminent dans leur ordre juridique interne les personnes compétentes. C’est de la cuisine interne.Par exemple, pour la Belgique, l’article 167 prévoit que c’est le roi qui fait les traités, sous réserve des traités régionaux et communautaires mais nous y reviendrons.

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Quid si le droit interne n’est pas respecté en la matière ?Quelle incidence en droit international, pour sa validité internationale ? Par exemple la personne était incompétente. Nous verrons cela plus tard.

Le principe c’est que c’est le droit interne qui détermine qui a le treaty making power.

B. Tempérament

La Convention prévoit cependant certaines règles en la matière : article 7.Il y a deux paragraphes :

- Principe   : une personne est considérée comme représentant l’état si elle produit les pleins pouvoirs appropriés. Elle doit être munie d’une lettre de pleins pouvoirs. Un négociateur belge qui négocie un traité doit établir sa qualité en présentant cette lettre, délivrée par le roi ou le gouvernement.

- Exceptions   : certaines personnes représentant l’état vont être réputée représenter leur état de plein droit, sans présenter les pleins pouvoirs, en vertu de leur qualité particulière : présomption de compétence pour le chef d’état, chef de gouvernement et le ministre des affaires étrangères. Ils sont présumés représenter leur état pour conclure des traités internationaux sans qu’ils ne doivent présenter les pleins pouvoirs : ils sont plénipotentiaires.

Il y a pour cela une règle coutumière (on a vu justement que Vienne était souvent le reflet des règles coutumières) : la CPJI avait déjà jugé que le ministre des affaires étrangères représentait en soi son état. C’était dans le cas de la Norvège et du Groenland : il avait engagé valablement son état mais la Norvège disait que non…

Toute la question est de savoir quelle est la portée de la présomption de compétence du paragraphe 2. Mais nous y reviendrons plus tard en parlant de l’articulation du droit interne et du droit international.

2) Les étapes de la conclusion   : procédure

C’est prévu par la Convention de Vienne.Ce sont des règles supplétives donc les états peuvent choisir d’autres procédures.A titre supplétif, on utilise cette procédure.

A) La négociation

Au sein d’une conférence internationale, entre plénipotentiaires. Il faut négocier de bonne foi. Elle se clôt par l’adoption du texte du traité : on cliche le texte.

B) Adoption

C’est la clôture des négociations.

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C) La signature

- Principe

Elle a un effet propre sur le plan juridique. On insiste fort car dans le langage commun on mélange tout. Elle a pour effet d’authentifier le texte. Et c’est tout ! Elle n’engage pas l’état. C’est fondamental car il n’est pas lié juridiquement au moment où il a signé. Elle établit que le représentant de l’état atteste que c’est bien ce texte là qui fera foi et qui a été adopté, qui sera authentique. En principe cela n’engage pas l’état.

- Exceptions – tempéraments

Il y en a trois, voire quatre.

- La volonté contraire des états Les états qui ont participé à la négociation, peuvent prévoir dans le texte du traité même que la signature aura pour effet d’engager l’état. Mais il faut qu’il y ait une disposition spécifique !

- Les clauses finales Ce sont toutes les clauses qui se trouvent en fin de traité et qui régissent son entrée en vigueur. Selon l’article 24,§4 on voit qu’il est logique que ces clauses doivent s’appliquer dès l’adoption et la signature du texte. En effet cela régi tout ce qui se passe entre l’adoption et l’entrée en vigueur : cela régit l’entrée en vigueur donc comment attendre l’entrée en vigueur pour qu’elles s’appliquent ?

- L’obligation de bonne foi de l’état signataire .La troisième exception est plutôt un tempérament : article 18.Il est évident que les états doivent exécuter leurs traités de bonne foi (article 26). Mais ici on ne parle pas de cette bonne foi là car il n’est pas encore en vigueur. L’article 18 dit que l’état qui a juste signé est soumis malgré tout d’une obligation : ne pas priver le traité de son objet et de son but. Donc il ne peut pas le vider de sa substance.

Illustrations   :

1. Un état A cède à B par traité une portion de son territoire, sur laquelle il y a notoirement des gisements de pétrole. On signe d’abord le traité puis ultérieurement on le ratifiera pour engager véritablement l’état sur le plan juridique. Si entre ces deux étapes, A puise tout le pétrole, on voit que le traité est vide de sa substance ; B a voulu l’acquérir pour ce pétrole mais A était de mauvaise foi donc il engage sa responsabilité internationale. A ne doit pas exécuter le traité dès sa signature mais du fait de la signature on attend quand même de lui un comportement de bonne foi.

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2. L’affaire OPEL AUSTRIA : tranché par le TPI des CE en 1997.L’Autriche n’était pas encore membre de l’UE au moment des faits en 95. La CE signe avec un état tiers (l’Autriche) un accord international (EEE) qui étend le régime de la libre circulation de la CE. Dans cet accord il y a notamment la suppression des droits de douane. Avant la ratification, la Communauté (le Conseil) impose un droit de douane pour l’importation des boites de vitesse depuis l’Autriche vers la Communauté européenne. Opel Autriche saisi le tribunal de première instance d’un recours en annulation : la CE n’a pas respecté son devoir de BF qui lui incombait du fait de la signature de cet accord. Ils ont fait rapido passer un petit règlement pour avoir des droits de douane avant l’entrée en vigueur de l’interdiction.Le TPI annule le règlement sur la base de l’article 18 de Vienne en disant que la CE n’a pas respecté son devoir de bonne foi. Mais la CE n’est même pas partie à Vienne car c’est une organisation internationale ! Cette convention ne régit que les conventions entre état… Mais d’ailleurs la CE n’a même pas ratifié celle de 1986. Néanmoins la cour considère que cela reflète une règle de droit coutumier qui s’imposait à la CE comme organisation internationale. Elle se fonde aussi partiellement sur le principe d’attente légitime (principe de droit communautaire).

3. Les US signent le statut de la CPI juste avant Bush. Il en découle un devoir de BF. Concrètement cela veut dire qu’en adoptant ensuite sous l’administration Bush cette loi qui permet notamment aux forces américaines d’aller libérer les détenus américains qui sont dans les prisons de la CPI à la Haye aux Pays-Bas.Est-ce vraiment conforme au droit de BF ? Les US ont renié cette signature, comme s’ils pouvaient la retirer : elle est là et on ne peut pas la retirer. On peut ne jamais ratifier mais l’obligation de BF et la signature sont là ad vitam eternam.De plus, ils ont aussi conclu des accords avec certains pays qui visent à ne pas transférer des détenus américains qui seraient arrêtés sur leur territoire à la CPI.

Mais cette obligation de BF n’existe que jusque l’état ait annoncé son intention de ne pas ratifier. Au moins c’est clair… Quand on signe, on s’attend qu’un jour ou l’autre il ratifie. Mais il est libre de ne pas ratifier genre 5 ans plus tard : par exemple un changement d’administration aux US comme dans l’exemple 3. Une administration républicaine peut ne pas aimer les signatures des démocrates.Et c’est ce qui s’est passé ! : ils ont dit qu’ils ne ratifieraient pas le statut de la CPI et à ce moment là, ils peuvent y aller : plus de BF !

D) La ratification

Expression du consentement de l’état à être lié par le droit international au traité. Cela engage l’état dans les liens juridiques de l’état. C’est sous condition suspensive de l’entrée en vigueur du traité.

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Page 30: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

E) Entrée en vigueur

L’entrée en vigueur se fait selon le droit interne et tout traité contient en général des dispositions qui régissent son entrée en vigueur.Exemple : il entrera en vigueur le jour du dépôt du 60è instrument de ratification.Puis il entre en vigueur au fur et à mesure à chaque adhésion de l’état. Si le traité est muet, article 24 du traité de vienne.

F) Enregistrement

C’est propre au DI car on n’enregistre pas les contrats,…Cela se fait auprès des Nations Unies. C’est une obligation prévue à l’article 80 mai aussi à l’article 102 de la Charte des Nations Unies : ne s’applique pas qu’aux membres de Vienne mais à tous les états du monde.Et puis c’est publié dans le recueil des traités des Nations Unies. C’est le meilleur moyen pour trouver un traité. C’est bien le sens de l’enregistrement : formalité de publicité.

Pour comprendre cette formalité, il faut remonter à la Société des Nations, début 20 e. L’article 18 prévoyait qu’il faut combattre les traités secrets car c’était monnaie courante jusqu’au XIXe et notamment les alliances. Mais cela pose problème notamment quand une guerre éclate donc on combat ces traités. Date déjà de 1919 !

Sanction en cas de défaut d’enregistrement

Tous les états ne sont pas publiés... L’article 18 du pacte de la Société des Nations à l’origine prévoyait une nullité pour le traité non enregistré : très fort ! Mais la sanction était trop forte pour être efficace donc l’article 102 de la Charte prévoit que le traité non enregistré sera non invocable devant les organes des Nations unies. Il reste valable sauf affecté par une cause de nullité en soi. Le conseil de sécurité ne pourra pas y avoir égard, et il ne pourra pas être invoqué devant la CIJ (organe des Nations Unies) et la cour devrait soulever d’office le moyen tiré du défaut d’enregistrement. Par contre le traité même non enregistré peut être invoqué devant un autre organe international que ceux des Nations Unies : par exemple le tribunal arbitral.

Procédure solennelle, officielle

3) Les accords «   en forme simplifiée   »

Principe

Ils sont conclus de façon simplifiée par rapport à la procédure développée supra. La pratique vient des US. Là bas le président conclu les traités mais avec le Sénat : autorité bicéphale. Donc en marge de cette règle, des executive agreements se sont développés car il faut aller vite : le président les conclut tout seul.

Cette pratique de droit constitutionnel américain, acceptée de longue date, a été plus ou moins importée chez nous. Car la réalité contemporaine est la même. La procédure traditionnelle est bien avec plein d’étapes mais c’est fort lourd donc il peut être utile dans certains cas d’accélérer la procédure et de conclue le traité en forme simplifiée :

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il est simplifié car il ne sera que signé. Et par une personne normalement incompétente. C’est ça sa grande particularité. Dans le cas des US c’est ça qu’il se passait. Donc il y aura simple signature et pas de ratification. L’organe incompétent ne peut pas ratifier. L’accord entrera en vigueur du simple fait de sa signature mais il ne sera jamais ratifié ou il perdait son caractère simplifié et ça serait une procédure traditionnelle.

Exemple en Belgique : le premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l’agriculture, un fonctionnaire, un ambassadeur,… Ils sont incompétents car ce n’est pas le roi mais ils peuvent faire des traités : en forme simplifiée.

C’est en ça qu’il y a peut-être une quatrième exception au fait que la signature n’engage pas l’état. La signature engage l’état dans le cas spécifique des traités en forme simplifiée.

Validité en droit interneApparemment c’est aussi admis et on l’explique par une coutume constitutionnelle qui organiserait une sorte de délégation de pouvoirs vers certains ministres et fonctionnaires. C’est tacite en vertu du droit constitutionnel. Cela permet à des personnes normalement incompétentes d’engager l’état belge dans un traité en forme simplifiée.D’ailleurs c’est admis par la cour de cassation dans deux arrêts du recueil :

- Leroy   : traités sur des récupérations de créance à la suite de la deuxième guerre mondiale. Cela a été conclu par le ministre des affaires étrangères et l’ambassadeur français. Donc c’était en forme simplifiée des deux côtés de la frontière. La Cour n’a pas contesté que cela pouvait valablement engager la Belgique. En termes de droit belge en tout cas ; elle ne se prononce pas sur le plan international.

- 1974   : accord entre l’ambassadeur belge à Londres et l’Angleterre. La cour est moins claire mais l’accord de toute façon n’était pas applicable ratione materiae au cas d’espèce mais elle ne met pas en cause cette technique de traités en forme simplifiée.

On considère que c’est valable en général en droit constitutionnel.

Difficultés

Problèmes en pratique : ils se multiplient !

1) On peut imaginer : les communautés et les régions ont désormais un pouvoir de faire des traités pour les matières de leur compétence et elles s’engagent sur la voie d’accords en forme simplifiée. L’autorité fédérale n’est pas forcément au courant mais l’état en engagé sur le plan international !

2) Ils ne sont pas soumis à l’assentiment parlementaire, à l’accord des chambres législatives. C’est un contrôle démocratique élémentaire… Et cela permet de publier les traités au moniteur belge. Les accords en forme simplifiée ne sont pas tous, loin de là, soumis à cet assentiment donc pas de contrôle démocratique et cela pose des questions. Et ce n’est pas publié.

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3) Rarement enregistrés auprès du secrétariat des Nations Unies donc la publicité est encore moins bonne. Mais ce n’est pas propre aux traités en forme simplifiée.

Il reste que c’est bien commode et que les temps changent. On conclut les traités par échange de lettres,…

§3. La validité et la nullité

Le traité disparaît de l’ordre juridique, il est censé ne jamais avoir existé : il disparaît ex tunc, ab initio. C’est le propre de la nullité mais c’est assez radical.Mais le droit international est-il assez prudent ? Les causes de nullité sont énumérées limitativement par la convention de Vienne par l’article 42 §1. Le souci c’est de préserver la stabilité des relations conventionnelles : on ne veut pas mettre en cause la validité d’un traité pour des peccadilles ou ces causes non acceptées par tous précédemment. On veut la sécurité juridique.

C’est largement inspiré du droit des contrats, ces causes, mais en droit international il n’y a pas de juge obligatoire qui sera là pour trancher in fine les différents qui pourraient s’élever dans l’application d’une cause de nullité.En Belgique pour une nullité on va devant le juge mais alors que faire en droit international ? Les tribunaux arbitraux ne sont jamais obligatoires et sinon il n’y a rien d’autre. Perspective différente du droit interne

1) Causes de nullité

Elles peuvent tenir à différentes causes :

A. L’incapacité

- Des états

A la différence du droit des contrats, ce n’est pas une cause de nullité des traités en droit international ! En effet les états sont toujours capables de conclure des traités. Il n’y a pas d’état mineur  La Convention de Vienne l’écrit noir sur blanc à l’article 6.

- Des organisations internationales

Mais c’est plus compliqué en ce qui concerne les domaines de compétence des organisations internationales. La formulation de l’article 6 de 1986 varie donc. En effet, il y a un principe de spécialité qui s’applique : la capacité de conclure un traité par une organisation est régie par les règles internes de l’organisation.Cela dépend du domaine de compétence bien défini de l’organisation.

Mais entre états l’incapacité n’a aucun sens et il n’y a pas d’incapacité.

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30/09/2010

B. Les vices de consentement

1. L’incompétence de l’organe qui a conclu le traité

En termes de compétences, on a vu que c’était au droit interne de déterminer quel était l’organe compétent pour conclure les traités internationaux, même si la Convention de Viennes prévoit certaines présomptions à cet égard (article 7§2). La question se pose de savoir quelle est la sanction au cas où un organe incompétent au regard du droit interne aurait conclu le traité. On avait mis cette question au frigo, ressortons-la maintenant !Le principe, c’est que l’Etat peut invoquer cette incompétence pour obtenir la nullité du traité.

Exemple   : le bourgmestre d’Arlon a conclu un traité avec le Grand Duché, dans lequel il cède Arlon. Le bourgmestre est incompétent pour conclure un traité (Le Roi est le seul compétent). La Belgique peut invoquer ce vice de consentement ?Non, un Etat ne peut se retrancher derrière son droit interne pour échapper à ses obligations internationales (article 27 Convention de Viennes) : un Etat ne peut invoquer son droit interne pour justifier l’inexécution de ses obligations internationales. En application de ce principe, un Etat ne peut pas invoquer l’incompétence de l’organe qui a conclu le traité afin d’obtenir la nullité de ce traité. Il y a une exception : article 46 de la Convention de Viennes, l’incompétence de l’organe n’est pas une cause de nullité du traité sauf si deux conditions sont réunies : il faut que ça soit une violation manifeste d’une règle du droit interne qui soit d’importance fondamentale. C’est apprécié au cas par cas.

Exemple   : reprenons l’exemple ci-dessus, nul doute que c’est une violation d’une règle d’importance fondamentale.

À partir de quand une violation est-elle manifeste ? Arrêt de la Cour internationale de justice de 2002, Cameroun contre Nigéria, dans une affaire de délimitation terrestre et maritime. En 1975, le Cameroun et le Nigeria concluent un traité relatif à la délimitation de leurs frontières maritimes. Ce traité est conclu par le président nigérien alors que selon le droit nigérian, les traités doivent être conclus par le chef de l’Etat mais avec l’autorisation d’un conseil militaire suprême. La question est de savoir si cette incompétence est manifeste. Devant la Cour en 2002, le Nigéria invoque l’incompétence. La Cour refuse de faire droit à cet argument et considère que le traité reste valable. La Cour estime en effet que, pour qu’une violation soit manifeste, il faut que la règle de droit interne ait été manifestée. Le Nigéria aurait du faire savoir à son cocontractant (le Cameroun) que le chef de l’Etat, agissant seul, n’était pas compétent. Ce n’est pas au Cameroun de se tenir au courant du droit constitutionnel du Nigéria. D’autant plus, ajoute la Cour, que le chef d’Etat est présumé être compétent pour la conclusion des traités internationaux,

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Page 34: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

en vertu de l’article 7§2 de la convention de Viennes. Voilà la portée exacte de cette présomption. Une fois que le chef d’Etat a conclu le traité, même s’il était incompétent pour le conclure tout seul en vertu du droit interne, le traité reste valable. Pour renverser cette présomption, le Nigéria aurait du manifester sa règle constitutionnelle d’une façon ou d’une autre.

2. L’erreur

N’est vice de consentement que si c’est une erreur de fait, elle doit avoir porté sur une base essentielle du consentement de l’Etat, et enfin l’erreur doit être excusable, donc si elle résulte du comportement de l’Etat qui souhaite invoquer l’erreur, elle n’est pas invoquable. Dans la jurisprudence, il n’y a pas vraiment de précédent.

3. Le dol

Conduite frauduleuse d’un Etat qui a participé à la négociation du traité qui amène l’Etat à conclure un traité au prix d’une tromperie. Il n’y a pas de précédent dans la pratique internationale.

4. La corruption 

L’Etat corrompt le représentant d’un autre Etat pour le forcer à conclure le traité. Le tout est d’en apporter la preuve. Il n’y a aucun précédent dans la pratique contemporaine.

5. La contrainte 

Ce vice est double, il y a deux types de contraintes (articles 51 et 52 de la Convention de Viennes)

o Sur le représentant de l’Etat (article 51): il peut s’agir d’actes ou d’omissions, ça peut être une contrainte morale ou physique, elle peut porter sur le représentant de l’Etat ou des membres de sa famille, et elle ne doit pas nécessairement avoir émané d’un Etat qui a pris part à la négociation du traité. La contrainte comme cause de nullité ne doit pas forcément être le fait d’un Etat qui a participé à la négociation du traité.Il n’y a aucun précédent.

o Sur l’Etat (article 52): la contrainte revêt une signification précise : menace ou emploi de la force incompatible avec les principes incorporés dans la charte des Nations-Unies. C’est ça et rien d’autre la contrainte au sens de l’article 52 susceptible d’être invoquée comme cause de nullité du traité.

(a) Quand on dit la menace ou l’emploi de la force, on parle de la force armée, militaire. Ne relèvent pas de l’article 52 la contrainte économique ou politique, et c’est important car dieu sait si dans la vie internationale, il y a des pressions économiques, politiques.

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Elles ne sont pas nécessairement licites. D’ailleurs, en annexe à la convention de Viennes, on a une déclaration adoptée en 1969, en même temps que la convention de Viennes, qui déclare que la contrainte économique est contraire au droit international, mais ce n’est pas pour autant une cause de nullité des traités. C’est un compromis : la contrainte économique n’est pas une cause de nullité mais est tout de même contraire au droit des gens.

Pour le reste, il peut s’agir d’une simple menace ou d’un emploi effectif de la force armée. L’article 52 précise encore que la menace ou l’emploi de la force doivent être incompatibles avec les règles de la charte des Nations-Unies. Ca veut dire a contrario que tous les emplois de la force licites en application des règles de la charte des Nations-Unies ne sont pas de la contrainte au sens de l’article 52.

Exemple   : emploi de la force en cas de légitime défense. Un Etat se fait agresser par un autre, riposte au titre de légitime défense, au terme du conflit, un traité de paix est conclu. Ce traité est conclu au prix d’une contrainte armée, mais elle ne pourra être invoquée comme cause de nullité parce que l’emploi de la force n’était pas illicite. Idem si l’Etat était autorisé à recourir à la force par le Conseil de sécurité. Ce sont les deux cas admis de force armée licite.

(b) La contrainte ne doit pas nécessairement avoir émané d’un Etat qui a participé à la négociation du traité.

On a des précédents. La nullité est rarement prononcée judiciairement car le juge international n’est pas obligatoire. Un précédent relativement récent : 1999 au terme des raids de bombardement de l’OTAN sur la Serbie et le Kosovo. Le 2 juin 1999, au terme des bombardements, un traité de paix est signé entre la communauté internationale, représentée par le président finlandais, et la Serbie. Voilà un traité de paix qui été obtenu sous la contrainte, au sens de l’article 52. L’emploi de la force par les Etats membres de l’OTAN était contraire à la charte des Nations-Unies (aucune légitime défense, aucune autorisation du Conseil de sécurité). Ce traité était nul, aucun juge ne s’est prononcé à cet égard, et la nullité a été couverte quelques jours plus tard, le conseil de sécurité ayant adopté une résolution qui reprenait les termes du traité de paix (résolution 1244).

6. Le ius cogens

C’est un ensemble de règles d’ordre public qui sont indérogeables. La sanction du traité qui déroge au ius cogens c’est la nullité. L’objet est illicite, contraire à l’ordre public, au droit impératif, le traité est nul ; comme un contrat serait nul s’il était contraire à l’ordre public interne.

C. Couverture de la nullité

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A. Base légale

L’article 45 de la convention de Viennes traite de cette question : un Etat peut être réputé avoir renoncé au droit de se prévaloir de la nullité alors que l’une des causes évoquée ci-dessus est bel et bien présente.

B. Causes de nullité

Ce n’est pas possible pour chaque cause de nullité. Ne peuvent être couvertes les deux contraintes (article 51 et 52) et le ius cogens (puisque ça touche à l’ordre public).

C. Modes de couvertures

Il y a deux moyens de couvrir la nullité :

- Explicitement : en déclarant ouvertement qu’il considère le traité valable alors même qu’il est affecté d’une cause de nullité.

- Implicitement : c’est ce qu’on appelle l’acquiescement. On déduit du comportement de l’Etat qu’il a renoncé à se prévaloir de la nullité. On a un exemple dans la jurisprudence récente : arrêt Nicaragua-Colombie un traité de 1928 était-il toujours valable ? Devant la Cour, le Nicaragua prétend que ce traité est nul sur la base d’un vice de consentement qui est l’incompétence. La Cour juge que le Nicaragua ne peut plus invoquer ce vice de consentement et que le traité doit être considéré comme valable. Par son comportement, le Nicaragua a acquiescé à la validité du traité car il n’a contesté pour la 1ère fois le traité qu’en 1980, et il s’est appuyé sur ce traité dans des négociations internationales. La Cour en déduit que le Nicaragua a renoncé à se prévaloir de la nullité qui, peut-être, affectait le traité.

D. Procédure de la nullité

Le traité n’est pas nul de plein droit, il faut pouvoir l’obtenir.Articles 55 et suivants de la convention de Vienne : nous allons voir cela en schématisant.

Elle n’est applicable qu’entre états parties à la convention de Vienne donc pas le reflet du droit coutumier en vigueur !

Notification

Une fois qu’un état veut invoquer une cause de nullité, il notifie ce qu’il estime être une cause de nullité aux autres états et ils ont la possibilité de réagir, d’élever des objections. Si dans les 3 mois aucune objection n’est faite alors l’état qui l’invoque peut adopter un acte qui constate que le traité est nul en vertu de telle ou telle cause.

Mais les autres états vont bien sur objecter et ce différend entre les états devra être réglé pacifiquement. Si dans les douze mois, ils n’ont pas su régler leur différend,

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Page 37: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

possibilité de recourir à une procédure de conciliation. C’est un mode de règlement diplomatique des différends et c’est indiqué dans une annexe à la Convention : on désigne des conciliateurs qui vont essayer de trouver une solution de façon diplomatique.

Quand cela touche au ius cogens, alors à l’article 66 on voit que l’état a la possibilité de saisir la CIJ pour régler ce différend spécifique relatif à la nullité du traité qui serait déduite de la violation du ius cogens. Plus de conciliation mais recours spécifique devant la cour de justice.

Plusieurs états ont fait une réserve en acceptant Vienne, par rapport à cette disposition 66 : ils estiment que la cour n’est pas compétente à leur égard pour se pronconcer sur la nullité des traités. Cette compétence n’est pas d’ordre public donc les états étaient libres de cette réserve. Mais alors il n’y a que la conciliation qui pourra être mise en œuvre.Ce qui est surprenant c’est que certains états comme la Belgique ont fait une contre réserve à ce sujet vis a vis des états qui ont fait une réserve par rapport à la compétence de la CIJ, qui déclare que le ius cogens ne sera pas d’application entre la Belgique et cet état. La Belgique écarte carrément même la notion de ius cogens donc c’est singulier s’agissant de l’ordre public ! On l’écarte par acte unilatéral alors que même par traité on ne peut pas. Doit donc être considéré comme nul.

Tout cela n’a jamais été mis en œuvre.

E. Les effets de la nullité

A. Ratione personae  

Qui peut se prévaloir de la nullité ?

1. L’incapacité 

Ne peut concerner que les organisations internationales. L’incapacité ne peut être une cause de nullité pour les Etats. L’organisation ne peut s’en prévaloir puisqu’elle est de mauvaise foi. Idem pour les cocontractants qui ont conclu le traité avec l’organisation, idem pour les autres Etats parties à ce traité litigieux qui sont de mauvaise foi car ils sont censés savoir que l’organisation était incompétente pour conclure ce traité.Il reste les Etats membres de l’organisation, qui ont créé celle-ci, qui l’ont dotée de compétences, qui sont là pour s’assurer que l’organisation reste bien dans les limites de ses compétences restreintes. L’Etat membre doit invoquer la nullité du traité conclu par l’organisation, et peut-être les autres tiers intéressés mais ce n’est pas sûr.

2. Le vice de consentement Peut s’en prévaloir uniquement l’Etat dont le consentement a été vicié.

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Page 38: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

(a) Seul l’Etat victime de la contrainte peut demander la nullité.(b) En cas de violation du ius cogens, c’est délicat. La réponse est sans

doute tous les Etats parties au traité, et même les tiers, vu que l’ordre public est en cause et qu’il n’y a aucun ministère public en droit international. Les tiers ont le rôle de ministère public. Toutes les parties contractantes peuvent demander la nullité du traité conclu en violation du ius cogens, et même probablement des tiers.

B. Ratione materiae

C’est plus complexe, il y a deux questions :

1. Le traité disparaît-il pour tout le monde ?

- PrincipeEn principe, non, lorsqu’un Etat invoque la nullité d’un traité, c’est plutôt l’engagement de cet Etat qui disparaît, qui est déclaré nul.

- Il y a toutefois deux exceptions :o Premièrement lorsque la présence de cet Etat était essentielle pour les

autres parties contractantes. Si la présence de cet Etat était déterminante du consentement des autres, alors le traité n’a plus d’intérêt pour les autres Etats.

o La seconde exception est la contrainte au sens de l’article 52 qui affecte fondamentalement le traité, vis-à-vis de tout le monde. Le traité est annulé vis-à-vis de toutes les parties contractantes.

2. La problématique de la divisibilité du traité 

Le traité disparaît-il en bloc ou bien certaines dispositions sont annulées et d’autres subsistent ? L’article 44§3 et suivants nous répond.

- Conditions 

Pour qu’il y ait divisibilité, il y a trois conditions (clauses séparables, peuvent continuer à exister en tant que telles et il n’est pas injuste de continuer à exécuter ce qu’il reste du traité). C’est du bon sens. Ces conditions sont cumulatives peut que le traité ne puisse être annulé qu’en partie.

- Divisibilité obligatoire ou facultative 

Si les trois conditions sont réunies, il est possible que l’Etat puisse choisir la divisibilité ou l’annulation de tout le traité.

o En cas d’incompétence ou d’erreur, si les trois conditions sont réunies, il y a obligatoirement indivisibilité

o En cas de dol et de corruption, soit divisibilité, soit le traité est nul en bloc.

o Il n’y a aucune divisibilité possible en cas de contrainte (51 et 52), et idem en cas de violation du ius cogens. Le traité est donc nul dans son ensemble.

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C. Ratione temporis  

La nullité, par définition, a lieu ex tunc, est rétroactive, le traité est censé n’avoir jamais existé. Il y a toutefois un tempérament : les actes accomplis de bonne foi en vertu du traité avant que la nullité du traité ne soit soulevée vont subsister. Il faut que l’acte soit accompli de bonne foi. Ceci exclut l’auteur du dol, de la corruption et des contraintes.

§4. Les effets juridiques du traité

1. Entre parties contractantes

A. Généralités :

Le traité fait la loi des parties, il doit être exécuté (article 26 de la convention de Viennes) de bonne foi.Le traité s’applique à l’ensemble du territoire de chaque Etat contractant (article 29), sauf s’il en dispose autrement.Le traité s’applique également en principe dans son intégralité. Il y a un tempérament à ce principe, ce sont les réserves.

B. Les réserves (article 2§1)

1. Principe 

Déclaration unilatérale par laquelle l’Etat, lorsqu’il signe ou ratifie un traité, exclut ou modifie l’effet juridique de certaines dispositions du traité. Un Etat peut souhaiter faire partie d’un traité, mais il peut en même temps avoir des réticences par rapport à certaines dispositions particulières du traité. Cette technique des réserves permet à l’Etat d’adhérer au traité mais de neutraliser les dispositions qui ne lui conviennent pas. La réserve porte atteinte à l’intégrité du traité. Les dispositions qui ont fait l’objet de la réserve ne sont pas applicables à l’Etat qui a fait la réserve.

Cette technique permet d’inciter les Etats à adhérer aux traités, malgré les réticences qu’ils peuvent avoir par rapport à certaines dispositions isolées.

Exemple   : convention de 1928 sur le génocide, la Cour s’est prononcée dans un avis de 1951 qui portait sur la convention. La Cour a jugé que les réserves devaient être admises pour permettre à la convention sur le génocide d’être appliquée dans le plus grand nombre d’Etats possible.

La ratio legis des réserves et qu’il vaut mieux leur permettre d’adhérer, moyennant certaines réserves par rapport à certaines dispositions particulières, plutôt que de laisser les Etats en marge de la convention.

2. Traité et déclaration interprétative 

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Page 40: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Il faut distinguer les réserves des déclarations interprétatives. Il s’agit aussi une déclaration unilatérale faite par un Etat au moment de signer un traité, mais son objet est simplement d’indiquer l’interprétation que l’Etat procure à telle ou telle disposition du traité. Le critère, c’est l’intention : l’Etat a-t-il voulu faire une réserve ou une déclaration interprétative ? Il faut se référer aux circonstances, aux termes de la déclaration.

3. Conditions de validité des réserves :

- Quant au moment de la réserve   Elle ne peut être faite qu’au moment de la signature et de la ratification du traité, sinon ça serait trop facile. C’est au moment de la ratification au plus tard.

- Pas être interdite Pour le reste, l’article 19 de la convention de Viennes prévoit que la réserve ne doit pas être interdite par le traité. De nombreux traités contiennent des dispositions qui régissent l’admissibilité des réserves, dans les clauses finales du traité. Si la réserve est interdite, elle n’est pas valable.

- Pas être incompatible La réserve ne doit pas être incompatible avec l’objet et le but du traité. C’est ce que juge la Cour dans cet avis consultatif de 1951 dans l’affaire des réserves à la convention sur le génocide. La réserve ne peut pas défigurer le traité, elle ne peut pas porter atteinte au cœur du traité, à sa substance. Inutile de dire que c’est souvent difficile à apprécier.

Exemple   : réserve de l’URSS par rapport à l’article 9 de la convention sur le génocide, concernant la clause qui attribuait compétence à la CIJ pour la résolution des conflits. La Cour ne s’est pas prononcée sur le fond de la question.

4. Quid si une réserve n’est pas valide ?

Quelle est la sanction ? La réserve est nulle. Toute la question est de savoir si l’engagement de l’Etat qui a fait la réserve est nul aussi. C’est l’enjeu de la question : la nullité emporte-t-elle nullité de l’engagement de l’Etat qui a formulé la réserve ? On pourrait penser que l’Etat X qui formule une réserve par rapport à tel ou tel traité, si cette réserve est déclarée nulle et que l’Etat n’a adhéré au traité que parce qu’il pouvait faire cette réserve, on pourrait comprendre que l’engagement de cet Etat soit également nul, et que l’Etat ne soit plus partie au traité.

La Belgique considère que l’Etat qui a fait la réserve reste lié par le traité ! C’est une position assez radicale, qui n’est pas partagée par tous les Etats.

5. Effets de la réserve

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- L’effet propre de la réserve C’est le fait de soustraire l’Etat qui émet la réserve de la disposition en cause, neutralisation de certaines obligations du traité, celles sur lesquelles porte la réserve.

- L’effet réciproque de la réserve   Les autres Etats qui ont accepté la réserve ne seront plus soumis aux dispositions sur lesquelles porte la réserve. Ca joue dans les deux sens. Si l’Etat A fait une réserve que l’Etat B accepte cette réserve, l’Etat A ne doit plus exécuter la disposition en cause vis-à-vis de B ; et l’Etat B ne doit plus exécuter non plus la disposition sur laquelle porte la réserve vis-à-vis de A. La réserve joue dans les deux sens, sauf en matière de droits de l’homme, il n’y a aucune réciprocité en matière de droits de l’homme.

- L’effet relatif de la réserve   La réserve joue dans les relations entre l’Etat qui a formulé la réserve et les autres Etats-parties au traité qui ont accepté la réserve. Mais les autres Etats qui n’auraient pas accepté la réserve, dans leurs relations mutuelles, la réserve n’a aucun effet.

6. Système d’acceptation et d’objection 

Tous les Etats-parties au traité sont présumés accepter les réserves faites par un Etat s’ils n’y ont pas objecté dans les 12 mois. Pourquoi objecteraient-ils? Notamment pour signifier qu’à son avis, elle est contraire à l’objet et aux règles du traité. Que se passe-t-il en cas d’objection ? Il faut distinguer l’objection radicale et l’objection simple.

- Objection radicale  

C’est l’Etat qui s’oppose d’une manière tellement forte que le traité n’entre pas en vigueur dans les relations entre l’auteur de la réserve et l’Etat objectant. Lorsque l’objection est radicale, le traité ne peut pas entrer en vigueur dans les relations entre l’Etat auteur de la réserve et l’Etat objectant. Le traité entre en vigueur normalement entre tous les autres Etats-parties. On voit ce système bizarre du droit international, où un traité se décompense en un faisceau de relations bilatérales et on peut isoler une relation bilatérale entre deux Etats : un qui a fait une réserve et un autre qui a objecté. Pour qu’une objection soit radicale, il faut que l’Etat le spécifie. Autrement dit, l’objection est présumée être simple.

- Objection simple  

A défaut, l’objection est simple. L’article 21§3 de la convention de Vienne nous répond. C’est là qu’est la difficulté : l’effet d’une objection simple, c’est que le traité ne s’applique pas dans la mesure prévue par la réserve. Les dispositions sur lesquelles porte la réserve ne vont pas s’appliquer. Mais ça c’est l’effet propre de la réserve, et non l’effet propre de l’objection. A lire l’article 21§3 de la convention de Viennes, on ne sait pas quel est au juste l’effet propre d’une objection simple. Le prof ne sait pas nous en dire plus. La Commission du droit

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Page 42: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

international s’essaie à une codification de cette matière, mais on est encore loin de l’établissement d’une règle de droit coutumier acceptée par tout le monde.

C. L’effet direct

1. Principe

Les effets dont on a parlé jusqu’à présent, c’était dans l’ordre juridique international. Tournons-nous vers les ordres juridiques internes. Le traité peut-il avoir des effets dans les ordres internes des Etats ? La question peut paraître loufoque a priori. Le traité est un acte juridique de droit international, qui a vocation à 1ère vue, à avoir vocation pour des sujets de droit international. Le traité, en principe, a pour destinataire des Etats.

L’effet direct a ceci de particulier que le traité a des effets pour des particuliers, pour des personnes physiques, morales, dans l’ordre juridique interne des Etats. C’est une technique remarquable l’effet direct, parce qu’elle permet aux traités de pénétrer dans l’ordre juridique interne des Etats et de produire des effets pour les particuliers. Il y aura aussi des effets pour les particuliers.

2. Définition

« Aptitude d’une règle de droit international à conférer des droits et des obligations aux particuliers sans qu’il soit besoin de mesure internes/nationales d’exécution ». Le principe reste que les traités doivent être exécutés (article 26 de la convention de Viennes). Le traité qui a un effet direct peut se distancer d’une telle exécution, il ne doit pas passer par des mesures d’exécution nationales, il sera directement applicable dans l’ordre juridique interne, et pourra directement conférer des droits aux particuliers sans que l’Etat ait du prendre des mesures nationales d’exécution. Le particulier pourra l’invoquer devant les tribunaux, devant les autorités internes.

Exemple   : les droits de l’homme, il n’y a aucune loi belge d’exécution du traité. L’incrimination des exécutions arbitraires comme crime de guerre sont prévues dans des traités internationaux qui n’ont pas besoin de mesure de mise en œuvre.

3. Conditions pour qu’une règle droit international ait un effet direct

- Condition subjective   L’intention des auteurs de la norme droit international : un traité n’a d’effet direct que si les parties au traité ont voulu qu’il ait un effet direct.

- Condition objective   Dans la jurisprudence, notamment la jurisprudence de la CJCE, on rencontre un critère objectif qui tient au contenu de la norme. On regarde les termes du traité pour déterminer s’il a un effet direct. Est-il suffisamment clair, précis, inconditionnel ? Si oui, le traité sera réputé avoir un effet direct, le juge national peut l’appliquer directement. Ces critères objectifs sont peut-être utiles pour apprécier l’effet direct, mais on ne peut se passer de la condition subjective. Il faut toujours s’assurer que les

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Page 43: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Etats aient voulu que le traité ait un effet direct. C’est difficile de déterminer la volonté des Etats. Mais ne pas oublier que le critère primordial reste la volonté.

4. Remarque

Effet direct, c’est la même chose qu’applicabilité directe. Ou bien self executing en anglais.

2. Vis-à-vis des tiers

Pas d’effets juridiques envers les états non parties au traité. Ne peut pas créer des droits ou des obligations pour les états qui n’en sont pas partie. Res inter alios acta : les tiers ne peuvent utiliser ni droit ni obligation.Parfois on parle de la souveraineté des états tiers pour justifier cela mais cela n’a pas vraiment de rapport. C’est simplement qu’il est de l’essence des conventions d’avoir un effet relatif, comme un contrat dans l’ordre interne. C’est codifié à l’article 34 de la convention de Vienne : le traité n’a d’effet qu’entre parties.

Exceptions   : il n’y en a pas.En pratique on pourrait croire qu’il y en a mais ce ne sont pas de véritables exceptions. Les articles 35 et 36 évoquent des stipulations pour autrui.La première c’est une stipulation d’obligations pour les tiers et le deuxième c’est une stipulation de droit. Mais le 35 dit bien que le traité ne peut pas créer d’obligation pour le tiers sauf acceptation expresse et par écrit, il faut son consentement. Donc on retombe dans un schéma purement conventionnel et en quelque sorte il devient partie au traité. Pas d’exception à la relativité des conventions.

C’est pareil pour la stipulation de droits : il faut le consentement du tiers pour qu’il recueille un droit du traité. Mais ici, il présume le consentement du tiers. Mais encore une fois ce n’est plus vraiment un tiers puisqu’il est présumé consentir.

Dans les deux cas il y a un accord collatéral qui s’ajoute au traité et qui fait du tiers une espèce de partie au traité : donc pas vraiment exceptions au principe de la relativité des traités. Simplement il faut que le consentement soit expresse et écrit ou présumé dans l’autre cas.

Exemple   : stipulation de droit

C’est l’ancien régime du Canal de Panama.Il a été régi jusqu’en 1999 (entrée en vigueur d’un traité de 77) par deux traités de 1901 et 1903 entre GB et US et US et panama. Ils accordaient l’administration (donc pas la souveraineté) du canal aux US. Ce qui est intéressant c’est que dans ces deux traités les parties contractantes accordent un droit de navigation, un droit de passage aux navires de tous les autres états du monde : des tiers. Pas de problème, on présume qu’ils y consentent.

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Page 44: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Protocole sur les privilèges et immunités de l’UEAu départ conclu en 1995 et révisé par Lisbonne. Une disposition prévoit des privilèges et immunités auprès des états qui ont une mission permanente auprès des institutions européennes.Exemple : l’Arabie Saoudite. C’est pourtant un tiers ! Mais c’est un droit accordé donc on présume qu’il accepte.

DEUX AUTRES HYPOTHÈSES   :

Il ne faut pas les confondre avec ce dont on parle maintenant : aucune dérogation à la relativité des traités non plus :

- La clause de la nation la plus favorisée

Clause insérée dans un traité, disons entre A et B. Par cette clause B s’engage vis à vis de A à lui accorder tous les avantages qu’il viendrait à accorder à tout autre état. Imaginons que B conclue un traité avec C et qu’il lui accorde des avantages. La clause de la nation la plus favorisée veut que B accorde les mêmes avantages à A.Ne déroge pas à la relativité des conventions car A va avoir des avantages en vertu du traité qu’il a conclu et il ne puise aucun avantage du traité entre B et C. Simplement A peut demander à B l’exécution de la clause de leur contrat.C’est l’idée de base de l’OMC. Mais dans ce cadre là ce n’est pas dans un traité bilatéral mais multilatéral : quand un état membre de l’OMC accorde un avantage à un autre état, il devra automatiquement accorder cet avantage à tous les états membres de l’OMC en vertu de la clause présente dans le traité de l’OMC.

- Les successions d’état en matière de frontière

Imaginons que la Flandre devienne indépendante, quid de la frontière entre Flandre et France ? Il y avait une frontière internationale entre Belgique et France, fixée par traité mais que deviendra-t-elle alors ? Une règle coutumière du droit international veut que cette frontière se transmette automatiquement à l’état successeur. Cette règle est internationale et bien admise et d’ailleurs codifiée dans une convention de Vienne : transmission automatique des frontières. La Flandre sera donc lié dès na naissance par la frontière de l’état prédécesseur. Cela ne veut pas dire que la Flandre indépendante se voit imposer une obligation en vertu du traité Belgique – France auquel elle est tierce. Pas de dérogation à la relativité des conventions mais simplement une règle coutumière du droit des gens dit que la frontière fixée jadis par un ancien traité se transmet automatiquement.

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§5. L’interprétation des traités

A) Qui   ?

Il faut distinguer :

- L’interprétation authentique

C’est celle à laquelle procèdent les auteurs de la norme, les états qui ont conclu le traité. On peut imaginer qu’ils veulent préciser le sens du traité et pour ça ils vont conclure un autre traité : un traité interprétatif. Il aura la même force obligatoire, c’est un traité et l’interprétation donnée sera censée avoir été toujours celle du traité initial. Il est déclaratif du sens donc l’interprétation rétroagit. Les parties au traité lui même

- L’interprétation autorisée

Cette interprétation est faite par quelqu’un d’autre que les parties contractantes : une autorité. Cela peut être un juge ou non.Par exemple pour une OI, cela peut être une organisation étrangère. Dans le FMI il y a un organe qui est chargé de l’interprétation : le conseil d’administration du FMI : ce n’est pas un organe juridictionnel. Mais l’interprétation qu’il donnera du traité constitutif du FMI sera autorisée.

Elle peut être obligatoire ou non. Si la cour rend un avis consultatif et qu’elle interprète un traité, cet avis ne sera pas obligatoire par exemple.

B) Comment   ?

Selon quelles règles faut-il interpréter ?

Dans la pratique et dans la jurisprudence il y a une foule de principes qui se sont développés. C’est un peu n’importe quoi : le statut de ces principes est très incertain. Voir supra les principes généraux du droit international : les principes interprétatifs ne sont pas normatifs, ce ne sont pas des commandements juridiques précis mais dans la pratique, ce sont des sortes de guides qui doivent aider l’interprète à faire en sorte que son interprétation s’approche le plus possible d’un résultat juste et exacte et pas complètement déraisonnable.

Cela ne nous aide pas beaucoup… il faut considérer que la seule véritable règle pour l’interprétation, c’est la volonté des parties contractantes ; critère ultime.Par définition cette volonté n’est pas très claire sinon il n’y aurait pas lieu à interprétation. Donc c’est là toute la difficulté.

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VIENNE donne quand même quelques indications et c’est déclaratif de droit coutumier a jugé la cours : on les trouve aux articles 31 et suivants.

- Article 31, §1er : principe général   : un traité doit être interprété de bonne foi dans son contexte, en tenant compte des termes, de son objet,… Sans blague ! On s’en serait douté. Donc cela ne nous aide pas.

- A l’article 32, la convention parle des travaux préparatoires du traité. Ils viennent seulement à titre subsidiaire dans cet article : on ne peut donc pas se ruer dessus pour interpréter dessus. On ne peut y recourir que si l’interprétation donnée par l’article 31 laisse le sens ambigu ou obscur ou donne un résultat totalement absurde. Donc c’est que quand l’article 31 ne marche pas.

- Prenons maintenant l’article 31, §3, c). Le traité doit être interprété en tenant compte de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre parties contractantes. C’est ce qu’on peut appeler une règle d’interprétation systémique   : il s’insère dans un système donc il faut l’interpréter à la lumière de ce système et de toute règle pertinente du droit des gens qui serait applicable dans les relations entre els parties contractantes.

1) ARRÊT 2003 : LES PLATE FORMES PÉTROLIÈRES

Cela illustre parfaitement l’interprétation systémique. C’était Iran contre US. Il faut remonter à la première guerre du golfe : 80-88 entre l’Irak et l’Iran. Les US soutiennent l’Irak. Les autorités iraniennes ont lancé plusieurs attaques contre des navires étrangers qui naviguaient dans le golf persique car des petites vedettes iraniennes lançaient les attaques au départ de plate formes pétrolières du golf. Quand le cargo américain passait, on lançait une attaque. Les US ont alors décidé de bombarder certaines plate forme pétrolière. L’Iran a alors saisit la CIJ sur la base du traité de 1955 pour l’amitié et le commerce entre les deux états. Dans ce traité l’article 20 prévoit que les parties contractantes restent libres de prendre des mesures vitales pour leur sécurité. C’est cela qui a été débattu. Les US se sont appuyés dessus pour justifier leur bombardement. La cour a du interpréter le terme « mesure » : elle juge qu’il ne peut pas être interprété de manière isolée en citant l’article 31, 3, C). Les US ne sont pas partie à Vienne mais peu importe, c’est du droit coutumier. Elle va regarder les règles de droit international qui parlent de la légitime défense car elle dit qu’il faut interpréter « mesure » à la lumière des règles qui s’appliquant dans l’utilisation de la force. Et cela selon els règles qui s’appliquent entre l’Iran et les US. Mais la cour va dire que les US n’ont pas respecté les règles de légitime défense car disproportionné mais pas violé le commerce donc ne sera pas condamné.Mais la cour glisse du traité de 55 aux règles sur la légitime défense via ce principe d’interprétation systémique car le traité ne peut pas être interprété tout seul dans son coin mais dans l’ensemble des autres règles de droit international. Mais cela pose problème quant à la compétence de la cour ! Les US n’avaient pas reconnu la compétence de la cour concernant les règles de légitime défense… Pas sur qu’elle était compétente pour ce qu’elle a fait.

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Page 47: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

2) SENTENCE ARBITRALE DE 2005 (BELGIQUE – PAYS BAS) : LE RHIN DE FER

C’est une ligne de chemin de fer à cheval sur la Belgique et les PB : dans un traité de séparation de 1839, on prévoit une ligne de chemin de fer à travers les PB et un droit de transit à travers la Belgique. Il y a quelques années les deux états voulaient la remettre en route et les travaux commencent. Mais cela bloque et un litige surgit quant aux responsabilités de l’un et de l’autre dans les travaux de rénovation. Ces deux états veulent porter l’affaire devant un tribunal arbitral pour que ce litige soit réglé. Pour cela il va devoir interpréter les dispositions du traité de 1839 qui prévoit l’aménagement du chemin de fer. Il va interpréter ce traité à la lumière d’autres règles pertinentes de droit international applicable entre les parties : 31, 3, c). Il dit que c’est du droit coutumier et donc il procède à une interprétation systémique : il va utiliser les règles plus récentes du droit de l’environnement.Dans l’interprétation du traité aujourd’hui, pour voir qui doit faire quoi et comment, il fau tenir compte des prescriptions du droit de l’environnement actuel.

3) COSTA RICA – NICARAGUA (2009)

Ce cas n’illustre pas vraiment ce type d’interprétation mais c’est voisin.Il s’agissait d’un différend sur le droit de navigation sur le fleuve San Jouan qui fait la frontière entre les deux états. L question était régie par un vieux traité de 1848 entre les deux états : la cour doit l’interpréter. Il prévoyait que le CR avait un droit de navigation sur le fleuve à des fins de commerce. Et c’est ça qui posait problème : qu’est ce que le commerce au ses du traité. Le Nicaragua disait que c’était que le commerce de marchandises. Mais le CR disait que c’était aussi le commerce de services. Ce qui était en cause c’était le service de transports de personnes et plus précisément de touristes.C’est sur qu’en 1848 le commerce ne vise que le commerce des marchandises mais c’est sur qu’en 2009 c’est aussi le commerce de service et y compris le transport de personnes et de touristes. La cour juge dans un premier temps que à première vue il faut regarder la volonté des parties contractantes telle qu’elle a été exprimée au moment de la conclusion du traité donc en 1848. Donc ce n’était qu’un commerce de marchandise. MAIS dans certaines hypothèses il faut actualiser le contenu du traité et il faut tenir compte de l’évolution que les termes du traité ont pu connaître jusqu’au moment du prononcé. Dans certains cas donc il faut tenir compte du sens que le traité peut recevoir au moment où la cour de prononce.Et la cour estime que c’est le cas en l’occurrence : il ne faut pas s’en tenir au sens de 1848 mais il faut tenir compte de l’évolution. Elle juge qu’il en est ainsi quand le traité utilise des termes génériques comme « commerce » : comme c’est générique c’est susceptible d’évoluer. D’autant plus que le traité a été conclu pour une durée illimitée donc cela augmente le risque dévolution des concepts du traité. Ce faisant elle ne fait que respecter la volonté des parties contractantes dit la cour. En interprétant le traité de manière dynamique elle ne fait qu’appliquer la volonté des parties contractantes : elles n’ont pas pu vouloir rendre les termes génériques figés, elles auraient voulu que les termes évoluent avec le temps.

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Page 48: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Elle juge que « commerce » vise aussi le transport de service comme le transport de touriste en faveur du CR.

Elle ne regarde pas à la lumière d’une autre règle de droit international et elle ne regarde donc pas le système de droit international qui s’applique entre les parties. Mais c’est une interprétation évolutive : le terme commerce et lui seul est interprété de manière dynamique.

§6. Modifications

Voir la convention de VienneCe n’est pas très compliqué pour les principes.

Ce n’est pas comme l’interprétation authentique qui elle est déclarative et rétroagit : le traité est sensé avoir toujours eu le sens qui lui est donné par l’interprétation authentique.Mais la modification d’un traité ne vaut que pour l’avenir, sauf stipulation contraire.

Aller lire les articles 39 à 41 de la Convention de Vienne.

- Tous d’accord

Il n’y a aucun problème si toutes les parties contractantes sont d’accord pour modifier le traité. Ce que touts les états parties ont fait, ils peuvent le défaire : un nouveau traité dira que le traité initial est modifié selon ceci cela.C’est le traité initial qui prévoit dans ses clauses finales quelle procédure doit être suivie si un jour les parties veulent le modifier. L’article 40 prévoit des règles supplétives si le traité ne dit rien.

- Que certaines parties contractantes

L’article 41 prévoit les règles applicables dans le cas où certaines parties contractantes veulent modifier des règles du traité dans leurs relations mutuelles. Cela ne vaudra donc pas envers les autres parties contractantes.Nous ne nous étendrons pas là dessus, voir l’article.

§7. Suspension et terminaison des traités

A) GÉNÉRALITÉS

Regardons les causes prévues par la Convention de Vienne. Cela met fin au traité ex nunc : cela la distingue de la nullité qui fait disparaître le traité depuis le début : il n’est censé n’avoir jamais existé.

Vienne les énumère limitativement car il y a un souci de stabilité des relations conventionnelles. On ne veut pas de remise en cause permanente par les états.

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Page 49: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- Article 73

L’article 73 prévoit qu’elle est sans préjudice de tout ce qui peut se passer en cas de succession d’état, de responsabilité internationale ou de guerre. Donc ces circonstances particulières peuvent peut-être avoir une incidence sur l’existence d’un traité. Mais la convention ne se prononce pas là dessus car en 69 ces questions n’étaient déjà pas mures pour être codifiées, comme aujourd’hui.Elle ne se prononce ni dans un sens ni dans un autre.

Pour le reste c’est limitativement énuméré.

- Désuétude

Ce n’est pas une cause de terminaison des traités : la réponse est catégorique puisque Vienne ne la reprend pas. On peut ne pas appliquer un traité pendant des dizaines d’années et ca ne sera pas en soit une cause de terminaison des traités.

TEMPÉRAMENT : l’inapplication prolongée d’un traité peut être le signe d’un accord entre les parties pour mettre fin au traité. On va déduire un accord unanime de mettre fin au traité du comportement des parties contractantes. Si elles sont toutes d’accord, cela ne pose pas de problème, c’est une cause bien admise.

Il n’y a pas de prescription extinctive des obligations. Aucun délai n’est prévu par le droit international donc c’est qu’il n’y a pas. Cela pourrait aller contre la sécurité juridique éventuellement.

- La rupture des relations diplomatiques

C’est prévu explicitement par la convention de Vienne à l’article 63 : ce n’est pas une cause de terminaison des traités à soi seul. La rupture des relations consuelles non plus et ainsi de suite.

Pour le reste, on va trouver des causes de terminaison très proches des causes de terminaison des contrats. C’est très fortement inspiré avec comme en matière de nullité cette différence en terme de règlement des litiges : il n’y a pas de juge obligatoire en DI qui pourrait imposer sa solution.

B) LES CAUSES SUBJECTIVES

Ce sont celles qui relèvent de la volonté d’une ou des parties contractantes. Elles reposent sur la volonté de mettre fin au traité.

1) La volonté commune

C’est la volonté de l’ensemble des parties au traité.Ce que tous les états ont fait, ils peuvent le défaire donc ils se mettent d’accord pour mettre fin à celui-ci. Ils vont faire un nouveau traité et ils mettent une clause abrogatoire du traité initial. En réalité ce n’est même pas nécessaire : on peut imaginer que tous les états parties fassent un traité sur la même matière et qu’il s’avère incompatible avec le premier : dans ce cas si ce sont les mêmes états, il faut

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Page 50: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

considérer que le premier traité est implicitement abrogé. A défaut de stipulation expresse, implicitement le deuxième traité met fin au premier.

On peut aussi imaginer l’hypothèse du terme qui aurait été inséré dans le traité initial. Ce n’est pas rare.

- Prenons le traité CECA de 1951 : il avait été conclu pour une durée déterminée : 50 ans. Il est inexorablement arrivé à échéance et a disparu. Cela ne pose aucun problème niveau sécurité juridique car c’est la volonté des parties contractantes qui met fin au traité par un terme.

- Autre exemple : le traité de Benelux de 1958 vient à échéance fin octobre 2010. Il avait été conclu pour 50 ans.

Article 59 de la convention de Vienne

2) La volonté unilatérale

C’est plus délicat d’accepter que la volonté unilatérale puisse défaire la volonté de tous…

- La dénonciation unilatérale est prévue dans le traité

Soyons clairs, si le traité prévoit cette faculté, cela ne pose aucun problème. Et il n’est pas rare que le traité prévoit une clause de dénonciation unilatérale : c’est à dire le retrait unilatéral d’un traité. On retombe dans la volonté commune : en négociant le traité on décide qu’on accepte une volonté unilatéral. La seule chose c’est qu’il faut respecter les conditions éventuelles qui avaient été fixées pour cette dénonciation unilatérale.Mais en soi cela n’a rien d’unilatéral, mais l’expression de la volonté de tous les états.

Quid si les conditions ne sont pas remplies   ?

Un état dénonce un traité de manière irrégulière. On peut se poser la question pour le traité du TNP : le traité de non prolifération de 68. La Corée du nord a dénoncé ce traité, d’ailleurs deux fois sans ré adhérer entre les deux  Une fois en 94 et une fois en 2003. Le traité prévoit qu’il faut une circonstance exceptionnelle et il faut s’expliquer mais la Corée du Nord n’a jamais été convaincante. Puisqu’en plus elle a voulu se délier une deuxième fois, c’est qu’il estime bien qu’il ne s’est jamais délié la première fois…Si la dénonciation est irrégulière, l’état est-il délié du traité ou pas ? Pas de réponse dans la pratique contemporaine.Mais la seule chose, c’est que la dénonciation irrégulière s’analyse comme un rejet non autorisé du traité et c’est une violation substantielle du traité, ce qui autorise les autres états parties à mettre fin au traité. En l’occurrence ce sont plutôt les autres états du TNP qui pourraient mettre en cause l’attitude de la Corée du nord mais cela n’a pas de sens car on veut que la Corée du Nord reste dedans et que les obligations du traité s’imposent à elle…

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- Quid lorsque le traité est muet et ne contient pas de clause de dénonciation unilatérale ?

Il faut regarder l’article 56 de Vienne : le principe, c’est que c’est interdit. Dans le silence du traité, un état ne peut pas dénoncer unilatéralement un traité. Sinon on s’en sortirait pas et plus de pacta sunt servanda.

Deux exceptions   :

- Il peut être dénoncé unilatéralement lorsqu’il ressort du traité que telle fut l’intention tacite des parties contractantes. A la limite, même pas besoin de le dire on retombe dans la volonté commune.

- Le traité peut être dénoncé unilatéralement s’il est de la nature du traité de pouvoir être dénoncé unilatéralement.Cela devient plus gênant car il faut interpréter cette notion de nature du traité. On cite généralement un exemple : les traités d’alliance militaire. Un traité de ce type serait pas nature dénonciable unilatéralement car par nature les alliances militaires cela change avec le temps. Donc même si le traité est muet, il faudrait admettre qu’un état partie peut le dénoncer unilatéralement.Cela paraît assez incontestable mais le seul problème c’est qu’ils sont cités pour illustrer la deuxième exception (la nature du traité) mais c’est plutôt n excellent exemple de la première exception ! On retombe plutôt dans l’exception n°1 qui n’en était pas vraiment une comme c’était la volonté commune…

Donc on ne voit pas vraiment comment faire mais c’est inscrit dans la Convention de Vienne à l’article 56 ! Pas de précédent et pas de jurisprudence.

Au surplus la convention de Vienne prévoit au §2 un préavis de six mois pour les états parties à la convention de Vienne.

De plus, notons que certains traités sont réputés par nature non dénonciables unilatéralement. La nature prévoit qu’il ne peut pas être dénoncer. C’est dans le pacte international relatif aux droits civil et politique : pas de règle pour sa dénonciation. Mais le comité des droits de l’homme des nations unies (qui supervise le pacte) a déclaré dans une observation générale de valeur doctrinale que le pacte, ce sont les droits de l’homme, donc par nature on ne peut pas le dénoncer. C’est assez farfelu…

C) LES CAUSES OBJECTIVES

Elles sont indépendantes de la volonté des parties contractantes. Cela ne veut pas dire que le traité prendra fin de plein droit: il faut qu’une cause soit invoquée par un état. Il y a une cause totalement indépendante de la volonté des états qui va se produire et un état pourra s’en saisir pour mettre fin au traité.

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Page 52: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

1) L’exception d’inexécution

C’est un mécanisme de réciprocité. Lorsqu’un Etat commet une violation substantielle du traité, un des autres Etats parties peut y mettre fin en tout ou en partie (article 60, §3 de la CV, règle de droit coutumier comme le rappelle la Cour en 1961).

L’avis consultatif de 1971 de la Cour sur la Namibie : ce territoire du Sud Ouest Africain était administré à l’Afrique du Sud. La RSA a exporté son système d’apartheid là bas. Cela a provoqué la terminaison du mandat d’administration de la Namibie. La RSA a contesté cette terminaison mais la Cour l’a retenue sur base de l’article 60 de la CV et du principe d’exception d’inexécution.

La violation substantielle est un rejet non autorisé du traité. Ca peut aussi être une violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet et du but du traité. C’est parfois difficile à apprécier. A cet égard, il faut signaler la pratique de l’Union Européenne. L’Europe a commencé à introduire dans des traités des « clauses éléments essentiels ». Par exemple, « les droits de l’homme et la démocratie sont des éléments essentiels ». Pourquoi la communauté s’est engagée sur cette voie ? Pour pouvoir se prémunir de l’article 60 de la CV et de l’exception d’inexécution.

L’article 60 n’est pas applicable en matière de droit humanitaire et de droit de l’homme. L’article 60, §5 prévoit que si c’est un traité humanitaire (droit de l’homme), l’Etat ne peut pas invoquer l’exception d’inexécution.

2) L’impossibilité d’exécution

Article 61 de la convention de Viennes : l’élément central est la destruction définitive d’un élément indispensable à l’exécution d’un traité.

Exemple   : un traité dont l’exécution devrait avoir lieu sur une île, et l’île en question disparaît car elle est engloutie. Le traité devient impossible à exécuter.

/! Il ne faut pas confondre avec la force majeure (c’est, en droit international, une circonstance excluant l’illicéité).La force majeure rend un comportement illicite conforme au droit. On est dans un tout autre registre que l’impossibilité d’exécution, qui permet de mettre fin à un traité. L’impossibilité d’exécution permet d’excuser un comportement illicite dans le cadre du droit de la responsabilité. Les conditions de la force majeure sont un peu plus souples que celles de l’impossibilité d’exécution, c’est normal car il ne s’agit que d’excuser un comportement illicite. Il faut distinguer les deux concepts

3) Un changement fondamental de circonstancesArticle 62 de la convention de Viennes : l’idée, derrière l’article 62, c’est, comme dans le droit des contrats, que le traité est censé ne pouvoir subsister qu’aussi longtemps que rebus sic standibus.La convention de Viennes, dans son article 62, fait place à une théorie de l’imprévision. Les parties doivent pouvoir être libérées de leur engagement conventionnel le jour où l’économie du traité vient à être bouleversée. Les parties se sont engagées au moment de la conclusion du traité dans telles circonstances précises. Si ces circonstances, en cours d’exécution du traité, viennent à changer radicalement,

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Page 53: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

que la portée des obligations est radicalement transformée, on peut comprendre que les parties souhaitent être libérées de leurs engagements.Il faut accepter cette idée avec une certaine prudence. Les parties ne peuvent pas, dès que les circonstances changent quelques peu, mettre fin à leurs obligations conventionnelles.L’article 62 admet que le changement fondamental de circonstances puisse être invoqué, mais à des conditions étroites :

- il faut que les circonstances aient constitué une base essentielle du consentement des parties à être liées par le traité

- il doit y avoir un changement fondamental de ces circonstances en cours du traité, le changement de circonstances doit avoir pour effet de transformer la portée des obligations qu’il reste à exécuter en vertu du traité.

- il faut que ce changement n’ait pas été prévu par les parties.

En outre, il y a deux limites : Ca ne peut pas être invoqué en cas de traité de frontière Le changement fondamental de circonstances ne peut être invoqué

par la partie responsable du changement fondamental de circonstances.

Il y a de la jurisprudence sur l’article 62. Deux arrêts sont à signaler :Arrêt Slovaquie contre Hongrie   :

Au moment de la conclusion du traité, la Tchécoslovaquie et la Hongrie ont conclu un traité relatif à des écluses et des barrages sur le Danube. Le traité n’a pas été exécuté correctement, de parts et d’autres. Devant la Cour, la Hongrie dit que le traité aurait été terminé par l’effet d’un changement fondamental de circonstances dû à l’évolution du droit de l’environnement. La Hongrie, en 1992, devant La Cour dit que le droit de l’environnement s’est développé considérablement, ce n’était pas prévisible, ça a changé la portée de l’obligation du traité (ça alourdit les obligations des parties contractantes). La Hongrie prétend en circonstances que le traité a pris fin par le fait d’un changement fondamental de circonstances. La Cour refuse d’admettre que le traité a pris fin sur cette base. L’évolution des normes en matière de droit de l’environnement n’était pas imprévisible.Le changement n’était pas imprévisible, une condition fait défaut.Affaire RACKE

La société RAC (une société allemande) important du vin du Kosovo et elle bénéficiait, à ce titre, d’un tarif douanier préférentiel en vertu de l’accord de coopération entre la CE et l’ex Yougoslavie. La guerre éclate en ex-Yougoslavie, dans les années 1990. En 1991, la CE décide de suspendre puis de mettre fin à l’accord de coopération avec l’ex-Yougoslavie. La société RAC perd le bénéfice de son tarif douanier préférentiel prévu par ledit accord. L’affaire se retrouve devant les tribunaux allemands et une question préjudicielle en question de validité se retrouve devant la Cour, sur la validité du règlement par lequel la CE a mis fin à l’accord de coopération avec l’ex-Yougoslavie. RAC prétend que ce règlement est nul, que la CE n’était pas autorisée à mettre fin à l’accord de coopération avec l’ex-Yougoslavie. Devant la Cour, le conseil de l’UE va justifier la terminaison de l’accord de coopération par un changement fondamental de circonstances : la guerre a éclaté et a entraîné un démantèlement de l’Etat cocontractant. C’est un changement fondamental de circonstances qui a pu justifier que l’on mette fin à l’accord de coopération.

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Page 54: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

La Cour reconnaît le changement fondamental de circonstances. La CE n’est pas liée par la convention de Viennes sur le droit des traités. Mais la Cour juge que ce n’est pas un problème vu que l’article 62 reflète le droit coutumier en vigueur et, à ce titre, la CE peut s’appuyer sur un changement fondamental de circonstances.

4) La survenance d’une norme de jus cogens

Le ius cogens qui survient après la conclusion d’un traité.

Souvenons-nous de l’article 53 de la convention de Viennes qui définit le ius cogens : un traité qui est contraire à une norme de ius cogens est nul.

L’article 64 de la convention de Viennes parle également du ius cogens, mais au titre de la terminaison des traités. L’hypothèse est inverse : imaginez un traité conclu à un moment donné, qui est parfaitement valable. Quelques années plus tard, une nouvelle norme de ius cogens apparaît, et on constate que cette norme est contraire au ius cogens. Le traité prendra fin en vertu de l’article 64.Le traité est mal rédigé « devient nul » peut être biffé. Ce n’est pas une cause de nullité du traité, ce traité prend fin pour l’avenir, comme toujours en matière de terminaison des traités, ce n’est pas rétroactif.

Exemple   : un traité sur l’esclavage n’était pas contraire à l’ordre public au 18ème. Une fois que l’esclavage devient interdit, le traité prend fin pour l’avenir.

C’est très théorique car il n’y a pas de jurisprudence, pas d’application.

5) La guerre ?

Quel est l’effet de la guerre sur les traités ?

La convention de Viennes ne se prononce pas directement, ni dans un sens ni dans l’autre. C’est une question qui a été laissée de côté. Il faut distinguer trois situations sur l’effet de la belligérance sur les traités :

a. Les traités incompatibles avec un Etat de guerre prennent fin. Imaginons un traité d’amitié entre deux Etats, si une guerre éclate entre ces Etats, ce traité est suspendu pendant les hostilités.

b. Les traités régissant le droit de guerre subsistent.c. Qu’en est-il des autres traités ?

Il n’y a pas de règle certaine à ce jour. Sans doute sont-ils suspendus entre belligérants dans leurs relations mutuelles pendant la durée des hostilités. Par contre, probablement, ne sont-ils pas suspendus entre les belligérants et les non belligérants, et ils ne sont pas suspendus entre les non belligérants. Le traité reste applicable pleinement dans les autres relations que celles entre belligérants.

Tout ceci, concernant la guerre, sans préjudice de la guerre qui « rentrerait par la fenêtre » grâce à une autre cause de terminaison. Rappelons-nous, dans l’affaire RAC, les motifs de la Cour ne sont pas tout à fait clairs, la guerre en tant que telle est considérée comme un changement fondamental de circonstances et, à ce titre, sur la

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base de l’article 62, conduit à la terminaison d’un traité. On pourrait aussi songer à une impossibilité d’exécution.

D) PROCÉDURE DE TERMINAISON

Cfr ce qu’on a vu plus haut, même procédure que pour la nullité des traités (article 65 et suivants). Il faut obtenir la terminaison, il faut la solliciter.

E) EFFETS DE LA TERMINAISON   : DIVISIBILITÉ DES TRAITÉS

A. Effets

Le traité prend fin mais pour l’avenir uniquement. C’est la différence essentielle avec la nullité, qui rétroagit. On a donc un maintien des effets produits tant que le traité était en vigueur (article 70 §1er).

B. La divisibilité

Le traité disparaît-il en totalité ou en partie ? Le principe (article 44 §2), le traité disparaît en totalité, en bloc, la divisibilité est exclue. Toutefois, il y a deux exceptions :

o dans le cadre de l’article 44 §3, du respect des conditions fixées par cet article

o Il peut y avoir divisibilité dans le cadre de l’article 60 de la convention de Viennes, de l’exception d’inexécution.

F) SUSPENSION DES TRAITÉS

A. Différence avec l’extinction (terminaison) : article 72

Le traité survit, il reste en vigueur en cas de suspension, mais est en quelques sortes dans des limbes juridiques, sa force obligatoire est suspendue temporairement. Pendant la suspension du traité, les parties doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les parties puissent reprendre l’exécution du traité de manière normale.

B. Les causes de suspension

Elles sont énumérées limitativement par la convention de Viennes, mais attention, sans préjudice des contre mesures. En d’autres termes, un traité pourrait être suspendu en-dehors des causes prévues par la convention, mais sur la base des contre mesures. Qu’est-ce ? C’est un fait illicite qui répond à un autre fait illicite (« œil pour œil, dent pour dent ») et qui, de ce fait là, devient licite pour autant que certaines conditions soient réunies.

On pourrait imaginer la suspension d’un traité sur la base des contre mesures. Dans l’arrêt Hongrie, la Cour a dit que si les conditions de la convention ne sont pas réunies, on peut se baser sur les contre mesures.

Cela étant dit, revenons-en à la convention de Viennes et aux causes qu’elle reprend :

1. Le commun accord des parties

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Page 56: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Ne pose aucun problème juridique. Les articles 57 à 59 envisagent cette hypothèse.

2. Les articles 60 à 62L’exception d’inexécution, l’impossibilité d’exécution, le changement fondamental de circonstances sont des causes de terminaison qui peuvent aussi être des causes de suspension. Quand la cause peut donner lieu à la fois à la suspension et à la terminaison, comment choisir ? La convention de Viennes ne prévoit pas grand chose, elle prévoit deux règles expliciteso En cas d’impossibilité d’exécution : si l’impossibilité n’est que

temporaire, il y a lieu à suspension, et non pas à terminaison.o À l’article 60 §2 b) et C), en cas d’exception d’inexécution, pour les

traités multilatéraux, il y a suspension.

Ce sont les seuls cas où la convention de Viennes prévoit explicitement qu’il y a lieu à suspension et non à terminaison. Quid dans les autres cas ? On pourrait laisser la liberté totale aux parties contractantes. Mais ça semble excessif. Il faut considérer, selon une règle de raison, qu’il y a lieu à suspension si c’est suffisant, si aux yeux des Etats qui recourent à la suspension, celle-ci est suffisante pour atteindre l’objectif. On applique dans la règle de raison : la suspension doit être privilégiée si elle s’avère suffisante pour atteindre l’objectif fixé par l’Etat qui soulève la suspension.

G) LA PROCÉDURE DE SUSPENSION

C’est la procédure des articles 65 à 67.

H) EFFETS DE LA SUSPENSION

- Effets : on suspend la force obligatoire du traité

- Divisibilité : il y a lieu à divisibilité, le traité ne sera suspendu en partie, que dans le cas de l’article 44 §3. Il peut y avoir divisibilité dans le cas de l’article 60.

Section 4   : Les actes unilatéraux La norme peut-elle provenir de la volonté unilatérale d’un sujet ?

§1. Actes unilatéraux des Etats

1. Principe

La doctrine dit qu’un Etat ne peut pas s’engager unilatéralement, l’engagement unilatéral ne peut pas être source de droits et d’obligations pour l’Etat. Il faut

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Page 57: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

nécessairement qu’il y ait une acceptation de la part d’au moins un autre Etat. Alors, évidemment, il n’est plus unilatéral. On a alors un engagement qui rencontre une acceptation, ça s’appelle un traité, on retombe dans la sphère conventionnelle bien admise.

L’engagement unilatéral tout seul ne marche pas. Si on l’acceptait, ça poserait un problème aigu : le problème du retrait de l’engagement. Quelle sécurité juridique resterait-il si un Etat pouvait faire des promesses unilatéralement, se mettre des obligations à sa propre charge. Quid si, du jour au lendemain, sans avoir à se justifier, il peut retirer unilatéralement sa promesse ? Sur fond de la doctrine classique, il y a néanmoins deux arrêts à signaler

2. Jurisprudence

- 1974 : L’affaire des essais nucléaires

La France conduit des essais nucléaires dans le Pacifique Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande en ont marre et ces deux Etats saisissent la CIJ pour lui demander d’ordonner à la France de cesser ses campagnes d’essais nucléaires.Alors que l’affaire est pendante devant la Cour, des autorités de l’Etat français font des déclarations dans la presse en disant que c’est leur dernière campagne. La Cour a considéré que la France s’était engagée unilatéralement par ses déclarations à mettre fin aux essais nucléaires et que, donc, l’Australie et la Nouvelle-Zélande avaient obtenu ce qu’elles recherchaient et que l’affaire ne demandait plus à être tranchée.La Cour justifie son arrêt en se basant sur la bonne foi qui, selon elle, doit présider à l’exécution des obligations internationales.En substance, la Cour juge qu’on ne peut pas imaginer que la France ne respecte pas ses engagements. Sur cette base, la Cour accorde un effet juridique aux promesses de la France, à l’engagement unilatéral de la France. Ca paraît relever d’un certain bon sens. Cela étant dit, en ce qui concerne les actes unilatéraux, il y a un revirement par rapport à ce qu’enseignant la doctrine classique.

Toute la question est de savoir si cette jurisprudence est toujours celle de la Cour, d’où l’intérêt de l’arrêt de 1986.

- 1986 : Nicaragua contre USA

Les Usa menaient des actions militaires clandestines contre le gouvernement du Nicaragua. Cet Etat saisit la Cour contre les USA. Un des moyens avancés par les USA pour justifier leurs actions était que le Nicaragua avait communiqué au secrétaire général de l’OEA (organisation des Etats américains) un plan de paix unilatéral dans lequel il s’engageait à respecter les droits de l’homme, notamment. Les USA soutiennent que ces engagements contractés par le Nicaragua n’ont jamais été respectés, d’où, la licéité de leur intervention. La Cour examine le plan de paix en question, la nature des engagements pris unilatéralement par le Nicaragua vis-à-vis des USA.La Cour juge qu’il n’y a pas là un engagement juridique, ce ne sont que des engagements politiques. Ce qui est intéressant, mais ce qui est aussi ambigu, c’est que la Cour ajoute que « l’engagement pris par le Nicaragua n’est pas une promesse qui, par son acceptation, aurait public constituer un engagement juridique ». L’ambigüité

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Page 58: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

vient du fait qu’on parle d’acceptation : la Cour revient-elle sur son prononcé de 1974 ? Désavoue-t-elle l’arrêt essais nucléaires et estime-t-elle désormais qu’une promesse unilatérale doit être acceptée pour créer un engagement juridique ? Ce n’est pas certain car la Cour ne cite pas du tout son arrêt de 1974. Et d’autre part, ce n’est qu’au détour d’une phrase, que de manière surabondante que la Cour évoque l’acceptation de l’engagement unilatéral. Le motif, c’est le fait que l’engagement est de nature politique. Mais elle ajoute que, de toute façon, il aurait fallu une acceptation (sans que ça soit le motif principal).

Il est difficile de déterminer si c’est un revirement jurisprudentiel : la Cour revient-elle à la doctrine classique (et donc à la notion d’acceptation) ? Ce n’est pas certain.

3. Les travaux de la CDI

Par contre, en-dehors de la jurisprudence, on a les travaux de la Commission du droit international qui a adopté des principes directeurs en 2006. C’est de la doctrine, sans plus, qui n’a donc aucune valeur contraignante. Ils acceptent de manière claire les engagements unilatéraux des Etats. Ces principes directeurs sont dans le prolongement de l’arrêt de 1974.

Le changement fondamental de circonstance du droit des traités est transposé dans la sphère des actes unilatéraux. Il peut également jouer comme une cause de rétractation d’un engagement unilatéral.

§2. Actes unilatéraux des organisations internationales

1. Les actes des organisations qui s’adressent aux Etats tiers

Tous les principes vus à propos des actes unilatéraux à propos des Etats seront applicables puisqu’on aura une relation entre une organisation et un Etat tiers comparable à la relation entre deux Etats. L’engagement sera valable ou non, selon l’arrêt qu’on retient (1974 ou Nicaragua).

2. Les actes des organisations qui s’adressent aux Etats membres

L’organisation s’adresse à l’un de ses Etats membres. Pour déterminer les effets juridiques d’un tel acte unilatéral, le principe c’est qu’il faut regarder dans le traité constitutif de l’organisation, dans les règles propres de l’organisation. Généralement, le traité constitutif précise quels sont les effets juridiques des actes unilatéraux de l’organisation vis-à-vis des Etats membres.

De manière générale, les organisations n’ont que le pouvoir de faire des recommandations non obligatoires, dépourvues de force obligatoire. Néanmoins, les Etats membres doivent rester de bonne foi. Cela étant dit, de plus en plus souvent, les organisations ont malgré tout le pouvoir d’obliger leurs Etats membres, d’adopter des actes contraignants qui deviennent donc, pour les Etats membres, une source de droit international.

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Page 59: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Section 5   : Les rapports entre droit international public et droit interne belgeIl faut articuler le droit international avec les droits internes parce que le droit international suppose l’existence de droits nationaux des Etats. En effet, l’objet même du droit international public est d’assurer la coexistence et la coopération entre Etats. Le droit international suppose l’existence d’Etats, et donc l’existence d’ordres juridiques nationaux. Il faut penser l’articulation entre cet ordre juridique international et les ordres juridiques des différents Etats qui sont le sujet du droit des gens.

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Page 60: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

A l’inverse, un droit national peut ne pas réfléchir à la question de son articulation avec le droit international.

Il faut distinguer le point de vue du juge international du point de vue du juge national.

§1. Le point de vue du juge international

Du point de vue international, le droit interne est considéré comme du fait.Le droit international ne nie pas la nature normative du droit interne, il lui dénie simplement une portée normative. L’article 27 de la convention de Viennes sur le droit des traités prévoit en effet qu’un Etat ne peut pas s’abriter derrière son droit national pour justifier l’inexécution de ses obligations internationales. Le fait qu’un Etat invoque l’incompétence de l’organe qui a conclu un traité est soumis à des conditions très strictes. Un Etat peut se retrancher derrière son droit interne, mais c’est l’exception au principe posé par l’article 27 ! L’inverse conduirait le droit international à s’autodétruire.

En réalité, il n’y a pas vraiment de conflit entre droit international et droit interne car, du point de vue du droit international, il y a un conflit entre une norme (le droit international) et du fait (le droit interne), et il est évident que c’est le droit qui doit l’emporter. Ce n’est pas dû à une quelconque primauté mais au fait qu’entre droit et fait, le droit l’emporte.Généralement, on dit que du point de vue du droit international, le droit international prime le droit interne, on estime qu’il y a un conflit entre deux normes. Quand on regarde de plus près, on se rend compte que c’est un conflit entre une norme et du fait.

Les choses sont assez claires du point de vue du juge international. C’est ainsi qu’on a une abondante jurisprudence de la CIJ et de la CJCE qui consacre ce principe. Exemple : la CJCE dit à la Belgique qu’elle s’en fout de la structure fédérale qui met du temps pour les transpositions, car ce n’est pas une cause d’excuse au regard du droit européen.

§2. Le point de vue du juge interne : les solutions belges

1. LE PRINCIPE GÉNÉRAL

C’est bien plus compliqué du point de vue du droit interne parce qu’ici, le droit international est considéré comme du droit par le droit interne. Le droit international public est du droit aux yeux du droit interne, c’est un ordre juridique étranger, et donc il convient de discipliner les rapports entre le droit interne et le droit international.

Ce qu’il faut noter, c’est qu’à cet égard, le droit international laisse une totale liberté aux Etats. Les Etats sont libres de règlementer les rapports entre leur ordre juridique interne et l’ordre juridique international. Le droit international ne prescrit aucune

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Page 61: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

solution quant au rapport entre le droit interne de tel ou tel Etat et le droit international.

Il y a toutefois une exception, c’est le droit de l’UE. La spécificité à cet égard du droit européen, c’est qu’il fait obligation aux Etats membres de reconnaître le droit européen dans leurs ordres juridiques internes. Du point de vue du droit européen, il y a primauté, c’est certain. C’est l’arrêt Costa contre Enel. La conséquence est que chaque droit interne règle cette question des rapports avec le droit international de manière souveraine. On aura donc des divergences entre Etats. Le droit grec va admettre la primauté du traité sur la Constitution, le droit français refuse la primauté de la coutume internationale sur la Constitution française, etc. Chaque Etat reste libre de régler la question comme bon lui semble.

Quand on regarde ce qu’il se fait dans les ordres juridiques internes à ce sujet, on a deux grandes tendances qui ont pu être identifiées :

- Le monismeIl n’y a qu’un seul ordre juridique, tout est dans tout, le droit international fait automatiquement partie du droit interne, sans formalité de réception.

- Le dualismeLe dualisme veut au contraire qu’il y ait une frontière entre droit international et droit interne, et que le droit international ne pénètre par le droit interne sans formalité de réception.

Cette histoire de monisme-dualisme est un débat dépassé parce que, quand on regarde dans les faits, il y a peu d’ordres juridiques qui sont réellement monistes ou complètement dualistes. Pour prendre l’exemple du droit belge, il n’est ni moniste ni dualiste. Tout ceci est assez descriptif, c’est de la doctrine, mais ça n’a pas réellement d’intérêt.

Il est plus intéressant de reprendre chaque source du droit international et de voir comment ces sources sont reçues par le droit interne belge.

2. COUTUME

- Monisme

Il y a un adage anglais qui dit que la coutume est immédiatement applicable. Le droit international fait partie, de plein droit, du droit interne des Etats. C’est la solution suivie en Belgique : la règle coutumière internationale est immédiatement applicable dans l’ordre juridique belge, elle ne nécessite donc aucune formalité de réception dans le droit interne belge.

Ce serait difficile de concevoir une formalité législative de réception, comme ça existe pour les traités, s’agissant d’une source non écrite.

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Page 62: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Cette question est réglée par chaque droit interne ! Il ne faut pas confondre la question de l’immédiateté avec l’effet direct (aptitude d’une règle à créer directement des droits et obligations pour les particuliers, sans qu’il soit besoin de mesures nationales d’exécution). L’effet direct, lui, relève du droit international.On voit que dans le cadre de la coutume, on se situe du côté du monisme.

- Coutume et Cour de cassation

La coutume est-elle une loi au sens de l’article 608 du Code judiciaire, qui peut donc être invoquée comme un moyen de cassation devant la Cour ?

Au départ, la jurisprudence a été réticente : un arrêt de 1947 dit que ce n’est pas une loi.

Dans un arrêt de 2001, revirement de jurisprudence : la Cour considère que la coutume est bel et bien une loi et peut être invoquée devant la Cour. Dans cet arrêt du 12 mars 2001, il s’agissait d’un chauffeur de la ligue des Etats arabes (organisation internationale qui a un siège à Bruxelles). Le chauffeur est licencié et conteste son licenciement devant les tribunaux du travail. La ligue des Etats arabes invoque son immunité de juridiction en tant qu’organisation internationale. Le problème, c’est que l’accord de siège, le traité dans lequel était consacrée cette immunité de juridiction, n’était pas encore applicable en droit belge car il n’avait pas encore reçu l’assentiment parlementaire.La Ligue arabe dit que l’immunité est une règle coutumière. La Cour de cassation n’en a pas douté, elle refuse de considérer qu’il y a une règle coutumière prévoyant l’immunité de juridiction des organisations internationales, mais implicitement, elle admet que la coutume puisse être invoquée devant elle. S’il y avait eu une règle coutumière prévoyant l’immunité de juridiction des organisations internationales, cette règle aurait pu être invoquée devant la Cour de cassation.

- Quid en cas de conflit avec le droit interne ?

Dans un arrêt de 1966, la Cour de cassation a jugé qu’en cas de conflit, la loi interne belge prime la coutume. La sécurité juridique a, sans doute, primé : la loi écrite vaut mieux qu’une coutume non écrite.

On en est là aujourd'hui. Il n’y a plus eu de prononcé de la Cour sur cette question. Cela étant dit, on a eu l’arrêt Leski qui a fait primer le traité sur le droit interne.Ne faut-il pas alors considérer, par analogie avec l’arrêt Leski, que la coutume prime également la loi interne ? C’est l’avis du prof.Il faudrait étendre l’arrêt Leski à la coutume et considérer que, comme le traité, la coutume internationale prime le droit interne. Un argument en ce sens et que dans l’ordre juridique international, la coutume a la même valeur que le traité, la même force juridique.Il n’y a donc pas de raison que le traité prime le droit interne, et que la coutume ne prime pas également le droit interne.

08/10/10

3. TRAITÉ

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1) CONCLUSION

A) Les traités fédéraux

- Prérogative régalienne

Les pouvoirs vont au Roi, pas question de partage de compétence avec le gouvernement. L’article 167 de la Constitution nous dit que le Roi dirige les relations internationales. Quand on dit que le Roi fait les traités, au sens de l’article 167 de la Constitution, c'est-à-dire qu’il est à la manœuvre du début à la fin de la procédure de conclusion des traités (il fait des réserves, procède à l’enregistrement, met fin au traité). Quand on dit « Le Roi », on parle en réalité de l’exécutif, c'est-à-dire un ministre, supporté par son administration.

Il y a un seul acte que le Roi doit apposer lui-même : c’est la ratification. Le Roi ratifie le traité, c’est sa signature, avec un contreseing ministériel.

- Le parlement 

Il se contente de peu de prérogatives

L’autorisation parlementaire  

Elle est visée par l’article 167 s’agissant des traités de frontière (c'est-à-dire un traité portant sur la délimitation et modification des frontières de l’Etat). Tout échange de territoire ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi. Le Roi a besoin de cette habilitation sous la forme d’une loi, donc c’est vraiment un système d’autorisation du traité. Pour la sanction de cette règle, cfr ce qui a été dit supra sur l’incompétence d’un organe pour conclure le traité international (article 46 de la convention de Viennes).

L’assentiment parlementaire  

C’est tout autre chose que l’autorisation.

- L’assentiment, c’est une formalité qui permet au traité d’être reçu, d’être intégré dans le droit interne, dans l’ordre juridique belge. On voit que c’est ici, à l’inverse de la coutume internationale, une forme de dualisme qui est appliquée. La coutume est immédiatement applicable, elle n’a pas besoin de formalité de réception en droit interne, tandis que le traité a besoin d’une loi d’assentiment pour pouvoir être applicable dans l’ordre juridique belge.

- L’assentiment a un aspect politique : c’est une forme de contrôle politique par les chambres de l’action internationale du gouvernement.

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Page 64: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- L’assentiment n’a pas de portée internationale, il a des effets en droit interne uniquement, il n’a aucune portée dans l’ordre juridique international. Un traité peut lier la Belgique valablement et être en vigueur vis-à-vis de la Belgique alors même qu’il n’a pas reçu l’assentiment. L’assentiment c’est juste la question de l’applicabilité interne.

- L’objet de l’assentiment : c’est tous les traités. Tous les traités doivent être soumis à l’assentiment (tandis que seuls les traités de frontière doivent être soumis à l’approbation), y compris les accords en forme simplifiée (seulement signés par une autorité incompétente pour engager l’Etat, cfr supra). La spécificité des accords en forme simplifiée est qu’ils sont conclus par un organe incompétent, mais pour le reste ils sont soumis au même régime que les autres, il faut donc une loi d’assentiment si l’on veut qu’ils aient un effet dans l’ordre interne.

- La forme de l’assentiment C’est une loi formelle (et non matérielle) car elle ne renferme pas de norme. Le traité n’est pas incorporé à la loi d’assentiment, le traité ne devient pas du droit belge. « Le traité X sortira son plein et entier effet » est la formule consacrée. Cette loi est une loi bicamérale obligatoire avec un dépôt d’abord au sénat et passe ensuite à la chambre. C’est un projet nécessairement, un parlementaire ne peut prendre l’initiative, seul le gouvernement est habilité à déposer un projet de loi d’assentiment sur le bureau du sénat, parce que le Roi dirige les relations internationales. Ce projet de loi, avec un article unique, est voté ou non. Le parlement peut amender le projet de loi d’assentiment soumis par le gouvernement. Il peut, par exemple, demander que soient ajoutées des dispositions normatives, matérielles dans le projet de loi.

- Moment de l’assentimentEn pratique, il est toujours donné avant la ratification, ce qui a du sens vu que l’assentiment est une forme de contrôle politique, le Roi ne ratifie pas le traité tant qu’il n’a pas recueilli l’assentiment des chambres en tant que formalité démocratique. C’est entre la signature et la ratification du traité. Cela étant dit, aucune règle de droit positif ne l’impose, sauf pour le cas des traités mixtes.

- Effet de l’assentiment Il réceptionne le traité, l’introduit dans l’ordre juridique interne. Le traité n’a pas de force obligatoire dans l’ordre interne aussi longtemps qu’il n’a pas reçu l’assentiment, il ne peut pas être appliqué par les Cours et tribunaux. La jurisprudence de la Cour de cassation est claire sur ce point ! Le traité ne peut pas être invoqué par les particuliers, il n’existe pas dans l’ordre interne. Il peut valablement lier l’Etat sur le plan international, s’il a été ratifié, mais il ne sera pas applicable en droit interne ; sous réserve de l’entrée en vigueur du traité.

- Publication La loi d’assentiment est publiée, c’est régi par la loi de 1961 qui prévoit que les lois portant assentiment aux traités internationaux sont publiées au M.B., et le traité est publié en annexe de la loi d’assentiment, et intégralement. Il y a

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Page 65: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

des traités qui sont publiés au journal officiel (les traités issus du droit de l’UE uniquement).

Quelle est la sanction du défaut de publication ? C’est l’inopposabilité aux particuliers, peu importe que ces derniers en aient une connaissance effective. Le particulier qui a connaissance du traité pourrait par contre s’en prévaloir. Mais aucune obligation ne pèse sur ses épaules.

Les réserves  

C’est au Roi qu’il appartient de formuler des réserves car il dirige les relations internationales. Ces réserves doivent-elles être soumises à l’assentiment ? Logiquement, oui car les réserves modulent l’engagement de l’Etat, c’est une technique qui permet de neutraliser l’effet juridique de certaines dispositions du traité. C’est une manière de moduler les engagements de l’Etat, de modifier le traité dans les relations entre l’Etat qui a émis la réserve et les autres Etats. Dans ces conditions, on conçoit que le parlement donne son assentiment à la réserve puisqu’elle transforme la portée des engagements de l’Etat au terme du traité. Cela dit, dans la pratique, c’est loin d’être toujours mis en application. Toutes les réserves ne sint pas systématiquement soumises à l’assentiment des chambres.

Une chose est certaine : le parlement ne peut imposer de réserves au gouvernement. Il peut en suggérer, voter une résolution qui invite le gouvernement à émettre des réserves, mais ça n’a aucune portée contraignante.

La dénonciation des traités  

Encore une fois, la dénonciation c’est l’œuvre du Roi. Celui-ci met fin ou suspend les traités. Est-ce que cet acte doit être soumis à l’assentiment ? De nouveau, la logique démocratique voudrait que oui. En réalité, il faut distinguer deux situations : si l’extinction du traité résulte d’un accord (appelé traité abrogatif), ce traité doit être soumis à l’assentiment des chambres, comme tout traité. Lorsque la terminaison résulte d’une autre cause, telle que la dénonciation unilatérale, est-ce que la décision est soumise à l’assentiment des chambres ? La logique démocratique voudrait que oui. De nouveau dans les faits, c’est loin d’être toujours le cas. C’est même rare que la dénonciation des traités soit soumise à l’assentiment du parlement.

B) Les traités régionaux et communautaires :

On applique le principe du parallélisme des compétences, c’est étonnant car communautés et régions n’ont aucune personnalité juridique internationale propre. Il faut considérer que c’est l’Etat belge qui est lié, la communauté ou la région n’agissant que comme l’organe d’un Etat qui, seul, peut être valablement lié par un traité avec d’autres Etats.

C’est l’article 167§3 qui leur confère cette compétence.

Ce phénomène, on peut l’imaginer, n’est pas sans risque : la politique étrangère cacophonique, contradictoire.

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Page 66: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Exemple   : que se passe-t-il si la communauté française entretient un traité international avec un Etat qui commet des violations massives des droits de l’homme qui sont dénoncées par le gouvernement fédéral ? C’est problématique, il y a un risque évident de politique contradictoire avec le fédéral.

C’est pourquoi la loi spéciale de 1980 a prévu un mécanisme de tutelle du fédéral sur la conclusion de traités par les communautés et les régions. C’est un tempérament à ce risque de politique contradictoire. Les communautés et régions qui veulent conclure un traité doivent d’abord informer le fédéral, qui assume un droit de regard. Il peut émettre des objections sur le traité envisagé, notamment quand le partenaire n’a pas de relation diplomatique avec la Belgique. Le fédéral peut aller jusqu’à suspendre les négociations du traité par la communauté ou la région concernée. Le conseil des ministres peut prolonger cette suspension et, in fine, ça doit se régler au comité de concertation (donc politiquement). Cette procédure n’a jamais été mise ne œuvre.

La procédure de conclusion est la même que pour les traités fédéraux, avec une grande distinction entre le gouvernement qui conclut le traité, et le parlement communautaire ou régional qui donne son assentiment (article 167 de la Constitution). L’assentiment a le même effet, c’est mutatis mutandis la même chose.

C) Les traités mixtes

C’est le cas, par exemple, du traité de Lisbonne (compétences étatiques, communautaires et régionales). On parle de traité mixte quand les compétences ne sont pas purement étatiques, communautaires ou régionales.

Pour les traités mixtes, il y a des règles spécifiques mises au point dans un accord de coopération du 8 mars 1994, conclu entre Etat, communautés et régions. La conférence interministérielle de la politique étrangère (CIPE) rassemble des représentants du fédéral, des communautés et des régions. La CIPE détermine le caractère mixte du traité. Une fois qu’elle a déterminé que tel traité est mixte, elle désigne une équipe de négociateurs dans laquelle sont représentées toutes les autorités concernées. Elle va aussi déterminer quelles seront les positions communes qui, au nom de tout le monde, devront être prises par l’équipe de négociateurs au moment de la négociation du traité.

Cette équipe négocie, le Roi délivre le cas échéant des pleins pouvoirs mais avec l’accord du ministre des relations extérieures des régions et des communautés concernées. La signature, c’est le ministre des affaires étrangères, un ministre fédéral donc, mais également les représentants des communautés et/ou des régions. Le traité mixte est signé par tout le monde.

L’assentiment parlementaire, il faut en parler avant la ratification car c’est le seul cas où il est prévu en toutes lettres que l’assentiment doit précéder la ratification. Tous les parlements concernés donnent l’assentiment. C’est pour ça que ça prend souvent du temps pour les traités mixtes.

La ratification, c’est simple, elle est faire par le Roi. Il n’y a aucune intervention des représentants des communautés ou des régions.

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Page 67: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

L’arrêt de Cour de cassation du 12 mars 2001 (on en a déjà parlé) : arrêt du chauffeur de la ligue arabe, ce qui était mis en cause était l’immunité de la juridiction de la ligue arabe dont elle bénéficierait devant les tribunaux belges. La ligue arabe invoquait l’immunité prévue dans son accord, toutefois celui-ci n’avait pas encore reçu l’assentiment du parlement fédéral. C’est un accord mixte. La Cour de cassation a jugé que l’accord n’était pas applicable en droit belge car tous les assentiments n’avaient pas été donnés.

2) LES TRAITÉS : EXÉCUTION

Le traité qui a un effet direct n’appelle pas nécessairement de mesure d’exécution. Sous la réserve de l’effet direct, le traité doit être exécuté. Le droit international laisse les Etats libres de faire comme ils le veulent. Ca relève de leur souveraineté, de leur droit constitutionnel. Le droit international reste neutre quant à la manière dont les Etats procurent exécution à leurs traités. Le tout est que les traités soient exécutés in fine. Maintenant, comment, ça c’est la cuisine interne de l’Etat.

En droit belge, on voit que dans la Constitution il n’y a aucune règle. L’article 167 est muet sur la question de l’exécution des traités. Dans le silence de la Constitution, on applique des règles générales. C’est selon les règles habituelles que l’on va adopter soit une loi qui procure exécution, soit un arrêté royal, soit un autre type de norme. On regarde ce qui relève de la loi, des pouvoirs règlementaires du Roi. De la même façon, on applique les règles habituelles pour déterminer ce qui relève de l’Etat fédéral, des communautés et des régions. Faut-il une loi, un décret ou une ordonnance ? Les règles classiques déterminent quelle forme prennent les mesures d’exécution.

Pour les traités purement communautaires et régionaux, c’est la même chose. Le fait que, dans notre Etat fédéral, des mesures d’exécution doivent être adoptées par les communautés et régions en sus de l’Etat fédéral, ça complique l’exécution des traités, ca la bloque parfois complètement. Il y a des risques accrus d’inexécution, de défaillance par rapport aux obligations contenues dans le traité. Il suffit de regarder s’agissant des directives européennes qui doivent être transposées par l’Etat fédéral, les communautés et les régions, ce qui peut mettre parfois des années.

Il y a un problème   : devant le juge international, par exemple la CJCE, qui sera attrait ? Pas la communauté/région qui n’a pas exécuté le traité, ça sera l’Etat fédéral. Pour remédier à cette situation, on a prévu un mécanisme de substitution dans la loi spéciale de 1980 (article 16§3) qui n’a jamais été appliqué : si l’Etat fédéral est condamné par une juridiction internationale en raison du comportement d’une communauté ou d’une région (du fait de l’inexécution par une communauté ou région de ses obligations internationales), l’Etat fédéral condamné peut se substituer à la communauté ou à la région défaillante pour l’exécution de l’arrêt qui l’a condamné. L’Etat va exceptionnellement, alors même qu’il n’est pas compétent par définition, s’immiscer dans les compétences communautaires ou régionales pour prendre à leur place toutes les mesures d’exécution du traité qui s’imposent. En outre, l’Etat peut récupérer auprès de la communauté/région défaillante les frais de procédure qu’il a du exposer pour se défendre devant la juridiction internationale. Ce

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Page 68: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

système de substitution est une faculté que l’Etat fédéral peut utiliser, ce n’est pas une obligation.

3) CONTRÔLES DES TRAITÉS

Il y a deux aspects : le contrôle de constitutionnalité de l’acte d’assentiment (loi-décret-ordonnance selon le cas) et le contrôle par le juge belge de la validité de l’engagement international de l’Etat, c'est-à-dire le contrôle de la validité du traité.

A. Contrôle de constitutionnalité de l’acte d’assentiment 

Selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, et un arrêt de 1991 confirme ceci, il est clair qu’on peut exercer un recours en annulation d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance d’assentiment à un traité qui violerait les règles de la Constitution. Il y a un délai spécial (le délai normal étant de 6 mois) de 60 jours à compter de la publication du traité en annexe au M.B., car on veut éviter de remettre en cause trop longtemps les lois d’assentiment, c’est exigé par la stabilité des relations conventionnelles.

C’est le même souci de stabilité des relations conventionnelles qui fait qu’à l’article 26, §1er bis de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle, il est prévu qu’une question préjudicielle ne peut pas porter sur la constitutionnalité d’un acte d’assentiment, seulement pour les traités qui portent sur l’UE et les protocoles additionnels à la CEDH. Pour les traités fondateurs de l’UE, tels que le traité de Lisbonne, et les protocoles additionnels à la CEDH, la loi, le décret ou l’ordonnance d’assentiment ne peut faire l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle, aucune question préjudicielle.

B. Le contrôle par le juge national de la validité de l’engagement de l’Etat 

Il n’y a pas de réponse certaine dans la jurisprudence à ce jour sur la question de savoir si le juge belge peut contester la validité de l’engagement de l’Etat. La réponse semble être oui, le juge belge peut constater un vice de consentement qui affecterait la validité de l’engagement belge. Mais attention, il faut que le Roi se soit prévalu au préalable de ce vice de consentement pour que le juge puisse invoquer ce vice, car c’est le Roi qui dirige les relations internationales.

Parmi les causes de nullité, il y a aussi le ius cogens qui, vu sa nature, est soumis à un régime différent. Le juge national doit constater la nullité du traité qui serait contraire à une norme du ius cogens. C’est l’ordre public le ius cogens, c’est normal que le juge national en tire des conséquences dans son action, il doit soulever la violation du ius cogens, il doit constater la nullité qui s’en suit, alors même que le Roi ne s’en serait pas prévalu. Mais aucune jurisprudence ne permet d’affirmer ceci sans risque.

4) LE CONFLIT ENTRE DROIT INTERNATIONAL ET DROIT INTERNE

Du point de vue du droit international, il est certain que le droit international l’emporte sur le droit interne. Ce n’est pas tellement parce qu’il y a une primauté (le droit interne étant considéré comme du fait). Du point de vue du juge belge, que se passe-t-il ? Le droit international est neutre sur ce point là, il n’impose aucune

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Page 69: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

solution, c’est à chaque droit interne qu’il revient de déterminer quel sort est réservé au conflit entre droit interne et droit international, étant entendu qu’aux yeux du juge international, si l’Etat n’exécute pas ses obligations internationales, il sera responsable, quelles que soient les justifications (il ne peut se justifier en invoquant son droit interne, article 27 de la convention de Viennes).

Chez nous, c’est la jurisprudence qui règle la question, la Constitution ne prévoit aucune disposition qui règlerait le conflit entre droit international et droit interne. Dans la jurisprudence, il faut distinguer deux hypothèses :

- Le conflit traité-loi : c’est l’arrêt Leski de 1971 où la Cour affirme qu’il y a primauté de toute norme de droit international conventionnel qui a reçu l’assentiment en Belgique et qui a un effet direct, toute norme ainsi comprise prime toute norme de droit interne contraire. La loi n’est pas visée en tant que telle, on parle de toutes les normes de droit interne. Dans le cas d’espèce, c’était une loi ; mais le terme utilisé par la Cour est « norme ». Il y a primauté du traité, même si la loi interne est postérieure.

- Le conflit traité-Constitution : c’est beaucoup moins clair. On doit distinguer la jurisprudence des trois Cours suprêmes :

o La Cour constitutionnelle fait primer la Constitution.

Il y a un arrêt du 3 février 1994, dans l’affaire des écoles européennes, qui répond à ceci. Des parents d’élèves d’une école européenne ont contesté l’imposition d’un minerval et ils se sont appuyés sur l’article 23 de la Constitution qui prévoit la gratuité de l’enseignement. Ils ont donc contesté la constitutionnalité de la loi d’assentiment au traité portant création des écoles européennes.

La Cour examine la constitutionnalité de la loi d’assentiment et, indirectement, elle regarde le contenu du traité, elle soumet le traité à un contrôle de constitutionnalité. C’est évidemment supposer que le traité est en-dessous de la Constitution, qu’il doit se conformer à la Constitution et qu’en cas de conflit, la Constitution prime.La Cour rejette le recours et ne s’étend pas tellement sur la question du conflit car elle estime que les écoles européennes ne relèvent pas matériellement de l’article 23 de la Constitution, ne relèvent pas de la gratuité car l’article 23 ne parle que de l’enseignement subventionné, or les écoles européennes sont financées par les Etats membres de l’UE.

Implicitement, la Cour admet le principe qu’un traité peut se voir contrôlé par rapport à la Constitution. Si le traité n’est pas conforme à la Constitution, la Constitution l’emporte.

C’est peu surprenant que la Cour constitutionnelle défende sa Constitution.

o Le Conseil d’Etat fait primer le traité sur la Constitution.

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Page 70: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

On a un arrêt de 1996 qui dit explicitement que le traité prime la Constitution (même si le prof ne comprend pas du tout comment on a pu parler de la primauté de la Constitution dans cet arrêt).

Il y a un arrêté royal qui ouvre la fonction publique belge aux ressortissants européens. Cet arrêté royal met en œuvre, exécute le traité CE sur la libre circulation des travailleurs, qui doivent avoir accès aux emplois, même dans l’administration belge. Le problème c’est que l’article 10 alinéa 2 de la Constitution prévoit que, si on veut prévoir des exceptions au principe selon lequel seuls les belges ont accès aux emplois publics, il faut une loi (et non un arrêté royal). Seule une loi aurait pu valablement ouvrir aux ressortissants communautaires la fonction publique belge. Le Conseil d’Etat dit que le traité prime la Constitution, et annule l’arrêté royal. C’est correct d’annuler l’arrêté royal, mais le traité en l’occurrence n’est pas contraire à la Constitution. Il n’y a pas de conflit traité-Constitution. La Constitution ne prévoit qu’une règle de compétence, de procédure, mais en cela n’empêche pas que la loi soit ouverte aux ressortissants de l’UE. On se demande pourquoi le Conseil d’Etat évoque ce motif de primauté du traité sur la Constitution.

o La Cour de cassation estime également que le traité l’emporte sur la Constitution.

On a trois arrêts en 9 novembre, 16 novembre et 16 novembre 2004 qui illustrent ceci. Le Vlaams Blok est condamné au pénal sur base de la loi sur le racisme et la xénophobie. Le VB invoque la liberté d’expression garantie par la Constitution, combinée avec la CEDH. Le VB demande devant la Cour de cassation que la Cour pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. La Cour de cassation va refuser de poser la question préjudicielle en disant que le traité (la CEDH donc) prime la Constitution, il appartient au juge judiciaire (donc à la Cour de cassation) d’apprécier la conformité de la loi au traité et, troisième étape du raisonnement, la Constitution n’est pas plus sévère que le traité, donc il n’est pas pertinent de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.

Première difficulté avec ces arrêts de 2004 : on ne sait pas si on vise tous les traités internationaux ou bien seulement la CEDH. Dans l’arrêt VB, c’est seulement la CEDH. Mais dans les arrêts du 16 novembre, c’est peu clair. Logiquement, si on admet la priorité du traité sur la Constitution, on devrait l’admettre pour tous les traités et pas seulement pour la CEDH.

Seconde remarque : la Cour de cassation précise bien que, pour qu’il y ait primauté du traité sur la Constitution, le traité doit avoir un effet direct.

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Page 71: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Troisième précision : c’est singulier car, encore une fois, il n’y avait pas de conflit   ! La Cour de cassation le reconnaît explicitement. Que vient faire un prononcé sur la primauté du traité sur la Constitution dans ce contexte ? Politiquement, ça sert à appuyer le refus de la Cour de cassation de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. La Cour de cassation n’aime pas poser de questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle.

Dans ce cadre, revenons-en à l’arrêt Leski. Le prof estime qu’on doit s’en tenir à l’arrêt Leski qui ne prévoit pas de primauté du traité sur la loi, mais prévoit une primauté du traité sur toute norme de droit interne, ça couvre dans la Constitution.

4. RÉSOLUTIONS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Quels sont les rapports entre droit dérivé des organisations internationales et le droit interne ?

La Constitution est muette, l’article 167 n’en parle pas. En 1831, il n’y avait pas de droit dérivé des organisations internationales. Mais aujourd'hui, il faut se poser la question vu l’importance que ce droit dérivé a pris ; quantitativement, c’est une source importante du droit.

Même si la Constitution est muette, il n’est pas contesté que ces actes peuvent être la source, en droit belge, de droits et d’obligations, personne ne l’a jamais nié. Bien sûr, il faut que ces actes soient obligatoires dans l’ordre juridique international. Une simple recommandation de l’assemblée générale des Nations-Unies n’est pas obligatoire dans l’ordre international, on voit mal qu’elle soit obligatoire dans l’ordre interne. Rappelons-nous que la déclaration universelle des droits de l’homme est une recommandation de l’assemblée générale, on ne peut l’invoquer devant la Cour de cassation car elle n’a aucune force obligatoire en droit belge. Si on a un acte obligatoire, il peut être source de droits et d’obligations dans l’ordre juridique interne. C’est confirmé implicitement par l’article 34 de la Constitution qui prévoit que l’Etat peut transférer l’exercice de certaines compétences déterminées à des organisations internationales. Cette disposition a été insérée dans le cadre de l’UE, mais la disposition peut être appliquée à toutes les organisations internationales.

Attention, ces actes des organisations internationales sont immédiatement applicables, il n’y a pas besoin d’assentiment parlementaire pour qu’ils soient applicables dans l’ordre interne : les résolutions du conseil de sécurité ne doivent pas recevoir l’assentiment du parlement. Exemple plus flagrant encore : les règlements européens, les directives, tout le droit dérivé de l’union ne requièrent pas d’assentiment. Les organes qui ont adopté les actes sont supposés avoir obtenu l’assentiment au début.

Il reste un problème avec le fait que le droit dérivé ne soit pas soumis à l’assentiment : il n’y a pas de publication au moniteur. Pour le droit européen, le journal officiel assure une publication. Mais pour le reste, aucune publication n’est prévue. Donc la

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Page 72: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

sanction devrait être l’inopposabilité aux particuliers d’une résolution du conseil de sécurité, par exemple, qui impose un embargo commercial avec la Libye. La résolution dit que les contrats avec les opérateurs économiques Libyens doivent être arrêtés. On peut dire que cette résolution nous est inopposable

Quid en cas de conflit entre les actes d’une organisation internationale et le droit belge ?

Pour l’UE, pour tout le droit dérivé de l’union, la question est réglée : c’est la primauté du droit de l’UE sur tout le droit belge, y compris la Constitution. La jurisprudence de la CJCE est tout à fait claire à ce propos, tout le droit européen, y compris le droit dérivé, prime tout le droit interne, y compris la Constitution.

Mais pour le droit dérivé des autres organisations internationales, prenons une résolution obligatoire du conseil de sécurité des Nations-Unies, que se passe-t-il en cas de conflit avec la loi belge ? Et avec la Constitution belge ? Il n’y a pas de jurisprudence jusqu’à présent. C’est incertain. Mais par analogie, on peut appliquer les solutions du traité car la résolution a pu être adoptée sur la base du traité constitutif de l’organisation international, c’est logique qu’elle suivre la condition juridique du traité. La résolution prime la loi interne belge. Elle prime ou non la Constitution belge, selon que l’on se place du point de vue de la Cour constitutionnelle ou du point de vue des autres juridictions suprêmes.

11/10/10

CHAPITRE 2   : LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC Section 1   : L’Etat

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L’Etat est LE sujet du droit international sans lequel le droit international n’existerait pas. Il est fait par et pour les Etats. Il n’y a pas de droit international sans Etat et il n’y a pas d’Etat (au sens du droit international) sans droit international. Le droit international public régit les relations entre les Etats. Le propre d’un Etat est d’être sujet du droit international et le propre du droit international est d’avoir été créé par les Etats.

Au moment des traités de Westphalie, les Etats ont établi cet ordre juridique particulier qui nait de l’échange de leur consentement parce qu’ils sont indépendants les uns des autres, parce qu’ils gouvernent une partie de l’écorce terrestre. Les Etats sont des sujets égaux en droit, malgré qu’il y en ait des jeunes, des vieux, des riches, des pauvres etc.

Il y a des Etats nouveaux qui naissent sans le droit international. Les Etats naissent, vivent et meurent. Soit ils cessent parfois d’exister, soit des Etats nouveaux successeurs prennent la place de l’Etat ancien. Il y a des Etats qui sont aussi amputés parfois d’une partie de leur territoire sans pour autant cesser d’exister. Il y a aussi la notion de continuité d’Etat (ex. République fédérale d’Allemagne continuité du Reich).

§ 1. Apparition

Quand nos grands parents sont nés il y avait en tout et pour tout une cinquantaine d’états. Aujourd’hui on compte plus de 190 pays siégeant à l’ONU. Comment se fait-il que les états viennent à naître mais aussi disparaissent ?

Intuitivement, on sait ce qu’est un Etat, on sait le poids que les Etats attachent à leurs frontières, etc. L’Etat, c’est un ordre juridique (lois, constitution, décrets, etc.), c’est du droit. En Belgique, ce n’est pas très clair, on a des doutes sur l’existence de l’Etat. Par contre, d’autres Etats sont très conscients d’exister et leur population aussi.

L’Etat est un producteur juridique et il sait qu’il est un sujet de son propre droit. L’Etat est schizophrène, il est propre sujet de son Etat et en même temps, il est sujet du droit international. C’est évidemment en tant que sujet de droit international que l’Etat m’intéresse. Il a une double face, toujours. Parce que l’Etat est sujet de droit international, il va recevoir une légitimité pour légiférer dans son ordre interne.

1. Eléments d’identification

Comment peut-on dire, voilà tiens un Etat ? En droit international, c’est simple, les éléments d’identification sont au nombre de trois :

- un territoire - une population - un gouvernement effectif et indépendant.

Nous y reviendrons mais il faut d’abord bien comprendre ce que signifie « éléments d’identification ».

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Quel est la différence entre éléments d’identification et conditions d’existence ?

S’il s’agissait de conditions d’existence, si un des éléments disparaissait, l’Etat aussi (ex. pendant la 2e guerre mondiale, le gouvernement belge qui s’est réfugié en Angleterre + le cas de la Somalie, où il n’y a pas vraiment d’autorité étatique actuellement, pourtant elle n’a pas cessé d’exister). Ce sont simplement des éléments qui permettent d’identifier l’Etat à partir de l’extérieur et non des conditions d’existence à proprement parler. L’élément qui pose le plus souvent problème est l’existence d’un gouvernement effectif et indépendant. Quand il n’y a pas de gouvernement, l’Etat ne disparait pas pour autant.

L’Etat est identifiable par ces éléments parce qu’il est avant tout une réalité factuelle, il est une effectivité. // La naissance d’un être humain est aussi une pure question de fait (>< savoir s’il a la personnalité juridique).

La question de savoir s’il a une personnalité juridique, c’est une question de droit et non de fait. Savoir si l’Etat existe, c'est une question de fait. L’Etat, c’est un fait qui présuppose la réunion de ces trois éléments. Peu importe qu’il soit né dans des conditions illicites, il n’en est pas moins un Etat.

1) Un territoire

C’est l’obsession première du droit international, chacun chez soi. Il n’y a pas de droit sans territoire. Le droit international est né pour stabiliser les frontières. Carl Smit dans Le Nomos de la terre montre que le premier moment du droit c’est quand le paysan met sa charrue dans son champ. Le droit s’incarne sur une parcelle de l’écorce terrestre ; il n’y a pas de droit en haute mer.

Toute l’histoire du droit international va être la délimitation des territoires. En même temps, ce n’est rien mais quand vous passez une frontière, vous changez de monde, pas forcément de culture mais d’ordre juridique, de commandement, etc. Le pouvoir d’un souverain s’arrête géographiquement à un espace, c’est cela la souveraineté territoriale. C’est toute l’histoire des conquêtes et des partages de territoires. Et ces frontières servent encore de frontières internationales. Les Etats sont d’une sensibilité à fleur de peau lorsqu’on parle de leur territoire. Le droit international va donc développer des techniques pour essayer de déterminer le territoire des Etats. Le territoire est une parcelle de l’écorce terrestre et pour être un Etat, il faut maîtriser une parcelle de l’écorce terrestre.

L’Etat d’Israël vit depuis 1948 avec un territoire contesté par ses voisins. Ce qui compte c’est qu’il y ait une masse d’écorce terrestre.Exemple   : Fin des années 80 la Cour Constitutionnelle financière allemande avait eu a connaître de la question d’un riche allemand qui avait acheté une plateforme en mer du nord (elle servait pendant la 2e GM) et qui l’avait transformée en « Sealand ». Il s’était autoproclamé duc de Sealand et disait qu’il n’avait plus d’impôts à payer à l’Allemagne. La question s’est donc posée tout à fait sérieusement en Allemagne. La cour a dit que la plateforme n’était qu’une plateforme, ce n’était pas de l’écorce terrestre ! Il aurait possédé une partie d’une plage les choses auraient peut-être été différentes. Mais il faut un VRAI morceau de territoire.

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2) Une population

La population ne doit pas nécessairement être composée des ressortissants de l’Etat, même si c’est souvent le cas. « Chaque Etat détermine qui sont ses nationaux » et il est libre d’établir les critères qui lui semblent les plus adéquats. Hans Kelsen disait qu’il peut y avoir un Etat sans ressortissant. C’est une vue de l’esprit, oui pourquoi pas, mais autant vous dire que ça n’existe pas, aucun n’état ne se prive du plaisir de dire qui sont ses nationaux. Etablir un code de la nationalité est une des premières choses qu’un Etat a l’habitude de faire. Par population, on entend implicitement nationaux mais cela englobe plus que les nationaux.

3) Un gouvernement effectif et indépendant

A côté du territoire et de la population, l’Etat est identifiable parce qu’il est gouverné par un gouvernement effectif et indépendant. De quoi s’agit-il ? Les deux vont ensemble :

Du point de vue du droit international, un gouvernement est effectif lorsqu’il peut faire respecter sur son territoire le droit international qui le lie.

C’est une effectivité que le droit international apprécie selon les circonstances (taille du pays, relief, moyens de communication, etc.) ; cela est plus facile pour un petit Etat riche que pour un grand Etat pauvre. Cette effectivité est sujette à appréciation au cas par cas mais c’est bien l’idée générale. Qu’il y ait une anarchie interne parce que le gouvernement ne sait pas faire respecté le droit pénal ça le droit international s’en fiche. Ce qui intéresse le droit international c’est que ses propres commandements à lui soient respectés.

L’indépendance, c’est le fait de ne pas pouvoir être confondu avec un autre, le fait de ne pas être soumis à l’autorité d’un autre Etat.

C’est lorsque l’Etat fait des choix qui relèvent de son autorité. La volonté de l’Etat, cela peut être la volonté d’un seul homme, mais il y a d’autres Etats dans lesquels c’est un peu plus évolué et on associe la population. C’est le fait de faire des choix sans y avoir été forcé par autrui.

Exemple 1. : En 1648, les états se sont créés et se sont libérés de la tutelle du Pape. Exemple 2. : Tout l’épisode de la colonisation. Les anciennes colonies ont voulu devenir la même chose que ce qu’était déjà les colonisateurs. Avec la décolonisation on n’a pas inventé une nouvelle façon de vivre ensemble on a repris les schémas des colonisateurs. La première colonie à devenir indépendante après 1648 ce furent les USA. Le schéma social fondamental reste le même. La volonté est de maitrisé une partie de l’écore terrestre pour vivre que l’on le désire sans avoir de comptes à rendre.

Quand ces trois éléments sont réunis, on peut identifier un Etat. Le plus souvent la question de la naissance des Etats est peu controversé parce qu’ils existent depuis

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Page 76: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

longtemps. Mais certains états ne sont pas vraiment encore des états, c’est la question palestinienne. Nous ça nous paraît évident mais pas pour eux.

2. Reconnaissance d’Etat

A. Occasion de la reconnaissance

Les Etats-Unis ont été le premier Etat à faire sécession en 1776 (déclaration d’indépendance), la question était de savoir s’il y avait un nouvel Etat. C’est à ce moment-là qu’on se pose la question : est-ce que je vais le reconnaître comme souverain, comme égal à moi ? L’Etat naît dans un monde préconstitué d’Etats qui ont eux-mêmes créé le droit international moderne. Depuis l’indépendance des Etats-Unis, la préoccupation des Etats nouveaux est de devenir l’égal de son ancien maître. La seule manière de se libérer, c’est de devenir l’égal. On se moule dans les habits de celui qui nous dominait, on ne veut plus être assujetti.

Les indépendances souvent elles se font dans le sang et de manière illicite. Les peuples colonisés eux ont eu le droit de devenir un état. Mis à part ces peuples là il n’y a pas de peuples qui ont eu un droit à devenir un état.

Exemple   : 1965, Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe), colonie britannique, peuple sous domination étrangère qui a droit à l’autodétermination, mais au lieu que la majorité noir fasse sécession et établisse la Rhodésie du Sud, c’est la minorité blanche qui fait sécession par rapport à la GB pour empêcher la majorité noire de le faire. L’Etat est né illicitement, les blancs ont pris en otage la majorité noire. Ce n’est plus la GB qui est maître de cet Etat. Les blancs proclament l’indépendant en violation du droit international. C’est John Smith un fermier blanc raciste qui proclame l’indépendance au mépris du peuple rhodésien. La communauté internationale va réagir. Le conseil de sécurité va édicter des embargos, ne va pas la reconnaître pour lutter contre cette mainmise d’une minorité qui installe un système d’apartheid. Ce qui restera acquis néanmoins c’est l’existence étatique. Cet état est né dans des conditions illicites mais son existence ne sera pas mise en cause. Quand les noirs reprendront le pouvoir et chasseront les blancs on ne dira pas à ce moment là que la Rhodésie est née, elle était née bien avant avec les blancs. On peut revenir à l’exemple d’un bébé qui naît : sa naissance c’est une question de fait et la personnalité juridique c’est un effet de droit. On ne remettra pas sa naissance en question même s’il elle est illicite

La question de la licéité de la demande d’indépendance du Kosovo. Est-ce que cet Etat existe et est-ce qu’il est né dans des conditions licites ou illicites ? Peu importe, il existe à partir du moment où les 3 éléments sont réunis.

Comment finalement en vient-on à consolider son existence ? On naît, c’est du fait mais puis il va falloir passer par une période d’acceptation de ce fait. Il faut que les états plus anciens reconnaissent le nouvel état.

En 1776, la question va commencer à se poser et on va inventer une procédure qui s’appelle la RECONNAISSANCE D’ETAT, procédure instituée par le droit international par laquelle on va constater l’existence d’un Etat nouveau.

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Il y a des Etats qui ont déclaré leur indépendance mais qui sont peu reconnus. Dans le contexte européen, cela peut paraître désuet. En Europe, on s’est rendu compte du peu d’effectivité du droit international et on a crée un nouvel ordre juridique, l’ordre communautaire qui commence progressivement à remplacer le droit international dans les relations entre les Etats membres. Mais pour d’autres Etats, le fait d’être sujet du droit international reste important et de nombreux peuples aspirent encore à être reconnus au niveau international (ex. la Palestine où le conflit est précisément territorial). On reconnaît un Etat lorsque la question de la naissance d’un Etat se pose.

B. Sujets de la reconnaissance

Qui reconnaît ? Ce sont les Etats qui existent qui reconnaissent les autres, c’est une procédure par laquelle un sujet étatique dit qu’il reconnait un de ses paires.

Et qui est le sujet de la reconnaissance ? Au sein de l’Etat, c’est l’autorité qui est habilitée à diriger les relations internationales, le roi (au sens constitutionnel du terme : le pouvoir exécutif – art. 167 Cst.). En Belgique, cela se passe, depuis les années 1990, par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres et publié au moniteur pour les besoins de l’ordre juridique et de publicité. Mais on n’est pas obligé de passer par une loi, un texte législatif. Cela ne passe pas par les chambres, ce n’est pas au parlement de prendre l’initiative, même s’il y a un certain contrôle politique.

La Belgique ne joue jamais cavalier seul, elle attend de voir que vont faire ses paires. Pour le Kosovo, 5 Etats n’ont pas voulu le reconnaître (notamment l’Espagne, Chypre et la Grèce ; l’Espagne qui connaît des mouvements sécessionnistes refuse de donner un avantage politique interne à une de ses forces centrifuges). Cela a plus ou moins divisé l’Union qui a dit que chacun faisait ce qu’il voulait. La reconnaissance est un acte discrétionnaire.

C. Objets de la reconnaissance

L’objet de la reconnaissance, ce sont les Etats nouveaux. C’est cette nouveauté qui est marquée par la reconnaissance.

Les trois Etats baltes deviennent indépendants dans l’entre-deux-guerres puis sont annexés par l’URSS, ce qui a été contesté par le reste du monde. En 1991, lorsque l’URSS s’écroule et que les Etats baltes redeviennent indépendants, on ne les considère pas comme nouveaux, ils retrouvent juste leur souveraineté, ils recouvrent leur indépendance. Ce sont des subtilités diplomatiques. La Russie fera, elle, l’objet de reconnaissances.

1) Reconnaissance expresse ou implicite

La reconnaissance est le plus souvent explicite, expresse   : on le dit tout simplement. On peut le dire dans une déclaration unilatérale (arrêté royal comme en Belgique, une lettre, un communiqué de presse, un document diplomatique, etc.) ou encore dans un traité de paix (ex. en ex-Yougoslavie, conclusion d’un traité à Dayton, reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine).

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Page 78: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

La reconnaissance peut être implicite   : on se comporte comme si on reconnaissait. En droit international, elle est possible. La seule forme de reconnaissance implicite qui est reconnue, c’est l’établissement des relations diplomatiques qui sont le propre des Etats.

Le fait de conclure un traité pourrait donner à penser que forcément on conclut un accord avec un autre Etat, mais on peut conclure un traité avec un Etat qu’on ne reconnaît pas. On peut entretenir des relations contractuelles avec un Etat qu’on ne reconnaît pas (ex. Belgique avec République démocratique d’Allemagne). On ne peut induire d’un contrat avec un Etat sa reconnaissance implicite par l’autre Etat, il faut plus. Et à ce jour, c’est l’établissement des relations diplomatiques qui est la reconnaissance implicite la plus claire. Un Etat peut appliquer le droit d’un Etat qu’il ne reconnaît pas et ce n’est pas pour cela qu’on reconnaît implicitement cet Etat. Ce n’est pas un acte qui implicitement aurait pour objet de reconnaître l’Etat étranger. Il ne faut donc pas se tromper. Ce qui compte, c’est l’intention. Mais quand l’intention n’est pas exprimée, cela complique les choses.

Exemple   : Taiwan. On entretient des relations de type diplomatique avec Taiwan mais on s’empresse de dire que se ne sont pas de vraies relations diplomatiques. Taiwan n’a pas fait de déclaration d’indépendance et on ne veut pas spécialement fâcher la Chine.

Les relations diplomatiques c’est la seule forme de reconnaissance implicite qui est reconnue. Pour les autres reconnaissances implicites c’est une question de preuves. Si on prend l’exemple d’une conclusion de traité et bien il faudrait que toutes les circonstances démontrent qu’on avait bien l’intention de reconnaître l’état.

2) Reconnaissance individuelle, concertée, collective

La reconnaissance est individuelle, c’est chaque Etat qui reconnaît. Mais elle peut être concertée dans ce sens que les Etats peuvent discuter entre eux

d’un commun accord d’une politique de reconnaissance. Elle est aussi unilatérale. Elle peut être concertée et prendre une forme explicite. Elle peut être donnée à la suite d’une concertation internationale.

Habituellement elle est individuelle : elle est le fait d’un état par un autre état. C’est souvent un état qui parle tout seul d’autrui. Parfois ce sont deux états nouveaux qui parlent ensemble d’eux-mêmes de l’un ou de l’autre.Ex. 1 : Les Accords de Dayton - Paris Dans ceux-ci, les états qui sont nés du démembrement de la Yougoslavie se reconnaissent entre eux. A cette époque la Serbie prétend continuer la personnalité juridique de l’ancienne Yougoslavie mais peut importe elle reconnaît les autres états comme états souverains ce qu’elle n’avait pas fait jusqu’alors (elle lui a même fat la guerre). C’est une reconnaissance individuelle croisée. Dans les accords de Dayton-Paris (fin guerre Bosnie), les états se reconnaissent entre eux : Bosnie, Serbie, Croatie. Et réciproquement les états reconnaissent la Serbie. Reconnaissance explicite dans un traité de paix : croisée

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Ex. 2 : Concernant la reconnaissance du Kosovo on voit maintenant que chaque état reconnaît le Kosovo un à un. Ce sont des reconnaissances individuelles. Ce sont chaque fois des actes individuels des états qui le reconnaissent : il parlent chacun dans leur coin.

Concertée

Plusieurs états anciens se disent qu’ils vont s’entendre entre eux pour reconnaître tel ou tel état et pur soumettre cette reconnaissance à telle et telle condition politique.

Ex. 3 : Lignes directrices du 16 décembre 1991 de la CEE (sur la reconnaissance des nouveaux états en Europe orientale et union soviétique)Cette dernière connaissait en son sein un mécanisme de coopération politique, remplacée ensuite par la PESC. Dans le cadre de cette coopération, les Etats Membres de la CEE avaient arrêté des lignes directrices sur la reconnaissance des Etats. « Si vous voulez que nous vous reconnaissons vous devez passer par tel et tel critères » : il y a des conditions.Le bloc soviétique s’effondre et de nombreux nouveaux Etats apparaissent. Quand ces prises d’indépendance sont sanglantes, cela devient plus difficile et cela nécessite une certaine coopération politique. Ces lignes directrices avaient donc pour objectif de fixer certains critères, conditions politiques auxquels les Etats européens subordonnaient leur reconnaissance.

Cette pratique est concertée : des états souverains s’entendent entre eux politiquement (les lignes directrices ne sont pas juridiques) pour soumettre leur acte de reconnaissance à certains critères. C’est chacun qui s’engage à subordonner sa reconnaissance individuelle à des critères qui leur sont communs.

Et ces critères sont des critères d’intérêt général.

2 choses sont significatives et intéressantes   :

- Ce sont des conditions politiques d’intérêt commun pour la paix en Europe (respect du droit des minorités, respect des droits de l’homme, etc.). On ne poursuit pas ici son intérêt personnel (ex : « je veux un droit d’exploitation dans ce nouvel état »).Donc ce ne sont pas des conditions politiques égoïstes (argent, commerce,…). Mais cela correspond un peu à l’ordre public européen. Par exemple on leur demande de respecter les minorités, les droits de l’homme,…

On exige de ces états d’être un état ayant une forme plus ou moins démocratique et respectant les minorités. Il faut respecter les limites territoriales, le nucléaire, la stabilité régionale,…

- Le cas échéant il y a recours à l’arbitrage.On conditionne les reconnaissances des Etats européens et on établit une « Commission d’arbitrage » (en réalité c’est une commission d’avis car elle n’est pas composée de membres des états nouveaux) qui réunit les différents présidents des cours constitutionnelles (« Commission Badinter »). On appelle cela la commission Badinter car à l’époque c’est Badinter le président du

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Page 80: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

conseil constitutionnel en France et qui a l’idée de donner des avis sur ces conditions. Elle est chargée de dire à la conférence de paix pour l’Ex-Yougoslavie si les conditions de l’indépendance sont remplies.

On tente d’objectiver, ce n’est pas purement un jugement subjectif : on veut coordonner les politiques des différents ministres des affaires étrangères. Il y a un mécanisme de surveillance collective. Très original, cela ne s’est jamais fait dans l’histoire que des états souverains s’entendent pour limiter leur liberté de cette manière là et éventuellement conférer à des juges qui n’ont de comptes à rendre à personne une responsabilité si importante.

Ce sont des juges de cours constitutionnelles qui se réunissent entre eux et qui, en toute indépendance, estiment que les conditions sont rencontrées ou pas. Ca ne s’est passé qu’une fois et plus jamais reproduit. En effet cela n’a pas bien fonctionné comme manière de discipliner les états. A la lecture de ces lignes, certains disent qu’on va les respecter mais d’autres n’attendent pas le feu vert et foncent sans attendre les autre.

C’est quelque chose qui n’a pas vraiment fonctionné car l’Allemagne a été plus vite que les autres et a reconnu précipitamment la Croatie sans l’avis de la commission et les autres Etats ont suivi. L’Allemagne n’a rien fait d’illégal (lignes purement politiques) donc pas de violation du droit mais volonté d’aller plus vite que ce qu’on s’était politiquement engagé à faire.Cette manière de discipliner les états n’a pas fonctionné jusqu’au bout. Ces lignes directrices n’ont rien d’obligatoire, cet accord politique a pu céder aux nécessités politiques du moment. Voici un exemple de reconnaissance concertée.

Entre états qui s’entendent bien, on a le retour de la souveraineté. Discipliner la reconnaissance d’état est très difficile même entre états qui s’entendent bien. Ce qu’on peut gagner à une reconnaissance anticipée est tel qu’on se prive vite des conditions.

LA QUESTION DE LA RECONNAISSANCE COLLECTIVE

Il n’y a pas de reconnaissance collective.

En 1945 quand on négocie la Charte des Nations Unies à San Francisco, ils proposent que ce soit cette organisation, qui par l’adhésion des nouveaux membres, décide de la reconnaissance des nouveaux membres. On veut donc que cette admission valle reconnaissance d’état collective.

Mais cela a été rejeté. La Belgique était pour mais pas grand monde ne suit. Personne ne veut se retirer ce privilège souverain qui est de décider pour soi même qui sont les nouveaux. Le refus de cette proposition belge montre bien l’enjeu de la reconnaissance d’un nouvel état pour les autres états : ils ne veulent pas soumettre cette décision souveraine unilatérale à une discipline collective. C’est un apanage de la souveraineté. C’est quand même assez symptomatique quand on a une proposition intéressante, elle est rejetée

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Page 81: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Bien sur l’AG admet les nouveaux membres ou les refusent par un vote majoritaire mais cette admission aux NU ne vaut pas reconnaissance de l’état membre. Ce n’est pas parce que l’on vente pour une admission au Nations-Unies que l’on reconnaît nécessairement l’état. Et ce n’est pas parce que l’état nouveau a été admis au Nation unis que celui-ci va être considéré par tous les autres états membres comme un état. Si on vote contre l’admission aux NU, fortes chances que ce vote représente une volonté de ne pas reconnaître l’état. Mais ce n’est pas parce qu’il a été admis par les NU qu’il sera reconnu par tous les états des NU. Il y a un tas de membres des NU qui se refusent à reconnaître Israël comme état mais son existence de fait n’est pas contestée (mais la légitimité de son existence oui). Ce sont des raisons politiques qui le poussent à ne pas vouloir faire cet acte amical de reconnaissance.

Exemple : Israël est membre depuis des décennies mais des dizaines d’états ne le reconnaissent pas. Ceux qui refusent de reconnaître Israël on des raisons politiques de ne pas vouloir faire cet acte de reconnaissance qui est un acte amical, un acte de bienvenue. Il n’y a donc pas de transfert de compétences pour les Nations Unies.

Donc au niveau mondial, on reste avec un système où la reconnaissance reste un attribut de la souveraineté : pas de transfert des compétences au profit des NU.

D. Conditions de la reconnaissance et acte discrétionnaire

1) Conditions politiques de la reconnaissance

Exemple des lignes directrices : on a vu que c’était des conditions politiques.

Il est des cas où on fixe des conditions politiques et où on se concerte à ce sujet. Comme c'est un acte discrétionnaire, on fixe les conditions qu’on juge les plus adéquates ou les plus avantageuses. Dans l’histoire, on a déjà vu des conditions très particulières (ex. creuser le Canal de Panama). Les éléments d’identification d’un état doivent être là bien sur. Ce ne sont pas des conditions de reconnaissance à proprement parler : si ces critères n’était pas là, pas un état donc pas de reconnaissance.

La reconnaissance est rarement un acte désinteressé. Cela n’existe pas dans les relations internationales. La reconnaissance aussi, est intéressée. Même l’aide au développement. La reconnaissance d’état est un acte qui se monnaie, on entre dans la vie sociale par la reconnaissance on va donc vivre avec d’autres et ceux-là vont nous admettre selon telle et telle conditions.

C’est un acte discrétionnaire : on peut l’accorder ou la refuser et on ne doit pas se justifier. C’est un acte dont on n’a pas à rendre compte.Chaque état choisi de reconnaître ou de ne pas reconnaître. C’est inamical de ne pas reconnaître mais c’est tout, il n’y a rien de licite ou d’illicite là-dedans. Même un état qui vit, on peut refuser de le reconnaître. Ils n’ont aucune obligation : ce n’est pas amical de refuser mais ce n’est pas illégal pour autant. On ne doit pas rendre compte de cet acte. Par exemple beaucoup de pays arabes ne reconnaissent pas Israël. Il n’y a rien de licite ou d’illicite là dedans.

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Page 82: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Car la reconnaissance est un acte qui n’a pas d’effets juridiques : qu’un acte politique avec qu’un effet dans l’ordre des effectivité. Très difficile de continuer à vivre quand on n’est pas reconnu. Difficile de s’imposer dans la vie en fait si on n’est pas reconnu. Ce n’est pas la reconnaissance qui attribue la personnalité juridique ou crée l’état, mais cela conforte la réalité étatique en fait.On n’existe pas tout seul : ce sont les autres qui nous portent. On peut exister comme état non reconnu mais notre effectivité sera confortée par la reconnaissance des autres. Les autres ne nous crée par une existence mais cela nous conforte dans cette existence.

Quand cela se produit-il ?

Logiquement il faut être un état avant que les autres ne nous reconnaissent : c’est reconnaitre un état déjà formé et pas en créer un. Mais parfois c’est un peu flou. La Bosnie par exemple : c’est difficile à affirmer qu’on a déjà un état. On veut l’existence étatique de la Bosnie donc on va la pousser mais c’est toujours un peu mystérieux : pas besoin d’avoir une ligne du temps et un acte de naissance clair.On prétend devenir souverain quand on est créé et les autres poussent par actes de reconnaissance.

La reconnaissance est purement politique : on a plusieurs théories qui s’affrontent.

- Théorie constitutive

Certains auteurs et notamment H. LAUTERPACHT (juriste allemand devenu anglais par la suite) a soutenu que la reconnaissance d’état était constitutive : il a soutenu que les autres états en reconnaissant attribuait la personnalité juridique. C’est un acte juridique parce que c’est par la reconnaissance qu’un état se voit attribuer la personnaité juridique. Les autres états confortent l’existence et attribuent la personnalité juridique : on ne peut agir tout seul.

Le problème de cette théorie c’est qu’elle donne à la reconnaissance une conception juridique. Et c’est démenti par les faits : il y a à travers l’histoire des états non reconnus qui ont posés des actes juridiques avec ces mêmes états qui ne les reconnaissaient pas. Par exemple deux états concluent des traités entre eux alors qu’ils ne se reconnaissent pas : il ne peut normalement être obligatoire que si deux états s’engagent l’un envers l’autre.On n’a pas besoin de la reconnaissance pour produire un traité entre des sujets, la reconnaissance n’est donc pas attributive de personnalité juridique.

Ex : La Belgique avait conclu un traité avec la RDA alors qu’elle ne reconnaissait pas. Pour la Belgique, même en l’absence de reconnaissance, il y aura traité avec la RDA. On ne peut pas dire par après « oh non je ne respecte plus ce traité car pas obligatoire car vous n’êtes pas un état pour moi ».

Théorie démentie dans les faits

- Théorie déclarative

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Page 83: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Jean Charpentier est un juriste français. Son idée avec d’autres c’est que la reconnaissance n’attribue pas la personnalité juridique mais elle déclare. Elle met à jour et souligne donc la présence d’un sujet doté d’une personnalité juridique.

La difficulté c’est de voir ce qu’est un effet déclaratif ou un acte déclaratif. Car sans la reconnaissance il y a déjà une personnalité juridique : est-ce que la reconnaissance rend la personnalité juridique opposable ? Peut on dire que la reconnaissance aurait un effet juridique car elle a un effet déclaratif ? Oui c’est ce que dit Charpentier. C’est pas évident, car pas facile à identifier.

En effet, c’est difficile d’identifier un effet juridique particulier à cette théorie : on comprend cette théorie mais de là à dire que la reconnaissance est déclarative et donc a un effet juridique c’est difficile à affirmer.

Exemple : La Belgique qui ne respecte pas un traité avec la RDA. Elle doit respecter le traité car il a un effet juridique pas parce que l’autre aurait été reconnu « juridiquement ».

Ce n’est pas un acte juridique car pas d’effets juridiques ! Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas un acte juridique qu’il n’est pas important dans les relations internationales : mais il n’emporte pas d’effet juridique particulier. Il conforte une effectivité factuelle. Et la reconnaissance d’état à état ne doit donc pas être considéré comme un acte juridique car pas d’effet juridique identifiable.

2) Conditions juridiques de la reconnaissance

Un Etat est identifiable par les trois éléments précités, ils forment l’objet de l’Etat mais on ne peut pas vraiment dire qu’ils sont une condition juridique de la reconnaissance. La question de la reconnaissance ne se pose qu’après que l’Etat soit.

Ce n’est pas parce que c’est un acte politique et non juridique que cela n’a pas d’importance ! Il ne faut pas jouer au juriste idiot. Cet acte va conforter une effectivité. La reconnaissance n’emporte donc pas un effet juridique identifiable.

15/10/10

E. Interdictions de la reconnaissance

1. Principe 

Ce n’est pas parce qu’un Etat naît que tous les autres Etats sont obligés de le reconnaître. Y a-t-il des situations où il est interdit de reconnaître un Etat ? Et des situations où on oblige à ne pas reconnaître ?

L’interdiction de reconnaître peut-être créée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Il peut enjoindre l’ordre aux Etats membres de ne pas reconnaître une situation factuelle, une prétention. Et le conseil de sécurité le fait lorsque cette situation est le résultat d’une violation d’une règle de ius cogens. Il l’a fait plusieurs fois dans l’histoire.

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Page 84: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Exemple   : dans la Rhodésie du Sud, lorsque le gouvernement raciste s’installe en Rhodésie du Sud. Le conseil de sécurité, part des résolutions, condamne cette situation et interdit aux Etats de reconnaître la situation. Ca ne veut pas dire que les Etats n’existent pas, ça veut dire que les autres Etats ne doivent pas reconnaître cette situation.

Exemple : quand l’Irak veut annexer le Koweït, le conseil de sécurité déclare cette annexion nulle et non avenue et oblige les Etats membres de ne pas reconnaître la situation.

Exemple : Quand la République chypriote turque du nord fait sécession et déclare son indépendance par rapport à Chypre, le conseil de sécurité oblige les Etats membre à ne pas reconnaître cette sécession. Il y a toujours, à l’origine de cette sécession, une obligation de ne pas reconnaître proclamée par le conseil de sécurité suite à un emploi illicite de la force.

Exemple   : en 1992, quand les serbes de Bosnie font sécession par rapport à la Bosnie, le conseil de sécurité interdit aux Etats membres de reconnaître cette situation.

L’obligation de ne pas reconnaître est incontestable.

AVIS DU 22 JUILLET 2010 SUR LA CONFORMITÉ DE L’INDÉPENDANCE DU KOSOVO

Dans l’avis rendu par la Cour le 22 juillet 2010 sur la conformité de l’indépendance du Kosovo, la Cour a répondu que la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo ne violait aucune règle du droit international.

Dans cet avis consultatif, certains Etats (dont la Serbie) se sont appuyés sur ces précédents en disant que les sécessions sont interdites en droit international, les Etats ne peuvent reconnaître ces sécessions unilatérales. Au §81 de l’avis, la Cour relève que dans chacun de ces cas, ce n’est pas la sécession en tant que telle qui est condamnée par le conseil de sécurité, et son caractère unilatéral, c’est le fait que ces sécessions allaient ou seraient allées de paire avec un recours illicite à la force ou avec d’autres violations graves du droit international.La Cour relève que, dans le cadre du Kosovo, le conseil de sécurité n’a jamais pris une telle position. Relevant le caractère exceptionnel des résolutions, la Cour considère que ce caractère exceptionnel confirme qu’il n’existe pas en droit international général une interdiction des déclarations unilatérales d’indépendance.

Existe-t-il en droit international général une interdiction de reconnaître les situations qui sont contraires au prescrit du droit impératif, au règles du ius cogens ?

Dans l’histoire du droit international, l’interdiction de reconnaître et l’obligation de ne pas reconnaître est une idée née en 1932 quand le Japon envahit la Chine, il créé un Etat fantoche, le Mandchoukouo. Le secrétaire d’Etat américain de l’époque, M. Stimson, dit que face à une situation d’invasion d’un territoire par un Etat par un autre Etat, et de création artificielle suite à l’invasion de cet Etat, les autres Etats sont tenus de s’abstenir de reconnaître le nouvel Etat créé.

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Page 85: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

L’intérêt de la doctrine à l’époque, c’est de venir à l’appui d’une prohibition de l’emploi de la force qui est récente : en 1928, le traité de Paris est conclu. Ce n’est qu’à ce moment, dans l’histoire de l’humanité, que le droit international consacre une prohibition de l’emploi de la force. A peine 4 ans plus tard, cette règle toute nouvelle qui était loin d’être acquise dans les mœurs, il fallait essayer de la faire vivre. Pour la faire vivre, Stimpson suggère que les Etats ne reconnaissent pas la situation née de l’emploi illicite de la force.

La doctrine Stimson s’est-elle développée ? Il y a deux précédents judiciaires, 2 avis consultatifs de la CIJ1 :

1er avis consultatif sur demande du Conseil de sécurité2

Depuis, cette règle a été consacrée par une partie de la jurisprudence internationale, on la retrouve lorsque la Cour internationale de Justice rend un avis consultatif en 1971 sur le Sud ouest africain.

Arrêt   : La Cour se prononce sur la légalité de la présence continue de l’Afrique du Sud de la Namibie, territoire conféré à l’Afrique du Sud. Ce mandat se transforme en régime de tutelle sous les Nations-Unies. Ce qui est problématique, c’est que l’Afrique du sud étend l’apartheid sur la Namibie. Le conseil de sécurité met fin à la tutelle de l’Afrique du sud. La question qui se pose, c’est non seulement

- quelles sont les conséquences pour l’Afrique du sud de cette fin de mandat, mais également

- quelles sont les conséquences pour les autres Etats membres des nations-unies, sachant que l’Afrique du sud n’obéit pas au conseil de sécurité et reste sur place. Elle occupe en territoire en violation au droit de peuples namibien à accéder à l’indépendance.

Au §119 de son avis, la cour dit que les Etats membres des nations-unies doivent reconnaître l’illégalité. L’obligation de reconnaître l’illégalité est formulée par la Cour.

2e avis consultatif sur demande de l’Assemblée générale3

Avis de la Cour : Dans l’avis de 2004 que la Cour rend à propos des conséquences juridiques de l’édification d’un mur en territoire palestinien, le mur est construit en violation du droit du peuple palestinien à l’auto-determination. Cette règle vaut erga omnes, cet Etat doit cesser la construction du mur et le démanteler.

Au §159, la Cour dit que tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur.

2. On voit deux glissements 

1 La Cour rend des avis à la demande de l’assemblée générale ou du conseil de sécurité.2 CIJ, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain), avis consultatif du 21 juin 1971, §119 point 2 dispositif (obligation de reconnaître l’illégalité).3 CIJ Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, §159 et point D dispositif.

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Page 86: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- En 1971, la Cour parle des Etats membres des Nations-Unies de reconnaître l’illégalité. En 2004, elle parle de tous les Etats, c’est une obligation coutumière qui s’impose à tous les Etats, qu’ils soient ou on membres des Nations-Unies.

- En 1971, c’est l’obligation de reconnaître l’illégalité. En 2004, c’est l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite qui découle de la construction du mur.

3. Résolution de l’assemblée générale sur la responsabilité de l’Etat 

Cette idée se retrouve dans un texte : la résolution adoptée par l’assemblée générale en 2002 sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite.

L’article 41§2 de cette résolution reprend la même idée.  Le fait illicite qui porte gravement atteinte à une règle impérative emporte pour tous les Etats une obligation particulière : celle de ne pas reconnaître la situation comme licite. Et en outre, de ne pas prêter aide ou assistance à l’Etat auteur de la situation illicite.

L’acte discrétionnaire qu’est la reconnaissance connaît donc une limite. Quand il y a une violation grave d’une règle impérative qui se produit, et que cette violation créé une situation factuelle, les autres Etats, face à cela, ne doivent pas reconnaître le fait accompli, ne peuvent pas le reconnaître.

Le fait de reconnaître le Kosovo n’est pas un acte illicite car l’obligation de ne pas reconnaître ne s’impose à personne.

Dans l’affaire du Kosovo, la cour dit que le conseil de sécurité a, dans trois situations, énoncé une obligation de ne pas reconnaître ; la cour dit qu’on ne peut déduire de ces arrêts une pratique selon laquelle le conseil de sécurité condamne des situations factuelle. La Cour dit que toutes ces situations ne signifient pas une interdiction de faire unilatéralement sécession ; ces arrêts sont relatifs des situations qui sont le produit d’une violation grave de règles impératives. Dans l’affaire du Kosovo, il n’y a aucune violation d’une règle de droit international : l’obligation de ne pas reconnaître ne s’impose donc pas aux Etats. Les Etats sont donc libres de reconnaître ou non le Kosovo. Ils ne sont pas obligés de le reconnaître, mais ne sont pas obligés de ne pas le reconnaître.

Lorsque l’on voit la reconnaissance d’Etat comme acte discrétionnaire, il faut savoir que la reconnaissance a une limite : l’obligation de ne pas reconnaître les situations qui naissent de la violation grave de règles du ius cogens.Au §56 de l’avis consultatif, la Cour refuse de se prononcer sur la question de savoir si le Kosovo avait le droit d’être indépendant. Dans tout système juridique, il y a des choses qu’on est libres de faire sans avoir le droit de le faire.

Est-ce que le Kosovo n’est qu’un état qu’à l’égard de ceux qui l’ont reconnu (70 états) ? Non ! Car une reconnaissance n’a pas d’effets juridiques. C’est un état. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas le droit de devenir un état qu’on ne peut pas devenir un état. La naissance étatique est une question de fait.

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Page 87: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Au §56 la cour refuse de se prononcer sur le fait de savoir si le Kosovo avait le droit ou pas d’être indépendant. Mais elle va aller par le coté et regarder si c’est contraire au droit international : il l’interdit ou pas ? Donc si elle comprend la question comme ça, il ne faut pas regarder si le droit international procurait un droit positif au Kosovo d’être un état unilatéralement.

La cour ne répond pas aux autres questions, elle ne veut pas y répondre.Il se pourrait qu’un acte ne soit pas en violation du droit international sans spécialement conférer l’exercice d’un droit conféré par celui-ci. On est libre de le faire mais on n’a pas de droit de le faire.

Conception juridique assez symptomatique du droit international public : libre de faire ce qu’on veut aussi longtemps qu’en droit positif on ne nous impose rien.

§2. Le territoire

Un état, c’est un territoire avant toute chose : c’est un des éléments d’identification. Ille faut pour qu’on puisse identifier un état.

Comment les états deviennent ils souverains sur leur territoire ? Le territoire c’est la clef du droit international : qui a quelle part du gâteau ? Sur quelle portion s’exerce mon pouvoir. ?C’est l’espace sur lequel les commandements du souverain sont appelés à s’appliquer. L’assise territoriale est essentielle pour les pouvoirs de l’état. Et le gouvernement a la mission de stabiliser ce territoire et ces frontières.

1. ACQUISITION DE LA SOUVERAINETÉ

Un territoire est une partie de l’espace terrestre. Mais comment l’acquérir ?

A. Titres parfaits

1) Occupation d’un territoire sans maître

C’est la plus simple des façons d’avoir un territoire.

Occupation

C’est l’élément objectif. Prescription acquisitive d’une parcelle (usucapion en droit civil : 10 ans de BF et 30 ans de MF).L’animus domini c’est la même chose. Il fait occuper donc se comporter comme souverain. Il ne suffit pas de dire qu’on est là sans intention de devenir le souverain. On déploie son activité étatique comme si on était chez soi.

Tout est affaire de circonstances mais il y a des éléments matériels qui ressortent de cette occupation à titre de souverain.Exemple : un état dit qu’il est un occupant et qu’il ne veut pas annexer, il montre par son comportement qu’il ne veut pas de la souveraineté.

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Page 88: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Déployer une activité souveraine visible publique sur un territoire particulier : sans maitre.

Exemple   : les conquêtes européennes à travers l’histoire.

Les Malouines (guerre entre Argentine et RU il y a 25 ans) : ce sont des iles de l’Atlantique Sud au large des cotes de l’Argentine : ils considéraient que ca lui appartenait mais en fait ca appartient au RU depuis hyper longtemps.

En effet le nom vient de Saint Malo : ce sont des pêcheurs qui s’arrêtaient là et puis finalement ils restent. Mais ils voulaient délimiter leur parcelle. Ils retournent à Saint Malo et demandent à un notaire du Roi de France de faire un acte notarié pour délimiter des parcelles de terre sur les iles où il n’y a personne d’autre à part des marins qui s’arrêtent de temps en temps. Le roi de France va considérer que les Malouines sont françaises à partir de ce moment là. Le titre, c’est un acte notarié. Il vient d’un officier public qui ne peut faire d’acte notarié que sur un territoire qui relève de la souveraineté du roi de France. Donc on va prendre ces titres de propriété pour prouver qu’il y a une volonté d’occupation.

A l’époque tout au début l’occupation est quelque chose de relatif. Donc de ce simple élément matériel de notaire, on a progressivement la constitution de ce qu’on appelle l’exercice effectif d’une occupation souveraine.

Territoire sans maître

L’exemple des Malouines est parlant : à l’origine il n’y a que des animaux. Aucun peuple ne vit sue ce territoire.

Ce que les européens ont fait le mieux, c’est s’accaparer la nature à travers l’histoire. Il n’y a aucun souverain, aucune population civilisée donc l’exemple type d’un territoire sans maitre. Cela n’existe plus aujourd’hui un territoire comme ça à part l’Atlantique mais c’est un continent et nous n’y reviendrons pas (là on a gelé la souveraineté par un traité de Washington).

Colonisation, déqualification et protectorat colonial

Ont également été qualifié de territoire sans maitre (même si pas vrai) certaines colonies. A l’époque c’était licite et on pouvait utiliser la force pour dominer un peuple et les priver de la souveraineté. Rien d’interdit, on peut conquérir leur territoire.

Ce sont des disqualifications abusives.

Affaire du Sahara Occidental

Mouvement de libération du peuple sahraouie. Le Maroc considère qu’ils sont sous sa propre souveraineté. La cour est saisie d’une demande d’avis consultatif. Elle répond en 1975 : peut-on l’acquérir par occupation ? Car il y avait un territoire sans maitre. Mais non la cour va considérer que ce n’était pas une terra nullius. Des populations habitent, bien que nomades, ils sont en tribus avec des chefs pour les représenter.

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Page 89: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Certes il n’y a pas un état moderne. Mais la cour considère que le territoire ne peut pas être considéré comme ouvert au premier venu : donc pas une terra nullius. Car la population est organisée socialement.

Pratiquement la situation de toutes les colonies européennes, en Afrique notamment. Les européens vont d’ailleurs conclure des traités de protectorat. Disqualification de l’autorité tribale.

Cameroun – Nigeria

C’est l’affaire de la frontière terrestre et maritime. Le 10 octobre 2002, la cour a tracé la frontière entre les deux. Un des gros enjeux était de savoir à qui appartient la péninsule de Bakasi sachant que c’est occupé par le Nigeria. Le Cameroun le réclame car autour de cette zone il y a des nappes de pétrole.En 1884 Cameroun et Nigeria n’existent pas. Mais la Grande Bretagne envoie des hommes et ils colonisent. Un des représentants de la Reine conclut en 1884 avec les chefs du vieux Calabar (inclut la péninsule) un traité en bonne et due forme : traité de protectorat, dit l’intitulé.Ensuite, en 1913, le RU cède la région du haut Calabar sous haut protectorat à l’Allemagne.

La question qui va se poser dans les années 2000 devant la Cour c’est si le RU pouvait valablement céder en souveraineté à l’Allemagne la Région du vieux Calabar ?

L’enjeu c’est que si le RU a pu céder valablement cette région, alors l’Allemagne est devenue souveraine de ce territoire : quand elle perd la première guerre, sa colonie du Cameroun est mise sous mandat partiellement français – britannique. Donc quand le Cameroun devient indépendant, le Cameroun français reste indépendant mais le Cameroun britannique s’unit avec le Nigeria.La région du vieux Calabar c’est un territoire sous mandat. Si le RU n’a pas pu valablement cédé, il ne fait pas partie du Cameroun mais du Nigeria éventuellement.

Tout tient dans la question de savoir quel est l’effet du traité colonial de protectorat.L’objet d’un traité comme celui là c’est de soustraire un territoire à l’appétit des autres colonisateurs. Ce n’est pas un protectorat au sens classique comme la Tunisie avec la France (pas un état qui protège l’autre,…) mais un protectorat par lequel les chefs du Vieux Calabar s’engagent à ne pas nouer des liens avec d’autres puissances occidentales. Qui viendraient leur offrir aide, assistance,… Donc par ce traité le RU obtient du Vieux Calabar une forme d’allégeance.

Mais comme son nom l’indique, ce traité manifeste la présence de chefs (ils sont partie contractantes) donc on ne peut considérer ce Vieux Calabar comme une terra nullius que les RU viendrait occuper par occupation de territoire sans maitre. Donc le traité de protectorat n’est que pour avoir des liens privilégiés mais pas occupation. Pas un protectorat au sens classique du terme qui manifesterait l’existence d’un état.

En 2002 la cour s’interroge sur la période en 1884 et 1913 : manifestement le RU ne peut pas prétendre être souverain par occupation d’un territoire sans maitre.

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Est-ce que pour autant il a pu valablement céder un territoire à l’Allemagne ? Cela suppose que le RU soit devenu souverain de ce territoire.C’est important parce que l’Allemagne aurait acquis ce territoire en 1913. C’est le Cameroun d’aujourd’hui qui est le Cameroun d’Allemagne. Donc si en 1913 le RU ne pouvait pas céder car pas titre, ce territoire ferait encore partie du Nigeria aujourd’hui car il n’aurait pas été cédé à l’Allemagne.

La cour a considéré qu’en 1913 l’Allemagne a valablement acquis le Vieux Calabar. Pas parce que le RU aurait occupé un territoire sans maitre (non ce n’est pas une terra nullius) mais parce que du fait de la présence du RU et de son occupation de son territoire, els chefs du Vieux Calabar vont perdre toute autorité sur le territoire : ils sont remplacés : sorte d’annexion et d’occupation militaire. Donc cela fait que la structure sociale indigène disparaît et n’est plus à même de représenter le peuple.

Le RU entre 1884 et 1913 devient souverain même si la Cour n’identifie pas une date précise. Donc le territoire pouvait être transmis à l’Allemagne. Le Cameroun allemand est plus tard confié en partie à un mandat britannique et pour l’autre partie à un mandat français. Aujourd’hui ce territoire revient au Cameroun, qui est établi aujourd’hui sur le territoire de l’ancienne colonie allemande.

Ok pas de terra nullius mais quand même exercice d’une certaine déqualification car les chefs ne font plus rien. La cour ne va pas jusqu’à dire qu’en une fois cela devient une terra nullius. Mais il lui suffit de constater qu’il n’y a pas d’autre autorité rivale sur le territoire à un moment donné.

C’est très fréquent: on faisait des traités avec des chefs. Mais disparition de leur autorité effective au bout d’un temps. Autonomie coutumière et autorité du coup mais ce sont les colonisateurs qui ont pris l’autorité. Donc ils peuvent faire des traités pour organiser leurs propriétés coloniales.

Occupation d’un état sans maitre   : ressemble à la disqualification où des maitres viennent à disparaître.

2) Consentement, adjudication, plébiscite ? et article 167, §1, al. Cst.

Le consentement

Autre mode le plus simple pour acquérir un territoire : le consentement. A l’époque, on peut céder des territoires sans aucun problème et toute l’histoire européenne, c’est cela. Les vices de consentement n’existent pas à l’époque et on peut librement utiliser la force. La cession territoriale se fait par l’échange des consentements des souverains (ex. Alaska acheté par les E-U au Tsar de Russie).

L’adjudication

L’adjudication, c’est la décision du

Consentement sous forme d’adjudication : c’est le juge qui se prononce. Car d’une manière ou d’une autre, les souverains concernés ont consenti à la compétence du

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juge pour tracer la frontière et poser la frontière. C’est le juge qui trace la frontière et qui donc dit à qui appartient tel et tel territoire.

Cameroun-Nigeria par exemple : dans cette affaire la cour trace la frontière car les deux états ont consentis à cette compétence. L’arrêt définit qui est souverain, où et il attribue incontestablement à l’un ou à l’autre un titre de souveraineté sur les territoires ainsi délimités. La décision est obligatoire parce que les Etats ont accepté l’autorité de la Cour.

Donc on retourne au consentement souverain même si c’est le juge qui fait l’adjudication.

Le plébiscite ?

Lorsqu’on cède le territoire, faut-il consulter la population ? C’est le problème du plébiscite. En droit international général, il n’existe pas de règle coutumière qui dit qu’on devrait consulter les populations pour une cession territoriale. C’est seulement à l’occasion de l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux mêmes que l’on peut leur demander leur avis. En particulier en Afrique on a systématiquement organisé des plébiscites pour savoir si le peuple voulait devenir indépendant ou se joindre à un autre état.

Le processus de décolonisation a développé une coutume liée au droit d’exercice de l’autodétermination, il passe nécessairement par l’organisation d’une consultation populaire : savoir si on veut devenir indépendant ou si on veut se raccrocher à un autre Etat ( plébiscite lors de la décolonisation).

Mais dans les autres hypothèses, il n’y a pas de consultation des populations en droit interne, cela peut être souhaitable mais cela n’est pas exigé.Exemple : le Cameroun : il va accéder à l’indépendance et on va organiser un plébiscite et une partie de l’ancienne colonie allemande va se prononcer pour l’indépendance comme état souverain mais l’autre partie de la colonie allemande va se prononcer pour le rattachement au Nigeria. Pas d’élargissement à d’autres situations que lorsqu’un peuple a le droit à l’auto détermination.

Il peut y avoir un plébiscite mais pas de règle générale qui l’impose.

L’article 167, §1, al. 3 de la Constitution

Nul cession de territoire ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi.On a vu les pouvoirs pours les conclusions des traités (exécutif fédéral) : en cas de cession de territoire, le roi ne peut pas conclure un traité sans une loi. Cette loi n’est pas une loi d’assentiment mais une loi d’autorisation. La loi d’assentiment viendra après le traité. Donc il y aura deux lois en tout.

Enormément de constitution de par le monde ont des règles pour des cessions de territoire : exigences constitutionnelles particulières à respecter.Exemples : plébiscites, lois d’autorisation.

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En Belgique les habitants de la commune ne doivent pas être consultés mais le Parlement doit autoriser le roi à changer la frontière ne fut ce que d’un centimètre carré.

3) Accrétion

C’est l’accroissement naturel du territoire.On gagne du territoire sur la mer par exemple, un volcan crée une nouvelle ile.On acquiert le territoire qui est le résultat de ce phénomène naturelle.Exemple : on est souverain du fleuve dans lequel une ile émerge : on sera souverain.

4) Prescription acquisitive ? et acquiescement

On a parlé de l’occupation d’un territoire sans maitre en faisant une comparaison avec la prescription acquisitive.

Est-ce que si on occupe longuement un territoire comme si on était souverain, est-ce que le temps qui passe fait qu’on deviendra souverain alors qu’on n’est pas souverain ?Non pas de principe dans ce sens en droit international. Le simple écoulement du temps ne suffit pas pour qu’on en déduise un titre de souveraineté. En droit civil on devient propriétaire même de mauvaise foi du lopin de terre après 30 ans. Mais ici cela n’existe pas car pas de délai préfix dans le droit international. On peut imaginer que des états s’entendent pour fixer un délai mais on ne voit pas cela dans la pratique.

Souvent l’écoulement du temps manifeste un acquiescement mais ce n’est pas la même chose : consentement tacite de celui qui était souverain mais qui ne l’est plus car il a laissé l’autre faire. Donc son acquiescement vaut consentement. Mais ce n’est pas pareil cela que de dire que je suis souverain car je suis là depuis 30 ans point. Il faut que celui qui était là avant ait acquiescé. On a un consentement implicite et pas un simple élément objectif d’écoulement de temps.Le droit par une règle particulière vient confirmer l’écoulement du temps.

Parfois avec l’écoulement du temps (si l’ancien souverain ne fait rien pendant ce temps là) on peut formuler l’argument que pendant tout ce temps là l’ancien souverain a acquiescé. Mais on retombe dans une question objective : a –t-il accepté d’abandonner sa souveraineté et accepter que je vienne ?

Sauf consentement des états sur l’existence d’une prescription acquisitive, pas de règle.

Botswana – Namibie

Dans cette affaire ils semblaient admettre une règle de prescription acquisitive mais la Cour n’a pas besoin de s’y raccrocher pour trancher le titre. Les Etats semblaient être d’accord sur une prescription acquisitive.

Arrêt de la Cour internationale de Justice du 13 décembre 1999 (Rôle n° 98)Affaire de l'île de KASIKILI/SEDUDU (BOTSWANA c. NAMIBIE)

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Résumé de l’arrêt : La Cour note que, aux termes de l'article I du compromis, elle est priée de déterminer la frontière entre la NAMIBIE et le BOTSWANA autour de l'île de KASIKILI/SEDUDU et le statut juridique de cette île “sur la base du traité anglo-allemand du 1er juillet 1890 et des règles et principes du droit international”. De l'avis de la Cour, en se référant aux “règles et principes du droit international”, le compromis autorise non seulement la Cour à interpréter le traité de 1890 à la lumière de ceux-ci, mais également à faire une application indépendante desdits règles et principes. La Cour estime en conséquence que le compromis ne lui interdit pas de connaître des arguments relatifs à la prescription avancés par la NAMIBIE. (….)

Cependant (§ 101 de l’arrêt) : 101. La Cour n'ayant pas retenu l'argumentation namibienne relative à la prescription, il s'ensuit pour ce motif aussi que l'île de KASIKILI/SEDUDU fait partie du territoire du BOTSWANA.

Ensuite, parlons des titres usurpés. Ce sont des faux titres de souveraineté, ils ne permettent plus d’acquérir la souveraineté aujourd'hui.

B. Titres usurpés

1. La conquête armée

Dans l’ancien droit (le droit d’avant 1928), la conquête armée était un mode d’acquisition de la souveraineté territoriale, un mode d’acquisition qui ne souffrait pas de contestation. Le vainqueur pouvait acquérir un territoire du seul fait qu’il était vainqueur.

1. La subjugation 

Cette acquisition pouvait résulter de la conquête armée et de la subjugation de l’ennemi. Si l’ennemi était entièrement défait, on était dans le cadre de la de bellatio. Il n’y a plus de structure politique, militaire organisée.

On a devant nous une vaste étendue qu’on va conquérir sans plus de résistance car l’ennemi a été mis en fuite. La situation de bellatio est l’incapacité totale de l’ennemi de résister à la force de nos armées.

2. L’acquisition du territoire 

Parfois la guerre n’aboutissait pas à la défaite totale de l’ennemi. Dans ce cas, il y aura encore face au vainqueur un ennemi capable de conclure un traité de paix. Dans la situation de bellatio, il n’y a plus d’ennemi. On trouve dans accords de paix imposés par le vainqueur. Ce traité de paix va souvent contenir des clauses territoriales. Une des conditions de paix, à laquelle on cesse d’employer la force, c’est d’obtenir en échange du territoire. On cède une partie du territoire à l’époque où la richesse est essentiellement foncière, où l’économie est fondée sur l’agriculture. La cession territoriale par traité de paix, à travers l’histoire européenne, est archi fréquente.

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Exemple : La guerre franco-allemande de 1870-1871 se conclut par la cession de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne. Un traité de paix est conclu suite à l’emploi de la force, on ne s’interroge pas sur le caractère licite ou illicite de ce traité.

Maintenant, dans la convention de Viennes sur le droit des traités, il y a un vice de consentement qui s’appelle la contrainte. Lorsque l’emploi de la force est illicite, au titre de la contrainte, le consentement est vicié. A l’heure actuelle, le traité de paix conclu sous la contrainte d’un emploi illicite de la force est vicié. Ce traité n’est pas susceptible de transmettre en souveraineté une partie du territoire ainsi cédé sous la contrainte. C’est récent comme façon de voir les choses.

Celui qui agit en légitime défense, qui emploie la force licitement, et qui vient à gagner la guerre peut, par l’emploi de sa force armée, conclure un traité de paix valable (cfr commentaire de l’article 52 de la convention de Viennes).

On trouve une illustration de ceci dans cette résolution :

Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale du 24 octobre 1970 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies.(Page 3 de la résolution : ) “Le territoire d’un Etat ne peut faire l’objet d’une acquisition par un autre Etat à la suite d’un recours à la menace ou à l’emploi de la force”

C’est une résolution importante parce que, en plein cœur de la guerre froide, les Etats se sont entendus pour réitérer les principes de droit international. Dans cette résolution, on certain nombre de principes, de règles coutumières sont rappelées.

Il y a une obligation de ne pas reconnaître les situations nées d’une violation grave du ius cogens. La règle n’est pas difficile à comprendre et est bien assise dans la pratique contemporaine.Exemple : les pays ont refusé de reconnaître l’annexion du Timor oriental par l’Indonésie.

Ce dont il faut se rendre compte, c’est que c’est une règle nouvelle, une chose récente.

2. La contiguïté

Un souverain administre un territoire voisin. Y a-t-il consentement tacite ou non ? L’effectivité permet-elle d’acquérir un titre de souveraineté ?

L’effectivité est comprise comme la présence sur un territoire alors qu’on n’a pas le titre sur ce territoire. Pensons à la péninsule de la situation de Bakassi et du Nigéria. Le Nigéria pense être souverain, il fait tout cela car il pense que c’est chez lui.

Pourtant, dit le Cameroun, qui n’acquiesce pas, il (le Cameroun) a le titre de souveraineté et l’occupation par le Nigéria est contra legem et ne peut produire le résultat recherché, c'est-à-dire le titre de souveraineté.

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L’effectivité permet-elle d’acquérir la souveraineté ?

1. La contiguïté, c'est-à-dire le simple fait que les territoires sont proches l’un de l’autre, ne justifie pas un débordement d’un territoire à l’autre.

2. Dans la pratique de la Cour internationale de Justice, elle a toujours affirmé la primauté du titre juridique sur l’effectivité. En 1986, dans un arrêt d’une chambre de la Cour, contentieux entre le Burkina Fasso et le Mali, la Cour dit à propos de la relation qui existe entre l’effectivité et le titre : il y a quatre éventualités.

o La 1ère c’est celle dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une administration effective s’ajoute au titre : l’effectivité confirme l’exercice du droit né d’un titre juridique.

o Dans le cas où le fait ne correspond pas au droit, c'est-à-dire que le territoire est administré par un Etat autre, il y a lieu de préférer le titulaire du titre. Le titre prévaut sur l’effectivité, pour autant qu’il n’y ait pas consentement. Dès l’instant où le titulaire du titre conteste verbalement, l’effectivité n’y change rien.

o Dans l’éventualité où l’effectivité ne coexiste avec aucun titre juridique, c'est-à-dire une situation d’absence de titre, l’effectivité doit inévitablement être prise en considération.

o Si le titre juridique ne fait pas paraître l’étendue territoriale sur laquelle il porte (on parle alors de titre ambigü), les effectivités permettent alors de comprendre comment le titre est interprété dans la pratique.

Exemple   : à la fin de la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée, il y a eu une commission des frontières. Le tribunal arbitral a, sur un certain secteur de la frontière entre l’Ethiopie et l’Erythrée, tenu compte de l’effectivité, fait primer l’effectivité. La commission des frontières tient compte de l’effectivité pour déterminer le titre (avril 2002)

Exemple   : Affaire Cameroun-Nigéria : la Cour réaffirme dans cet arrêt la jurisprudence Burkina Fasso Mali : elle réaffirme la primauté du titre sur l’effectivité.Exemple : on a des exemples plus intéressants. Lorsque le titre est ambigu, et surtout dans des situations héritées de la colonisation, on se demande où sont les frontières. Comment interpréter les titres difficilement interprétables puisque sur le sol les choses ont changé ? C’est là que les effectivités viennent à l’aide pour tenter d’interpréter le titre territorial.

On a deux exemples récents   : - un arrêt du 17 décembre 2002 à propos de la souveraineté sur une île

(Indonésie contre Malaisie). La Cour conclut à la souveraineté de la Malaisie.

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Page 96: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- Dans une affaire du 8 octobre 2007 entre le Nicaragua et l’Honduras, il était question de souveraineté territoriale et maritime sur des îles situées au large des cotes.

La Cour regarde les effectivités pour savoir comment interpréter le titre, voire même fonder un titre en l’absence de titre particulier. Dans l’arrêt, on a un ensemble de questions de fait qui permettent de reconstruire un titre de souveraineté.

Il y a des sécessions (cfr l’affaire du Kosovo). La sécession du Kosovo est-elle légale ? La Cour dit que ça ne viole ni le droit international, ni la résolution, ni le cadre constitutionnel. La Cour dit que la sécession unilatérale ne viole pas la prohibition de l’emploi de la force (prohibition, en droit international, qui est consacrée entre Etats). Les Etats ont l’obligation de ne pas employer la force armée.

La résolution 2625 reprend des règles fondamentales de l’ordre juridique international. Elle est interprétée dans le même sens par la Cour. La Cour refuse de s’interroger sur la question de savoir si le Kosovo avait le droit de faire sécession. La sécession en tant que telle permet, le cas échéant, d’acquérir un titre de souveraineté, sauf si elle fait usage illicite de la force armée. C’est pour ça qu’on a refusé de reconnaître la sécession de la République de chypre du nord.

2. LA DÉLIMITATION DU TERRITOIRE

Une fois qu’on a un titre territorial, la question c’est l’opposabilité de ce titre à d’autres. On est souverain, certes, mais à l’égard de qui ? A ‘égard de tout le monde. Dès qu’on a un titre, il est opposable à tous les Etats. Les autres ne doivent pas reconnaître la frontière. La délimitation de la frontière est l’affaire de l’Etat titulaire du titre, et non du tiers.

A chaque fois qu’on trace une frontière, on travaille avec des titres, on départage des titres. La délimitation du territoire est une ligne imaginaire qui délimite les territoires qui appartiennent à l’un ou l’autre souverain.

On distingue la délimitation qu’est cette opération intellectuelle par laquelle les souverains intéressés imaginent la frontière de la démarcation (reporter sur le sol les termes de cette délimitation). L’abornement, c’est mettre des repères physiques.

Ce qui nous intéresse ici, c’est la délimitation et non la démarcation et l’abornement (qui sont des opérations matérielles).

La règle de base est simple à comprendre : ce sont les souverains entre eux, dont les territoires sont concernés, qui sont les seuls à même de faire cette délimitation. Quand on délimite le territoire, on ajuste son titre territorial. Ce sont les souverains concernés qui peuvent déléguer à un juge la tâche de délimiter le territoire.

Le conseil de sécurité des Nations-Unies n’a, en principe, aucun pouvoir à ce propos. Le conseil de sécurité peut imposer une ligne de démarcation, une ligne de cessez le feu qui ne fera pas office de frontière.

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Page 97: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Le conseil de sécurité peut également imposer au souverain de démarquer une frontière qu’ils ont déjà, par accord entre eux, délimitée. Suite à l’affaire Irak contre Koweït, annexion non reconnue. Guerre contre l’Irak, qui est chassé du Koweït. Le conseil de sécurité, pour que ça ne se produise plus, créé une commission de démarcation qui va reporter sur le sol la frontière convenue. La commission n’établit pas la frontière, elle ne fait que la démarquer sur le sol.Résolution du Conseil de sécurité 687 du 3 avril 1991Notant que l’Iraq et le Koweït, en tant qu’Etats souverains indépendants, ont signé à Bagdad, le 4 octobre 1963, le “Procès-verbal d’accord entre l’Etat du Koweït et la République d’Iraq concernant le rétablissement de relations amicales, la reconnaissance et des questions connexes” consacrant formellement la frontière entre l’Iraq et le Koweït et l’attribution des îles, (….) et dans lequel l’Iraq a reconnu l’indépendance et la pleine souveraineté de l’Etat du Koweït, délimité de la manière qui se trouve indiquée dans la lettre du Premier ministre de l’Iraq(…) et qui a été acceptée par le souverain du Koweït (…)Conscient de la nécessité de procéder à la démarcation de ladite frontière, (…)3. Prie le Secrétaire général de prêter son concours afin que des dispositions puissent être prises avec l’Iraq et le Koweït pour procéder à la démarcation de la frontière entre les deux pays en s’inspirant de la documentation appropriée (…)4. Décide de garantir l’inviolabilité de la frontière internationale susmentionnée et de prendre, selon qu’il conviendra, toutes mesures nécessaires à cette fin conformément à la Charte des Nations Unies ; La frontière est une ligne imaginaire, et non une zone, que l’on définit entre Etats souverains. Il n’y a pas en droit international de respect des frontières naturelles. C’est, par exemple, la ligne des crêtes dans les Alpes.La frontière naturelle est commode, le fleuve peut aider à tracer la frontière. La frontière n’est pas forcément au niveau du fleuve.

Une dernière chose à propos de traité de frontière : il a une permanence. La frontière décrite par le traité de frontière a une permanence que le traité de frontière n’a peut-être pas. Le traité peut cesser d’être en vigueur, la pérennité de la frontière est assurée. Il y a un principe de succession d’Etats au traité de frontière. Un Etat disparait et devient deux Etats. La logique voudrait que le traité de frontières ne soit plus valable.

Exemple : la Tchécoslovaquie avait signé des traités de frontière avec ses voisins. Lorsqu’elle a cessé d’exister et qu’elle est devenue la République tchèque d’une part et la Slovaquie d’autre part, ces deux Etats ont été tenus de respecter les anciennes frontières avec leurs voisins. La Tchécoslovaquie meurt, on a deux Etats nouveaux qui naissent et qui succèdent à l’Etat tchécoslovaque. Il faut distinguer les situations de continuité de la personnalité juridique des situations de succession d’Etat. Lorsqu’un Etat continue la personnalité juridique d’un autre, il y a une continuité. Dans ce cas, on ne s’interroge pas sur la question de savoir si les accords conclus par l’Etat sont encore obligatoire, puisque cet Etat continue d’exister.

La Russie, par exemple, continue la personnalité juridique de l’URSS.

Distinguer les situations de continuité des situations de succession d’Etat.

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Dans la situation tchécoslovaque, un Etat disparaît et est remplacé par deux Etats nouveaux. Ce sont deux Etats nouveaux qui naissent en même temps et qui succèdent à la Tchécoslovaquie. Les traités de frontière sont conclus entre un Etat et des autres Etats, mais la Tchécoslovaquie n’existe plus. Logiquement, si un sujet contractant n’est plus là, le traité disparaît. Le droit international impose un principe de succession d’Etat au traité de frontière : la Tchéquie succède au traité de frontière conclu par la Tchécoslovaquie s’agissant des traités de frontières qui la concernent, et il en va de même pour la Slovaquie. La continuité est évidente. Le droit international accorde une importance considérable au traité de frontière car il permet une stabilité territoriale.

3. LA TECHNIQUE DE L’UTI POSSIDETIS

A. Définition   :

La question qu’on se pose maintenant est la question de savoir si le droit international, au moment de la naissance d’un Etat, ne lui impose pas de naître avec des frontières déterminées. L’Etat nouveau vient à l’existence avec des frontières qu’il n’a pas choisies, les frontières internationales.

La question qui se pose, c’est de savoir si l’Etat nouveau hérite d’une autre frontière automatiquement ou pas, en d’autres termes, est-ce que la ligne administrative interne qui séparait la Tchéquie et la Slovaquie devient frontière internationale automatiquement ou non ? Est-ce que la ligne de la province du Kosovo devient la frontière internationale entre Kosovo et Serbie ? S’agissant des frontières externes, la réponse est claire, le titre territorial est délimité par rapport aux tiers.

Mais à l’intérieur même, qu’en est-il ? C’est le problème l’uti possidetis, c’est cette technique qui transforme en frontière internationale des frontières internes.

B. Evolution   :

La notion d’uti possidetis, on la retrouve dans la pratique internationale à trois moments de l’histoire :

1. Latino-américaine 

Les colonies espagnoles font sécession. On a de grands empires délimités entre eux, internationalement délimités. Mais au sein de l’empire espagnol en Amérique Latine, il y a des provinces. Celles-ci acquièrent-elles automatiquement une frontière internationale ?

Au sein de l’ensemble territorial espagnol, la question se pose. Ces Etats qui naissent an 19ème conviennent entre eux de retenir la ligne administrative interne qui avait été dessinée par le colonisateur. Cette frontière devient frontière internationale, et elle le devient parce que les nouveaux Etats en conviennent ainsi. Dans l’empire espagnol naissent différents Etats. Ces Etats obtiennent, comme ligne frontière entre elles, l’ancienne frontière administrative interne.

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2. Africaine (décolonisation) 

L’indépendance des colonies africaines se produit dans les années ’60. Les peuples africains ont le droit d’être indépendants. Dans l’exercice de ce droit, ils sont sécession, l’Etat colonisateur doit leur accorder l’indépendance. On a en Afrique un grand ensemble territorial britannique, un français et un portugais. On a des traités internationaux qui s’imposent au traité de frontière pour chaque nouvel Etat. Au sein de chaque empire colonial, on a des entités administratives. Un des premiers actes, c’est de convenir que les frontières administratives internes deviennent frontières internationales. C’est ce qu’on appelle le leg colonial. Le droit administratif est transformé en frontière internationale.

3. Eclatement entre l’Union soviétique, de la Tchécoslovaquie et de la République fédérale de Yougoslavie 

On a soit l’application de l’uti possidetis par accord entre parties (URSS, Tchécoslovaquie), soit une règle de l’uti possidetis qui est débattue (Yougoslavie). On a une guerre qui va durer 4 ans, qui fait 250.000 morts, qui s’internationalise. La Slovénie fait sécession en utilisant le principe de l’uti possidetis, la Croatie aussi.

Mais le problème concerne essentiellement la Bosnie, Etat multi ethnique où les populations sont réparties de manière peu cohérente. Il y a des poches de Serbes partout, des poches de Croates partout.

La question qu’on doit se poser, c’est de savoir si en droit international général, en l’absence du consentement des parties concernées, est-ce que l’uti possidetis est une règle qui s’impose aux Etats nouveaux qui viennent à l’existence sur le territoire d’un autre Etat ? Que se passe-t-il si on ne s’entend pas ?

Dans l’affaire Burkina Faso Mali, la chambre de la cour internationale de justice va, en 1986, énoncer une règle à cet égard : elle dit qu’il y a un principe de droit international et donne le nom d’uti possidetis à ce principe. Certes, c’est en Amérique latine qu’on a vu l’uti possidetis naître. Ce n’est toutefois pas une règle régionale. Ce principe constitue un principe général logiquement lié au phénomène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste. Ce prononcé aura des conséquences juridiques importantes : double généralisation de l’uti possidetis

- La Cour englobe dans l’uti possidetis le principe de stabilité territoriale : l’uti possidetis couvrirait à la fois la frontière interne et externe. Cette généralisation est à éviter. Si l’uti possidetis a une plus value juridique, c’est qu’elle permet de faire autre chose que ce que le principe de succession d’Etat permet de faire. Dans l’affaire Cameroun-Nigeria, d’ailleurs, la Cour ne parle pas d’uti possidetis mais parle juste d’un principe de succession d’Etat au traité de frontière. On n’a pas besoin d’uti possidetis pour expliquer le principe de la succession d’Etat au traité de frontière.

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- La deuxième généralisation, et c’est celle là qui compte, est toute autre : s’agissant des lignes administratives internes, il n’y a pas de principe régional, il y a un principe général logiquement lié au principe de l’accession à l’indépendance. La Cour dit que c’est une règle applicable où que ce soit, universellement. La Cour dit ça comme ça, elle ne justifie pas son prononcé. On voit ici le sens d’un principe général car la Cour dit que c’est un principe général logiquement lié, comme si c’était quelque chose qui était nécessaire, on ne peut imaginer l’accession à l’indépendance sans le principe de l’uti possidetis.

Ce prononcé est sévèrement critiqué par une partie de la doctrine : ceux qui savent combien les frontières administratives internes sont des artificialités, c’est souvent le fruit d’une situation historique, d’un donnant-donnant.

Arrêt de la Cour international de Justice du 22 décembre 1986Affaire du différend frontalier(BURKINA FASO C. République du MALI)

20. (…), la Chambre ne saurait écarter le principe de l’uti possidetis juris dont l’application a précisément pour conséquence le respect des frontières héritées. Bien qu’il ne soit pas nécessaire, aux fins de la présente affaire, de démontrer qu’il s’agit là d’un principe bien établi en droit international, en matière de décolonisation, la Chambre désire en souligner la portée générale, en raison de l’importance exceptionnelle qu’il revêt pour le continent africain ainsi que pour les deux Parties. A ce propos, il convient d’observer que le principe de l’uti possidetis paraît bien avoir été invoqué pour la première fois en Amérique hispanique (…). Ce principe ne revêt pas pour autant le caractère d’une règle particulière, inhérente à un système déterminé de droit international. Il constitue un principe général, logiquement lié au phénomène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste. (…)

23 (…) En tant que principe érigeant en frontières internationales d’anciennes délimitations administratives établies pendant l’époque coloniale, l’uti possidetis est donc un principe d’ordre général nécessairement lié à la décolonisation où qu’elle se produise.

En 1992, on a une convention d’avis. Il y a des lignes directrices sur la reconnaissance des nouveaux Etats en Europe orientale. On met sur pied une conférence pour la paix en Yougoslavie, cette conférence est conseillée par des juges des Cours constitutionnelles qui se réunissent.

En 1992, on est à peine 6 ans après Burkina Faso – Mali. La commission dit qu’à défaut d’accord contraire, les frontières administratives internes seront frontières internationales.A partir de 1992/93 (avis de la Commission Badinter), il est peut-être établi qu’il existerait une règle de droit international qui impose des frontières. Cependant, il existe beaucoup d’objections de la part des Etats concernés et la doctrine est également fort divisée selon le pays d’origine de l’auteur.

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Page 101: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Il y a donc là une pratique qui vient confirmer le caractère général de l’uti possidetis et qui, dans le cadre européen, affirme que l’uti possidetis est une règle qui s’applique automatiquement.

Il y a là une évolution du droit international qui, en 1986, était prématurée. En 1986, la Cour créé plus qu’elle ne dit le droit, elle fait évoluer le droit international. C’est du droit positif, mais cette règle est profondément problématique. En 1992, on confirme ce principe par un prononcé au niveau européen. Sur ce principe, on fait vivre une entité bosniaque. Les accords de Dayton mirent fin aux combats inter-ethniques qui ravageaient la Bosnie-Herzégovine. Du 1er novembre au 21 novembre 1995, dans la base aérienne de Wright-Patterson, près de Dayton, dans l'Ohio, aux États-Unis, se déroulèrent des négociations visant à mettre fin à la guerre qui ravageait depuis trois ans l'ex-Yougoslavie. Les principaux participants étaient les présidents serbe (Slobodan Milosevic), croate (Franjo Tuđman) et bosniaque (Alija Izetbegovic), ainsi que le négociateur américain Richard Holbrooke assisté de Christopher Hill. Les accords de Dayton prévoyaient une partition de la Bosnie-Herzégovine à peu près également entre la Fédération de Bosnie et Herzégovine (croato-bosniaque) et la République serbe de Bosnie (serbe), ainsi que le déploiement d'une force de paix multinationale, l'IFOR. Bien que formellement signés à Paris le 14 décembre 1995, ces accords sont passés à l'histoire sous le nom d'accords de Dayton.

Puisque la règle existe, elle facilite la sécession. On voit là le retour de flammes, l’effet boomerang d’une règle que l’on estime désirable car elle permet d’assurer la stabilité territoriale. Mais ne facilite-t-elle pas la sécession ? Ultimement, il faut se demander sur quelles frontières administratives se base-t-on ? Est-ce la frontière régionale ? La ligne de la frontière linguistique ? La frontière provinciale ? Il y a là un problème car le droit international ne désigne pas la frontière administrative interne.

22/10/10

Remarque: La Cour parle d’un principe général, auquel elle entend donner un fondement rationnel, car elle parle d’un principe général logiquement lié. Ca a pour objectif d’objectiviser les choses, c’est comme si on pouvait se passer de la preuve de l’existence de la coutume. On voit là l’enjeu de la partie sur les sources.

Ce prononcé opère un renvoi à la jurisprudence de la CIJ, et accepte dans le cadre européen la généralisation de l’uti possidetis provenant de l’arrêt de la Cour en 1986.

Les grandes puissances ont accepté cette manière de voir les choses. Toute la politique de ces pays a été entièrement déterminées par cette exigence de ne pas toucher aux frontières administratives antérieures (mais ces frontières internes sont souvent artificielles).Exemple : Une partie des Croates habitant dans l’ancienne province bosniaque pouvaient faire sécession. Le refus d’une grande Serbie, et la volonté de maintenir en Bosnie un Etat pluriethnique était basé sur l’exigence de maintenir la frontière interne transformée en frontière internationale.

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Page 102: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Dans le cadre bosniaque, la frontière délimitée par le Maréchal Tito empiétait sur le territoire de la Serbie et Croatie, entité qui allait contrebalancer la présence serbe et yougoslave. Cette frontière administrative interne avait un caractère artificiel.

Dans le cadre belge, les frontières administratives sont souvent le résultat de donnant-donnant qui n’ont de sens que par rapport à l’entité centrale. Quelles sont ces frontières administratives qui doivent être prises en compte ? En Belgique, s’agit-il de la frontière linguistique ou des limites des provinces, voire des régions ?

- Les flamands vont donner la préférence à la frontière linguistique - les francophones voit dire soit que l’uti possidetis n’existe pas, soit que ce sont

les frontières régionales.

Donc, la règle en elle même ne permet pas de résoudre toutes les différends qui peuvent se présenter. La généralisation de la règle est assez problématique.

En Amérique latine et en Afrique, c’est le consentement des parties qui a fait que la règle était applicable.

Dans le cadre yougoslave, il y a seulement consentement des parties, via les accords de paix de Dayton- Paris4. Avant cela, c’était le consentement des grandes puissances qui jouait.Il faut remarquer que, même si le principe de l’uti possidetis a été généralisé, il reste par ailleurs une règle à laquelle on peut déroger de commun accord.POSITION DE P. D’ARGENT P. d’Argent reste dubitatif sur le caractère obligatoire et la généralisation de cette règle et estime, qu’à tout le moins avant 1986, il est abusif de la considérer comme une règle générale.Et en 1986, construire l’uti possidetis comme une règle générale est liée à une règle générale bien établie et incontestable qui est la succession d’Etat aux traités de frontières. Mais comme on mélange un peu les deux, la juridicité incontestable d’un des principes vient contaminer l’autre et cela peut expliquer des affirmations jurisprudentielles un peu prématurées. Pour lui, avant 1986, il ne faut pas la considérer comme une règle générale.A partir de 1992/93 (avis de la Commission Badinter), il est peut-être établi qu’il existerait une règle de droit international qui impose des frontières. Cependant, il existe beaucoup d’objections de la part des Etats concernés et la doctrine est également fort divisée selon le pays d’origine de l’auteur. Ainsi si l’auteur est originaire d’un Etat fédéral, il sera très réticent par rapport à l’uti possidetis, alors que les auteurs originaires d’un Etat unitaire sont convaincus par la technique.

4 Les accords de Dayton mirent fin aux combats inter-ethniques qui ravageaient la Bosnie-Herzégovine. Du 1er novembre au 21 novembre 1995, dans la base aérienne de Wright-Patterson, près de Dayton, dans l'Ohio, aux États-Unis, se déroulèrent des négociations visant à mettre fin à la guerre qui ravageait depuis trois ans l'ex-Yougoslavie. Les principaux participants étaient les présidents serbe (Slobodan Milosevic), croate (Franjo Tuđman) et bosniaque (Alija Izetbegovic), ainsi que le négociateur américain Richard Holbrooke assisté de Christopher Hill. Les accords de Dayton prévoyaient une partition de la Bosnie-Herzégovine à peu près également entre la Fédération de Bosnie et Herzégovine (croato-bosniaque) et la République serbe de Bosnie (serbe), ainsi que le déploiement d'une force de paix multinationale, l'IFOR. Bien que formellement signés à Paris le 14 décembre 1995, ces accords sont passés à l'histoire sous le nom d'accords de Dayton.

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Page 103: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Très souvent, les auteurs qui soutiennent la thèse de l’uti possidetis découlant logiquement de l’accession à l’indépendance simultanée vont plus loin et affirment que l’uti possidetis est un principe qui découle logiquement de la prohibition de l’emploi de la force.Cet argument ne convainc pas du tout P. d’Argent parce que cette prohibition de l’emploi de la force ne suppose pas qu’il existe une frontière. Ces deux éléments ont évidemment des liens : on ne peut pas acquérir un territoire à la suite d’un emploi illicite de la force, cela peut supposer qu’il y ait une frontière. Donc, les deux règles sont liées, mais la prohibition de l’emploi de la force n’est que la prohibition de l’emploi de la force. Il ne faut pas de détermination territoriale pour que cette interdiction ait un sens. Cette prohibition ne demande pas plus de développement. Ce qu’il faut donc en penser, c’est que, certes, il y a eu une évolution du droit, mais qu’on peut déroger à cette règle de commun accord. P. d’Argent est en effet partagé sur le caractère obligatoire ou pas de cette règle. C’est une règle qui n’a de sens qu’en rapport avec les frontières administratives internes.

Les principes généraux font partie du droit international, dans l’idée de l’article 38, les principes généraux sont les principes communs au droit interne, c’est une sorte de synonyme à la coutume. Ici, ce n’est pas vraiment le cas.

4. LES LIGNES INTERNATIONALES DE DÉMARCATION

Ce sont les lignes de cessez le feu.

La ligne de démarcation n’est pas une frontière en ce sens - qu’elle est provisoire - qu’elle n’a pas pour prétention de délimiter des territoires

Elle délimite sur le sol la présence respective de différents acteurs, de différents anciens belligérants, qui s’entendent pour établir entre eux une trêve militaire +- militaire, qui acceptent de retirer leurs troupes respectives derrière une ligne internationale de démarcation.

Cet accord peut être obtenu par une médiation internationale.

Il y a des lignes célèbres   :

- la ligne bleue qui sépare le Pakistan de l’Inde depuis 1947 ;

- la ligne verte qui sépare, en 1948, les pays arabes et Israël. Le propre de cette ligne verte est qu’elle existe depuis 1948 et qu’elle est franchie par les troupes israéliennes qui ont occupé le territoire israélien.

On se pose la question du caractère permanent de cette ligne verte, ou de la transformation progressive de cette ligne provisoire.

Ces lignes sont provisoires par nature, dans l’avis rendu par la Cour en 2004, elle ne transforme pas cette ligne verte en frontière mais lui donne un sens proche de la notion même de frontière.

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Page 104: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

La Cour est saisie d’une question qui porte sur l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé. La cour dit que je n’ai pas à répondre à la question de savoir quelles sont les conséquences de l’édification d’un mur si ce mur n’est pas présent dans le territoire. Or, il se fait que ce mur qui suit +- la ligne, il déborde parfois en territoire palestinien.

La Cour dit que tout ce qui se passe à l’ouest de la ligne verte, elle ne se prononce pas à cet égard, elle se ne prononce par sur les parties du mur qui sont sur le territoire d’Israël.

Elle identifie le territoire d’Israël comme étant celui se situant à l’ouest de la ligne verte. Le territoire occupé, c’est le territoire qui se trouve à l’est de la ligne verte. On voit que la ligne verte, puisqu’on dit qu’à l’ouest c’est Israël, elle reçoit de la part de la Cour une permanence territoriale qu’elle n’est en principe pas, au début, faite pour avoir.

C’est une ligne que l’on trace, toute prétention territoriale était réservée. C’est une ligne de démarcation qui ne préjuge pas de la délimitation territoriale, de la souveraineté sur un territoire.

C’est une ligne qu’il faut respecter (la résolution 2526 rappelle à cet égard le caractère obligatoire de ne pas porter atteinte aux lignes de cessez le feu). La ligne a été violée par Israël en 1967. Le territoire palestinien occupé, c’est tout le territoire qui se trouve à l’est de la ligne verte, en ce compris Jérusalem et plus la bande de Gaza.

Cela signifie-t-il que si un accord entre Israël et Palestine doit intervenir, cette ligne verte servira d’uti possidetis ?

Il n’y a rien d’automatique là-dedans, mais si des négociations ont lieu, c’est à propos de cette ligne que des questions se poseront.

La ligne, depuis 40 qu’elle est là, a, dans la réalité des faits, transformé les choses. On ne peut conclure un accord de paix sans tenir compte des réalités. Celles-ci sont incontournables. Ce sera toujours par rapport à celle-ci qu’un éventuel échange sera assuré.

Dans l’avis de la CIJ du 9 juillet 2004, (affaire du mur construit par Israël en territoire palestinien occupé, en réponse à la question posée par l’Assemblée générale sur les conséquences juridiques de l’édification de ce mur) la Cour semble donner à la ligne verte de 1949, une quasi-consolidation en tant que frontière internationale (le « territoire d’Israël lui-même »).C’est quelque chose qui est contesté par les plus radicaux des Palestiniens, et dans les Etats voisins. Israël n’a de traité de paix qu’avec les Etats voisins.

A l’occasion de cette question, la Cour s’interroge sur ce que sont les territoires palestiniens occupés (territoires envahis en 1967 par Israël, en violation du cessez-le-feu). Et elle décide de se prononcer uniquement sur les parties du mur à l’Est de la ligne verte (c’est-à-dire les parties du mur construite sur les territoires palestiniens

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Page 105: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

occupés). Car elle affirme qu’elle n’a pas à se prononcer sur les parties construites en Israël même.

Cela semble démontrer que le droit du peuple palestinien à l’autodétermination est un droit qui, territorialement, ne peut s’exercer que dans la partie occupée par Israël ; il s’agit donc en filigrane d’une limitation ratione loci de ce droit du peuple palestinien à l’autodétermination, avec des conséquences importantes sur la limitation du droit au retour.Il est hors de question, pour la Cour, de considérer qu’Israël n’a pas de territoire. Et ce qui est remarquable, c’est qu’une ligne de démarcation, pour les besoins de cette jurisprudence-là, reçoit une interprétation quasi-permanente et devient donc quasiment une frontière.Avis consultatif de la Cour internationale de Justice du 9 juillet 2004Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupéLa Cour mentionne tout d’abord, en se référant au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et à la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, les principes de l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force et de l’illicéité de toute acquisition de territoire par ces moyens, qui reflètent le droit international coutumier.  Elle cite également le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui a été consacré dans la Charte et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV).  S’agissant du droit international humanitaire, la Cour mentionne les dispositions du règlement de La Haye de 1907, qui ont acquis un caractère coutumier, ainsi que celles de la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949, qui est applicable dans les territoires palestiniens qui étaient avant le conflit armé de 1967 à l’Est de la ligne de démarcation de l’Armistice de 1949 (ou “Ligne verte”) et qui ont à l’occasion de ce conflit été occupés par ISRAËL.  La Cour relève encore que des instruments relatifs aux droits de l’homme (pacte international relatif aux droits civils et politiques, pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant) s’appliquent dans le territoire palestinien occupé. (…)Sur le premier point, [La Cour] dit qu’Israël doit respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit humanitaire et des droits de l’homme.  Israël doit également mettre un terme à la violation de ses obligations internationales, telle qu’elle résulte de la construction du mur en territoire palestinien occupé, et doit en conséquence cesser immédiatement les travaux d’édification du mur, démanteler immédiatement les portions de l’ouvrage situées dans le territoire palestinien occupé. 

5. L’OPPOSABILITÉ DE LA FRONTIÈRE

Une fois que la frontière est convenue entre parties, le traité de frontière a une permanence puisqu’il y a un principe de succession d’Etat au traité de frontière. Il a également un principe d’opposabilité à tous les tiers. Les tiers tiennent pour établie cette frontière.

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Page 106: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

§3. Le gouvernement

1. LES PRINCIPES

A. L’effectivité du gouvernement  

Il doit être capable de faire respecter sur son territoire, non pas son propre droit, mais les commandements du droit international. C’est en cela qu’on vérifie l’effectivité du gouvernement. Il y a une présomption d’effectivité au bénéfice des gouvernements

B. La liberté qu’ont les Etats de se doter du gouvernement qu’ils trouvent le meilleur pour eux-mêmes  

1. Principe de base 

Les Etats ont une liberté de choix par rapport à la structure du pouvoir et au contenu de la politique.

C’est le droit international classique, qui est d’ailleurs repris dans la résolution 262525. Les Etats sont libres de prendre la forme d’organisation politique qu’ils préfèrent. En termes de contenu de politique, ils peuvent avoir une politique libérale, communiste ou comme ils le veulent.

Le principe, c’est la liberté. Il n’est pas étonnant qu’en 1970, quand la résolution 262525 est adoptée, c’est ce principe de liberté qui prévaut. Au début, ce principe correspond seulement à une certaine forme d’impuissance du droit international d’imposer une forme de gouvernement plutôt qu’une autre.

2. Dans les années 70 

Cette liberté devient un choix, et non plus une forme d’impuissance.

Ce choix arrange toutes les grandes puissances, qui parviennent à influencer selon leurs politiques extérieures les différents régimes qui leur sont proches ou soumis. Ce qui fait qu’on a des zones d’influences (l’empire soviétique et ses satellites, le bloc occidental et ses gouvernements amis) et on entend que chacun ne vienne pas prétendre qu’il faut changer de gouvernement.

Le principe de liberté permet à certains Etats de se rapprocher d’un bloc plutôt que d’un autre.

3. Dans les années ’90 

Ce principe qui existe au moment de la guerre froide s’estompe à la fin de celle-ci.

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Page 107: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Au tournant des années ’90, la préoccupation des droits de l’homme prend une place plus importante. Les Etats se lient conventionnellement afin de s’engager dans la voie d’une forme de bon gouvernement.

C’est des choses qui se passent chez nous, en Europe, avant toute chose. Le traité de Maastricht, en 1992, impose comme condition d’adhésion à l’UE d’être un Etat démocratique. C’est un engagement de droit international qui les oblige : l’Etat ne jouit donc plus pleinement de cette liberté longuement promulguée par le droit international, car l’Etat a limité sa liberté, il s’est engagé à respecter les droits de l’homme et à prendre une forme de gouvernement particulière. Ce n’est pas simplement les pactes sur les droits civils, politiques, économiques et culturels.

Traité sur l’Union européenne – Article 61.   L'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'État de droit, principes qui sont communs aux États membres.2.   L'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4  novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.3.   L'Union respecte l'identité nationale de ses États membres.4.   L'Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques.

Des questions se posent, on se demande si est née une règle coutumière selon laquelle les Etats devraient se doter d’un bon gouvernement.

Cette règle coutumière, nous n’en avons pas besoin en Europe (car nous avons une règle conventionnelle, dans le cadre des traités fondateurs à l’UE).

A ce jour, cette règle, selon le prof, est encore à devenir. Elle n’existe pas.

Peut-on vraiment dire que la Chine et la Corée du nord violent une règle coutumière ? Non. Ils violent les droits de l’homme, mais nous aussi les violons.

Il faudrait d’abord s’entendre sur ce qu’est cette notion de bon gouvernement et de démocratie. Quand on affirme la nécessité de se doter d’un gouvernement démocratique, à minima, dans la pratique, on entend un Etat où les gouvernants sont désignés par élection, et où les gouvernés jouissent de libertés civiles élémentaires, de telle manière à ce que leur participation à la vie politique ait du sens. Il n’y a pas lieu de penser que les gouvernants soient choisis par les gouvernés s’il n’y a pas de liberté d’association, liberté de la presse, liberté d’opinion.

L’idée le plus souvent véhiculée est l’idée de l’Etat de droit : l’Etat est lui-même soumis au droit qu’il décrète. L’Etat produit des normes, il doit être soumis à ses propres normes.

Cette notion, même entendue en ce sens, ne fait pas encore l’objet d’une opinio iuris généralisée, et d’une pratique suffisamment constante pour qu’on puisse dire qu’il

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Page 108: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

s’agit d’une coutume universelle exigeant que les Etats se dotent d’un bon gouvernement.

Par contre, on peut déceler dans la pratique que quand l’Etat a un gouvernement démocratique, certes il n’a peut-être pas l’obligation de se doter d’un bon gouvernement, mais lorsqu’il a un bon gouvernement, on voit dans la pratique (et même de la part des Etats autoritaires) une condamnation des coups d’état non démocratiques, des prises de pouvoir, le plus souvent par des militaires, qui instaurent un régime non démocratique.

Depuis une quinzaine d’années, on a cette pratique ; et l’on peut construire à partir de cette pratique une obligation de non régression. Une fois que l’on est devenu démocratique, l’Etat viole une loi internationale s’il cesse de l’être.

Il y a sans doute en germe quelque chose qui se passe depuis une quinzaine d’années à ce sujet. On peut sans doute affirmer qu’il existe une règle coutumière à l’heure actuelle de ne pas être dictatorial une fois qu’on a été démocratique (ce qui est vu comme une régression). Principe de standstill

/ ! Ce n’est pas la même chose de dire cela que de dire que ceux qui n’ont jamais été démocratique doivent le devenir.

C. L’unicité du gouvernement   :

Ca veut dire deux choses : - il faut un gouvernement - il n’en faut pas plus qu’un.

L’unicité vise à éviter une situation d’anarchie qui résulterait - soit de l’absence de gouvernement, - soit d’une multiplication des gouvernements et d’une rivalité entre eux dans la

représentation de l’Etat.

Car selon dont on parle ici, c’est de l’unicité du gouvernement non en ce sens qu’on ne peut avoir de gouvernement régional, c’est qui est le gouvernement qui représente internationalement l’Etat. Il n’y en a qu’un par Etat. Si des autorités rivales prétendent incarner l’Etat, on est dans une situation de guerre civile.

Le droit international, quand il regarde l’Etat, ne veut avoir qu’un seul interlocuteur. Deux questions se posent face à cela :

1. Le défaut de gouvernement :

L’Etat cesse-t-il d’exister car un élément d’identification n’existe pas ? La réponse est négative : l’Etat comme sujet de droit international, même non doté d’un gouvernement, survit.

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Page 109: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Quand l’Etat nait, il a besoin, pour pouvoir être identifié, qu’il y ait une autorité gouvernementale pour le représenter. Une fois qu’il est établi, il ne peut pour autant disparaître.

Que se passe-t-il en cas de disparition du gouvernement ? - Prenons le cas de l’Irak en 2003 : le gouvernement cesse d’exister, un

ambassadeur américain exerce l’autorité en Irak. - En 1945, le Reich allemand s’écoule : il n’y a plus de gouvernement en

Allemagne, mais l’Allemagne existe toujours. - La Somalie n’a plus de gouvernement. - En Afghanistan, on a aussi un gouvernement. Mais entre le moment où les

soviétiques se retirent et les Talibans prennent le pouvoir, pendant 5 ans on n’a pas de gouvernement.

L’Etat ne cesse pas d’exister. Mais la question pour les tiers, qui se pose tant quand il n’y a pas de gouvernement, que quand il y en a plusieurs, est de savoir avec qui on traite. Qui va gouverner l’Etat ? Quand le gouvernement n’existe pas ou est très faiblement effectif, c’est la question de son indépendance qui va être retenue.

2. La multiplicité de gouvernement 

Cest important de savoir avec qui on traite. Dans les situations d’anarchie par multiplicité de gouvernement (les situations de guerre civile), il faut savoir avec qui l’on va pouvoir traiter.

C’est une question qui se pose essentiellement lorsque les Etats tiers veulent régler le problème de l’anarchie dans le pays et veulent intervenir pour aider une faction qu’ils considèrent comme étant le gouvernement à rétablir son autorité. En l’absence de volonté d’intervenir de la part des tiers, les tiers traitent avec le gouvernement antérieur, qui était là avant les troubles. C’est avec lui qu’on va continuer, s’il le faut, à conclure des traités.

En d’autres termes, on voit que dans la pratique, la tendance est de privilégier le gouvernement en place, avant les troubles, celui qui est là et qui est « reconnu ». On ne se pose pas la question de savoir qui est le bon gouvernement. Les choses tourneront sans doute au moment où l’effectivité des choses vient à devoir cesser d’entretenir des fictions et considérer que le gouvernement effectif est le gouvernement qui représente l’Etat.

On a, à cet égard, un précédent symptomatique : celui de la CHINE ENTRE 1949 ET 71. La Chine est renversée par Mao Zedong et un gouvernement communiste s’installe. Mao prend le pouvoir en 1949, le gouvernement nationaliste, aidé par les américains, se réfugie sur l’île de Taiwan. A Taiwan, le gouvernement chinois dirigé par Tchang Kaï Tchek se réunit. Le gouvernement communiste règne sur la Chine continentale (énorme territoire), et pourtant, celui qui représente la Chine internationalement, qui ne fait pas cession de la Chine, est le gouvernement de Taiwan, considéré par les puissances occidentales comme le représentant de la Chine. A un moment donné, cette prétention est intenable. Kissinger fait son deal avec les chinois, traité le gouvernement de Beijing comme le gouvernement chinois. Il n’y a qu’une seule Chine. Simplement, on se demande qui représente la Chine. Les

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Page 110: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Américains, par réalisme, considèrent que l’ambassadeur désigné par Pekin est compétent, plus celui désigné par Tchang Kai Tchek.

On se souviendra de la difficulté à propos de la Chine. Ce n’est qu’à partir de 1971 qu’il va y avoir une majorité des 2/3 aux Nations Unies qui accepte de substituer à la Chine nationaliste (Taïwan), la Chine communiste au siège chinois au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Donc, savoir qui représente la Chine a été pendant toutes ces années une question diplomatique particulièrement épineuse. Et les Etats occidentaux étaient accrochés à la préférence donnée au gouvernement de Kaï Tchek. A un moment donné, on s’est incliné devant l’effectivité, et le réalisme politique.

3. LA RECONNAISSANCE DU GOUVERNEMENT

A. Les principes

Qui vais-je reconnaître comme celui qui représente l’Etat ?

Dans la pratique, souvent, c’est par les mots de reconnaissance de gouvernement que l’on donne la préférence à l’un sur l’autre, que les tiers accordent cette faveur de manière discrétionnaire qu’est la reconnaissance de gouvernement (et non d’Etat).

On reconnaît un gouvernement lorsqu’un gouvernement succède dans un Etat à un autre, en violation des règles constitutionnelles. On ne reconnaît pas les gouvernements qui se suivent selon les ordres constitutionnels : on en parle dans le cadre de coups d’état, de révolution.

Différentes doctrines se partagent le terrain, chaque fois avec une oscillation entre un souci de légitimé et un souci d’effectivité.

1. La légitimité 

Doctrine de M. Tobar, ministre équatorien des affaires étrangères en 1914, il y a beaucoup de coups d’état à cette période : les Etats tiers ne peuvent reconnaître le gouvernement putchiste aussi longtemps que ce gouvernement n’a pas vu son pouvoir confirmé dans les urnes, à l’occasion d’un scrutin. On a une notion de bon gouvernement, de gouvernement démocratique.

2. L’effectivité

M. Estrada, ministre mexicain, considère qu’on peut reconnaître le gouvernement qu’on veut, du moment qu’il soit effectif. Dans la pratique, c’est la doctrine Estrada qui l’emporte. On va voir les puissances occidentales reconnaître le gouvernement effectif, sans autre souci de voir si le gouvernement putchiste a bien le pouvoir. Cette reconnaissance n’a pas d’effet juridique particulier, elle n’est ni constitutive ni attributive ni déclarative de quoi que ce soit. Cette pratique politique renforce l’effectivité d’un pouvoir auquel on fait plaisir en le reconnaissant.

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Page 111: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

B. L’abandon de la reconnaissance  

Dans les ’60, les opinions publiques de pays qui procèdent à ces reconnaissances vont être choquées pour cette pratique.

Le 1er Etat à abandonner la reconnaissance de gouvernement est la France : reconnaître tel gouvernement plutôt que tel autre, simplement car il a le pouvoir effectivement, ça va choquer. La France se rend compte qu’elle n’a pas besoin de reconnaître explicitement tel gouvernement, il suffit qu’elle accepte ou refuse de recevoir tel gouvernement. Elle ne doit pas reconnaître ou refuser de reconnaître officiellement tel Etat.

La pratique de reconnaissance de gouvernement est abandonnée aujourd'hui.

3. LA PROTECTION DES FONCTIONS «   GOUVERNEMENTALES   »

A. Les chefs d’Etat, de gouvernement et le ministre des affaires étrangères   :

L’Etat est incarné par des personnes qui ont l’autorité de parler en son nom. Les figures qui représentent l’Etat incarnent l’Etat dans les relations internationales.

1. Pendant l’exercice de la fonction  (immunité personnelle)

Souvenons-nous de la convention de Viennes, qui confère un pouvoir de représentation au chef de l’Etat, au ministre des affaires étrangères, au chef de gouvernement (article 7).

La Cour, dans l’affaire Cameroun-Nigéria, y voit une règle substantielle : une présomption de compétence au bénéfice de ces personnes dispensées de produire les pleins pouvoirs.

Ces personnes, dans les relations internationales, jouissent d’une inviolabilité et d’une immunité de juridiction totale pendant la durée de leurs fonctions.

Cette règle coutumière du droit international a été confirmée par l’arrêt du 14 février 2002, CONGO CONTRE BELGIQUE. Dans cette affaire, Vandermeersch a émis un mandat d’arrêt contre Yerodia, qui était ministre congolais des affaires étrangères. On lui reprochait d’avoir incité à la haine raciale et d’ainsi avoir provoqué certains massacres dans l’est du Congo. Le Congo a porté l’affaire devant la CIJ et a demandé à la Cour d’annuler le mandat d’arrêt. La Cour n’a pas annulé le mandat, elle a dit à la Belgique de mettre à néant le mandat car il violait l’immunité de juridiction pénale absolue dont jouit le ministre des affaires étrangères en fonction.

La règle coutumière est affirmée aux § 54 à 60. Le mandat d’arrêt, qui avait circulé par l’intermédiaire d’Interpol, cet acte d’autorité de la Belgique, fait obstacle à l’exercice des fonctions du ministre.

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Page 112: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

La Cour a constaté effectivement qu’il existait une coutume de droit international bien établie qui interdisait pendant la fonction de ministre de poser tout acte de volonté qui limiterait l’exercice de ces fonctions.

Cette règle est clairement établie, elle va tout à fait rappeler à la Belgique quelles sont ses obligations internationales. Le législateur belge, dans un souci de plaire, avait pensé que quand on est accusé de droit international, on n’a plus d’immunité.

C’est ce qu’on appelle l’immunité personnelle, cette immunité s’attache à une personne particulière pour toute la durée de ses fonctions. Elle couvre également, pendant toute la durée des fonctions, les actes commis avant la prise de fonction.

2. Après la cessation des fonctions (immunité fonctionnelle)

L’immunité n’existe plus.

Immunité ne signifie pas non responsabilité. Ce n’est pas parce qu’on agit au nom de l’Etat qu’on n’est pas responsable de ce qu’on fait.

Une fois qu’on cesse d’exercer les fonctions, qu’arrive-t-il ?

C’est le §61 de l’arrêt Congo.La Cour dit qu’après la fin des fonctions, les actes non privés et qui sont des actes de la fonction, continuent à être protégé par l’immunité pénale, c’est l’immunité fonctionnelle. Cette immunité survit après la cessation de la fonction mais ne s’appliquent alors qu’aux actes de la fonction tandis que l’immunité personnelle s’appliquent à tous les actes pendant la fonction. L’immunité fonctionnelle ne couvre pas les actes commis avant les fonctions, ni les actes commis après, ni les actes commis pendant la fonction qui sont de nature personnelle.

L’immunité est au bénéfice de l’Etat, non de la personne. Pendant l’exercice des fonctions, l’Etat peut lever l’immunité. La question de la cessation de la fonction, la Cour répond de cette façon : une personne qui a cessé d’occuper ses fonctions ne bénéficie plus de la totalité des immunités. Pendant qu’on est ministre des affaires étrangères, on a une immunité totale qui couvre les actes qu’on a posés pendant notre fonction et encore avant.

Pour les actes commis quand on est au pouvoir, est-ce qu’on continue de bénéficier d’une certaine immunité ? La Cour dit que les actes accomplis à titre privé pendant cette période ne sont plus couverts par l’immunité de juridiction une fois que la fonction a pris fin. Donc les actes commis à titre des fonctions continuent à être couverts.

L’AFFAIRE PINOCHET DE 1999 précède l’arrêt de la Cour. Comment comprendre l’arrêt de la CIJ de 2002, s’agissant de l’exception des actes privés après la cessation des fonctions ?

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Page 113: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Contexte de l’arrêt Pinochet   : arrêté en Angleterre, n’est plus le président chilien depuis longtemps, a du sang sur les mains, est poursuivi pour différents actes dont la violation de la convention sur la torture. La Cour des Lords considère que l’ancien chef d’Etat n’a pas d’immunité de juridiction après la cessation es fonctions pour les actes qui constituent des crimes de droit international. Ce que dit la Cour des Lords c’est qu’il y a une exception à l’immunité de juridiction pour les actes commis pendant la durée des fonctions quand ces actes sont des violations du droit international. Il faut construire une exception à la règle qui dit qu’il y a immunité pour les actes qui ne sont pas des actes privés.

La résolution de Vancouver dit cela. L’institut de droit international est un club de spécialistes du droit international, ce n’est pas un organisme officiel. Dans la résolution de Vancouver, l’institut indique que l’ancien chef d’Etat/gouvernement et ministres des affaires étrangères ne bénéficient d’aucune immunité de juridiction pour les crimes de droit international.

Le §61 est sans préjudice des actes à titre privé ou pas à titre privé. En amont de cette distinction, on a les crimes de droit international. Ces crimes étant imprescriptibles, on les sanctionne lorsque ces personnes sortent de charge.

B. Les relations diplomatiques

Elles sont régies par la convention de Viennes de 1961-63 sur les relations consulaires.

Le consul est là pour assurer des relations commerciales entre son Etat d’envoi et l’Etat où il exerce ses fonctions. Il n’a pas pour fonction de représenter l’Etat, dans l’Etat où il est.

Le consul reçoit une immunité, une forme de protection, mais n’a pas en charge la représentation internationale de l’Etat. Le diplomate, lui, représente internationalement l’Etat.

On parlera, ici, des relations diplomatiques. Elles s’établissent entre l’Etat accréditant (qui accrédite un diplomate après d’un autre Etat) et l’Etat accréditaire, par consentement mutuel, et c’est réciproque. L’établissement de relations diplomatiques emporte la reconnaissance de l’Etat, c’est un acte essentiel dans les relations que les Etats entretiennent entre eux.

La rupture des relations diplomatiques n’est jamais illicite mais est toujours symboliquement chargée.

Les relations diplomatiques, c’est une institution vieille de plusieurs milliers d’années.

La CIJ a eu l’occasion, dans l’affaire des otages américains à Téhéran, de souligner l’importance que les relations diplomatiques représente, et la protection juridique que ca représente.

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Page 114: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

En 1979, révolution en Iran. Le Chah est chassé par les pouvoirs islamiques. Des étudiants qui soutiennent le nouveau régime prennent d’assaut l’ambassade des USA et gardent en otage les diplomates américains. La Cour souligne l’importance que revêtent les relations diplomatiques pour les Etats, au §92.Celle-ci a rappelé que le droit diplomatique (arrêt du 24 mai 1980, § 92) est «  un édifice juridique patiemment construit par l’humanité au cours des siècles et dont la sauvegarde est essentielle pour la sécurité et le bien être d’une communauté internationale (très) complexe (…) qui a plus que jamais besoin du respect constant et scrupuleux des règles présidant au développement ordonné des relations entre ses membres ».

Tout cela peut paraître pompeux et donner une importance exagérée aux diplomates.

Une vieille consultation juridique a été donnée par Gentini, réfugié à Cambridge au 16ème, au moment des guerres de religion. La consultation à propos des relations diplomatiques est ancienne, on le voit bien ici ! La reine d’Angleterre (Elizabeth 1er) avait découvert que l’ambassadeur d’Espagne avait payé des gens pour l’assassiner. Elle lui envoie ses gardes pour le décapiter. Gentini, jurisconsulte italien, dit qu’on ne fait pas ça entre nations civilisées. Les relations diplomatiques sont fondées sur la réciprocité, elle fait donc mieux de libérer l’ambassadeur. Car l’ambassadeur anglais à Madrid risquerait d’être condamné, en échange.

25/10/10

L’institution diplomatique est une très vieille institution. Les relations diplomatiques sont des relations par lesquelles les Etats sont représentés l’un chez l’autre. Il y a un Etat accréditant qui accrédite auprès d’un autre Etat, un Etat accréditaire. D’abord uniquement bilatérale (ex. un ambassadeur français en Angleterre et vice-versa). Depuis le début du 20e siècle, elle est également multilatérale par l’entremise d’organisations internationales (ONU, OTAN, etc.).Le droit des légats étrangers a toujours reçu une protection particulière. Le droit des relations diplomatiques se distinguent des relations consulaires. Les consuls sont des fonctionnaires de l’Etat qui bénéficient d’un certain nombre d’immunités mais qui n’ont pas pour fonction de représenter l’Etat. Ils sont là pour aider leurs ressortissants (à la base dans les matières commerciales). Il peut avoir plusieurs consulats dans un même pays, mais il n’y a qu’une seule représentation diplomatique (une seule ambassade).Le droit diplomatique est fondamental pour les bonnes relations et le maintien de ces bonnes relations entre les Etats. Ce sont les diplomates qui créent le droit international par les traités. Ils ont besoin d’un droit qui est clair et qui les protège.

Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (CIJ, Etats-Unis c. Iran du 24 Mai 1980)5 : En 1979 il y a une révolution en Iran, le Shah est chassé par les mollahs. Les étudiants de l’université de Téhéran qui participent à la révolution, envahissent l’ambassade des USA en Iran. Les USA étaient un allié de toujours du Shah (ainsi que l’Iran des USA), l’ambassade est tenu en otage pendant plus d’un an. Conclusion de l’accord d’Alger un an plus tard. Dans l’affaire des otages, la Cour revient sur l’importance du devoir diplomatique pour les relations internationales. Depuis 400 ans ce droit est fondé sur une forme de respect absolu que l’Etat accréditaire (pays d’accueil) se doit d’avoir envers l’Etat accréditant (pays représenté par la délégation diplomatique). Le droit reste fondé sur la même idée.

5 CIJ, Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis c. Iran) , 24 mai 1980, §92.

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Depuis Gentini, le droit diplomatique est codifié par la convention de vienne de 1961. Elle a un caractère très fort déclaratif de droit coutumier. Elle s’accompagne d’un protocole additionnel qui permet aux états d’aller devant la CJ pour les différents qui les concernent. Les rapports diplomatiques sont réglés conventionnellement par les Etats.

- Art. 2 : l’établissement des relations diplomatiques entre Etats se fait de manière conventionnelle. Elles sont établies par le consentement des deux parties ; la rupture quant à elle peut être unilatérale.

- Art. 3 : Les diplomates ont pour mission de représenter l’état, protéger les nationaux, ils ont une fonction d’information envers leur état, etc. Les diplomates passent de moins en moins de temps à utiliser cette fonction informative, la presse prenant le relais et étant plus rapide. Bien sur, certaines informations secrètes (espionnage) ne peuvent pas être rapportées par la presse. La CV ne consacre pas l’espionnage, et certains diplomates sont donc susceptibles d’être sanctionné pour espionnage. On pourrait rompre les relations diplomatiques en punition. les fonctions diplomatiques consistent à représenter l’Etat accréditant dans le pays accréditaire. Le diplomate doit également renseigner le pays accréditaire, mais seulement via des mécanismes licites (exclusion de l’espionnage).

- Art. 41 : les obligations. La mission diplomatique a certaines obligations qui pèsent sur elle, notamment respecter le droit de l’Etat accréditaire et ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Etat. Ils font des rapports à leur capitale et agissent en fonction des instructions qu’ils reçoivent de leur capitale.

- Art. 4 : mission diplomatique et composition. La mission est composée de différents fonctionnaires. Le chef de la mission doit recevoir l’agrément de l’état accréditaire (l’état accréditant désignant son diplomate). Pour les autres membres, l’état accréditaire n’a rien à dire. Lorsque l’état accréditaire refuse le chef de la mission, il n’a pas à s’en justifier. Tout ça est un peu anecdotique, très rares sont les états qui refusent les chefs de mission aujourd’hui.Le chef de mission va présenter ses lettres de créance au chef d’état ou de gouvernement de l’Etat dans lequel il est accrédité. C’est un vieux procédé qui reste d’actualité. C’est plus protocolaire qu’autre chose.

- Art. 9 : persona non grataMais à tout moment et sans devoir se justifier, l’Etat accréditaire peut déclarer que toute personne de la mission « persona non grata » (c’est dire à l’Etat étranger, Monsieur X, je n’en veux plus, s’il vous plait rappelez-le). C’est la seule sanction possible pour l’Etat accréditaire. Ce n’est pas un acte administratif susceptible d’annulation par le Conseil d’Etat car il n’y a pas d’effets juridiques comme tel6. La Belgique est incapable d’ordonner quoi que ce soit à l’ambassadeur étranger qu’il déclare persona non grata. C’est un acte qu’on signifie à l’Etat

6 CE, 9 avril 1998, JLMB, 1998, p. 1549.

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Page 116: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

étranger et qui ne prend ses effets que par la décision du pays étranger de rappeler son représentant. Pendant la guerre froide, beaucoup de diplomates américains ont été expulsés de Moscou (et inversement). C’est la sanction qui peut précéder la rupture des relations diplomatiques. Mais ce n’est pas automatique. Les relations diplomatiques se font de commun accord mais se rompent unilatéralement et sans justification.

C. Inviolabilité, protection et privilèges de la mission

Lorsqu’un diplomate commet une infraction sur le sol de l’état de sa mission, il bénéficie d’une immunité pénale. Elle connait des exceptions uniquement en matière d’action civile. Mais avant de parler de l’immunité du diplomate, rappelons que la mission elle-même jouit d’une protection particulière.

Premièrement, les locauxLa mission diplomatique n’est pas extraterritoriale. Le territoire étranger n’existe pas sur le territoire de l’état accréditant. La mission diplomatique de la Cote d’Ivoire en Belgique se trouve en Belgique! Simplement, l’immeuble loué par l’état en mission jouit d’une inviolabilité totale. Il faut que l’état accrédité donne son accord pour que les autorités de l’état accréditaire puisse pénétrer dans l’immeuble en question par exemple.

Pas de taxes ni impôts.

La valise diplomatique : c’est une vieille institution des relations diplomatiques. Il faut que le courrier de l’état en mission ne soit pas ouvert. La valise diplomatique est une caisse dans laquelle on met toute une série d’objets qui ne peuvent pas être saisis par l’état accréditaire. Ce sont des papiers qui appartiennent à l’état accréditant, et ils doivent le rester. Ca peut paraître choquant. Bien sur il y a eu des abus dans l’histoire. Et il y a des sanctions pour abus. Mais le principal est de faire confiance.

Deuxièmement, est-ce qu’on peut donner asile diplomatique à une personne ?En principe, l’asile diplomatique n’est pas visé par la convention de Vienne. L’existence d’un droit d’asile coutumier est loin d’être certaine. Cette question ne reçoit pas de réponse claire si ce n’est que la mission est inviolable donc on ne peut pas aller cherche une personne qui fait partie de la mission. Cependant, si une personne est réfugiée dans une ambassade pendant trop longtemps et abuse de ses privilèges de diplomate pour échapper aux poursuites pénales dans son pays, elle pourra alors être prise.

Troisièmement, les agents diplomatiques sont protégés par un certains nombres de règles (art. 29, 30, 31, 34 et 37 CV).

La mission est exemptée de taxes et d’impôts et les diplomates jouissent d’une immunité et d’une inviolabilité pénale absolue. Elle existe pendant toute la durée de la mission, pour les actes de la mission ou non.

Elle existe au bénéfice de l’état accréditant, il peut donc lever l’immunité de son diplomate. Seul lui peut le faire. Même le diplomate ne peut pas renoncer à son immunité.

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Page 117: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Cette immunité pénale existe envers l’état accréditaire uniquement, sous réserve d’une inviolabilité en transit. Cette immunité n’est donc pas de même nature que celle du chef d’état ou de gouvernement.

Il y a inviolabilité également du domicile du diplomate.

Une fois que la mission est terminée, le diplomate pourra être poursuivi sans difficultés. Mais pendant qu’il exerce la fonction, le diplomate jouit de son immunité pour les actes commis pendant et avant la mission.

Les actes commis pendant la mission à titre privé peuvent être sanctionnés lorsque la mission prend fin. La tout est de savoir ce qu’est un acte commis à titre privé.

Il existe cependant une exception   : les crimes de droit international . Le diplomate qui tue sa femme ou sa maitresse pendant sa fonction, il bénéficie d’une immunité pénale. Lorsqu’il cesse d’exercer sa mission, il pourra être poursuivi. Par contre, si ce monsieur a corrompu quelqu’un dans le cadre de sa fonction pour recevoir des informations privilégiées (interdit par l’art. 41 CV), une fois que la mission prendra fin, le diplomate sera encore couvert parce que ce n’est pas un acte privé. Maintenant, s’il commet un crime de droit international, il pourra être poursuivi (même chose que pour le chef d’état ou de gouvernement). L’état peut renoncer à cette immunité.

Quant est-il du flagrant délit ? Il n’est pas prévu dans la CV. Mais la CJ s’est prononcée là dessus. Elle dit que le flagrant délit peut être sanctionné par une détention brève et préventive du diplomate. Ce dernier sera relâché une fois qu’il sera calmé. On n’entamera pas de poursuite à son égard. On le mettre en détention préventive pour une raison de sécurité.

Par contre, il existe des exceptions en matière d’immunité civile. Ce sont des exceptions de bon sens.

L’immunité de juridiction : immunité absolue (immunité personnelle pendant la durée des fonctions), uniquement dans le pays accréditaire (ex. l’ambassadeur colombien en Belgique n’a pas d’immunité pour les actes commis en Allemagne). Pour l’immunité pénale : immunité absolue, mais pour l’immunité civile, il y a des exceptions (art. 31 – ex. action en succession, etc.). Il y a une chose qui souvent en pratique se pose : l’accident de voiture, de roulage. Il y a une immunité pénale, et également civile. Elle peut être levée par l’Etat accréditant qui est le maître des immunités de ses représentants, par exemple à la demande de l’Etat accréditaire.

LA SANCTION : COMMENT SANCTIONNE-T-ON UN ABUS ?

La seule sanction c’est de déclarer le diplomate persona non grata ou un certain nombre de diplomate. Voire on rompt les relations diplomatiques.

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Quand on déclare un diplomate persona non grata, ca veut dire que l’on adresse à l’état accréditant une demande pour que cet état rappelle son fonctionnaire chez lui. C’est l’article 9 de la convention qui vise cette hypothèse. Si l’état accréditant ne le fait pas (art.9, §2), l’état accréditaire sera en droit de ne plus considéré le diplomate comme tel et donc de le soumettre à son autorité pénale. Cette déchéance de privilèges est donc le résultat du refus de l’état accréditant. Souvent, cet état rappelle son ou ses fonctionnaires déclarés persona non grata.

Cet acte de déclaration a été considéré comme n’étant pas susceptible d’annulation parce que c’est un acte qui en tant que tel ne produit pas d’effets juridiques (jurisprudence de 1998). C’est un acte discrétionnaire dont on n’a pas à ce justifier (souvent c’est pour des raisons d’espionnage, de trafic de drogue, etc.).

La rupture des relation diplomatiques peuvent dériver de mesures unilatérales qui ne découlent pas d’une quelconque sanction.

Ce système de relation diplomatique a été qualifié de système clos par la cour. Un régime se suffisant à lui même. La cour parle de self-contained régime. La question est de savoir si, en dehors de ce système, on peut sanctionner un abus des privilèges et des immunités diplomatiques. Selon la cour, non, on ne peut utiliser que ces deux instruments (déclaration de persona non grata et rupture des relations diplomatiques). Le régime ne tolère donc pas une sanction de droit international coutumier autre que celles-là.

La convention de New York étend aux missions diplomatiques spéciales (missions qu’on envoie dans un état pour un temps déterminé) des privilèges et des immunités semblables à des diplomates en poste. Cette forme de diplomatie ponctuelle est de plus en plus souvent utilisée. On envoie des gens très qualifiés dans des dossiers très précis pour aller négocier certains points pendant un laps de temps déterminé.

§4. Egalité souveraine

La souveraineté c’est le mot magique de l’ordre juridique international. Aucun autre sujet de droit international n’est souverain.

Qu’est ce que c’est que l’égalité souveraine ?

Ce terme apparaît au 16ème siècle (Jean Bodin) à propos du souverain. C’est une souveraineté matérielle. Le souverain est le premier de tous, il a tous les pouvoirs. C’est une théorie qui va avoir pour objectif de consolider le pouvoir central dans les royaumes de l’époque contre la multiplication des chefs féodaux locaux.

Cette souveraineté interne va s’externaliser. Elle va s’imposer par rapport à d’autres états, à d’autres souverains. Les souverains sont en interne l’autorité ultime. Et au niveau externe, le souverain d’un état n’a personne au dessus de lui.

Aucun souverain ne peut se prétendre de dominer un autre. Le souverain c’est celui qui sur un territoire déterminé sera la source ultime d’autorité en interne et en externe.

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On parle d’autonomie absolue d’un pouvoir. On ne peut pas concevoir la notion d’état sans, en même temps, affirmer la souveraineté de celui-ci.

Max Huber, en 1928, à propos des iles du Palmas, écrit que la souveraineté signifie l’indépendance. On est souverain sur son territoire et personne d’autre que soi même n’y exerce une quelconque autorité.

Aujourd’hui, cette vérité existe toujours même si on se réfère à une volonté globalisée. Le référant culturel des personnes dans le monde entier à complètement évolué. Au niveau des personnes physiques, la souveraineté juridique est égale pour tous. Cette égalité en droit, elle est là. Pour les états, c’est pareil. Il y en a des plus puissants que d’autres, mais en droit, ils sont égaux en terme de souveraineté. C’est un postulat systémique. Pour certains états, devenir souverain ou continuer à l’être, c’est un combat quotidien et très violent.

De cette idée de l’égalité souveraine, cette souveraineté permet à chaque état de s’organiser, de faire les choix qui sont les siens. L’ordre juridique international sert à faire coexister des sujets qui sont souverains. Plus on coopère entre soi, moins on conserve cette autonomie de choix.

1. Compétences

Comment comprendre l’égalité souveraine par rapport aux compétences de l’état ?

Distinction entre :- la capacité du sujet - la capacité de ses organes à agir.

Les organes à travers les états agissent, ont des compétences. De la même manière que les organes d’une société anonyme à des compétences pour agir au nom de la société. Le sujet étatique est un être artificiel et il agit par l’intermédiaire d’organes qui ont des compétences particulières.

La question qui se pose : la souveraineté de l’état, le fait d’être souverain, donne-t-elle à l’état un titre pour agir qui se suffit à lui-même, ou bien l’état doit il trouver une habilitation particulière dans l’ordre juridique international pour pouvoir agir ?Est ce qu’on est dans une logique de droit privé où les acteurs sont autonomes et agissent librement jusqu’à ce qu’on les en empêche, ou bien est ce qu’on a une vision de droit public qui pousse à croire que l’état a besoin d’une habilitation particulière, un titre pour agir ?

Ce sont deux manières de voir les choses : la thèse permissive ou la thèse prohibitive.

LA THÈSE PERMISSIVE 

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Aujourd’hui, la logique est privée. On est dans un système où les états sont libre d’agir aussi longtemps que ce qu’ils font n’est pas contraire à une obligation internationale qui s’impose à eux.

Cette thèse permissive est développée en 1927.

1927   : affaire Lotus. Un navire turc est accroché par un navire français. Certains marins turcs meurent dans l’accident. La police turque veut poursuivre le navire français. Or dans le droit français, le pilote ne peut être jugé qu’en France. La cour va suivre la thèse permissive et affirmer le principe de la liberté sauf s’il existe une règle prohibitive. Cet espace de liberté est de plus en plus réduit. Il y a un renversement de perspective : les états justifient ce qu’ils font par une règle de DI, alors qu’avant il y avait un plus grande souveraineté et ils ne devaient pas justifier leurs actes sauf si une règle de DI l’interdisait.

THÈSE PROHIBITIVE

Est-ce que ça a changé ?Affaire du mandat d’arrêt   (Congo contre Belgique) : §61 « à condition d’être compétent selon le droit international » : si l’on s’attribue unilatéralement une compétence en matière répressive, l’exercice de cette compétence doit se faire dans le respect du DI.

Dans l’avis consultatif de 2010 sur la déclaration d’indépendance du Kosovo, la Cour est saisie de la question de la conformité de la déclaration avec le DI. La cour pense qu’elle doit se prononcer sur la violation ou non du DI de la déclaration. Elle dit qu’on peut faire quelque chose sans avoir été habilité.

le §61, certains estiment que cela signifie que l’on se trouve, dorénavant, dans la thèse prohibitive : les Etats ne peuvent faire quelque chose que si le droit international les y autorise.

On peut en tous cas fonctionner dans les deux systèmes.

Les auteurs de doctrine sont partagés car la solution dépend de la vision qu’on a du droit international. Le prof pense qu’on est encore aujourd’hui dans une vision plus privatiste que publiciste et donc l’état n’a pas à se justifier sur ses actes parce que justement il est souverain. Est ce que dire ca c’est avantager les plus puissants ? Pas spécialement parce que les petits états veulent aussi profiter de cela.

a) La compétence universelle (exemple vertueux)

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Page 121: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

On va parler de lois à vocation extraterritoriale, ce sont des lois adoptées par des Etats afin de soumettre à leurs juridictions des situations qui ne présentent pas nécessairement de liens avec eux.

La question aujourd’hui est devenue historique en ce qui concerne la Belgique. Elle prétend soumettre à ses juges tous les crimes de droit international. La Belgique a été pionnière en la matière, on retrouve cette notion de compétence universelle dans une loi belge de 1999. Elle consistait à pouvoir soumettre à la compétence juridictionnelle belge tout crime de droit international, commis dans un conflit armé interne ou international, où que le crime ait été commis, quelque soit la nationalité de l’auteur ou de la victime, et sans que l’auteur présumé ne soit présent sur le territoire belge (aucun lien de rattachement). C’est une conception très extensive de la compétence universelle (compétence inabstencia) alors que traditionnellement on imagine la compétence universelle à partir d’une obligation intermédiaire, aut dedere aut judicare.

La compétence universelle vient notamment de la piraterie. Tous les états peuvent arrêter les pirates et celui qui arrête les pirates peut les juger. Cela va être développer en ce qui concerne les crimes de guerres puis la torture. Cette manière de voir la compétence universelle se retrouve en droit coutumier en matière de piraterie. Il s’agit d’une obligation alternative : soit vous extradez, soit vous jugez ; vous jugez quand vous n’extradez pas ou vous extradez quand vous ne jugez pas. Mais vous ne pouvez extrader que lorsque vous détenez la personne, donc quand elle est sur votre territoire

Dans la loi belge de 1999, on allait plus loin : même si l’auteur n’est pas trouver sur le territoire de mon Etat, je prends un titre de compétence universelle ; je veux attraire cette personne devant mes juridictions et le cas échéant, je demande une extradition. L’impunité résulte souvent du fait que chaque Etat doit punir les criminels sur son territoire ou les extrader. Pour qu’il n’y ait pas d’impunité, on oblige de juger ou d’extrader (avec les critères habituels). La Belgique veut aller plus loin, mais peut-elle aller plus loin et dépasser ce que le droit international exige ? Est-on dans la logique Lotus ? Est-ce illicite ? Est-ce en vertu du titre de souveraineté ?Dans l’affaire Congo/Belgique, la question n’a pas été tranchée. La personne ne se trouve pas sur le territoire belge, elle se trouve au Congo et la victime est congolaise, mais il y a quand même mandat d’arrêt alors qu’il n’est pas sur le territoire belge. C’est très difficile de dire que cette manière de faire constitue un fait internationalement illicite, surtout en regardant Lotus. Est-ce que ce qui n’est pas prévu est interdit ? C’est contraire à la logique de la compétence universelle partagée, que chacun prend sur ses épaules. Cette question n’a pas été examinée par la Cour. Je vous avoue que moi-même je suis profondément inspiré par la thèse permissive. Cependant, il est non souhaitable d’exercer une compétence universelle de cette manière. Mais dire que c’est interdit en droit international, c’est difficile. Politiquement, ce genre d’exercice est intenable (ex. USA qui voulaient déménager le siège de l’OTAN). C’est une question de politique interne avant d’être une question de politique internationale.

Mais l’important est de savoir que chaque état a un titre pour poursuivre les crimes de droit international pour autant que l’auteur du crime se trouve sur l’état qui juge. D’où l’adage « soit juger, soit extrader ». On peut juger la personne parce qu’on l’a sous la main. En ce qui concerne la Belgique, la cour ne l’a pas condamnée.

Classiquement, la compétence universelle est la compétence répressive qu’on peut exercée lorsque la personne est trouvée sur le territoire.

29/10/10

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Page 122: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

b) Lois américaines Helms-Burton (Cuba) et D’Amato-Kennedy (Iran, Libye)

Ce sont des lois extra territoriales. On retrouve le problème de la compétence universelle : autre manière de réfléchir à l’extension du pouvoir d’un état hors de son territoire.La souveraineté s’exerce sur un territoire déterminé normalement. Un état déploie son autorité sur un territoire à travers les organes qui représentent son autorité.

Qu’en est il lorsqu’un état prétend soumettre des situation de l’étranger à son état ?Problème classique assez ancien qu’on retrouve à travers plusieurs problématiques.Exemple : un état nationalise ses sociétés, en ce compris les branches situées à l’étranger (exemple Mitterrand le fait quand il arrive au pouvoir).

Un autre cas où les états veulent soumettre à leur loi des situations situées à l’étranger c’est notamment le droit de la concurrence.

Exemples   : deux sociétés fusionnent, Microsoft achète une entreprise sur le marché européen (il doit soumettre sa demande aux autorités communautaires de la concurrence car accroissement des parts de marché),… Ce sera soumis au droit de la concurrence européen car répercussion sur ce marché. Ce ne sont pas des lois d’états certes mais on va soumettre des situations entièrement localisées à l’étranger à des autorités publiques qui ne sont pas territorialement liées à ces situations.

Quand on entend justifier la soumission d’une situation étrangère à l’autorité d’un état, la théorie des effets est ce qui permet en général de justifier cette prétention en droit international.Exemple du droit de la concurrence : l’effet sur le marché communautaire est réel donc il y a un titre pour l’union d’agir et de demander aux sociétés de remplir telle et telle obligation. La théorie des effets est quelque chose qui est accepté en droit international.

Il y a des situations plus critiques où l’état n’entend pas protéger un intérêt particulier autre qu’un intérêt qui lui est propre.Exemple : pas protéger le marché contre des positions dominantes mais buts de politique étrangère qui sont propres à l’état.

Ces exemples de lois extra territoriales problématiques sont trouvés dans deux lois américaines. Mais notons qu’il n’y a pas que les US qui ont prolongé leur politique étrangère de la sorte.Ce sont des lois qui portent les noms des députés américains qui en étaient les promoteurs.

- Helms Burton suscite le plus de controverse : elle vise à sanctionner toute personne qui trafique par rapport à des terres situées à Cuba.

- Amato Kennedy vise à renforcer des sanctions unilatérales des US contre l’Iran et la Lybie. 

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Page 123: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Par ces deux lois les US veulent sanctionner les sociétés étrangères qui commerceraient avec l’Iran ou la Lybie dans le secteur pétrolier, ou qui commerceraient avec Cuba à la suite de la révolution cubaine.

Car à la suite de la révolution cubaine, Fidel Castro nationalise des terres et beaucoup fuient en Floride (minorité de plus en plus puissante). Ces nationalisations ont lieu sans compensation = prise de terre par un gouvernement communiste. A la fin de la guerre froide, Cuba ne peut plus compter sur le soutien financier et économique de l’union soviétique donc Cuba va commencer à permettre des investissements étrangers. Généralement ce sont des hôteliers espagnols qui les achètent. C’est assez récent car Cuba a vécu pratiquement en autarcie pendant près de 45 ans et à la suite de la pression faite par le lobby cubain aux US, le congrès US adopte cette loi. Car ces personnes évincées voient les terres non plus entre les mains de Cuba mais entre les maison d’investisseurs étrangers. Ces nouveaux propriétaires vont profiter d’une expropriation illégale commise 40 plus tôt qui n’a jamais été réparée, disent les victimes. Sur place ce sont des sociétés étrangères qui achètent.

Donc la loi Helms Burton vise à sanctionner ces sociétés étrangères : à leur interdire l’accès au marché américain, y compris sanctionner les dirigeants de ces sociétés (mêmes des peines pénales !). Donc l’état veut prolonger sa politique étrangère à ces sociétés. Ils soumettent à leur loi pénale ceux qui violent leur interdiction de commercialiser avec Cuba.

C’est pareil avec le marché pétrolier pour l’Iran et la Lybie.

Ces lois ont donné lieu à un contentieux avec l’US et le reste du monde (surtout avec l’UE). Jamais de prononcé juridictionnel clair de l’inconstitutionnalité de ces lois ou illégalité. L’EU a demandé à l’OMC de condamner l’US mais finalement jamais du saisir l’OMC car Clinton a prolongé d’années en années l’entrée en vigueur de ces lois (une clause disait qu’il pouvait les mettre en vigueur quand la politique étrangère le permettait).

Donc il y a eu de part et d’autres des échanges d’arguments juridiques non pas sur la validité de la loi américaine mais sur la licéité de ces lois. C’est très différent car on ne demande pas à quelque juge que ce soit d’annuler cette loi : car les US sont souverains et ont la capacité de faire ce qu’ils font. Mais ils exercent cette compétence d’une manière non conforme avec la communauté internationale. Et tous les arguments consistent à dire qu’ils ne peuvent pas faire cela car il existe des règles de droit international que vous allez enfreindre en exerçant cette compétence extra territoriales.

C’est encore dans la ligne de la JURISPRUDENCE LOTUS : on a la capacité, on peut faire ça. Rien ne nous interdit de faire ça mais en faisant ça on en vient à violer des règles de droit international prohibitives. Même si on est suffisamment souverain pour faire ça, l’exercice de la souveraineté revient à un acte illicite.

Dans le droit US et international, ces lois sont valables (car ce n’est pas le droit international qui juge de la validité des lois américaines, il ne juge que de la validité des traités etc).

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Page 124: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

C’est pareil avec la Cour de justice : quand elle condamne un état pour manquement au droit communautaire, elle n’annule pas la loi qui constitue le manquement. Elle déclare que le payement a violé le droit communautaire mais la cour est sans pouvoir pour annuler l’acte. On est dans le registre de la licéité et pas dans le registre de la validité d’un acte  : c’est licite ou illicite.

De la même manière en droit international, on regarde les lois nationales et on juge de leur licéité. Et c’est ca qui fait toute la différence entre une vraie cour constitutionnelle et une cour internationale. La cour annulera en tout ou en partie une loi quand on est dans le registre de la validité : on le fait car on est le juge de l’ordre juridique qui est en cause. C’est là qu’est la source de leur caractère obligatoire.

On n’a qu’un pouvoir pour dire que ces actes là sont ou non conformes avec l’ordre juridique dont on est le gardien. Tout cela résulte du fait que les états sont souverains dans l’ordre juridique international : plénitude de capacité juridique du point de vue du droit international.

Licéité d’un acte et validité d’un acte, c’est tout à fait différent.

- Validité d’un acteLa validité d’un acte se mesure en fonction de l’ordre juridique dont cet acte tient son caractère obligatoire : seul le juge de cet ordre juridique là peut annuler.Par exemple, la cour de justice n’annule pas les actes des états membres mais seulement les actes de l’union. Car elle est fondamentalement dans la même situation qu’un juge international par rapport au droit interne des états (même si pas complètement un juge international comme les autres).

- Licéité d’un acteLe droit international ne limite pas la capacité juridique mais il limite l’exercice de cette capacité juridique.La communauté flamande par exemple a une capacité juridique limitée. Les compétences sont limitées. Et si la communauté les enfreint la cour constitutionnelle pourra annuler cet acte.

/ ! Tout cela sauf au sujet du ius cogens : plus de capacité souveraine de la par des états. Si les états contractent un traité contraire au ius cogens, il sera nul dans l’ordre juridique international.

L’exemple de l’extra territorialité est très clair dans ces deux lois. Et la manière de réfléchir par rapport à l’illicéité n’est pas si difficile. Il faut trouver une règle de droit international qui en vient à être violé par l’extension de l’exercice de nos compétences.

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2. Non-intervention (non-ingérence) dans les affaires intérieures

Un autre manière également d’appréhender le problème de la licéité de ces lois ou d’autres comportements étatiques, c’est d’utiliser une règle coutumière un peu nébuleuse : la non ingérence dans les affaires intérieures d’un état.

C’est une vieille règle de droit international (presqu’aussi vielle que l’apparition des états souverains). C’est une règle coutumière donc signification très nébuleuse.

Règle qui régit d’une part les états entre eux et d’autres part les Nations Unies avec ses états.

A. Dans les relations entre Etats

1. Principe

Le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures entre Etats est un principe consubstantiel à celui de la souveraineté. C’est sans doute une des règles fondamentales les plus évoquées dans la pratique contemporaine.

Plusieurs textes établissent le principe de non-intervention, notamment   :

- La Résolution 2625 (XXV) : Le texte érige en règle fondamentale du DI le principe d’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats ; il déclare contraires au DI non seulement la forme armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence.

- La Résolution 36/103 (9/12/1981)Le principe d’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats est repris et précisé dans ce texte.

Résolutions un peu grandiloquentes mais permettent de voir comment les états sont attachées à ce principe. Mais ne disent pas ce que ce principe veut dire. De plus, on y mélange cela avec la prohibition de l’emploi de la force : on lie les deux.

Il y a également la jurisprudence de la cour de justice.

Dans une AFFAIRE DÉTROIT DE CORFOU (UK c. Albanie) du 9/04/1949, la CIJ a condamné le « prétendu droit d’intervention » de l’UK dans le détroit, qui ne pouvait être envisagé que comme une manifestation d’une politique de force, politique qui ne saurait trouver aucune place dans le droit international. Deux navires militaires britanniques avaient sauté sur des mines dans le détroit de Corfou au large de l’Albanie. Le Royaume Uni assigne l’Albanie devant la cour de justice car matelots morts,… En demande reconventionnelle l’Albanie demande à la cour de condamner le RU pour avoir de force déminer le détroit de Corfou. Il y a eu des explosions dans le détroit et à la suite de celles ci, le RU va de force avec ses navires de guerre déminer le détroit.

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Page 126: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

L’Albanie aurait du prévenir les bateaux britanniques qui s’avançaient et dont elle avait connaissance par contact visuel, donc condamnée à payer les réparations. Par ailleurs, la cour considère que le déminage forcé que les britanniques ont réalisé dans ce détroit constitue une violation de droit international qui ne peut être justifié : manifestation d’une politique de force dit la Cour.

Même si le principe de non-ingérence a été réaffirmé à de nombreuses reprises, il n’en demeure pas moins flou en DI.

On retrouve aussi cela dans l’AFFAIRES DES ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES. Le Nicaragua est un état d’Amérique Centrale. C’est un état doté d’un gouvernement communiste : les sandinistes. Reagan ne voit pas ça d’un bon œil, on est dans la guerre froide et ils financent des rebelles qui vont lutter contre le gouvernement de la capitale, Managua. Ces gens se battent et reçoivent du financement de la part des Etats-Unis et ils reçoivent des entrainements / instructions de la CIA,… Les US ne prennent jamais vraiment part aux combats mais ils sont sur place comme entraineurs mais c’est super banal dans la guerre froide. Politique étrangère de l’époque soutenue sans difficulté par le bloc occidental. On fermait les yeux.

Ces gens, les contras, assassinent des gens et mènent une politique de terreur depuis la jungle. Les US ont aussi mouillé des mines au large du Nicaragua pour que le commerce soient interrompu. Des avions passent le mur du son au dessus de la capitale pour faire exploser les mines. Politiques d’intimidation et d’intervention qui parfois s’adossaient à l’emploi de la force (voler au dessus du territoire sans autorisation, mouiller des mines) parfois plus discrètes (en finançant des rebelles).

La cour viendra en 84 à déclarer qu’elle est compétente et en 86 à condamner les US. L’affaire n’a pas prospéré plus loin. Il fallait déterminer les réparations mais il y a eu des élections et ceux venus au pouvoir étaient pro américain donc désistement d’action et la cour n’a jamais eu à connaître de la troisième question.

Questions liées à l’emploi de la force mais aussi à la non intervention dans les affaires intérieures donc la cour va se pencher sur la notion.

Ne pas intervenir dans les affaires intérieures, cela suppose qu’on sache ce que c’est les affaires intérieures et ce qu’est une intervention illicite.

2. Interprétation du principe

- L’intervention prohibée par le droit international

Un comportement au départ licite doit être déclaré illicite lorsqu’il poursuit une politique interventionniste.

Le verbe « intervenir   » est souvent synonyme d’emploi de la force dans les résolutions susmentionnées. Cette assimilation est paradoxale, car il existe déjà une règle qui prohibe l’emploi de la force : une règle prohibant l’intervention se verrait

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Page 127: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

dès lors privée de toute utilité puisqu’elle se confondrait avec une règle existant déjà. Or ce sont deux règles différentes.Donc intervenir devrait signifier quelque chose d’autre sinon on retombe dans une autre manière de dire une même règle.

La cour dit qu’intervenir c’est utiliser des moyens de contrainte, c’est l’essence même de l’intervention illicite. C’est particulièrement évident dans le cas d’une intervention de la force (sous entendu armée), dit la cour. L’intérêt de ce passage dans l’arrêt Nicaragua c’est de dire que la contrainte peut être autre que militaire. Et justement, l’intervention c’est une contrainte par un moyen autre que militaire.

On interdit des comportements qui ne sont pas militaires (sinon autre règle) mais ils sont illicites car moyen de contrainte quand même. On utilise des moyens politiques et économiques. Et c’est l’intention de la contrainte qui rend ces moyens licites illicites.

L’idée d’intervention est donc profondément liée à cette interprétation un peu subjective : veut on contraindre l’état avec ce qu’on fait ? Cela devient illicite car il y a un objectif de contrainte. Si ce qu’on fait est déjà illicite, pas besoin de la règle de non intervention. Le moyen licite ne va devenir illicite que par notre volonté.

Tout est bien entendu affaire de circonstances. On dissipe à peine le caractère un peu nébuleux de la règle avec tout ca.Quand y a t il vraiment cette volonté de contrainte, de faire changer un état de comportement à la suite de la contrainte qu’on exerce sur lui ?

De plus, pour être illicite, cette contrainte doit peser sur une affaire intérieure. Sinon cela ne viole pas la règle qui interdit une ingérence dans les affaires intérieures.

- La notion d’affaires intérieures

La notion d’« affaires intérieures » peut être définie par le critère de l’engagement formel, lié à son identité, à sa spécificité : une affaire intérieure n’en est plus une si elle fait l’objet d’une règle de droit international.

Ici aussi, c’est une manière pauvre de voir les choses, car un traité peut être conclu en toute matière : cela revient à dire que toute affaire intérieure peut cesser d’en être une, ce qui n’est pas concevable. En outre, il semble peu convaincant qu’une obligation internationale soit nécessaire pour qu’une affaire cesse d’être une affaire intérieure.

Le critère de l’engagement formel reste malgré tout celui qui est le plus souvent retenu.

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3. Illustrations

Dans l’ARRÊT NICARAGUA7 de 1986, la CIJ a été appelée à se prononcer sur l’ingérence des USA dans les affaires intérieures du Nicaragua par son soutien apporté au Contrasts.

Elle s’est bornée à définir les éléments constitutifs de la non-intervention qui paraissent utiles pour la résolution du litige : « l’intervention interdite doit [...] porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d’entre eux de [s’autodéterminer] librement. Il en est ainsi des choix du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des relations extérieures ».

Le principe de la non-ingérence revient dès lors un peu à se poser la question de la « vie privée d’un Etat » : les intérêts en présence doivent être mis en balance afin de déterminer ce qui, de l’autonomie ou de l’intervention, doit être préféré. On ne peut donc, a priori, définir à tous égards ce que constituent les affaires intérieures et l’intervention prohibée. La cour parle d’autonomie voir arrêt. Cela définit bien la notion d’affaires intérieures.La cour parle de souveraineté mais évidemment elle vient à être limitée par des engagements internationaux des états. On n’est plus tout à fait libre dans les matières où on s’est engagés.

Commentaire

Cette manière de comprendre cette sphère d’autonomie est la manière la plus simple donc c’est sans doute pour ça que c’est le plus souvent utilisé en doctrine. Ce n’est pas tout à fait convaincant de mettre sur un pied d’égalité les affaires intérieures et tout ce qui n’est pas régi par des obligations juridiques internationales, pense le prof. Le critère peut marcher pour beaucoup de choses c’est vrai et notamment les droits de l’homme (comme un droit de l’homme est protégé par le droit international, quand un état viole ce droit, cela cesse d’être une affaire intérieure). Encore une fois c’est un critère utile mais peut-on toujours dire que dès qu’une chose a fait l’objet d’un engagement internationale cette chose échappe au caractère d’affaires intérieures d’un état. On n’est pas certain. Il vaut mieux suivre la cour et parler d’autonomie comme elle le fait. C’est un peu la vie privée des états. Et c’est ça que la règle vise à protéger. Ce qui fait la spécificité d’un état, avec sa culture, ses traditions (politiques ou non). C’est ca les affaires intérieures. Il peut y avoir des règles de droit international sur la protection des travailleurs, mais va-t-on dire que cela cesse d’être une affaire intérieure car l’état s’est engagé internationalement à protéger certains catégories de travailleurs.Exemple : la France et les pensions. Est-ce que parce que les travailleurs sont protégés en droit international, la polémique sur les pensions cesse d’être une affaire intérieure ?

Cette règle vise à protéger l’autonomie ultime des états qui permet que les états soient distincts des autres : vise à assurer que leur singularité puisse subsister.7 CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua c. Etats-Unis, 27 juin 1986 (§246)

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Remarquons également que les affaires intérieures, c’est compliqué, car les états vont le ressortir absolument tout le temps !

Exemple   : se doter de centrales nucléaires à vocation pacifique : ce choix est un choix que tout état peut faire pour autant qu’il se soumette aux engagements qu’il a pris pour la vérification de ces centrales. Mais le choix est une affaire d’ordre intérieur : personne ne peut dire qu’ils ne peuvent pas en construire. Contester le choix de dire que dans vingt ans on veut être moins dépendants du pétrole, c’est contre les affaires intérieures. Par contre on peut dire qu’on ne peut en construire si on ne respecte pas les principes.

EXCEPTION : LORSQUE L’INTERVENTION EST SOLLICITÉE.

Peut-on intervenir dans un état à des fins humanitaires ? Cette intervention d’humanité se fait le plus souvent avec la force armée sans consentement de l’état territorial sinon cela tombe dans l’idée d’intervention sollicitée.Si un état consent à une intervention, pas de problème.Exemple : vous venez sauver nos populations après une catastrophe naturelle.

PROBLÈME DE LA DUALITÉ DE GOUVERNEMENT

Mais le problème du consentement c’est : c’est qui qui consent ? Qui a autorité pour donner le consentement et rendre cette intervention licite ? Le problème se pose surtout quand dans l’état, il y a deux autorités qui prétendent exercer le pouvoir. On en avait déjà parlé plus tôt mais désormais cela touche au consentement de l’intervention licite. Quelle est l’autorité qui consent pour que ça ne constitue pas un acte illicite ?

La cour dit que ce n’est que le gouvernement officiel, celui en place avant les troubles (il a le pouvoir même si plus effectivement). §146. Il faut donc regarder si ce gouvernement a encore le pouvoir, sans regarder si c’est un bon ou mouvais gouvernement. On intervient illicitement quand on intervient sur demande de l’opposition du gouvernement, fut elle meilleure. Cette opposition ne peut pas consentir.

C’est une question qui a divisé la doctrine pendant la guerre froide et la réponse de la cour de 1986 vient dans ce contexte.On voulait savoir dans l’affaire si un Etat peut intervenir dans un autre Etat en soutenant le gouvernement effectif en difficulté ou le mouvement rebelle qui aurait sollicité ce soutien. Le problème sous-jacent à ce problème de la dualité de gouvernement est le danger que représente l’internationalisation d’un conflit interne.

Durant la guerre froide, l’Institut de droit international (société savante fondée en Belgique en 1973) a adopté une résolution de Wiesbaden (1975) interdisant au gouvernement officiel et aux rebelles d’appeler à l’aide un Etat étranger. On ne peut intervenir pour personne : ni le gouvernement en place ni le gouvernement rebelle.

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Nicaragua Contrasts

Dans la pratique, les grandes puissances ont cependant continué à apporter leur aide à l’une ou l’autre autorité. Chacune désigne la faction qui reçoit son soutien dans les guerres civiles.

Les auteurs disent qu’il faut regarder l’effectivité et légitimité mais la résolution dit que non, on n’intervient pour personne, pas même pour le gouvernement en place. Pourquoi ? Car on est dans la guerre froide et on ne veut pas d’internationalisation des conflits où une puissance dit que le gouvernement officiel est l’un et une autre puissance dit que c’est l’autre.L’histoire de la guerre froide, c’est qu’on ne fait pas la guerre entre soi mais sur d’autres territoires par caractère interposé. Donc l’institut pense que le mieux est de n’intervenir pour personne. Pour éviter une escalade et préserver la paix entre les grandes puissances. Mais cela n’a jamais marché et cela s’est heurté à la pratique.

Dans l’AFFAIRE NICARAGUA, les USA ont soutenu qu’ils aidaient les rebelles à leur demande. La Cour a rejeté cet argument en confirmant la règle classique selon laquelle est seule licite une intervention au profit et à la demande du gouvernement officiel. Donc la cour dit bien que le gouvernement en place (d’avant les troubles) peut consentir et donc seul lui peut donner un caractère licite. Sans se demander si c’est un bon ou mauvais gouvernement.

Cela signifie que si le soutien est malgré tout accordé aux rebelles, cela devient illicite. Et si cette intervention prend la forme d’un acte d’agression ou est équivalente à un acte d’agression, le gouvernement officiel est dans un état de légitime défense à l’égard des US et peut dans ce cas demander la légitime défense collective militaire, c.à.d. l’aide d’autres Etats.

USAURSS Légitime défense Légitime déf. coll.

Toutefois, l’intervention de ces derniers ne constituait pas un acte d’agression et ne permettait pas au Nicaragua de solliciter la légitime défense collective.

En l’espèce, si l’aide des USA avait été plus importante, le Nicaragua aurait pu appeler à l’aide l’Union soviétique qui aurait pu recourir à l’emploi de la force contre les USA. Cela donne un titre juridique à l’une des grandes puissances d’attaquer une autre grande puissance. On comprend pourquoi l’institut préférait interdire l’intervention de quiconque. Si l’intervention est équivalente à un acte d’agression (voir infra), l’état qui fait l’objet de cela est en légitime défense par rapport à l’auteur de l’agression. Donc le Nicaragua est en légitime défense face aux US. Et ainsi il est en droit d’appeler ses amis à l’aide : des grandes puissance.

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Page 131: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Une intervention peut déboucher sur un conflit majeur, c’est ça la difficulté de ces interventions croisées. La cour condamne l’intervention au profit du rebelle mais on contourne la difficulté substantielle de façon juridique.

B. Dans les relations entre l’ONU et ses Etats membres

En vertu de l’art. 2 de la Charte des NU, les affaires internes cèdent devant la sécurité internationale dont le Conseil de sécurité de l’ONU a en charge le maintien. C’est la limite de la règle. Sur la base du chapitre 7, les affaires relevant uniquement de la compétence des états, sautent. Le conseil de sécurité peut quand même s’y intéresser si cela touche à la paix et sécurité internationale.

Le Conseil de sécurité peut donc s’ingérer dans les affaires intérieures dès que la sécurité internationale est en danger. Les Etats membres de l’ONU sont tenus de respecter ce principe.

Exemple : le Conseil de sécurité de l’ONU est intervenu en Algérie, bien que la France estimât qu’il n’en avait pas la compétence puisqu’il s’agissait d’une affaire intérieure. La décolonisation est une affaire qui relève exclusivement de la compétence nationale dit la France donc pas de charte. Pourtant pas d’obligation claire de décoloniser.

L’expression « domaine réservé   » a été utilisée doctrinalement pour viser les matières qui échappent, en vertu de son traité constitutif, aux compétences d’une organisation internationale. Ainsi, l’art. 2, § 7 fait défense à l’ONU d’« intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence d’un Etat membre ».

Cette disposition doit être mise en parallèle avec l’art. 15, § 8 du Pacte de la SDN qui interdit à l’ONU de « recommander aucune solution » lorsque le différend « porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de » l’Etat intéressé (le Pacte retient le critère de l’engagement formel énoncé plus haut). On retrouve cette notion qui met en parallèle les affaires intérieures avec le domaine réservé et les questions que les acteurs internationaux laissent à la compétence exclusive des états. Ces critères de l’engagement international ne marche plus.

Le domaine réservé relève de la même idée que celles de l’autonomie et de l’autodétermination de l’Etat. La notion du domaine réservé demeure assez évanescente. Elle peut être utilisée par le droit international afin de ne pas intervenir et de se soustraire à des questions embarrassantes, tout comme elle peut servir de bouclier face à la souveraineté de l’Etat invoquée pour justifier une intervention.

Pour savoir ce qu’est une affaire relevant uniquement de compétences exclusives des états, on retombe dans les affaires intérieures. Mais malheureusement on ne reste pas dans un critère fonctionnel : c’est évolutif selon les époques. Pas s’arrêter au critère formel de l’existence ou non d’une règle de droit international pour savoir ce qu’est le domaine réservé des états. Là aussi il faut interpréter l’article 2 §7 comme réservant une vie privée aux états, par rapport à laquelle l’organisation n’a rien à dire. Sauf si la paix est en cause.

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!

+ Refus de la part des Nations Unies de considérer qu’une affaire non encore réglé internationalement relève des affaires internes. Infra.

3. Les immunités

C’est plus concret. Mais attention, il ne faut pas confondre l’immunité de l’Etat, avec celle du chef d’Etat, du diplomate, ou encore celle de l’organisation internationale. Dans ce présent paragraphe, nous visons les immunités de l’Etat.

A. Notion, fondement et nature coutumière

L’immunité est le droit d’un Etat souverain de ne pas être soumis à la compétence juridique d’un autre Etat souverain. C’est uniquement face à un juge compétent que la question de l’immunité se pose : lorsque l’Etat souverain est défendeur au litige, l’exercice de la compétence du juge doit être écarté.

L’immunité trouve son fondement dans le principe de l’égalité souveraine des Etats : entre égaux, on ne se juge pas.

La règle de l’immunité est une règle de droit coutumier qui s’étend à la question :- du pouvoir de juridiction (= immunité de juridiction) - de l’exécution de la décision (= immunité de l’exécution).

Pas d’immunité de juridiction d’un état devant les juridictions internationales. Cela ne limitent que les compétences judiciaires des juges d’un état. Ce n’est pas la question de savoir si les juges d’un état peuvent juger cet état. Mais c’est le pouvoir d’un état de juger un état étranger.

C’est encore la souveraineté qui est au cœur de cette idée. C’est le seul fait d’être un état qui donne au sujet souverain ce privilège d’immunité. En d’autres termes, même un état non reconnu par les autorités nationales du juge doit en principe bénéficier de ce principe d’immunité car il est un état et la reconnaissance n’est pas attributive de la personnalité juridique.Ce n’est pas à travers la reconnaissance dont l’état étranger fait l’objet que celui ci fait l’objet de l’immunité : il a cette immunité car c’est un état. Le fait pour un juge d’attribuer ou non l’immunité de juridiction n’a rien à voir avec reocnnaitre un état ou pas.

C’est une règle coutumière mais néanmoins réglementation conventionnelle.

Deux textes règlementent la matière des immunités   :

- La Convention européenne sur l’immunité des Etats, conclue à Bâle le 16/05/1972 

Cette convention ne lie que 8 pays (Allemagne, Autriche, Chypre, Belgique, RU, Suisse,…) et ne trouve à s’appliquer que dans les rapports entre Etats contractants. Ne s’applique que dans les relations réciproques entre ces états. / ! C’est uniquement entre ces huit là que la convention fonctionne.

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Page 133: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

La conclusion de ce texte correspond au moment de l’abandon de l’immunité de juridiction absolue par les Britanniques. A l’heure actuelle, cette convention est devenue très anecdotique, car elle paraissait très conservatrice par rapport à la coutume internationale. Le grand mérite de cette convention c’est d’avoir sorti le RU de sa position radicale sur l’immunité absolue de l’état étranger. Il reconnait maintenant qu’il y a des failles à ce principe.

- La Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, conclue à New York le 17/01/2005

Non encore entrée en vigueur mais ouvert à signature : il s’agit d’une convention sur la codification et le développement de la coutume internationale.

Les Etats membres des Nations Unies ont confié à la CDI la tâche d’étudier la question de l’immunité et de remettre un rapport sur le sujet. A l’heure actuelle, la Belgique n’a toujours pas ratifié la Convention de New York. On peut donc s’y attacher pour voir ce qu’est cette règle coutumière mais pas à tous égards.

B. L’immunité de juridiction

1. Portée de l’immunité de juridiction

Un état ne peut en juger un autre.

A l’origine, l’immunité de juridiction était absolue : en aucun cas un juge ne pouvait connaitre d’un contentieux lorsqu’un Etat étranger y était défendeur. Par contre, il pouvait connaitre de toute action intentée par un Etat étranger. Le simple fait de l’identité souveraine du défendeur devait entrainer pour le juge saisi une abstention d’exercer sa compétence.

Les états commençaient à contracter des engagements avec des particuliers. La jurisprudence italienne a été choquée par le fait que l’état, n’agissant plus en tant que souverain mais en tant que commerçant, entendait se soustraire à la compétence du juge alors qu’il s’était comporté comme un commerçant.Fin 19è, l’idée fait son chemin que l’immunité de juridiction doit être restreinte aux activités de souveraineté de l’état : s’il l’état agit comme souverain, oui il aura une immunité de juridiction. Mais s’il agit comme commerçant, il sera soumis aux lois du commerce et notamment d’avoir un juge.Souci de protection qui s’exprime à ce moment dans cette théorie qui entend restreindre l’immunité de juridiction. Cette théorie nait en Italie mais fait son chemin et arrive chez nous par un arrêt de la cour début 20è.

Cette immunité absolue n’est donc plus de mise dans le droit international contemporain.

La restriction de l’immunité a eu lieu pour la première fois dans un arrêt du 11/06/1903 de la Cour de cassation belge.

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La Cour y a établi une distinction entre - les actes de souveraineté (jure imperii) - les actes de gestion (jure gestionis) 

L’immunité peut uniquement couvrir les actes de souveraineté.

Cette dichotomie est tout à fait établie dans la pratique internationale.

On a réduit l’immunité à ce qui était nécessaire, afin de protéger le privé contre le public et de maintenir une protection de l’Etat en tant qu’Etat, et non en tant que commerçant. Si l’Etat commerce, il doit en effet jouer le jeu des commerçants jusqu’au bout et doivent respecter leurs obligations contractuelles sous peine de voir leur responsabilité engagée.

L’immunité de juridiction est restreinte aux activités de souveraineté de l’état : - s’il l’état agit comme souverain, il aura une immunité de juridiction- s’il agit comme commerçant, pas d’immunité de juridiction

05/10/10

2. Distinction entre actes de souveraineté et actes de gestion

Reste à savoir comment distinguer les actes de souveraineté des actes de gestion. L’enjeu de la question est important, car selon la réponse qu’on lui donnera, l’Etat étranger bénéficiera ou non de l’immunité.

Trois critères de distinction sont envisageables : - le critère de l’objet de l’acte, - celui de sa finalité - de sa nature.

On peut regarder un acte de toutes ces manières.Selon le critère qu’on retient on a une politique juridique tantôt favorable à l’état tantôt favorable à la personne physique qui assigne en justice l’état étranger.Selon le critère choisi on arrive à la conclusion que c’est un acte de gestion ou non.

En Belgique, le critère retenu par la jurisprudence est celui de la nature.

Le critère le plus favorable à l’Etat est celui de la finalité, car il étend au maximum l’immunité. Ensuite vient celui de l’objet. Enfin, le plus défavorable est celui de la nature de l’acte.

Exemple   : si un Etat étranger achète des chaussettes pour ses forces armées et que l’on retient le critère de la finalité, le contrat de vente constituera un acte de souveraineté, puisque seuls les Etats possèdent des forces armées. Par contre, si l’on se réfère au critère de l’objet, le contrat s’apparentera à un acte de gestion, puisque les Etats ne sont pas les seuls à acheter des chaussettes.

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Page 135: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Autre exemple   : si un Etat étranger achète des chars d’assaut et que l’on retient le critère de la finalité, le contrat de vente constituera un acte de souveraineté et l’Etat bénéficiera de l’immunité. Il en sera de même si l’on opte pour le critère de l’objet : le contrat s’apparentera à un acte de souveraineté car les Etats sont les seuls à acheter des chars d’assaut. Par contre, si l’on se réfère au critère de la nature, l’Etat ne pourra bénéficier d’une immunité car le contrat conclu est un contrat de vente et n’est donc pas spécifiquement souverain.

Conclusions différentes selon le critère, selon l’objet. Une photocopieuse n’est pas un acte de souveraineté : même conclusion que pour la nature dans ce cas là.Ces critères sont comme des cercles concentriques : plus on regarde la finalité, plus on protège l’état mais plus on regarde la nature plus on protège le commerçant car il y a des actes de nature commerçante qui ont des objet ou finalités non commerçantes.Si un juge retient le critère de la finalité, on veut étendre le plus possible l’immunité de juridiction : protecteur des souverainetés étrangères.

Donc choix important à faire au niveau du critère : ça n’est pas neutre du tout car selon le critère retenu on aboutit à ce que le même acte constitue un acte de souveraineté ou non.Ce sont des vases communicants donc il faut choisir si on protège l’état ou le commerçant. Si on reconnaît l’immunité de l’état, le commerçant ne peut plus rien faire…

Autre exemple   : un acte de cession publique est un acte de souveraineté au regard du critère de la nature, car seuls les Etats accomplissent de tels actes.

Dans la jurisprudence belge (qui a été vers la restriction de l’immunité), on regarde la nature de l’acte. Donc on a bien une approche restrictive de l’immunité. On veut protéger les commerçants qui contractent avec l’état.Le juge belge est-il trop généreux ou pas assez ? Regardons dans le droit international.Le critère de la nature est tout à fait acceptable mais cela pose des difficultés quand on comprend l’enjeu du critère.

La Convention de Bâle n’utilise pas cette distinction. Elle ne parle pas du critère de la nature. Elle établit une liste d’actes soustraits à l’immunité, en dehors de laquelle l’immunité joue de plein droit. Principe de l’immunité donc, sauf tels et tels actes. Donc pas besoin d’un critère de nature.Cela ne lie que les états signataires.C’est le système que l’on retrouve également dans les pays anglo-saxons. En Belgique, il n’existe pas de loi établissant une telle liste : c’est à la coutume que l’on se réfère.

La Convention de New York, (pas encore en vigueur rappelons le) pour sa part, établit une distinction entre

- les actes de souveraineté - les transactions commerciales (art. 10 et art. 2, §1, c))

Seuls les premiers jouissent de l’immunité de juridiction.

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Page 136: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

L’art. 2, §2 de la Convention énonce le critère permettant de déterminer si l’on a ou non affaire à une transaction commerciale. La disposition ne tranche toutefois pas la question de savoir si l’on doit privilégier le critère de la nature ou celui de la finalité : la préférence semble être accordée au critère de la nature, mais une extension de l’immunité parait néanmoins possible pour les Etats, et ce au regard du critère de la finalité.

Le critère de la nature est le critère déterminant : c’est le premier à appliquer.Mais si on aboutit en regardant cela que l’acte est de nature non commerciale les choses s’arrêtent là. Mais si on voit en regardant la simple nature que c’est une transaction commerciale, alors il faut continuer la phrase et il faut aussi prendre en considération le but.Le but est à prendre en considération si on aboutit à la considération que l’acte est de nature commerciale. Mais on ne le prendra en considération que si le but était celui des parties ou bien si dans la pratique nationale su juge saisi le critère de but est pertinent.

Soupape de sécurité, exigée par les pays en voie de développement. Souvent ils agissent par des actes de nature commerciale mais il faut qu’ils indiquent qu’ils le font comme souverain (il faut le mettre dans le contrat). Le but de souveraineté aura été accepté de part et d’autre. Dans cette mesure l’immunité peut s’appliquer.Mais si les parties n’en ont pas convenu et que c’est dans la pratique du for, la convention ne fait pas obstacle que les états soient plus protecteurs et rechignent à lever l’immunité.

Mais donc dans la convention de New York il y a un compromis : on ne s’arrête pas à la nature. Il ne faut pas aller plus loin dans le premier cas car on ne doit regarder la nature que pour contester la conclusion d’acte commercial à laquelle on arrive.

La Convention de New York reflète le droit existant, car les exceptions qu’elle énonce sont largement établies dans la coutume.

Est-ce que la Belgique se trompe ? A notre avis non et la convention de 2005 renforce cela. Pour autant que les juridictions chez nous acceptent de qualifier d’acte de souveraineté un acte de nature commerciale car les parties à l’acte ont convenu que ca serait un acte de souveraineté. Pourquoi le juge lèverait-il l’immunité dans ce cas ? Le partenaire commercial savait très bien à quoi il s’engageait.La deuxième hypothèse ne semble pas s’appliquer en Belgique car le juge belge n’utilise pas vraiment le critère de la finalité pour regarder la nature de l’acte.

Bien savoir ce qu’il y a derrière cette phrase de la convention.

En outre, la Convention de New York ajoute à la notion de transactions commerciales un certain nombre d’actes quasi-délictueux (art. 11 et 12), auxquels l’immunité ne s’applique pas non plus. Exclusion pour les contrats de travail (classiquement un état étranger qui emploie des locaux pour ses services diplomatiques) et article 12 (on retrouve cela dans la convention de Bale de 72 aussi). L’état étranger se rend responsable par l’action d’un

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Page 137: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

de ses organes d’un acte portant atteinte à l’intégrité physique d’une personne ou dommage aux biens, survenu sur l’état du juge saisi. Exemple : en Belgique. L’état étranger qui a un comportement quasi délictuel sur le territoire de l’état du for, pas d’immunité de juridiction devant l’état du juge.

Exemple   : Une victime d’un accident de voiture fait par un diplomate zaïrois peut-elle ou non assigner l’état devant les tribunaux français ? L’article 12 dit qu’il y a une exception à l’immunité de juridiction. L’état étranger s’est rendu coupable d’un acte portant atteinte aux biens ou à l’intégrité physique et dans ce cas pas d’immunité.

Cela peut donc aller assez loin. Il n’y a plus de catégorie « acte de souveraineté ou de gestion » : l’état n’est pas censé commettre des actes délictueux sur le territoire d’un autre état. Cette exception n’existe pas en tant de guerre mais c’est une exception coutumière qui existe et qui est consacrée dans la convention.

3. Renonciation

Un Etat peut, bien entendu, renoncer à son immunité, de manière explicite ou implicite. Le cas échéant l’état dit clairement qu’il refuse à son immunité de juridiction pour l’acte en cause. C’est rare et parfois on le trouve dans les contrats pour se prémunir de toute surprise. Il faut suivre la volonté de l’état donc l’état refuse à son bénéfice d’éventuelle immunité de juridiction. On s’en fout donc de savoir si c’est un acte de gestion ou de souveraineté.

La renonciation implicite est plus problématique : l’état a-t-il vraiment renoncé à cette immunité ? Deux comportements emportent automatiquement renonciation.

Il y a renonciation implicite

- lorsque l’Etat ne soulève pas l’immunité in limine litis (dès l’ouverture du procès). On ne peut donc venir dire en appel qu’on avait une immunité, ni dans ses énièmes conclusions additionnelles.

- lorsqu’il est redemandeur sur convention. Dans ce dernier cas, la redemande est assimilée à une renonciation implicite certaine. Au lieu de lever son immunité de juridiction, on demande au juge de condamner celui qui nous assigne : donc l’état se soumet expressément au juge saisi. Soumission volontaire et donc renonciation implicite. L’état ne peut pas dire qu’il a une immunité de juridiction mais qu’au delà de ça on demande de condamner le contractant étranger. Si on le demande en demande reconventionnelle, on l’accepte aussi pour la demande principale.L’état étranger qui est demandeur devant un juge étranger, il est absurde pour lui de demander l’immunité de juridiction/ Il se soumet à la compétence du juge par sa propre volonté. L’immunité de juridiction ne protège que l’état défendeur.

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4. Soulever d’office

Le juge saisi doit-il soulever d’office l’immunité lorsque l’Etat étranger est silencieux ? Quid si l’état fait défaut ? Si l’état ne soulève pas l’immunité mais se présente, pas d’immunité.Donc si l’état ne vient pas, est-il censé tenir à l’immunité ? Ne pas venir est un moyen de contester la compétence du juge donc on ne peut retirer l’immunité en disant que l’état n’est pas venu.

Le juge doit-il soulever d’office si l’état ne demande rien ? Non, car ce silence est assimilé à une renonciation.

Qu’en est-il lorsque l’Etat fait défaut ?Il semble que le juge doive soulever d’office la question de l’immunité de juridiction. Le juge doit affronter cette question là dans son jugement. Le cas échéant il peut rouvrir les débats mais il ne peut pas éviter cette question. Car le juge est l’organe de l’état et s’il ne respecte pas l’immunité, il va engager la responsabilité internationale de son état à l’égard de l’état assigné. C’est un moyen d’ordre public si on veut : le juge doit tout faire pour éviter d’être la cause de la mise en cause de son état.Cela touche à l’ordre public international.

S’il ne le fait pas, il commet un acte illicite et peut être la cause de la mise en cause de la responsabilité de l’état.

C’est comme cela que la convention de New York envisage la chose.Le juge doit-il en déduire une renonciation à l’immunité ? En vertu de l’art. 6 de la Convention de N.Y., « un Etat […] veille à ce que se tribunaux établissent d’office que l’immunité de cet autre Etat prévue par l’article 5 est respectée ». Cette disposition présuppose que l’Etat étranger fasse défaut. Une telle solution parait conforme à la coutume internationale, puisqu’est en cause la responsabilité de l’Etat de la juridiction saisie : dans l’hypothèse où la juridiction ne soulève pas d’office l’immunité, elle commet une violation à l’égard de l’Etat étranger et, en tant qu’organe de son propre Etat, risque de mettre en cause la responsabilité de dernier. Ce risque justifie que le juge soit en droit de soulever d’office l’immunité.

Soulever d’office ne veut pas dire qu’il y a d’office immunité mais le juge est obligé de regarder si oui ou non il y a immunité. Mais il faut analyser la question et pas faire comme si c’était un simple justiciable soumis à son pouvoir de juridiction automatiquement.

En droit belge, c’est une question d’ordre public national que d’éviter de voir l’action du juge être le véhicule d’une responsabilité internationale de son Etat.

Quel est l’effet de cette immunité ?

5. Effets en droit interne des immunités

La question des effets de l’immunité de juridiction est une question technique de droit judiciaire. Il s’agit de distinguer correctement un défaut de juridiction d’un motif d’incompétence.

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Ce n’est pas un problème de compétence (car le juge est compétent ratione tout : l’assignation est valable, pas de vice,…).

La cour de cassation dit que cela prive les tribunaux normalement compétents (donc pas d’incompétence) de leur pouvoir de connaître la demande.Cela touche au pouvoir du juge de connaître de la demande.

Dans l’affaire de la LIGUE DES ETATS ARABES DU 12 MARS 2001, la Cour a précisé que l’immunité de juridiction avait pour effet de priver les tribunaux normalement compétents de leur pouvoir de connaitre de la demande. L’immunité entraine donc un défaut de juridiction et non un motif d’incompétence : l’action demeure recevable mais le juge doit décliner son pouvoir de juridiction.

Dans son dispositif le juge doit dire qu’il n’a pas le pouvoir de connaître de la demande : défaut de juridiction car défaut de pouvoir juridictionnel. C’est comme ça que le juge devrait faire si on suit l’arrêt de la cour de cassation.

Voilà ce que doit dire le juge pour justifier le fait qu’il ne juge pas. Car est en cause un état étranger qui bénéficie le privilège extraordinaire d’échapper à la juridiction d’un juge qui est compétent.

6. Rapport entre l’immunité de juridiction et l’art. 6 CEDH

Conflit entre droit au juge et immunité de juridiction. Car si le juge ne peut pas juger, cela vient priver un droit au juge du particulier.

Dans quelle mesure l’immunité de juridiction peut-elle porter atteinte au droit au juge ?

L’immunité est en effet une restriction au droit à un recours, puisqu’elle prive le justiciable d’un recours auquel il aurait normalement droit. Elle apporte également une restriction au droit à un procès équitable (art. 6 CEDH) : avoir droit à un procès équitable, c’est avant tout avoir droit de recourir à un juge.

L’immunité prive l’individu d’un droit au juge car son juge, normalement compétent, ne peut pas juger. Est-ce donc acceptable ? Une coutume internationale vient priver les individus d’un droit fondamental.S’il y a vraiment immunité de juridiction (acte de souveraineté) et s’il y a vraiment un droit au juge, peut-on accepter une atteinte à ce droit ?

Cette question du conflit entre l’immunité de juridiction (bénéfice de l’état) et le droit au juge (bénéfice des particuliers) a été examinée par la CEDH dans trois arrêts du 21/11/2001.

Le premier est l’arrêt MCELHINNEY C. IRLANDE.M. McElhinney décide d’aller boire un verre avec ses amis en République d’Irlande. Il est éméché et lorsqu’il souhaite rentrer en voiture, il traverse la frontière établie entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord (cette dernière étant occupée par les Britanniques : l’IRA est encore active,…). Un soldat britannique le poursuit en jeep et simule un assassinat pour lui donner une leçon : il lui tire dessus avec une arme qui

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n’a pas de munition. M. McElhinney subit un traumatisme et décide de saisir les juridictions irlandaises d’une action en responsabilité du UK. L’Irlande va reconnaître l’immunité de juridiction au RU. Cela ne s’est pas passé sur le territoire de l’Irlande: il a passé la frontière donc il est au royaume uni. L’acte est commis au RU, pas en Irlande.Ce sont des soldats britanniques et c’est un acte de souveraineté. C’était un peu musclé et intimidant mais immunité.Donc le gars va jusqu’à la CEDH et dit que cela viole son droit au juge.

La seconde décision est l’arrêt FOGARTY C. UK : Mme. Fogarty est employée à l’ambassade des USA à Londres. Elle introduit une procédure en harcèlement et assigne les USA devant les juridictions britanniques pour avoir des indemnités. Le RU reconnaît l’immunité de juridiction de l’ambassade des US.

AL ADSANI : un monsieur koweitien (l’Irak envahit le Koweït en aout 1990 et en est chassé en 91) est un héros de la résistance koweitienne. Pendant son activité de résistance il tombe sur des cassettes vidéos mettant en scène un des princes du régime koweitien qui s’amuse : porno. Les cassettes circulent sous le manteau. C’est le prince qui se mettait en scène.A la fin, quand le Koweït est libéré, l’homme est arrêté par la police du Koweït et jeté en prison et torturé. Il n’est jamais traduit devant un tribunal. Finalement il est libéré et va au RU : il assigne le prince et l’état du prince.On condamne le prince mais condamnation pécuniaire pas exécutable. Il se retourne contre l’état et une question supplémentaire appariât : la torture est la violation du ius cogens.

Dans ses trois affaires, la cour va raisonner de la même manière.

Les tribunaux irlandais et britanniques ont reconnu l’immunité de juridiction invoquée respectivement par le R. U. et les USA.

M. McElhinney et Mme. Fogarty saisissent alors la Cour eur. D.H. à Strasbourg afin de savoir si les décisions rendues par les juridictions nationales ne violent pas l’art. 6 CEDH.

Le point de départ de la Cour est l’affirmation selon laquelle le droit au juge n’est pas un droit absolu. Prenons simplement le cas de la prescription : le droit au juge n’est pas absolu.

Il s’agit ensuite de déterminer si ce droit peut être restreint par l’immunité de juridiction. La réponse est positive si deux conditions sont remplies :

- il faut, d’une part, qu’un but légitime soit poursuivi par l’immunité - d’autre part, que la restriction soit proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, la Cour considère que ces deux conditions sont remplies. La Cour interprète la CEDH via l’art. 31, §3, c) de la Convention de Vienne de 1961 (immunité de juridiction de l’agent diplomatique) et conclut que l’on ne peut considérer qu’il y a une restriction disproportionnée de l’art. 6 CEDH.

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La cour dit qu’il faut interpréter le droit au juge au regard de l’ensemble du droit international et donc de la convention de Vienne (interprétation téléologique voir supra).

Elle considère qu’il n’y a pas de violation du droit au juge lorsque l’immunité de juridiction s’applique et qu’il n’y a pas d’incompatibilité radicale entre le droit au juge et l’immunité de juridiction.

Bien que l’arrêt Fogarty porte sur un Etat membre à la CEDH et que l’arrêt McElhinney concerne un Etat tiers, la même solution est retenue dans les deux affaires : l’immunité s’applique sans violation du droit au juge. Lors de son adoption, la CEDH n’avait en effet pas pour dessein d’être un instrument qui emporte la disparition de la règle de droit coutumier de l’immunité de juridiction.

7. Rapport entre l’immunité de juridiction et le jus cogens

Que se passe-t-il maintenant si une immunité de juridiction porte scandaleusement atteinte au droit au juge, si l’Etat assigné est l’auteur d’un acte contraire à une règle de jus cogens ?

La Cour a répondu à cette question dans son arrêt AL ADSANI C. ROYAUME-UNI.M. Al Adsani est un binational koweitien-britannique qui décide d’entrer en résistance contre l’envahisseur irakien lors de la guerre au Koweït (1990-1991). Durant la guerre, il tombe sur une vidéo pornographique mettant en scène un cheik (= chef de tribu arabe/musulman, arabe respectable par son âge). Cette vidéo circule et porte atteinte à la réputation de la personne filmée.

Le cousin de cette personne arrête M. AL Adsani et le torture dans les geôles koweitiennes. Celui parvient à quitter le Koweït et se réfugie en UK, où il assigne en responsabilité civile le cheik. Toutefois, ce dernier ayant retiré ses avoirs de l’UK, l’exécution de la décision ne peut avoir lieu.

M. Al Adsani décide donc d’intenter une action contre l’UK, qui occupait le Koweït lors des faits. Il invoque devant la Cour eur. D.H. l’argument suivant lequel la prohibition de la torture est une règle de jus cogens. La Cour analyse la situation comme dans les deux arrêts précédents (et comme pour toute prétendue violation de la convention) et elle répond que l’immunité de juridiction demeure malgré tout. En effet, l’immunité ne déroge pas à la règle de jus cogens. Il existe bien un conflit, mais entre le droit au juge et l’immunité, et non entre le jus cogens et l’immunité.

Cet arrêt a été critiqué par certains, car le jus cogens doit primer sur l’immunité de juridiction en vertu de la hiérarchie des normes. C’est ce que disait l’opinion dissidente. L’arrêt avait divisé les juges : une très courte majorité l’avait emporté.Il s’agit là toutefois d’une vision erronée des choses : s’il y a eu violation de la prohibition de la torture, il n’y a pas eu pour autant dérogation. La question fondamentale dans cette décision est de réfuter l’argument qui repose sur une vision hiérarchisée des choses. Il n’y a pas conflit entre deux normes de ius cogens : immunité et torture. Il y a conflit entre le droit au juge (qui n’est pas absolu) et l’immunité (reconnue

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Page 142: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

internationalement). Et même si on a une violation très grave, l’immunité n’est pas une autorisation à torturer pour les états, à aller contre le ius cogens. Il y a eu une violation mais l’immunité n’est pas une dérogation, pas une règle consacrant un droit de torture. Ce n’est pas dans ce cas ci un conflit entre ius cogens et immunité. Conflit entre le droit au juge et l’immunité et non entre l’immunité et la torture.

TROIS REMARQUES AVANT DE POURSUIVRE   :

L’article 12 de la convention de NY n’était pas applicable dans aucune de ces trois espèces. Puisque dans la première affaire, il est au RU quand ça se passe, dans le deuxième, pas une atteinte à l’intégrité physique ou aux biens et dans la troisième affaire, ce n’est pas le Koweït qui, au RU, tortue quelqu’un (sinon alors pas d’immunité !).

De plus, on peut être choqué par le résultat. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun juge accessible pour le torturé. Il reste le juge koweitien. Certes il ne sera peut-être pas efficace. Notons qu’on aurait pu avoir le même raisonnement juridique et avoir un résultat différent en disant que c’était disproportionné. Ca n’est qu’un choix de politique juridique. Il fait un choix et justifie ce choix en droit. S’il ne décide pas cela, il en découlera des conséquences qu’il estime très préjudiciable pour le système. Si pas d’immunité de l’état pour des violations de droit de l’homme, tous les tribunaux seraient saisis à tout bout de champ par ceux qui n’ont pas un accès à la justice chez eux. Il en résulte que les pays occidentaux seraient les juges des autres : c’est bien pour les victimes mais au final ce n’est pas terrible. De plus, on commencerait à faire des camps : on assigne les US pour les prisonniers de Guantanamo devant les juges Syriens ou iraniens. Il y aurait une friction diplomatique ou un franc conflit entre les états qui pourraient naitre.Cela concerne des particuliers mais il y a des choix à faire car il y a une balance entre un intérêt privé et un intérêt public.Il y a un sens de justice qui peut être frustré mais il faut voir à quoi aboutit la décision qui serait contraire à celle de Strasbourg.

Enfin, il faut encore voir qu’en cause dans la troisième affaire, on a un état qui n’est pas lié par la convention : le Koweït. C’est le RU qui doit respecter la convention. Pas sur que Strasbourg accorde de la même façon l’immunité de juridiction devant des actes de torture de ses états signataires. Prenons une torture par des français : est-ce que dans l’ordre public européen le mêle raisonnement peut être tenu ? Oui car aucune allusion dans l’arrêt au fait que c’est un pays tiers.Mais on peut très bien imaginer que s’agissant d’un état lié par la convention, la cour ait un raisonnement qui consiste à dire que ces états là par le fait d’adhérer à la convention, ont renoncé à leur immunité. C’est aller assez loin… Ou bien que par rapport à un état signataire, le teste de proportionnalité doit être vu autrement. Ou bien dire que le but légitime n’existe plus dès que l’état est l’auteur d’un acte contraire au ius cogens.Mais dans le troisième affaire c’est le Koweït qui est concerné. La cour dit que c’est le RU qui n’a pas violé la convention.

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Page 143: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Néanmoins, certaines juridictions nationales ne l’entendent pas de cette oreille.

Certaines juridictions nationales, principalement la Grèce et l’Italie, ont jugé en sens contraire. Les arrêts rendus pas ces Etats mettaient en cause l’Allemagne pour massacres de civils assassinés en masse durant la guerre, essentiellement par des troupes SS. L’Allemagne s’étant rendue coupable d’un crime contre l’humanité, les Cours de cassation grecque et italienne ont refusé d’appliquer l’immunité de juridiction.

- La Cour de cassation grecque a estimé que l’Allemagne devait être considérée comme ayant renoncé à son immunité en accomplissant un tel acte. La juridiction suprême grecque a par la suite opéré un revirement de jurisprudence. C’était un arrêt isolé.

- La Cour de cassation italienne a, quant à elle, estimé qu’elle n’avait pas à respecter l’immunité de l’Allemagne dans la mesure où l’Etat avait violé une règle de jus cogens. Elle tient donc la même jurisprudence. Pour des faits semblables, l’Italie dit que l’Allemagne n’a pas d’immunité. Les faits sont peut-être légèrement différents car en 43 l’Italie déclare la guerre à l’Allemagne car Mussolini est renversé. Mais avant ils étaient ensemble. Donc les amis allemands vont mettre leurs amis dans des camps en Allemagne. Parmi les victimes qui n’ont jamais été compensées, on a les internes militaires italiens. Car avant c’était les alliés des allemands.Des vieux italiens qui ont subi ce sort ont assigné les allemands devant les tribunaux. La cour refuse l’immunité. Conflit entre le ius cogens (prohibition du crime de guerre) er l’immunité. Mais c’est faux : l’immunité limite la jouissance au droit au juge mais pas au ius cogens.Raisonnement juridique bancal de pyramide mais soit. Même raisonnement que l’opinion dissidente.

L’Allemagne a assigné l’Italie devant la CIJ : en septembre 2011 la cour prendra une décision de principe sur cela : lorsque les juges du premier état refuse de reconnaître au second état une immunité de juridiction car accomplit des actes contraires au ius cogens, est-ce correct ?La cour n’aura pas le même raisonnement que la CEDH. Elle applique des tests de proportionnalité et but légitime par rapport à une seule convention. Mais la CIJ devra répondre : est-ce que l’Italie a commis une violation du droit international vis a vis de l’Allemagne ou pas ?Le gouvernement italien en plus est d’accord avec l’Allemagne mais elle doit défendre son juge suprême qui défend une politique juridique étrangère douteuse. Le gouvernement doit accepter et défendre son juge. Il était venu dans l’affaire dire que le juge ne devait pas faire ça. Mais désormais devant la cour, l’état doit faire bloc et défendre cette politique juridique.

Si la cour vient à conforter l’immunité de juridiction par rapport aux droits de l’homme (et se mettre des ONG à dos), ce serait conforme au droit positif qui existe actuellement pense le prof donc cela ne surprendrait pas. Elle le fait aussi en voyant les conséquences néfastes contraires : si tous les états font comme la cour de cassation italienne, un certain désordre entre les relations entre les états peut s’en suivre.

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Page 144: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Certains disent qu’à long terme il faut abandonner l’immunité de juridiction : l’état arrêtera les violations comme il sait qu’il peut être traduit devant des tribunaux. A cout terme on le voit ce n’est pas faisable. Mais même à long terme, il semble que le monde ne soit pas assez mur pour cela…

La Convention de N.Y. est silencieuse quant à la question de l’immunité en cas de violation du jus cogens.

Bien entendu, il est toujours possible de mettre en cause la responsabilité d’un Etat devant les juridictions de cet Etat.

C. L’immunité d’exécution

Egalement coutumière et également restreinte.

Dans ce cas ci, on a un état qui a contracté avec un commerçant mais il ne paye pas. C’est ça qui en cause : il ne s’exécute pas.La question de l’immunité d’exécution ne se pose qu’après la condamnation d’un Etat étranger. L’immunité d’exécution absolue n’est, ici non plus, plus d’actualité.

La Convention de Bâle consacre en principe l’immunité d’exécution absolue et soustrait ce contentieux aux juridictions nationales, mais c’est un système qui en pratique ne fonctionne pas. En gros on avait prévu un tribunal pour limiter cette immunité mais il n’a jamais été en activité.

La Convention de N.Y., en son art. 19, reflète l’état actuel du droit coutumier : elle consacre l’immunité d’exécution pour les biens affectés à une activité de la souveraineté. Peuvent être uniquement saisis les biens spécifiquement destinés à être utilisés autrement qu’à des fins de service public non commercial. S’il est affecté à une autre fin qu’un service public non commercial, on peut saisir. Critère du bien affecté à une activité de la souveraineté : si c’est le cas, on ne peut pas le saisir.

Exemple   : une locomotive est saisissable. Un avion d’une compagnie nationale, de même car service public commercial.

Une difficulté apparait concernant les comptes d’ambassades (c’est bien souvent la seule chose que l’état étranger a sur l’état du for) : peut-on les saisir ? La jurisprudence belge a oscillé et a évolué. Un ensemble de cas soumis au juge des saisies et à la cour d’appel accueillent une immunité juridiction. Mais l’application aux comptes d’ambassade pose problème.Un arrêt de 2000 est isolé : il dit que ce n’est pas restreint.

Plusieurs choses à regarder dans les affaires pour savoir quoi faire : Y a-t-il une ou deux immunités en cause ? Donc : l’immunité diplomatique existe-t-elle à coté de l’immunité de l’Etat ? Le régime de la Convention de Vienne de 1961 qui s’applique en matière d’immunité diplomatique ne contient pas de règles particulières pour le compte de l’ambassade. Il n’y a donc pas une immunité diplomatique qui puisse être invoquée. C’est l’immunité de l’état étranger et non de l’ambassade qui est en cause. Après il faut regarder si c’est absolu ou non.

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Page 145: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Si le compte est trop rempli pour les besoins de l’ambassade, peut-on dire que ce compte est affecté à une activité de la souveraineté, qui est l’ambassade (alors que compte totalement disproportionné) ? Si disproportion manifeste entre ce qu’on peut apprécier comme des besoins normaux et activité de l’ambassade, ne peut-on pas saisir ce compte ?Finalement tout ce qui compte c’est de savoir si c’est saisissable ou non. Si l’activité en a vraiment besoin, on ne saisit pas. Mais un juge pour l’état irakien a saisi car c’était disproportionné.Mais ce qui pose problème c’est la preuve : comment prouver que c’est disproportionné à l’activité de la souveraineté ?

L’art. 25 C.V. interdit à l’Etat hôte de porter inutilement atteinte à la liberté d’action de l’ambassade. Cette disposition a une influence considérable sur l’administration de la preuve devant le juge des saisies : le simple fait que le compte soit géré par l’ambassade rend son affectivité souveraine certaine. Toutefois, les sommes sur le compte peuvent être supérieures aux sommes affectées aux besoins de l’ambassade. Le juge peut-il, dans ce cas, demander les extraits de compte afin de vérifier si l’argent sert à l’ambassade ? La réponse est non ! Il ne peut obliger l’ambassade à produire des documents car ne impediatur negatio : pas d’atteinte.Le droit diplomatique apporte ainsi une limite à l’administration de la preuve. Donc comment être certain que c’est disproportionné ? Et donc comment prouver que le compte de l’ambassade ne sert pas à l’activité de souveraineté ? Extrêmement difficile et le juge doit maintenir l’immunité si on ne sait pas le prouver.Même une saisie partielle/conservatoire du compte d’une ambassade est impossible. En rendant le compte indisponible, la Convention de N.Y. consacre une immunité d’exécution totale.

Deuxième problème   : saisie arrêt La jurisprudence semble consacrer l’interdiction de la saisie arrêt : toutes les sommes sont indisponibles pendant la saisie. Tout le compte est indisponible. Mais si c’est le seul compte de l’ambassade, même s’il y a trop, on porte atteinte à l’activité de l’ambassade. Car la saisie arrêt entraine indisponibilité totale du compte le temps de la saisie arrêt. C’est pour ces motifs que la cour d’appel refuse les saisies arrêts. Juge ne peut pas porter atteinte à l’activité de l’ambassade.

Dans la convention de New York, les comptes bancaires sont visés à l’article 21. On peut très bien interpréter cet article dans un sens qui n’interdit pas… Il suffit de montrer que le compte n’est pas utilisé pour les fonctions de la mission diplomatique. Car alors rentre pas dans l’article 21. Cela dépend de comment on lit l’article. Probable que la question du droit au juge revienne à cette égard : droit d’avoir un juge et d’obtenir réellement justice. L’immunité d’exécution pourrait alors être réduite. Selon l’article 21 ? On dirait que ce n’est que si le compte est utilisé dans la mesure des besoins de la fonction diplomatique que ce compte est immunisé.

En ce qui concerne le droit belge, le Code judiciaire a un art. 1412ter qui rend insaisissable les biens culturels étrangers exposés au public en Belgique. Cette disposition va au-delà de la protection du patrimoine culturel national. Elle consacre une immunité d’exécution.

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Page 146: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Disposition récente introduite pour éviter que les expositions itinérantes venant à Bruxelles ne soient sujettes à des procédures judiciaires contre l’état étranger. Le prof pense que c’est bien car cela touche à ce qui fait l’état : la culture. Donc cela touche à la souveraineté indirectement.

08/11/10

Section 2   : Le peuple

On va le voir comme sujet et non comme simple acteur (un groupe terroriste par exemple est un acteur international mais pas un sujet international !).

Un peuple est-il un sujet de DI distinctement de l’Etat ? Longtemps, le peuple n’a désigné en droit des gens que la masse des personnes, nationales ou étrangères, sur laquelle s’exerce le pouvoir de l’Etat. Cette « population » peut recevoir une subjectivité en DI à des fins particulières, mais il n’est pas question cependant d’en faire un sujet de DI autonome. A dire vrai, on ne voit pas quel pourrait être l’intérêt d’une telle personnification, puisque l’Etat est, par hypothèse, l’expression la plus parfaite de son peuple.

§1. L’émergence de la notion de peuple

La notion de « peuple » en DI apparait durant la Première Guerre mondiale, lorsque les puissances alliées reconnaissent une « nation » polonais et tchécoslovaque. Elle n’existait pas comme état : l’une et l’autre englobées dans des ensemble plurinationaux. On promet l’indépendance si la guerre est gagnée et elles reçoivent le statut de cobelligérant pendant la guerre même des comités nationaux. On traite les représentants comme des chefs d’état.

Cette reconnaissance anticipait la restauration d’une Pologne indépendante, disparue en 1795 lors du troisième partage de son territoire entre l’Autriche, la Prusse et la Russie, ainsi que la création d’un Etat tchécoslovaque. Dans l’immédiat, l’objectif était simplement de renforcer l’effort de guerre allié, en soutenant des mouvements sécessionnistes dans les possessions de l’Autriche-Hongrie afin de semer la discorde au sein des puissances ennemies. La reconnaissance de cette « nation » a permis d’organiser en toute autonomie une armée polonaise et tchécoslovaque, en leur octroyant le statut de « cobelligérants ».

Dès 1919, la Pologne et la Tchécoslovaquie ont été reconnues comme des Etats indépendants, siégeant au sein de la Conférence de la Paix qui s’est attelée au démantèlement de l’Autriche-Hongrie et de l’Empire ottoman. Ce sont des puissances alliées pour les traités de paix de Paris etc. Nation, peuples, personnifiés avant même la réalité étatique. Une fois que l’état est là la nation tchécoslovaque va disparaître pour être englobée par le nouvel état.

Première émergence d’une figure non étatique mais collective et qui se voit reconnaître certains droits au niveau international. C’est dans un certain contexte certes : amoindrir la puissance des états contre lesquels on se bat.

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Cette reconnaissance n’était en réalité rien d’autre que celle d’un Etat en gestation, en non de quelque « peuple » qui en serait distinct : elle a été accordée à des nations préfigurant les Etats qui allaient naitre.

C’est la grande tendance de l’époque : on va s’atteler à démanteler les empires plurinationaux : l’empire austro-hongrois, ottoman,… Ils éclatent à l’occasion de la paix de Versailles.

§2. Le mandat et la tutelle

A l’occasion de la paix de Versailles on va aussi priver l’Allemagne de ses colonies. L’empire austro-hongrois n’a pas à proprement parlé de colonies extra européennes.Le Pacte de la SDN, qui constitue la première partie du Traité de Versailles, a placé sous mandat les anciennes colonies africaines de l’Allemagne et les anciennes possessions non turques de l’Empire ottoman. On veut amoindrir la puissance de l’Allemagne. On ne va pas donner ces colonies en tant que telles aux vainqueurs mais on va les confier à ceux ci par un système de mandat, sous le contrôle de la Société des nations (cette société est la première tentative d’une organisation à vocation universelle mais les US n’y ont jamais adhéré et elle sera engloutie dans la deuxième guerre mondiale).

Plus précisément, l’art. 22 a prévu que seraient placés sous le mandat des puissances alliées les « colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé d’être sous la souveraineté des Etats qui les gouvernaient précédemment et qui sont habitées non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficile du monde moderne ».

La puissance mandataire se voit confier par la SDN une « mission sacrée de civilisation » : cette formule maintient une distinction entre la puissance occidentale et le peuple placé sous mandat, qui reçoit une personnalité diffuse. La mission doit être exercée en vue de permettre « le bien-être et le développement » des peuples sous mandat.

L’art. 22 du Pacte a organisé trois types de mandats   :

- le mandat A (Irak, Liban, Palestine, Syrie) : Ce mandat s’applique aux peuples promis à une proche indépendance et s’accompagne d’une autonomie interne étendue (les nations mandataires doivent laisser aux peuples sous mandat une certaine liberté d’action) ; Pratiquement à même de se gouverner lui-même et les pouvoirs qui sont confiés à la puissance administrante sont donc limités (surtout représentation internationale c’est tout).

- le mandat B (Cameroun, Rwanda-Urundi, Togo, Tanganyika) : Ce mandat vise les peuples qui ont atteint un degré de développement moins important ;

- le mandat C (Sud-Ouest africain, Nauru, Samoa, …) Ce mandat concerne les peuples qui ne se distinguent guère des colonies. On considère ces peuples comme incapables de s’administrer.

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La distinction entre B, C et simple colonie n’était pas vraiment claire dans les faits. Le colonisateur n’avait certes de comptes à rendre à personne alors que désormais la puissance en charge doit rendre compte des progrès dans l’administration du territoire. C’est pour réaliser l’article 22 : la mission sacrée de civilisation. Cette disposition sent énormément l’époque. Parfaite naïveté : on est sur de faire le bien. Déjà on les libère des allemands qui sont des crapules. Les Européens sont convaincus de faire le bien : c’est ça qu’on voit comme la vertu à l’époque.

La Belgique a reçu un mandat sur le Rwanda-Urundi, qui a pris fin en 1962. La différence est difficile à voir pour les peuples concernés.

La mission sacrée est présente dans les textes et la société des nations va essayer de la vérifier. La société des nations n’est pas un mandant au sens du droit civil. La cour le dit dans son avis consultatif. Le mandat n’a de commun que le nom avec les notions de mandat en droit interne : simple notion de surveillance et de contrôle.

Le mandat est une chose de l’époque qui permet de sauver les apparences : le peuple sous mandat a une certaine personnification internationale car c’est au bénéfice de cette collectivité que la puissance mandataire exerçait le pouvoir qui lui avait été confié par la société des nations.

Dans son avis consultatif du 21/06/1971 relatif aux Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie, la CIJ a interprété les termes du Pacte de 1919 au regard de l’évolution internationale. En 1971, la « mission sacrée de civilisation » de 1919 doit se comprendre comme signifiant en germe le droit des peuples à l’autodétermination (§§ 52-53). L’objectif ultime doit être l’auto détermination : amener ces peuples à pouvoir s’auto déterminer, c’est à dire devenir eux-mêmes de états. Le mandat a un caractère temporaire : il n’est là que le temps que les peuples se transforment en états. Mais ils sont quand même créanciers de vouloir devenir des états dans l’exercice du droit à l’auto détermination.

Celui qui a le mandat de la Namibie est l’Afrique du Sud. Ils avaient transposé l’apartheid là bas donc les Etats Unis s’y opposent en 66.Finalement, le régime des mandats a cessé avec la fin de la SDN. La Charte des NU lui a substitué un régime de « tutelle » en 1945, qui obéit à des règles substantiellement identiques, même si le contrôle des NU a été renforcé. Il n’y en a actuellement plus aucune de par le monde.La surveillance du régime est en règle générale exercée par le Conseil de tutelle, sous l’autorité de l’Assemblée générale. Le système de tutelle est également là pour amener les peuples à l’indépendance : il établit donc une distinction entre le peuple sous tutelle et la nation qui reçoit la tutelle. Ce régime n’existe plus à l’heure actuelle.

Mais on n’est pas obligé de passer à la tutelle à l’époque. Donc pour la Namibie on dit que c’est toujours un mandat et c’est l’assemble générale des nations unies alors qui va se charger de l’ancienne mission du Conseil de sécurité. C’est encore un régime qui ressemble au régime des mandats de la société des nations mais désormais sous direction de l’ONU. L’Afrique du sud viole le principe de mission sacrée en établissant sur le territoire un régime d’apartheid, basé sur le racisme. Violation des

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Page 149: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

termes du mandat donc l’assemblée met fin en 66 au mandat. On exige le départ de l’Afrique du sud de la Namibie. L’AG est saisie d’une question sur la présence de l’Afrique du Sud en Namibie, qui est désormais illicite. C’est dans ce contexte que la cour vient parler du mandat et de ses exigences à la lumière du droit international de 1971. C’est là qu’elle dit que l’objectif ultime est le droit du peuple à disposer de lui-même au sens de la charte des NU : auto détermination.

La Namibie est le dernier pays à avoir été placé sous tutelle ; elle a accédé à l’indépendance en 1990.

Pas plus que le mandat, la tutelle n’a permis aux peuples qui en étaient l’objet d’exprimer une personnalité propre, une subjectivité internationale. Celle-ci demeure néanmoins un présupposé théorique sans lequel l’ensemble de système ne serait guère compréhensible.

§3. Le droit des peuples à disposer d’eux-même au sens de la charte

Adoptée à San Francisco le 26/06/1945, la Charte des NU donne pour but à l’organisation de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité du droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes » (art. 1, § 2).

En 1945, lorsqu’on signe la convention cette notion a un sens particulier : manière de réagir pour les puissances signataires, au totalitarisme fasciste qui a déchiré le monde. Cela signifie sans doute dans l’esprit des négociateurs une certaine obligation pour les états de ne pas disposer de leur peuple comme bon leur semble. D’ailleurs Hitler a commencé par exterminer les seins, à éliminer les Juifs d’Allemagne. Donc ce droit des peuples à disposer de lui-même c’est l’idée que le gouvernement de l’état ne peut pas disposer de son peuple en tant que tel. Il y a une idée de bon gouvernement la derrière : le gouvernement est au service du peuple. Staline ne l’entend pas de cette oreille (car élections avec un seul parti en Russie) mais c’est quand même l’idée présente dans la charte en réaction au totalitarisme : les états ne font pas ce qu’ils veulent de leur propre peuple. On n’en déduit pas à l’époque l’obligation d’un bon gouvernement car cela reste très vague, c’est plus un slogan qu’autre chose.

En 1945, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, réaffirmé à l’art. 55 de la Charte, renvoie à la volonté de rompre avec la domination totale d’un régime étatique sur son peuple : le pouvoir d’un Etat n’est pas absolu sur le peuple qu’il gouverne, car le régime politique ne peut faire tout et n’importe quoi avec son peuple. D’ailleurs, le préambule de la Charte indique « Nous, peuples des Nations Unies », et non « Nous, Etats » : cela montre bien que le texte n’est pas uniquement le résultat des Etats, mais également celui des populations.

En 15 ans ces mots vont changer complètement de signification. Il est impensable que les grandes puissances colonistratices aient accepté en 45 que la charte allait emporter l’obligation de démanteler les colonies. Or c’est ça que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes va signifier dans la pratique.En 1960, la Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale marque symboliquement et juridiquement un tournant : le droit des peuples à l’autodétermination est désormais interprété comme le droit des peuples colonisés à être indépendants. Obligation de mettre fin au colonialisme.C’est là toute l’histoire de la Guerre Froide : les grandes nations vont essayer d’attirer les peuples devenus indépendants dans leur sphère d’influence politique. Si l’on avait

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adopté une telle interprétation en 1945, de nombreuses nations auraient refusé de signer la Charte des NU.

Comment en est on arrivé là ?

Car l’Europe colonise depuis 5 siècles et en 15 ans c’est fini. Il faut comprendre l’évolution historique que cela comprend. Ca n’est pas très vieux ce changement de mentalité si considérable. C’est aussi le résultat d’une évolution juridique : évolution politique qui se traduit dans le droit par une norme particulièrement importante : comment en arrive-t-on là ?

FACTEURS POLITIQUES 

Les grands du monde ne sont plus les mêmes. Washington et Moscou n’ont pas de colonies mais ce qui les rassemble c’est l’envie de priver l’Europe de ses colonies. On veut soi disant s’occuper des peuples des colonies mais le but n’est pas de les prendre pour soi mais de mettre en place des régimes sympa en accords avec la politique de Moscou et Washington. En gros on veut qu’ils leur soient fidèles. On cède la place à d’autres fidélités politiques. L’objectif politique c’est d’amoindrir l’influence européenne et de se partager le gâteau non pas au sens colonisateur mais au sens d’influence politique.Cela commence avec des guerres très dures : Algérie, Indochine,…

Guerre d’Algérie

A l’AG on va dire à la France que ce n’est pas un problème interne à la République mais un problème des droits des peuples à disposer d’eux mêmes. Donc le problème de la guerre d’Algérie va devenir international. Le peuple est représenté par un mouvement de libération internationale. Le peuple va se voir reconnaître le droit de disposer de lui-même : cela va signifier pour le peuple le droit d’établir sur le territoire de la colonie un état indépendant. Ce droit va évidemment donné à la puissance colonisante l’obligation d’accorder cette indépendance.

FACTEURS JURIDIQUES

Ce qui déclenche tout cela c’est la première résolution : 1514 (XV) du 14 décembre 1960. C’est la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Page 75 du recueil. Une résolution de l’AG à l’époque ce n’est pas encore du droit coutumier. Cela va le devenir : c’est programmatoire en 1960, c’est presque la cristallisation de la coutume. La Belgique n’a déjà plus le Congo et se rallie à cette résolution. Mais d’autres puissances ont encore des colonies comme l’Espagne par exemple.Le manque de préparation ne doit jamais être pris comme un prétexte pour retarder l’indépendance (pourtant en 1919 encore c’était ce qui prévalait avec les mandats A, B et C). C’est une résolution proprement révolutionnaire. Ce discours n’est pas celui de la charte en 45 : il émerge entre 52-55 et 1960. C’est extrêmement rapide comme évolution. Il y a évidemment des mouvements européens anti colonisateurs. Première émergence d’ONG etc.

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Page 151: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Changement profond des mentalités mais aussi du droit. Ce changement est consacré définitivement dans la résolution 2625 (XXV).En 1970, le droit des peuples à l’autodétermination devient incontestablement coutumier. La Résolution 2625 (XXV) le range parmi les principes fondamentaux régissant les relations amicales et la coopération entre les Etats. Cette résolution est déclarative de droit coutumier : pratiquement au moment de la cristallisation de la coutume déjà en 1960.

La notion a évolué : aujourd’hui de quoi s’agit-il ?

Qui plus est, on tient aujourd’hui sa violation pour un crime (art. 19 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité internationale des Etats). Cela implique que le droit des peuples à l’autodétermination soit également tenu pour d’ordre public (règle de jus cogens). Dans un système totalement dominé par des Etats « souverains », il s’agit là d’une véritable révolution. La Résolution 2625 traduit ainsi le changement normatif qui accompagne les soubresauts de l’Histoire et qui leur donne une légitimité.

§1. Peuples coloniaux

A. Signification

Bien que le bénéfice du droit des peuples à l’autodétermination n’ait pas été limité aux peuples coloniaux, dans l’immédiat, n’en était pas moins de liquider le « colonialisme dans toutes ses manifestations ».

Peuple soumis à une domination étrangère (l’Algérie à l’époque n’est même plus une colonie mais un territoire faisant partie de la République). C’est souvent le critère de différence de race et de distance géographique qui va permettre d’identifier le peuple colonial. C’est un critère territorial. Ce sont ces peuples qui sont titulaires du droit à disposer d’eux-mêmes. On va appliquer cette notion aux possessions européennes d’outre mer. Droit de venir indépendant. Et le titulaire de ce droit est un peuple, qui vit sur le territoire de l’ensemble colonisé.

Des incertitudes entourent la définition du peuple ou de la nation. L’Assemblée générale a fait l’usage d’un critère purement territorial : ont été réputés peuples pour les besoins de la décolonisation les populations regroupées à l’intérieur des territoires coloniaux, tels que les ont souverainement délimités les colonisateurs. On aurait pu admettre que des rassemblements humains fussent opérer, par delà les découpages coloniaux, mais l’éventualité est demeurée tout à fait exceptionnelle (Cameroun).

Difficulté de la représentation de ce peuple. On reconnaît certains mouvements de libération nationale. Il va y avoir des luttes fratricides sanglantes pour se voir reconnaître cet attribut et donc être « accrédité », reconnu comme le mouvement de libération nationale qui peut parler au nom du peuple. Forme de lutte politique pour le contrôle du territoire.

Disposer de soi même

Cela veut dire concrètement : devenir un état. On sait le rôle que jouera à cet égard le principe de l’uti possidetis. On ne va donc pas se poser 1000 questions anthropologiques et ethnographiques pour voir s’il y a plusieurs peuples dans un territoire.

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Page 152: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

On va dire que c’est sur le territoire de l’ancienne colonie que le peuple pourra disposer de lui-même. La frontière administrative interne dans l’empire colonial va jouer le même rôle.

Le peuple colonisé a le droit de créer un état, - soit de se rassembler entre eux (Cameroun) - soit de devenir deux états puis se regrouper (Zanzibar, Tanganyika).

Ce droit, c’est exister un instant pour disparaître dans l’état : droit temporaire qui s’épuise dans la création du nouvel état. Quand l’état nouveau est là, ce n’est pas qu’il est privé du droit mais il est privé d’objet : le peuple est devenu indépendant et est désormais un état. Mais entre le moment où le peuple est colonisé et le moment d’indépendance, le peuple a le droit de disposer de lui-même et c’est en cela que le peuple est sujet de droit international. Peuple colonial sujet de droit international. Droit de se prononcer sur la volonté dédevenir un état (souvent tout seul, parfois à plusieurs).

Pendant ce moment là le peuple a une capacité juridique : il est titulaire d’un droit dont la signification est toute particulière (devenir un état) et dont l’usage est unique.

Ce droit pour le peuple emporte des obligations pour des tiers : la puissance colonistratice n’a pas le choix de laisser le peuple s’auto déterminer. C’est une violation du droit international de le refuser. Si l’état colonisateur refuse de donner cette indépendance, le peuple a le droit de prendre les armes pour se libérer. Et c’est souvent ce qui s’est produit. Pas de emplois de la force illicites. C’est considéré comme légitime. Le peuple est en droit de prendre les armes et de conquérir son indépendance. Il ne peut pas tout faire en principe : tenu du droit des conflits armés internationaux (conflit international entre un peuple et un état et non national !) qui vont régir les relations entre les deux camps. Régime de prisonniers de guerre et d’emploi de la force. Il y a des règles : la lutte est légitime mais la manière est régie par le droit international, comme si deux états se battaient. Ce n’est pas un conflit arm interne. La tentative de la France n’a pas été reçue, on dit qu’ils violent le droit international.

Les autres états ont le droit d’aider le peuple à se libérer. On peut livrer des armes sans faire une ingérence avec les affaires intérieures car ce n’est pas une affaire intérieure.

La règle va être considérée, dans la pratique internationale, par la cour de justice comme une règle ayant des effets erga omnes dans l’affaire du Timor Oriental. C’est une ancienne colonie portugaise qui sera annexée par l’Indonésie. Elle restera annexée pendant 25 ans et le Timor Oriental n’aura donc jamais eu l’occasion de s’auto déterminer. C’est une colonie distincte (portugaise et non néerlandaise comme les autres de la régions) donc droit distinct à disposer d’eux-mêmes. Et l’Indonésie leur en a privé car ils ont envahi le Timor Oriental.

Sachant ce qu’est le peuple, il faut encore déterminer quand il est « colonial ». La Résolution 1514 vise à cet égard « la sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères », ce qui demeure particulièrement vague. Concrètement, sont pour l’essentiel en cause les possessions européennes d’outre-mer, conquises durant l’expansion coloniale du XIXème siècle.

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B. Effets

La Résolution 1514 précise qu’en vertu de leur « droit de libre détermination », les peuples « déterminent librement leur développement économique, social et culturel ». Cela ne précise guère ce que recouvre le droit de disposer de soi-même. Selon la Résolution 2625, le droit à l’autodétermination est le droit de décider souverainement, c.à.d. librement, du statut du peuple futur et de son territoire. Bref, il s’agit du droit de faire sécession, de s’établir comme un peuple souverain et égal à la puissance colonisatrice.

L’Etat colonisateur a l’obligation d’accorder à sa colonie l’indépendance, sous peine de commettre un crime. S’il ne le fait pas, le peuple a le droit de mener une guerre de libération nationale contre la métropole : il s’agit là d’un emploi de la force licite, et non d’une guerre civile. Les Etats tiers, pour leur part, ont l’obligation d’assister le peuple dans son accession à l’indépendance : il n’y a pas dans ce cas ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat, puisque l’on est face à une question mettant en cause le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

C. Norme erga omnes

La prohibition de la sujétion d’un peuple à une puissance étrangère a été qualifiée d’obligation erga omnes par la CIJ, dans son affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie) (§ 29), ainsi que dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 relatif aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (§§ 88 et 156).

Dans l’affaire du mur, ce sont les mêmes termes : le peuple palestinien est soumis à une occupation étrangère et il a le droit à l’auto détermination, ce droit n’ayant pas encore été exercé. La Palestine a été reconnue par quelques états arabes mais pas encore un état. Elle est toujours occupée et cela viole son droit à disposer d’elle-même.A la fin du mandat de la GB en 1948, la Palestine n'a jamais su exercer son droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est un peuple considéré sous domination étrangère. Est-ce que ce droit peut s'exercer sur le territoire historique de la Palestine, c'est-à-dire Israël? La Cour estime que non.

Règle de ius cogens   ? On ne sait pas dire mais devenu vraiment fondamental dans la pratique internationale, et indérogeable. Dans le projet d’article sur la responsabilité internationale des états, la violation du droit des peuples à disposer d’eux –mêmes est qualifiée de crime international. Violation grave de normes impératives.Exemple : un traité qui ne respecte pas cela serait nul.

Les états ont manifesté une opinio iuris, qui est celle nécessaire pour une obligation impérative.

Le peuple kurde n’a pas le droit de disposer de lui-même car ce droit serait limité aux peuples colonisés.

Non seulement erga omnes mais on peut aussi dire que c’est impératif.

On mesure donc l’évolution du droit international. Et en très peu de temps. Le sport européen est devenu une pratique profondément illicite.

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Cette prohibition est une règle qui revêt aujourd’hui une portée impérative et dont la violation est qualifiée de crime. A l’heure actuelle, le contraire de cette prohibition est impensable. On ne peut plus concevoir le monde comme un monde dans lequel on pourrait librement coloniser. Le discours de la colonisation est aujourd’hui intenable et le DI reflète ce changement profond des mentalités. Dans l'article 19 du projet sur la responsabilité internationale, on parle de crime pour le fait de maintenir un peuple sous sa domination. En DI, un crime est une violation d'une obligation internationale.

§2. D’autres peuples à par les peuples colonisés ?

Il n’y a rien, a priori, qui puisse justifier que le droit à l’autodétermination soit exclusivement réservé aux peuples coloniaux ou aux territoires sous tutelle. Rien n’interdit de donner une conception nouvelle. On ne peut pas dire que ce droit recouvrera un jour un nouveau sens qui n’existe pas encore mais qui pourrait exister.

Mais cela semble fort difficile et problématique. Car ce sont les états qui par leur pratique et opinio iuris, font évoluer les règles. Les états d’aujourd’hui, en ce compris les anciennes colonies, ne veulent absolument pas donner au droit des peuples à disposer d’eux même un sens qui vient donner un droit à des peuples non colonisés. Ce serait autodestructeur.

Seuls quelques peuples de par le monde n’ont pas encore exercé le droit : Timor, Palestine, Sahraoui. Mais pour les autres cela semble peu probable.

Dans la résolution 2625 (XXV) on insiste pour dire que ce n’est pas une porte ouverte pour démembrer les états. On veut protéger un minimum l’intégrité territoriale. En 1970 on est très conscient de ce risque d’arriver à un démantèlement de états avec l’évolution de la notion.Une partie de la doctrine dit que l’état qui ne se dote pas d’un gouvernement qui ressemble l’ensemble d’un état (et donc méprise en son sein une partie de la population) se met lui-même en danger car le droit des peuples à disposer d’eux mêmes alors renait. Et le peuple au sein de l’état, qui n’est pas dument représenté, se verrait reconnaître un droit à faire une sécession remède. C’est le mauvais comportement de l’état qui engendrerait le droit de faire sécession. On s’appuie sur une phrase de la résolution 2625 (XXV) car l’intégrité territoriale est en quelque sorte garantie à l’état qui se dote d’un gouvernement pleinement représentatif.

Argument accepté dans la pratique international contemporaine ?On le retrouve dans des organisations sécessionnistes et sous la plume des certains auteurs. La cour canadienne a dit que si le peuple québécois n’est pas dument représenté, il pourrait faire sécession. Mais cela n’est pas le cas donc pas de droit à l’auto détermination. Distinction entre auto détermination interne et externe : pas d’auto détermination externe tant que l’auto détermination interne est assurée.La cour suprême du Canada reprend donc cette idée et dit que c’est possible au niveau du droit international mais pas législateur international.La Cour se sert de la logique comme d’un argument par l’absurde, car le Québec est loin d’être un peuple opprimé. Si cette théorie existe en philosophie politique, elle est toutefois inexistante en DI actuel positif, car les Etats qui font le DI ne veulent pas en entendre parler. En outre, une politique du pire peut résulter de cette théorie : l’Etat opprimant risque de se montrer plus répressif et beaucoup de sang risque de couler si le peuple dont les droits fondamentaux sont violés décide d’accéder à l’indépendance.

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Page 155: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Dans l’avis consultatif que la cour a prononcé en 2010 pour la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, elle refuse de se prononcer sur la question de savoir s’ils ont le droit de disposer d’eux-mêmes. Elle ne veut pas se poser la question de si le peuple avait le droit de déclarer son indépendance : il suffit de regarder si c’est conforme au droit international. Même manière de raisonner que l’affaire du Lotus.La cour fait la distinction d’avec la décision du Canada, ce sur quoi la cour suprême avait du se prononcer.La cour refuse de se prononcer sur l’idée d’entitlement (§55).

La cour ne se prononce pas car pas nécessaire pour elle et elle essaye d’éluder la question extrêmement controversée dans la pratique et doctrine internationale. Mais implicitement on peut dire qu’elle a considéré que le peuple du Kosovo n’était pas titulaire de ce droit. Pourquoi ? A un moment donné la cour regarde si c’est contraire au droit international général (non pas de règle prohibitive) puis elle regarde la résolution 1244 et regarde si c’est contraire à cela. La cour dit que non car le CS dans la résolution, n’adresse pas aux leaders une interdiction de faire sécession expressis verbis. La cour ne peut dire cela que parce qu’elle estime que le CS, s’il l’avait voulu, aurait pu interdire aux albanais du Kosovo de déclarer leur indépendance. La cour constate qu’on ne l’interdit pas et en amont on dit que si on le l’interdit pas, c’est parce qu’on aurait pu l’interdire. Juridiquement le CS avait le pouvoir de dire que les albanais n’avaient pas le droit. Implicitement c’est que la cour a sans doute l’opinion selon laquelle le CS n’aurait pas violé une règle erga omnes en interdisant au Kosovo d’exercer son droit à l’auto détermination. Or c’est une règle erga omnes. La cour ne regarde pas si le CS peut déroger des règles erga omnes : la cour dit que si le CS l’avait voulu, le CS aurait pu interdire aux albanais leur indépendance. Donc implicitement le CS ne considère pas que les Albanais ont un droit à l’auto détermination. Car s’ils l’avaient le CS aurait le droit de les priver de ce droit.

La cour ne dit rien mais on peut dire qu’elle veut dire que ce droit n’est pas d’application pour le Kosovo sinon elle aurait du regarder si le CS avait le pouvoir de refuser l’indépendance. C’est un raisonnement sur le comportement de la cour : elle aurait très bien pu regarder si le CS peut aller contre une règle erga omnes mais elle ne l’a pas fait donc on en déduit une théorie implicite.

(Distinction entre Kosovo et Serbes de Bosnie : là il y avait un emploi de la force donc interdit.)

Pour le moment, confiné aux peuples colonisés.

La non-reconnaissance de ce droit aux peuples non coloniaux n’implique pas pour autant qu’il ne leur soit plus « permis » de devenir, de facto, des Etats souverains. Il est seulement interdit aux Etats existants de les assister dans leur marche vers l’indépendance. Il s’agit donc d’une question d’effectivité et non de licéité : il ne faut pas chercher un fondement à l’indépendance pour considérer qu’un peuple puisse, de facto, faire sécession (ex. : indépendance de la Belgique en 1831).

Mais dans les textes de droit positif on trouve néanmoins quelques petites choses.

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Dans le préambule du traité de Moscou du 12/09/1990, dit « 2 + 4 », sur la réunification allemande, ses signataires ont salué « le fait que le peuple allemand, exerçant librement son droit à l’autodétermination, a affirmé sa volonté d’établir l’unité étatique de l’Allemagne. Le texte souligne que le droit à l’autodétermination ne permet pas uniquement un exercice de démembrement, mais également un exercice de remembrement, de réunification. On a donc un traité qui parle du droit du peuple allemand à disposer de lui-même. Mais c’est très inoffensif ici car cela ne porte pas atteinte à l’intégrité territoriale des états car l’Allemagne ne se démembre pas en exerçant ce droit mais ce réunifie. Le risque de démantèlement n’est pas là donc très inoffensif de parler du droit du peuple allemand à disposer de lui-même.

Dans une résolution 61/295 du 2/10/2007, l’Assemblée générale a fait référence au droit des peuples autochtones à l’autodétermination. Peuples qui vivent au sein des états mais avec des traditions culturelles très distinctes (c’est souvent ce qui reste des populations d’origine dans les états colonisés).Pas le droit de faire sécession. Droit de s’administrer eux-mêmes pour les affaires intérieures et locales et dispositions de moyens financiers mais pas le droit de faire sécession.Il ne s’agit cependant pas d’un droit à l’indépendance, mais d’un droit à l’autodétermination interne, soit un droit de poursuivre son développement politique, économique, social et culturel dans le cadre d’un Etat existant. Droit à la maitrise du sol également (important pour ces peuples car permet de demander une maitrise territoriale sur les espaces de leurs ancêtres). A ne pas confondre avec le droit des peuples colonisés à devenir indépendant : droit à une auto détermination interne c’est tout.Bien entendu, tous les Etats qui ont en leur sein des peuples autochtones ont voté contre cette résolution.

On empêche donc à tout prix que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en vienne à détruire ou amoindrir l’intégrité territoriale des états.

La même logique est suivie en ce qui concerne les minorités, mais on n’y revient pas.

15/11/2010

Section 3   : L’organisation internationale

Quelle est la place de l’organisation internationale (OI) dans le jeu du droit des gens ?

C’est un sujet possible, secondaire et non souverain :

Possible : la personnalité juridique internationale, la qualité même de sujet pour l’organisation internationale n’est pas évidente et nécessaire alors que celle de l’Etat l’est. Il faut que certaines conditions soient réunies.

Secondaire : même idée mais exprimée autrement, l’organisation internationale dérive de la volonté de l’Etat ; elle n’existe que parce que des Etats ont voulu qu’elle existe. Par contre, les Etats sont les sujets originaires

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du droit international public, ce sont eux qui ont inventé le droit international pour des besoins de coopération.

Non souverain : seuls les Etats sont souverains, l’organisation internationale (pas plus que d’autres catégories d’acteurs sur la scène internationale) n’est pas un sujet revêtu de la souveraineté.

Les OI apparaissent à la fin du 19e siècle d’abord dans le domaine des communications fluviales (ex. commission européenne du Danube ou du Rhin) ; elles ont été mise en place par les Etats riverains de ces fleuves internationaux.

A la même époque, les premières organisations en matière de télécommunication voient le jour (Union nationale des télécommunications, etc.). On est dans un domaine où les Etats sont démunis s’ils restent chacun dans leur coin, il faut dépasser le niveau étatique pour pouvoir réglementer ces matières. Les premières organisations sont des unions techniques. C'est par ex l'Union postale universelle. Elle a été crée pour permettre aux Etats de réglementer les servicves postaux itnernationaux.

On voit tout de suite que les OI ont une nature instrumentale ou fonctionelle : elles sont la pour remplir certains fonctions déterminées dans un domaine d'activité bien précis. C'est un outil au service des Etats. C'est une espèce de service public commun à un certain nombre d'Etats. Création dans des domaines ou leur action unilatérale se révèle insuffisante.

A partir du 20 e siècle , au sortir de la première guerre mondiale, la SDN puis les NU prennent le relais en 1945. Dès 1919, dans le traité de Versailles, on crée l’OIT. A partir de 1945, on assiste à une multiplication des organisations internationales :

- organisations spécialisées des NU (UNESCO, OMS, AIEA, etc.) - organisations régionales.

On compte plusieurs centaines d’organisations internationales avec toujours cette idée de service public à destination d’un nombre plus ou moins grand d’Etats.

Aujourd'hui, on peut se poser la question de savoir si cette prolifération des OI ne change pas le visage des relations internationales, du DI. Il y a nouvel acteur qui est apparu sur la scène internationale à coté des Etats. Dans pas mal de cas, on a le sentiment que les OI sont l'instrument d'une nouvelle gouvernance mondiale. Les OI paraissent être sous certains aspects l'instrument d'une espèce de gouvernance mondiale à laquelle les Etats seraient soumis. Malgré tout, les Etats sont dans biens des cas soumis à l'action des OI dans divers domaines et ils s'en plaignent!! Phénomène qui est interpellant : les OI semblent être devenues cette nouvelle forme de gouvernance mondiale même si ca reste assez désordonné (pas de coordination véritable entre chacune de ces OI).

Est-ce que derrière la grande diversité sociologique des OI, il y a un régime juridique commun ?

Oui. Ce régime est assez minimaliste, il y a peu de règles communes à l’ensemble des organisations internationales. Dans ce régime juridique commun, nous allons étudier

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Page 158: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

la définition et les éléments d’identification des OI ; ensuite, quelques mots sur la personnalité ; et enfin quelques remarques sur les immunités.

§1. Eléments d’identification (4)

Définition de Michel Virally : association(1) d’Etats(2) constituée en vue de remplir certaines fonctions d’intérêt commun(3) et dotée à cet effet d’un appareil permanent d’organes(4).

1. «   Une association…   »

L’OI repose sur un accord de volonté (entre Etats) et cet accord doit en principe être un accord juridique donc un traité, peu importe la dénomination que les Etats ont entendu donner à ce traité. Pour autant qu’il s’agisse d’un accord juridique, le critère qui permet de départager le traité d’un accord purement politique, c’est l’intention des Etats.

Dans la pratique, certaines organisations sont fondées sur un accord qui n’est pas un accord juridique, c’est l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), héritée de la CSCE (Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe) et créée en 1975 par les accords d’Helsinki. En 1994, elle s’est autotransformée en OSCE, en organisation véritable mais sans qu’un traité ne soit conclu. Donc elle reste fondée sur les accords d’Helsinki qui restent purement politiques. C’est l’exception qui confirme la règle.

2. «   …d’Etats…   »

Dans la plupart des cas, ce sont les Etats qui font l’organisation et qui en font partie. Mais il y a des exceptions qui tendent à se multiplier. Il existe des organisations qui comprennent parmi leurs membres, des membres autres que des Etats. Par exemple, la CE est membre en tant que tel de l’OMC, de la FAO, l’AIFM (Autorité internationale des fonds marins), soit toute seule, soit à côté des 27 EM. Cela ne pose pas de problème mais il faut que les règles de l’organisation acceptent qu’une organisation internationale en fasse partie. C’est une pratique qui tend à se multiplier mais qui continue à concerner très largement la CE.

Ce deuxième élément (association d’Etats) est là pour distinguer les OI intergouvernementales des ONG. Les ONG (organisations non gouvernementales), c’est autre chose. Elles ne sont pas composées d’Etats, elles ne sont pas composées au niveau gouvernemental. Elles rassemblent des personnes privées (physiques ou morales) mais pas des Etats. Elles se sont multipliées ces dernières années, elles sont plus nombreuses que les OI (on les compte par milliers). Certains y voient l’émergence d’une société civile internationale. Elles connaissent d’ardents défenseurs mais aussi certaines critiques (comme un manque de démocratie, etc.).

Ce qui nous intéresse sur le plan juridique, c’est que ces ONG ont un statut purement national (ex. Amnesty International, association de droit anglais ; Greenpeace, association de droit néerlandais ; CICR, fondation de droit suisse). Elles n’ont pas de statut en droit international ni de personnalité.

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Mais le droit international ne les ignore pas totalement, 2 exceptions, tempéraments : A. Elles ont un certain droit de cité au sein des NU, au travers du Conseil

économique et social des NU (ECOSOC). Certaines ONG se sont vues reconnaître un statut consultatif auprès de ce conseil. On leur donne un accès aux affaires publiques internationales et elles peuvent également participer aux travaux du conseil. Mais cela reste assez modeste.

B. Plus sérieux mais ne concerne qu’une seule organisation, le CICR (Comité international de la Croix Rouge). Cette ONG est prise en compte par les Conventions de Genève de 1949 sur le droit international humanitaire qui régissent les conflits armés. Il a un rôle en matière de contrôle du droit humanitaire (ex. il est chargé de la surveillance du régime des prisonniers de guerre).

ETABLISSEMENTS PUBLICS INTERNATIONAUX.

Pas des OI. Contrairement aux ONG, ils sont néanmoins créés par un traité entre Etats. la différence avec les OI c'est que les Etats qui concluent le traité ne vont pas faire partie de cet établissement (ils ne deviennent pas membres). Ex : Aéroport de Bale Mulouse (?). Création d'un aéroport commun.

3. «   … constituée en vue de remplir certaines fonctions d’intérêt commun…   »

Il s’agit de l’élément le plus central : remplir des fonctions d’intérêt commun. C’est la nature instrumentale de l’OI : elles sont créées pour remplir certaines fonctions d’intérêt commun aux Etats qui les fondent, service public commun au bénéfice des Etats qui la crée ; c’est un outil au service des EM de l’organisation.

La seule question qui se pose est de savoir si toutes les organisations répondent à cette définition. Certaines n’ont-elles pas un caractère sui generis ?

La question se pose pour les NU et l’UE.

Les Nations Unies sont de plus en plus souvent regardées comme une organisation à part. Tout d’abord, c’est à travers elle que la communauté internationale à tendance à se structurer et ensuite, elle est universelle car elle rassemble l’ensemble des pays du monde (c’est une des rare à être dans le cas). Elle est perçue comme une espèce d’organe de la communauté internationale. En termes de science-politique, l’analyse est correcte mais en termes juridiques, on peut se demander quelle est cette spécificité des NU, elle parait être une organisation comme les autres qui répond à la définition de l’OI.

Ce même raisonnement peut être tenu pour l’Union européenne. Sur le plan du droit, l’UE est une organisation internationale ; ce n’est pas un tertium genus, il n’y a pas de spécificité juridique discernable. Les organes de l'UE continuent à dire que l'UE est une OI, ce n'est pas un super Etat. Quant à l’effet direct ou à la primauté du droit communautaire que l’on présente comme des traits propres à la CE, on retrouve ces techniques dans bien d’autres OI.

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4. «   …et dotée à cet effet d’un appareil permanent d’organes   »

Elle est dotée d’un appareil permanent d’organes, d’une structure institutionnelle qui lui permet de fonctionner au jour le jour. Cet élément est là pour distinguer l'OI de la conférence internationale, qui est aussi une réunion d’Etats mais non institutionnalisée (c’est-à-dire non dotée d’organes). Il peut y avoir un faible degré d’institutionnalisation mais s’il n’y a pas un véritable appareil d’organes, on peut difficilement parler d’une OI (ex. le GATT n’est pas une OI, c’est une simple conférence internationale qui a certes un secrétariat permanent à Genève mais ce n’est pas assez).

§ 2. Personnalité, capacités et compétence

1. Personnalité juridique de l’organisation internationale

A. Absence de personnification automatique

Ce n’est pas un des éléments de la définition, la personnalité n’est pas consubstantielle à l’organisation contrairement à ce que beaucoup d’auteurs prétendent. Les OI ne sont pas automatiquement revêtues d’une personnalité juridique autonome. Attention en pratique, de facto, 95% des OI sont revêtues d’une personnalité juridique propre, mais force est de constater que certaines ne le sont pas.

B. L’organisation internationale comme organe commun

Lorsqu’elle n’est pas revêtue de cette personnalité, l’OI agit comme organe de droit commun, organe commun de leur membre. Ce sont les EM de l’organisation qui engagent leur responsabilité.

Le Benelux n’est pas doté de la personnalité juridique, le traité ne lie pas le Benelux mais les 3 EM (c’est-à-dire les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg). Dans ce cas-ci, cela résulte du traité-même. Le Benelux, c’est une facilité mais juridiquement les seuls sujets liés ce sont les 3 EM. Le 1er janvier 2011 entre en vigueur le nouveau traité Benelux. Une disposition prévoit la personnalité juridique internationale du Bénélux.

La CE a une personnalité juridique européenne. Par contre, l’UE n’en a pas au départ. A partir de Nice, on considère que l’UE est revêtue de la personnalité juridique parce qu’elle conclut des traités internationaux qui ne lient plus ses EM mais elle-même. La pratique s’est multipliée et le traité de Lisbonne confirme que l’Union a une personnalité juridique internationale propre distincte de ses EM.

En ce qui concerne la personnalité juridique de l’OTAN, le traité de Washington est muet, il ne parle même pas de l’organisation. Il est donc probable qu’elle n’en a pas. Ce sont dons les EM qui agissent. L’enjeu ultime de la question de la personnalité ou pas, c’est la responsabilité de l’organisation. Pendant la vague de bombardement de Serbie en 1999, un avion américain a bombardé par erreur l’ambassade de Chine. La Chine a demandé réparation de la part directement des USA. C’est un indice qui

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Page 161: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

semble montrer que l’OTAN n’a pas de personnalité juridique propre, donc pas de responsabilité propre. Lorsque l’OTAN agit, ce sont les EM qui agissent.

Quel est l'enjeu de cette question? La résponsabilité internationale qui peut incomber à l'organisation ou à ses EM.

Ex : Otan bombarde la Serbie et le Kosovo en 1999. UN avion américain bombarde par erreur l'ambassade de Chine. La Chine ne demande pas réparation à l'OTAN mais directement aux Etats-Unis. C'est sans doute le signe qu'il n'y a pas de resp de l'OTAn puisqu'elle est pourvue d'une personnalité autonome.

C. Conditions de la personnalité distincte

Si certaines organisations sont revêtues d’une personnalité propre et d’autres pas, comment les départager ? Quelles sont les conditions pour que l’OI soit revêtue d’une personnalité autonome ?

1) Condition subjective

L’intention des Etats fondateurs de l’organisation, il faut qu’ils aient voulu que l’organisation soit un sujet autonome.

Les EM vont vouloir que l’OI soit un sujet autonome s’ils estiment que c’est nécessaire pour qu’elle accomplisse ses missions.

Cette intention est tout à fait déterminante et cela, la Cour l’a dit dès 1949 dans un avis consultatif8. AFFAIRE DES RÉPARATIONS. Le comte Bernadotte était médiateur pour les Nations Unis dans le conflit Israel Palestine. L'AG demande à la Cour un avis consultatif sur la question de savoir si les NU sont habilitées à introduire une réclamation internationale contre l'Etat d'Israel. Les NU souhaitent introduire une réclamation contre Israel. La première question qui se posait est celle de savoir si l'ONU avait une eprsonnalité juridique internationale. La COur juge que l'ONU ne peut introduire une telle demande de réparation que si elle bénéficie d'une personnalité propre. A cette question la Cour répond par l'affirmative : l'ONU a une personnalité propre. Les EM n'ont pas pu ne pas vouloir accorder une personnalité internationale à l'ONU vu les fonctions importantes qu'elles lui ont confiées.

2) Condition objective

Il faut que l’organisation ait les moyens d’une action autonome dans les rapports internationaux. Il faut que l’OI soit dotée d’une certaine indépendance matérielle et qu’elle ait des moyens budgétaires, humains, etc. mais aussi des privilèges et des immunités qui lui permettent d’accomplir sereinement sa mission. Cette indépendance doit lui permettre d’exprimer une volonté propre, distincte de celle de ses EM.

D. Opposabilité de la personnalité

8 CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations unies, avis consultatif, 11 avril 1949, p. 179.

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La personnalité internationale, est-elle opposable aux Etats non membres ?

Il faut partir de cet avis consultatif de 1949, affaire dite des réparations. Tout commence avec l’assassinat du compte Bernadote, diplomate suédois, médiateur dans le premier conflit israélo-palestinien dans le cadre des NU. Les NU ont l’intention d’introduire une réclamation contre l’Etat d’Israël pour obtenir réparation. Mais l’AGNU avant a souhaité s’assurer de son bon droit et a demandé un avis consultatif pour savoir si l’ONU avait la capacité d’introduire une telle réclamation internationale à l’encontre d’un Etat tiers.

La Cour va répondre que oui. Elle va commencer par établir la personnalité internationale des NU, la Charte ne contient aucune disposition explicite qui prévoirait cette personnalité (et c’est le cas de la plupart des organisations).

Pourquoi ? Parce que les Etats en ont eu l’intention et pour savoir si l’ONU a une capacité d’action vis-à-vis d’un Etat tiers, elle se fonde sur le motif suivant : l’ONU rassemble la communauté internationale (à l’époque 50 Etats, suffisamment large) et donc elle vaut erga omnes (personnalité juridique objective). Israël ne peut pas contester la capacité de l’ONU à introduire une réclamation. La question qui se pose est de savoir est-ce que cette jurisprudence est extensible aux autres organisations ?

A ce sujet-là controverse dans la doctrine, aujourd’hui pratiquement éteinte :

1) Théorie contractualiste : l’avis de 1949, c’est une exception propre aux NU. Dans le cas des autres OI, la personnalité n’est opposable que si ceux-ci l’ont reconnu. Elle s’appuie sur l’adage Res inter alios acta (relativité des conventions). Le traité ne peut pas produire des obligations pour des tiers et donc la personnalité ne pourrait pas être opposée.

2) Théorie existentialiste : la jurisprudence peut être généralisée à toute OI. En d’autres termes, la personnalité objective s’impose de plein droit aux tiers sans que ceux-ci aient dû reconnaître cette personnalité.

Il faut bien dire que c’est la deuxième théorie qui l’a emporté. A bon escient, 3 arguments qui permettent de considérer que la théorie existentialiste doit l’emporter :

a. La reconnaissance qui est exigé par la théorie contractualiste de la part des tiers, dans la pratique, cela ne se fait pas.

b. La reconnaissance de la personnalité par les tiers, cela ne se justifie pas.

La reconnaissance d’Etat, cela se justifie parce que le processus de naissance est extrêmement diffus. Dans ce contexte-là, la reconnaissance peut avoir un rôle déterminant qui va asseoir l’effectivité de l’Etat et lui permettre d’émerger sur la scène internationale. Le contexte est différent pour l’OI, elle repose sur un traité et les traités sont enregistrés au secrétariat des NU (formalité de publicité qui permet de dire que telle OI a vu le jour à telle date), sa naissance n’est pas entourée des incertitudes qui affectent la naissance de l’Etat.

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Page 163: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

c. Res inter alios acta, cela n’a rien à voir avec le problème qui nous occupe ici. C’est ridicule de dire que la personnalité n’est pas opposable de plein droit en vertu de la relativité des conventions, la seule chose qu’elle interdit c’est que l'OI prévoit des obligations à charge d'Etats tiers (ex. il serait ridicule que les Etats-Unis ne veulent pas reconnaître que les EM de l'UE ont accordé une personnalité juridique à l'UE). C'est l'opposabilité des effets externes des contrats (par opposition à la relativité des effets internes des contrats).

2. Capacités de l’organisation internationale

Si elle a une personnalité, quelles sont ses capacités ?

3 grandes capacités au minimum inhérentes à la personnalité de l’organisation. Dès lors qu’elle est un sujet, elle jouit nécessairement d’un certains nombres de capacités :

- Capacité de conclure des traités (sinon ça n’a pas de sens).- Capacité d’établir des relations officielles avec les autres sujets (idem).- Capacité de participer activement et passivement aux mécanismes généraux de

la responsabilité internationale au sens large (ex. capacité d’introduire une réclamation contre un Etat qui a commis une violation du droit international).

Autre question, dispose-t-elle de capacités dans les droits internes des EM et des Etats tiers ?

La réponse est positive, c’est prévu très souvent dans les traités constitutifs. L’art. 104 de la Charte des NU prévoit explicitement que l’organisation internationale dispose dans ses EM d’une capacité de contracter, d’acquérir des biens meubles et immeubles, d’aliéner des meubles et des immeubles, d’agir en justice. Si le traité ne prévoit rien, il faut considérer que c’est une règle coutumière.

En réalité, il en est de même dans le droit interne des Etats tiers. Elle ne résulte plus du traité constitutif mais la pratique va très largement dans ce sens-là, personne n’a jamais contesté la capacité de la CE dans le droit interne des Etats tiers. Mais cela ne signifie pas que l’organisation devient un sujet du droit interne (ex. les NU ne sont pas un sujet de droit américain). C’est en vertu de la personnalité internationale de l’organisation qu’elle peut agir dans le droit interne des EM.

3. Compétence de l’organisation internationale

A. Compétence générale de l’Etat et compétence spéciale de l’OI

Quel est le domaine de compétence ?

Il est essentiellement restreint. L’Etat a une compétence générale tandis que l’organisation a une compétence spéciale, crée pour accomplir certaines fonctions précises ou une mission particulière et il est hors de question qu’elle en sorte. Ce principe de spécialité qui régit les OI permet de distinguer l’organisation de l’Etat mais aussi de distinguer la compétence d’une organisation par rapport à une autre ; cela permet de départager les compétences respectives des organisations.

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Page 164: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

A ce sujet, il y a un AVIS DE 1996 DE LA COUR (CIJ, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis consultatif, 8 juillet 1996, § 25): l’OMS avait demandé un avis consultatif sur la licéité de l’emploi des armes nucléaires. La Cour va refuser de répondre à la question en s’arguant que l’OMS n’est pas compétente pour traiter ce genre de question. Les armes ont un effet sur la santé mais c’est la question de la légalité qui est posée ici et donc sort de la compétence de l’OMS. D’ailleurs, la Cour dans un autre avis du même jour va accepter de répondre à une question similaire formulée par les NU et là elle va dire OK.

B. Tempérament : compétences expresses et compétences implicites

Ce principe de spécialité est tempéré par le principe des compétences implicites. Les auteurs n’ont pas pu tout prévoir et donc on ne peut pas se limiter purement et simplement à ce qui a été prévu dans le traité constitutif, l’organisation est également compétente pour les matières qui relèvent implicitement de sa compétence. Par exemple, la CPJI (Cour permanente de justice internationale), ancêtre de la CIJ, a rendu un avis sur la compétence de l’OIT qui s’occupe de la protection des travailleurs9. La question était de savoir si l’OIT était compétent pour réglementer le travail de l’employeur. La Cour a dit que cela rentrait implicitement dans la compétence de l’OIT.

C. Sanction de l’acte ultra vires

Finalement, s’agissant de la compétence, il reste la question de la sanction. Quel est la sanction de l’acte ultra vires, acte posé en dehors de la compétence de l’organisation ? 2 sanctions : nullité et responsabilité.

1) Nullité

Un acte qui est accompli par une organisation dans un domaine dans lequel elle n’est pas compétente, est nul. Mais encore faut-il qu’il soit déclaré nul.

Comment obtenir la nullité ? L’art. 230 TCE revêt un caractère exceptionnel : un EM peut aller devant un juge de la CJCE, à l’intérieur même de l’organisation, et solliciter la nullité des actes de l’organisation pour les motifs que ces actes ont été accomplis en dehors de la compétence de l’organisation. Cela n’existe dans pratiquement aucune autre organisation.

Dans les autres organisations, on ne trouve rien de tel. Si les NU adoptent un acte ultra vires, il n’y a pas de juge au sein de l’organisation devant lequel on pourrait agir et demander la nullité de l’acte. Le seul scénario qu’on peut envisager, c’est que le juge (CIJ) puisse être saisi de la question de la validité (pas de recours direct en annulation) soit :a. A l’occasion d’une procédure d’avis consultatif  

On peut imaginer que la Cour soit saisie d’une demande d’avis et que dans ce cadre-là, elle soit amenée à se prononcer sur la validité d’un acte d’une OI.

9 CPJI, Compétence de l’OIT pour réglementer accessoirement le travail personnel du patron , avis consultatif, 23 juillet 1926, p. 18.

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b. En cas de litige entre états

De même, la Cour peut être saisie de cette question, à titre incident, dans le cadre d’un litige entre Etats : affaire de Lockerbie, attentat fait par des Libyens à l'encontre d'un avion qui s'est écrasé au RU. Les USA et le RU ont pris un certain nombre de sanctions, par l'intermédiaire d'une résolution de l'ONU, contre la Lybie. Cette dernière saisit la CIJ contre les USA et RU estimant que ces sanctions sont contraires au DI. Ce litige n’a jamais été tranché car les suspects ont finalement été livrés. Mais si l’affaire avait prospéré, la Cour aurait été amenée à trancher la validité de l’acte de sanction des NU.

2) Responsabilité de l’OI

Deuxième sanction de l’acte ultra vires : la responsabilité. L’OI engage sa responsabilité internationale.

Il existe une sorte de « 1382 tacite » : l’organisation qui agit ultra vires doit réparer le dommage. C’est très incertain et notamment la question de savoir si les EM de l’organisation peuvent être appelés à un certain stade à concourir à la réparation du dommage. Est-ce qu’il existe une réparation subsidiaire des EM ? La CDI a entrepris de codifier cette matière, les travaux sont toujours en cours. Théoriquement non, car ils ont une personnalité distincte de celle de l’organisation.

§ 3. Immunités

1. Sources et étendue

A. Sources

Au niveau des sources, les immunités de l’organisation sont essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, conventionnelles. Pour l’Etat, c’est l’inverse, les règles sont avant tout coutumière. Il y a peu voire pas de règles coutumières. Cette thèse a été affirmée par l’arrêt de cassation LIGUE ARABE (cf. supra)10 :

L’affaire concernait un accord de siège entre la Ligue arabe et la Belgique. Ce traité avait reçu l'assentiment des parlements fédérés mais celui pas du parlement fédéral. Un employé licencié a intente une action contre la Ligue. Or, dans ce traité, on prévoyait une immunité de la Ligue. La Cour a dit que cette immunité ne valait pas car le traité ne valait pas en droit interne comme il n'avait pas reçu l'assentiment du parlement fédéral. A titre subsidiaire, la Ligue avait soutenu que cette immunité, si elle ne pouvait en bénéficier sur le plan conventionnel, elle en bénéficiait en vertu de la coutume. Mais la CC dit que non : pas d’immunité coutumière pour les OI.

Conséquence du fait que l’immunité de juridiction est prévue par tel ou tel traité : elle ne vaut que pour les Etas qui sont parties au traité et ne vaut que pour l’organisation ou les organisations visée(s) par le traité :

- soit dans le traité constitutif, 10 Cass., 12 mars 2001, Ligue des États arabes, RCJB, 2002, p. 377.

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Page 166: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- soit dans un accord de siège, - soit dans un traité particulier.

Vous avez ainsi pour les NU, les immunités sont prévues dans une convention spéciale de 1946 sur les privilèges et immunités des NU.

B. Etendue

Si les règles sont uniquement conventionnelles, on retrouve très souvent les mêmes immunités et on les a même étendues d’une organisation à l’autre. S’agissant de l’étendue, différence fondamentale avec l’Etat, l’OI n’est pas souveraine, il n’y a pas de distinction entre les actes de souveraineté et les actes de gestion. En fin de compte, on se retrouve avec très généralement avec des immunités de juridiction des OI plus étendues que celles de l’Etat (ex. les accidents de circulation commis par les agents sont soustraits à l’immunité). Quant à l’immunité d’exécution, on ne distingue pas non plus les biens de l’Etat et autres, il y a une immunité sur tous les biens.

19/11

2. Immunités et droit au juge

(=> Synopsis mis à jour pour cette partie du cours aller voir sur iCampus)Dans la jurisprudence, s’est posée la question entre les immunités de l’organisation et le droit au juge, conflit qui a également été abordé à propos des immunités de l’Etat et droit au juge (notamment dans la jurisprudence de la CEDH).La question : est-ce que le fait d’accorder une immunité de juridiction à une OI n’est pas contraire au droit au juge dont bénéficie le requérant ? Est-ce que ce n’est pas contraire à l’art. 6 de la CEDH ? Il y a également de la jurisprudence de la CEDH à ce sujet :

A. Arrêt WAITE ET KENNEDY (et l’affaire jumelle et similaire : BEER ET REGAN)

(CEDH, Waite et Kennedy (idem Beer et Regan), 18 février 1999). Dans cette affaire, deux employés de l’agence spatiale européenne (ASE), dont le siège est établi en Allemagne, sont licenciés et contestent ce licenciement (litige classique du droit du travail). Ils attaquent l’agence spatiale devant les tribunaux allemands. Elle invoque son immunité de juridiction avec succès, les tribunaux allemands refusent de se prononcer sur la demande des requérants. Ils vont alors saisir la CEDH en disant que cette immunité porte atteinte à leur droit au juge. La CEDH va rejeter ce recours : elle va expliquer qu’il y avait au sein même de l’organisation des voies spécifiques qui étaient organisées pour régler les litiges de droit privé entre l’organisation et le staff. Et elle constate que ces moyens n’ont pas été utilisés. La Cour en conclut qu’il n’y a pas une atteinte substantielle au droit à un juge. Cette atteinte n’est pas disproportionnée. Le droit au juge connaît des limitations et ici pas d’atteinte à la substance même du droit. Ici pas d’atteinte à la substance même vu que les messieurs avaient des voies de recours alternatives, raisonnables à leur disposition. Les messieurs n’ont pas utilisé cette faculté, tant pis pour eux. L’immunité de juridiction est ici consacrée. Cette jurisprudence a des prolongements dans la jurisprudence belge ().

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Page 167: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

B. En 2009, la Cour de Cass. a rendu un arrêt dans une affaire similaire (UEO, 21 décembre 2009).

Une personne est licenciée par l’UEO (Union de l’Europe occidentale) et attaque l’organisation devant la Cour du travail qui va juger qu’il y a eu violation de l’art. 6 CEDH, que ce serait porter atteinte que de reconnaître l’immunité de juridiction qu’invoque l’UEO. Il y a aussi des voies de recours internes mais la Cour du travail regarde ce mécanisme interne et estime que ce n’est pas compatible avec l’art. 6 (pas de publicité des débats, etc.). La Cour du travail se montre très exigeante par rapport à l’art. 6, beaucoup plus exigeante que la CEDH dans l’affaire Waite et Kennedy. Dans l’arrêt Waite et Kennedy il n’a pas été jugé que les voies de recours devaient être conforme à l’article 6. Les tribunaux belges vont donc plus loin que Strasbourg et la manière dont les tribunaux belges interprètent l’article 6 est assez stricte.

La cour de Cassation va écarter l’immunité de juridiction de l’UEO au nom de l’article 6. C’est surprenant car c’est assez bizarre de voire un juge interne, organe de l’état qui se doit de respecter les obligations internationales de l’état de choisir entre deux obligations contradictoires sans s’en expliquer. Le juge belge est lié à la fois par l’article 6 mais aussi par l’immunité de juridiction de l’UEO qui résulte d’un traité qui lié l’état belge. La cour constate que les deux sont en conflits mais ce n’est pas parce que les deux sont en conflit qu’il faut nécessairement écarter l’immunité de juridiction. La cour de cassation ne s’explique pas de ce choix. En principe ce sont deux obligations internationales qui sont sur le même pied. Arrêt assez critiquable donc. Mais ce n’est pas le seul son de cloche dans la jurisprudence belge :

C. Cette jurisprudence doit être comparée à un jugement du TPI de Bruxelles en 2005 qui concerne l’agence spatiale européenne (ASE) (Civ. Bruxelles, 1er décembre 2005, JT, 2006, p. 171 (ASE)).

Société conclu un marché public avec l’agence spatiale européenne. L’agence se fait attraire devant les tribunaux belges. Cette dernière invoque son immunité de juridiction et le tribunal accepte d’appliquer cette immunité de juridiction. Il juge qu’il n’y a pas une atteinte substantielle du droit au juge vu qu’il existe des mécanismes alternatifs pour faire valoir son droit au juge.

Dans cette affaire, le tribunal une conception extensive des modes alternatifs de recours ; il dit : vous auriez pu saisir l’ombudsman, faire du lobbying auprès du représentant permanent de la Belgique à l’ASE, etc. Il n’y a donc pas eu violation de l’art. 6 CEDH. C’est donc le raisonnement tout à fait opposé à l’arrêt de la Cour de Cass. (qui chronologiquement est venu après).

Les tribunaux belges vont transposer Wait et Kennedy pour l’immunité d’exécution :

D. Dans une affaire d’immunité d’exécution cette fois : ETATS DE L’ACP

(Cass. 21 décembre 2009 (ACP), (1) et (2)).

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Page 168: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

La requérante avait obtenu une condamnation au fond de l’organisation, et plus précisément du secrétariat des Etats de l’ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifiques), qui a son siège à Bruxelles. L’immunité de juridiction ne joue pas ici. Le problème se pose au moment où elle veut passer à l’exécution de la condamnation. Pour échapper à la saisie que la requérante entend pratiquer, l’ACP invoque son immunité d’exécution. La Cour va juger que l’immunité ne peut pas être reconnue car ce serait attentatoire à l’art. 6 de la CEDH. La Cour ajoute : je ne vois pas comment le requérant ne pourrait obtenir l’exécution du jugement qu’en pratiquant la saisie. C’est vider cette immunité de sa substance. Donc la cour va dire que l’article 6 couvre également les mesures d’exécution. Ca ne sert a rien de dire qu’on a droit un procès équitable si les jugement restent inexécutés. L’immunité d’exécution du secrétariat est en conflit avec l’article 6 CEDH.

Comment régler ce conflit ? Les deux arrêts de la cour de Cassation diffèrent ici (c’est dû à la façon dont les avocats ont plaidé):

- Dans un premier arrêt la cour face au conflit « immunité d’exécution/art.6 » la cour écarte l’immunité d’exécution (// immunité de juridiction de l’UEO). Le juge national n’explique pas encore une fois ce qui l’amène à écarter l’immunité d’exécution au profit de l’article 6, d’autant moins qu’il n’y a pas de jurisprudence de la CEDH sur ce point.

- Dans un second arrêt la cour va reconnaître qu’il y a un conflit mais que face à un tel conflit il appartient au juge du fond de mettre en balance les intérêts en présence et de trancher. C’est tout à fait différent comme prononcé ! C’est plus correct.

COMMENTAIRE  :

Il est assez surprenant de voir le juge belge, qui adopte la démarche de la CEDH, regarder si l’immunité porte une atteinte substantielle au droit au juge en opérant un contrôle de proportionnalité. Cela est très bien dans le chef de la CEDH, c’est son job. Par contre, le juge belge est dans une toute autre position, il est lié par une norme qui l’oblige à reconnaître l’immunité et par l’art. 6 CEDH. S'il y a un conflit, il incombe au juge belge de trancher le conflit en vertu des règles internationales de conflit entre différentes sources et non pas en vertu des règles prises par la CEDH.

Le juge belge et la CEDH ne font pas le même boulot : La CEDH vérifie si les immunités sont valides par rapport à l'art 6 CEDH, elle

n’a pas à trancher un conflit entre immunité et art. 6. Le juge belge doit régler un conflit entre deux normes de droit international.

Section 4   : Les individus

§1. L’individu comme sujet passif

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Le droit international est inventé par les Etats pour les Etats et donc le sujet premier du DI, ce sont les Etats. Pour la doctrine classique, l'individu est un sujet de droit interne mais pas un sujet de DI. Depuis 40 ans, il est incontestable que les individus sont des sujets et non pas, comme à l'époque, un objet du DI.

L’individu est sujet de droit international car il est sujet de droits et obligations imposés à son bénéfice ou à sa charge par le droit international. Il n’est pas sujet plein et entier parce qu’il ne crée pas le droit international, il ne participe pas à ses sources : il ne conclura pas de traités, un individu ne sera jamais partie à un traité (au contraire des peuples, des Etats et des OI). Si des personnes morales signent des accords avec des Etats, ce sera des contrats, pas des traités.

Les individus, se regroupant sous la forme d'ONG, peuvent influencer les Etats. Mais ce sont les Etats qui concluent les actes, pas les ONG. La société civile imagine la norme mais n’en est pas la source (ex. Statut de la CPI).

La présence des individus est donc marginale et est vouée à le rester dans l’ordre international. Beaucoup aimerait voir l’individu occuper la première place, c’est bien gentil mais ça n’arriverait jamais, sinon on transformerait radicalement la société internationale qui deviendrait une société interne. Il reste que les individus sont titulaires de droits et d’obligations.

§2. L’individu comme titulaire de droits et obligations

Les individus sont titulaires de droits et d'obligations.

1. Les individus sont titulaires de droits

Ces droits, ce sont les droits de l’Homme.

Dans la charte des NU il n’y a que deux références aux droits de l’Homme. On ne s’en préoccupe pas tellement même si on sort de la deuxième guerre mondiale.

Il faudra attendre la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 pour avoir des règles un peu plus précises. Mais attention cette déclaration n’est qu’une recommandation de l’AG, sans valeur contraignante. On ne peut pas l’invoquer devant les tribunaux belges.

Au niveau universel, on a en 1966 deux textes fondamentaux qui sont conclus au sein des NU: le Pacte sur les droit civils et politiques et celui sur les droits économiques, sociaux et culturels. Ces Pactes nous donnent des règles contraignantes, ils sont très largement ratifiés (mais la Chine n’a pas ratifié le premier et les USA n’ont pas ratifié le deuxième).

Ces pactes vont déclencher un mouvement de plus en plus large de traités universels relatifs à la protection des droits de l’homme (torture, traitement de la femme, protection de l’enfant, des personnes handicapées etc.).

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Au niveau régional, le système est beaucoup plus développé (cf. CEDH, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Union Européenne etc.). On voit que les droits de l’hommes on connu un extension tout à fait remarquable. Ex : la charte des droits fondamentaux de l’UE, nouveau statut depuis Lisbonne.

La plupart de ces règles, notamment celles de la déclaration universelle des droits de l’homme sont des règles coutumières, elles lient donc tous les états.

De plus il y a tout un paquet de résolutions de l’AG des Nations Unies mais là de nouveau il faut voir ce qui est contraignant et ce qui ne l’est pas.

Comment surveille-t-on la mise en œuvre de ces instruments internationaux? Au niveau mondial, ce sont des mécanismes non juridictionnels.

A. Contenu 

Deux grandes catégories (et une 3e mais c’est un peu de la blague…) :

- Les droits civils et politiques 

Droit à la vie, droit au procès équitable, etc. Il y a donc des obligations de ne pas faire pour l’état. Interdiction de tuer, de s’immiscer dans la vie privée… C’est assez facile pour l’état il doit juste s’abstenir.

- Les droits économiques, sociaux et culturels 

Droit au travail, au logement, à l’éducation… ici l’état doit accomplir des actions positives, il y a des obligations de faire à sa charge. C’est plus compliqué à respecter et cela se voit dans les faits. Ca coute plus cher aussi. L’effectivité de ces droits est donc bien moins que les droits civils et politiques.

- Les droits de la troisième génération 

Droit à la paix etc. Ici ca manque cruellement de précision pour être considéré comme de véritables droits subjectifs. Qui est débiteur de l’obligation correspondant au droit à la paix ? Si je veux me plaindre de la violation de mon droit où dois-je aller ? Ici ce sont plus des principes directeurs, une espèce de philosophie.

B. Les mécanismes de sauvegardes 

Dans certains cas ils sont forts sophistiqués. Il faut distinguer le niveau universel et le niveau régional.

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Page 171: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

1) Niveau universel :

a. Le comité des droits de l’homme

Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Ce pacte prévoit un mécanisme de sauvegarde c’est le comité des droits de l’homme des NU. Ce comité est composé de 18 experts indépendants (ne représente pas leur gouvernement) qui sont chargés de superviser la bonne application du pacte. Ils le font avec trois techniques de contrôles :

- Rapports périodiques Les états doivent faire périodiquement des rapports au comité sur la manière dont ils mettent en œuvre les dispositions du Pacte.

- Communications étatiques C’est lorsque un état partie au pacte saisit le comité contre un autre état partie au pacte lorsqu’il estime que celui-ci a violé le pacte vis à vis d’un individu qui se trouvait sous sa juridiction. Il faut que le demandeur et le défendeur ait fait une déclaration de l’acception de la compétence du comité. Le pacte en lui même est largement ratifié mais pas tous les états n’ont accepté la compétence du comité ! Loin de là.

- Communications individuelles C’est la même chose sauf que le comité n’est plus saisi par un état partie mais directement par un individu contre un état défendeur dont l’individu estime qu’il a méconnu ses obligations en vertu du pacte alors. L’individu ne peut saisir le comité qu’après avoir épuisé les recours internes dans l’état mis en cause. L’état défendeur ici doit être partie au Pacte mais il doit avoir en plus ratifié un protocole facultatif joint au pacte (de nouveau pas tout le monde ne l’a ratifié).

Dans ces trois cas, tout ça ne débouche sur rien de contraignant. Le comité constate le cas échéant qu’il y a eu violation du Pacte et puis il envoie ses conclusions à l’état défendeur et puis c’est tout. Il n’en résulte aucune obligation.

En général il y a des mécanismes similaires pour les autres grands instruments internationaux. Il y a un comité pour les droits des femmes, contre la torture… Il va y en avoir un sur les droits des personnes handicapées bientôt. Chaque fois les comités exercent une surveillance pour le traité concerné avec les mêmes outils de contrôle et sans effet contraignant.

b. Le conseil de droit de l’homme   des NU

C’est tout à fait autre chose. C’est un organe subsidiaire de l’AG créé en 2006. Le conseil des droits de l’homme a pris le relais de la commission des droits de l’homme

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Page 172: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

des NU. Ce conseil est composé de 47 états membres qui sont élus tous les trois ans par l’AG. Ceux qui siègent dans ce conseil représente leur gouvernement (>< experts indépendants dans le comité des DH). Dans ce conseil ont siéger Cuba et la Chine…

Quelles sont ses compétences ?

Le conseil des DH est là pour faire un contrôle général de la situation des DH dans le monde. Il procède à ce qui s’appelle l’examen périodique universel. Par exemple maintenant la Belgique (qui est membre actuellement du conseil) est en train de subir un examen période universel. Les USA qui sont également membres du conseil (Obama a décidé de jouer le jeu) ont aussi été soumis à cet examen.

Encore une fois cela ne débouche sur rien de contraignant. Ca fait mauvais genre d’être condamné mais c’est tout, pas d’obligations de changer son comportement.

Le souci était de dépolitisé un peu tout ça. Avant il y avait des scènes vraiment choquantes ou des états peu respectueux des droits de l’homme faisaient des coalitions pour échapper à des condamnations. Mais tout ça reste très politique et c’est un peu un grand cinéma.

LE HAUT COMMISSARIAT DES DH (NU) chapeaute plusieurs institutions :

A. Le Conseil des DH

Il est composé de 47 Etats issus des NU. C'est un Conseil très controversé qui n'a pas de pouvoir et qui est composé de diplomates, pas de juges. Ce sont des conseils, des recommandations. Il gère une procédure de plainte individuelle, qui n'aboutit qu'à des recommandations aux Etats. Il existe des procédures spéciales : le Conseil peut nommer des rapporteurs spéciaux sur des problématiques particulières. Il existe aussi des rapporteurs par pays. Les rapports du Conseil sont envoyés à l'AG des NU. Ce n'est pas très puissant comme institution (ex. il y a eu un rapport sur la Palestine, est-ce que cela va avoir des effets? Non).

B. Les Comités.

Ils sont huit. Un par grand traité international. Un Comité pour chacun des pactes de 1966 : un comité sur la torture ; un comité sur le droit des enfants ; etc. Ces comités sont constitués d'experts indépendants (juges, profs d'universités). C'est un mécanisme de rapport entre les Etats et ces comités. Ces comités font des recommandations qui n'ont pas de force juridique. Les Etats parties à ces traités peuvent accepter que soit reconnu le droit des particuliers d'adresser, à ces comités, des communications. Dans ce cas-là, les comités reçoivent des plaintes des individus. C'est accepté par les Etats occidentaux.

2) Niveau régional :

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Page 173: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

A ce niveau-ci on va beaucoup plus loin. Ici de véritable mécanisme de sauvegarde redoutablement efficaces ont été mis au point. Ici on a de véritable juridictions internationales >< comité onusiens qui ne sont pas des juridictions.

Exemples : Cour africaine des droits et des peuples, Cour interaméricaine, CEDH…

Les individus peuvent ici agir directement contre un état s’ils estiment que l’état a violé ses obligations en matière des DH. Quant on voit ce qu’il se passe au niveau universel on comprend mieux le progrès au niveau régional.

L’état défendeur doit avoir commis la violation contre un individu qui était sous sa juridiction. Cette notion de juridiction est vraiment centrale dans les mécanismes régionaux de protection des DH.

2 EXEMPLES

ARRÊT LOIZIDOU Une dame a été expropriée quand la Turquie a envahit Chypre en 1974. La dame s’est adressée à la CEDH contre la Turquie pour la violation du droit à la propriété privée. Est ce que madame Loizidou était au moment des faits sous la juridiction de la Turquie ? La Turquie disait que non, que Chypre du nord était une république auto proclamée. La CEDH a donné tort à la Turquie en disant qu’il fallait regarder les choses en face : la Turquie était encore présente dans la partie Nord de Chypre ou elle contrôle tout. Chypre du Nord n’est qu’un état fantoche et Madame Loizidou était bien sous la juridiction de la Turquie. Sous la juridiction alors que pas sur le territoire !

Mais attention il y a des limites :

ARRÊT BANKOVIC Dans cet arrêt plus récent la cour a jugé que les victimes serbes des bombardements de l’OTAN de 99 n’étaient pas sous la juridiction des états dont les avions ont bombardés les territoires serbes. Dire le contraire aurait été un peu loin, et la CEDH ne l’a pas fait.

Au niveau régional toujours les cours constatent qu’il y a un manquement de l’état défendeur et elles condamnent celui-ci. L’état va devoir changer sa législation car les arrêts des juridictions régionales sont obligatoires. Grande différence avec les comités onusiens !

2. Les individus sont titulaires d’obligations

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Page 174: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Les obligations concernent les interdictions, pour les individus, prévues dans les règles de droit humanitaire. Le droit humanitaire c’est droit des conflits armés.

A. On distingue les conflits armés internationaux et non internationaux :

1) Les conflits armés internationaux

Ce sont les guerres « classiques » entre deux ou plusieurs états. Il y a un degré d’intensité requis ici, mais pas de règles précises. Ce qui est certaines c’est qu’il ne faut plus déclarer la guerre, comme on le faisait au début du XXe, c’est tombé en désuétude.

C’est aussi les guerres de libération nationales. Les peuples qui luttent pour leur droit de disposer d’eux-mêmes (conflit avec la métropole) se trouvent aussi dans un conflit international. Il y a une assimilation. Ex : la guerre entre israel et la Palestine c’est un conflit armé international

2) Les conflit internes, non internationaux 

C’est l’opposition prolongée à l’intérieur des frontières d’un état du gouvernement et de groupes armés organisés ou bien c’est aussi l’affrontement de plusieurs groupes armés organisés entre eux. Deux types de conflits internes donc mais c’est parfois aussi combiné. Ex : en RDC il y a eu une guerre entre le gouvernement et plusieurs groupes rebelles mais aussi entre les groupes rebelles entre eux. Et par dessus le marché il y a aussi eu des interventions de puissances étrangères !

QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE LES DEUX?

Et bien les règles de droit humanitaire varient. Bien sur les règles les plus fondamentales (art. 3 des conventions de Genève) sont les mêmes.

B. Le droit international humanitaire c’est aussi le ius in bello.

Le ius in bello se distingue du ius in bellum. - Le ius ad bellum lui régit le recours à la force dans les relations

internationales. - Le ius in bello doit être respecté en toute circonstances que le ius ad bellum

(=entrée en guerre) ait été respecté ou pas.

Si le ius ad bellum a été violé, ex : agression militaire flagrante, et bien l’état qui a commis l’agression devra réparer toutes les conséquences qui en résultent même s’il a respecté le ius in bello.

Exemple précis tiré de la jurisprudence de la Commission des réclamations ETHIOPIE/ÉRYTHRÉE:L’Erythrée a agressé l’Éthiopie fin des années 90. La commission va d’abord se pencher et indemniser sur tous les dommages résultant du non respect du ius in bello. Dans un deuxième temps elle va indemniser les dommages qui résultent de l’agression elle-même. Certains bombardements menés par l’Érythrée vont donner lieu à des reparations alors que ceux-ci étaient conformes au DIH. En effet elle n’avait

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Page 175: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

bombardé que des objectifs militaires. Mais c’est dommages la on dut être indemnisés car l’Erythrée avait commis une violation du ius ad bellum à la base.

C. Au niveau des sources : deux droits

1. Droit de La Haye :

C’est le droit des combattants. Il est contenu dans les Conventions de Haye du début du siècle passé. Ce sont les règles sur la conduite des hostilités. L’usage de certaines armes est limité voir interdit. Ex : les armes à sous munitions, les armes biologiques, mines anti personnelles… Ca peut aussi concerner des techniques de combats comme la perfidie (ex : je suis combattant et j’emploie un drapeau de la croix rouge pour tirer sur l’ennemi…).

2. Droit de Genève

C’est le droit des victimes, c'est-à-dire les blessés, les malades, naufragés, les prisonniers de guerre et les civils. Il tient dans 4 conventions de Genève signées en 1949 + deux protocoles additionnels de 1977. Ici on parle du traitement des personnes au pouvoir de l’ennemi, des non combattants. On protège ces personnes une fois qu’elles sont entre les mains de l’ennemi.

C'est un droit qui est très souvent invoqué. C'est un droit qui tend à humaniser les conflits. On essaye d'établir des mécanismes :

La Cour pénale internationale Les tribunaux ad hoc : pour la Sierra Léone, pour le Liban, pour le

Cambodge, etc.

L'individu va subir des sanctions de DI. Sous un angle passif, l'individu se voit encadrer par le DI, de telle manière qu'il en devient un sujet. L'individu subit la répression pénale internationale.

D. Les crimes de guerre

Ce sont les infractions graves au DIH.

Exemple : l’homicide intentionnel d’un civil ou d’un prisonnier de guerre. Tuer un militaire ce n’est pas un crime de guerre : c’est le but de la guerre. Mais aussi le viol, le pillage, le transfert de population, enrôler des enfants de moins de 15 ans… Les Convention de Genève et d’autres instruments internationaux érigent ces comportements au rang de crime de guerre.

E. Les crimes contre l’humanité et crimes de génocide

Violation d’autres obligations qui s’imposent aussi aux individus.

La différence avec les crimes de guerres : ces deux crimes ne doivent pas avoir nécessairement été commis dans un conflit armé. Ce sont des notions indépendantes.

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Page 176: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- Le crime contre l’humanité c’est un certain nombre d’actes commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile.

- Le crime de génocide, c’est la destruction intentionnelle, en tout ou en partie, d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Cette destruction se fait de nouveau via certains actes : meurtres, viol, transfert de population… L’intention génocidaire est souvent très difficile à prouver.

F. Les mécanismes de responsabilité

Les juridictions pénales internationales. On va mettre en jeu la responsabilité pénale individuelle de ceux qui ont commis un crime de guerre, contre l’humanité et de génocide. On veut ici sanctionner les individus peut importe qu’ils soient des militaires ou des civils.

Les militaires sont évidemment en première ligne pour commettre ce type d’infraction mais devant les juridictions pénales internationales ont peut aussi mettre en cause la responsabilité d’un dirigeant politique qui aurait commis des ordres ou qui serait resté les bras croisés. Cette responsabilité pénale individuelle peut aussi se cumuler avec la responsabilité de l’état.

Pour le génocide de Srebrenica il y a eu simultanément des procès contre les dirigeants serbes (Milosevic) et une affaire Bosnie c. Serbie où là c’était la responsabilité de l’état serbe qui était recherche pour finalement les mêmes faits de génocide.

G. Quels sont ces tribunaux ?

Deux sortes :

1) Tribunaux ad hoc

Ce sont des tribunaux créés par rapport à certaines crises particulières. Leur compétence est donc imitée dans le temps et dans l’espace.

Les premiers furent Nuremberg et Tokyo en 1945. Plus récemment on a eu le tribunal pénal pour l’Ex-Yougoslavie créé par le conseil de sécurité de NU. Mais aussi le tribunal pénal pour le Rwanda, tribunal spécial pour le Liban (est en place mais fonctionne difficilement), des tribunaux cambodgiens (juridiction pénale internationalisée pour juger le régime des Khmers rouges) et un tribunal spécial pour la Sierra Leone…

2) Cour pénale international (CPI) 

C’est une cour permanente qui n’est pas liée à un conflit en particulier. Elle a été créer par un traité : le statut de Rome de 1998 (entrée en vigueur en 2002). Le traité a à ce jour été ratifié par plus d’une centaine d’états.

Quelle est sa compétence   ?

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Page 177: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- Ratione materiae : crimes de guerre et de génocide. Elle sera sans doute à l’avenir aussi compétente pour les crimes d’agression.

- Ratione temporis : elle n’est compétente que pour les crimes commis après Juillet 2002 (entrée en vigueur de son statut).

- Ratione personae : elle est compétente soit si le crime a été commis sur le territoire d’un état partie soit si le crime été commis par un ressortissant à un état partie.

Ex : les USA ne sont pas partie au Statut mais si un GI commet un crime de guerre en Belgique et bien la cour sera compétente. Par contre si un belge (La Belgique est partie au Statut) commet un crime de guerre en Irak (Irak n’est pas partie au Statut) la cour sera compétente également.

Qui peut saisir la cour   ? 3 possibilités

- Un état partie au statut- Le conseil de sécurité de l’ONU (il l’a fait une seule fois pour le Darfour)- Le procureur de la CIP

Dernière précision   concernant la CPI : La cour a une compétence complémentaire. La cour n’exerce sa compétence que si les juridictions nationales ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre l’auteur du crime en question.

12/11/10

Examen : écrit de 3h divisé en deux parties (moitié des points chacun).

La première partie est un choix multiple de plusieurs types : vrai/faux, choses à mettre en rapport, liens logiques,… Cette partie teste notre connaissance de la matière (exemple : le vol est une circonstance de nullité des traités : vrai/faux). Système de cotation négative. Pour cette partie on n’a droit à aucun support.

Quand on l’a rendue, on a la deuxième partie. Constituée d’une question, courte, qui demande une réponse écrite en 2-3 pages. Il faut montrer qu’on est capable de faire des liens,… on peut prendre les deux recueils avec nous pour cette partie.Post-it, fluos, renvois,…Question moins immédiate dans la réponse.

Taux d’échec important. Il faut pas mal travailler et surtout bien lire la question : la moitié de la réponse est dans la question.37% d’échec…

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CHAPITRE 3   : RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE

Introduction

§1. Notion

Nous n’allons parler que de la responsabilité des états avec Pierre d’Argent. Après nous verrons les autres sujets.

La responsabilité internationale est l'ensemble des mécanismes par lesquels la Communauté internationale punit les Etats fautifs. Mais il n'y a pas d'autorité centrale qui sanctionne ces Etats fautifs. Une fois qu’on connaît les règles, que se passe-t-il quand ces règles sont violées ?

Que se passe-t-il en au niveau international lorsque le DI est violé ? Cette question est un test ultime pour le DI : le DI existe parce qu’il peut sanctionner les violations des règles qu’il contient. Il appartient à tout ordre juridique de déterminer les mesures qui peuvent être utilisées pour prévenir une violation du droit ou pour y mettre fin. Il ne peut y avoir de droit sans mécanisme de responsabilité. Cela explique la création de gentleman’s agreement : cet accord politique se situe hors du DI et a précisément pour but d’échapper au DI et à ses sanctions.

§2. Droit primaire et secondaire

Il existe deux types d’obligations :

D’une part, les obligations primaires : ce sont tous les droits, obligations et interdictions. Ensembles des normes substantielles dont on connaît les sources (principes, traité,…).Dans la coutume on a des règles substantielles : par exemple sur les immunités.

Ces règles primaires obligent les états à se comporter d’une certaine manière, à s’abstenir d’agir dans les situations appréhendées par ces règles.

D’autre part, le droit secondaire, c'est-à-dire un ensemble de normes qui viennent à s'appliquer lors d'une hypothèse de non respect des obligations primaires.

Il comporte aussi des règles substantielles mais en l’absence de la violation du droit primaire, pas d’application du droit secondaire.

Tout système juridique connaît cette distinction. Mais le grand problème du DI c’est l’effectivité de ce droit : le fait que le droit primaire est réellement respecté dans la réalité. Pour ce faire le système a des règles secondaires pour sanctionner ou rattraper les violations.

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Le droit de la responsabilité est un ensemble normatif qui rattrape le fait illicite, qui attache au fait illicite des conséquences nouvelles. Ca vaut pour tous les systèmes de droit. On ne veut pas laisser sans conséquence le fait illicite. Exemple : la nullité fait sortir de l'ordre juridique l'acte illicite. Ici, c'est différent, au lieu de faire sortir les actes illicites, on les rattrape et on leur attache des règles qui font naitre des conséquences nouvelles de ce fait illicite. Ca permet à l'auteur du fait illicite, s'il se conforme aux obligations nouvelles (obligations secondaires), d'être quitte du fait illicite. Cela va permettre de mettre fin au différend (et non spécifiquement à la situation illicite).

Un nouveau régime juridique vient alors à s’appliquer. On ne devait pas comme tel respecter les règles secondaires mais comme on viole le droit primaire, alors on droit.

« Droit de la responsabilité internationale » dans l’ordre juridique international englobe toutes les conséquences qui s’attachent à la violation de la norme primaire.

La responsabilité internationale rattrape le fait illicite et le fait illicite reste embué dans le droit. Ce n’est pas un fait qui est conforme ou pas au droit.Différent du droit relatif aux conditions de validité des actes : on expulse alors du droit un acte qui n’aurait jamais du y rentrer.Exemple : un traité qui est nul. L’acte juridique sort de l’ordonnancement quand il est annulé.

La responsabilité c’est autre chose : c’est un fait qui est contraire objectivement à une obligation. Ce n’est pas un acte. On peut avoir un problème de validité et de responsabilité extra contractuelle.Exemple : un traité conclut par dol : le traité est expulsé hors de l’ordre juridique mais en même temps comme il ya emploi illicite de la force, l’auteur engage sa responsabilité.La même situation factuelle peut donner cause à une problématique de validité mais aussi de légalité : responsabilité quand un fait illicite a été commis.

On ne reviendra pas sur les problèmes de validité : est-ce que cet acte peut produire des effets juridiques ?

Le droit secondaire est là pour assurer l’effectivité du droit primaire. Il y a la menace qui pèse que celui qui veut commettre un fait illicite. Donc le droit international doit bien dire à ses sujets les conséquences qui suivent la violation du droit. C’est dissuasif, certes, mais pas trop : prix à payer de la violation.C’est important aussi pour l’effectivité de l’ordre juridique : laisser une violation du droit primaire sans conséquence, c’est un problème. Car si les états peuvent violer le droit sans réponse de l’ordre juridique contre ces actes qui portent atteinte, on peut s’interroger sur le statut de cet ordre juridique… car cela fait partie de tout ordre juridique : toujours des conséquences qui s’attachent aux faits illicites.

Ce qui est intéressant en DI, c’est que ce droit secondaire de la responsabilité internationale va englober toutes les conséquences du fait illicite.

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§3 - Conséquences

Le propre du mécanisme de la responsabilité de DI est d’établir un régime particulièrement large : on rattache au régime de responsabilité toutes les conséquences nouvelles qui découlent du fait illicite. En Di, on connait la dichotomie entre responsabilité civile (= réparation) et responsabilité pénale (= sanction).

En DI, on englobe les responsabilités civile et pénale sous le vocable « responsabilité internationale » : la victime va pouvoir sanctionner elle-même l’auteur du fait illicite en prenant des contre-mesures. Ce double aspect est inscrit dans l’art. 1 du Projet d’articles sur la responsabilité internationale des Etats : « tout fait internationalement illicite d’un Etat engage sa responsabilité internationale ».

On parle de « conséquences substantielles » pour désigner le volet de la réparation et de « conséquences instrumentales » pour renvoyer à celui de la sanction. La doctrine qualifie souvent les conséquences substantielles (obligation de réparer). Ce n’est pas comme les conséquences instrumentales (comme les contre mesures : la victime peut prendre des mesures).

Et ça c’est particulier car en droit interne on ne peut pas tuer la personne qui veut voler notre voiture. Les états se font justice à eux-mêmes mais le DI va réglementer la justice privée des états dans la régime des contre mesures, qui fait partie du DI de la responsabilité.

L’ensemble de ces conséquences, substantielles et instrumentales, font partie du droit secondaire de la responsabilité internationale. Il ya une unicité : ce droit coutumier régit toutes les situations d’illicéité : qu’on viole une obligation d’un traité ou une obligation coutumière. Il n’y a pas comme en droit belge un régime de responsabilité contractuelle distinct du régime de responsabilité extra contractuelle. S’applique quel que soit la source. Et l’ensemble du régime va s’appliquer si les conditions des deux branches de ces régimes sont remplies.

§4 – Codification

Ce droit coutumier a été très largement codifié par la Commission de droit international (tente de codifier et développer le droit international à la demande des Nations Unies notamment).Dès 1948 l’AG lui a demandé de codifier le droit international de la responsabilité des états. Cela ne fut achevé qu’en 2001 : on a pris du temps ! C’est central et de plus cela gouverne tout fait illicite donc la Commission de droit international a presque mis 50 ans.

Cela se trouve dans une résolution de l’AG des Nations Unies du 28 janvier 2002 : résolution 56/83. Il y a plusieurs rapporteurs spéciaux au cours de ces décennies qui se succèdent. La commission désigne des membres pour faire des travaux de défrichage et faire des propositions d’accords.

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En 1996, la CDI11 a adopté un « projet d’articles sur la responsabilité des Etats ». Ce projet a occupé la CDI durant plus d’un demi siècle, car il s’agissait d’un sujet extrêmement large impliquant une pratique diffuse. Il a été alimenté par des rapporteurs spéciaux successifs. Les travaux du premier rapporteur, F. Garcia Amador, ont peu retenu l’attention. Trois autres rapporteurs de la CDI méritent par contre que l’on se penche sur eux.Trois noms parmi les 5 rapporteurs spéciaux étalés sur les 50 années sont à retenir : le deuxième c’est Roberto Ago : grand juriste italien membre de la CDI et CIJ : il a jeté les bases conceptuelles du projet. C’est a lui qu’on doit l’idée de rassembler toutes les conséquences dans la responsabilité internationale des états.

- R. Ago : ce juriste italien est le fils spirituel d’Anzilotti, grand positiviste du début du XXème siècle et première personne à avoir théorisé la responsabilité internationale. Ago est l’auteur de la première partie du projet (chapitres 1-5), arrêtée en 1979. Par la notion de fait internationalement illicite, il va présenter aux Etats une conception unifiée de la responsabilité internationale.

- G. Arango-Ruiz : ce juriste italien a ébauché les éléments de la responsabilité relatifs aux conséquences instrumentales. Sa contribution relative aux contre-mesures ne va pas faire l’unanimité au sein de l’Assemblée générale, car elle était extrêmement libérale.

- J. Crawford : ce juriste anglo-saxon a fait abouti le projet et a amené l’Assemblée générale à adopter la Résolution 56/83.

Article 1 de l’annexe à la résolution : « Tout fait internationalement illicite engage la responsabilité internationale des Etats ». Chez nous il faut faire l’effort de regarder la structure du texte.Première partie : le fait internationalement illicite de l’état. Et la deuxième partie c’ets la responsabilité des organisations.

Dans cet article 1, il ya une seule phrase mais cela permet de comprendre qu’on va parler de toutes les conséquences du fait illicite : on ne parle pas de dommage, on vise tous les faits illicites même s'ils n'ont pas pour conséquence un dommage. La responsabilité ainsi définit peut inclure des conséquences substantielles (le dommage) et des conséquences instrumentales (la contre mesure). Ce qui a pour conséquence un seul régime de responsabilité internationale, que la violation soit celle d'un traité ou celle d'une coutume ; que le fait débouche sur un dommage ou pas.

Il y a des choses qu’on dit mais il y a des choses qui manquent.

On ne parle pas de faute mais de fait internationalement illicite d’un état : suppose un état auquel un fait internationalement illicite soit attribuable. La notion de faute n’apparaît pas en droit international. C’est le comportement qui est objectivement contraire à une règle de droit primaire.Il ne faut donc pas rentrer dans des considérations subjectives comme le bon père de famille étatique. Tout cela a pu exister au début du DI mais cette idée selon laquelle il

11 Commission du droit international créée par l’AG des NU.

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Page 182: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

y a un comportement abstrait du bon état n’est pas celle à partir de laquelle il faut déclencher le régime de la responsabilité.Ce qui déclenche le régime c’est le fait illicite de l’état et non une conception subjective de la faute.

Ce qui ne s’y trouve pas, et qui donc dit bien que cela englobe toutes les conséquences, c’est le dommage : pas une condition du déclenchement de l’applicabilité du droit international. Si pas de dommage pas d’obligation de réparer c’est vrai. Mais si pas de dommage il peut y avoir des autres conséquences aux faits illicites : les contre mesures.Peut être qu’il n’y aura pas l’obligation de réparer s’il n’y a pas de dommage mais ce n’est pas pour autant que rien ne s’en suit. Le fait est illicite et un état en est l’auteur puisque l’obligation s’y imposait.Exemple : un état qui vole au dessus d’un autre état sans autorisation : pas de dommage mais il y a un fait illicite et cela emporte la responsabilité de l’état dont le pilote de l’avion est l’organe.

Donc quand on lit cette phrase on comprend qu’on est à la fois proche et distant de la conception interne de responsabilité.

Le projet d’articles n’est pas, comme tel, contraignant. Il le deviendra lorsqu’il aura été transformé en un traité en bonne et due forme, dûment ratifié par les Etats. A la suite des travaux de la CDI, l’Assemblée générale des NU a adopté la Résolution 56/83 en 2001 relative à la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, qui recommande aux Etats le projet d’articles sur la responsabilité des Etats.

Quelle est la portée de la Résolution 56/83 ? La Résolution n’est pas légiférante, mais elle est une codification par laquelle l’Assemblée générale prétend dire ce qui existe déjà. La Résolution est, par conséquent, déclarative de droit coutumier. Une nuance doit être apportée : la Résolution n’est pas entièrement déclarative, car certains de ses articles sont probablement des améliorations du droit coutumier et, dès lors, constitutifs de droit coutumier.

En outre, plusieurs articles de la Résolution entretiennent une ambigüité sur certains points et laissent des questions en suspens. Il y a 59 articles.

Section 1   - Le fait internationalement illicite

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Page 183: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

L’art. 2 de la Résolution 56/83 ne fait qu’expliquer le premier. Il définit le fait internationalement illicite comme « un comportement consistant en une action ou une omission [qui] est attribuable à l’Etat en vertu du droit international ; et [qui] constitue une violation d’une obligation internationale de l’Etat ».

Le fait internationalement illicite est donc le composite de deux éléments : - un élément objectif, qui est la violation d’une obligation internationale qui

pèse sur l’Etat, - un élément subjectif, l’imputation à l’Etat.

En vertu de l’art. 3, « la qualification du fait de l’Etat comme internationalement illicite relève du droit international. Une telle qualification n’et pas affectée par la qualification du même fait comme licite par le droit interne ». La qualification interne du fait est donc sans incidence sur sa qualification internationale : le Di n’est jamais en DI cause de justification du fait illicite.

§1 - La violation d’une obligation internationale

C’est le socle de la responsabilité : cela ouvre les conséquences substantielles et instrumentales. Après c’est un régime différent qui s’applique mais c’est la base de tout. C’est la troisième règle.

Principes

1. Contrariété à une obligation internationale

En vertu de l’art. 12, « il y a violation d’une obligation internationale par un Etat lorsqu’un fait dudit Etat n’est pas conforme à ce qui est requis de lui en vertu de cette obligation, quelque soit l’origine ou la nature de celle-ci ». Ainsi, en DI, le même régime s’applique à tout type de violation, indépendamment de sa source (sous réserve de la violation d’une règle de jus cogens). En droit belge, par contre, trois régimes différents trouvent à s’appliquer selon que la responsabilité est contractuelle, délictuelle ou quasi-délictuelle.

2. Principe de contemporanéité

Selon le principe de contemporanéité énoncé à l’art. 13, le comportement doit être contraire à une règle de DI « au moment où le fait se produit ». ex : le colonialisme. Au moment de celui-ci, il n’y avait pas de fait illicite car aucune règle n’excluait le colonialisme.

3. Fait illicite instantané ou continu

L’article 14 établit une distinction entre les faits internationalement illicites continus (qui se prolongent dans le temps) et instantanés (qui ne se prolongent pas dans le temps). Si le fait illicite est instantané, il n’appelle pas, par définition, l’obligation de faire cesser le fait, contrairement au fait illicite continu. Ex : l’occupation continue d’un territoire n’est pas tuer quelqu’un.

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Page 184: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Le fait s’étend dans le temps aussi longtemps qu’il est contraire au droit international.La Serbie avait l’obligation de prévenir le génocide de Srebrenica. Ce n’est pas elle qui l’a commis mais il fallait le prévenir : quand a lieu la violation de l’obligation de prévenir ? Quand le fait illicite se produit et pendant toute la période pendant laquelle l’événement continue. Pendant toute la durée du génocide en somme. On aurait pu dire que l’obligation était violée juste au début car pas prévenu mais non, elle continue d’être violée aussi longtemps que l’élément continue lui-même.

Cela peut paraitre abstrait mais cela reflète une réalité : modalité d’existence du fait illicite. C’est une mise en forme doctrinale de choses qui se déroulent dans la vie.

L’article 15 est un article composite avec la durée dans le temps. Ce sont des situations plus graves mais il suffit de lire pour comprendre.

4. Complicité

L’état est responsable à raison du fait d’un autre état dans trois cas : complicité, contrôle et contrainte.

L’art. 16 a trait à « l’aide ou assistance dans la commission du fait internationalement illicite », soit à la complicité. La complicité peut rendre responsable un Etat ayant aidé un autre Etat à commettre un fait illicite, et ce même s’il n’a pas commis lui-même le fait.

L’article 16 énonce en fait une règle de droit primaire : responsable pour avoir agi de la sorte, dans le cas où l’état agit en connaissance du fait internationalement illicite commis par l’autre et le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet état.Il ne rend pas responsable l’état qui aide ou assiste du fait commis par l’autre état mais il va être responsable pour avoir agi de la sorte : de son propre comportement. Donc c’est une règle primaire.

Responsable donc de son fait à lui.

Pour cela, deux conditions doivent être remplies : il faut que « ledit Etat [ait] en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite ; et [que] le fait [ait été] internationalement illicite s’il [avait été] commis par cet Etat ». Cette seconde condition signifie ledit Etat doit également être obligé par la règle internationale violée. L’article 16 érige une règle de droit primaire : il énonce à quelles conditions l’Etat complice commet lui-même un fait illicite. On peut lui opposer une obligation.

Exemple : les USA envahissent l’Irak en 2003. Disons que c’est contraire au droit international, quel état aide ou assiste ? Un état le fait en même temps : la Grande Bretagne. Ceux qui aident et assistent au fait illicite, ca peut être quelqu’un qui met à disposition son territoire par exemple, pour aller attaquer. La Turquie va refuser que son territoire soit utilisée : elle ne voulait pas envahir elle-même mais si elle laisse son territoire, elle se met elle-même dans une situation où on peut lui reprocher son fait internationalement illicite : avoir aider USA et GB.

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Page 185: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Violation d’une règle de droit primaire car l’état est responsable pur avoir agi de la sorte.

Il ne faut pas confondre la complicité avec la co-perpétration, qui vise la situation où deux Etats commettent chacun un fait illicite.

5. Contrôle et contrainte

Là on est dans des règles secondaires.

L’art. 17 concerne le contrôle par un Etat de la commission du fait internationalement illicite par un autre Etat. L’Etat contrôlant sera coresponsable à la double condition énoncée à l’art. 16. Cela rend l’état qui donne les directives et contrôle responsable du fait internationalement illicite commis par celui qui contrôle.

C’est une situation rare mais possible. Ce n’est pas comme l’aide ou l’assistance. Ici un état est l’objet d’un autre. Le fait illicite est commis par l’intermédiaire d’un état qu’on contrôle : cela engage la responsable du contrôleur. Celui du contrôlé aussi, mais pas la même modalité.

C’est le fait illicite qui relève de la responsabilité du contrôlé, mais aussi avant toute chose de la responsabilité du contrôleur.

L’art. 18 porte sur la contrainte exercée par un Etat sur un autre Etat pour que celui-ci commette le fait illicite. L’Etat qui contraint sera responsable à la double condition que « le fait [puisse constituer], en l’absence de contrainte, un fait internationalement illicite de l’Etat soumis à la contrainte ; et [que] l’Etat qui exerce la contrainte [agisse] en connaissance des circonstances dudit fait ». On se cache derrière autrui que l’on oblige à commettre des faits illicite : ca ne marche pas, on est soi-même l’auteur du fait illicite.

L’article 19 dit bien que c’est sans préjudice de la responsabilité du contrôlé. Celui qui est contraint est également responsable de son fait.

La situation la plus fréquemment rencontrée est celle de la complicité (ex. : lors de la guerre en Irak en 2003, complicité de la Belgique qui a laissé les bombardiers américains survoler son territoire).

Circonstances excluant l’illicéité

Il existe des circonstances dans lesquelles le fait illicite peut être excusé, appelées circonstances objectives excluant l’illicéité.Il y a des cas dans lesquels le fait est objectivement contraire au droit mais des circonstances empêchent de conclure à l’existence d’un fait illicite : circonstances qui excluent l’illicéité.

1. Le consentement (art. 20)

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Page 186: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Le consentement doit être valide, c.à.d. donné par quelqu’un de compétent, exclut l’illicéité du fait. Ex. : un Etat consent à la présence armée d’un autre Etat sur son territoire. Le comportement doit bien entendu rester dans les limites du consentement.

L’état consent à ce qu’on fasse quelque chose sur son territoire : rien d’illicite, pas enfreint l’intégrité territoriale comme l’autre était d’accord !

Le consentement doit être donné librement et alors cela enlève toute illicéité du comportement de l’état qui a fait le comportement, pour autant qu’il n’outrepasse pas l’objet du comportement : on ne peut pas aller au delà de ce à quoi l’état à consenti.

Exemple : on consent à la traversée d’une brigade sur notre territoire mais en fait il y en a 6 qui passent ou bien ils s’installent, ce n’est pas pareil.

Attention, cela ne vaut pas pour le ius cogens : on ne peut consentir à la violation du ius cogens.Et tout cela est sans préjudice de l’article 26 : respect des normes impératives.

Exemple : ce n’est pas parce qu’un état accepte la colonisation qu’elle pourrait être licite du fait du consentement du peuple ou de l’état.

2. La légitime défense (art. 21)

La légitime défense est une exception à la prohibition de l’emploi de la force.

3. La contre-mesure (art. 22)

Contre mesure à raison d’un fait : il y a eu un fait donc il peut y avoir une contre mesure. C’est à cause du fait d’un état ?

Les contre-mesures en tant que circonstances excluant l’illicéité sont des mesures de représailles, de rétorsion. C’est la sanction prise par la victime d’un fait illicite à l’encontre de l’auteur de ce fait, qui est elle-même un fait illicite mais qui sera toutefois excusée.

Il s’agit de violer le droit en réponse à une première violation du droit : notre comportement qui est en lui-même contraire au droit n’entraine pas de responsabilité internationale car pas de fait illicite.Cette seconde violation est admise en DI, contrairement à ce qui est prévu en Di. En substance, il est question de se faire justice à soi-même : cette idée de justice privée s’explique par le fait que l’on est dans une société internationale décentralisée où un juge obligatoire fait défaut. Le danger d’une telle circonstance excluant l’illicéité est que le chaos s’installe, car l’on risque d’entrer dans une chaîne sans fin, dans une escalade dans les réponses des Etats aux faits illicites commis à leur encontre.

Exemple : un état viole le traité ou il ne respecte pas les immunités de nos diplomates. Peut-on prendre un autre fait illicite ? On peut suspendre le traité etc. En réponse au fait illicite on décide de suspendre l’application du traité mais pas conformément aux

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Page 187: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

cas où il peut y avoir suspension du traité : il y a bien une violation. Mais pas responsable si on exécute légalement une contre mesure.

Très particulier dans le DI : on peut violer le droit en réponse à la violation du droit. On se fait justice à soi-même mais de telle manière à pouvoir violer le droit sans conséquence en réponse à une violation du droit. La deuxième violation n’est pas traité comme une violation du droit car circonstance excluant l’illicéité.

4. La force majeure (art. 23)

La force majeure en tant que circonstance est en substance la même notion que celle de Di. Trois conditions sont requises pour qu’il y ait force majeure :

- Un évènement imprévisible- Un évènement insurmontable- Un évènement irrésistible

Ex. : une bourrasque contraint un avion de chasse à survoler un territoire interdit. Il faut que le vent remplisse les trois conditions.Il est matériellement impossible d’exécuter son obligation.

Le paragraphe 2 dit quand cela ne s’applique pas.

5. La détresse (art. 24)

Egalement du bon sens comme la force majeure.Il s’agit d’une circonstance où il est matériellement possible de respecter le DI, mais où cela conduit à un résultat absurde, à savoir sacrifier sa vie ou celles des personnes dont on a la garde. Toutefois, si l’on commet un péril humain comparable, on ne sera pas excusé de notre détresse.

A l’impossible nul n’est tenu : ici ce n’est pas l’impossible matériel mais l’impossible humain. Le respect du droit emporterait de mettre en danger sa propre vie ou celle des personnes dont on a en charge la vie.

Ex. : Un pilote d’avion qui n’a d’autre choix que de se crasher dans la mer pour éviter de survoler un territoire interdit sera excusé de survoler ce territoire. Par contre, le pilote d’avion qui se crashe sur un village ne sera pas excusé de sa détresse.

S’il choisi contre le consentement de l’état territorial d’atterrir pour sauver ses passagers, il sera excusé. Mais il faut une situation de détresse : raisonnement pas d’autre choix (mais « matériellement » d’autres choix car ca c’est force majeure : on a matériellement d’autres choix mais pas raisonnable).

Le paragraphe 2 dit quand la détresse n’est pas établie. Conjonction d’autres facteurs ou quand le fait peut causer un fait aussi grave ou plus grave.C’est une affaire d’appréciation.

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6. L’état de nécessité (art. 25)

« L’Etat ne peut […] » : la Résolution part d’un principe négatif. « Sauf si […] » : deux conditions cumulatives doivent être remplies pour pouvoir invoquer l’état de nécessité :

- un intérêt essentiel qui nous appartient doit être soumis à un péril grave ;- il faut opérer une balance des intérêts.

L’art. 25, § 2 interdit de contribuer à sa propre situation de nécessité.

L’état de nécessité est une règle de droit coutumier qui a été reconnue par la CIJ dans son arrêt Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie) du 25 septembre 1997 (§51).

C’est du droit coutumier mais ce qui est intéressant c’est de voir comme le projet est restrictif car beaucoup de chance que l’état abuse de cet état de nécessité.

L’état de nécessité peut faire l’objet d’abus : ex. : l’Allemagne a invoqué l’état de nécessité durant la seconde guerre mondiale pour envahir le territoire neutre de la Belgique selon le traité de 1939 pour attaquer la France.

Donc le principe est non sauf si deux conditions sont respectées : conditions d’ouverture de l’état de nécessité très restrictive.Mais e tout cas, dit le paragraphe 2, même si on est dans ces deux conditions, il ne peut être invoqué par l’état soit si l’obligation internationale exclut la possibilité d’invoquer l’état de nécessité, soit si l’état a contribué à la survenance de cette situation.

On ferme la porte, on ouvre la porte, on ferme la porte. On évite l’abus.

Dans l’affaire supra, on dit que c’est coutumier mais on refuse d’en reconnaître l’application en l’espèce.

Limite

Il faut apporter une limite à toutes ces circonstances excluant l’illicéité : l’art. 26 interdit de se prévaloir d’une circonstance pour justifier la violation d’une règle de jus cogens.

22/11/10

Conséquences

De plus, l’art. 27 prévoit que l’invocation d’une circonstance est sans préjudice du respect de l’obligation de DI   : il a pour conséquence que le respect de l’obligation reste due en dehors des cas où l’illicéité se présente, bien entendu. Normalement, le fait illicite peut être excusé par une circonstance particulière.

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En outre, la circonstance n’interdit pas que les Etats aient entre eux un débat relatif à une possible indemnité.Ici, quand bien même survient une circonstance particulière, le préjudice peut être réparé. Mais est ce que l’état le fait parce qu’il en a l’obligation ? Cette question là n’est pas tranchée par les articles sur la responsabilité de l’état. Les articles disent que l’auteur des faits illicites peut s’engager dans un exercice de réparation. Et cela est sans préjudices. Cela signifie sans doute que la victime du fait internationalement illicite (certes excusé) peut engager des poursuites en réparation du dommage subi, peut formuler une réclamation et engager un dialogue avec cet état. Cette clause ne préjuge pas de qui peut demander la réparation.

Gradation

En droit international, existe-t-il des faits internationalement illicites plus graves que d’autres ?

Intuitivement, la question de la gradation des faits illicites devrait dépendre de la gradation des normes de droit international. Lorsque la commission du droit international adopte en 1979 une première partie de son projet sous l’impulsion de Roberto Ago, elle fait la distinction entre :

- les crimes et - les délits de l’état.

C’est l’article 19 du projet qui pose cette distinction.

Le crime est définit dans le recueil p. 107. On retrouve l’idée de l’obligation si essentielle qu’elle ne peut être violée. On donne au concept un contenu normatif.

On dit au §3 qu’un crime de droit international peut être le cime d’agression au sens de la responsabilité d’état. Autres exemples, le maintient de la domination coloniale, l’esclavage, l’apartheid, le génocide ou encore la pollution massive des terres et des mers.

On impute à des états des faits illicites d’une gravité particulière. Et tout ce qui n’est pas crime est considéré comme un délit. C’est l’art. 19, §3 qui le dit. Deux difficultés

La difficulté va être de passer le langage des crimes aux états. Les états utilisent les mots crimes et délits dans des discours politiques. Mais une autre chose est de les utiliser dans des discours juridiques, avec tout ce qui a d’infamant pour l’état incriminant.

La deuxième difficulté est de savoir à quoi ça sert d’utiliser ce vocabulaire juridique spécifique à l’état ? Cette difficulté va occuper la Commission de 1979 à 2001 (pendant ces années-là les états n’ont cessé de se livrer une bataille sur les notions de crimes et délit).

On va laisser tomber le vocabulaire qui relève du pénal et qui est infamant pour les états. Certains disent que ce serait contraire au principe de souveraineté. Le mot fâche.

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En plus, on va être face à un débat qui est de savoir si face à des crimes, est ce que tous les états peuvent prendre des mesures ? Ou bien seuls les états victimes le peuvent ? L’obligation de réparer dépend du dommage, pas de l’acte incriminé. Il peut y avoir des faits d’une faible gravité qui entrainent des dommages très graves et inversement. L’esclavage est très grave, mais sa réparation sera moins importante que dans le cas de l’explosion d’une centrale nucléaire.

Mais donc, qui peut réagir à un crime ou un délit ? Quid des sanctions décentralisées ? C’est la problématique des contre mesures sur laquelle on va revenir. À qui va-t-on donner un titre juridique pour agir ? Qui peut voler au secours des intérêts essentiels qui sont bafoués ?

Aujourd’hui, on ne parle plus de crimes et délits internationaux. On parle de violation grave de règles impératives de droit international. On y attache des conséquences.

C’est quoi une violation grave d’une règle impérative (art. 40, §2) ? Un manquement flagrant ou systématique d’une obligation internationale. La norme impérative renvoie au ius cogens, mais pas seulement.

§2. L’imputation (attribution) à l’Etat

Regardons maintenant le deuxième élément. Il faut qu’un fait illicite ce soit produit et que le fait soit un fait de l’état.

L’état est un être abstrait, moral. Ce n’est pas un sujet physique. Cet être moral agit par l’intermédiaire de personnes physiques. Quels sont les individus susceptibles de mettre en cause la responsabilité de l’état ? Il est important de vérifier que ces personnes soient correctement mandatées par l’Etat.

1) Organes selon le DI

C’est une question relativement simple et récurrente en droit. L’article 4 dit que l’état voit sa responsabilité engagée lorsque ce sont ses organes qui ont agi. L’organe de l’état engage donc la responsabilité de l’état.

Pour savoir qui est organe, il faut observer le droit interne. Peu importe qu’en droit interne l’organe soit considéré du pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire, quelle que soit sa position dans la hiérarchie de l’état (un simple fonctionnaire jusqu’au ministre), quelle que soit le degré de centralisation de l’organe (commune ou état fédéral). C’est une règle qui vise à protéger la victime du fait illicite. La seule chose à regarder, c’est si la personne a qualité d’organe en droit interne. Ensuite, il faut regarder si cette personne a agi en qualité d’organe.

Un organe de l’état l’est au sens du droit interne lorsqu’il agit en qualité d’organe. Un fonctionnaire en vacance n’agit pas en qualité d’organe !

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2) Exercice des prérogatives publiques

La responsabilité de l’état peut être engagée, nous dit l’article 5, lorsque une personne n’est pas organe de l’état mais agit néanmoins en cette qualité.

C’est l’exemple des gardiens de prison de sociétés privées en Angleterre qui se sont vus octroyés des prérogatives de puissance publique. L’état britannique est responsable de ces gardiens issus de sociétés privées. L’état doit les surveiller.

3) Ultra vires

Il y a des exceptions par rapport à cela. La règle coutumière d’imputation dit que l’état est responsable des faits de ces soldats en tant de guerre, que ceux ci aient agi en tant qu’organe ou non. Le soldat en permission qui va dans un bordel assassiner des prostituées engage la responsabilité de son état (sic). Il n’y a pas lieu de se demander si le soldat agit en qualité d’organe lorsqu’il bafoue une règle de droit international. La CJ a appliqué cette règle dans une affaire entre la RDC ET L’OUGANDA dans un arrêt du 19 décembre 2005 à propos des pillages faits par les forces armées ougandaises.

La doctrine Drago, au 19ème siècle disait que l’état était responsable lorsqu’il y avait apparence de compétence. Cette doctrine nationale accorde ainsi un traitement plus favorable à l’Etat que le DI, qui se soucie pour sa part de favoriser la victime. Peu importe qu’elle agisse en qualité ou non. Cette théorie est dépassée. L’article 7 dit que l’organe, lorsqu’elle agit en qualité, engage la responsabilité de l’état, même s’il outre passe ses compétences.

Est ce que l’état maintenant peut engager sa responsabilité même si une personne n’y est pas habilitée ? Oui, du moment que la personne agisse au nom et pour le compte de l’état.

4) Forces armées

L’article 3 du Règlement de La Haye de 1907 prévoit une exception aux articles 4 et 5 de la Résolution : en temps de conflit armé international, toute personne armée engage la responsabilité de l’Etat même s’il n’agit pas en tant qu’organe. Cette règle de droit coutumier fait donc tomber le critère de la qualité d’organe.

5) Organes de fait

L’article 9 parle du comportement de personnes qui applique en fait des prérogatives de puissances publiques, en l’absence d’autorité publique et en cas de nécessités.

Ce sont des situations qui se sont présentées pendant la guerre par exemple. Ces circonstances requièrent ce type de prérogatives.

Même chose pour l’article 11 : fait de l’état si ou dans la mesure où cet état adopte le comportement des individus comme étant le sien.

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ETATS UNIS CONTRE IRAN : Il y a une situation d’organe de fait : l’affaire des otages américains détenus en Iran pendant plus d’un an. À l’occasion de la révolution iranienne, des étudiants vont prendre en otage l’ambassade américaine à Téhéran. Les USA saisissent la CJ. La question est de savoir si les étudiants iraniens engagent la responsabilité de l’Iran. La CJ va réfléchir en deux temps :

- Le moment auquel les étudiants vont prendre en otage l’ambassade. À cet instant, les étudiants sont de simples particuliers, mais leur comportement révèle que l’Iran n’a pas fait ce qu’il fallait pour protéger les diplomates. Le comportement est révélateur d’un fait illicite de l’Iran. L’état aurait dû agir et il est coupable de ce fait là.

- Toutefois, dit la CJ, le temps passe et les étudiants deviennent des héros illicites, on en parle, etc. À ce moment là, ces étudiants se sont transformés en organes de fait. C’est une situation dans laquelle le comportement des étudiants est reconnu par l’Iran comme étant le sien.

6) Rebelle triomphant

À côté de ces deux articles, on retrouve l’article 10 qui parle d’une révolution qui est en cours.

C’est la règle du rebelle triomphant :

a. Le comportement d’un mouvement insurrectionnel qui parvient à créer un étatL’armée de libération du Kosovo, au moment où elle commet ses assassinats, c’est un mouvement insurrectionnel qui n’est pas reconnu par la Serbie. Donc, à ce moment là, la Serbie ne peut en être internationalement responsable. Ce mouvement parvient à créer un état sur le territoire Serbe. Le mouvement est donc kosovare et donc le Kosovo en est responsable.

b. Mais est ce que ce mouvement a eu un comportement qui, rétroactivement, est attribuable au Kosovo ? Le paragraphe 2 dit que oui. Les faits n’étaient pas attribuables à la Serbie, mais ces faits sont aujourd’hui attribuables à l’état insurrectionnel qui les a causés. On protège la victime.

c. C’est la même situation si le mouvement insurrectionnel est là pour remplacer le gouvernement en place.

d. Cependant, s’il ne prend pas le pouvoir, l’état n’en sera jamais responsable. Le comportement du mouvement, enfin, peut engendrer la responsabilité de l’état car il peut résulter d’un manquement de l’état.

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7) Direction ou contrôle

L’article 8 maintenant : on est face à une situation où un état va utiliser des particuliers pour que ceux-ci commettent des faits illicites.

ARRÊT NICARAGUA CONTRE USA :

La CIA va financer un mouvement rebelle appelé « contrast ». Ces gens reçoivent une aide. C’est une situation absolument banale de la guerre froide.

La question qui se pose devant la CJ est celle de savoir si les USA sont internationalement responsables des actes commis par les « contrasts » eux-mêmes. Ils ont créé, établi, entrainé, financé un groupe terroriste. C’est ce qu’on pourrait appeler leur « monstre ». Est ce que les actes commis par leur monstres les rendent responsables ?

La CJ va exiger non pas le contrôle global des USA sur les « contrasts », mais la CJ va exiger qu’on établisse que les « contrasts » ont agi sous l’impulsion des USA pour chacun des crimes commis. Le fait qu’ils soient payés et entrainés par les USA ne suffit pas pour que ceux-ci soient tenus pour responsables.

C’est   : - soit la preuve des instructions, - soit le contrôle effectif de l’opération militaire.

Comment peut on prouver cela ? La CJ refuse que les USA soient responsables des faits illicites commis par les « contrasts » eux-mêmes. Cette jurisprudence arrange tout le monde parce que tout le monde fait pareil. On parle de contrôle effectif dans cette jurisprudence.

AFFAIRE TADIC

Face à cette jurisprudence, le TPI pour l’Ex-Yougoslavie va critiquer cette jurisprudence (arrêt de 1999).

Monsieur Tadic est un serbe de Bosnie. La Yougoslavie va d’abord envoyer sa propre armée en Bosnie et par après, elle va envoyer des particuliers pour se battre à la place de l’armée. Ces gens sont entrainés, payés par le gouvernement serbe (yougoslave).

La question qui se pose est d’abord celle de la qualification pénale des actes. Pour reprocher à monsieur Tadich certains crimes, le TPI s’attache à savoir s’il existe un conflit armé international, un conflit entre deux états. Si le TPI parvient à dire que les particuliers sont des organes, alors il y a deux entités étatiques et donc je peux condamner Monsieur Tadich qui serait l’auteur de crimes dans un conflit armé de droit international.

Lorsque le tribunal aborde cette question, il va dire que la CJ s’est trompé dans l’arrêt Nicaragua. Il suffit d’un contrôle global sur la situation. Ce n’est donc pas le critère du contrôle effectif.

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Il suffit de dire que les serbes de Bosnie agissaient sous le contrôle global de la Serbie.

C’est beaucoup plus sévère avec les états. En même temps, c’est beaucoup plus réaliste en comparaison au comportement des états. Cette jurisprudence du TPI va être rejetée plus tard par la CJ.

La commission

La commission, en 2001, ne prend pas position, elle ne parle pas de contrôle effectif ou global. Elle est hésitante entre Nicaragua et Tadich.

- Les grandes puissances ont intérêt à ce que Nicaragua soit retenue, - les plus faibles ont intérêt à voir Tadich triompher. BOSNIE C. SERBIE

Finalement, la question a été tranchée par le CIJ dans une affaire du 26/02/2007 relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro). La CJ va réaffirmer sa jurisprudence Nicaragua dans l’affaire Tadich. La CJ va dire que c’est elle qui connaît le droit de la responsabilité internationale et que le TPI ne connaît que les faits.

La Bosnie avait demandé à la Cour de condamner la Yougoslavie pour les faits de génocide commis par des Serbes de Bosnie. La Cour a considéré que la Yougoslavie n’était pas responsable pour les faits de génocide commis en Bosnie, car sa propre compétence était limitée à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Selon la CIJ, les faits ne sont pas imputables à la Yougoslavie, mais celle-ci est néanmoins responsable d’un défaut de prévoyance : la Yougoslavie n’est en effet pas intervenue pour empêcher le génocide. La Cour fait dans cet arrêt la leçon au TPIY : en tant qu’organe judiciaire principal des NU, elle rejette au § 403 de l’arrêt le critère du contrôle global retenu dans l’arrêt Tadic. La Cour déclare que l’art. 8 du Projet d’articles reflète le droit coutumier et doit être entendu dans le sens de l’arrêt Nicaragua. Cet arrêt retient de la sorte un critère d’interprétation stricte en matière de responsabilité des Etats. Bien qu’elle ait contestée, c’est une décision par laquelle la CIJ a dit le droit.

On en revient donc à une règle qui impose une charge de la preuve très lourde puisque le contrôle global ne suffit pas. Si on reporte cela aux questions de terrorisme, c’est sous cet angle là qu’on doit réfléchir.

Si de telles règles existent bien qu’elles paraissent injustes, c’est parce qu’elles permettent aux Etats de mener un certain nombre de politiques. Elles reflètent un droit coutumier qui arrange la plupart des Etats. Effectivement, elles ont l’avantage de limiter le droit de légitime défense en réaction. Le maintien de la jurisprudence Nicaragua doit se comprendre dans un contexte international où les Etats ont un discours sur l’emploi de la force assez généreux : sans de telles règles, l’emploi de la force serait justifié sous la forme de la légitime défense en réaction.

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26/11/10

Section 2   - Le dommage et la réparation

Le propre du DI est d’englober toutes les conséquences de la commission du fait illicite, dont la première est la réparation du dommage.

§1 - Le dommage

C’est un construit juridique (toute perte n’est pas un dommage en droit) composé de deux éléments :

- extrinsèque : atteinte à un intérêt juridiquement protégé- intrinsèque : lien de causalité

De soi, tout dommage peut être pris en considération dès l’instant où la réalité d’un préjudice est établie. La pratique internationale admet qu’il puisse s’agir tant d’un dommage moral que d’un dommage matériel (art. 31).

Il n’y a responsabilité au regard du DI que si le préjudice dont il est demandé réparation a été subi par un Etat ou par un autre sujet de l’ordre juridique international. Le dommage peut indifféremment résulter d’une action d’une omission. Dans l’un et l’autre cas, il doit être spécial, c.à.d. individualisé.

Le dommage en DI est un construit du droit qui combine un élément intrinsèque et extrinsèque.

1. L’élément intrinsèque

C’est la reconnaissance par l’ordre juridique en cause d’une atteinte à un intérêt juridiquement protégé par l’ordre juridique de référence (l’ordre au regard duquel on évalue cette relation de responsabilité).

Tout n’est pas dommage : jusqu’ou va-t-on dans la protection juridique. Il faut se poser la question de savoir si l’ordre juridique de référence protège ce dommage là.Exemple ; le prof a du défendre une femme dont le dommage était que comme à cause de son accident de voiture, sa mâchoire était déformée et elle ne pouvait plus satisfaire son mari comme il le voulait  Chaque ordre juridique décide si c’est accepté ou non.Les dommages peuvent connaître une évolution en droit interne.

L’ordre juridique international protège trois types d’intérêts :

- les intérêts au regard de la souveraineté de l’Etat (dommage moral),

On parle d’atteinte formelle à la souveraineté : injure à la souveraineté. C’est une forme de réparation particulière en droit international. Mais pas nécessairement à chaque coup.

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- les intérêts au regard des biens de l’Etat (dommage matériel),

L’état a en droit international un intérêt à voir ses biens respectés. Les fonctionnaires de l’état sont des biens aussi. Car cela coute à l’état d’avoir des fonctionnaires. Un fonctionnaire assassiné va couter de l’argent à l’état car il faudra le remplacer etc. Donc dans ce cas là c’est un dommage matériel.Exemple : affaire du détroit de Corfou : des tas de marins militaires meurent et d’autres sont blessés : c’est un dommage matériel de l’état (il faut payer les pensions de veuve, former des nouveaux, soigner les autres,…).Ce sont des personnes qui travaillent pour l’état.

- les intérêts à voir un DI respecté en la personne des ressortissants de l’Etat.

Cette troisième catégorie vise notamment l’hypothèse où le ressortissant d’un Etat est arrêté et torturé à l’étranger. Cette problématique où un Etat subi un préjudice propre est celle de la protection diplomatique. ici ce sont de simples personnes physiques (pas fonctionnaires de l’état comme supra). Le mécanisme de la protection diplomatique peut actionner une demande en réparation en son nom pour son dommage. Il souffre d’un dommage car il a un intérêt juridiquement protégé de voir le DI respecté en la personne des ressortissants de l’état.

Remarque : que le dommage soit matériel ou moral importe peu. Tantôt ils peuvent faire l’objet d’un dommage matériel ou moral. L’article 31 rappelle que cela comprend tout dommage : peu importe sa nature.

2. L’élément extrinsèque

C’est la nécessité d’avoir un lien de causalité. Le dommage c’est quelque chose qui est relié au fait internationalement illicite par un lien de causalité : tout n’est pas dommage. C’est le fait illicite qui doit avoir causé cette atteinte à l’intérêt juridiquement protégé : le dommage.

En droit (international ou interne), la théorie de la causalité qui est derrière la notion de causalité est importante. C’est une notion importante car il n’est jamais question de causalité naturelle : c’est un choix, un construit juridique. Elle répond à la question élémentaire : de quoi sommes-nous responsables ? Le droit va reconstruire une réponse à cette question morale en termes juridiques par le lien de causalité.

Jusqu’où aller dans la causalité ? Par exemple dans la vache de Potier, faut-il aller jusqu’à indemniser la grange qui a brulé parce qu’on lui a vendu une vache malade ? C’est la même idée que l’homme qui a peur d’un fait dans la rue par exemple un braquage, et qui fait une crise cardiaque.Enchainement de causes, mais à un moment donné il y a des choix qui sont fait : ce sont des choix de raison.

La chaine de causalité qu’on connaît en droit interne, on peut la retrouver en DI.

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Tout repose sur une question : quel est le cours normal des choses ? On ne peut pas être responsables de fait trop éloignés. A un moment donné on ramène l’appréciation de la causalité dans une limite raisonnable.

On essaye finalement de donner des mots à une appréciation qui est à chaque fois de même nature. Et encore une fois, les faits sont déterminants. Il faut voir ce que ces notions recouvrent.

Le jugement de causalité change de société en société. De plus c’est une notion qui évolue, comme la notion de dommage.

Le lien de causalité en DI est affirmé. Il faut que le juge justifie cette proximité avec le fait générateur si elle est mise en cause. Il faut se rappeler que la causalité est un construit du droit.

Et pour nous le prouver   : exemple des dommages de guerre.

La causalité en matière de dommages de guerre est très intéressante. Pourquoi ? Dans toute la pratique internationale on retrouve la même idée de causalité ; l’auteur de l’agression doit réparer tous les dommages qui résultent de son agression. Cela veut dire quoi ? Les dommages que les forces armées de cet état ont causés. Mais aussi les dommages qui sont matériellement engendrés par l’action miliaire de ceux qui ont réagi à cette agression.

Exemple   : on fait payer à l’Allemagne les frais des obus français qui sont tombés et tués des gens. On construit un fait illicite dans le chef de l’Allemagne : une agression. Et on fait payer à l’Allemagne tous les dommages de la guerre, y compris ce qui résulte des actes des Alliés.

Exemple   : c’est pareil en 1947 : une bombe sort d’un avion américain mais elle n’est là que parce que l’Italie a commis une agression. Elle commence la guerre avec Hitler donc elle doit savoir que son agression va être poursuivie. On rattache au fait illicite initial par un lien de causalité, le dommage.

Exemple   : guerre du Koweït : on fait payer tous les dommages qui résultent des opérations militaires qui ont été conduites par les alliés. L’indemnisation sera payée par l’Irak. L’auteur de la guerre d’agression doit prévoir que son fait va entrainer une réaction militaire et il est normal que cette action militaire fasse des dommages. Rien de matériel, c’est le droit.

Ca n’a rien à voir de savoir si c’est contraire ou non du droit de la guerre.Par exemple, c’est quand même l’Irak qui va payer pour l’hôpital bombardé alors que c’est le camp ennemi qui l’a bombardé et donc commis une violation entre le premier acte d’agression et le dommage.

Si ce n’est pas comme ça que ça fonctionnait, ces dommages ne seraient réparés par personne. Car si les Américains bombardent une usine et que c’est légitime. Disons qu’ils mettent en œuvre tout ça en respectant le droit de la guerre. Donc pas un fait illicite. Cela signifie donc que le dommage qui résulte de leur opération militaire n’est pas susceptible d’être réparé par eux ou quiconque d’autre car il faut un fait illicite en

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cause. Donc le seul fait illicite en cause c’est le fait initial : la guerre d’agression de l’Irak. C’est pour ça que l’Irak va devoir payer pour tous les dommages.

Peut-être qu’il y a rupture du lien de causalité s’il y avait violation du droit de la guerre. Là on peut dire qu’il y a un autre responsable.

Mais c’est la logique qui explique l’extension du lien de causalité. Car les victimes doivent avoir réparation. Cela peut paraître énorme et bizarre mais en termes de causalité ce n’est pas si extraordinaire car la causalité du droit n’est pas la causalité de la science normale. Dire qu’un fait illicite entraine un certain nombre de dommages, même provoqués par ceux qui réagissent à la première attaque, n’est pas complètement fou.

§ 2 - La réparation

Qu’est ce que « réparer » veut dire ?

Rétablir la situation non pas qui existait avant le fait illicite mais la situation qui aurait existé si le fait illicite n’avait pas été causé.

Cela veut dire que le juge doit faire comme si le fait illicite n’avait pas été causé, partir de la situation sans fait illicite (T-1) et imaginer la situation telle qu’elle serait aujourd’hui.

Revenir à T-1 c’est restituer : remise des choses dans le pristin état. Ce n’est pas la même chose que de réparer.

A titre d’illustration, dans l’affaire du 13/09/1928 relative à l’USINE DE CHORZOW (ALLEMAGNE C. POLOGNE), la CPJI a déclaré que la réparation devait « effacer toutes les conséquences de l’acte illicite [= réparation intégrale] et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si le dit acte n’avait pas été commis ». Page 503.En effet, le juge qui ordonne la réparation doit non seulement imaginer le passé, mais aussi l’évolution du passé jusqu’à aujourd’hui. Il doit remettre les choses dans l’état qui aurait aujourd’hui existé s’il n’y avait pas eu le fait illicite, et non se contenter de les remettre dans leur pristin état.

Le principe c’est la réparation intégrale du préjudice (article 31). C’est pareil en DI qu’en droit interne. Mais comment réaliser cette réparation intégrale ? On le fait par différentes formes de réparations (article 34) :

- restitutions- indemnisations- satisfaction

Séparément ou conjointement.

Ce sont les trois formes de réparation en droit international.

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La restitution (art. 35)

Remise des choses dans l’état qui existait avant le fait illicite.

C’est à l’article 35 : la restitution est l’établissement de la situation qui existait avant la commission du fait illicite.

Ex. : si le tableau d’un musée est volé et caché durant plus de 20 ans, l’auteur du vol devra non seulement restituer et restaurer le tableau, mais il devra également réparer l’atteinte à la jouissance publique causée par l’absence du tableau dans le musée.

La restitution, c’est une forme de la réparation mais ce n’est pas nécessairement toute la réparation. La restitution serait de rendre le tableau mais s’il a été abimé pendant le vol, cela ne suffit pas de le rendre : il faut aussi payer la restauration mais aussi le dommage matériel du musée à cause du nombre de visiteurs en moins. Cela fait partie de la réparation mais la restitution ne suffit pas parfois. Pour assurer la réparation intégrale, la restitution ne suffit pas nécessairement.

L’article 35 fixe deux limites coutumières :

1) Si la restitution est impossible, elle ne doit pas être due. (ex : le tableau a brûlé dans un incendie)

2) Si la restitution impose une charge hors de toute proportion, elle ne doit pas être due. Dans ce cas on devra se contenter d’une indemnisation.

Si la restitution emporte une charge hors de proportion (plus couteuse que l’indemnisation), alors le créancier de la réparation n’a pas le droit à tout prix d’exiger la restitution : il doit se satisfaire de la restitution. C’est une appréciation du juge.

Il s’agit donc de la restitutio in integrum, c.à.d. de la remise des choses dans leur pristin état. Il va de soi qu’elle est exclue là où elle est matériellement impossible, lorsqu’elle ne peut être obtenue sans violer une règle de jus cogens, ou lorsqu’elle impose au débiteur de la réparation « une charge hors de toute proportion avec l’avantage que le créancier en retirerait [ou menace] sérieusement l’indépendance politique ou la stabilité économique de l’Etat qui a commis le fait internationalement illicite » (art. 43).

On distingue la restitution au sens strict de la restitution au sens large.

- La restitution au sens strict est la restitution des choses subtilisées elles-mêmes.

- La restitution au sens large est une forme de réparation en nature Lorsque les choses subtilisées ne peuvent être restituées elles-mêmes, parce qu’elles ont disparu ou qu’elles ont été détruites, des choses semblables vont être restituées. Ex. : l’art. 234 du Traité de Versailles prévoit l’obligation pour l’Allemagne de restituer des livres identiques aux livres brulés dans la bibliothèque de Leuven, lors de la Première Guerre mondiale.

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L’Allemagne en 1919 devait aussi rendre des livres à l’UCL qui avaient brulés en 1914 car elle y avait mis feu. Dans le traité de Versailles il y a une disposition qui dit que l’Allemagne devra rendre les mêmes livres qui faisaient partie de son catalogue. On va regarder les références des livres et on va aller les chercher en Allemagne pour les donner à l’UCL. C’est une restitution très proche, le traité de Versailles appelle cela restitution même si ce ne sont pas exactement les mêmes livres. La frontière entre la restitution et la réparation en nature est parfois

L’indemnisation (art. 36)

Lorsque la restitutio in integrum est impossible ou interdite, la réparation se fait par équivalent, ordinairement par le versement d’une compensation financière. S’agissant du préjudice subi par des entreprises ou autres agents économiques, l’indemnisation couvre à la fois le damnum emergens (pertes réalisées) et le lucrum cessans (manque à gagner).

Quatre questions interviennent :

a) Dans quelle monnaie paye-t-on ?

Il n’y a pas de règles, les articles n’abordent pas cela. La seule règle de raison qui s’impose c'est de dire qu’il faut indemniser dans une monnaie

- qui a de la valeur - qui n’est pas excessivement difficile à acquérir pour le débiteur.

Il faut que ce soit équitable.

En pratique, le dollar est la monnaie de paiement des transactions pénales en matière de responsabilité. Rien n’interdit de choisir une autre monnaie (l’Euro par exemple). Mais il faut une monnaie qui valle quelque chose sur le plan international (ex. de l’Allemagne après la deuxième guerre mondiale, où le Mark ne valait plus rien, il fallait « une brouette de billets pour aller acheter son pain »). Economiquement, il faut savoir ce qu’elle rapporte en termes de flux sur les marchés (voir traité Versailles). Parfois payer enrichit le débiteur et appauvrit le créancier. Ce choix de monnaie est politique et économique et ne doit pas être laissé au hasard.

b) La dation en payement

Faut-il une monnaie de payement ? Ne peut-il pas prendre la forme d’un payement non monétaire ?La dation en payement est une forme de réparation admise : l’Etat débiteur peut payer avec des biens dont il est le producteur. Parfois on reçoit des biens qui valent la valeur du dommage : dation en paiement. On donne quelque chose pour s’acquitter de la dette. Elle peut parfois être très proche de la restitution, si on rend une chose identique à celle qui a été endommagée (ex. la reconstitution d’un musée ou d’une bibliothèque (comme celle de Louvain-la-Neuve après la 1re GM où l’Allemagne doit reconstituer les collections de notre bibliothèque)).

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Vous pouvez aller plus loin dans la logique de dation en payement. Dans des phénomènes de transfert massif de richesses, la modalité de payement est cruciale pour le créancier et le débiteur. De fait, à long terme, des relations économiques se seront tissées entre les Etats créancier et débiteur en fonction du système de réparation choisi.

Exemple : Les Etats qui ont rédigé le traité de San Francisco, en 1951, ont retenu la leçon de Versailles. Le Japon, qu’ils ont tout intérêt à garder dans le bloc occidental, a remboursé avec des camions et en pièces de remplacement leurs dettes dues pays préjudiciés. Le Japon subventionne entièrement les exportations avec l’argent du contribuable. Le pays étranger s’en satisfait ainsi que le Japon car cela relance son économie. C’est une manière d’établir, à long terme, des liens économiques qui participent à un certain rétablissement de la paix. Le redressement économique du Japon (que les USA voulaient à cause de la guerre froide) est du à ceci. Quand on se trouve avec des sommes énormes, le problème n’est pas seulement juridique. Cela demande une certaine expérimentation (Versailles). A Versailles la somme était tellement considérable (l’Allemagne devait payer jusqu’en 1984) que l’Allemagne était devenue impossible a concurrencer tellement elle devait produire. Quand on est face à des réparations massives on est face à des réalités économiques qu’il ne faut pas perdre de vue. Ex. : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il a été convenu que l’Allemagne utiliserait la dation en payement pour réparer les dommages causés aux alliés. En payant ses créanciers, l’Allemagne s’est de la sorte enrichie car elle est devenue une grande productrice  : elle a cassé le marché des machines à coudre et s’est approprié le marché des alliés afin d’avoir des devises et de pouvoir rembourser les pays créanciers de la Seconde Guerre mondiale.

Qui paye ses dettes s’enrichit : cela semble paradoxal, mais c’est pourtant bien la réalité.

c) Punitive damages

Peut-on aller au-delà du dommage dans l’indemnisation ?

Il n’existe pas en DI de punitive damages, c.à.d. de réparation poursuivant une finalité répressive par delà la compensation d’un préjudice effectivement subi. Pas de règle disant que l’indemnisation doit être supérieure au dommage.

d) Intérêts moratoires et compensatoires

L’article 38 parle des intérêts.Il ne parait pas contesté que la réparation puisse comporter l’allocation d’intérêts

- moratoires (intérêts qui cherchent à garantir l’autorité des décisions de justice) - compensatoires (intérêts qui visent à réparer le dommage résultant de la perte

de revenus).

Tout dépend du moment auquel on évalue le préjudice. En principe, le juge va évaluer le préjudice le jour du jugement. Mais sur quoi se base-t-on pour évaluer ce dommage ce jour-là ? On va prendre la valeur au jour du préjudice majoré par les intérêts compensatoires. Le taux d’intérêts est fixé en fonction de la dévaluation, de l’inflation. On ne retrouve pas la différence entre intérêts moratoires et compensatoires dans l’article 38 mais cette différence se comprend facilement et l’approche du droit interne est valable ici :

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- Les intérêts compensatoires sont comptés à partir du jour du dommage.- Les intérêts moratoires courent à partir du jour où la somme doit être versée,

après le jugement.

Dans l’affaire entre l’Irak et le Kuwait il n’y a pas eu d’intérêts. Pourquoi ? Car cela allait tripler la dette. De toute manière souvent les arbitres ne comprennent rien aux intérêts.

L’article 38 nous donne à penser que le DIPU ne connaît que des intérêts moratoires. Mais les intérêts compensatoires se cachent dans le 1er §.

1. La satisfaction (article 37)

La satisfaction est une forme de réparation propre au droit international et qui consiste en la reconnaissance de la violation, des excuses formelles, des regrets.

Si le dommage n’est pas réparé par la restitution ou l’indemnisation il faudra alors la satisfaction. C’est le genre de réparation que l’on accorde quand un état a subit un préjudice dans sa souveraineté.

Toutefois, elle ne doit pas être hors de proportion (article 37). Ce n’est pas le franc ou l’euro symbolique. Il répare le dommage immatériel causé à la souveraineté de l’Etat : le simple fait d’être exposé à une violation, même sans dommage, peut donner naissance à l’obligation de réparation sous la forme de la satisfaction. C’est une très vieille institution, et parfois c’est tout ce que demande l’Etat victime du fait illicite.

Exemple   : Affaire entre l’Uruguay et l’Argentine de cette année: L’Argentine dit qu’une usine de l’Uruguay pollue ses eaux. En réalité pas de pollution mais l’Uruguay n’a malgré tout pas respecté ses obligations internationales. La cour va donc déclarer cela et cela donnera satisfaction à l’Argentine. Les état sont de grands enfants susceptibles : ils veulent recevoir satisfaction.

La forme la plus courante, c’est la déclaration d’illicéité et cette déclaration satisfait parfaitement l’Etat victime de la violation. Quand ce n’est pas un arbitre (ex. la CIJ) qui déclare formellement la violation, c’est l’auteur du fait illicite qui doit le reconnaître lui-même (oui, j’ai péché).Exemple : la France écrit une lettre d’excuse à la Nouvelle Zélande après que des agents français ont mis une bombe dans un bateau de Greenpeace, cf. supra Affaire du Rainbow Warrior).

Cela peut paraître cocasse mais c’est très symptomatique des relations internationales. Les Etats ne lâchent pas le morceau jusqu’à ce que des excuses soient intervenues.

Une autre forme qui n’est plus pratiqué : le salut du drapeau de l’Etat victime par les soldats du pays auteur du fait illicite. Il n’est plus pratiqué car il tombe aujourd’hui dans la catégorie des formes humiliantes. Une des dernières fois qu’il été pratiqué, c’est en 1923 lors de la crise de la Rurh (des Allemands ont jeté des tomates et des œufs pourris sur la façade de l’ambassade française). Les soldats de l’Allemagne ont dû saluer le drapeau français en plein

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Berlin. L’Allemagne avait failli à son devoir de protection, elle n’a pas pris des mesures pour empêcher cela elle est donc responsable. C’est très symbolique car normalement les soldats ne saluent que leur drapeau.

On utilise ces trois modes séparément ou conjointement. Si la restitution ne suffit pas, on utilise l’indemnisation et la satisfaction.

Le mécanisme permet également de saisir des actes de droit internes et de les mettre à néant. C’est la question de la réparation juridique.

Illustrations :

AFFAIRE DU MANDAT D’ARRÊT (14 FÉVRIER 2002) (« Réparation juridique » : CIJ, Affaire du mandat d’arrêt (RDC c. Belgique), 14 février 2002, §76.) : Aussi longtemps que le mandat d’arrêt existe, le fait internationalement illicite continue d’exister et est constitué par un acte de droit interne. Cet acte existe à un moment T, constitue au moment où il est pris un fait internationalement illicite et existe jusqu’au moment où le ministre cesse d’exercer ses fonctions. Ce fait illicite prend fin (de par l’action du Congo). Au moment où la Cour statue, Mr Yerodia n’est plus ministre et donc le fait illicite a pris fin. Si le fait avait continué a existé au moment où le juge statue, alors le juge aurait ordonné la cessation du fait illicite. L’acte continue de produire ses effets au moment où la Cour statue mais il n’est plus illicite.

Comment obtenir que le mandat d’arrêt délivré par le juge d’instruction bruxellois n’existe plus ? Il faut rétablir, l’obligation de la Belgique de réparer se traduit par la mise à néant du mandat d’arrêt par les moyens de son choix. La CIJ n’est pas compétente pour annuler un acte de droit interne, elle va donc dire à la Belgique de rétablir la situation qui aurait existé si le fait illicite n’avait pas été commis. La Belgique doit donc mettre à néant le mandat d’arrêt. Cette obligation est due en vertu de la notion même de réparation. C'est une manière d’assurer un contrôle sur les actes juridiques nationaux.

AFFAIRE DU MUR : la Palestine demande l’annulation des lois qui autorisent la construction du mur par Israël, mais ici c'est au titre de la cessation du fait internationalement illicite que la Cour ordonne cela.

Logique de cessation (car le fait existe toujours) et pas de réparation, mais on aboutit au même résultat.

§ 3 - La réclamation

1. La protection diplomatique

A. Notion

Comment va-t-on obtenir la réparation ? On parle de la réparation que l’Etat formule lorsque le dommage qu’il subit consiste en une atteinte à l’intérêt juridiquement protégé de voir le droit international respecté en la personne de ses ressortissants. Il y

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a une procédure particulière pour ce dommage : la protection diplomatique (attention ce n’est pas l’immunité des diplomates !).

Rien à voir avec les diplomates. En gros, c’est juste parce qu’avant c’est pour le diplomate que cela jouait.

La protection diplomatique est une vieille institution du droit international par laquelle l’Etat prend fait et cause pour l’un des siens et vise à obtenir la réparation qu’il subit, lui Etat, du fait de la violation du droit international dont un de ses ressortissants a été victime (on endosse leur réclamation).

Un état prend fait et cause pour ses ressortissants.Un Etat a le droit à obtenir réparation lorsqu’il est porté atteinte à son intérêt de voir le DI respecter ses ressortissants. La protection diplomatique lui permet d’endosser les réclamations de ses nationaux afin d’obtenir réparation des dommages qui leur ont été causés par un Etat étranger. L’Etat endosse une réparation.

L’Etat agit pour lui-même quand il met en action la protection diplomatique. C’est une fiction, un mécanisme eu droit qui permet de réclamer son dommage quand un de ses nationaux fait l’objet d’un acte objectivement illicite.

Le différend concernait une personne physique ou une personne morale et un Etat étranger, mais cela se transforme en contentieux international car l’Etat de la nationalité de la personne endosse la réclamation du particulier, la réclamation du particulier devient la réclamation de l’Etat, réclamation du préjudice subit par l’Etat.

Il se fait que le droit de la protection diplomatique a fait l’objet d’un projet de codification12. La plupart des dispositions du projet sont déclaratives de droit coutumier.

Définition de la protection diplomatique : voir jurisprudence dans le recueil (Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (CPJI, Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c. Royaume-Uni), 30 août 1924, Série A, n°2, p.12.)).

Même si sa raison d’être procède des dommages subis par des particuliers, la protection diplomatique n’entend pas spécifiquement protéger ceux-ci. Elle permet à l’Etat d’agir en son nom propre et non au nom et pour le compte de ses ressortissants. C’est ce que souligne la CPJI dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c. Royaume-Uni) du 30/08/1924 : « en prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en mouvement en sa faveur l’action diplomatique ou l’action judiciaire internationale, […] [l’] Etat fait […] valoir son propre droit, le droit qu’il a de faire respecter, en la personne de ses ressortissants, le droit international ».

B. Conditions pour mettre en œuvre la protection diplomatique12 Projet d’articles sur la protection diplomatique (A/RES/62/67, 6 décembre 2007).

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Page 205: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

1) Protection d’un ressortissant : la nationalité

Seuls les nationaux d’un Etat peuvent être protégés par celui-ci contre un autre Etat. Un lien de nationalité doit exister entre la personne victime du fait illicite et l’Etat qui va réclamer la réparation du dommage découlant de ce fait illicite.

La nationalité doit être continue et effective.

- L’exigence de continuité commande que la victime du dommage n’ait pas changé de nationalité entre la survenance de celui-ci et l’introduction de la réclamation internationale ; il est indifférent qu’elle change postérieurement à celle-ci.

- La nationalité doit en outre être effective : il faut qu’existe entre l’Etat et son national un rattachement substantiel. C’est quand il y a plusieurs nationalités que ça peut poser problème.

En principe, chaque Etat est libre de déterminer quels sont ses ressortissants. Toutefois, cette liberté ne peut conduire l’Etat à désigner une personne comme son national alors que celle-ci ne présente aucun lien effectif avec lui. Il s’agirait là d’une nationalité de complaisance, dont la sanction serait l’inopposabilité de la nationalité à l’Etat contre lequel la protection diplomatique est invoquée.

La notion d’effectivité doit être appréciée dans chaque cas d’espèce en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes (le lieu de travail de la personne victime, le lieu où elle paye ses impôts, le lieu où elle a fait son service militaire, …). La CIJ s’est penchée sur cette notion dans l’affaire Nottebohm (Lichtenstein c. Guatemala) du 6/04/1955 : la Cour s’est interrogée sur la réalité du lien effectif entre M. Nottebohm et le Lichtenstein, dans la mesure où celui-ci affirmait être un national du Lichtenstein, non de l’Allemagne, et que ses biens confisqués après la Seconde Guerre mondiale devaient lui être restitués.

En cas de double (ou multiple) nationalité, chaque Etat dont l’intéressé a la nationalité pourra exercer la protection diplomatique. Celle qui l’emporte est la nationalité dominante. L’autre nationalité n’est pas nulle, juste inopposable. C’est à l’état dont la victime a la nationalité la plus effective qu’il appartient d’agir.

Si c’est un Etat dont la victime a la nationalité qui a commis le fait illicite, l’autre Etat dont l’intéressé à la nationalité pourra uniquement agir s’il établit qu’il est l’Etat de la nationalité dominante, c.à.d. de la nationalité qui traduit dans la réalité une plus grande effectivité. Avant on répond qu’il ne pouvait pas agir mais la tendance a évolué : on accepte par l’état de la nationalité dominante contre l’état de l’autre nationalité.

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Page 206: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

C’est une question de fait : la nationalité dominante c’est là où la personne a sa vie et ses attaches.

Toutefois, seul l’Etat de la nationalité effective peut agir en protection diplomatique lorsque la personne a comme deuxième nationalité celle de l’Etat responsable. C’est une règle relativement neuve. Avant, aucun Etat ne pouvait agir contre l’autre. Mais, depuis 1979, cela a été accepté dans le cadre d’un conflit entre l’Iran et les USA, pour des personnes ayant les deux nationalités, pour autant que la nationalité américaine soit dominante.

Si on est l’état de la nationalité dominante (on regarderas les faits : là ou la personne paie ses impôts etc.) on pourra alors protéger son ressortissant.

Lorsqu’est en cause une personne morale   :

Principe de l’incorporation : la personne morale a la nationalité en fonction du droit qui l’a créée. Une société belge sera protégée par le droit belge. On peut aussi considérer l’Etat du siège si c'est dans cet Etat que la société a son siège de direction et qu’elle exerce son activité. Ce qui pose problème, c'est la protection des actionnaires de la société.

La CIJ a jugé, dans l’affaire de la BARCELONA TRACTION (Belgique c. Espagne) du 5/02/1970, que l’Etat dont elle possède la nationalité est seul en droit de la protéger diplomatiquement (§ 70). Des petits actionnaires belges on contribué à la construction du tramway barcelonais à travers d’une société canadienne. La société a ensuite fait faillite (à cause de la violation de règles de DIPU par l’Espagne disait la Belgique) et la Belgique est intervenue pour défendre les actionnaires. L’Espagne va dire qu’elle ne peut les protéger parce que la société était de droit canadien…

Est-ce qu’un Etat peut protéger les actionnaires d’une société ?

Si cela concerne les droits des actionnaires oui, pas pour les intérêts. La protection diplomatique des actionnaires est possible pour la protection d’un droit propre, soit si la société a cessé d’exister d’après la loi qui a servi à constituer la société, pour autant que la cessation d’activité soit sans rapport avec le préjudice subi par celle-ci. On peut être actionnaire d’une société de droit américain.

Qui peut agir pour protéger les actionnaires ? Pour la société, c'est l’Etat de la nationalité de la société qui peut agir. Pour les actionnaires, est ce que l’Etat de la nationalité de l’actionnaire ou de la société ? Si cela concerne un droit propre, l’Etat de la nationalité de l’actionnaire peut agir. Si la société subit un préjudice à l’étranger, c'est l’Etat de la nationalité de la société, mais c'est souvent préjudiciable pour les actionnaires, alors qui peut agir pour le dommage causé à la société ? En principe, seul l’Etat de la nationalité, sauf que l’Etat de la nationalité des actionnaires peut aussi agir dans les cas prévus par l’article 11 de la commission pour le droit international.

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Page 207: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Autre cas : le cas où l’Etat responsable du préjudice est aussi l’Etat de la nationalité de la société, l’Etat de la nationalité des actionnaires pourra agir contre cet Etat de la nationalité de la société, pour autant que cet Etat ait exigé que la société soit constituée selon ses lois.

RDC   : seul l’état congolais peut protéger la société congolaise mais vous pouvez défendre le droit propre de Monsieur DIALO (agir dans la société,…). C’est affaire sera jugée mardi.

C’est l’état d’enregistrement qui pourra agir. La personne morale peut être protégée diplomatiquement par l’état de la nationalité de la personne morale comme état d’incorporation de cette personne morale.Exemple : une société belge est protégeable par la Belgique. Une société canadienne avec des investisseurs belges est protégeable par le Canada.

Cette violation qui cause un dommage à un individu est parfois assimilée à un standard minimum de justice. Aujourd’hui on met ceci souvent en œuvre dans un cadre de protection des droits de l’homme. La protection diplomatique est fonc une façon de protéger les droits de l’homme.

2. Violation du DI

C’est la deuxième condition.La protection diplomatique a pour objet de faire réparer le dommage qui a été subi par en particulier en violation du DI. La pratique a en effet progressivement affirmé l’existence d’un « standard minimum de justice » conférant aux étrangers le droit élémentaire d’être traités d’une manière appropriée à leur situation, et qui correspond au niveau habituellement admis entre nations civilisées (cfr. sentence Chevreau). Exemple : Monsieur Dialo a été expulsé sans justification.

3. Epuisement des voies de recours internes

Disponibles dans l’état responsable. Donc le DI donne à l’état responsable la chance de se rattraper. Si on arrive à satisfaire la personne, pas besoin que ca devienne un conflit international. L’Etat ne pourra agir en protection diplomatique que si son ressortissant a épuisé, dans l’Etat qui lui a causé le dommage, les recours internes dont il disposait pour en obtenir réparation (art. 44 du Projet d’art. de la CDI). En d’autres termes, il faut que les voies de recours internes aient été épuisées avant d’élever le débat sur la scène internationale. Encore faut-il que les voies de recours soient efficaces et suffisantes. Cette règle procédurale a un caractère coutumier mais n’est pas d’ordre public ; on peut donc y déroger conventionnellement.

C. La réparation : droit de l’état

C’est un droit de l’état donc cela veut dire que l’état n’est pas obligé d’agir en réparation diplomatique. Il ne le fera que s’il estime qu’il a intérêt à le faire. Nous, personne, on n’a pas le droit de l’exiger de l’état. Cela signifie que, si l’individu renonce, cette renonciation est inopposable à l’Etat. Donc même si je signe dans un contrat « je renonce à la protection de l’état belge »

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Page 208: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

pour investir dans un pays douteux et bien cette clause sera innoposable à l’état belge (cela a été fait au 19e siècle avec la clause Calvo aux USA).

On ne peut même pas renoncer à la protection diplomatique de notre état.

Si la réclamation est fondée, l’Etat obtient réparation non point du dommage qui a été causé à son national, mais du préjudice qu’il est censé lui-même avoir subi de ce fait.

Avant, aux USA, il y avait la clause Calvo : accord des investisseurs qui renonçaient à la protection diplomatique. Cette renonciation est inopposable à l’Etat car ce droit n’appartient qu’à l’Etat et seul lui peut y renoncer. C’est un droit totalement discrétionnaire, il n’y a pas d’Etat qui a une loi interne obligeant à agir en protection diplomatique. Clause inopposable à l’Etat dont celui-ci est national (cfr. affaire de l’usine de Chorzow). L’Etat pourra toujours recourir à la protection diplomatique, mais rien ne l’empêchera par ailleurs d’y renoncer par avance.

Par contre, il existe des lois internes qui obligent l’Etat, s’il agit en protection diplomatique et s’il obtient réparation, de verser la somme à l’individu sur lequel se base la protection diplomatique.

Le DI ne confère au particulier aucun droit sur la réparation qui est obtenue par l’Etat. Celui-ci n’a pas l’obligation de reverser les sommes perçues à son ressortissant, même s’il le fait le plus souvent en pratique. Normalement l’indemnisation de la réparation répare son préjudice à lui donc il peut tout à fait garder l’argent pour lui.

Une nuance doit être apportée : il se peut que des lois nationales imposent à l’Etat de rétrocéder au particulier les sommes obtenues en réparation. Le droit de la protection diplomatique est purement discrétionnaire. Le particulier n’a aucun droit d’être protégé en DI. La prérogative est exclusivement celle de protéger et elle est exercée discrétionnairement par l’Etat qui est « seul maitre de décider s’il accordera sa protection, dans quelle mesure il le fera et quand il y mettre fin » (affaire de la Barcelona Traction, § 79). L’action en protection diplomatique est une vieille institution internationale dont l’importance s’est vue réduite suite au développement contemporain des droits de l’homme, dans la mesure où celui-ci s’accompagne d’un recours « direct » concédé à des particuliers devant une autorité internationale. L’institution de la protection diplomatique est donc devenue secondaire et a principalement continué à être utilisée au sujet des P.M., qui représentent un enjeu plus important. Mais là aussi, le recours à la protection diplomatique est devenu de moins en moins fréquent en raison de la conclusion répétée de traités bilatéraux d’investissement.

La protection diplomatique est une institution qui est quelque peu abandonné aujourd’hui car il y a les mécanismes régionaux de protection des droits de l’homme qui donnent des voies de recours pour les ressortissants eux-mêmes. De plus, il y a de plus en plus de traités bilatéraux d’investissement qui instituent des procédures arbitrales en cas de comportement étatique attentatoire aux droits de l’investisseur, traités qui renvoient en termes de procédure au CIRDI (centre internationale des règlements des différents relatifs aux investissements). La personne morale aura donc accès à un arbitre international.

Loi du 6 décembre 2007 : on a mis cette création juridique dans une loi ; c’est encore parfois utilisé de nos jours (même si souvent remplacé par des tribunaux arbitraux). Illustration mardi dans l’affaire Dialo de la CIJ.29/11/2010

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Page 209: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

2) Pluralité de créanciers et pluralité de débiteurs

A. Pluralité de créanciers (art. 46 ; art. 33, §1)

Chaque Etat peut invoquer séparément la responsabilité de l’Etat qui a commis le fait illicite. Donc si un fait illicite cause des dommages à plusieurs états, chaque état peut invoquer la réparation de son dommage. (Art. 33 §1.)

Ce qui est plus compliqué c’est la question des réparations.« La communauté internationale dans son ensemble » peut réclamer la réparation du dommage, même si que quelqu’un de ses membres sont réellement victime. Donc la Belgique pourrait-elle invoquer la responsabilité de l’Irak pour le génocide du Kuwait ? C’est la question des contre mesures universelles, nous y reviendront.

B. Pluralités de débiteurs (art. 47)

Quand il y a plusieurs Etats responsables, le droit international ne connait pas de mécanisme de responsabilité solidaire passive, c'est-à-dire que chaque Etat est conjointement responsable pour sa part de dommage. Pas de responsabilité de l’un pour le tout, à charge de cet Etat de se retourner contre les autres Etats. Rien n’interdit d’en établir par traité, c’est rarissime mais cela existe (ex. en matière de protection de l’environnement ou de lancement de satellite.)

L’Allemagne après la 1ère GM paie les dommages que les armées alliées ont causés (pas de la responsabilité solidaire !) Mais elle paie également les dommage causé par l’Autriche-Hongrie, ça c’est un principe de responsabilité solidaire, ce fut créé par traité. Les états sont responsables les uns à côté des autres. On ne répare que la part du dommage que l’on a causé.

Pourquoi n’y en a-t-il pas   ?

1) Parce qu’il n’y a pas de juge obligatoire (motif systémique) 

Ce serait injuste de faire payer un seul Etat alors qu’il n’est pas sûr qu’il puisse obtenir la part de réparation des autres. En droit belge la personne qui doit débourser la somme envers la victime peut ensuite se retourner vers ses codébiteurs responsables et obtenir d’eux la contribution au paiement. Mais en droit international il n’y a pas de juge obligatoire le problème serait donc qu’en cas de responsabilité solidaire on verrais un état payer pour le tout le dommage à la victime (alors qu’il n’en est responsable que pour une partie) et ne pas avoir la possibilité de se retourner contre les codébiteurs. Les états sont donc répugnants à voir naitre un principe coutumier de responsabilité solidaire.

2) Parce que c'est un système qui n’est pas, à ce jour, très attentif aux victimes.

Les états sont donc conjointement (>< solidairement) responsables dans le système actuel.

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3) Accord indemnitaire et renonciation (art. 45)

Souvent, l’obligation de réparer est transformée en une obligation conventionnelle, on négocie un accord par lequel on met en œuvre l’obligation secondaire de réparer. On va créer une obligation primaire qui va exécuter l’obligation secondaire de réparer. L’accord épuise notre responsabilité sauf si l’accord transactionnel n’est pas exhaustif, mais alors cela se discute.

Faut-il en déduire une renonciation implicite ? Généralement, on va dire qu’on ne peut avancer que la victime renonce aux autres réclamations. Toutefois, si l’accord comporte une clause de renonciation explicite, alors elle doit produire ses effets et on ne pourra plus réclamer.

Renoncer à une créance de réparation est toujours possible, même si la règle violée est une règle de jus cogens ! Certains auteurs prétendent le contraire mais leur manière de voir est tout à fait erronée. La règle primaire violée est indérogeable mais la créance de réparation qui en découle constitue une nouvelle obligation et elle ne partage pas la nature de la règle primaire violée. La nature de la deuxième obligation est purement dispositif, ce n’est pas du droit impératif. Ceux qui confondent (ex. les ONG) les deux confondent le droit primaire et le droit secondaire.

ILLUSTRATION : Devant la CIJ il y a un contentieux entre l’Allemagne et l’Italie qui met en cause cette question de renonciation. La question : est-ce que dans le traité de paix de 1947 l’Italie a renoncé pour elle et ses ressortissants de demander des réparations à l’Allemagne ?

Deux questions  se posent dans cette affaire :

- A-t-elle valablement exprimé son consentement ? Ici pas tellement de problèmes, on considère que oui.

- A-t-elle disposé de droits dont elle pouvait disposer ? Deux aspects : o Ratione materiae : Y a-t-il des droits de réparations indisponibles dans

le DIPU ? Non pas de créances indisponibles par nature. De plus même si le fait est illicite on peut renoncer à la réparation (ce qu’on vient de voir).

o Ratione personae : Peut-elle valablement renoncer à des droits qui appartiennent aussi à ses nationaux ? Ici on ne sait pas trop…

Voilà une idée de la façon dont on peut analyser les difficultés qui entourent ces clauses.

4. Fait internationalement illicite et droit des individus (art. 33, §2)

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Page 211: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Est-ce que le fait illicite, qui engage la responsabilité de l’Etat auteur de celui-ci à l’égard d’un individu, peut engager la responsabilité de l’Etat à l’égard de cet individu ? On peut penser que c'est un mécanisme d’Etat à Etat. Est-ce que cette responsabilité existe au niveau coutumier, en l’absence de tout mécanisme institutionnel ? Est-ce que l’individu peut, sans le mécanisme de la protection diplomatique, lui-même mettre en cause la responsabilité de l’Etat ?

Il y a très peu de tribunaux internationaux ouverts aux individus mais sous l’angle des principes comment analyser cette question ?

A. Droit interne

L’individu peut, selon le droit interne applicable, toujours déduire de la commission d’un fait internationalement illicite commis par un Etat une responsabilité interne de cet Etat.

La violation du droit international dont l’individu est victime peut constituer en droit interne un fait générateur de responsabilité.

Ex. La faute, c’est la violation d’une norme internationale par un Etat. Cette violation de la règle de droit international est assimilée à une faute dans le droit interne belge (art. 1382 Cciv.) et donc peut être réparée. Ce qui régira la créance de réparation, c'est le droit civil belge.

La plupart de la jurisprudence en Belgique tend à dire qu’il faudrait une règle de DIPU directement applicable. Et que c’est que si ce type de norme la est violé par l’état belge que la responsabilité de l’état belge pourra être mis en cause.

Si on compare les systèmes juridiques on va trouver que ceux-ci, pour un bon nombre d’entre eux, prévoit que le fait de subir une violation de droit international pour un particulier fait naitre une faute dans l’ordre interne. Voilà pour le droit interne.

B. Droit international

Est-ce que l’Etat a une obligation de droit international de réparer au bénéfice des individus les dommages qui résultent de ces faits internationalement illicites ?

Depuis les années 90 il y a un mouvement en doctrine et dans les ONG, on veut affirmer le droit en droit international le droit des victimes à un recours et à une réparation en cas d’une violation flagrante du DIPU, des droits de l’homme, du DIH…

La commission des droits de l’homme a abouti à un travail qui est devenu une résolution « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations fragrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire » (A/RES/60/147, 16 décembre 2005).

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Dans cette résolution, on rappelle les obligations des Etats de faire respecter les obligations des Etats, mais également le droit des victimes à obtenir réparation et ce droit suppose le droit des victimes à accéder à la justice.

C'est là que le problème surgit vu qu’il n’y a pas de mécanisme institutionnalisé par le droit international. Le seul tribunal accessible est le tribunal national et on retombe dans le cas de figure de 1382. Donc, ce que veut dire cette résolution, c'est que les Etats doivent donner accès aux tribunaux et que les Etats, devant leurs propres tribunaux, ne peuvent contester leur responsabilité internationale qui nait de la commission de fait internationalement illicite.

Cette déclaration est peu déclarative de droit coutumier. On donne à la notion de réparation aux victimes un sens très rependu et assez révolutionnaire (ex le droit des victimes a obtenir la vérité). On va exiger à un régime dictatorial qui a torturé des gens et tué des gens que les gens sachent la vérité. En réalité cela revient à demander un changement de régime. On imagine mal une dictature dire la vérité sur ses crimes et toujours rester une dictature. Donc le droit de la victime à obtenir la vérité sur le crime cela équivaut à un droit pour les victimes de demander un changement de régime. C’est très intéressant tout ceci mais ce n’est pas encore du droit coutumier. Mais la cour interaméricaine des droits de l’homme a plusieurs fois exprimé ce principe de vérité pour les victimes. On est dans un processus de développement de DIPU et pas dans l’émergence d’un nouveau droit pour les victimes.

OÙ EN EST-ON NIVEAU JURISPRUDENCE (INTERNATIONALE ET COMMUNAUTAIRE) ?

Dans L’AFFAIRE DU MUR (CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, §§152-153.)

La CIJ a affirmé dans son avis de 2004 qu’Israël était obligé de réparer les dommages causés à toutes les personnes physiques et morales concernées. Elle aborde donc la question des réparations au profit des victimes. Israël doit réparer en droit international. D’accord, mais les palestiniens n’ont pas accès à un juge international.

Ceci se trouve dans les motifs de la décision mais pas dans le dispositif en tant que tel. Dans le dispositif on lit simplement qu’Israël est tenu de réparer tous les dommages mais on ne dit rien sur les victimes. Alors que dans les motifs la cour dit qu’elle constate que Israël doit réparer les dommages à toutes les personnes physiques et morales concernées, et qu’elle doit donc rendre les oliveraies, terrains etc. qu’elle a exproprié pour construire son mur… et que si cela n’est pas possible Israël devrait indemniser.

La cour paraît donc affirmer un droit au bénéfice des victimes directes en droit international d’obtenir pour ces personnes là la réparation de leur préjudice.

On est face à une situation où des personnes physiques ne sont pas protégées par un état car il n’y a pas d’état palestinien. L’état palestinien ne peut donc pas agir en protection diplomatique. Donc est ce que la cour a affirmé un droit international pour

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Page 213: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

des victimes sans états ou bien la cour a t elle affirmer un droit pour les victimes sans se poser la question que les ressortissants n’ont pas d’état.

Le prononcé de la cour n’est pas limpide à cet égard mais c’est très intéressant car cette affirmation apparaît pour la première fois ici dans la jurisprudence de la Cour. Ce droit pour les victimes ce n’est pas complètement fou, ça semble tout à fait possible. Ca semble d’autant plus normal si la norme de DIPU violée est directement applicable (ex : la plupart des règles du DIH). (Mais quid si la règle n’a pas d’effet direct ? ex. : le crime d’agression ? Ici la question paraît devoir être réglée négativement.)

Se posera aussi la question ensuite d’où mettre en œuvre ce droit   de réparation pour les victimes? Il n’y a pas de juridiction internationale avec compétence générale ouverte au profit des individus. Ca se complique donc ici.

BRASSERIE DU PÊCHEUR, FACTORTAME (CJCE) : Obligation pour les Etats de réparer les dommages que subissent les particuliers en droit communautaire.

Quel juge ? Le juge interne, d’où l’importance d’un droit d’accès à un juge. Le juge interne va connaître de la responsabilité de son Etat, on est devant le juge interne de l’Etat responsable. Ce juge interne va appliquer le Code civil belge de la responsabilité. Le juge interne assure l’effectivité du droit à indemnisation. L’obligation du juge interne est de ne pas mettre à néant l’obligation de réparation de l’Etat auteur du fait internationalement illicite.

La cour va donc ici résonner en deux temps :

1. Elle affirme qu’il existe en droit européen un droit à obtenir réparation pour les individus en cas de violation par un EM des règles de l’UE directement applicable.

2. Ce droit de réparation est mis en œuvre par les individus dans chacuns des ordres juridiques internes des EM.

Le droit à la réparation est consacré par le droit européen mais les individus vont s’adresser à leurs juridictions nationales. Lorsque l’on s’adresse aux tribunaux nationaux pour une violation du droit de l’union, le droit interne de chaque état membre ne peut pas rendre les conditions de l’engagement de la responsabilité de l’état plus difficiles que lorsqu’il y a violation de l’ordre interne.

Le droit de l’union (premier tiret) doit être effectif ! Le droit entre moi et mon état est un droit belge, c’est 1382 qui va régir ma situation pour assurer le respect du droit consacrer par l’UE.

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Section 3   : Autres conséquences

Quelles sont les autres conséquences qui s’imposent en cas de violation du droit international à l’auteur de cette violation et aux autres Etats également ?

§1. Respect du droit primaire et cessation

Ce n’est pas parce qu’on est responsable qu’on ne doit plus respecter le droit primaire violé, c'est l’article 29 sur la responsabilité des Etats qui le rappelle. En droit de la responsabilité, cette obligation se traduit comme étant l’obligation de cesser le fait illicite continu. Le respect du droit primaire est dû à la règle matérielle, la cessation est due à cause du régime de la responsabilité et uniquement lorsque la violation du droit international est continue (obligation secondaire). L’obligation de cesser n’existe que si le fait illicite est continu dans le temps (article 30 a).

Dans L’AFFAIRE DU MUR (CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, §151, §163 (3) B.), c'est par la cessation que la Cour construit l’obligation de démanteler le mur et d’annuler les lois en la matière. La Cour va dire que la présence du mur, son existence même, est un fait illicite international continu. Ce fait doit cesser et pour cela il faut le démanteler. Ce n’est pas une mesure de réparation (contrairement à l’affaire du mandat d’arrêt).

On retrouve donc dans cet arrêt la dichotomie entre droit primaire (§149) et l’obligation de cessation (§151-153). La cour va dire que la cessation de la violation implique le démantèlement immédiat des portions du mur situées sur le sol palestinien. Les dispositions israéliennes à ce sujet doivent être retirées et abrogées. Théorie du retrait d’actes : on le retrouve ici.

L’autorité palestinienne avait argumenté sur la restitution comme forme de réparation. Elle avait dit que pour réparer Israël devait démanteler le mur et retirer les actes israéliens qui permettent cela.

La cour va admettre cela au titre de la cessation et non de la réparation (>< affaire du mandat d’arrêt.).

Pourquoi ? Car dans le cas du mur on est face à un fait internationalement illicite qui est continue et qui existe encore au moment ou le juge se prononce. Alors que dans le cas du mandat d’arrêt le fait illicite avait pris fin au moment ou la cour se prononçait (le type n’était plus ministre).

La cour n’ordonne pas de cesser de construire le mur mais de démanteler le mur.

La Palestine va plaider qu’elle veut le démantèlement au titre de la réparation et qu’on arrête de construire au titre de la cessation. Mais la cour va dire que la cessation englobe le tout, car la présence du mur déjà construit viole de manière continue le droit du peuple palestinien à l’auto-détermination. Le mur est un fait internationalement illicite continu.

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SI le mur avait été entièrement construit cela n’aurait rien changer c’est toujours au titre de la cessation qu’on aurait pu obtenir le démantèlement du mur.

§2. Assurances et garanties de non-répétition

L’auteur du fait illicite peut offrir des assurances et des garanties de non répétition (article 30 b). On va obliger l’auteur de l’agression à payer mais également à démanteler son industrie de guerre, etc. C’est un peu la boite de Pandore, on ne sait pas trop quelles sont ces assurance et quand il faut les ordonner.

Cela se retrouve dans la pratique juridictionnelle de la CIJ. Mais souvent la cour dit qu’il n’y a pas lieu d’en ordonner car l’état qui s’est présenté devant elle a fait amande honorable.

Elle l’a invoqué la première fois dans les AFFAIRES LAGRAND (CIJ, Affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis), 27 juin 2001, §124) ET AVENA (CIJ, Affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis), 31 mars 2004, §150).

Dans ces affaires (concernant des peines de morts), à la fois, l’Allemagne et le Mexique demande des garanties de non répétitions à la Cour. Les USA en offre d’eux-mêmes et donc la Cour ne doit donc pas en ordonner. La cour a considérer que ce que les USA avaient dis à chaque fois suffisait et qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner des assurances.

Ce que l’on cherche avant toute chose, c'est le rétablissement de la légalité.

§3. Violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit international général

Y a-t-il des conséquences spécifiques en cas de violation grave découlant de règles de jus cogens ?

L’article 41 crée pour tous les autres Etats un certain nombre d’obligations :

1. Les Etats doivent coopérer, par des moyens licites, afin de mettre fin à cette violation.

2. Aucun Etat ne peut reconnaître la situation comme licite ou porter assistance à l’exécution de cette violation. Ceci vient de l’affaire de 1971 à propos de la Namibie.

On a déjà parlé de ceci quand on a parlé de l’obligation de non reconnaissance. Par exemple pour l’affaire du mur on peut se poser plein de question : la Belgique peut-elle accorde des licences d’exportation qui vont en Israël ? Certaines ONG disent que non, que les états ne doivent pas prêter aide ou assistance au maintient de cette situation. Dans le cadre d’une guerre d’agression c’est plus clair, on ne va pas permettre que son territoire serve aux états qui veulent agresser un tiers.

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Page 216: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Section 4. Les contre-mesures

§1. Notion et finalités

1. Notion

La victime d’un fait internationalement illicite a le droit d’obtenir réparation de son préjudice, et par ailleurs, elle a aussi le droit d’imposer à l’auteur du fait illicite une sanction, qu’on appelle contre-mesure ( rétorsion ; représailles).

(Attention Jo Verhoeven lorsqu’il parle de contre-mesures englobe la rétorsion et les représailles. Ce n’est pas le cas ici.)

Il ne faut pas confondre contre-mesure, rétorsion et représailles ; ces différents termes ne véhiculent pas la même signification.

A. La mesure de rétorsion

C’est une mesure inamicale mais intrinsèquement licite (ex. suspension d’un traité dans un cas prévu par le traité, rupture des relations diplomatiques, etc.). C’est une réaction à un fait, souvent illicite, et cette réaction elle-même n’est pas contraire au droit. En droit, elle ne pose jamais de problème (sous réserve du problème de l’abus de droit).

B. La mesure de représailles 

Elle est le plus souvent utilisée pour faire référence à des mesures militaires d’autoprotection qui ne correspondent pas à la légitime défense ( action en légitime défense). C'est un emploi de la force armée en réponse à un acte illicite qui est lui-même un acte à connotation militaire.

C. La contre-mesure, par contre, se distingue - de la mesure de rétorsion parce qu’elle est en elle-même intrinsèquement

illicite (mesure qui procède de la violation d’une règle de droit qui va être excusée parce qu’on répond à un autre fait illicite)

- de la mesure de représailles parce que là où la mesure de représailles est armée, la contre-mesure ne l’est pas (c’est une mesure non militaire).

La rétorsion est la sanction la moins forte, ensuite vient la contre-mesure et enfin les représailles.

La contre-mesure est la réaction à un fait illicite premier. Elle est définie comme une circonstance excluant l’illicéité (art. 22 des articles sur la responsabilité internationale des Etats, cf. supra). Ce qui justifie la contre-mesure, c’est le fait illicite initial. L’illicéité d’un fait est exclue si et dans la mesure où ce deuxième fait illicite constitue une contre-mesure (c’est-à-dire une réaction à un premier fait illicite).

Le mot est forgé aux alentours du début des années 1980, depuis une sentence arbitrale de 1978 (CONFLIT AÉRIEN ENTRE LA FRANCE ET LES USA) (Sentence arbitrale, Affaire concernant l’accord relatif aux services aériens du 27 mars 1946

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Page 217: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

entre les Etats-Unis et la France, 9 décembre 1978, RSA, vol. XVIII, p. 483.) ; la notion de contre-mesure remplace la notion de représailles non-armées. Cette notion va ensuite s’imposer dans la pratique internationale et sera enfin reprise par le projet d’articles sur la responsabilité internationale des Etats.

2. Finalités des contre-mesures

A. Raison

Comment se fait-il que l’ordre juridique international en vienne à autoriser cette forme de justice privée ?

En droit interne, cela n’existe pas. Il y a bien l’exception d’inexécution mais ici, les contre-mesures permettent de sortir du champ contractuel ; même s’il n’y a pas de violation substantielle, elles vont permettre à l’autre Etat de violer à son tour une autre règle.

Pourquoi permet-il cette forme d’anarchie, en soi c’est quelque chose d’extrêmement perturbateur ? On l’autorise parce que ce sont les Etats qui le font et qui acceptent de le faire. Les Etats s’accordent mutuellement ce droit de prendre des contre-mesures, tout en en comprenant les dangers, mais ils ne veulent en aucun cas renoncer à cette faculté. En l’absence d’un juge obligatoire, d’un policier mondial, les Etats estiment pouvoir se protéger ultimement de cette manière-là. Toutefois, avec certaines limites, ce droit va être encadré, sinon on tomberait dans un mécanisme extrêmement chaotique, une spirale sans fin.

Les conditions fondamentales relatives à la finalité, l’ouverture et l’exercice des contre-mesures, on les retrouve aux articles 49 à 53 de la responsabilité des Etats (« Objet et limites des contre-mesures »).

B. Conditions relatives à la finalité

1) Il ne peut prendre de contre-mesures (…) que pour amener cet Etat à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la 2e partie.

La finalité, c’est amener l’auteur du fait illicite à respecter ces obligations primaires (et ainsi cesser de commettre le fait illicite), à réparer les dommages qui en résultent et à offrir des garanties de non-répétition. La contre-mesure est une mesure de pression sur l’auteur du fait illicite initial pour qu’il change son comportement. La finalité est légitime, elle vise à obtenir le respect du droit primaire et du droit secondaire.

2) Le §2 de l’art. 49 précise qu’ « elles sont limitées (…) ».

On viole le droit en réponse en violation du fait mais c’est une inexécution temporaire et l’art. 53 le rappelle. Ce n’est pas une mesure définitive, il faut

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Page 218: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

pouvoir y mettre fin. Ces objectifs encadrent déjà la contre-mesure. Dès que l’Etat s’est acquitté de son obligation de cesser le fait illicite, de réparer et d’offrir des garanties, la contre-mesure devra prendre fin, il faut rétablir la licéité. Il faut permettre la reprise des obligations. Il y a une limite dans le comportement réactif.

3) Enfin, la contre-mesure doit être dirigée contre l’auteur du fait illicite initial.

La Cour l’a souligné dans l’affaire GABČÍKOVO-NAGYMAROS (CIJ, Affaire relative au projet Gabčíkovo-Nagymaros, Hongrie c. Slovaquie, 25 septembre 1997, §83).

§2. Auteurs : Etat lésé et autres

Qui peut prendre des contre-mesures ?

C’est en principe l’Etat lésé, c’est celui qui peut invoquer la responsabilité internationale de l’Etat, auteur du fait illicite initial.

Dans les articles sur la responsabilité internationale des Etats, il faut aller voir les articles 42 et 48 (dont la lecture est un peu compliquée). L’art. 42 définit la notion d’Etat lésé et l’art. 48 parle de l’invocation de la responsabilité par un Etat autre que celui visé à l’art. 42. La question va être de savoir si seul l’Etat lésé peut prendre de contre-mesures ou si les autres Etats le peuvent aussi.

1. La notion d’Etat lésé

En principe, seul l’Etat lésé est en droit de prendre des contre-mesures. L’Etat lésé, c’est l’Etat qui souffre du fait illicite initial. L’Etat qui est en droit d’invoquer la responsabilité d’un autre Etat, auteur du fait illicite, c’est celui auquel l’obligation violée est due. Si l’obligation violée est individuellement due à cet Etat, cet Etat est incontestablement lésé.

Dans un traité multilatéral, qui est l’Etat lésé ? Si c'est un groupe d’Etats qui est lésé dans un traité multilatéral, il faut que l’obligation nous atteigne spécialement pour qu’on soit lésé alors que l’obligation concerne un groupe d’Etat, l’Etat lésé sera l’Etat spécialement atteint (ex : un de ses ressortissants à été torturé).

Lorsque l’obligation est due à un groupe d’Etats ou à la communauté internationale dans son ensemble, l’Etat est lésé si la violation de l’obligation est de nature à modifier radicalement la situation de tous les Etats à qui l’obligation est due (renvoi à l’article 60, §2, c) de la Convention de Vienne). Dans ce cas on peut considérer que les autres états dont la situation a été radicalement modifiée, on peut considérer ces états lésés. On vise des obligations interdépendantes, on est dans une situation de réciprocité totale et globale. L’autre ne peut pas bien exécuter son obligation si un des états n’a pas respecté la sienne. Qui, dans le cadre de l’exception d’inexécution, dit qui peut y recourir ? Il s’agit de la situation dans laquelle les obligations sont interdépendantes (ex. traité de désarmement : si un des Etats partie au traité ne désarme pas, les autres Etats, s’ils

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Page 219: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

exécutent leur obligation de désarmement, se trouvent dans une position défavorisée par rapport à l’Etat qui ne le fait pas). S’il y en a un qui le fait, il n’y en a pas un qui est spécialement lésé mais elle modifie radicalement la situation des autres Etats quant à l’exécution de leur obligation ultérieurement. Il y a une réciprocité globale qui est instituée par le traité, chaque Etat est tenu pour tout. Il n’y a pas un Etat spécialement atteint. Dans ces cas-là, vous êtes aussi un Etat lésé (même si pas spécialement atteint) et ils peuvent demander la cessation, des demandes de garanties et prendre des contre-mesures.

D’après ce qu’on vient de voir, on doit en déduire que les autres Etats ne peuvent pas prendre des contre-mesures.

2. Les Etats autres que l’Etat lésé

Cette invocation est visée à l’art. 48. Les autres états peuvent invoquer à des fins particulières la responsabilité de l’état du fait illicite.

Exemple d’obligation intégrale : les droits de l’homme ou les droits de l’environnement.

Cette obligation est due à un groupe d’Etats dans l’intérêt collectif de celui-ci ou elle est due à l’ensemble de la communauté internationale ? Le §2 de l’art. 48 donne la réponse : « ... » La cessation L’exécution de l’obligation de réparation, réparation pas pour lui-même car il

n’est pas lésé, mais l’Etat autre va pouvoir demander à l’Etat qu’il répare au bénéfice de l’Etat lésé.

On ne vous dit pas plus.

03/12/10

La notion d’état lésé s’entend par rapport à une obligation erga omnes. Mais il faut que la violation atteigne cet état. Et les autres états qui ne sont pas lésés ? Ils font partie de la communauté internationale dans son ensemble et il y a une atteinte à cette communauté, à une règle erga omnes mais ces états ne sont pas spécialement visés par cette violation.Les autres états peuvent-ils réagir à ce fait internationalement illicite ?

La réponse se trouve à l’article 48 et 54 du projet.Les états peuvent invoquer la responsabilité pour demander la fin du fait illicite : voir supra.

L’article 54 ne tranche pas la question de savoir si, en plus de savoir ce qu’ils peuvent faire en vertu de 48, ces états peuvent prendre des contre mesures.

Qu’est-ce qu’une mesure licite que les autres états que les états lésés peuvent prendre ?

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Page 220: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Cela semble être l’inverse de la contre mesure : procède pas en elle-même d’un fait internationalement illicite qui répond à un premier fait internationalement illicite.

Dans le projet d’article en 1996, l’auteur a proposé que tous les états de la communauté internationale puissent prendre des contre mesures contre l’état qui serait l’auteur d’un crime au sens de l’époque : violation grave d’une règle impérative. C’est logique : si le crime porte gravement atteinte à l’intérêt de la communauté, ils ont intérêt à agir. Ils ont un titre à venir sanctionner l’état qui viole, par des contre mesures.

Cela s’inspire d’une pratique rudimentaire qui commençait à se développer à cette époque dans les états occidentaux.Dans les années 90 on avait réagi à des violations graves en prenant des contre mesures entre les états auteurs de ces violations. Cela a reçu une opposition de l’ONU assez forte des pays qui ne sont pas des pays occidentaux : le reste du monde (Chine, Russie, PVD,…). Ils étaient soucieux de se mettre à l’abri de ce qu’ils considéraient être comme des exercices de police, de puissance des états occidentaux.

Qui peut réagir à un fait internationalement illicite par des contre mesures ? Il y a une question politique. C’est ca qui se cache la derrière. Prendre des mesures contre un PVD, cela aura un effet effectif contre cet état : il devra revoir la manière dont il agit. Le but de la contre mesure c’est d’amener l’auteur du fait illicite à changer du comportement. Ce type d’arme semble être dans les mains de tous les états en théorie. Mais en pratique, c’est différent. Est-ce qu’un mini pays va prendre une contre mesure contre les US pour leur faire changer de pratique ? Même si elle prend des mesures, qu’elle est sa possibilité d’influencer le cours des choses ?Exemple : Disons que tout le monde peut agir pour le cas de Guantanamo. Peu on réagi.

Si on élargit les conditions d’exercice des contre mesures, on donne un instrument de politique étrangère à ceux qui sont déjà puissants. Il va pouvoir se prévaloir de la légalité internationale…

Très rapidement cette proposition a suscité une vive opposition car elle allait rendre les puissants encore plus puissants et allait confier à quelques uns la sauvegarde d’intérêts collectifs. Le risque c’était que ces quelques uns, au lieu de prendre des sanctions en passant par le conseil de sécurité, ils auraient des instruments de politique étrangère qu’ils pouvaient mettre en œuvre tout seul de leur côté. C’est une réaction décentralisée ces contre mesures. Et c’est très tentant pour des grandes puissances de jouer à la police sans contrôle. Alors que dans l’ONU il y a un équilibre entre les puissances avec les votes etc.

Donc cette proposition a été très froidement reçue à l’AG en 1996. Entre 1996 et 2001, les choses ont été maquillées, comme c’est souvent le cas quand ca pose des questions. On a rendu les choses plus ambigües pour arriver à un consensus.Une partie de la doctrine et des états disent que les mesures licites sont des contre mesures : mesures illicites rendues licites. C’est ca qu’on pense de l’article 54. Si on regarde les travaux, la commission considère ce texte comme ouvert à l’évolution du DI : il permet éventuellement, même si aujourd’hui la pratique n’est pas assez ferme,

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Page 221: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

qu’à l’avenir il y aura possibilité pour les états d’adopter des contre mesures en cas de violations graves de règles impératives.

Si on demande aujourd’hui si la Belgique peut prendre des contre mesures contre un pays qui fait un génocide, il y a toujours moyen de faire des arguments ; c’est la pratique qui dira si c’est permis ou non ; ces contre mesures devront être encadrées par les mêmes conditions auxquelles l’état lésé doit se plier quand il prend des contre mesures.

Cela ne semble pas très clair mais aujourd’hui la communauté internationale n’est pas unanime sur ce point. Des évolutions sont possibles.

Cela explique en grande partie qu’au lieu de régler ce problème des sanctions face à l’illicite, les grandes puissances mettent des CLAUSES DE CONDITIONNALITÉ avec les pays en voie de développement.Par exemple : l’union européenne. Ces clauses permettent, par le jeu de l’exception d’inexécution, par le droit des traités, de suspendre des accords commerciaux. Cela va permettre de sanctionner des états où les droits de l’homme sont violés. Et l’union est poussée par l’opinion publique : c’est nous qui n’allons pas acheter les bananes d’un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme : pression de politique interne. Ce ne sont pas les diplomates mais l’opinion publique.

Ce n’était peut être pas le but initial de l’exception d’inexécution mais c’est l’autonomie de la volonté.C’est une clause conventionnelle qu’il suffit d’appliquer donc cela permet de contourner les contre mesures, de savoir si on est un état lésé ou non, si on peut prendre des contre mesure alors que pas lésé,… Moyen de répondre à la question, même si pour les contre mesures ce n’est pas clair.

Il faut une violation du DI, une réaction dirigée contre l’auteur et une condition de nécessité et de proportionnalité. Il y a aussi des limites intrinsèques.

§3. Les conditions

Il existe deux conditions fondamentales : la nécessité et la proportionnalité.

1. La nécessité   : condition d’ouverture

Les contre-mesures doivent être nécessaires, c’est-à-dire que la violation du DI en réponse à une violation première du DI doit être la seule issue possible pour inciter l’Etat auteur du fait illicite premier à s’acquitter de ses obligations. Nécessaires pour faire cesser le fait illicite.

L’article 43 oblige l’Etat désirant entreprendre des contre-mesures à inviter au préalable l’Etat responsable à cesser le fait illicite et à réparer les dommages résultant dudit fait. Ce n’est que si cette sommation reste infructueuse que les contre-mesures seront autorisées (cfr. affaire du Naulilaa du 31/07/1928). Il faut notifier l’état : lorsqu’il se plaint, l’état lésé doit préciser ce qu’il attend de l’auteur du fait illicite : le comportement à adopter.

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Page 222: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

De plus l’état lésé doit également préciser la forme de réparation qu’il attend de la part de l’auteur.

L’article 52 reprend ces conditions : - il contraint l’Etat souhaitant agir à demander à l’Etat responsable la cessation

du fait illicite - à lui notifier qu’il envisage de prendre des contre-mesures, tout en lui

proposant des négociations.

Tout cela dans le but de satisfaire la condition de nécessité. Si on peut obtenir la cessation sans recourir aux contre mesures, on ne peut pas utiliser les contre mesures. C’est pour ca qu’il faut notifier à l’auteur du fait illicite, il faut lui dire : je suis victime de votre fait, je vous demande de cesser et de réparer et je vous informe que si vous ne le faites pas, je prendrai des contre mesures ; mais il faut offrr à cet état de pouvoir négocier.

En cas d’urgence on peut prendre des contre mesures sans négociation dit l’article.

Recours judiciaire possible ?

On ne peut pas prendre des contre mesures si le différent à cessé et si l’affaire est devant un tribunal : un juge est saisi du différent portant sur la réparation. Pas lieu de faire des contre mesures dans ce cas là, c’est le juge qui va s’en occuper donc cette question de réparation ne demande plus de contre mesure. C’est encore une logique de nécessité.

On peut recourir aux contre mesures même dans le seul but d’obtenir l’indemnisation, dans l’hypothèse où le fait illicite a déjà pris fin, si l’état ne veut pas de bonne foi soumettre le litige au règlement pacifique des différents.

Est-ce que c’est déclaratif de droit coutumier ? Un peu difficile de le dire à l’heure actuelle mais le fait que l’AG l’a voté sans réserve et sans retenue, on peut penser qu’il y a manifestation d’une opinio iuris des états. Il semble que les juridictions se baseront sur ces conditions s’ils sont saisis d’un différend à ce propos.

En outre, l’article 52, §3 impose deux conditions cumulatives à la suspension des contre-mesures  : non seulement le fait illicite doit avoir cessé, mais en plus le différend doit être soumis à un juge ayant compétence pour prendre une décision ayant un effet obligatoire entre les parties. Enfin, l’article 52, §4 précise que ces conditions ne trouvent pas à s’appliquer si l’Etat agissant en contre-mesures n’a pas mis en œuvre la procédure de règlement du différend.

Il est peu évident de déterminer le statut normatif de l’article 52. L’intérêt de l’existence de cette disposition est qu’elle présente sans doute pour l’avenir le droit acceptable, c’est-à-dire une norme déclarative de droit coutumier.

2. La proportionnalité   : condition d’exercice

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Page 223: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

En vertu de l’article 51 du Projet d’articles, les contre-mesures « ne doivent pas être hors de proportion avec le degré de gravité du fait internationalement illicite ou ses effets sur l’Etat lésé ». Le « ou » doit recevoir une acception cumulative. Ce n’est pas toute disproportion manifeste qui doit être sanctionnée, mais tout ce qui n’est pas manifestement proportionné.

Pourquoi tenir compte de la gravité du fait internationalement illicite, si seul l’état victime du préjudice peut prendre contre mesures ? C’est comme ca que les états formulent l’argument ; c’est le signe que tout les états pourraient prendre des contre mesures devant une violation grave.

On donne de cette manière à la contre mesure une portée qui tend à l’assimiler à une mesure e police : on va se protéger mais aussi protéger un intérêt collectif qui aurait atteint à cause du fait illicite grave qui aurait été commis.Si la contre mesure est disproportionnée, pas une circonstance excluant l’illicéité : le deuxième fait illicite restera illicite dans le chef de l’état qui a pris la contre mesure.

Dans son affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie) du 25/09/1997, la CIJ n’a pas retenu le même critère de proportionnalité : selon elle, l’effet des contre-mesures doit être proportionné au dommage résultant du fait internationalement illicite (§ 85). Pour certain, l’insertion de la notion de gravité dans l’article 51 est le signe que l’on puisse prendre des contre-mesures universelles. L’argument ne semble toutefois pas convaincant. La difficulté inhérente à la condition de proportionnalité est de savoir si l’on doit tenir compte de chaque contre-mesure prise par chaque Etat pour apprécier la proportionnalité ou s’il suffit de considérer les contre-mesures dans leur globalité. Il semble que la première solution doive être privilégiée. En conclusion, tout est affaire d’espèce pour voir si la condition de proportionnalité est rencontrée.

3. Limites intrinsèques aux contre mesures

Il y a une liste d’obligations indérogeables, où on ne pourra jamais prendre de contre mesures. Ces règles de DI ne peuvent faire lo’vjet d’une violation au titre de contre mesure.On parle des droits fondamentaux, normes impératives du DI général.Exemple ; on ne peut pas violer les droits de l’homme en réponse à une violation des droits de l’homme (on avait vu ca supra).

La contre mesure ne peut pas consister en un refus du règlement juridictionnel, si on est lié par le traité et que dans ce traité il y a une clause de juridiction. Cet état qui recourt aux contre mesures n’est pas dégagé aux obligations de respects des locaux. C’est la notion de self contained régime. Voir l’affaire des otages de l’amabassade des US à Téhéran.

L’article 50 prévoit que la force armée ne peut être utilisée au titre de contre-mesures (art. 50, a) ; il condamne le recours à des « mesures de contrainte économique ou politique extrêmes visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale ou à l’indépendance politique » du destinataire de la contre-mesure (b), à des comportements portant atteinte à l’inviolabilité diplomatique ou consulaire (c), ainsi qu’« à tout comportement qui déroge aux droits de l’homme fondamentaux » (d) ; enfin, l’article 50 exclut les contre-mesures consistant en des violations de règles de jus cogens (e).

L’article 50, a consacre l’idée selon laquelle les contre-mesures doivent être pacifiques.

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Page 224: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

L’article 50, c renvoie quant à lui à l’affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis c. Iran) du 24/05/1980. Dans cet arrêt, la Cour a désigné le régime diplomatique comme se suffisant à lui-même, c’est-à-dire comme doté de moyens qui, par nature, sont d’une efficacité totale. Ce type de régimes fait référence à la notion des self-contained regimes. La question était de savoir si de tels régimes pouvaient avoir pour objet ou pour effet d’écarter l’application des contre-mesures prévues par le droit international général. La CIJ n’a pas voulu prendre position dans le débat ; elle s’est contentée d’affirmer que même si un Etat prenait des contre-mesures, il devait continuer à respecter la protection diplomatique ou consulaire (§ 86). L’article 50, § 2 stipule en ce sens que l’Etat qui prend des contre-mesures n’est pas pour autant dégager des obligations qui lui incombent. Ce paragraphe 2 pose la question de la nécessité.

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Page 225: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

CHAPITRE 4   : RÈGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFÉRENDS

Section1   :L’obligation de régler pacifiquement les différends

§ 1 - Les principes

Aucune société (en ce compris la société internationale) ne peut exister sans apporter une solution aux différends de ses membres. Traditionnellement, les Etats avaient recours à la force pour régler leurs différends. Néanmoins, cet emploi de la force a été progressivement prohibé pour céder la place à une obligation de régler pacifiquement les différends (art. 33 de la Charte).

Il faut qu’on ait une conception interdisant la guerre pour résoudre les conflits, pour arriver dans le règlement pacifique des différends. Jusqu’en 1928, la guerre est décisoire, le vainqueur impose sa vision au vaincu. Les armes en décideront n’est plus une phrase qu’on peut dire aujourd’hui (voir infra sur l’emploi de la force). L’obligation de régler les différends d’une façon pacifique n’arrive que lorsque la prohibition de l’emploi de la force est acquise.

L’opinion majoritaire considère que c’est le pacte Briand-Kellog qui a introduit la règle coutumière de l’interdiction de recourir à la force.

Aujourd’hui, l’obligation de régler pacifiquement les différends est contenu dans l’article 2§4 et l’article 33 (différents modes de règlements pacifiques des différends).Il ya des différends qui perdurent et qui mettent en danger la paix internationale contenue dans la charte.

Les états ont la liberté de choisir le mode de règlement des différends : ils ont une liberté d’innover. En effet l’article 33 a une liste non limitative. La grande difficulté est de faire le partage entre le règlement politique et le règlement juridictionnel.

Les états peuvent choisir et tout le monde sait que les états préfèrent en général régler leurs affaires entre eux. Personne ne peut obliger à recourir aux juridictions. Car finalement c’est confier le règlement de leur différend à un tiers, ce que les états rechignent à faire. C’est seulement quand on ne peut pas se mettre d’accord qu’on fait appel à un juge. Mais la solution nous échappe : elle appartient au juge. Sinon, on conserve une certaine maitrise de l’échange…

Les seules exceptions à cette prohibition de l’emploi de la force est la légitime défense (collective) et le recours à la force autorisé par le Conseil de sécurité des NU. La renonciation de recourir à la force a du être compensée par l’instauration d’une sécurité collective. La 1ère Conférence de la paix (1899) est convoquée à La Haye par le Tsar de Russie. Elle aboutit à la conclusion de certains accords concernant la guerre et fixe le jus in bello. Parallèlement à cela est signée la Convention sur le règlement pacifique des différends. La 2ème Conférence de la paix (1907) entraine la conclusion d’une série de conventions (les conventions de La Haye) qui développent considérablement le jus in bello et complète la Convention sur le

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Page 226: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

règlement pacifique des différends : on distingue les procédés permettant aux Etats de régler pacifiquement leurs différends même si, au final, cette résolution pacifique dépend de la bonne volonté des Etats.

Il n’y a aucune technique de règlement des différends qui soit obligatoire. Les procédés de règlement pacifique sont uniquement proposés.

1. La liberté de ne rien choisir

Les parties ont ainsi la liberté de ne se soumettre aucune des techniques qui leur sont offertes par le DI. Néanmoins, elles ont l’obligation de négocier de bonne foi la solution à apporter au différend, afin que la Communauté internationale ne pâtisse pas d’un différend qui subsisterait entre Etats.

2. La liberté de choisir

Cette liberté de ne pas choisir implique également celle de choisir. Les parties restent libres de choisir la technique de règlement qui leur plait.

3. La liberté d’innover

Les parties sont en droit de s’accorder conventionnellement sur des systèmes autonomes de règlement pacifique. La seule difficulté est lorsque le problème rencontré n’est pas réglé dans la convention des parties ; il faut dans ce cas retrouver un amont permettant de déterminer les principes – politiques ou juridictionnels – pouvant apporter une solution. Il existe dans ce cas deux risques de confusions :

- Est-on dans du droit national ou international ? Ex. : Tribunal irano-américain : ce sont deux déclarations unilatérales de l’Algérie qui ont établi un accord entre l’Iran et les USA.

- Est-on dans du politique ou du juridique ? Ex. : l’OMC a institué un organisme administratif de règlement des différends mais n’a pas précisé s’il s’agissait d’un organisme politique ou juridique ; selon J. Verhoeven, on est très éloigné d’un organisme juridique, même s’il existe une Chambre d’appel destinée à régler les points de droit difficiles à trancher.

Quid si une partie au différend cherche à obtenir une exécution forcée devant un tribunal ? Le plus simple est de recourir au règlement juridictionnel, puisque la décision juridictionnelle oblige. Celui qui a obtenu gain de cause pourra mener des représailles contre celui qui ne respecte pas la décision.

§2 - Le règlement diplomatique (politique)

Le règlement diplomatique au sens premier du terme est la première catégorie de procédés permettant le règlement pacifique.

Sous réserve des vices de consentement et des causes de nullité des traités, on fait ce qu’on veut pour la négociation diplomatique. Elle se passe entre quatre yeux.

Elle comprend :

- La négociation directe   ;

D’habitude on a des procédures de négociation extrêmement longue (comme pour Lisbonne par exemple), qui sont des négociations internationales avec de nombreuses parties. Le plus souvent la négociation est directe.

Ou bien on a des conférences où les opinions publiques sont conviées également, comme observateurs (comme pour le réchauffement climatique par exemple).

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Page 227: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Mais on est tant d’état aujourd’hui, qu’une négociation bilatérale est beaucoup moins lourde que la négociation multilatérale.

- L’enquête   afin que les Etats de divergent pas sur l’existence même des faits ;

L’enquête vise à régler le différend par le recours à une commission d’enquête établissant les faits. Le règlement nait souvent car les états divergent sur ce qu’il s’est passé.Exemple : ton navire est venu dans mes eaux territoriales : non ce n’est pas vrai.

L’enquête est une institution du règlement diplomatique visée par les conventions de 1899 et 1907 de la Haye et qui visent à régler le différend par le recours à une commission d’enquête établissant le fait.

- Les bons offices   :

ce procédé permet de poursuivre un dialogue qui a été interrompu, un pays tiers va rétablir le contact entre les deux protagonistes ;

Un tiers va remettre en contact les parties au différend. Les parties ne se parlent plus et se tirent la gueule. C va faire les bons offices : il va aller de l’un à l’autre pour essayer de rétablir le contact entre A et B et son rôle s’arrête là. C’est déjà énorme car parfois cela permet que le différend soit réglé par les parties.

Offrir les bons offices n’est jamais un acte inamical. Les états se rendent compte que parfois ils ont intérêt à ce que leur semblable s’en mêle.

- La médiation   :

la médiation implique l’intervention d’un tiers qui propose des solutions au différend (celles-ci ne sont pas obligatoires). Il va proposer des termes du règlement donc c’est plus poussé que les bons offices.

Le médiateur va de l’un à l’autre et en entendant l’un et l’autre, il met sur papier ce qui paraît rencontrer leur adhésion respective : c’est à dire ce que les partis n’arrivent pas à faire.

Les parties en font ce qu’elles veulent : les parties ne sont pas obligées d’accepter.

Il va essayer de faire un accord global pour permettre un règlement du différend.

Exemple : efforts multiples des US pour la paix entre Israël et la Palestine.

C’est un rôle risqué car ne pas aboutir rend manifeste une certaine faiblesse de l’état lui même. De plus, le médiateur ne fait que proposer donc il est à la merci des parties : le crédit du médiateur peut être ainsi exposé. Donc les états n’ont pas toujours envie d’être médiateur.

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Page 228: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- La conciliation   : C’est une forme de médiation aboutissant très souvent à une procédure où les parties exposent leur point de vue et où une sentence non obligatoire est rendue par un conciliateur. On met une commission en place, qui va dégager les termes du règlement. Forme de médiation institutionnalisée.

L’important est de se rendre compte que dans tous les cas (en ce compris enquête car les conclusions doivent être acceptées par les parties), le différend reste dans les mains des parties : elles gardent la maitrise du résultat. Les choses changent quand on passe à l’arbitrage (première forme de règlement juridictionnel).

On constate en dernière analyse que ces procédés n’imposent aucune obligation aux parties. Le règlement diplomatique présente 3 différences avec le règlement juridictionnel :

- La décision juridictionnelle oblige, à condition que les parties aient accepté l’autorité du juge ; - La décision juridictionnelle concerne un différend en droit, et non en politique ; - La décision juridictionnelle aboutit à un règlement selon le droit (= limitation importante).

C’est l’angle de vue qui change : on se trouvera dans le règlement juridictionnel selon que l’on est sous l’angle de droits et obligations ou non. Dans la plupart des cas, le différend est politique, ce qui explique que globalement le règlement juridictionnel soit une exception au règlement diplomatique. Le règlement diplomatique est une technique alternative en Di. En DI, elle est la règle et c’est le règlement juridictionnel qui constitue une alternative. Là où le juge s’impose, c’est là où la teneur de la règle juridique est quasi nulle (cfr. Affaire du Plateau continental). En effet, il est difficile dans ce cas d’arriver à un accord pour les Etats.

§3 - L’arbitrage

Recours à un tiers pour trancher u différend par application des règles de droit international.

L’arbitrage est un type de règlement juridictionnel, toutefois il est important de le distinguer du règlement judiciaire. A l’instar du juge judiciaire, l’arbitre est choisi par les parties. Par contre, le fait que les règles judiciaires ne dépendent pas des parties et soient contenues dans le Statut du tribunal n’existe pas dans le cadre de l’arbitrage : les parties peuvent se référer à un instrument préétabli.

1) Notion et fondement

L'arbitrage a été connu une codification par les Conventions de la Haye de 1899 et 1907. On commence à recourir à l'arbitrage dès 1794 entre les USA et la GB à la suite de l'indépendance des USA. C'est le premier exemple d'arbitrage organisé. L'arbitre règle le litige selon les règles de DI. L'arbitrage prend un essor à la suite des codifications de 1899 et de 1907. On crée une cour permanente d'arbitrage (CPA). Mais ce n'est pas une véritable cour. C’est un secrétariat : structure matérielle pour que les états puissent régler leurs différends.

C'est une liste d'arbitre : quatre par Etats ayant signé ces deux conventions. Cette cour est un secrétariat qui administre les litiges qui leur sont soumis. Mais on peut aller devant d'autres arbitres. En matière de commerce par exemple. On peut même tout reprendre de zéro, mais c'est une perte de temps.

Pas une cour car pas de juge : il y a une liste d’arbitre comme un secrétariat.

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Page 229: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Grand creux dans la Guerre Froide mais actuellement, grand regain d’activité. Cela peut être également des différends entre des états et des entités privées (par exemple des investisseurs).Ou également un mouvement de libération nationale du sud soudan. Il y avait un contentieux pour savoir quel territoire serait soumis au referendum : différend de nature territoriale. C’est un arbitre qui a tranché cela.

2) Fonctionnement

- Soit les parties font appel à un arbitre lors d'un différend ; - soit, dans un traité, les parties décident, par une clause compromissoire, qu’en

cas de litige relatif à ce traité, elles feront appel à un arbitre.

L'arbitrage est soumis à une seule règle : la liberté des parties. C’est le consentement des parties la base de l’arbitrage.

Les arbitres tranchent le différend par l'application des règles de droit. Ils tiennent leur compétence soit de l'accord arbitral (c'est-à-dire de l'accord survenu après un litige), soit d'une clause compromissoire. Les arbitres statuent sur leur compétence.

Il y a des règles préconstituées pour faciliter l’application de l’arbitrage. Celles de la CPA ou des nations unies.Le plus souvent ce sont des collèges arbitraux : chaque partie désigne un arbitre etc. plein de formules pour constituer un tribunal arbitral. C’est très rare quand l’arbitrage est le fait d’une personne unique. Le pape a déjà été saisi pour rendre une sentence arbitrale.

3) Autorité de la sentence

A. ObligatoireLa sentence arbitrale est obligatoire car il y a un accord compromissoire et car la solution énoncée par l'arbitre est le reflet du droit applicable.

B. Voies de recoursEn principe, il n’existe pas de voies de recours. Toutefois, il existe une exception et ce dans l’unique hypothèse où cela est prévu dans l'accord arbitral.

C. InvaliditéLa sentence peut être soumise à certains cas d'invalidité. Exemple : si l'arbitre statue en dehors de ses pouvoirs ; si l'arbitre a dérogé à une règle élémentaire de la bonne conduite d'un différend (non respect des droits de la défense, ..). S'il existe un contentieux quant à la validité, c'est un nouveau consentement qui nait.

4) Intérêts de l’arbitrage- La rapidité- La spécialité - La CIJ ne connait que des différends entre Etats. Dès lors, si un pays a un différend avec une

autre entité non étatique – une province par exemple – alors il ne peut aller devant la CIJ et doit dès lors se tourner vers l'arbitrage.

Exemple : le Soudan et une des ses provinces avaient un différend, ils ont été devant un arbitre.

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Section 2   - La CIJ

§1 - Notions

La CIJ est le juge des NU. Il s’agit d’une construction en dehors des juridictions internationales. Elle est la juridiction de droit commun des rapports internationaux, car elle est la seule à ce jour à être permanente et à être virtuellement compétente pour toute matière à l’égard de tous les Etats sans restriction aucune. Bien entendu, l’autorité de sa décision repose au final sur le bon vouloir des Etats.

Elle a succédé à la CPJI créée en 1920. Dans le pacte de la société des nations, on envisage la création de cette cours et un an plus tard, en 1920 elle est instituée. Elle est en lien avec la société des nations : pas un organe comme la CIJ mais on lui confie quand même des responsabilités comme rendre des avis consultatifs.

Il y a une grande continuité d’inspiration car le statut de la CIJ est un copié collé du statut de la CPJI. Et la cour cite encore aujourd’hui la jurisprudence de la précédente. Ce sont les mêmes locaux.En 1945, on veut remplacer la CPJI par la CIJ et insérer le texte à la charte. Tout état membre des NU, parce qu’il est partie à la charte, est également parti au statut de la CIJ.

Le règlement juridictionnel reste marginal en l’absence de juge obligatoire. De plus, les Etats sont instinctivement attachés au règlement diplomatique. Tout comme il ne peut y avoir une deuxième organisation comparable à l’ONU, Il ne peut y avoir un deuxième juge comparable à la CIJ, car cela aboutirait à des conflits de jurisprudence.

La différence essentielle entre la CPJI et la CIJ est que la première a été créée par un traité distinct du Pacte de la SDN ; son statut n’est donc pas précisé dans le Pacte lui-même ou en annexe de celui-ci. La CIJ est, par contre, un organe judiciaire des NU présenté dans la Charte des NU comme telle (art. 92 Charte). Son statut étant annexé à la Charte, tout Etat qui adhère à la Charte des NU devient partie à la Cour (art. 1 er

Statut).

Le statut de la CIJ est pratiquement le même que celui de la CPJI, ce qui entraine une certaine continuité de juridiction.

On ne peut donc pas être membre des NU sans être liée par le statut de la cour.

§2 - L’organisation

1) La composition

A. Les juges

La représentation de la Cour est une question centrale : le juge doit représenter avec le justiciable un lien suffisant pour pouvoir être crédible. En d’autres termes, il faut une composition suffisamment représentative de tous pour que le justiciable n’ait pas

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Page 231: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

l’impression d’être jugé par un étranger. C’est ce que l’on appelle la « problématique de la compétence universelle ».

A ce jour, il y a 192 juges d’Etat. En 1915, la Cour était composée de 11 juges. Ce nombre a été porté à 15 en 1963, en raison du nombre de plus en plus important d’Etats au sein de la Communauté internationale. C’est un nombre qui vise les diverses régions et traditions juridiques du monde, et qui comprend les juges des 5 Etats membres permanents du Conseil de sécurité, même si cette faveur n’est pas inscrite comme telle dans la Charte (ce n’est pas une règle coutumière mais une pratique).

La cour est composée de 15 juges. Ils sont élus comme magistrats indépendants sans regard de leur nationalité, vu leur considération morale. Il faut cependant un peu limiter cette info sur la nationalité. Ils sont indépendants c’est vrai mais depuis les années 60 et la décolonisation, il y a une répartition géographique équitable entre les différentes régions du monde.On va partager les 15 juges en sous groupes régionaux et si on veut, suivant une appellation de la guerre froide, le groupe des états occidentaux et autres états (US, Australie, NZ) a cinq juge et il y a toujours un britannique, un français et un américain depuis les années 60. C’est comme ca que cela marche.

Cela permet quand même un peu de relativiser l’info du statut qui dit que l’élection a lieu sans égard à la nationalité. Cela reflète un équilibre de puissance.

B. Répartition géographique

La répartition entre les différentes régions est plus ou moins artificiellement constituée d’un certain nombre de postes : ex. : on a raccroché à l’Europe Israël et la Nouvelle-Zélande. On constate que la part de l’Europe dans la représentation de la CIJ est de plus en plus réduite, et ce en raison de l’émergence de nouveaux Etats.

Le juges sont nommés à la fois par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité, dont les voix sont additionnées (il ne faut pas obtenir la majorité au sein de l’Assemblée et au sein du Conseil, mais uniquement dans l’addition des voix de ces deux institutions). Leur mandat a une durée de 9 ans ; la Cour est renouvelable pour 1/3 tous les 3 ans. A la cour suprême des US, on meurt juge : on est nommé à vie donc c’est un signe d’indépendance.

Ici, les juges ne sont pas nommés à vie donc cela permet aux états de garder un certain droit de regard sur les juges. Exemple : De Vischer était le juge belge mais ca fait des années qu’on a plus de juge belge car dans une affaire il avait voté contre les états latino américains donc lors de l’élection ceux ci ont voté contre lui et il a perdu son mandat.

Mais le fait que les états touchent encore aux juges et à la cour montre qu’ils s’y intéressent donc c’est pas mal non plus.

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Page 232: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

C. Juge ad hoc

A coté des juges permanents existent des juges ad hoc (art. 31) : ce sont des juges qui ne sont désignés que pour une affaire particulière par les Etats qui n’ont pas parmi les 15 juges leur propre juge national.

Lorsqu’on n’a pas de ressortissant à la cour, on peut demander un juge ad hoc : il aura une oreille attentive à vitre cause et à égalité des autres juges, il pourra attirer l’attention de la cour.

Si aucun des deux états n’ont de ressortissant dans la cour, on peut arriver à une composition de 17 juges car il y a un juge ad hoc pour le demandeur et un autre pour le défendeur.

On peut désigner un juge français alors qu’on n’est pas français. Le juge ad hoc n’est pas élu par les NU mais désigné par le demandeur ou défendeur.

Exemple : Jo Verhoeven était le juge ad hoc pour la RDC à l’époque alors qu’il n’était pas congolais du tout.

Cette faculté de désigner un juge ad hoc est une réminiscence de l’arbitrage, mais cela répond également a un besoin technique : il est nécessaire pour la Cour d’avoir un juge plus averti qui connaisse mieux le droit national du justiciable.

En principe, le juge ad hoc, tout comme les autres juges, est indépendant : il n’est pas l’avocat de l’Etat qui l’a désigné. Néanmoins, en pratique, il est difficile pour les juges de faire preuve d’une totale indépendance et il est rare qu’ils ne votent pas dans le sens de leur Etat (on ne compte qu’une exception à ce jour). Signalons que les Etats parties peuvent également convenir de désigner un seul juge commun.

2) L’administration et le siège

La CIJ est installée à La Haye depuis l’origine, car un certain Carlier y a fait don d’un terrain pour bâtir le siège de la Cour. Elle est financée par les NU. La Cour fonctionne avec l’aide d’un greffier, qui joue un rôle considérable. Elle est dotée d’un président (actuellement un japonais) et d’un vice-président. En principe, la Cour siège en séance plénière pour une question de représentativité. Il existe toutefois une exception : les Chambres.

3) Les chambres

Des Chambres à 5 juges permettent d’avoir une composition un peu plus réduite de la Cour. Autrefois composée par les Etats, les Chambres sont désormais composées par la Cour. Cela explique que les Etats n’y recourent que plus rarement.Ex. : Chambre spécifique aux matières d’environnement.

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§3. Compétence consultative

Transforme la cour en conseiller juridique des états membres des NU.Article 96 de la charte et 65 du statut.

1) Saisine

N’importe quelle question juridique peut être posée par l’AG ou le conseil de sécurité à la cour. On ne dit donc pas secrétaire général. Lui, il ne peut pas demander un avis consultatif à la cour. Sauf s’il est habilité à cette fin par l’AG, ce qu’elle a toujours refusé jusqu’à présent. Seuls le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale peuvent de plein droit demander des avis. A côté de cela, les autres organisations liées aux NU peuvent demander des avis, mais uniquement sur autorisation de l’Assemblée générale.

Toutefois, l’Assemblée générale n’a pas étendu cette possibilité, dans la mesure où les Etats ne voulaient pas se voir attraits devant la CIJ par le biais d’organisations. Le contrôle étroit de la possibilité de demander des avis a eu pour résultat d’exclure toutes les organisations autres que le Conseil de sécurité ou l’Assemblée générale.

2) Objet (96, §2)

S’ajoute à cela une restriction supplémentaire : la demande d’avis ne sera recevable que si la question juridique est posée « dans le cadre de l’activité » de l’organisation qui l’a soulevée.

Ex. : dans son avis consultatif du 8/07/1996 sur la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé (OMS), la CIJ a accepté la question posée par l’Assemblée générale, mais pas celle soulevée par l’OMS qui n’avait pas compétence en la matière.

Cela montre bien que la Cour entend enserrer strictement son pouvoir d’avis.

En vertu de l’article 12, l’AG ne peut pas agir tant que le CS est saisi d’une question. Mais une question à la CIJ n’est pas une recommandation au sens de l’article 12. Donc l’AG peut poser une question même quand le CS est saisi du différend ou de la situation. C’est pour cela que la cour a accepté de répondre à la question de l’AG dans l’affaire du mur ou dans l’affaire du Kosovo alors que c’était des situations dont le conseil de sécurité s’occupait déjà.

3) Portée de l’avis

L’avis n’a pas de portée obligatoire : les parties peuvent le considérer comme dépourvu de fondement. Néanmoins, les OI peuvent éventuellement s’engager par avance à respecter les avis. Une telle pratique ne semble pas acceptable, puisqu’elle a pour conséquence de donner un caractère obligatoire à une décision à laquelle on n’a pas voulu conférer une telle portée. Malgré tout, ces engagements à respecter les avis sont tolérés dans la pratique. Contrairement à l’arrêt, l’avis n’est pas susceptible d’exécution forcée.

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Une dernière précision doit être apportée : il est toujours possible pour la Cour de ne pas donner suite à un avis. Le fait que la question soit politiquement importante ne change rien à cela. La cour affirme qu’elle a le droit de ne pas répondre si elle découvre des raisons décisives qui justifient qu’elle ne réponde pas.Jusqu’à présent on ne sait pas ce que veut dire une raison comme cela mais la cour rappelle qu’elle se réserve l’éventuelle possibilité de ne pas de prononcer. Car dans le statut on dit que la cour « peut » prononcer in avis.Cela amènerait par exemple la cour à exposer trop ses positions judiciaires.

Dans l’avis du Kosovo en 2010, on voit que les juges qui disent que la cour ne doit pas répondre à la question, ce sont ceux qui n’aiment pas le résultat, à par un juge. Ceux qui disent que la cour a tort de dire que cela ne viole pas le DI disent que la cour n’aurait du rien dire du tout.Car le silence vaut mieux qu’une réponse selon ces juges là.

Si la cour répond, elle rend un avis, comme son nom l’indique : avis consultatif donné à l’organe ou institution qui a posé la question.Ce n’est qu’un avis donc l’AG en fait ce qu’elle veut, tout comme les états membres. Mais comme c’est un avis juridique raisonné en droit et appuyé sur le DI fait partie de la jurisprudence de la cour et ce que dit le juge est présumé être le droit. Au sens strict cela ne lie pas mais c’est autre chose qu’une opinion juridique d’un état ou d’un journal. Cette opinion juridique a un poids, quand bien même ce n’est pas juridiquement contraignant.C’est la position de l’organe judiciaire des NU par rapport à la question posée et en général on tient ca comme l’état du DI dans son activité.

Le secrétariat général des NU va ensuite toujours citer l’avis de la cour et agir selon cet avis. Par exemple l’avis sur le mur : cela engage en quelque sorte toute l’organisation donc on va agir comme le dit la cour.

C’est la partie de la cour la plus visible médiatiquement. Kosovo, le mur et la Namibie en 1971, ce sont des affaires très médiatisées et c’est sans doute dans ce rôle là que les états aiment garder au sein de la cour des juges à eux. Mais en soi ils s’en foutent qu’un juge trace une frontière entre deux mini pays inconnus. Mais cette fonction ci est éminemment politique (répond à des questions des organes des NU) et cela explique que les états tiennent de façon importante à leurs juges.Exemple : quand la cour se prononce sur les armes nucléaires, certains états ont plus d’intérêt que d’autre.

Cela ne veut pas dire que la cour n’est pas indépendante et est partiale. Mais on va aimer que nos positions soient défendues. Assure que le discours juridique prend place dans le discours politique.

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§4. La compétence contentieuse

Cela répond le plus à la notion de cour. La compétence est réglée par le Statut de la Cour inséré dans la Charte. Le système est analogue à celui des juridictions internes. Sa seule particularité est que la juridiction de la CIJ est non obligatoire : il y a une certaine fragilité du juge qui dépend du bon vouloir des parties. La compétence contentieuse de la Cour est la plus classique. Il s’agit de la compétence de trancher par voie de décision obligatoire le différend soumis par les parties. Cela n’a rien d’original.

Attention il faut distinguer la compétence ratione personae et materiae de la cour.

1) L’accès à la cour

« Entre Etats » : le prétoire de la Cour est réservé aux Etats.

A. Etats membres

Du seul fait d'être membre des NU, vous êtes liés par la Charte et par le Statut de la Cour. Tous les EM ont accès à la Cour. Ca ne veut pas dire pour autant que la Cour a une compétence vis-à-vis de ces Etats !

B. Etats tiers

En vertu de l'article 93 de la Charte, les Etats tiers peuvent accéder à la Cour pour autant que le Conseil de sécurité les autorise.Exemple : la Suisse, pendant longtemps, était un Etat tiers, mais avait adhéré au Statut. L’AG avait fixé les conditions selon lesquelles elle pouvait agir (résolution n°6 de l’AG).

Ceci a posé problème dans une affaire : voir prochain cours.

06/12/2010

Rappel   :   Compétence rationae personae 

Question de savoir qui peut saisir la Cour d’un différend. La CIJ est une Cour interétatique, les individus et les organisations internationales n’y ont pas accès. En matière contentieuse, seuls donc les Etats ont accès à la Cour. Seuls les EM des NU ont accès ; les Etats tiers y ont accès dans les conditions fixées par la 6ème Résolution (art 33 Charte, 34 Statut). La question de la compétence rationae personae est sans objet à l’heure actuelle en ce sens que pratiquement tous les Etats sont membres des NU. Donc, à ce jour, sous réserve du Kosovo, tous les Etats sur la surface du globe font partie des NU (pas le Vatican, mais est ce un Etat ou non ? Cela suscite des hésitations).

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AFFAIRE BOSNIE - YOUGOSLAVIE

La Bosnie saisit la CIJ quand la Guerre a lieu entre la Bosnie et la Serbie sur base de la Convention contre le génocide, accusant la Serbie d’être l’auteur d’un génocide.

Difficulté   : tout au long de la guerre qui a ravagé l’ancienne république socialiste fédérative de la Yougoslavie, des nouveaux états viennent à l’existence. Ils deviennent indépendants et sont des Etats nouveaux qui naissent sur les décombres de l’ex Yougoslavie. Un Etat continue d’exister et prétend continuer la personnalité juridique de l’ancienne République socialiste de Yougoslavie : République fédérale de Yougoslavie qui est composée de la Serbie et du Monténégro. La Yougoslavie réduite à la République prétend continue la personnalité juridique de l’Ancien Etat (République fédérative de Youg). C’est le SEUL Etat qui dit qu’il continue de la personnalité juridique de l’ancien Etat.

Cette prétention n’a pas été acceptée aux NU qui ont considéré que la Serbie Monténégro (république fédérale de Yougoslavie) ne pouvait prétendre continue la personnalité juridique de l »ancien Etat yougoslave et comme les nouveaux Etats nés sur les décombres de l’ancienne Yougoslavie, cet Etat là était aussi nouveau et devait demander son adhésion aux NU. Pendant pratiquement 10 ans, situation d’un Etat (qui est aux NU) qui existe comme Etat mais suspension de la participation au fonctionnement de l’ONU (dans l’attente d’un règlement de la guerre civile). C’est une situation ambiguë.  En l’an 2000, ce flou prend fin car Milosevic est battu pendant les élections présidentielles et est remplacé par un régime démocratique. Milosevic cède donc le pouvoir à ce régime démocratique qui va demander l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux NU. Donc, officiellement, la politique de ce qu’il reste de la Yougoslavie (serbe) change du tout au tout car tout d’un coup, le gouvernement de cette république (…)

On a donc une république fédérale de Yougoslavie qui avant l’an 2000 prétend être le continuateur de la République socialiste et après l’an 2000, est l’Etat successeur (comme la Croatie, Bosnie, macédoine…). Cet Etat va changer de nom et s’appeler Serbie et Monténégro (ce dernier va devenir aussi indépendant). Processus de dislocation compliqué ! Important de voir qu’en 2000, Etat nouveau membre des NU.

Difficulté   : dans l’affaire Bosnie, Yougoslavie, en 1994, l’affaire est introduite par la Cour par la Bosnie contre la République fédérale de Yougoslavie (ensemble qui reste de la Yougoslavie). Et en 1994, ce qui reste de la Yougoslavie, cet ensemble, considère qu’il continue la personnalité juridique de l’ancienne République socialiste et donc il est effectivement membre des NU. Action dirigée à l’époque donc devant un Etat qui prétend être membre des NU. La Cour, en 1996, va statuer sur des exceptions d’incompétences, soulevées par le défendeur. Elle va dire qu’elle est compétente pour connaître du différend. Il y a donc une décision revêtue de la force jugée par laquelle la Cour considère que les conditions de sa compétence sont rencontrées : défendeur qui a accès à la Cour comme Etat des NU. A l’époque, aucun des deux Etats ne prétend qu’il n’est pas membre des NU ( NB : la Bosnie ne dit pas que l’ex Yougoslavie n’est pas membre, sinon il se tirerait une balle dans le pied !).  Donc sur la question de la compétence personnelle, décision revêtue de force jugée. A côté de cela, naît un autre contentieux devant la Cour :

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Page 237: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

AFFAIRE ENTRE LES EM DE L’OTAN ET LA RÉPUBLIQUE DE YOUGOSLAVIE (GUERRE DES BOMBARDEMENTS DE L’OTAN PENDANT LA GUERRE DU KOSOVO), 1999 :

Une affaire entre les Etats membres de l’OTAN et la république yougoslave. C’est l’affaire des bombardements de l’OTAN pendant la guerre du Kosovo. En 1999, il a une opération militaire des Etats membres dirigée contre la Yougoslavie. Là une action est introduite par la Yougoslavie pas contre l’OTAN (qui n’a pas accès à la Cour) mais contre une dizaine d’Etats membres qui ont accès à la Cour. A ce moment, la Cour est saisie d’un différend entre un Etat qui prétend être membre des Nations-Unies et d’autres Etats qui sont incontestablement membres des Nations-Unies. La Cour se prononce sur sa compétence en 2004. Une exception d’incompétence consiste à dire à la Cour qu’elle ne peut pas connaître du différend parce qu’au moment où la Yougoslavie a introduit cette action, elle n’était pas membre des Nations-Unies et que la compétence de la Cour s’apprécie au moment de l’introduction de la demande, et pas au moment où la Cour statue. Or, en 2000 seulement la Yougoslavie devient membre des Nations-Unies.

La Cour en 2004 déclare qu’elle est incompétente pour connaître du différend dans l’affaire Kosovo. En 1996, elle dit qu’elle est compétente, en 2004 elle dit qu’elle est incompétente. La Yougoslavie revient alors devant la Cour et demande la révision de l’arrêt de 1996. Il y a une procédure en révision visée par le statut (article 61), cfr infra.

La Cour rejette cette demande en révision car elle considère qu’il n’y a aucun élément nouveau inconnu au moment où elle statuait en 1996.

La Cour se prononce alors sur le fond en 2007 et revient quand même sur la question de sa compétence. Elle consacre de longs développements à la question de savoir si, en 2007, elle peut ou non connaître des différends entre Serbie et Monténégro.

Quelle est la solution de la Cour à cet égard ? En 2007, elle considère qu’elle est liée par son arrêt de 1996 et qu’en 1996 elle a dit qu’elle était compétente et qu’en 2007 elle ne peut pas se contredire : la Cour connaît de l’affaire.

Ca peut paraître étonnant, dans un cas la Cour refuse de connaître d’une action et dans l’autre elle prétend être liée par l’arrêt de 1996.

La Cour justifie la solution à laquelle elle aboutir et pour donner de la cohérence à une jurisprudence qui, regardée naïvement, paraît contradictoire. Est-ce que face à un événement historique aussi grave que la guerre en Bosnie, face à une délégation de crime massif, la Cour pouvait détourner le regard et ne pas dire que ce qu’elle avait dit en 1996 continuait à valoir en 2006 ? On peut comprendre que la Cour ait eu ce raisonnement de retenir sa compétence. Ce qui est choquant dans cette affaire n’est pas la continuité entre 1996 et 2007, c’est l’affaire qui vient se greffer dessus, l’affaire des pays de l’OTAN. C’est là qu’on voit une certaine contradiction. Mais dans l’affaire Bosnie-Yougoslavie, la logique de la Cour se tient.Il y a incontestablement des choix de résultat habillés par un discours juridique qui se tient.

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Page 238: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

2) Compétence ratione materiae

A. Fondement

Une fois qu’on a un demandeur et un défendeur qui peuvent comparaître devant la Cour (question qui vient en amont), il faut encore que ces deux Etats aient accepté la compétence de la Cour par rapport à l’objet du différend. Il n’y a pas de juge obligatoire en droit international. Ce n’est pas parce qu’on est membre des Nations-Unies que la Cour a une compétence obligatoire à notre égard. Oui, potentiellement, on peut lui soumettre des différends, être attrait devant la Cour. Mais il faut encore qu’on ait consenti à sa compétence à propos de l’objet du différend. Il ne suffit donc pas d’être membre des Nations-Unies pour être soumis à sa compétence car la compétence c’est à la fois ratione personae et materiae.

Pourquoi faut-il ceci ? Car les Etats sont souverains, les Etats n’ont pas, de manière absolue et immédiate et automatique, accepté de soumettre leurs différends à un juge international.

Dans l’UE, la Cour du Luxembourg est obligatoire, notre consentement au traité fondateur emporte soumission à la compétence de la Cour. C’est parce que le traité de l’UE existe que la Cour est compétente à notre égard.

En droit international, il n’y a un juge que pour autant qu’on l’ait accepté. La question est donc de savoir comment les Etats ont-ils accepté la compétence de la Cour internationale de justice ? De quelle manière les Etats expriment-ils ce consentement de la compétence ratione materiae ?

B. Modes d’expression du consentement :

On ne se demande pas pourquoi ils acceptent la compétence, mais comment ce consentement peut-il être exprimé.

1. Compromis occasionnel/ad hoc 

Il y a un différend entre deux Etats, leur diplomate tente de négocier, n’arrive pas à résoudre le différend. un Etat demande à l’autre d’aller devant la CIJ pour trancher le différend, l’autre lui répond que c’est une bonne idée. Un accord est signé, qui s’appelle un compromis occasionnel, par lequel on soumet à la CIJ par accord le différend. c’est un accord entre Etats par lequel on conclut un compromis, par lequel on soumet le différend à la Cour. On demande à la Cour de répondre à telles questions et la Cour y répondra. On peut imaginer n’importe quel compromis. Par exemple, dans l’affaire continentale de la mer du nord (Allemagne, Danemark et Pays-Bas).

Arrêt   : on se demandait quelle était la règle de droit international pour déterminer l’étendue du plateau continental.

Plein d’affaires sont introduites par compromis. Les Etats qui n’arrivent pas à s’entendre envoient la patate chaude à la Cour. Parfois ça arrange très bien les Etats de se débarrasser de ce problème et de le confier à un tiers (le juge).

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Page 239: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Là, le différend existe, il est né et actuel et les Etats s’entendent par un accord, et on notifie cet accord à la Cour.

2. Forum prorogatum 

Une autre manière, toujours dans la même logique d’un différend né et actuel, c’est le forum prorogatum. L’Etat ne doute que le défendeur accepte la compétence de la Cour. Le consentement dans la compétence de la Cour n’existe pas au moment où la requête est introduite, il vient après. Dès le moment où le consentement est donné, l’affaire est inscrite au rôle et la Cour sera compétente. L’accord est formalisé après la démarche effectuée par le demandeur contre le défendeur. Deux affaires ont été introduites comme ça, dans lesquelles l’Etat défendeur (France) a accepté la compétence de la Cour.

La Cour a tranché l’affaire Gibouti-France en 2007 et Congo-France devait être plaidé aujourd'hui mais le Congo a retiré l’affaire il y a 15 jours.

Pourquoi un Etat accepte-t-il la compétence de la Cour alors que rien ne l’y oblige ? Pour de multiples raisons, souvent de la politique interne. La France veut jouer le jeu du règlement pacifique des différends, la France considère qu’elle a un bon dossier et qu’elle ne va pas perdre, car le ministère français des affaires étrangères veut glisser une peau de banane sous les pieds des juges d’instruction français. Oui il y a un jeu entre pouvoirs ! Devant la CIJ, c’est l’exécutif qui représente l’Etat pour des faits commis par les juges. Il n’est pas certain que les diplomates soient heureux de ce que font les juges, souvenons-nous de l’affaire des mandats d’arrêt.

3. Clause compromissoire 

Elle se trouve dans un traité, par exemple, dans le traité sur le génocide. Dans un traité, il y a une clause finale qui dit qu’en cas de différend à propos de l’application ou l’interprétation de ce traité, si les Etats ne parviennent pas à se mettre d’accord, l’un d’entre eux pourra saisir la Cour. Mais il faut que l’objet du différend porte sur le traité. Dans la convention de Viennes, une clause compromissoire donne compétence à la Cour à propos des prétentions de violation du traité par violation du ius cogens. Actuellement, il y a un différend devant la Cour entre la Géorgie et la Russie, à propos de la guerre de l’été 2008. La Cour est-elle compétente pour connaître de ça sur la base de la convention sur la discrimination raciale ? La Cour aura à se prononcer début 2011 pour savoir si l’objet du différend rentre dans la clause compromissoire de la convention de 1965.

On a beaucoup de traités qui confèrent compétence à la Cour, soit des traités multilatéraux, soit des traités bilatéraux, soit de grands traités multilatéraux qui ont pour objet le règlement pacifique des différends. On a deux traités à cet égard : le pacte de Bogota (1948) entre les Etats d’Amérique latine, dans le cadre de l’organisation des Etats américains. On a, dans le cadre européen, la convention de 1957, convention européenne pour le règlement pacifique des différends. C’est une convention conclue dans le cadre du conseil de l’Europe qui permet aux Etats

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européens, entre eux, quand ils ont un différend postérieur à l’entrée en vigueur du traité entre les Etats, d’aller devant la CIJ.

4. Clause facultative de juridiction obligatoire :

- Principe  

Article 36§2 des statuts de la CIJ. Cet article est une clause qui nous vient du statut de 1920 et qui est le résultat d’un compromis entre les Etats qui souhaitaient une juridiction obligatoire à tous égards, permanente, et ceux qui refusaient le principe de la compétence obligatoire. C’est une clause facultative de juridiction obligatoire, et tout est dans cette appellation. On n’est pas obligé de souscrire cette clause, mais si on y souscrit, la Cour a une compétence obligatoire.

Comment ça fonctionne ? C’est une déclaration qu’un Etat peut faire à n’importe quel moment, donc après l’entrée en vigueur du statut, quand il le souhaite, par laquelle un Etat reconnait comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale la compétence de la Cour à l’égard de tout autre Etat acceptant la même obligation. La phrase est fondamentale ! J’accepte la compétence de la Cour, et je le fais purement et simplement, ou bien sous condition de réciprocité. Ca peut être pour un délai déterminé. On peut moduler notre acceptation, et peut également la moduler ratione materiae (accepter la compétence de la Cour pour tous les différends sauf, par exemple, les différends maritimes).

- Fonctionnement  

Comment est-ce que ça fonctionne ? La compétence de la Cour est consensuelle, il faut que l’objet du différend ait fait l’objet d’un consentement de la part des deux Etats qui sont potentiellement en cause. On a un Etat A qui accepte la compétence de la Cour pour tous les différends. Imaginons l’Etat gentil naïf qui y croit (attention, il y en a !). On est l’Etat B et accepte la compétence de la Cour pour tout sauf pour les différends maritimes.

Hypothèse simple   : A assigne B devant la Cour pour une question de délimitation maritime. Est-ce que la Cour est compétente ? Non car B n’a pas accepté la compétence de la Cour en toute matière.

Admettons maintenant que B assigne A devant la Cour pour une question qui n’a rien à voir avec la mer, la Cour est compétente.

Si B assigne A devant la Cour pour une question de délimitation maritime, la Cour est-elle compétente ? Non, A a souscrit sa clause facultative connaissant le consentement de B. A peut soulever la réserve de B et décliner la compétence de la Cour.

Mais A pour, par forum prorogatum, accepter la compétence de la Cour. Mais ça sera un fondement particulier, ponctuel. L’objet du différend doit avoir été accepté, il doit entrer dans l’acceptation faite par le demandeur et le défendeur. La Cour superpose les clauses pour voir ce qui est commun aux deux clauses.

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Page 241: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Une réserve automatique pose problème, même si la Cour n’a pas encore eu à se prononcer à cet égard. C’est une réserve dite automatique car elle semble donner à l’Etat auteur de la clause un pouvoir purement potestatif. La clause assortie d’une réserve automatique dit qu’elle reconnait la compétence de la Cour pour les différends qui relèvent de la compétence nationale, telle que je la détermine. C’est une clause qui existait aux USA, avant que ceux-ci ne dénoncent leur appréciation de la Cour. En principe, la Cour a la compétence de la compétence, pas l’Etat.

A l’heure actuelle, une soixantaine d’Etats ont une clause facultative de juridiction obligatoire. Le seul « grand Etat » qui a encore une clause facultative est le Royaume-Uni.

- Le tiers indispensable  

L’objet du différend doit avoir été accepté par les deux parties, il faut que les deux parties aient accepté que la Cour puisse connaitre du différend. Et l’objet du différend doit porter sur des droits des parties. Si l’objet du différend met en jeu les droits d’un Etat tiers, si la Cour ne peut pas trancher le différend entre A et B sans se prononcer sur les droits d’un Etat C qui n’est pas partie du différend, alors la Cour doit décliner sa compétence, quand bien même A et B auraient accepté la compétence de la Cour.

C’est ce qu’on appelle le tiers indispensable. Si l’objet du différend porte sur des droits qui en partie relèvent de ceux d’un tiers, la Cour ne peut se prononcer sans la reconnaissance par le tiers de la compétence de la Cour.

AFFAIRE DE L’OR MONÉTAIRE (1954) :

En 1947, la CIJ condamne l’Albanie à payer au R-U le paiement de droits. Le R-U se dit qu’il va exécuter la décision de la Cour sur des lingots d’or de la banque nationale albanaise transportés par Mussolini à Rome et ensuite pris par les alliés quand ils ont libéré Rome. Le R-U refuse de rendre l’or tant que l’Albanie ne paie pas le R-U. On a ensuite un débat entre Italie, France et R-U car chacun a des créances par rapport à l’Albanie et portent ce différend devant la CIJ. Celle-ci ne peut se prononcer sur la question de la répartition de l’or entre Italie, France et R-U car l’Albanie est propriétaire de cet or. Elle ne peut le faire sans la présence de l’Albanie, sans l’accord de l’Albanie, qui n’a pas reconnu la compétence de la Cour.

AFFAIRE DU TIMOR ORIENTAL (1995) :

Affaire entre Portugal et Italie. Le Timor oriental est maintenant un Etat indépendant, c’est une ancienne colonie portugaise envahie par l’Indonésie, au moment de son indépendance. Le Timor est une petite partie d’une île indonésienne. Or c’est une colonie portugaise, et en application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, on a toujours dit que le Timor peut se prononcer sur la question de savoir s’il est indépendant, s’il veut faire partie de l’Indonésie. L’Indonésie viole ce droit et envahit le Timor oriental. Pendant 30 ans, la communauté internationale refuse de reconnaître cette invasion. L’Australie veut conclure un traité avec l’Indonésie sur une question de délimitation maritime, dans ce traité, les zones concernées sont au large du Timor oriental. Le Portugal (ancienne

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Page 242: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

puissance coloniale) qui a la possibilité de faire accéder le Timor à l’indépendance, saisit la CIJ contre l’Australie, pour faire dire à la Cour que l’Australie ne peut pas négocier ce traité avec l’Indonésie car celle-ci dispose de droits qui ne sont pas les siens mais qui sont au Timor oriental. La Cour ne peut se prononcer car immanquablement, elle devrait se prononcer sur le comportement de l’Indonésie.

On a un système soucieux de s’assurer que les Etats ont bien accepté la compétence de la Cour. Ca peut sembler frileux comme attitude, mais dans le chef d’un juge devant lequel on n’est pas tenu d’apparaître, qui ne tient sa compétence que du raisonnement d’un Etat, on est face à un juge timoré. Il est sur ses gardes, il sait que s’il est trop volontariste, les choses lui exploseront en pleine figure, les Etats ne viendront plus jamais devant lui. Le juge, dans ce monde international où il n’a pas de compétence obligatoire, se bat pour sa survie. La Cour est très prudente sur ces questions de compétence, elle vérifie qu’à coup sûr, elle est compétente. Il y a beaucoup de jurisprudence à ce sujet.

3) Procédure

On a un différent né et actuel soumis à la Cour.

INCIDENTS DE PROCÉDURE

La procédure commence, les grands incidents de procédure, avant de connaître du fond, que peut-il se passer ?

1. Mesures conservatoire (article 41 du statut) :

- Principe  

L’Etat demandeur introduit devant la Cour une demande en indication de mesure conservatoire. La procédure est longue devant la Cour. La Cour peut indiquer des mesures conservatoires, à la demande du demandeur, si certaines conditions sont remplies. Attention, la Cour peut indiquer des mesures conservatoires autres que celles que le demandeur lui demande d’indiquer. Parfois elle indique des mesures conservatoires aux deux parties (par exemple, à la Géorgie ET à la Russie !).

- Compétence   :

Compétence prima facie 

Il faut que de prime abord la Cour s’estime compétente, donc qu’elle ait la conviction que sur un de ces 4 mécanismes, il y a bien une base apparente de compétence. La Cour ne peut indiquer de mesures conservatoires si elle est persuadée qu’elle est incompétente. C’est une question fondamentale ! Encore une fois, on ne tranche pas définitivement la question de la compétence, on regarde s’il y a une base apparente de compétence.

Il faut l’urgence, il faut un risque de préjudice grave et irréparable.

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Page 243: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

On demande la protection de droits. L’objectif des mesures conservatoires est de protéger les droits qui sont l’objet du différend. iI faut sauvegarder la substance du différend, il faut prouver à la Cour le risque d’un préjudice irréparable. L’urgence se mesure en fonction du risque de préjudice irréparable.

Il faut également un lien entre le droit protégé et les mesures demandées parce que le but c’est de pallier l’urgence, de se protéger contre un risque de préjudice irréparable.

AFFAIRE BELGIQUE – SÉNÉGAL :

La Belgique poursuit le Sénégal car elle craint que le Sénégal ne libère l’ancien dictateur tchadien qui réside au Sénégal contre lequel la Belgique a instruit un dossier sur la base de la compétence universelle. La Belgique craignait qu’il ne fuie dans la nature et qu’on ne puisse plus le juger. Le Sénégal a la volonté de le juger ! La Belgique demande des mesures conservatoires, le différend est pendant sur le fond. La Cour, à propos du lien entre droit protégé et mesures demandées, dit quelque chose d’important en son §57. Est-il plausible que la Belgique ait ce droit de le juger ? La Cour a dit oui, c’est une exigence supplémentaire : le droit allégué doit paraître plausible dans le chef de l’Etat qui allègue.

- Effet obligatoire  

Une fois que la Cour reconnaît que ces conditions sont remplies, elle peut indiquer des mesures conservatoires qui sont obligatoires. Le caractère obligatoire n’était pas acquis dans la jurisprudence avant une affaire de 2001.

AFFAIRE DES FRÈRES LAGRAND 

Ce sont deux frères allemands, condamnés à mort aux USA. L’Allemagne saisit la CIJ sur base d’un pacte commissoire de la convention de 1963. Dans cette convention, on voit que tout Etat qui saisit un étranger doit avertir la personne étrangère qu’elle peut être assistée d’un consul et que les autorités consulaires doivent être averties. Or, les USA ne l’ont pas fait ! La Cour ordonne la suspension des exécutions, le gouverneur de Floride s’assied dessus et la peine capitale est exécutée pour un frère. Il y a une « violation » de l’ordonnance de la Cour. Sur le fond, l’Allemagne revient et dit de constater la convention de 1963 et de revoir le procès du frère vivant, et l’Allemagne demande condamnation des USA pour violation de l’ordonnance car cette dernière a un effet obligatoire. Dans cette affaire, la Cour affirme le caractère obligatoire des mesures conservatoires : les USA sont tenus pour responsables de la violation du traité de 63 et de la violation de l’ordonnance.

2. Exceptions préliminaires (article 79 du règlement)

Le défendeur peut soulever, à titre préliminaire, des exceptions d’incompétence et de recevabilité. Ces exceptions suspendent le débat sur le fond. La Cour tranche cette question sur un arrêt : si elle dit qu’elle est incompétente, on arrête tout ; sinon on continue. La Cour ne connaît pas du fond, mais de la question de savoir si elle est

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Page 244: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

compétente. Et la Cour a la compétence de sa compétence, même pour dire qu’elle est incompétente. Elle le fait par un arrêt obligatoire pour les parties dans le différend.Ca nous montre combien la question du consentement à la juridiction est fondamentale pour que la Cour puisse trancher les différends. Si un Etat fait défaut, la Cour en principe doit s’assurer de sa compétence également (article 53 du statut).

3. Les demandes reconventionnelles 

Le demandeur demande quelque chose, le défendeur dit « si vous demandez ça, je demande autre chose à votre égard ». il faut un lien de connexité avec la demande principale, avec l’objet du différend (1ère condition) ; et il faut également que la demande reconventionnelle fasse partie de la compétence de la Cour ratione materiae (2ème condition) telle qu’acceptée par les deux Etats.

4. Le principe de l’intervention 

Un Etat tiers peut intervenir devant la Cour

- Article 63 du statut   Le droit d’intervention. Quand un traité est en cause devant la Cour, tout Etat partie a le droit d’intervenir pour influencer la manière dont la Cour interprète le traité. L’arrêt a une force obligatoire pour l’intervenant, c’est pourquoi aucun Etat n’est intervenu jusqu’à présent.

- Article 62   La possibilité d’intervenir pour un Etat tiers, quand il estime que des intérêts d’ordre juridique sont en cause et que ses intérêts peuvent être affectés par la décision de la Cour. La Cour décide s’il peut intervenir, elle apprécie si un intérêt juridique est en cause et s’il est susceptible d’être affecté par la future décision de la Cour. Actuellement, affaire entre Nicaragua et Colombie à propos de plateaux continentaux ; le Costa-Rica et l’Honduras demandent à intervenir, la Cour va devoir se prononcer pour savoir si le différend bilatéral peut devenir tri- voire quadrilatéral. Le Costa-Rica demande à intervenir non pas en tant que partie mais pour présenter ses intérêts. En plus, l’Honduras demande soit à être partie, soit pour présenter ses intérêts.

10/12/2010

Précisions pour les recueils   à l’examen: On peut sous ligner, surligner, mettre des papillons, annoter (ex : voir ceci…).On ne peut recopier son cours dans les marges du recueil c’est la limite !Annoter ça veut dire mettre des notes en marge !

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4) Force obligatoire de l’arrêt

A. Effets

La Cour tranche le différend sur le fond par un arrêt qui est obligatoire pour les parties. L’art. 59 du Statut (et art. 94, §1 Charte) prévoit le caractère relatif de la chose jugée. L’art. 59 dit que la décision n’est obligatoire que pour les parties au litige et pour le cas qui a été tranché = force relative. Pas de conséquences pour les états qui n’étaient pas parties. La cour produit une jurisprudence auto référencée ; elle se cite et se recite dans les arrêts. Cela permet une certaine prévisibilité et une sécurité pour les parties.

L’arrêt est obligatoire et sans appel. La cour statue en premier et dernier ressort.

Mais la cour peut également décliner sa compétence, sans toucher au fond, par un arrêt qui sera un déclinatoire de compétence. Ca peut paraître étrange, mais elle est un juge non obligatoire et donc elle joue sa survie à chaque décision qu’elle prend. Si elle statue alors qu’elle n’est pas compétente les états ne se sentiront pas liés.

B. Exécution

L’arrêt est obligatoire pour les deux parties et elles sont tenues de l’exécuter. En vertu de l'article 94, §2 de la Charte, si un Etat n’exécute pas un arrêt de la Cour, le Conseil de sécurité peut s’en mêler et prendre des recommandations ou des décisions pour le faire respecter.

Jusqu’à présent, tous les Etats ont respecté la décision de la Cour, sauf dans la première affaire dont la cour a connu. Dans ce premier arrêt (Détroit de Corfou, RU c. Albanie), la Cour avait ordonné des dommages et intérêts à l'encontre de l'Albanie. Celle-ci ne s'était pas exécutée.Lors de la seconde guerre mondiale, quand les Britanniques ont libéré Rome, ils se sont servis dans les caisses italiennes de l'or que Mussolini avait dérobé lors d'une campagne militaire en Albanie. La RU a trouvé une exécution forcée, c’est une sorte de contre-mesure. Ce cas est le cas d’inexécution le plus long. Dans les autres arrêts, mêmes politiquement sensibles, il y a une exécution systématique de l’arrêt.

Dans l’arrêt sur la péninsule de Bakassi, la cour a exigé que son arrêt soit exécuté immédiatement il a fallu que le secrétaire général des NU viennent faire le médiateur entre les deux pour que le Nigéria exécute l’arrêt et que in fine le Cameroun recouvre la propriété de son territoire.

Le but de la cour c’est vraiment que le différent prenne fin et que les états puisse continuer à vivre ensemble.

Les états peuvent-ils déroger de commun accord au dispositif de l’arrêt ? Pas de réponse noir ou blanc mais on peut en principe déroger à tout ce qui ne relève pas d’une disposition indérogeable. Ex : si les états n’aiment pas la frontière que la Cour a tracée, ils pourraient en refaire une autre. Ca n’a pas tellement de sens car alors on ne comprend pas trop pourquoi ils ont saisis la Cour en premier lieu.

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C. Recours (art. 60 et 61 Statut)

Les arrêts sont obligatoires et définitifs, donc il n’y a pas de recours. Mais il existe deux tempéraments :

L’arrêt en interprétation (art. 60) (de la Cour elle-même) 

La cour va connaître d’un nouveau différend entre parties sur la portée de l’arrêt précédemment rendu. Les parties peuvent diverger sur le sens du dispositif mais aussi sur le sens des motifs qui sont le soutient indispensable de ce dispositif. La solution du litige ne doit pas être claire. Cette procédure est très rare et en général la Cour va dire que ce qu’elle a dit était clair. La Cour se méfie des seconds procès.

La révision (art. 61) 

Hypothèse où, après que l'arrêt ait été rendu, on découvre des faits nouveaux qui n’étaient pas connus et qui sont de nature à exercer une influence décisive (tant pour la partie que pour la Cour). Dans ce cas-là, on peut demander à la Cour de réviser l’arrêt. Mais on voit que les conditions sont assez restrictives.

La cour va d’abord rendre un premier arrêt pour voir si les conditions sont remplies et ensuite il y aura une deuxième phase qui sera la révision de l’arrêt proprement dit. Cette procédure en révision doit être introduite dans les 6 mois de la découverte du fait nouveaux et elle ne pourra jamais être introduite 10 ans après que l’arrêt ait été rendu. Les états ont de nouveaux essayer d’utiliser ce recours pour tenter de retourner les choses. CFR. Arrêt Bosnie/Serbie. Jusqu’à présent la Cour a toujours refusé d’ordonner la révision de l’arrêt considérant que le fait nouveau n’était pas nouveau ou que le fait n’était pas de nature a influencer l’arrêt.

Dans l’affaire BOSNIE/SERBIE, la Bosnie avait demandé à la Cour qu’elle demande à la Serbie qu’elle ouvre certaines archives militaires. (La cour a considéré que la Serbie avait manqué à son devoir de prévenir le génocide mais qu’elle n’était pas le génocidaire.) La cour a refusé d’ordonner à la Serbie de livrer les archives et cela a surement eu une influence sur le fond. Une partie importante de la doctrine a critiqué cela. L’arrêt date de 2007 et si on découvrait tout d’un coup dans les archives de l’état Serbe des documents établissant (selon les critères de la Cour) que les Serbes on commis un génocide sur les instructions de la Serbie et bien alors une demande en révision de l’arrêt serait possible dans les 10 ans.

Remarque   terminologique : en 1920 quand le statut a été imprimé, quelqu’un a oublié un accent et depuis la Cour parle de « revision » et non de « révision ».

Par contre, il n’y a pas d’appel à proprement parler, c’est un processus judiciaire qui ne connait qu’une seule instance.

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5) A propos de cette procédure…

(Intéressant mais pas pure matière)

La procédure est extrêmement longue, les arrêts sont souvent volumineux. Certains états souhaitent faire trainer les choses. Comment passe-t-on d’un différent à un arrêt ? Comment « fabrique-t-on un arrêt ? »

Dans certains cas il y a des centaines de milliers de pages de documents. Comment est-ce que les juges vont gérer ces pages pour en sortir un arrêt de 120 pages ?

La Cour reçoit une requête, elle l’a transmet. Chacun fait un mémoire à son tour. Le cas échéant, l’un ou l’autre peut demander un deuxième tour de plaidoirie écrite. Souvent entre chaque tour il y a 5, 6 mois… Si on met tout ça ensemble on est déjà à presque 2 ans. Tout ceci est écrit en français ou en anglais et puis traduit…

Puis, il y a une procédure orale. Les plaidoiries ont lieu 5-6 mois voir plus après la réplique. Presque toujours deux jours de plaidoirie orale. En principe pas de nouveaux documents déposés après que la phase écrite soit clôturée. Entre le premier et le deuxième tour de plaidoirie on soumet aux juges la liste des points, c’est à dire une liste de questions qui structure les points juridiques de l’affaire.

Ensuite, la Cour se retire et délibère. Il y a quinze juges, qui sont chacun indépendants l’un de l’autre. Le greffe résume l’affaire en une structure d’arrêt : questions, demandes, etc. Après, chaque juge écrit sa note. Tous les juges reçoivent les notes des autres. Les juges structurent leurs notes en fonction de la liste des points ce qui permet de comparer les notes plus facilement.

Le juge le plus récemment nommé commence à parler. Ca peut durer très longtemps, car dans les notes parfois ils laissent des problèmes ouverts, il y a donc une véritable discussion. Il faut après dégager une majorité de juges d’accord (8 sur 15). Après, la Cour élit un comité de rédaction : le président, deux juges et le greffier. Le comité de rédaction va écrire un avant projet d’arrêt. Les juges pourront l’amender et le comité devra ensuite se réunir de nouveau. Le comité fera alors un projet de première lecture. On va lire ligne par ligne chaque phrase du projet. Ensuite il y aura un texte pour deuxième lecture et la Cour se réunira de nouveau… après tout ceci il y a un vote.

Les juges ne peuvent pas s’abstenir : soit oui, soit non. S’ils ne sont pas d’accord, ils peuvent écrire une note dissidente. Dans toute l’histoire de la CIJ, seul un arrêt a été soutenu par l’ensemble des juges. C'est un énorme processus bureaucratique.Une fois que la Cour a voté c’est fini, elle est dessaisie.

Notre métier de juriste, c’est de parler un langage rationnel et toute cette procédure est un exercice de rationalité bureaucratique. Ce n’est pas péjoratif de dire cela. C’est une digestion lente et pénible mais c’est cela qui produit la rationalité. Tout cela pour vous dire que le résultat qui en sort est supposé représenter l’état du droit positif.

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Page 248: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

CHAPITRE 5   : L’EMPLOI DE LA FORCE ET SÉCURITÉ COLLECTIVE Section 1. La prohibition de l’emploi de la force

§1. Introduction

Trois principes cardinaux : 1) Prohibition d’employer les moyens de la force pour régler des conflits2) Employer des moyens pacifiques3) Instaurer une structure institutionnelle qui règle les conflits au niveau

international

Quelques difficultés inhérentes au sujet essentiellement politiques et normatives, qui sont propres au texte du droit international (il ne peut se comprendre sans ces difficultés politiques inhérentes).

1. Difficultés politiques et normatives inhérentes au sujet

Test existentiel du droit international : est-ce un ordre juridique qui existe parce qu’il a soumis à ses propres préceptes l’usage de la contrainte ou bien est-ce toujours le plus fort qui s’en tire ? Le droit international est-ce que c’est plus que de la poudre aux yeux ? Est-ce que les états ne font pas in fine ce qu’ils veulent ?

A. Capacité militaire

Malgré l’égalité souveraine des Etats, les Etats ne sont pas de facto les mêmes, il y a des Etats riches et puissants et d’autre pauvres et faibles. Ils sont juridiquement égaux mais matériellement ils ne le sont pas.

Tous les Etats ont un intérêt à la prohibition de l’emploi de la force mais tous les Etats n’ont pas les mêmes capacités militaires (ex. si le Liechtenstein parle de légitime défense préventive, ça n’a pas la même signification que si c’est les USA, la Russie, la Chine parle de légitime défense car ils n’ont pas les mêmes capacités militaires). Il y a des Etats qui soit par la nature des choses, soit par le développement économique et militaire ont évidemment des discours qui sont différents et qui reflètent fondamentalement leur capacité. Face à ces questions-là, le discours des Etats varie. Immanquablement, ils comprennent le droit en fonction de ce qu’ils sont et en fonction de ce qu’ils peuvent et de ce qu’ils ne peuvent pas faire.

Donc par rapport à l’emploi de la force les états vont avoir des langages différents. L’opinio juris nait de l’opinion mais aussi de la pratique des états et donc ceux qui sont capables d’employer la force vont fortement influencer la norme. C’est un peu comme si on demandait à un état sans littoral ce qu’il pense du littoral. Ce n’est pas eux qui vont influencer la pratique.

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Page 249: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

On retrouvera ce débat quand on parlera de la légitime défense préventive. Ceux qui sont incapables de faire quelque chose seront contre alors que ceux qui sont capables d’exercer l’état de la force seront pour.

C’est la même chose pour les forces de la paix de l’ONU. En fonction de la contribution de l’Etat à la garnison des troupes des casques bleus, l’Etat aura plus ou moins le droit d’exprimer son opinion. Les débats sont marqués par les écarts de puissances.

B. Ordre social et violence

Dans la communauté internationale, l’ordre social ne peut être maintenu sans le maintien de la force. Croire qu’il y aurait une harmonie naturelle entre les nations est une naïveté. Un ordre social qui a conscience de lui même et qui tient à sa préservation devra le cas échéant le moment venu être capable d’imposer ses valeurs par des mesures physiques qui vont parfois jusqu’à la suppression physique de celui qui se dresse contre cet ordre social.

Ce n’est pas beau ni bien de tuer des gens sans procès mais parfois il faudra le faire pour préserver l’ordre social. Certaines personnes exercent le pouvoir d’une façon ignoble et on ne peut les laisser faire. Ex : en Bosnie ou au Kosovo parfois on a du dire « ça suffit ». Il y a donc une difficulté morale dans ces cas : on expose la vie des siens, c’est la question du dirigeant. On se posait déjà cette question au MA : à qui peut-on demander d’aller se faire tuer au nom du souverain et dans quelles situations peut on demander à quelqu’un d’aller se damner en tuant ses frères humains ? Mais la question est aussi qui peut-on tuer ? Il faut garder ces questions, elles sont dures et elles sont au centre de la question de la prohibition de la force. Ce sont des questions profondément humaines qui vont au-delà du simple juridique.

Plusieurs questions méritent d’être posées : 1) Comment définissons-nous l’ordre social mondial ? 2) Qui est prêt à payer le prix de la sécurité collective ?

1) Tous les Etats ont un intérêt à définir l’ordre social et ils ont tous légitimement le droit de le définir.

Ex. Au niveau climatique, à la conférence de Copenhague, il n’y a pas seulement les grands Etats. Tous les Etats ont un mot à dire, on ne peut pas de se contenter de dire « tous ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous » (Bush 2003).

2) Une fois que l’ordre social est défini, qui est prêt à payer le prix de cet ordre social, avec les valeurs qui sous-tendent cet ordre social ?

La difficulté est que certains Etats plus que d’autres ont les moyens effectifs de maintenir cet ordre social, ce n’est pas seulement la prohibition de la guerre d’agression. Le problème de la communauté internationale est aujourd’hui la sécurité. Il est naïf de croire que naturellement l’ordre social universel découlerait simplement du fait qu’on l’ait défini ensemble, il y a suffisamment d’acteurs qui ont un intérêt de perturber l’ordre social.

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Page 250: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

On retombe à nouveau sur les inégalités entre les Etats. La réalité des choses est que les Etats ne sont pas les mêmes face aux responsabilités du maintien de la paix et la volonté politique nationale n’est pas la même. Les différences de discours sur les règles de droit reflètent des forces militaires différentes et une perception différente de la responsabilité internationale.

C. Ordre juridique et force

Le discours juridique est fragmenté et la doctrine elle-même est extrêmement fragmentée. Vous avez une discipline qui est tiraillé par des tensions qui très banalement reflètent les origines des auteurs. Il serait naïf de croire qu’il existe un discours purement objectif.

Mais même en démocratie c’est la majorité qui fait la loi et ce sont ceux qui ont le pouvoir qui imposeront leurs idées.

Exemple : Si on lit la doctrine américaine sur la prohibition de l’emploi de la force, on ne lira pas la même chose que dans un livre de doctrine belge ou européenne.

D. Difficultés textuelles et normatives

Le texte fondateur de la prohibition contemporaine de l’emploi de la force : l’art. 51 de la Charte des NU (légitime défense). Le texte est très sommaire, chacun y a trouvé un peu ce qu’il voulait. Ceci est lié à tout ce qui précède. Les états on tous des intérêts très divers.

Mais pour bien comprendre ces difficultés, il faut revenir sur l’évolution historique de la prohibition de la force.

2. Perspective historique

A. Principe de liberté et guerre juste

On vit dans un monde où la guerre est une liberté pour les Etats. La guerre n’est pas une folie, c'est une institution juridique, elle n’est simplement pas prohibée. Le droit laisse libre de faire la guerre dès l’instant où on estime avoir un grief à l’égard d’un autre souverain.

Depuis toujours, le souverain qui fait la guerre exerce une responsabilité et il doit pouvoir en rendre compte. Il faut donc qu’il soit victime d’une injustice de la part d’autrui, il faut un préjudice. La théorie de la « guerre juste » est une théorie politique, constitutionnelle, théorie inventée par les théologiens au MA. Les théologiens ont voulu discipliner les souverains.

La guerre est juste parce qu’elle est menée par une autorité légitime. On réserve au seigneur suprême le droit de faire la guerre et on a donc une théorie juridique de la guerre juste qui a une valeur constitutionnelle et qui donne le droit de faire la guerre. Le reste, c’est du brigandage. Cette théorie a, au départ, une vertu purement interne. Le souverain, face à Dieu, doit rendre compte de ses décisions de faire la guerre. Cette théorie au MA va aider la constitution des états modernes, puisqu’une condition de la

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Page 251: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

guerre juste c’est qu’elle soit décidée par le prince. Les vassaux n’auront plus le droit de faire la guerre. En fait il y a autant de théories de la guerre juste qu’il y a de théologiens.

Faire la guerre, c'est donner l’ordre à ses sujets d’aller mourir et d’aller tuer, on transforme ses sujets en assassins ou en morts. La question n’est pas de savoir qui on va tuer, mais de savoir qui on va envoyer à la guerre. Cette question est encore présente dans les ordres juridiques internes (ex. Obama qui réfléchit pendant 45 jours pour savoir s’il va envoyer ses soldats en Afghanistan).

Aux temps modernes (XVIIe) une des conditions de la guerre juste devient le fait d’avoir une juste cause. C’est l’idée qu’on ne fait pas la guerre par caprice. Mais qu’est ce qui permet de distinguer une cause juste d’une cause injuste ? Rien, c’est le prince qui décide. Ca ne veut pas dire qu’on vivait dans un monde anarchique, la guerre est une procédure à laquelle on recours quand on ne parvient pas à régler un différent différemment.

Il va y avoir une première tentative de régler l’emploi de la force en tant que telle avec le jus ad bellum ou le jus contra bellum. Comment arrive-t-on à cette prohibition de l’emploi de la force ?

B. Convention Drago-Porter (1907)

La théorie de la guerre juste du Moyen Age va moralement influencer les Etats sans se retrouver dans des textes positifs, le principe liberté demeurant. La première prohibition en matière d’emploi de la force en droit (Ius ad bellum) vient de la Convention de La Haye (II) conclue en 1907 (Convention Drago-Porter). Les Etats s’engagent à ne pas recourir à la force armée pour le recouvrement des dettes contractuelles. Avant, c’était la politique de la canonnière : si un Etat ne rembourse pas, on envoie nos bateaux et on commence à tirer au canon jusqu’à ce qu’on soit payé (une petite barquette arrivait avec un drapeau blanc et un coffre rempli d’or). Dans les années 1905, la France l’a fait contre le Venezuela et cela a choqué les gens. C’est ça le monde d’hier. On a donc quand même conclu une convention en se disant qu’on était plus civilisé que cela. On a donc renoncé à l’emploi de la force pour le recouvrement des dettes contractuelles (=Convention Drago-Porter).

La Convention est limitée à son objet et se s’applique donc pas pour les dettes non contractuelles. C'est également une renonciation conditionnelle, on remplace le duel militaire par le duel judiciaire. Si l’Etat refuse l’arbitrage ou ne s’acquitte pas après arbitrage, l’Etat viole la convention et la politique de la canonnière renait. C’est vraiment une conception contractualiste assez rudimentaire. On imagine plus cela aujourd’hui.

C. Traité de Versailles (1919)

Lors de la 1ère GM, c’est la première fois que l’on impose la conscription, c’est à dire que c’est la première guerre qui ne sera pas professionnelle. C’est donc la première fois que les peuples vont être soumis à cet exercice affreux de devoir tuer et mourir. C’est vraiment la guerre totale, on fait la guerre jusqu’à l’épuisement. Très fort

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Page 252: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

mouvement pacifique à la fin de cette guerre à travers toutes les classes de la société. On va voir un vrai mouvement collectif très populaire de « plus jamais ça ». Les gouvernements à travers l’Europe vont aussi tenir se discours là. Un vrai discours de renonciation à la guerre prend donc forme dans le traité de Versailles de 1919.

Cette prohibition de l’emploi de la force limitée va au moment de la première guerre mondiale ne pas être un fait illicite, sauf à l’égard de la Belgique qui était protégée par un traité de neutralité. La 1re GM n’est donc pas illicite dans le chef de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie pour ce qui est de l’attaque de la France et de l’Italie.

Pourtant, l’article 231 du traité de Versailles construit une responsabilité pour une guerre d’agression. On crée cette responsabilité de manière conventionnelle en 1919. C’est la question de la culpabilité de la guerre qui va susciter un discours revanchard. L’Allemagne va voir le traité de Versailles comme le Diktat de Versailles car à l’époque, rien ne lui interdisait de faire la guerre contre la France et l’Italie. Elle va dire qu’il n’y avait pas d’agression qui pouvait exister, sauf à l’égard de la Belgique.

C'est la première fois qu’on trouve en droit international la condamnation d’une guerre en particulier.

Cela a été un moyen de consolider le pouvoir d’Hitler qui a joué sur les ressentiments. La question de la culpabilité pour la guerre a été une question récurrente dans les relations internationales. Il faut donc voir pourquoi, en 1919, on condamne la guerre d’agression. On sort de la première guerre mondiale très meurtris, c'est la première guerre totale, toutes les forces ont été utilisées, toutes les couches sociales ont participé à cette guerre. Pour la première fois, il y a des cimetières militaires. Avant, ce sont des soldats de métier qui font la guerre. La 1 re GM a signifié quelque chose de profondément différent pour la société dans son ensemble, qui sort de cette guerre avec une volonté : mettre la guerre hors-la-loi. Les plus grands bourgeois de l’Europe sont profondément des pacifistes. Il y a une prise de conscience collective de la nécessité de mettre la guerre hors-la-loi. Il y a un espoir confié au droit international.

La 1re GM est une catastrophe pour l’Europe (c’est la nouvelle Guerre de Trente Ans) : c’est le déclin collectif de l’Europe. Après la 1re GM, il y a un mouvement intellectuel pour mettre la guerre hors la loi et pour que la paix résulte de procédure juridique. On va libérer les peuples de la tyrannie de la guerre grâce au droit international, ce qui explique que non seulement dans le traité de Versailles on condamne l’Allemagne pour la guerre et on institue le Pacte de la Société des Nations où on a un article 10 qui condamne la guerre d’agression. Si un Etat viole cet article, les autres Etats pourront lui faire la guerre. C’est le premier régime élémentaire qui tente d’articuler la prohibition de l’emploi de la force sous l’angle de la prohibition de la guerre d’agression et la sécurité collective.

D. Traité de Paris (1928)

Cette première tentative de la SDN va être complétée à Paris en 1928 par le traité Briand-Kellog. C'est un traité bilatéral par lequel la France et les USA renoncent à l’utilisation de l’emploi de la force pour régler leurs différends. Ils se rendent compte

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Page 253: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

que cette prohibition est vertueuse et invitent les autres Etats à se joindre à cette déclaration. Le traité bilatéral devient unilatéral. Cela va devenir une règle coutumière avant la 2e GM. Tous les Etats du monde vont adhérer à cette idée, soit en rejoignant le traité de Paris (directement), soit en créant de nouveaux traités entre eux (indirectement : ce fut le cas de l’Union soviétique) juste avant la second guerre mondiale.

Le traité de 1928 est dans une logique intersubjective : « j’accepte de ne pas employer la force parce que vous accepter de régler pacifiquement les différents » ; ce n’est pas une prohibition objective. C’est une prohibition qui s’accompagne d’une condition : si la procédure n’est pas suivie, alors l’engagement de ne pas employer la force est mis entre parenthèse et le droit de faire la guerre reprend sa place. On n’est pas encore dans une règle prohibitive absolue, inconditionnelle.

La prohibition de la force existe donc et est devenue une règle coutumière. Le tribunal de Nuremberg va retenir la qualification de crime d’agression car il y avait une règle prohibitive en 1939.

13/12/2010

E. Charte des Nations Unies (1945) et spécificité par institutionnalisation

Le 26 juin 1945, la Charte des Nations-Unies est signée à San Francisco, en pleine guerre pour les USA. On se bat encore dans le Pacifique. La charte des Nations-Unies va remplacer le pacte de la société des nations et va devenir l’organisation universelle de sécurité collective.

C’est une organisation qui, par définition, est unique. Il ne peut pas y avoir deux organisations des Nations-Unies. Elle a une vocation universelle, a un objet universel qui ne peut pas être mis en partage entre plusieurs responsabilités. C’est la paix et la sécurité mondiale !

Pourquoi Nations-Unies ?

Car elles se battent contre l’axe (Inde – Rome – Tokyo). L’organisation des Nations-Unies est le reflet de la déclaration des Nations-Unies. Quand les USA entrent en guerre, après Pearl Harbour, il y a, quelque part en mer, une rencontre entre Churchill et le président américain Roosevelt et il y a cette déclaration des Nations-Unies. Ca pose la structure de l’après guerre. Ca a inspiré l’imagination politique de l’après guerre. La structure intellectuelle, politique et économique de l’après guerre est imaginée essentiellement par la diplomatie américaine. Le pilier de la reconstruction c’est la charte des Nations-Unies. La charte des Nations-Unies est imaginée dans un monde où on ne pense pas qu’on va tomber dans la guerre froide. On veut faire de la politique internationale autrement, à travers des institutions. Il y a une grande dette intellectuelle que l’humanité doit à ces quelques diplomates américains et britanniques qui ont inventé le monde d’après guerre alors que d’autres couraient au combat.

On ne va parler que de la charte des Nations-Unies et de la structure politique inventée à l’époque.

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§2. Le principe

A. Charte des Nations-Unies  

La prohibition de l’emploi de la force est visée à l’article 2§4 de la charte des Nations-Unies. La règle parait conventionnelle (les membres des Nations-Unies…) et il est clair que la règle est déclarative de droit coutumier. Tous les Etats, pas seulement ceux qui sont membres des Nations-Unies sont tenus par cette règle.

Est-ce une règle de ius cogens ?

C’est la question éternelle. Une grande partie de la doctrine considère que toute la règle est déclarative de droit coutumier de ius cogens ; certains limitent la prohibition dans son caractère de ius cogens à l’agression (tous les emplois de la force ne sont pas constitutifs d’acte d’agression). La question est de savoir si ces actes relèvent d’une règle prohibitive du ius cogens.

Il n’y a pas de prononcé de la CIJ sur cette question de manière définitive. C’est un débat un peu théologique sur lequel il ne faut pas vraiment s’arrêter. La règle est incontestablement coutumière et erga omnes. Qualifier l’ensemble de la règle comme relevant du droit impératif, ou limiter cette règle à certains emplois de la force revêt un intérêt assez limité. La règle existe, c’est ça l’essentiel. Quiconque la viole commet une violation du droit à l’égard de l’Etat affecté et aussi à l’égard de la communauté internationale.

B. Contenu de la règle  

Prohibition de la menace ou de l’emploi de la force (on vise la force armée, pas la force politique ou économique). La menace et l’emploi sont tous deux prohibés. C’est une règle écrite en 1945 et avant la 2ème guerre mondiale, la menace de l’emploi de la force a été le fait de la politique pré agressive du 3ème Reich.

La prohibition existe dans les relations internationales des Etats. Il n’est pas mis dans les relations inter étatiques, mais les relations internationales, ce qui a permis, au temps de la décolonisation, de viser la prohibition de l’emploi de la force dans le cadre de libérations nationales. Le colonisateur est tenu par l’article 2§4 de s’abstenir de maintenir la situation coloniale par l’emploi de la force. Au moment où le peuple se libère, ce n’est pas une relation interétatique puisqu’il n’y a pas encore un Etat (peuple contre Etat), on est dans une relation internationale, et dans cette relation internationale, l’Etat qui existe doit s’abstenir d’employer la force.

AFFAIRE DU KOSOVO, AVIS CONSULTATIF DU 22 JUILLET 2010 

L’article permet de préserver l’intégrité territoriale des Etats. La Cour a affirmé que le principe d’intégrité territoriale garanti par l’article 2 est un principe dont la portée est limitée à la sphère des relations interétatiques, qui porte atteinte à l’intégrité par un Etat par un autre Etat. Un Etat n’a pas le droit de recourir à la force contre l’intégrité territoriale des autres Etats, il ne peut pas créer une organisation internationale pour le faire car il ne peut donner à cette organisation plus de pouvoirs qu’il n’en a.

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L’emploi de la force est prohibé globalement. Tout emploi de la force va être considéré comme étant incompatible avec les buts des Nations-Unies.

Une partie de la doctrine soutient que l’emploi de la force n’est pas incompatible s’il a pour objectif de préserver les droits de l’homme. C’est le problème de l’intervention humanitaire. C’est une affirmation doctrinale, elle ne prend pas appui sur le droit international positif. En droit international positif, à l’heure actuelle, on ne peut pas justifier sur cette interprétation a contrario de l’article 2 les emplois de la force qui ont en apparence un objectif qui entend promouvoir un des buts des Nations-Unies quand ces opérations militaires sont le fait d’Etats qui agissent à titre individuel. Par le vocabulaire « contre tout intégrité….avec le but des Nations-Unies », il faut présumer que tout emploi de la force est incompatible avec les buts des Nations-Unies. C’est une prohibition englobant. Cette prohibition relève de ce qu’on appelle le ius ad bellum, le ius contra bellum, c’est cette partie du droit international qui régit le fait même de recourir à la force armée.

Qu’on recoure à l’emploi de la force en violation de cette règle ou pas, tous les belligérants sont tenus au respect du ius in bello. Le ius in bello, c’est toutes les règles du droit international humanitaire, ces règles qui régissent la manière d’employer la force, concrètement. Ca peut paraître paradoxal de dire qu’on ne peut recourir à la force mais que le droit international régit la manière de faire la guerre, c’est le résultat d’une situation historique. Le ius in bello, le droit de la manière de faire la guerre, a toujours précédé, dans l’évolution historique, cette prohibition de l’emploi de la force (le ius ad bellum). Les conventions de La Haye, de Genève doivent nous dire quelque chose, ces règles sont obligatoires pour tous les belligérants, indifféremment de la licéité de leur emploi de la force. Un Etat agresseur qui viole l’article 2§4 doit respecter le ius bello. Un Etat qui agit en légitime défense doit aussi respecter le ius in bello. Ce principe d’application et de respect du droit international humanitaire par tous les belligérants est tempéré, en matière de causalité, par un principe d’indifférence du ius in bello en cas de violation du ius ad bellum. L’auteur de la violation du ius ad bellum est tenu de toutes les conséquences de son fait internationalement illicite, qu’il ait ou non respecté le droit de la guerre.

Ce principe de prohibition de l’emploi de la force est assez abstrait quand on le regarde comme tel. Il est beaucoup plus clair quand on s’intéresse à l’exception au principe.

§3. La légitime défense

Plus l’exception légitime défense est réduite, plus la prohibition est large. Plus l’exception de légitime défense s’élargit, plus la prohibition de l’emploi de la force se réduit quand à son champ d’application matériel. On est face à un principe qui connaît une exception et le régime juridique de l’exception donne au principe son contenu.

Le principe couvre tout ce que l’exception ne couvre pas. On ne peut pas regarder la prohibition de l’emploi de la force sans analyser l’exception à ce principe.

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L’idée de faire de la légitime défense une limitation à la prohibition de l’emploi de la force et de faire se communiquer le principe et l’exception est confirmé par la CIJ dans l’affaire NICARAGUA contre USA (§193 et 210).

Dans l’arrêt de 2003 à propos de PLATES FORMES PÉTROLIÈRES (Iran contre USA), arrêt rendu au cours de la 1ère guerre du golf (Irak contre Iran), des commandos iraniens attaquaient les pétroliers dans le golf persique, les pétroliers qui permettaient à l’Irak de continuer son effort militaire (en vendant du pétrole, l’Irak percevait des devises). L’Iran a attaqué les pétroles et ensuite l’Irak lui-même a mené la même politique, c'est-à-dire harcelé les navires de commerce. Il s’en est suivi des protections des pétroliers par des marines de guerre occidentales. Les convois de pétrolier ont été accompagnés et ces pétroliers ont continué à faire l’objet de la part de commandos iraniens qui trouvaient refuge sur des plates formes iraniennes. Des navires de guerre ont été abîmés pendant ces attaques. Les USA se sont défendus, ont employé la force contre ces plates formes où les iraniens prenaient refuge. Ils en ont détruit plusieurs et l’Iran a amené l’affaire devant la CIJ. Dans cette affaire, la question de l’emploi de la force était posée, surtout celle de sa justification. La Cour a fait un rapport de principe à exception, elle ne parle plus d’exception comme en 1986, elle parle de limitation. La légitime défense limite la portée du principe prohibitif. La légitime défense est perçue comme une circonstance excluant l’illicéité. L’emploi de la force en légitime défense ne relève pas de la règle prohibitive. Conceptuellement, la légitime défense est en lieu avec la prohibition de l’emploi de la force. Il faut savoir ce que la légitime défense recouvre.

A. Recouvrement de la légitime défense  

La légitime défense est consacrée à l’article 51 de la charte des Nations-Unies, dans un instrument conventionnel. Mais elle relève également d’une règle coutumière. Tout dans l’article 51 ne relève pas de la coutume, mais le principe même de la légitime défense est incontestablement coutumier.

Cette légitime défense partage-t-elle la même nature que la règle prohibitive ? L’exception du principe est-elle du ius cogens également, ou non ? Les Etats pourraient-ils conventionnaliser les conditions du recours à la légitime défense ? Certains Etats l’ont fait, notamment dans le cadre de l’union africaine, il y a un pacte qui vise à élargir les conditions de légitime défense. Est-ce interdit ? Le prof ne pense pas. Le prof pense que seule l’agression est interdite en droit international et que les Etats peuvent convenir de certaines conditions plus souples du recours à la légitime défense.

C’est une règle qui, par son énoncé, contient des conditions purement conventionnelles qui ne peuvent s’appliquer qu’aux membres des Nations-Unies. C’est seuls les Etats membres qui doivent avertir le conseil. C’est une condition procédurale sur laquelle on reviendra. Le pouvoir du conseil de sécurité de prendre les mesures nécessaires et un pouvoir qu’il va exercer à l’égard des Etats membres également. Pour le reste, la règle relève du droit coutumier. L’article 51 parle du droit naturel de légitime défense. Il ne faut pas entendre par droit naturel une certaine forme de ius naturalis, au sens philosophique du terme. On parle de droit inhérent de tout Etat, on n’est pas un Etat sans avoir au moins ce droit là, ce droit à la préservation

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de sa propre existence. C’est en ce sens là, dans le sens d’un droit auquel on ne pourrait pas voir les Etats renoncer, qu’on doit comprendre le droit naturel.

Même s’ils acceptent de ne pas recourir à l’emploi de la force, les Etats ne sont pas suicidaires et ont du conserver le droit d’employer la force pour défendre son existence. Dans le traité de 1928, au moment de la négociation du pacte Briand-Kellog, même si le traité ne dit rien du droit de légitime défense, c’est parce que tout le monde comprend que ce droit existe. Il faut comprendre le droit naturel dans ce sens là. C’est aussi un droit qui relève du droit international coutumier.

Qu’est-ce qui relève du droit coutumier dans l’article 51 ?

1. Droit coutumier : existence même du droit à la légitime défense individuelle ou collective suite à l’existence d’une agression armée.

2. Conditions conventionnelles : « conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires » ; fait que les Etats membres doivent tout de suite porter à la connaissance du conseil de sécurité. La suite de la phrase également.

Peu de choses relèvent de la coutume il semble ; mais il y a la condition de nécessité et de proportionnalité à ne pas oublier, qui relèvent aussi du droit coutumier. On a des conditions d’ouverture et d’exercice de la légitime défense ; une condition conventionnelle de l’exercice de la limite également.

B. Titulaire du droit de légitime défense

Souvent on entend dans la presse qu’untel a agi en légitime défense. Il y a une distinction à faire entre la légitime défense des Etats et celle des combattants, au sens pénal du terme. Tout soldat, même engagé dans un conflit armé illicite, a le droit à sa légitime défense. Ca ne veut pas dire pour autant que son Etat est en situation de légitime défense et qu’il a le droit d’employer la force.

La légitime défense du ius in bello est autre que la légitime défense du ius ad bellum. La légitime défense du ius ad bellum dont il est question ici (article 51) est une règle qui régit les relations interétatiques. Le droit de légitime défense de l’article 51, c’est le droit de l’Etat. Ce dont on parle, c’est le droit de l’Etat d’employer la force par principe.

C. Conditions de la légitime défense

1. D’ouverture

Pour qu’un Etat puisse agir en légitime défense, il faut qu’il ait été l’objet d’une agression armée (article 51).

Ca pose plein de difficultés : qu’est-ce qu’une agression armée ? Quand on dit « être l’objet d’une agression armée », faut-il attendre de subir l’agression ? Y a-t-il des emplois de la force en légitime défense en-dessous du seuil ? Qui doit être l’auteur de l’agression ? Un Etat ou est-ce que ca peut être un terroriste ?

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- La notion d’agression armée 

La difficulté, c’est que dans la version anglaise de la charte, on parle d’attaque armée, et non d’agression armée. Qu’est-ce qui est le plus grave ? Il sera plus facile de recourir à la légitime défense si on parle d’attaque. Comment négocier un traité aussi important et avoir un vocabulaire différent en français et en anglais ? Car c’est un texte négocié, on a une ambigüité génétique. Quand les anglais lisent « arm attack », ils n’ont pas la même lecture que les francophones qui lisent « agression armée ». intuitivement, on comprend que si l’agression est requise, il est plus difficile de justifier l’emploi de la force que si on est face à une attaque. La jurisprudence de la CIJ n’a pas résolu ce problème. Les arrêts de la Cour, chaque fois qu’il est question de légitime défense, on parle d’ « arm attack » en anglais et de « agression armée » en français.

Au-delà de cette difficulté linguistique, tout le monde s’accorde cependant pour dire que ce soit une agression armée ou une arm attack, il faut pour recourir à la légitime défense un seuil de gravité dans l’emploi de la force. L’emploi de la force doit avoir atteint un certain seuil de gravité. Dans l’affaire Nicaragua, au §191, la Cour l’indique clairement. Il peut donc exister des situations d’emploi de la force sans agression, ou d’emploi de la force sans arm attack. Ces situations ne donnent pas ouverture à l’emploi de la force. Ce sont des situations d’occupation territoriale très limitée.

Le seuil de gravité se trouve dans L’AFFAIRE NICARAGUA au §121 : on distingue les agressions armées d’autres modalités moins brutales. Le droit de légitime défense ne vient à pouvoir être exercé que si on est victime d’un emploi de la force grave (les formes les plus graves). Cet emploi de la force doit s’accompagner d’une intention. On a une situation factuelle (tirs de missile à partir du territoire iranien) et la Cour, au §64, estime que ça ne pourrait être le cas que s’il était établi que les missiles étaient intentionnellement dirigés contre les USA. Il faut un emploi de la force intentionnellement dirigé contre un Etat déterminé. On peut à certains égards critiquer cette jurisprudence, qui permet un degré de violence latent dans les relations internationales sans pouvoir être policé.

Cette jurisprudence a pour objectif de limiter le recours à l’emploi de la force. Exiger, pour pouvoir agir en légitime défense, la preuve de l’intention est délicat. Que peut-on savoir de l’intention d’envoyer un missile ? Il peut tomber soit sur un pétrolier, soit sur un navire de guerre. Américain, britannique, français ? C’est au petit bonheur la chance. Ce n’est pas très satisfaisant dès l’instant où, clairement, une volonté d’employer la force et d’accepter le risque de cette force atteint réellement un Etat étranger.

- Existe-t-il des lieux où l’on trouve l’agression définie ?

On parle d’agression au sens de l’emploi le plus grave de la force armée. Si on retient la terminologie anglaise, on a, dans cette logique là, trois types d’emplois de la force :

- l’agression, - l’attaque armée - les emplois de la force tout simples.

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Dans la logique francophone, le seuil de la légitime défense arrive à l’agression ; dans la logique anglophone il arrive à l’attaque armée. Dans la charte, c’est la même chose, donc le seuil devrait être le même. L’agression et l’attaque armée se confondent-elles ?

L’agression armée est incontestablement une situation qui ouvre, en français ou en anglais, le droit de légitime défense. L’assemblée générale des Nations-Unies a adopté la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 qui n’a pas pour but de définir la légitime défense, mais qui encadre les pouvoirs du conseil de sécurité. Dans la définition de l’agression, on trouve un article 2 qui considère que l’emploi de la force en 1er constitue la preuve suffisante à 1ère vue d’une agression. L’article 3 énonce un certain nombre d’actes qui constituent matériellement des actes d’agression. C’est un ensemble de situations qui sont énumérées de manière exemplative. L’énumération n’est pas limitative.

L’article 3 est une certaine aide pour l’interprète mais n’est pas toujours utile car des choses élémentaires y sont énoncées. La Cour, dans l’affaire des plates formes, a considéré que s’il y avait eu une intention d’agression dirigée contre un seul navire, les USA auraient été en situation de légitime défense.

Cette définition de l’agression dans la résolution est utile, encore qu’elle ne permet pas, puisque la liste est exemplative, d’entourer l’agression d’une définition exhaustive et parfaite. On a tendance à dire que la résolution est déclarative de droit coutumier.

Au niveau pénal, le crime d’agression reproché aux personnes physiques a été élaboré à Nuremberg. Au moment où on a élaboré le statut de Rome, on n’a pas réussi à s’entendre. On a arrêté une définition de la légitime défense qui prend appui sur la résolution.

- Question temporelle 

L’agression doit-elle avoir été réalisée ? La lecture habituelle de la disposition suggère que oui ; et une partie de la doctrine soutient que la légitime défense anticipée est illicite.

A cet égard, il faut faire preuve d’une certaine compréhension normale des choses. En 1945, on conclut la charte de San Francisco, inspirée par les Usa, qui sont entrés en guerre en 1941 suite à Pearl Harbour. Il est absurde de dire que les USA auraient du attendre que les bombes ne tombent pour qu’elle puisse être en légitime défense. L’Etat qui est l’objet d’une agression imminente, d’une agression en cours qui n’a pas encore été réalisée car les bombes ne sont pas encore tombées, cet Etat là est en situation de légitime défense et peut employer la force. Cette affirmation est faite par le secrétaire général des Nations-Unies par un rapport de 2005, elle est aussi retenue par l’institut de droit international à la session de Santiago en 2007. La menace imminente suffit pour déclencher le droit à légitime défense.

C’est dangereux parce que qu’est ce qu’une attaque manifestement imminente ? Mais qu’est-ce que le seuil de gravité ? Qu’est ce qu’une agression ? L’imminence de l’attaque suppose que l’attaque est en cours, et cela se distingue de la légitime défense

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préventive au sens large, qui est interdite, qui n’existe pas en droit international. La légitime défense préventive vise à faire disparaitre une menace avant que celle-ci ne devienne imminente. Un Etat ne peut inventer, pour les besoins de sa cause, la possible évolution d’une situation en menace. L’existence de l’attaque ne doit plus faire de doutes. Tout est affaire de circonstances. Mais exclure par avance la légitime défense en cas de menace imminente parait contraire à l’opinio iuris des Etats et au bon sens. On doit distinguer l’agression imminente et la menace lointaine.

- L’auteur de l’agression 

Un Etat peut-il être en situation de légitime défense quand il est l’objet d’une attaque armée de la part d’un autre sujet qu’un Etat ? Il est clair que la légitime défense étant un droit pour les Etats, c’est un droit qui peut s’exercer incontestablement contre un autre Etat. L’article 51 toutefois ne dit pas cela explicitement. Qu’en est-il alors ? Un Etat peut-il prétendre être en situation de légitime défense lorsqu’il est victime d’un acte suffisamment grave et que cet emploi de la force dirigé contre lui est le fait d’un acteur non étatique ? On veut viser le 11 septembre 2001. Est-ce que ce genre de situation donne ouverture au droit de légitime défense ou non ?

Une partie de la doctrine dit que la légitime défense est un droit d’Etat à Etat.

C’est ce qu’a rappelé la CIJ dans L’AVIS CONSULTATIF SUR LE MUR de 2004 (§139). La Cour dit qu’Israël n’est pas en légitime défense. Certains auteurs disent que c’est parce que la légitime défense n’existe que quand il y a agression armée par un Etat par un autre Etat. Il n’y a pas légitime défense car Israël contrôle ce territoire et a d’autres moyens de prévenir ces attaques terroristes que la construction du mur. La situation de légitime défense est habituellement limitée d’Etat à Etat et ne peut exister face à des actions qui naissent à partir d’un territoire qu’on occupe. C’est une manière d’interpréter l’avis.

Toutefois, le prof pense qu’il faut lire ce passage pour ce qu’il est : Israël n’est pas en légitime défense car il prétend se défendre contre des attaques sur un territoire qu’il contrôle. La menace trouve son origine à l’intérieur du territoire, cette situation est donc différence de celle que le conseil de sécurité a évoquée dans les résolutions 1368 et 1373 suite aux attaques du 11 septembre et dans ces résolutions, le conseil de sécurité rappelle le droit inhérent de légitime défense. Là, les USA sont dans une situation d’attaque qui provient d’un territoire qu’ils ne contrôlent pas. La conception de l’attentat vient d’ailleurs, elle est réalisée sur le sol américain avec des avions qui ont décollé du sol américain, mais la Cour distingue cette situation (attaque terroriste nait hors du territoire contrôle) et le cas d’Israël.

L’institut de droit international, dans la résolution de la session de Santiago, va également accepter que la légitime défense puisse naître en cas d’attaque armée d’un Etat par un acteur non étatique. Dans ce cas, l’article 51 de la charte (§10 de la résolution de Santiago), tel que complété par le droit international coutumier, s’applique en principe. Le prof, ainsi qu’une partie de la doctrine, pense qu’un Etat peut se retrouver en situation de légitime défense lorsqu’il est victime d’une attaque armée qui est le fait d’un acteur non étatique.

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Dire cela, ce n’est pas résoudre tout le problème de la légitime défense. Pourquoi ? D’abord, il y a des situations d’actes terroristes qui sont attribuables à un Etat. Si on parvient à attribuer le fait terroriste à un Etat, il n’y a plus de problème juridiquement, on est dans un problème d’Etat à Etat. Si on est en mesure de dire que le fait du particulier terroriste est, comme tel, attribuable par le truchement des règles d’attribution du droit de la responsabilité à un autre Etat, c’est cet Etat qui sera responsable. Mais dans la jurisprudence de la Cour, le degré de preuve est difficile à rencontrer. Il faut prouver les instructions, les directives, pas simplement le contrôle général.

A côté des situations d’attribution, où on est dans une situation d’Etat à Etat, une autre de situation de légitime défense d’Etat à Etat naît quand on est dans le cadre de ce que la résolution 3314 envisage à l’article 3, g). L’envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou groupes armés et constitutif, dans le chef de l’Etat qui les envoie, d’agression. S’engager de manière substantielle dans l’envoi de bandes est également constitutif d’agression. L’envoi de bandes qui vont se livrer à des actes d’agression est constitutif d’acte d’agression pour un Etat ; le fait de s’engager substantiellement aussi.

Face à ces précisions, on voit que la question de savoir si on est en situation de légitime défense face à un acte de terrorisme se réduit. Un certain nombre de situations sont couvertes par la situation de légitime défense d’Etat à Etat par ces mécanismes (attribution et engagement substantiel).

Si on est en-dehors de ces deux situations, peut-on agir en légitime défense contre un acte terroriste qui atteint le seuil de gravité qui n’est pas attribuable à un Etat qui n’est pas la manifestation de l’engagement de substantiel d’un Etat ?

Il semble au prof qu’encore une fois, rien n’exclut qu’un Etat puisse être en situation de légitime défense dans ce cas là. Les résolutions adoptées au lendemain du 11 septembre l’indiquent. Toutefois, être en situation de légitime défense c’est une chose. Savoir ce que l’on peut faire en légitime défense en est une autre. Utiliser la force armée contre un Etat, habituellement c’est ca la légitime défense. C’est là la vraie difficulté ! Si on n’est pas face à un Etat auquel on peut reprocher un acte d’agression, peut-on aller bombarder cet Etat ? Non, peut-être que l’Etat est en situation de légitime défense, mais il ne pourra pas employer la force contre un Etat qui n’est pas l’auteur d’un acte d’agression.

A quoi ca sert ? A couler un navire en haute mer, par exemple. Si on a un mouvement terroriste localisé à un endroit qui n’appartient à aucun Etat, imaginons qu’on a un navire en haute mer qui abrite des terroristes auteurs d’un acte d’agression, on ne peut pas refuser à l’Etat victime de détruire en haute mer le navire et ses occupants. Dans la résolution de 2007, l’institut de droit international envisage cette situation. Il n’empêche que si on veut réglementer la légitime défense, il semble imprudent d’exclure ce genre de situations et de dire qu’on ne peut jamais employer la force contre un mouvement terroriste.

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2. Conditions d’exercices

- Nécessité et proportionnalité

Ces exigences remontent à la doctrine Webster, secrétaire américain qui a eu une correspondance en 1837 sur la nécessité de réagir en légitime défense.

Nécessité et proportionnalité, ce sont les bouteilles à encre habituelles du droit. Ce sont des concepts qu’on énonce et qui ne veulent rien dire en eux-mêmes en dehors d’une situation factuelle. La Cour a toujours dit qu’elle était à même d’apprécier si la nécessité et proportionnalité étaient rencontrées.

o Nécessité  

On n’a pas d’autre choix pour se protéger que d’employer la force. S’il y a d’autres moyens de se mettre à l’abri de l’acte d’agression dont on est victime, il faut recourir à ces autres moyens.

Dans la correspondence WEBSTER, il parle de necessity of self defense, leaving no place for chance. On ne peut pas faire autrement. Il faut réagir en légitime défense pour se protéger.

Dans l’affaire des PLATES FORMES, la Cour annonce, affirme qu’elle est mesure d’apprécier si cette condition est rencontrée ou non et pour apprécier la nécessité, la cour va voir si, et c’est assez intéressant, les objectifs militaires (cibles de la réaction en légitime défense) sont légitimes au regard du ius in bello, c’est une manière pour elle de s’assurer que l’Etat agissant en légitime défense est resté dans les limites de la nécessité, il a pris pour cible des objectifs nécessaires pour sa défense ; la nécessité pour sa défense, c’est de s’assurer que les objectifs détruits étaient des cibles légitimes au regard du droit de la guerre. C’est une manière d’objectiver l’appréciation de la nécessité de la légitime défense.

o Proportionnalité 

Les juges font une balance. C’est une proportionnalité globale ici, on peut additionner les destructions de part et d’autre. on a une occupation de territoire par un autre Etat, ca revêt le caractère d’agression. Face à cette agression, est-ce nécessaire d’utiliser la force ? Et ce que l’on fait est proportionné face à l’occupation d’un petit bout de territoire ? Est-ce que ca va devenir illicite parce que disproportionné ? Dans l’affaire des plates formes, la Cour accepte l’idée cumulative (on accumule des attaques armées pour voir si on atteint le seuil de la légitime défense), de la même manière, on accumule les objectifs militaires détruits pour voir si globalement il y a proportionnalité.

Dans L’AVIS SUR LA LICÉITÉ DES ARMES NUCLÉAIRES, la Cour a estimé qu’elle ne pouvait pas exclure qu’un Etat dont la survie même était en jeu pouvait licitement utiliser le feu nucléaire en légitime défense, la Cour estime donc que quand la survie de l’Etat est en cause, on tombe dans une appréciation de la proportionnalité qui est pratiquement impossible. Quand la survie d’un Etat est en jeu, il peut utiliser la force

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nucléaire. Dans ce cas, la Cour semble dire que la proportionnalité sera rencontrée, ce qui est extrêmement dangereux.

Faut-il que la légitime défense soit utilisée immédiatement ? C’est l’idée de la nécessité que l’on retrouve ici. Certains Etats estiment que l’Etat qui n’agit pas directement en légitime défense ne peut plus utiliser la force en légitime défense ensuite. Là encore, tout est affaire de circonstances. Si un Etat doit regrouper ses forces, doit se réorganiser, … Peut-on dire que la Belgique a cessé d’être en situation de légitime défense dès l’instant où le gouvernement était parti à Londres ? L’immédiateté est souvent exigée, mais on ne peut pas considérer que l’on n’est plus en situation de légitime défense si on ne réagit pas immédiatement par l’emploi de la force.

- Les mesures prises sont portées à la connaissance du conseil de sécurité.

C’est une condition d’exercice de la légitime défense conventionnelle. La Cour, dans l’affaire NICARAGUA, a relevé le caractère conventionnel de cette obligation et a relevé le fait que les USA prétendent agir en légitime défense, mais la Cour relève qu’ils n’ont pas informé le conseil de sécurité. Donc la Cour dit qu’en réalité les USA n’estimaient pas être en situation de légitime défense. Depuis l’arrêt de 86, tous les Etats notifient systématiquement les emplois de la force, pour se mettre à l’abri du reproche, même s’ils ne sont pas en situation de légitime défense.

- Le droit de légitime défense prend fin par les mesures nécessaires adoptées par le conseil de sécurité.

C’est aussi une condition d’exercice du droit de légitime défense : il ne peut plus être exercé quand le conseil de sécurité a pris les mesures nécessaires. L’action du conseil de sécurité met fin à l’exercice du droit de légitime défense. Tout est de savoir si le conseil de sécurité a pris les mesures nécessaires.

Dans la guerre Bosnie-Serbie, quand le conflit est devenu international, le conseil de sécurité a édicté un embargo sur les armes à l’adresse de tous les belligérants. Certains ont considéré que la Bosnie n’était du coup plus en droit d’agir en légitime défense. Ca semble bizarre pour le prof. Les mesures nécessaires sont celles qui protègent l’Etat agressé effectivement. Certains Etats sont plus égaux que d’autres : les Etats du conseil de sécurité peuvent eux seuls s’opposer à l’action du conseil de sécurité. Ils ont un droit de légitime défense plus étendu que d’autres. Si la Chine, USA, France, G-B et Russie est en situation de légitime défense, par son véto, elle peut s’opposer à une action du conseil de sécurité et agir elle-même.

3. Le problème de la légitime défense collective 

Tout ce qu’on a vu au-dessus, c’est le droit de légitime défense individuel. Un Etat est agressé par un autre Etat. la légitime défense collective, c’est la situation où un Etat agressé demande l’aide de ses alliés. Ce n’est pas la même chose que l’assistance militaire, qui peut intervenir en temps de paix. Ici, un Etat agressé constate le fait qu’il est agressé et demande à un autre Etat de venir l’aider.

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C’est une forme de solidarité minimale entre Etats. La particularité, c’est que la légitime défense collective permet à l’Etat tiers appelé par l’Etat agressé peut attaquer l’Etat agresseur. B mène une attaque contre A, qui est en légitime défense. A peut demander à C, qui n’est pas attaqué par B, de venir l’aider et C pourra immédiatement employer la force contre B sans avoir été lui-même agressé.

Ce droit de légitime défense est soumis à deux conditions essentielles :- A doit constater lui-même être l’objet d’un acte d’agression (C ne peut

pas lui dire qu’il est agressé et qu’il vient aider) ;- A doit demander à C de venir l’aider. Il faut une demande formelle

d’assistance en légitime défense collective. Dans l’affaire Nicaragua Usa, §195 et 199. Mais C doit agir de manière nécessaire et proportionnelle, et devra aussi avertir le conseil de sécurité.

La légitime défense collective est encadrée par le droit international coutumier. L’appel à l’aide de A vers C peut exister alors qu’il n’existe aucun lien conventionnel entre eux.

Dans le cadre du traité de l’OTAN, l’article 5 organise cette légitime défense collective. Lors des attaques du 11 septembre, on a déclenché cet article 5.

Dans l’article 42§7 TUE, on a la même clause de solidarité entre Etats membres de l’UE. Mais ce n’est pas automatique : il faut un appel à l’aide et une décision de l’Etat C qui décide ou non d’engager ses forces armées. Il faut une décision de commandement militaire qui relève de la décision souveraine, au moment où on nous adresse la demande de légitime défense collective. Tous ces traités ne nous obligent pas à secourir, ce sont des clauses par lesquelles on s’engage à faire le nécessaire.

17/12/2010

§4. Autres exceptions

A) Réponse classique

La réponse classique est qu’il n’existe pas d’autres exceptions. Cette réponse est notamment formulée par la jurisprudence de la CIJ : CIJ, AFFAIRE DES ACTIVITÉS ARMÉES SUR LE TERRITOIRE DU CONGO, RDC c. Ouganda, 19 décembre 2005, §148, p. 599.

En dehors d’une situation de légitime défense, la CIJ affirme qu’il n’y a pas de possibilité pour les Etats d’employer la force armée. Cette affirmation date de 2005, époque où la Charte fonctionne.

B) Le système de la Charte

Toutefois, pendant la guerre froide, cette affirmation de la logique de la Charte était remise en cause : on contestait le système de la Charte, car il y avait une défaillance de la sécurité collective. Les Etats n’entendaient pas limiter l’autoprotection par la force armée, aux seuls cas de légitime défense. Les Etats affirmaient que le fait que le

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système de sécurité collective ne fonctionnait pas, leur permettait de recourir à la force en dehors de situations de légitime défense. Mais dans quels cas ? Dans deux cas particuliers :

- Le premier cas, proche de la légitime défense est le sauvetage des nationaux à l’étranger (légitime défense ou nécessité).

La Belgique a fait cela plusieurs fois : parfois avec le consentement du Congo, parfois sans. On ne peut pas dire que l’Etat est agressé lorsque ses ressortissants sont menacés de mort à l’étranger, mais de là à dire qu’il y a une situation d’agression, il y a un effort d’imagination particulier. Donc, on a préféré affirmer qu’à côté de la légitime défense, il y a le droit de sauver les nationaux à l’étranger. Ce débat n’a pas été simple pendant la guerre froide. Il y a des opérations qui sont restés célèbres comme le raid israélien suite à une prise d’otage dans un avion (l’autorisation n’avait pas été donnée). L’argument d’état de nécessité ne vaut que si on ne viole pas une règle de jus cogens par l’emploi de la force.

- Le deuxième cas, c’est les représailles armées.

Il y a un acte pas si grave qu’en légitime défense, mais les Etats considèrent qu’ils peuvent utiliser la force en représailles. Si le système de sécurité collective ne fonctionne pas, on peut employer la force, pour se protéger. On peut se substituer à un manque de sécurité collective, et se protéger unilatéralement.

La pratique de la CharteLa pratique de la Charte ne dit pas que ces deux cas sont englobés ! Certains se sont rattachés à l’article 2 § 4. Ces interprétations ont été rejetées.

Il y a aussi l’intervention d’humanité : c’est la question des années 90, après la guerre froide. C’est ce qu’on appelle la « responsabilité de protéger » (R2P : responsability to protect).

Cela a été amené par Bernard Kouchner : on ne peut pas tolérer à la fin du 20ème siècle que des Etats massacrent leur propre population, ou que des Etats laissent leur population non protégée. Si un Etat n’exerce pas sa responsabilité de protéger les siens, il appartient aux autres Etats de protéger ces gens menacés dans leur existence. Il y a une protection d’humanité, due pour des raisons d’humanité. Ce sont des êtres humains à sauver, quelle que soit leur couleur de peau, ou leur nationalité.

La communauté internationale serait chargée de la responsabilité de protéger, si l’Etat n’accomplissait pas ses devoirs. La vraie question juridique, c’est de savoir ce qu’il se passe si le Conseil de sécurité ne fait rien ? C’est un risque réel, vu les conditions procédurales dans lesquelles une résolution est adoptée.

Est-ce qu’on peut laisser crever les gens parce qu’à New York, les diplomates n’arrivent pas à s’entendre ? La question d’intervention d’humanité est celle-là. On résout cette question en prenant appui juridiquement sur l’article 2 § 4. On a toutefois un mouvement opposé à ce discours, qui vient d’Etats dans lesquels ce genre

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d’opérations risque d’être menée par des Etats occidentaux. Ce qui tracasse fort, ce sont les intentions cachées des Etats qui interviennent, car les Etats sont rarement animés par un but purement philanthropique…

Une grande partie du débat se résout par l’intervention du Conseil de sécurité qui ordonne d’aller sauver. Mais il est des cas (comme le Kosovo), où la force a été utilisée, alors que le Conseil de sécurité n’avait pas autorisé !

Ce type d’opérations doit être considéré comme illégal. Les Etats qui ont mené ces opérations ont toujours justifié le recours à la force au regard du droit international, et n’ont pas prétendu violer la Charte.

Le débat sur l’emploi de la force en l’absence de l’autorisation du Conseil de sécurité, existe toujours. Ce genre d’opérations, à l’heure actuelle, suscite de très graves questions de droit international (pour ne pas dire sont contraires au droit international).

Il est parfois moral de violer le droit, pour autant qu’on soit prêts à en subir les conséquences. Il est par contre immoral de savoir qu’on viole le droit, et de ne pas en payer les conséquences. Il est des situations ultimes où respecter la Charte est humainement intenable, et où la valeur de l’action politique consiste à s’en départir.

Section 2   : La sécurité collective

§1. De la Société des Nations à l’Organisation des Nations Unies

D’où venons-nous ? On part du Traité de Versailles 1919 et de la première partie de ce traité qui contient le Pacte de la SdN. Il y a eu des faiblesses de la SdN dès le début car des Etats importants n’en faisaient pas partie (comme les USA). Cela a réduit la SdN en tant que puissance politique. Cette société des Nations s’effondre quand la Pologne est envahie par l’Allemagne en 1939.

Dès la Charte de l’Atlantique du 14 août 1941, l’idée d’une structure politique universelle remplaçant la SdN va faire jour. La Déclaration des Nations Unies du 1er

janvier 1942 fonde les bases de la notion de « Nations-Unies » : un effort commun dans la guerre pour une victoire commune, et l’instauration d’une nouvelle structure de sécurité collective. A Casablanca, en 1943, les alliés ont convenu de ne pas conclure de paix séparée (principe de la guerre totale).

L’ennemi sera défait. Avant la fin de la guerre, les Accords de Yalta du 11 février 1945, peaufinent les dernières difficultés. La Charte des Nations Unies, signée à San Francisco, le 26 juin 1945 est signée alors que la guerre fonctionne toujours dans le Pacifique.

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§2. Le Conseil de sécurité

A. Fonctions, pouvoirs et organisation du Conseil de sécurité

1. Fonctions

C’est l’organe central. Pour ses fonctions, voir l’article 24 (p. 40). Il y a aussi d’autres organes qui agissent également pour la finalité de maintien de la paix et de la sécurité internationale.

C’est un organe permanent.

2. Composition

En ce qui concerne sa composition, il y a des membres permanents et non permanents (art. 23). Il se réunit toute la vie durant, dès qu’il le faut. Quinze membres siègent au Conseil, divisés en cinq membres permanents (USA, Chine, Russie, France, et Royaume-Uni, qui sont les vainqueurs de la WWII et qui ont le droit de véto) et dix membres non permanents (qui sont élus pour deux ans par l’Assemblée Générale des Nations-Unies. L’Assemblée Générale, dans cette élection doit tenir compte, selon l’article 23, « de la contribution … et aussi d’une répartition géographique équitable »). Ils se réunissent ensemble et forment le Conseil de sécurité. C’est un organe collectif.

3. Procédure, vote, veto, abstention (art. 27)

9 sur 15, c’est la majorité pour qu’une résolution soit adoptée. Il faut que les 5 permanents disent oui, et que 4 des non-permanents disent aussi oui. Il suffit qu’un Etat permanent dise non pour que la résolution ne soit pas adoptée, même s’il y a une majorité de 14.

Si on n’est face à une résolution qui n’atteint pas 9 voix : il n’y a pas lieu de dire qu’un Etat permanent a exercé son veto. Ce n’est que si on arrive à 9 et plus, et qu’un des Etats permanents a dit non, qu’on arrive à la situation de veto.Dans le texte, il est dit « les voix de tous les membres permanents », mais en pratique, l’abstention d’un des membres permanents n’emporte pas la non adoption de la résolution, s’il y a majorité.

Cet article 27 § 2 est la disposition de la Charte qui confirme le droit de veto de chaque Etat membre permanent. Un des Etats permanents peut tout bloquer et n’a pas à se justifier. Certains sont donc plus égaux que d’autres, (on a vu cela plus haut, en évoquant la légitime défense) ! Mais cela s’explique par des raisons historiques. On pense à ajouter d’autres membres, mais cela risque de créer de gros débats. La légitimité de la position des Etats permanents actuels ne dépend plus de la situation historique et du fait qu’ils ont gagné la guerre, mais de leur action ! Les Etats non permanents, eux, sont les porteurs de voix de leurs régions.

En principe, un EM qui est concerné, ne devrait pas prendre part au vote. Mais cela n’a jamais été le cas : ils votent toujours.

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4. Pouvoirs

Les pouvoirs du Conseil sont visés aux chapitres VI, VII, VIII.

5. Portée des résolutions

Quelle est la portée des résolutions ? Il y a des recommandations et décisions.

Dans le cadre du chapitre VI, le Conseil a un pouvoir de recommandation (demander de faire quelque chose sans obliger). Dans le cadre du chapitre VII, il a un pouvoir de décision. Dans le cadre du chapitre VIII, il a également un pouvoir de décision : c’est au Conseil de sécurité qu’il appartient d’autoriser l’emploi de la force, quand la situation est entre les mains d’une organisation régionale (comme l’organisation des Etats Américains). Art 53.

Revenons au chapitre VII. Le Conseil peut dans ce cas adopter des résolutions obligatoires pour tous les EM de l’ONU. Il est un organe qui dans ce cas peut adopter une décision contraignante pour tous les EM. C’est une résolution obligatoire. On va créer une norme nouvelle par le processus délibératif fixé par la Charte des Nations-Unies. Cela liera tous les EM, même les Etats non permanents qui voteraient contre !

6. Article 48

Selon l’article 48 de la Charte, les EM doivent prendre les mesures nécessaires pour l’exécution des décisions.

7. Article 25

A quelles conditions le Conseil de sécurité peut-il agir au titre du chapitre VII ? Il faut qu’il constate une menace contre la paix, rupture de la paix, ou acte d’agression. Avant de voir cela, comprenons bien la portée des résolutions prises en vertu du chapitre VII.

8. Article 103

Ces résolutions sont obligatoires. L’article 103 de la Charte dit que ces résolutions vont primer sur les autres accords internationaux conclus par les Etats. Il y a un véritable pouvoir normatif unilatéral. Le Conseil peut défaire temporairement les obligations internationales des Etats, et les remplacer par d’autres !

L’AFFAIRE DE LOCKERBIE

CIJ, Affaire relative à des questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Libye c. USA), ordonnance du 14 avril 1992, §42, p. 547.

Le Conseil a pris des résolutions demandant l’extradition de responsables de l’incident aérien. La Lybie a dit que cette résolution était contraire à la Convention de Montréal de 1971. La CIJ s’est penchée sur la prétention de la Lybie à titre

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Page 269: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

conservatoire, et a conclu que depuis l’adoption de la résolution, la Lybie n’était plus tenue par la Convention de Montréal de 1971, car il y a l’article 103 de la Charte.

Est-ce que ce pouvoir n’existe que dans le cadre du chapitre VII ? On se pose cette question, car il existe l’article 25 de la Charte. L’article 25 n’est pas contenu dans le chapitre VII. La question qui se pose est de savoir si cet article 25 est redondant : dit-il une deuxième fois ce que l’article 48 dit déjà à propos des décisions du chapitre VII, ou confère-t-il au Conseil de sécurité un pouvoir de décision en dehors mêmes des situations visées par le chapitre VII ?

Article 25   : CIJ, CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR LES ETATS DE LA PRÉSENCE CONTINUE DE L’AFRIQUE DU SUD EN NAMIBIE (Sud-Ouest africain), avis consultatif du 21 juin 1971, §§112-114, p.

Le Conseil met fin au mandat de l’Afrique du Sud. La question était de savoir quelles étaient les conséquences de la présence illégale de l’Afrique du Sud en Namibie. La résolution n’était pas fondée sur le chapitre VII. La question était de savoir si la résolution était obligatoire ou pas. La CIJ va dire que cet article 25 n’est pas redondant par rapport à l’article 48 : que les mesures coercitives qui peuvent être prises, existent même en dehors du chapitre VII. La CIJ va donc interpréter l’article 25 comme conférant au Conseil le pouvoir de prendre des résolutions obligatoires, en dehors même des situations visées par le chapitre VII.

9. Interprétation des résolutions

Quand est-on face à une recommandation, et face à une décision alors que le chapitre VII n’est pas visé ? Il faut une interprétation des résolutions : voir les termes utilisés. Si le Conseil dit qu’il décide, ce n’est pas la même chose que s’il dit qu’il exhorte, recommande, appelle. Les mots manifestent la volonté de prendre une décision ou une recommandation. On s’entourera des techniques d’interprétation pour reconstituer la volonté du Conseil de sécurité.

Techniques d’interprétation   : CIJ, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, avis consultatif, 22 juillet 2010, §§94-100 ; 114-119, p. 647.

10. Effet direct ?

Le Conseil a-t-il le pouvoir de prendre des décisions ayant un effet direct ? L’effet direct suppose que le Conseil de sécurité ait le pouvoir de prendre résolution ayant effet direct. Il faut donc que la Charte ne l’interdise pas.

Et si ce pouvoir existe, est-ce que le Conseil de sécurité a déjà exercé ce pouvoir ? En l’espèce, le Conseil de sécurité n’a jamais fait usage de ce pouvoir. Il s’est toujours adressé aux EM pour qu’ils prennent les mesures nécessaires. Il faut que l’Etat prenne une décision (exemple : la loi du 11 mai 1995 relative à la mise en œuvre de décisions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations-Unies).

La question reste théorique, mais les termes de la Charte n’excluent pas cette possibilité.

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Page 270: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

B. Chapitre VII   : «   Menace contre la paix, rupture de la paix, acte d’agression   »

Ce sont les conditions d’ouverture de l’exercice des pouvoirs du Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII.

L’article 39 (p. 43) donne le pouvoir au Conseil de sécurité de « constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression et de faire des recommandations ou de décider quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir et rétablir la paix et la sécurité internationales ».

Il faut : - une menace contre la paix, - une rupture de la paix - un acte d’agression.

Il faut qualifier l’acte. Ces notions sont des actes concentriques. Menace > rupture > agression. Souvent, le Conseil de sécurité qualifie l’acte de menace ou de rupture de la paix. Il est avare pour la qualification d’agression. Ce sont des mots qui ouvrent le pouvoir du Conseil de sécurité.

1. Evolution de la notion de « menace contre la paix » et pratique

Cette notion de menace contre la paix a évolué. En 1945, on entendait cette notion en lien avec l’agression : la paix internationale est menacée par un conflit entre Etats. Depuis la fin de la guerre froide, cette notion de « menace contre la paix » a évolué dans la pratique et est devenue très englobante. Cela peut être un conflit interne, ou une situation interne sans conflit.

Exemple : une catastrophe naturelle peut avoir pour conséquence un afflux migratoire important qui menace la paix.

Qu’est ce que c’est une « menace contre la paix » ? C’est ce que le Conseil de sécurité décide. Il a un pouvoir de qualification très étendu. Le Conseil de sécurité dit, à la fin de la guerre froide, que la notion de menace contre la paix est polysémique, et que cela ne vise pas uniquement les conflits internationaux. Les situations internes ne sont pas un obstacles à l’intervention du Conseil de sécurité (article 2, §7 Charte des Nations-Unies).

La notion « d’affaires intérieures » cède devant la qualification de menace contre la paix. Une affaire intérieure est un obstacle à l’action de l’organisation, sauf dans le cadre du Chapitre VII, mais pas dans le cadre de l’article 25 de la Charte. C’est cette qualification de menace contre la paix qui permet l’utilisation de mesure.Il y a un pouvoir considérable du Conseil de sécurité.

Il faut que cette qualification passe la rampe des 9 voix sur 15. Or on sait que les 5 Etats permanents ont des visions différentes de la notion de « menace contre la paix », et notamment en ce qui concerne les droits de l’homme. Exemple : la France et la Chine ont des visions très différentes de ce qu’est une violation des droits de l’homme.

2. Mesures pacifiques

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Page 271: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Les mesures pacifiques se trouvent à l’article 41 de la Charte. Le Conseil de sécurité prend des mesures pacifiques qui n’emportent pas l’emploi de la force : ce sont les embargos économiques.

Exemple : embargo irakien (tous les biens)Exemple : embargos sur certains biens.Les embargos généraux sont toujours accompagnés d’exceptions pour des raisons humanitaires. Mais tout cela se fait sous surveillance d’un organe subsidiaire que le Conseil de sécurité crée et qui va surveiller l’embargo. L’article 29 de la Charte vise les comités des sanctions et les organes subsidiaires.

Exemple : un exportateur belge veut exporter du lait en poudre vers un pays faisant l’objet d’un embargo généralisé. Pour pouvoir exporter sa marchandise vers cet Etat, il devra demander le feu vert de New York.

Le Conseil de sécurité peut également prendre des sanctions de gels d’avoirs (article 50 de la Charte) vis à vis de dirigeants politiques ou de personnes soupçonnées d’appartenance terroriste. Cela peut poser un problème en matière de respect des personnes.

3. Contrôle des résolutions du Conseil de sécurité

C’est une question qui anime la doctrine et qui pose la question du contrôle de la légalité des résolutions du Conseil de sécurité. Est-ce que son pouvoir est illimité ?

- CIJ, Affaire relative à des questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de LOCKERBIE (Libye c. USA), ordonnance du 14 avril 1992, §43, p. 547.

La Cour dit qu’en principe elle peut contrôler les résolutions du Conseil de sécurité. Mais elle ne l’a jamais fait.

- TPIY, TADIC ̌, IT-94-1-A, 2 oct. 1995, §§14-22, p. 713.

Le TPIY se réserve en principe le droit de contrôler la résolution du Conseil de sécurité, mais la résolution du Conseil de sécurité qui crée le TPIY est juridiquement fondée. Il est étrange que le TPIY puisse contrôler la validité de la résolution qui l’a créé.

Cette question des limites est celle du jus cogens. Est-ce que le Conseil de sécurité peut déroger au jus cogens ? Non bien sûr. La Charte ne peut pas le faire, alors pourquoi le Conseil de sécurité le pourrait ?!

Ce n’est donc pas à travers la qualification de menace qu’il faut contrôler l’action du Conseil de sécurité, mais c’est plutôt de l’action du Conseil de sécurité qui en découle qu’il faut contrôler.

Ce problème s’est posé devant le Tribunal de première instance de l’UE. L’affaire est ensuite remontée devant la CJCE.

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Page 272: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

- T-306/01, YUSUF, 21 septembre 2005, §§272 et s. (p. 703) ; CJCE, C-406/05 P et C-415/05 P, KADI, 3 septembre 2008, §§278-330 (p. 705).

Mr Yussuf est quelqu’un dont le nom est sur la liste des terroristes dont les Etats doivent geler les avoirs. Mr Yussuf ne peut rien dire et est présumé être un terroriste  ; de ce fait, ses avoirs sont gelés. C’est une violation du droit de propriété. De plus face à cette mesure, Mr Yussuf n’a pas de recours.

Il fait des recours internes et va devant le TPIUE. Ce tribunal va faire un raisonnement de juge international. Il y a un règlement de l’UE qui met en œuvre la résolution. Le TPIUE se pose la question de savoir si la résolution est licite au regard du jus cogens. Le TPIUE va regarder si le règlement ne met pas en œuvre une résolution qui serait contraire aux jus cogens. Le TPIUE considère que la résolution n’est pas contraire au jus cogens.

L’affaire va en appel. La CJCE réfléchit comme un juge constitutionnel. La Cour dit que le règlement de l’UE doit être conforme au droit constitutionnel primaire de l’UE, même s’il met en œuvre une résolution du Conseil de sécurité. Même si l’UE est tenue par la résolution, elle ne peut pas dans son ordre interne mettre en œuvre quelque chose qui sera contraire à ses valeurs fondamentales.

Le fait que Monsieur Yussuf n’ait pas été entendu, et qu’il n’ait pas de recours, est contraire aux valeurs fondamentales de l’UE. Le règlement est annulé.

On contrôle le règlement communautaire quand bien même il mettait en œuvre une résolution, car les valeurs constitutionnelles de l’Union prime le droit international.

C’est une affirmation de l’autonomie de l’Union face au droit international. C’est aux conditions de l’Union que le droit international entre dans l’espace juridique de l’Union. C’est une logique dualiste de l’ordre constitutionnel de l’Union. C’est une affirmation de l’autonomie du droit communautaire au regard du droit international. Cette affirmation est une hérésie pour le droit international.

C. Emploi collectif de la force armée

Lorsque l’on constate que les mesures pacifiques sont insuffisantes ou qu’elles seront insuffisantes, le Conseil de sécurité peut utiliser la force armée.

- « Plan de la charte »

Dans la Charte de 1945, on a imaginé la mise à disposition permanente de forces nationale des Etats en faveur de l’Organisation des Nations-Unies (article 43 de la Charte). Ces contingents nationaux auraient dû être commandés par le Comité d’Etat major des Nations (articles 45-47 de la Charte). Il ne s’est réuni qu’une fois en 1946, et ce fut un échec, car on était en pleine guerre froide. A cette époque, il est impensable de faire combattre des Américains aux côtés des Russes. Un commandement collectif n’était pas possible.

- Guerre froide

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Page 273: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

Pendant la guerre froide, ce Comité d’Etat major ne fonctionne pas. On va alors inventer sous l’impulsion du Canada l’expédiant ; les forces de maintien de la paix. Ce sont les casques bleus. C’est quelque chose qui n’est pas prévu par la Charte.

- Guerre de Corée

Les premiers casques bleus sont mis en place sur base de deux résolutions (83 et 84 de 1950) du Conseil de sécurité pour le maintien de la paix. La guerre de Corée de 50-53 est une opération sous la bannière des Nations-Unies.

- Opérations de maintien de la paix

L’opération de maintien de la paix (« peace-keeping ») est une opération consensuelle : le Conseil de sécurité va recommander le déploiement de forces militaires sous la responsabilité du Secrétaire général (forces multinationales autorisées : « peace keeping »). Ils ont des fonctions de maintien de la paix.

Cela suppose que la paix existe et que les belligérants soient d’accord que les casques bleus interviennent. Ce sont les Etats qui volontairement mettent à disposition des soldats. Le rôle de ces soldats est un rôle défensif. Ce sont des opérations peu intrusives. C’est quelque chose de léger. Il y a à travers le monde des dizaines d’opérations de maintien de la paix, qui sont plus ou moins importantes.

Le fondement de ces opérations est le consentement des Etats. Dès qu’il y a consentement, il n’y a pas de problème. Ces forces vont parfois se transformer en force d’imposition de la paix lorsque l’on obtient l’autorisation d’utiliser la force.

Cette autorisation d’emploi de la force peut être donnée au profit de forces internationales qui ne sont pas mises à disposition du Secrétaire général (résolution 678 de 1990). Le Conseil de sécurité autorise l’emploi de la force et le fait en faveur des EM et leur fixe des objectifs dans l’emploi de la force. Cela n’est pas prévu comme tel dans la Charte, mais cela est justifié par l’article 42 de la Charte.

Lorsque le Conseil de sécurité autorise l’emploi de la force, il donne un mandat, il fixe les objectifs. Il peut transformer des opérations de maintien de la paix fondées sur le consentement des parties, en imposition de la paix.

Exemple : La Bosnie prenait en otage des casques bleus, et le Conseil de sécurité autorise les casques bleus à utiliser la force pour des objectifs non consentis par les EM sur la base du Chapitre VII. Le Conseil de sécurité peut aussi autoriser des Etats à utiliser la force de manière plus coercitive.

§3. L’Assemblée générale

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Page 274: Droit international public - Arpia.be - Website of Peter ... · Web viewDroit international public2010-2011Valérie NICAISE Droit international public 2010-2011 Valérie NICAISE Le

1. Lien avec le Conseil de sécurité

Qu’est-ce qui se passe lorsque le Conseil de sécurité n’agit pas car un des EM permanents est opposé à l’action ? Rien ? Ou l’Assemblée Générale prend le relai du Conseil de sécurité ?

Il faut voir les articles 24 et 12 de la Charte.Juridiquement, il y a une autorisation d’employer la force pour des objectifs que le Conseil de sécurité vise explicitement. Mais quid s’il ne fait rien ? Le Conseil de sécurité, selon l’article 24, a une responsabilité principale (≠ exclusive) et l’Assemblée Générale (AG) peut agir en lieu et place du Conseil de sécurité.

La résolution Union pour le maintien de la paix (A/RES/377 (V) du 3 novembre 1950) permet à l’Assemblée Générale d’agir en cas de défaut d’action du Conseil de sécurité car un EM permanent utilise son droit de véto.

2. Quels sont ses pouvoirs   ?

Elle peut recommander les mesures nécessaires aux EM. Elle n’agit pas avec les pouvoirs du Conseil de sécurité. Son pouvoir n’est que celui de la recommandation.

Elle peut recommander aux EM de participer aux opérations de maintien de la paix qu’elle crée, mais l’AG est sans pouvoir pour autoriser l’emploi de la force. Cela relève de la compétence de l’emploi de la force. Si l’AG recommande l’emploi de la force, cela aura toutefois une portée politique considérable, mais juridiquement elle n’a pas le pouvoir de l’imposer.

Elle peut agir dans le cadre de ses pouvoirs, et ne peut faire que cela. Elle ne se substitue pas aux pouvoirs du Conseil de sécurité quand elle agit à sa place.

3. Limites de l’action de l’Assemblée Générale

La limite de l’action de l’AG se trouve à l’article 12 de la Charte : l’AG doit s’abstenir d’agir quand le Conseil de sécurité exerce ses pouvoirs. On veut éviter de l’Organisation des Nations-Unies ait deux discours, bien que le risque que cela se passe soit peu élevé.

Remarque : La fin du paragraphe 2 (point C) et le paragraphe 3 ont été bâclés par le professeur d’Argent, faute de temps.

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