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Paul NIHOUL, rédacteur en chef

ANALYSE

ISSN 0779-7656 – D 2012/0031/046

Mars 2012N o 187 — 20 e année

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La nouvelle directive relative aux droits des consommateursJules Stuyck*

ANS QUELLE MESURE la directive récemment adoptée prolonge-t-elle le mouvement consistant à harmoniser les règles applicables aux contrats de consommation?

IIntroduction

Dans son livre vert sur la révision de l’acquiscommunautaire en matière de protection desconsommateurs de 20061, la Commission rap-pela qu’en 20042 elle avait lancé le processusde révision de l’acquis en matière de protec-tion des consommateurs. Cette révision cou-vrait huit directives dont le but est de protégerles consommateurs. Selon le livre vert de 2006,la révision s’imposa en raison de l’évolution dumarché (surtout la croissance de la technologienumérique), l’éclatement de la réglementation,notamment en raison de l’approche d’harmo-nisation minimale laissant les États membres lapossibilité de légiférer au-delà des règles euro-péennes et, enfin, le manque de confiance desconsommateurs en raison de la diversité desrègles résultant d’une harmonisation minima-le.

Le 8 octobre 2008 la Commission fit une pro-position de directive relative aux droits desconsommateurs. La proposition visa à réviserla directive 85/577/CEE concernant les contratsnégociés en dehors des établissements com-merciaux, la directive 93/13/CEE relative auxclauses abusives, la directive 97/7/CE sur lescontrats à distance et la directive 1999/44/CEen matière de vente et garantie des biens deconsommation. La Commission proposa deremplacer ces quatre directives (seulement) parde nouvelles dispositions. La proposition envi-sagea une uniformisation des règles en matière

du droit de rétractation pour les ventes à dis-tance d’une part et les ventes en dehors desétablissements commerciaux (règles qui, dansles anciennes directives, furent différentes pources deux méthodes de vente) d’autre part, l’in-troduction d’une obligation générale d’infor-mation précontractuelle et une protectionétendue en matière de clauses abusives et devente et garanties des biens de consommation.Cette proposition a donné lieu à de nombreuxcommentaires et critiques3. Après de longuesdiscussions au Parlement européen et au Con-seil la proposition initiale a été fortementamendée. Si la directive 2011/83/UE a mainte-nu le principe de l’harmonisation « complète »(voy. ci-après), mais avec beaucoup de nuan-ces, elle se limite en revanche à l’introductiond’une obligation générale d’information, à unerefonte et une uniformisation des obligationsd’information et du droit de rétractation en ma-tière de contrats à distance et de contrats horsétablissement et à l’introduction de quelques« autres droits des consommateurs », à savoirles règles en matière de livraison et de transfertdu risque en cas de vente de biens à la con-sommation, ainsi que quelques dispositionspointues relatives aux domaines suivants : lesfrais pour l’utilisation d’un moyen de paie-ment, la communication du consommateuravec le vendeur au téléphone et les paiementssupplémentaires pour les contrats de vente etpour les services et les contrats de fournituresd’eau, de gaz, de l’électricité, de chauffage ur-bain ou de contenu numérique. En revancheles règles en matière de conformité des biensde consommation de la directive 1999/44/CEet le régime des clauses abusives de la directive93/13/CEE ne sont pas modifiés (mais il est pré-cisé que les États membres doivent informer laCommission de l’adoption de règles plus stric-

tes que les règles minimales inchangées des di-rectives existantes4).Il s’agit donc d’une réforme plus limitée quecelle qui avait été envisagée dans le livre vert de2006 et même plus limitée que la propositionde la Commission de fin 2008. La réforme restenéanmoins importante.La directive est entrée en vigueur le 13 décem-bre 20115. Les États membres doivent adopteret publier les dispositions transposant la direc-tive au plus tard le 13 décembre 2013 et ils doi-vent appliquer les mesures à partir du 13 juin2014. Enfin les dispositions de la directive s’ap-pliquent (uniquement) aux contrats conclusaprès cette date.

1Nature de l’harmonisation

La directive maintient, en tant que principe,l’approche initiale de la proposition qui est cel-le d’une harmonisation complète, au lieu del’approche d’harmonisation minimale qui étaitcaractéristique des directives qui font l’objet dela révision.Selon l’article 4 de la directive, les États mem-bres s’abstiennent de maintenir ou d’introduire,dans leur droit national des dispositions s’écar-tant de celles fixées par la présente directive,notamment des dispositions plus strictes ouplus souples visant à assurer un niveau différentde protection des consommateurs, sauf si laprésente directive en dispose autrement.L’article 4 de la proposition initiale était libelléessentiellement de la même façon, mais ne

(3) On lira entre autres les divers articles de doctrine ci-tés ci-après dans cet article.(4) Articles 32 et 33 de la directive 2011/83/UE. (5) Voy. l’article 34 de la directive 2011/83/UE.

(*) Professeur à la K.U. Leuven, professeur invité à l’Uni-versité Panthéon-Assas Paris 2, avocat au barreau deBruxelles. L’auteur peut être contacté à l’adresse [email protected].(1) COM (2006) 744 final.(2) COM (2004) 651 final.

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contenait pas les mots « sauf si la présente di-rective en dispose autrement ».

Rappelons que ce t te « harmonisa t ioncomplète »6 devait, selon la proposition, égale-ment s’appliquer à la vente et au garanties desbiens de consommation et aux clauses abusi-ves. Différents auteurs ont observé qu’une har-monisation complète dans ces domaines ris-quait de réduire sensiblement le niveau existantde protection des consommateurs. L’exemple leplus frappant d’une telle réduction concernaitle régime des clauses abusives. Alors que la di-rective 93/13/CEE énonçait essentiellement unenorme générale,7 l’annexe à cette directivecontenait une liste indicative de clauses pou-vant être qualifiées d’abusives. Ce régime auraitété remplacé par un régime dans lequel la nor-me générale est supplée par une liste noire(clauses réputées abusives en toutes circonstan-ces) et une liste grise (clauses présumées abusi-ves)8.

Le terme « harmonisation complète » ne doitpas être mal compris. Aucune directive n’har-monise complètement une matière. La directive2011/83/UE n’harmonise que quelques aspectsdu droit des contrats de la consommation. Ainsique précisé ci-dessus l’harmonisation complètes’oppose à l’harmonisation minimale qui laisseaux États membres le pouvoir d’adopter des rè-gles plus strictes. Ce n’est qu’à l’intérieur du do-maine harmonisé que l’harmonisation est com-plète ou minimale.

En l’occurrence il s’agit d’une « harmonisationcomplète ciblée ». L’harmonisation est en effetlimitée aux aspects réglementés qui sont essen-tiels pour augmenter la sécurité juridique, tantpour les consommateurs que pour lesprofessionnels9. Pour ces aspects, l’harmonisa-tion est, en principe, complète, mais, commel’indique déjà l’article 4, cette harmonisationcomplète ne vaut que pour autant que la direc-tive n’en dispose pas autrement.

Pour une bonne compréhension de l’impact dela directive il est utile de rappeler ce qu’elleharmonise exactement et comment elle se rap-porte avec les anciennes directives en lamatière :1) La directive contient une obligation d’infor-mation concernant les contrats autres que lescontrats à distance ou hors établissements(article 5). Ceci est nouveau.2) Le chapitre 3 concerne l’information desconsommateurs et le droit de rétractation con-cernant les contrats à distance et les contratshors établissements (articles 6-16). Les directi-ves existantes dans ces deux domaines, à savoirla directive 97/7/CE et la directive 85/577/CEEsont abrogées (voy. article 31).

3) Une partie du chapitre IV sur les « autresdroits des consommateurs » (articles 18 et 20)concerne les contrats de vente des biens deconsommation et contient des dispositionscomplémentaires par rapport à la directive1999/44/CE (certains aspects de la vente et desgaranties des biens de consommation, c’est-à-dire la conformité) et harmonise pour la pre-mière fois (et complètement) les règles en ma-tière de livraison et de transfert du risque.4) Une autre partie de chapitre IV (articles 19,21 et 22) contient des dispositions qui sontcomplètement nouvelles. Elles concernent lesfrais pour l’utilisation d’un moyen de paiement(article 19), la gratuité de la communication autéléphone dans le cadre d’un contrat conclu etl’interdiction des « options par défaut »(article 22).5) Le chapitre 5 contient des dispositions géné-rales en matière d’exécution de la directive(article 23), les sanctions (article 24), le carac-tère impératif de la directive (article 25), l’infor-mation que les États membres doivent donneraux consommateurs et aux professionnels sur latransposition de la directive (article 26), les dis-positions en matière de vente forcée (article 27)et un calendrier pour la t ransposi t ion(article 28) (voy. introduction).6) Le chapitre 6, dispositions finales, contientun article sur l’entrée en vigueur de la directive(article 24), des dispositions en matière d’abro-gation des directives 85/577/CEE et 97/7/CE(voy. plus haut) et la modification de la directive93/13/CEE (article 32) et de la directive 1999/44/CE (article 33 : l’introduction d’une obliga-tion pour les États membres d’informer la Com-mission de l’adoption de dispositions plus stric-tes).De nombreuses dispositions de la directive dé-rogent au principe de l’harmonisation complè-te de l’article 4. On notera les dispositionssuivantes :1) Article 3, § 4 : les États membres peuvent dé-cider de ne pas appliquer la directive ou de nepas maintenir ou introduire des dispositions na-tionales correspondantes, pour les contrats horsétablissement pour lesquelles le paiement àcharge du consommateur n’excède pas50 EUR. Les États membres peuvent prévoirune valeur inférieure dans leur législation na-tionale. Il s’agit donc d’une exception option-nelle limitée.2) Article 3, § 5 : la directive n’a pas d’inciden-ce sur les dispositions générales du droit descontrats prévues au niveau national, notam-ment les règles relatives à la validité, la forma-tion et aux effets des contrats, dans la mesureoù les aspects généraux du droit des contrats nesont pas régis par la présente directive.D’aucuns se demandaient en effet dans quellemesure l’harmonisation complète de certainsaspects du droit des contrats de la consomma-tion rendrait impossible l’application de règlesbien établies du droit général des obligationsprévoyant un niveau plus élevé de protectiondes consommateurs10?3) Article 3, § 6 : la directive n’empêche pas lesprofessionnels de proposer aux consommateursdes accords contractuels allant au-delà de la

protection qu’elle prévoit. De nouveau il nes’agit pas d’une exception au principe de l’har-monisation complète. En fait c’est une disposi-tion superflue.4) Article 5, § 3 : les États membres ne sont pastenus d’appliquer le paragraphe 1er (obligationd’information concernant les contrats autresque les contrats à distance ou hors établisse-ment) aux contrats qui portent sur des transac-tions intéressant la vie quotidienne et qui sontexécutés dès leur conclusion. Il s’agit ici d’uneoption limitée.5) Article 5, § 4 : les États membres peuventmaintenir ou adopter des exigences supplé-mentaires en matière d’information précontrac-tuelle pour les contrats autres que les contrats àdistance ou hors établissement. En d’autres ter-mes pour ces contrats l’harmonisation est mini-male et non complète.6) Article 6, § 7 : les États membres peuventconserver ou introduire dans leur droit nationalles exigences linguistiques en matière d’infor-mation contractuelle pour faire en sorte que cesinformations soient aisément comprises par lesconsommateurs. L’obligation d’information esten effet harmonisée d’une manière complète,mais sur un seul point, les exigences linguisti-ques, les États membres peuvent aller au-delàdu niveau harmonisé.7) Article 7, § 4, 2e alinéa : les États membrespeuvent décider de ne pas appliquer le régimespécial light en ce qui concerne les exigencesformelles (la façon dont l’information obligatoi-re doit être fournie) pour les contrats hors éta-blissement par lesquels le consommateur a ex-plicitement fait appel aux services du profes-sionnel pour effectuer des travaux et desréparations ou de maintenance pour un mon-tant maximum de 200 EUR.8) Article 8, § 6 : lorsqu’un contrat à distanceest conclu par téléphone, les États membrespeuvent disposer que le professionnel doit con-firmer l’offre auprès du consommateur et leconsommateur n’est lié par l’offre qu’aprèsl’avoir signée ou l’avoir acceptée par écrit. LesÉtats membres peuvent également prévoir quede telles confirmations doivent avoir lieu sur unsupport durable. Ici aussi les États membres ontla possibilité d’appliquer, sur un point très pré-cis, une exigence formelle précise. Le caractèreexceptionnel de cette faculté est confirmé parl’article 8, § 10, qui prévoit que les États mem-bres s’abstiennent d’imposer toute autre exi-gence de forme en matière d’information pré-contractuelle en ce qui concerne l’exécutiondes obligations d’information énoncées dans laprésente directive.9) Article 9, § 3 : les États membres s’abstien-nent d’interdire aux parties contractantes d’exé-cuter leurs obligations contractuelles pendantle délai de rétractation. Cependant, dans le casdes contrats hors établissement (et non pour lescontrats à distance)11, les États membres peu-(6) Dans l’intitulé de l’article 4 de la directive 2011/83/

UE i l e s t un iquement ques t ion de « n iveaud’harmonisation », alors que l’intitulé de l’article 4 de laproposition s’intitulait « harmonisation complète ».L’article 4 de la directive définitive contient néanmoinsle principe d’harmonisation complète.(7) Voy. l’article 3, § 1er, de la directive : « Une claused’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation in-dividuelle est considérée comme abusive lorsque, en dé-pit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment duconsommateur un déséquilibre significatif entre lesdroits et obligations des parties découlant du contrat ».(8) Voy. J. Stuyck, « Unfair Terms » in G. Howells etR. Schulze, Mondernising and Harmonising ConsumerContract Law, Munich, Sellier, 2009, 115-144.(9) Voy. le préambule, considérant 7.

(11) Voy. à ce sujet C.J., arrêt 16 décembre 2008, aff. C-205/07, Gysbrechts, Rec., I-9947. Après avoir confirméle caractère minimal de l’harmonisation prévue par l’an-cienne directive contrats à distance, la Cour décida quel’article 29 CE (maintenant l’article 35 TFUE) (interdi-sant les restrictions quantitatives aux exportations et lesmesures d’effet équivalent), ne s’oppose pas à une régle-mentation nationale (en l’occurrence une réglementa-tion belge ayant été abrogée depuis lors) interdisant aufournisseur, dans le cadre d’une vente à distance trans-frontière, d’exiger un acompte ou un paiement quelcon-que de la part du consommateur avant l’expiration dudélai de rétractation, mais qu’il s’oppose à ce que, en

(10) Voy. notamment M. Loos, « The influence of Euro-pean Consumer Law on General Contract Law », Euro-pean Review of Private Law, 2007, 515-531; P. Rott etE. Terryn, « The Proposal for a Directive on ConsumerRights : no Single Se’t of Rule », ZEup, 2009, 456-488.

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vent maintenir la législation en vigueur qui in-terdit aux professionnels de recevoir un paie-ment du consommateur pendant une périodedéterminée après la conclusion du contrat. Unedérogation limitée donc du principe de l’har-monisation complète du droit de rétractation encas de vente hors établissement. Les États mem-bres ne sont cependant pas autorisés d’introdui-re une nouvelle interdiction en ce sens. LesÉtats membres auxquels cette disposition s’ap-plique sont la France et la Belgique (voy. pourla Belgique article 61, dernier alinéa, loi du6 avril 2010 sur les pratiques du marché et laprotection du consommateur).10) Article 15, § 2 : les États membres détermi-nent les modalités pour mettre fin aux contratsaccessoires dont il est mis automatiquement finpar l’exercice par le consommateur de son droitde rétraction d’un contrat à distance ou d’uncontrat hors établissement.11) Article 18, § 4 : outre le droit pour le con-sommateur de mettre fin au contrat de vente encas de manquement par le professionnel à sonobligation de livraison, le consommateur peutfaire usage d’autres recours prévus par le droitnational. Cette précision était nécessaire, puis-qu’en matière de livraison, l’harmonisation estcomplète12.12) Enfin, en ce qui concerne la conformitédes biens de consommation et les clauses abu-sives la proposition d’une harmonisation com-plète a été abandonnée. Ces matières restentrégies par les directives 1999/44/CE et 93/13/CEE. L’approche d’harmonisation minimaleest donc maintenue pour ces matières. LesÉtats membres doivent simplement informer laCommission de l’adoption de toute disposi-tion plus stricte dans ces matières (articles 32et 34).

2Avantages et inconvénients

de l’approche choisie

Ce qui est assurément positif dans l’approchechoisie par le législateur c’est le fait que les rè-gles en matière d’information et de droit de ré-tractation pour les contrats à distance et lescontrats hors établissement sont, à peu de cho-ses près, identiques (des différences subsistent

uniquement pour les obligations formellesquant à ces deux types de contrat). L’approched’harmonisation complète pour chacune de cesmatières peut également être approuvée. Cequi compte, notamment en matière de droit derétractation, c’est que les règles soient claires etuniformes. Néanmoins une harmonisationcomplète en matière de contrats à distancesemblait plus pressante qu’en matière de ventehors établissement. Pour les contrats à distancel’harmonisation des règles en matière d’infor-mation et de droit de rétractation est certes es-sentielle, mais elle n’est peut être pas suffisantepour le bon fonctionnement du marché inté-rieur. En ce qui concerne les ventes hors établis-sement, la nécessité d’une telle harmonisationpour le fonctionnement du marché intérieur estmoins évidente. Enfin, il reste que la quasi-uni-formisation des deux régimes (vente à distanceet vente hors établissement) contribuera à uneplus grande sécurité juridique et donc, indirec-tement, à un meilleur fonctionnement du mar-ché intérieur.

D’autre part, l’abandon de l’idée d’une harmo-nisation complète des règles en matière de ven-te des biens de consommation et des clausesabusives sera sans doute généralement ac-cueilli d’une manière favorable13.

Il a déjà été dit ci-dessus que la Commissionavait initialement proposé une harmonisationcomplète afin d’accroitre la sécurité juridiquepour les consommateurs et les professionnels14.L’harmonisation complète doit améliorer laconfiance des consommateurs dans le marchéintérieur. En plus la Commission craignait sansdoute que l’harmonisation minimale serait in-constitutionnelle, et ce en raison de l’arrêt de laCour de justice de l’an 2000, dit publicité ta-bac.15 Cet arrêt pouvait en effet être lu en cesens qu’une directive d’harmonisation minima-le ne peut être basée sur l’article 114 TFUE (quiest la base légale pour les mesures visantl’achèvement du marché intérieur). Dans cetarrêt, la Cour de justice annula une directivequi interdisait pratiquement complètement tou-te publicité pour le tabac, y compris dans dessituations purement internes (telle une interdic-tion de la publicité pour le tabac sur les para-sols). Un des motifs pour l’annulation était lefait que la directive ne contenait pas une dispo-sition qui règle la libre circulation des produitsqui sont conformes aux dispositions de la direc-tive et ce contrairement à d’autres directives quilaissent aux États membres la possibilitéd’adopter des mesures plus strictes pour la pro-tection d’un intérêt général16. Entre autresS. Weatherill17 a attiré l’attention sur le fait queles directives qui sont basées sur une harmoni-sation minimale pourraient être contraires autraité (article 114 TFUE). Jusqu’à présent laCour de justice ne s’est jamais prononcée en cesens, la question n’ayant jamais été soumise

telle quelle à la Cour. On devra cependant re-connaître que dans des arrêts plus récents, laCour s’est montrée moins restrictive sur la por-tée de l’article 114 TFUE, notamment dans l’ar-rêt publicité tabac II18, et plus récemment dansVodaphone19. La menace de voir des directivesd’harmonisation minimale déclarées illégalessemble donc atténuée.

Dans la littérature l’harmonisation complèteen droit de la consommation est surtout criti-quée pour les raisons suivantes. Pour les Étatsmembres avec un degré élevé de protectiondes consommateurs l’harmonisation complètepeut résulter en une réduction du niveau deprotection, alors qu’il n’est nullement démon-tré qu’une harmonisation complète accroîtrala confiance du consommateur20. L’analyseéconomique du droit contient également unecritique de l’harmonisation complète. Elles’articule ainsi : la concurrence entre les systè-mes de règles — concurrence rendue impossi-ble par l’harmonisation complète — conduitgénéralement à une meilleure régulation,alors que les différences entre les règles natio-nales ne posent pas problème du point de vueéconomique, mais est plutôt souhaitable21.Enfin on craint qu’une harmonisation complè-te du droit des contrats de la consommationpourrait ébranler la structure du droit nationaldes contrats22.

3Objet, définitions

et champ d’application

3.1. — Objectif

Le chapitre 1er concerne l’objet, les définitionset le champ d’application.L’objectif de la directive est de contribuer, en at-teignant un niveau élevé de protection du con-sommateur, au bon fonctionnement du marchéintérieur en rapprochant certains aspects desdispositions législatives, réglementaires et ad-ministratives des États membres relatives auxcontrats conclus entre les consommateurs et lesprofessionnels (article 1er).

application de cette réglementation, il soit interdit, avantl’expiration dudit délai, de demander le numéro de lacarte de paiement du consommateur (cette dernière rè-gle étant considérée disproportionnée au regard du butlégitime de protéger le consommateur).(12) Tel n’est pas le cas des remèdes en cas de manquede conformité, matière toujours régie par la directived’harmonisation minimale 1999/44. La proposition ini-tiale de la Commission d’harmoniser complètement cet-te matière a notamment donné lieu à la crainte que cer-tains remèdes existant en droit national, tel que le rightof rejection en droit anglais (l’acheteur a le droit de reje-ter sans motif un bien acheté dans un délai raisonnable,après l’expiration duquel il est censé l’avoir accepté) de-vraient disparaître (C. Twigg-Flesner », « Fit for Purpose?The Proposal on Sales », in G. Howells et R. Schulze(réd.), Modernising and Harmonising Consumer Con-tract Law, Munich, Seller, 2009, 147-176, p. 168). Iln’en est finalement rien, puisque les règles en matière deconformité restent inchangées (au niveau d’harmonisa-tion minimale).

(13) Voy. les critiques notamment J. Stuyck et C. Twigg-Flesner dans G. Howells et R. Schulze, op. cit.(14) Voy. le considérant no 7 du préambule de la direc-tive.(15) C.J., 5 octobre 2000, aff. C-376/98, Allemagne c.Parlement et Conseil, Rec., I-8419.(16) Voy. le point 104 de l’arrêt.(17) S. Weatherill, « The Constitutional Competence ofthe EU to Deliver Social Justice », European Review ofContract Law, 2006, 1536; voy. également d’une maniè-re approfondie : K. Gutman, The Constitutionality of Eu-ropean Contract Law, thèse de doctorat, K.U. Leuven,2010, pp. 348 et s. avec références à la littérature.

(18) C.J., 12 décembre 2006, aff. C-380/03, Allemagnec. Parlement et Conseil, Rec., I-11573.(19) C.J., 8 juin 2010, aff. C-58/08, Vodaphone e.a. c.Secretary of State, pas encore publié au Recueil, voy.points 32 et s.(20) Voy. entre autres G. Howells et R. Schulze,« Overview of the Proposed Consumer RightsDirective », in G. Howells et R. Schulze (réd.), Moderni-sing and Harmonising Consumer Contract Law, Münich,Sellier, 2009, 8; H.-W. Micklitz, « The Targetted FullHarmonisation Approach : Looking behind the Curton »dans le même ouvrage, pp. 51. et s.; C. Twigg-Flesner,« No Sence of Purpose or Direction? The Modernisationof European Consumer Law », European Review of Con-tract Law, 2007, 2006.(21) M. Faure, « Towards a Maximum Harmonization ofConsumer Contract Law? », Maastricht Journal of Law,2008, 433.(22) Voy. M. Loos, loc. cit., pp. 515 et s.; P. Rott etE. Terryn, loc. cit., p. 456.

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