down and out in paris and london · au sein de ce nouveau régime, un personnage semble se...

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George ORWELL (de son vrai nom Éric Blair) est né le 25 juin 1903 aux Indes (alors colonie anglaise) à Motihari (actuel Bengladesh) dans une famille anglo-indienne. (Son père occupait là-bas un poste de fonctionnaire.) Il décède le 21 janvier 1950 de la tuberculose dans un hôpital de Londres. Le jeune Eric Blair décide de devenir écrivain à vingt-quatre ans, mais ne passe à l'acte qu'au prix de l'inconfort matériel, adoptant dès son premier livre le pseudonyme de George Orwell, d'après le nom d'une rivière de la région où il vivait : il abandonne une carrière déjà entamée dans la police impériale en Birmanie pour l'aventure des petits emplois manuels à Paris et du vagabondage de la misère en Angleterre, avant de se lancer dans le journalisme pour ne vivre de sa plume que dans les dernières années de sa vie. Son premier livre est le reflet direct de son expérience de la pauvreté : Down and Out in Paris and London (Dans la dèche à Paris et à Londres, 1933). Depuis 1930, il participe également à des revues de gauche qui ne sont ni communistes ni travaillistes. Dans la logique de son premier livre, il enquête sur le nord de l'Angleterre, région ravagée par la crise et la pauvreté. Ces reportages sur la situation des couches populaires alimentent de cinglantes attaques contre les institutions et les impasses de la gauche britannique qui vont susciter de vives controverses. Le livre paraît avec succès en 1937 alors que l'auteur est déjà parti pour l'Espagne, d'où il rapporte un texte essentiel pour comprendre son évolution : Homage to Catalonia (1938). Engagé dans une milice d'extrême gauche, blessé sur le front, il est témoin des luttes intestines et sanglantes entre les communistes et ceux, « trotskisants » et anarchistes, qui s'opposent à eux sur leur gauche. Il retourne travailler quelques temps, en Angleterre dans les usines la nuit pour gagner sa vie. Il trouve finalement un poste de speaker à la B.B.C. En 1943, il devient directeur de l’hebdomadaire The tribune , puis envoyé spécial de The Observer en Allemagne et en France en 1945 où il est chargé d’observer la vie politique. Ses deux œuvres les plus connues restent la Ferme des animaux (Animal Farm) parue en 1945 et 1984 , roman paru en 1949 : ces deux romans sont le point d’orgue d’une vie passée à observer à la fois l’évolution sociale, politique et économique de l’ensemble de l’Europe. Au-delà d'une dénonciation politique, de la défense des libertés individuelles et du refus de toute forme d'oppression, la méthode orwellienne symbolise l’intérêt profond de l’auteur pour les valeurs de la culture populaire, les dérives du « progrès », la responsabilité des intellectuels et des médias, l'absence de logique imposée par les pouvoirs... La Ferme des animaux paraît en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et c’est le seul romand'Orwell sans personnage principal. L’histoire se déroule dans une ferme anglaise, « la Ferme du Manoir », lieu sous la domination de Mr Jones : la temporalité n’est pas précise mais on comprend que l’action est contemporaine. Après une série de procès très couteux, Mr Jones délaisse peu à peu sa ferme, rapidement suivi par ses ouvriers agricoles. La "Ferme du Manoir" sombre rapidement. Les animaux, sous la direction de Sage l'Ancien, un vieux cochon respecté, préparent une révolte et finissent par chasser Mr Jones. Une cohésion est rapidement trouvée pour faire repartir la ferme, désormais appelée "Ferme des Animaux". Les cochons, considérés comme les plus intelligents des animaux, s'occupent d'organiser et de distribuer le travail aux autres animaux. Un règlement (sous forme de liste de commandements) est établi et inscrit sur le mur de la ferme : les hommes sont farouchement exclus de cette société. Cependant, les rivalités entre cochons ne tardent pas à apparaître. Des conflits se créent entre Napoléon et Boule de Neige, les deux cochons les plus influents. La disparition inexpliquée de Boule de Neige va rétablir un semblant d'ordre et de discipline mais très rapidement, la situation s’aggrave : chacun des commandements écrits lors de la révolution est bafoué et Napoléon finit par inspirer autant la fascination que la terreur parmi les animaux.

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Page 1: Down and Out in Paris and London · Au sein de ce nouveau régime, un personnage semble se distinguer tout particulièrement : Malabar, dont la devise est « Je vais travailler plus

’George ORWELL (de son vrai nom Éric Blair) est né le 25 juin 1903 aux Indes (alors colonie

anglaise) à Motihari (actuel Bengladesh) dans une famille anglo-indienne. (Son père occupait là-bas

un poste de fonctionnaire.) Il décède le 21 janvier 1950 de la tuberculose dans un hôpital de

Londres.

Le jeune Eric Blair décide de devenir écrivain à vingt-quatre ans, mais ne passe à l'acte qu'au prix de

l'inconfort matériel, adoptant dès son premier livre le pseudonyme de George Orwell, d'après le nom d'une

rivière de la région où il vivait : il abandonne une carrière déjà entamée dans la police impériale en Birmanie

pour l'aventure des petits emplois manuels à Paris et du vagabondage de la misère en Angleterre, avant de se

lancer dans le journalisme – pour ne vivre de sa plume que dans les dernières années de sa vie.

Son premier livre est le reflet direct de son expérience de la pauvreté : Down and Out in Paris and London

(Dans la dèche à Paris et à Londres, 1933).

Depuis 1930, il participe également à des revues de gauche qui ne sont ni communistes ni travaillistes.

Dans la logique de son premier livre, il enquête sur le nord de l'Angleterre, région ravagée par la crise et la

pauvreté. Ces reportages sur la situation des couches populaires alimentent de cinglantes attaques contre les

institutions et les impasses de la gauche britannique qui vont susciter de vives controverses. Le livre paraît avec

succès en 1937 alors que l'auteur est déjà parti pour l'Espagne, d'où il rapporte un texte essentiel pour

comprendre son évolution : Homage to Catalonia (1938). Engagé dans une milice d'extrême gauche, blessé sur le

front, il est témoin des luttes intestines et sanglantes entre les communistes et ceux, « trotskisants » et

anarchistes, qui s'opposent à eux sur leur gauche.

Il retourne travailler quelques temps, en Angleterre dans les usines la nuit pour gagner sa vie. Il trouve

finalement un poste de speaker à la B.B.C. En 1943, il devient directeur de l’hebdomadaire The tribune, puis

envoyé spécial de The Observer en Allemagne et en France en 1945 où il est chargé d’observer la vie politique.

Ses deux œuvres les plus connues restent la Ferme des animaux (Animal Farm) parue en 1945 et 1984 ,

roman paru en 1949 : ces deux romans sont le point d’orgue d’une vie passée à observer à la fois l’évolution

sociale, politique et économique de l’ensemble de l’Europe. Au-delà d'une dénonciation politique, de la défense

des libertés individuelles et du refus de toute forme d'oppression, la méthode orwellienne symbolise l’intérêt

profond de l’auteur pour les valeurs de la culture populaire, les dérives du « progrès », la responsabilité des

intellectuels et des médias, l'absence de logique imposée par les pouvoirs...

’La Ferme des animaux paraît en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et c’est le seul ‘roman’

d'Orwell sans personnage principal.

L’histoire se déroule dans une ferme anglaise, « la Ferme du Manoir », lieu sous la domination de Mr

Jones : la temporalité n’est pas précise mais on comprend que l’action est contemporaine.

Après une série de procès très couteux, Mr Jones délaisse peu à peu sa ferme, rapidement suivi par ses

ouvriers agricoles. La "Ferme du Manoir" sombre rapidement. Les animaux, sous la direction de Sage l'Ancien, un

vieux cochon respecté, préparent une révolte et finissent par chasser Mr Jones.

Une cohésion est rapidement trouvée pour faire repartir la ferme, désormais appelée "Ferme des

Animaux". Les cochons, considérés comme les plus intelligents des animaux, s'occupent d'organiser et de

distribuer le travail aux autres animaux. Un règlement (sous forme de liste de commandements) est établi et

inscrit sur le mur de la ferme : les hommes sont farouchement exclus de cette société.

Cependant, les rivalités entre cochons ne tardent pas à apparaître. Des conflits se créent entre Napoléon et

Boule de Neige, les deux cochons les plus influents. La disparition inexpliquée de Boule de Neige va rétablir un

semblant d'ordre et de discipline mais très rapidement, la situation s’aggrave : chacun des commandements

écrits lors de la révolution est bafoué et Napoléon finit par inspirer autant la fascination que la terreur parmi les

animaux.

Page 2: Down and Out in Paris and London · Au sein de ce nouveau régime, un personnage semble se distinguer tout particulièrement : Malabar, dont la devise est « Je vais travailler plus

À la fin du roman, les cochons, maîtres incontestés, portent les habits de Mr Jones et décident de se

déplacer et de converser comme et surtout avec les hommes

La Ferme des Animaux relève bien évidemment plus de la fable ou de l’apologue que du roman.

1. Les personnages principaux sont les animaux d’une ferme et leur personnification a pour but de faire référence à une figure ou une institution historique.

Le roman Figure/institution

historique Lien entre les deux

M. Jones Le tsar Autorité de départ obligée de fuir face à la Révolution

M. Frederick Hitler Tente de passer des alliances avec le nouveau régime (cf. Pacte germano-soviétique)

M. Pilkington Churchill Tente lui aussi de nouer des alliances avec la Ferme (moins agressif que Frederick)

Sage l’Ancien Lénine ou Karl Marx Est à l’origine de la révolution de par ses idées et idéaux

Napoléon Staline Finit par détruire toute opposition tout en créant un culte à sa personne (cf. « petit père des peuples »)

Boule de Neige Trotski Rival rapidement amené à l’exil, finira par incarner l’ennemi de l’ombre

Brille-Babil La propagande Manipule sans cesse les autres animaux à l’aide de discours creux

Les neuf molosses La police Inspirent la crainte et n’hésitent pas à intervenir durement

Malabar Stakhanovisme Incarne l’ouvrier motivé, dynamique, toujours prêt à améliorer l’économie et la compétitivité de son pays

Moïse L’Eglise Assez antipathique, ne cesse d’annoncer de futures catastrophes (souvent vraies) mais n’est jamais écouté

Les moutons Le peuple Masse nombreuse mais peu logique qui suit sans réfléchir les choix des cochons

Benjamin G. Orwell Observe avec dégoût l’évolution de la Ferme, se tient en retrait mais reste toujours prêt à soutenir les victimes

Page 3: Down and Out in Paris and London · Au sein de ce nouveau régime, un personnage semble se distinguer tout particulièrement : Malabar, dont la devise est « Je vais travailler plus

2. Des épisodes de la Ferme des animaux sont des références manifestes à des doctrines ou

événements historiques du début du XXe :

Extrait 1 : le discours de Sage l’Ancien

Le discours de Sage l’Ancien a pour thème les conditions de

vie des animaux : sa thèse consiste à condamner ces conditions.

À travers une argumentation directe (les arguments sont

clairement agencés en paragraphes), il montre ainsi que ces

conditions de vie inadmissibles, « inqualifiable[s] » (paragraphe

2) sont dues à l’homme, l’ennemi commun, le « tyran »

(paragraphe 3) contre lequel les animaux doivent constituer une

« unité parfaite » et une « camaraderie sans faille » (paragraphe

4).

Sage l’Ancien sait s’adresser à son public : il commence son

discours par un retour élogieux sur lui-même, souhaitant leur

« faire profiter de la sagesse qu’il [lui] a été donnée »

(paragraphe 1). Son discours est par ailleurs ponctué de six

« camarades », ce qui montre qu’il veut les considérer comme

des égaux, des êtres dignes d’intérêt et de confiance.

Ainsi, ce discours, qui allie à la fois conviction et persuasion, fait

clairement référence aux idéaux communistes mis en place par

Karl Marx et Lénine : Orwell s’intéresse ainsi aux origines et au

succès de la doctrine communiste en montrant que les

fondements de cette société, tout en n’étant pas dépourvus

d’intérêt et de bon sens, jouent aussi sur le principe d’unité, de fraternité face à un ennemi à bannir.

Extrait 2 Le chant révolutionnaire :

Cet extrait survient peu après le discours de Sage

l’Ancien. Ce dernier entonne un chant, « Bêtes d’Angleterre »

dont le message principal porte sur la révolte des animaux

mais aussi sur le retour d’un âge d’or perdu (le champ lexical

du bonheur et de la liberté se retrouve le long des couplets).

Cette chanson, inventée par Orwell, fait clairement

référence à « l’Internationale », chant révolutionnaire

français, symbole des luttes sociales et hymne national de

l’URSS de 1922 à 1944…

Des éléments implicites du texte nous montrent cette

fois-ci la critique de l’auteur :

L’air de départ est inspiré d’ « Amour toujours » ou

encore « la Cucaracha », deux airs de fête très légers, peu

crédibles

Les voix des animaux, d’abord unies, deviennent des

« beuglements, aboiements, bêlements, hennissements,

couac-couac » => il n’y a plus de cohésion, la chanson a perdu

de son sens.

Ce chant révolutionnaire est donc l’occasion pour Orwell de mettre en place une dénonciation implicite de

l’acte révolutionnaire en lui-même : à travers une chanson, on invite un peuple à rentrer en guerre sur le seul

motif d’espoirs qui se révèleront rapidement faux. L’opinion est manipulée et ne gagne pas en cohésion :

personne ne chante ensemble, c'est-à-dire que personne ne fait réellement front commun.

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Extraits 3 et 4 Extrait 3 :

1. Qu’est-ce qui caractérise le nouveau

régime politique mis en place par les

animaux ?

2. Quelle valeur des régimes communistes

Malabar incarne-t-il ?

3. Quelle est la vision du narrateur dans le

premier paragraphe ? Le deuxième ?

Justifie.

4. Que penses-tu de ce régime instauré

par les animaux ? ARGUMENTE.

Extrait 4 :

1. Pourquoi Napoléon en veut-il aux

quatre cochons ?

Peut-on parler de « crimes » ?

2. Par quel type de discours les aveux des

cochons sont-ils rapportés ?

3. Quelle figure de style reconnais-tu ?

Que dénonce-t-elle ?

4. Quelle est l’issue du procès des

cochons ?

5. Quels autres animaux passent aussi en

procès ? Leur sort est-il différent de

celui des cochons ? Explique.

6. De quoi Boule de Neige est-il accusé

dans ces différents aveux ?

7. Quels sont les différents

dysfonctionnements de ces procès

dénoncés par le texte ?

8. Quel genre de dirigeant Napoléon

incarne-t-il ici ?

9. En quoi ce passage est-il une satire

politique ?

+++ retrouver les sept commandements

modifiés

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Extrait 3 : Un nouveau régime politique Cet extrait évoque la mise en place du nouveau régime instauré par les animaux après la chute (et l’exil) de

M. Jones. Ce nouveau régime politique est caractérisé par :

- la volonté d’une égalité stricte (« c’était là leur propre manger, produit par eux et pour eux », l. 5-6)

- le refus de se comporter comme le faisaient les humains (« délivrés de l’engeance humaine, parasites »

l.7-8)

- le respect de valeurs morales (égalité, fraternité, partage, « chacun oeuvrait suivant ses capacités »l. 26)

Au sein de ce nouveau régime, un personnage semble se distinguer tout particulièrement : Malabar, dont la

devise est « Je vais travailler plus dur ». En tant que personnage positif, Malabar met en avant des valeurs liées

au travail : il incarne l’ouvrier intègre appliqué à faire progresser son pays.

Par ailleurs, ce personnage personnifie également le STAKHANOVISME qui est en fait une méthode de travail ou

principe de production à haut rendement : on se fonde sur les progrès de la technique et la concurrence entre les

ouvriers pour augmenter le rendement (= gain / bénéfice) de la production.

Dans le premier paragraphe, le narrateur semble développer une vision positive/idéale du nouveau régime

mis en place : le champ lexical du contentement (premières lignes) est perceptible et le seul animal distingué,

Malabar, l’est pour ses qualités extraordinaires.

Le deuxième paragraphe nuance cette première vision : on le comprend dès le premier mot, « toutefois »

(qui est un adverbe) : certains animaux (comme Lubie par exemple) ne prennent pas part à l’effort général pour

améliorer les conditions de vie de chacun

Ce régime trouve ses limites dans le fait qu’il repose sur des idéaux exemplaires mais peu applicables à une

totalité. Pour fonctionner, il doit s’appuyer sur l’honnêteté et l’envie de chacun de partager équitablement ce

qu’il a et ce qu’il fait. Dès lors qu’un animal se distingue (Lubie est une paresseuse, Napoléon et Boule-de-

Neige dirigent les autres), ce système est mis en péril. Les différences se creusent donc rapidement et les

idéaux de départ ne sont plus que des mirages.

Extrait 4 : La justice selon Napoléon

Dans cet extrait, Napoélon a convoqué les quatre cochons car ils ont « protesté » (l. 4) lorsque Napoléon a

supprimé l’assemblée du dimanche où chacun pouvait s’exprimer. Protester n’est bien évidemment pas un crime

mais plutôt un droit, celui de s’exprimer. Très vite, les cochons avouent mais Orwell ne choisit pas le discours

direct : il lui préfère le discours indirect libre auquel il associe l’anaphore « oui » qui révèle que les aveux des

cochons sont tout sauf sincères et authentiques. Ils semblent en effet réciter un texte qu’on leur a imposé. La fin

de cette convocation (qui n’est autre qu’un procès) se solde par l’exécution sauvage des cochons (l. 11-12).

D’autres animaux subissent le même sort : trois poulets (l. 14), une oie (l. 17), trois moutons (l. 19 et 20). Leur

sort est similaire à celui des cochons : ils sont mis à mort pour des crimes chaque fois grotesques. A chaque fois,

Boule de Neige est lié aux crimes : il est celui qui, dans l’ombre, a poussé les autres animaux à mal agir. Il est

l’ennemi caché qui opère dans le secret pour sabrer le régime de Napoléon de l’intérieur.

Ces procès sont bien évidemment des simulacres de justice : aucune défense n’est allouée aux accusés, les

crimes commis sont des mensonges et la peine donnée est disproportionnée par rapport au véritable délit

commis. Napoléon, qui s’improvise juge, symbolise véritablement le dictateur ou tyran qui impose ses vues et en

fait des lois.

Ce passage se révèle ainsi être une satire politique du régime stalinien. Il fait clairement référence aux

« Grandes Purges » qui ont eu lieu dans les années 1930 en URSS. Dans le but d’éliminer ses opposants

politiques (qu’ils soient ou non de son propre parti), Staline a ainsi organisé de nombreux « procès » dans

lesquels les opposants (réels ou potentiels) étaient accusés de nuire au régime et finissaient donc déportés ou

exécutés. Ces purges avaient un autre intérêt pour Staline : en créant un ennemi de l’intérieur (invisible), il

poussait la population à craindre son voisin mais aussi à s’en remettre aveuglément à lui. Ces « Grandes Purges »

lui ont ainsi permis de renforcer son pouvoir idéologique.

Le texte d’Orwell relève de la satire car les crimes des animaux sont assez grotesques pour faire sourire même

si la fin de leur procès est tragique.

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Extrait 5 : la place des cochons

Cet extrait comporte majoritairement un discours de Brille-Babil à l’attention des animaux de la ferme.

1. Dans le premier paragraphe, explique le rapport logique exprimé par les connecteurs en gras.

2. Lequel des Sept Commandements n’est pas respecté ? Explique ta réponse.

3. Dans le deuxième paragraphe, quel est le thème et la thèse défendue par Brille-Babil ?

Quels sont les arguments qui appuient sa thèse ? 4. Quelle est la forme des phrases soulignées ?

Pourquoi Brille-Babil utilise-t-il cette forme selon toi ? 5. Quel est le rôle des mots en italique dans ce même deuxième paragraphe ?

Qu’expriment-ils ?

6. Dans le troisième paragraphe, relève : - une phrase emphatique - un connecteur créant un rapport de conséquence - un connecteur créant un rapport d’addition

7. Explique le rôle du groupe de mots entre parenthèses : est-ce réellement une information peu importante ? Pourquoi l’auteur a-t-il décidé de l’insérer ainsi ?

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Le dernier extrait analysé nous amène à analyser la propagande menée par Brille-Babil. A l’occasion d’une

inégalité manifeste dans la répartition des denrées alimentaires (pommes et lait ont disparu), Brille-Babil est

amené à faire un discours pour justifier la situation. Comment expliquer que le dernier des Sept

Commandements, le plus important peut-être, (« tous les animaux sont égaux ») soit bafoué ?

La thèse de B-Babil est bien évidemment grotesque : les cochons ont davantage besoin de pommes et de lait

que les autres animaux.

Les arguments au service de cette thèse ne reposent sur aucun exemple concret :

Sacrifice des cochons (l. 13) pour la bonne cause

Pommes utiles à la santé des cochons (l. 14-15)

Mise en valeur du rôle des cochons dans le fonctionnement de la ferme (l.18-19)

Menace du retour de Jones si les cochons tombaient malades (l. 22-23)

Le point fort de ce discours réside bien évidemment dans sa tournure, sa mise en forme :

Présence de connecteurs logiques qui structurent le texte

Forme de phrases emphatique

Présence de modalisateurs de certitude

Brille-Babil cherche plus à persuader ses destinataires qu’à les convaincre : on peut même parler de

manipulation puisque les arguments, alors qu’ils devraient être logiques, ne reposent sur rien.

Les conséquences de ce discours sont aussi incroyables que ce dernier : personne ne remet en cause la parole

de Brille-Babil et on assiste même à une aggravation de la situation (toutes les pommes sont données aux

cochons l.32-33, et l’auteur l’indique entre parenthèses, comme si cette information ne méritait pas qu’on

s’arrête dessus…)

Cet épisode est donc très utile pour comprendre (toujours sur le mode de la satire) les mécanismes de la

propagande au sein du régime stalinien, et même plus largement, de tout régime totalitaire : la mise en

forme, persuasive, voire agressive, compense les messages pas toujours logiques. C’est de la manipulation

pure et simple.

Ces cinq extraits reprennent ainsi cinq grands thèmes de la Révolution russe

L’idéal révolutionnaire et l’engouement de départ (extraits 1 et 2) ou la mise en place d’une utopie

La réalité des faits et la dégradation progressive et dramatique des conditions de vie (extraits 3 et 4)

ou le basculement dans une contre-utopie

Les outils qui ont permis le passage d’un système idéal à un système affreux (extrait 5)

Interrogez-vous sur l’intérêt de mettre en place une fable pour dénoncer un régime politique (Orwell ne visait

pas seulement le régime stalinien, il s’en est pris à toute forme de régime totalitaire) :

- Est-ce plus vivant / moins vivant qu’un discours classique ?

- Pourquoi choisir des animaux et non pas des humains ?

- Y a-t-il une morale comme dans toute fable (ou tout apologue) ?

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Ici, il vous sera demandé de pouvoir parler de trois grands thèmes .

1. L’histoire de la Révolution russe et de l’URSS

Soyez en mesure de donner des détails sur les personnalités historiques que vous avez pu citer (les

années de pouvoir de Staline par exemple, les conditions de fuite de Trotski, le rôle d’Hitler puis de

Churchill…) Je vous laisse le soin de relire vos cours d’Histoire élaborés en compagnie de M. Puech.

2. L’histoire de l’apologue

Soyez en mesure de citer deux auteurs célèbres d’apologue (ou fable) et d’expliquer pourquoi ce genre

peut être intéressant à écrire et à partager (j’ai donné des exemples d’apologues en classe et par

polycopié)

3. L’autre grande œuvre d’Orwell, 1984 (paru en 1949)

Nous avons travaillé en classe l’incipit de ce roman d’anticipation : c’est l’occasion pour vous de faire un

rapprochement entre ces deux histoires apparemment très différentes !

Quel but poursuit Orwell à travers ces deux grandes œuvres ? Quels points communs trouvez-vous ?

C’était une journée d’avril froide et claire. Les horloges sonnaient treize heures. Winston Smith, le menton rentré dans le cou, s’efforçait d’éviter le vent mauvais. Il passa rapidement la porte vitrée du bloc des « Maisons de la Victoire », pas assez rapidement cependant pour empêcher que s’engouffre en même temps que lui un tourbillon de poussière et de sable.

Le hall sentait le chou cuit et le vieux tapis. À l’une de ses extrémités, une affiche de couleur, trop vaste 5 pour ce déploiement intérieur, était clouée au mur. Elle représentait simplement un énorme visage, large de plus d’un mètre : le visage d’un homme d’environ quarante-cinq ans, à l’épaisse moustache noire, aux traits accentués et beaux.

Winston se dirigea vers l’escalier. Il était inutile d’essayer de prendre l’ascenseur. Même aux meilleures époques, il fonctionnait rarement. Actuellement, d’ailleurs, le courant électrique était coupé dans la journée. 10 C’était une des mesures d’économie prises en vue de la Semaine de la Haine.

Son appartement était au septième. Winston, qui avait trente-neuf ans et souffrait d’un ulcère variqueux au-dessus de la cheville droite, montait lentement. Il s’arrêta plusieurs fois en chemin pour se reposer. À chaque palier, sur une affiche collée au mur, face à la cage de l’ascenseur, l’énorme visage vous fixait du regard. C’était un de ces portraits arrangés de telle sorte que les yeux semblent suivre celui qui passe. Une 15 légende, sous le portrait, disait : BIG BROTHER VOUS REGARDE.

À l’intérieur de l’appartement de Winston, une voix sucrée faisait entendre une série de nombres qui avaient trait à la production de la fonte. La voix provenait d’une plaque de métal oblongue, miroir terne encastré dans le mur de droite. Winston tourna un bouton et la voix diminua de volume, mais les mots étaient encore distincts. Le son de l’appareil (du télécran, comme on disait) pouvait être assourdi, mais il n’y 20 avait aucun moyen de l’éteindre complètement. Winston se dirigea vers la fenêtre. Il était de stature frêle, plutôt petite, et sa maigreur était soulignée par la combinaison bleue, uniforme du Parti. Il avait les cheveux très blonds, le visage naturellement sanguin, la peau durcie par le savon grossier, les lames de rasoir émoussées et le froid de l’hiver qui venait de prendre fin.

Au-dehors, même à travers le carreau de la fenêtre fermée, le monde paraissait froid. Dans la rue, de 25 petits remous de vent faisaient tourner en spirale la poussière et le papier déchiré. Bien que le soleil brillât et que le ciel fût d’un bleu dur, tout semblait décoloré, hormis les affiches collées partout. De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston. Au niveau de la rue, une autre affiche, dont un angle était déchiré, battait par à-coups dans 30 le vent, couvrant et découvrant alternativement un seul mot : ANGSOC. Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C’était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n’avaient pas d’importance. Seule comptait la Police de la Pensée.