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Des évaluations adaptées à l'Afrique Troisième trimestre 2019 eVALUation Matters Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement Volume 1 :Approches théoriques

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Des évaluations adaptées

à l'Afrique

Troisième trimestre 2019

eVALUation MattersPublication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

Volume 1 :Approches théoriques

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eVALUation Matters

est une publication trimestrielle de l’Évaluation Indépendante du Développement du groupe de la Banque africaine de développement. Elle propose différentes perspectives et perceptions sur des questions liées à l’évaluation et au développement.

Rédacteur en chef :

Jayne Musumba, Chargée principale de gestion des connaissances

Remerciements:

IDEV remercie tous les contributeurs, réviseurs, éditeurs et relecteurs qui ont travaillé sur ce numéro, en particulier : ❙ Dieter Gijbrechts ❙ Aminata Kouma ❙ Tomas Zak ❙ Kobena Hanson

Édition et traduction :

Dieudonné Toukam; Melora Palmer

Conception et mise en page :

Créon (www.creondesign.net)

Crédits photos :

❙ BAD- Compte flickr ❙ Elsa de Morais Sarmento ❙ Independent Development Evaluation (IDEV) ❙ Jason Sackey - pixabay ❙ Mary Pahlke - Pixabay ❙ Ollivier Girard-CIFOR ❙ Sharon Ang - Pixabay

À propos de l'Évaluation indépendante du développement

La mission de l'Évaluation indépendante du développement de la BAD est d'améliorer l'efficacité de l'institution en matière de développement dans ses pays membres régionaux, à travers des évaluations indépendantes et pertinentes, ainsi que des partenariats pour le partage des connaissances.

Avertissement :

Les opinions exprimées dans cette publication sont uniquement celles des auteurs et ne réflètent pas nécessairement celles de l'employeur, l'organisation ou tout autre groupe ou individu.

Évaluateur général:

Roland Michelitsch [email protected]

Chefs de division :

Foday Turay (p.i.) [email protected] (p.i.) [email protected] Rot-Münstermann [email protected]

Des questions ?

Téléphone (IDEV) +225 2026 2841 Téléphone (Standard BAD) +225 2026 4444

Nous écrire : 01 BP 1387 Avenue Joseph Anoma, Abidjan 01, Côte d’Ivoire

Courriel : [email protected]

Web : idev.afdb.org afdb.org

Communiquer avec nous sur: @evaluationafdb IDEV AfDB

© 2019 – Banque africaine de développement (BAD)

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Troisième trimestre 2019

Les méthodes d'évaluation du développement sont devenues une pratique mondiale largement uniforme, en particulier parmi les organisations de développement qui se conforment à des normes internationalement reconnues telles que les critères d'évaluation du cad-ocde. Cependant, ces approches communes acceptées sont de plus en plus questionnées par ceux qui affirment que les organisations du Nord ont développé les racines de la plupart des pratiques d’évaluation communément utilisées dans le développement, ce qui les rend inappropriées pour une utilisation dans les pays du Sud.

Certains praticiens de l’évaluation ont remis en question la pertinence et l’efficacité des méthodes d’évaluation actuelles dans le contexte africain, appelant à une évaluation « adaptée à l'Afrique » tenant compte des valeurs, des suppositions et des pratiques locales.

Ce'e édition fait le point sur certaines des approches théoriques menant à une évaluation « adaptée à l'Afrique », explorant les approches autochtones et la manière dont elles pourraient accélérer la réalisation du programme de développement du continent. Elle tente de répondre à des questions clés telles que: Qu'entend-on par évaluation «adaptée à l'Afrique» et en quoi diffère-t-elle des autres approches? Quelles perspectives uniques une lentille cognitive africaine pourrait-elle apporter à l'évaluation? Comment les pays devraient-ils s'y prendre pour créer des pratiques d'évaluation autochtones?

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4 Mot de l'Évaluateur généralRoland Michelitsch, IDEV, Banque africaine de développementCette édition fait le point sur certains des arguments et approches théoriques de l'évaluation « adaptée à l’Afrique », explorant les approches autochtones et la manière dont elles pourraient contribuer à accélérer la réalisation du programme de développement du continent.

8 Entretien Adeline Sibanda, ancienne Présidente de l'AfrEASibanda donne son point de vue sur la contribution que l’évaluation adaptée à l'Afrique peut apporter à l’Agenda 2063 de l’Afrique et partage ses réflexions sur la 9ème Conférence internationale de l'Association africaine d'évaluation, tenue à Abidjan en mars 2019.

14 Changer le statu quo : l’influence de l’Afrique sur la pratique de l’évaluation dans le monde Nombeko Mbava, PhD, Université du Cap, Afrique du Sud En plaidant en faveur d’une perspective cognitive spécifiquement africaine, qui est à la fois valide et instructive, Mbava conclut que la théorie et la pratique de l'évaluation dans le monde tirent des enseignements uniques de la pensée évaluative africaine et que l’Afrique enseigne au monde « d’autres manières de savoir ».

26 L'évaluation adaptée à l'Afrique: Décoloniser l'évaluation en Afrique Mjiba Frehiwot, PhD, Université du Ghana Frehiwot appelle à la décolonisation des pratiques d’évaluation et propose un modèle d’éva-luation humaniste, illustré par la philosophie africaine d’Ubuntu, par l’utilisation des systèmes de connaissances autochtones et par la responsabilisation des acteurs locaux.

36 Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’AfriqueOladayo Omosa, Chercheur indépendant; et Thomas Archibald, Virginia Tech Présentant le contexte, les méthodes et les résultats de la recherche pour contribuer à une meilleure définition de l'évaluation adaptée à l’Afrique, cet article conclut que l’EAA se fonde sur les normes édictées par l’Association africaine d’évaluation en utilisant des méthodes ou approches adaptées au contexte local, visant à aligner le processus évaluatif sur le mode de vie et les besoins des populations africaines, tout en promouvant également les valeurs du continent.

L'actualité en images , page 66

0

Note de Validation du Rapport

d’Achèvement du Document de

Stratégie d’Intégration Régionale

de l’Afrique de l’Ouest

23 mai 2019

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Etude comparative des pratiques de Banques multilatérales de

développement en matière de sanctions

Résumé analytique

Mai 2019

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http://idev.afdb.org/fr/page/evaluation-matters-magazine

Q4 2019 Des évaluations adaptées à l'Afrique (Volume 2)

Q1 2020 Promouvoir une culture de l’évaluation en 2020 et au-delà

Q2 2020 Préparer l’évaluation du futur: le Big Data, les technologies modernes et l’évolution des priorités mondiales en matière de développement

Calendrier éditorialeVA

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Deuxièm

e trimestre 2019

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idev.afdb.org

Meilleures pratiques et innovation en évaluation

Deuxième trimestre 2019

eVALUation MattersPublication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

Banque africaine de développement

Avenue Joseph Anoma, 01 BP 1387, Abidjan 01, Côte d’Ivoire

Tél: +225 20 26 28 41

Courriel: [email protected]

Publié en Septembre 2019

48 La culture dans l’évaluation!: Résumé d’articles de BlogZenda Ofir, Évaluatrice indépendante Cette série d’articles de blog examine la relation entre la culture et l’évaluation.

52 Parler la langue de l'Afrique lusophone Elsa de Morais Sarmento; Carla Félix; et Mariana Branco Les activités de suivi et d'évaluation ont progressé dans les pays lusophones, mais beaucoup reste encore à faire. Le présent article décrit les défis actuels liés au renforcement des activités et systèmes de suivi et d'évaluation dans les pays africains lusophones, et propose quelques idées sur la manière de les résoudre.

66 L'actualité en images

70 Fraîchement publié

Calendrier éditorial 2020 d'eVALUation Matters:

Le calendrier éditorial pour 2020 a été publié.

Veuillez trouver le calendrier et les directives pour les contributions ici: http://idev.afdb.org/fr/document/calendrier-éditorial-2020

«!Dans ce contexte, l'évaluation «adaptée à l'Afrique » constitue une contribution particulière au corpus de connaissances des évaluateurs et des leaders d'opinion éclairés par des conceptions et perspectives africaines du monde!». Nombeko Patience Mbava, PhD

Table des matières 3

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Dans la discussion (en cours) sur la révision des critères d'évaluation du CAD-OCDE lancée en 2018, une critique souvent entendue est que les approches d'évaluation du développement sont devenues une prat ique g lobale largement uniforme, en particulier parmi les organisations de développement occidentales et internationales. Beaucoup examinent la pertinence, l'efficacité, l'efficience, la durabilité et l'impact des interventions de développement en utilisant plusieurs sources de données et des méthodes d'analyse mixtes, souvent sur la base d'une théorie du changement (reconstituée). Cependant, ces approches acceptées sont de plus en plus questionnées par ceux qui affirment que la plupart des pratiques d'évaluation communément utilisées dans le développement ont été conçues par des organisations du Nord, ce qui les rend inappropriées et impropres à une utilisation dans les pays du Sud.

Dans le contexte afr icain , p lusieurs universitaires , groupes de réflexion et praticiens de l ’évaluation ont remis en question la pertinence et l ’efficacité des approches actuelles en matière d’évaluation sur le continent, appelant à une évaluation « adaptée à l’Afrique » tenant compte des valeurs, des suppositions et des pratiques locales. Dans le cadre de la consultation mondiale sur les M

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critères d'évaluation du CAD-OCDE, IDEV a organisé une session de discussion pour les évaluateurs africains en septembre 2018 (en marge de la Semaine de l'évaluation de la BAD 2018, voir l'édition du troisième trimestre 2018 d'Evaluation Matters) sur les questions suivantes: « Faut-il revoir, modifier ou adapter les critères? Ou plutôt adapter notre façon de les utiliser? Comment mieux prendre en compte le contexte spécifique de développement des pays africains dans l’évaluation des politiques et des programmes? ». Le but de la session était d'entendre l'opinion des évaluateurs africains sur la manière d'améliorer les approches et les pratiques d'évaluation sur le continent, afin que ces points de vue puissent alimenter la discussion globale. Le message principal qui a émergé de la séance de discussion était que les critères étaient toujours considérés comme pertinents, mais qu'ils devaient être revus et mis à jour à la lumière des objectifs de développement durable - ODD. Les participants ont également estimé que les critères devraient mieux prendre en compte le contexte de développement spécifique des pays africains et que les méthodes d'évaluation devraient être pragmatiques, contextualisées et participatives.

Pour approfondir ces questions, et en particulier pour explorer les questions relatives au "Comment" (Comment faut-il modifier les critères et les méthodes d'évaluation afin de les rendre plus pertinents pour l'Afrique? Comment mieux prendre en compte le contexte africain? Comment parvenir à une meilleure contextualisation des approches d’évaluation?), nous avons décidé de dédier une édition d’Evaluation Matters à la question de l’évaluation adaptée à l’Afrique afin d’inviter les personnes ayant des opinions sur le sujet à partager leurs idées, leurs connaissances et leurs expériences. Dans notre appel à contributions, le thème a suscité beaucoup d’intérêt et un grand nombre de soumissions, ce qui nous a permis de produire deux volumes sur le sujet: pour les 3ème et 4ème trimestres de cette année.

Cette édition du 3ème trimestre fait le point sur certains des arguments et approches théoriques de l'évaluation « adaptée à l’Afrique », explorant les approches autochtones et la manière

Mots de l'Évaluateur général 5

eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

« Dans le contexte africain, plusieurs universitaires, groupes de réflexion et praticiens de l’évaluation ont remis en question la pertinence et l’efficacité des approches actuelles en matière d’évaluation sur le continent, appelant à une évaluation « adaptée à l’Afrique » tenant compte des valeurs, des suppositions et des pratiques locales ».

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dont elles pourraient contribuer à accélérer la réalisation du programme de développement du continent. Elle tente de répondre à des questions clés telles que: « Qu’entend-on par évaluation « adaptée à l’Afrique » et en quoi diffère-t-elle des autres approches? Quelles connaissances uniques une lentille cognitive africaine pourrait-elle apporter à l'évaluation? Comment les pays devraient-ils s'y prendre pour créer des pratiques d'évaluation indigènes? ». La prochaine édition (4ème trimestre) portera ensuite sur l'application pratique des approches adaptées à l’Afrique.

Nous espérons que les différents articles permettront de mieux comprendre l ’évaluation adaptée à l ’Afrique, son fonctionnement et la manière dont ses approches et techniques peuvent être appliquées pour obtenir des évaluations plus utiles qui contribuent à une plus grande efficacité du développement sur le continent et stimulent le débat mondial sur la meilleure manière de mesurer les résultats de développement.

Bonne lecture!

À propos de l'Évaluateur généralRoland Michelitsch est l’Évaluateur général de la Banque africaine de développement (BAD). Avant de rejoindre la BAD, il a passé de nombreuses années au service d’autres banques multilatérales de développement. Au sein du groupe de la Banque interaméricaine de développement (BID), il a dirigé des évaluations d'activités des secteurs privé et public. À la Société financière internationale (SFI), il a géré l’unité des investissements du département de l’impact du développement. Il a également dirigé le système et le cadre d’évaluation des projets de la SFI, ainsi que des évaluations dans divers domaines, et a travaillé en tant qu’économiste régional pour l’Afrique subsaharienne. Au sein de la Banque mondiale, il a travaillé sur la gouvernance d’entreprise en Europe centrale et orientale [et sur la population, l'agriculture et l'environnement en Afrique subsaharienne]. Roland est titulaire d'un doctorat et d'une maîtrise en économie de l'Université de l'Arizona et d'un MBA de l'Université de Graz.Biographie complète disponible ici : h!p://idev.afdb.org/fr/page/mr-roland-michelitsch-l’évaluateur-général

Mots de l'Évaluateur général 7

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Entretien avec Adeline Sibanda, ancienne Présidente de l'AfrEA

idev : Le thème de la 9e Conférence internationale de l ’AfrEA était « Accélérer le développement de l’Afrique par le renforcement des écosystèmes nationaux d’évaluation », avec un intermède présidentiel spécial, sous forme de séances plénières, de tables rondes et de présentations d’articles, sur la « Réalisation de la Vision de l’évaluation adaptée à l’Afrique ». Selon vous, quels étaient les différents points les plus pertinents de la conférence ?

Adeline Sibanda : Le jalon présidentiel avait pour but de façonner, de manière anticipée, un dialogue et un engagement importants et irrésistibles sur l’évaluation adaptée à l’Afrique (EAA) et la collaboration Sud-Sud en matière d’évaluation. Cette séance a réuni des évaluateurs à l’avant-garde du discours sur l’évaluation adaptée à l’Afrique (EAA), mais aussi de spécialistes de renommée internationale en études et cultures africaines qui ne s’étaient pas encore familiarisés avec l’évaluation, mais qui lui apportaient le fondement culturel nécessaire et les évaluateurs qui ont été les pionniers du concept d'eaa.

L’EAA promeut des évaluations conduites par l’Afrique et profondément ancrées en elle. L’EAA soutient que le développement de l’Afrique doit être principale l’œuvre des Africains qui utilisent des paradigmes ou visions du monde afrocentriques, les philosophies, modes de savoir et d’activité africaines, et leur interaction au fil du temps avec l’évolution des contextes africains. Cela implique que les efforts visant à intégrer les modes de savoir, méthodes et approches africains dans la pratique de l’évaluation doivent se poursuivre sans discontinuer.

Le jalon présidentiel a délivré les messages clés suivants :

❚ La vaste majorité des investissements en faveur du développement, des théories et pratiques d’évaluation dans le monde se fonde sur des visions du monde et des valeurs, des systèmes d’autorité et de ressources d’institutions puissantes, principalement celles du Nord global. Les décisions relatives au sujet

Entretien 9

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évalué, au mode d’évaluation et à ceux qui commandent des évaluations demeurent en grande partie la prérogative du Nord global, malgré les impressionnants atouts et capacités en matière de savoirs traditionnels dont bénéficie le Sud global.

❚ L’évaluation est intimement liée au pouvoir, les décisions sur les questions soulevées précédemment appartenant à ceux qui sont puissants.

❚ Les savoirs traditionnels sont essentiels. Il convient d’intégrer les représentations et modes de connaissances des peuples autochtones.

❚ Tout évaluateur doit reconnaître un paradigme qui articule les besoins et priorités de ceux dont les systèmes de savoir ont été marginalisés. C’est le produit de l’histoire de ceux qui ont été assujettis. Il s’agit d’un paradigme inclusif sur la manière dont les connaissances locales s’associent à leurs homologues de l’Occident pour créer un processus ou une méthode d’évaluation tenant compte des besoins des communautés.

❚ Il importe de mettre à disposition davantage de bourses d’études sur les méthodes et pratiques traditionnelles d’évaluation.

❚ Les financiers peuvent et doivent tenter de corriger certaines de ces asymétries, notamment :

• en apportant des fonds de façon durable ;

• en positionnant les évaluateurs du Sud global comme des chefs d’équipes ; et

• en renforçant les capacités des évaluateurs à différents niveaux.

❚ Contrairement au reste du monde jadis colonisé, l’Afrique jouit de la résilience de quelques-unes de ses connaissances et épistémologies qui ont pu échapper aux actions épistémicides de la modernité ou du colonialisme. Elles peuvent servir de ressources matérielles pour développer une autre langue d’évaluation. La première étape peut consister à élaborer un glossaire de termes afrocentriques à utiliser au cours des évaluations, étant entendu qu’une autre option n’est pas envisageable sans un nouveau vocabulaire.

idev : La Conférence de l’AfrEA a également fait valoir et mobilisé la communauté africaine d’évaluation, contribuant à la création de ministères chargés des évaluations, à l’adoption des politiques nationales d’évaluation et aux propositions de lois sur l’évaluation. Quelle vision avez-vous de l’évaluation adaptée à l’Afrique et en quoi cette vision bénéficie-t-elle du dynamisme de l’écosphère d’évaluation en Afrique ?

« L’évaluation adaptée à l'Afrique promeut des évaluations conduites par l’Afrique et profondément ancrées en elle ».

Entretien 10

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Adeline Sibanda : Lorsque nous parlons d’évaluation, il est important que nous considérions tout l’écosystème évaluatif, qui est constitué de ministères, de membres du parlement, de la société civile, du secteur privé, des communautés, des évaluateurs et du système plus global avec lequel ils interagissent.

L’objectif général de l’EAA est d’accroître l’influence des méthodes, théories et philosophies ancrées en l’Afrique dans le développement et les évaluations à l’échelle mondiale, particulièrement celles qui sont censées profiter à l’Afrique. Pour mettre en œuvre l’EAA, il faut :

1. chercher à mesurer la portée des bourses d’études sur les approches évaluatives axées sur l’Afrique, et soutenir les efforts à venir ;

2. articuler, développer et rendre visibles et accessibles les bourses, méthodes et approches qui sous-tendent l’EAA ;

3. promouvoir l’adaptation des outils, instruments, stratégies et théories d’évaluation existants, ainsi que l’ajustement de modèles garantissant la pertinence des contextes africains ;

4. développer des pratiques, théories et méthodes d’évaluation axées sur l’Afrique et reposant sur les cultures locales, les systèmes de savoirs traditionnels, les philosophies et paradigmes africains ;

5. renforcer les capacités des analystes des politiques, des chercheurs et des évaluateurs du continent afin de garantir le recours à ces méthodes et approches en Afrique et dans le monde.

IDEV : À votre avis, quelle contribution l’évaluation adaptée à l’Afrique peut-elle faire pour accélérer la réalisation des ODD et, en particulier, de l’Agenda 2063 de l’ua ?

Adeline Sibanda : L’EAA peut donner un coup d’accélérateur au développement de l’Afrique en dotant les Africains de moyens pour mener à bout le Programme 2030 et l’Agenda 2063. Il importe de s’assurer que les évaluations sont conduites par les pays et que les gouvernements africains se chargent d’évaluer eux-mêmes leurs plans, politiques et programmes de développement avant la fin de chaque cycle. Les données probantes issues des évaluations doivent servir à appuyer de nouvelles stratégies ou politiques de développement. Bien entendu, cela suppose l’existence de cibles et indicateurs pour mesurer les progrès accomplis. Les parlementaires doivent exiger et utiliser des données probantes pour jouer pleinement leurs rôles.

IDEV : L’AfrEA a célébré son 20e

anniversaire à la Conférence de 2019, alors que votre mandat de deux ans en tant que Présidente tirait à sa fin. Quelles ont été les réalisations les plus importantes de l’AfrEA durant votre

« L’objectif général de l’EAA est d’accroître l’influence des méthodes, théories et philosophies ancrées en l’Afrique dans le développement et les évaluations à l’échelle mondiale, particulièrement celles qui sont censées profiter à l’Afrique ».

Entretien 11

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mandat et quels sont vos prochains chantiers, Adeline ?

Adeline Sibanda : Il est toujours mieux de laisser les autres évaluer votre performance. Je suis heureuse d’avoir pu servir l’Afrique à travers l’AfrEA et je suis persuadée que la nouvelle Présidente,

Rosetti Nabbumba Nayenga, portera l’AfrEA vers d’autres cimes.

Je retournerai à mes activités de consultante et gérerai d’autres affaires personnelles. J’espère mettre à nouveau mes mains à la pâte et embrasser encore l’évaluation.

Entretien 12

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13Entretien

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Adeline Sibanda est la fondatrice et directrice générale d’ADESIM Developments (anciennement dénommé Troparg Consultancy Services). Elle jouit de 27 années d’expérience dans les domaines de la stratégie, de l’élaboration de programmes, de la planification, du suivi et de l’évaluation, de la recherche, du genre et du développement. Elle est passionnée des questions de développement professionnel, y compris le développement de l’entrepreneuriat, et a servi des pays d’Afrique subsaharienne durant plus de 20 ans, à travers des clients tels que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’USAID, le PNUD, le FNUAP, ONU-Femmes, le PAM, Oxfam, CIDA, Family Health International, Higher Life Foundation, entre autres.

Adeline est la Présidente de l’Organisation internationale pour la coopération en évaluation (OICE), Coprésidente de EvalPartners et ex-Présidente de l'Afrea.

Elle œuvre à plaider et à sensibiliser non seulement sur l’évaluation adaptée à l’Afrique (une initiative de l’AfrEA qui promeut une pratique évaluative axée sur les contextes et priorités de l’Afrique), mais également sur la Coopération Sud-Sud en matière d’évaluation, initiée par cinq associations régionales d’évaluation dans le Sud global.

Entretien 13

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En tant qu’une contribution particulière au corpus de connaissances faite par des évaluateurs et leaders d’opinion éclairés par une vision du monde et des perspectives africaines, l’évaluation adaptée à l’Afrique est en train de gagner en intensité. Alors que l’évaluation de programmes pourrait répondre aux besoins du développement international, elle ne s’est pas suffisamment montrée utile aux autres acteurs qui accompagnent le développement sur le continent. Les valeurs et la vision du monde des Africains doivent guider et façonner l’évaluation en contexte africain. L'Afrique est en train d’influer sur l’écosystème évaluatif mondial. Des changements sans précédent sont en train de s’opérer au cœur de l’évaluation en Afrique.

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Nombeko Mbava, PhD, Université du Cap, Afrique du Sud

Introduction

C o n t ra i r e m e n t à s e s premières origines euro-occidentales, l’évaluation est désormais pratiquée dans un monde multiculturel

et mondialisé, touchant les vies de millions de personnes issues de diverses parties du monde. Le niveau de participation effective de différents acteurs multiculturels dans la pratique évaluative ne fait pas l’unanimité. Ces dernières années, le niveau de prise en compte des perceptions, systèmes de valeur, connaissances et perspectives africains dans l’évaluation actuelle a été vigoureusement contesté. Cette situation découle d’une réalité préoccupante : alors que l’évaluation de programmes pourrait répondre aux besoins du développement international, elle ne s’est pas montrée suffisamment utile aux autres acteurs qui accompagnent le développement sur le continent.

Les modèles et approches théoriques adoptés et appliqués dans l’évaluation de programmes dans les contextes africains sont fortement dimensionnés et homogènes pour ce qui est de l’orientation et donnent un aperçu limité des valeurs, croyances et cultures en pleine expansion de l’Afrique.

Il n’existe pas de perspectives pluralistes qui se fondent sur les atouts des connaissances et systèmes de valeurs locaux pour appuyer une évaluation fiable et utile du point de vue des utilisateurs locaux. Le présent article s’efforce de faire comprendre pourquoi l’appropriation du processus d’évaluation par l’Afrique est importante. Les raisons pour lesquelles les valeurs et opinions africaines doivent guider et façonner l’évaluation dans les contextes africains sont exposées par la suite. La conclusion est que l’Afrique est en train d’influer sur l’écosystème évaluatif mondial. Des changements sans précédent sont en train de s’opérer au cœur de l’évaluation en Afrique.

Les évaluations effectuées en contexte africain ont été dirigées par l’étranger

Ces dernières années, des voix se sont élevées en faveur d’une pratique évaluative axée sur une perspective africaine (Ofir, 2018; AfrEA, 2019; AfrEA, 2014 & AfrEA, 2007). Certes, ce concept est variablement appelé « évaluation centrée sur l’Afrique », « évaluation afrocentriste », « évaluation enracinée en Afrique », « évaluation conduite par l’Afrique », « évaluation décolonisée » ou « évaluation adaptée

Messages clés

❚ L’appropriation par l’Afrique du processus d’évaluation est importante, la théorie et la pratique de ce!e discipline dans les contextes africains ayant été pendant longtemps exogènes.

❚ Le niveau de prise en compte des opinions, systèmes de valeur, connaissances et perspectives africains dans l’évaluation actuelle est contesté.

❚ Les valeurs et la vision du monde des africains doivent guider et façonner l’évaluation en contexte africain.

❚ Se départir du statu quo peut faire évoluer l’enquête évaluative vers une justice ontologique et épistémologique.

Changer le statu quo : l’influence de l’Afrique sur la pratique de l’évaluation dans le monde 15

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

à l’Afrique », mais l’objectif général est de mettre en route un programme d’évaluation dirigé par des africains et leur appartenant. De ce point de vue, l’évaluation adaptée à l’Afrique se présente comme une contribution particulière au corpus de connaissances faite par des évaluateurs et leaders d’opinion éclairés par des visions du monde et des points de vue africains. Une telle appropriation est importante dans la mesure où la théorie et la pratique de l’évaluation en contexte africain sont restées sous la coupe de l’étranger. Largement documentée partout (Cloete, 2016 ; Mouton, 2010 ; Mouton, Rabie, Cloete, & de Coning, 2014 ; Wildschut, 2014), ce!e nature exogène de l’évaluation n’a, pendant longtemps, servi que les intérêts des parties prenantes externes.

Les influences euro-occidentales et les modèles théoriques créés et intégrés à travers les efforts internationaux de développement ont largement apporté des indicateurs insuffisants et peu concluants en ce qui concerne l’impact sur le développement (Mbava, 2017, Mbava & Rabie, 2018). Des chercheurs ont ensuite soutenu que les méthodes adoptées en matière d’évaluation et de développement n’ont pas permis d’étudier pleinement les

complexités des contextes fragiles et des pays en développement, l’accent étant généralement mis sur de simples actions plutôt que sur la nature complexe des systèmes adaptatifs (Ofir, 2013 : 585).

Le niveau de prise en compte des opinions, systèmes de valeur, connaissances et perspectives africains dans l’évaluation est contesté. La présente étude repose sur un discours répandu qui interroge non pas seulement les asymétries des structures de pouvoir entre les régions du Sud global et du Nord global, mais également les questions de justice épistémique, d’identité et de représentation (Ndlovu-Gatsheni, 2015:13-40). Elle a questionné la pertinence et

« Dans ce contexte, l'évaluation « adaptée à l'Afrique » constitue une contribution particulière au corpus de connaissances des évaluateurs et des leaders d'opinion éclairés par des conceptions et perspectives africaines du monde. »

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la réactivité des pratiques évaluatives qui contraignent ou écartent les acteurs africains de l’évaluation qui sont censés contribuer fortement à redéfinir le rôle des intellectuels et des leaders d’opinion dans le processus d’évaluation (Chilisa, 2015). Des auteurs ont également fait valoir que les participants locaux à l’évaluation doivent être conceptualisés comme une partie intrinsèque du processus et non pas comme de simples « sources de données » (Chouinard & Milley, 2018:77).

Si les théories et pratiques évaluatives possèdent des racines nord-américaines, des interrogations demeurent quant à la perspective de songer à inclure ceux qui participent au processus d’évaluation.

L’hégémonie épistémique exercée sur la théorie de l’évaluation a continué d’évoluer de manière asymétrique, les méthodes étant, dans une large mesure, élaborées par des évaluateurs et théoriciens du Nord global, pour être ensuite appliquées dans le Sud global (Carden & Alkin, 2012). Ce!e tendance semble progresser au lieu de diminuer avec le temps (Cameron, Mishra, & Brown, 2016).

Alors qu’au niveau mondial, l’évaluation mobilise de façon croissante diverses parties prenantes multiculturelles, la mesure dans laquelle ce!e mobilisation s’est répercutée sur la théorie et la pratique de l’évaluation n’a pas été suffisamment étudiée par les spécialistes en évaluation. Certes, ce!e question est en train de susciter de l’intérêt d’un point de vue africain, mais d’autres acteurs de l’évaluation issus des peuples autochtones tels que les Indiens d’Amérique, les Maoris de Nouvelle-Zélande et les Aborigènes d’Australie, entre autres, continuent de soumettre la théorie et la pratique évaluatives à la réflexion en s’inspirant des expériences vécues.

« Les pratiques d'évaluation qui limitent ou ignorent les rôles de premier plan des participants africains à l'évaluation dans la définition de la pensée et du leadership intellectuel dans le processus d'évaluation ont été mises en doute pour leur pertinence et leur réactivité. »

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De nouvelles voix dans l’évaluation

En tant qu’un groupe d’intérêt essentiel, de nouvelles voix issues du Sud global ont multiplié des appels en faveur d’une participation effective à la conception de la théorie et de la pratique de l’évaluation en tenant compte de leur vécu. Une expression idéologique sert de symbole de mobilisation pour différents pays par rapport aux nations fortement industrialisées, les pays du Sud ayant vécu les mêmes inégalités, héritage commun du colonialisme et des effets de l’impérialisme. Ce!e identité se matérialise à travers la mobilisation de groupes d’intérêt sur la question (Alden, Morphet & Vieira, 2010:3). Ces questions stratégiques sont ensuite déba!ues et soumises à la réflexion au sein de différentes structures régionales telles que la coopération Sud-Sud sur l'évaluation, qui ambitionne de perturber et de contester la domination épistémique du Nord global à cet égard. L'Initiative sud-sud (S2SE) est une représentation régionale africaine forte et présente; elle comprend quatre homologues issus de l'Asie du Sud, de l'Asie-Pacifique, des Caraïbes et de l'Amérique latine, et est essentielle dans la mesure où elle contribue à consolider, positionner et faire connaître l'évaluation adaptée à l'Afrique au niveau mondial. Par la solidarité, l'unanimité et la diplomatie, les représentations communes du Sud global peuvent potentiellement faire bouger et restructurer les asymétries de rapports de force, et établir ainsi un nouvel agenda de l'évaluation.

Les valeurs et la vision du monde des africains doivent guider et façonner l'évaluation en contexte africain

D'autre part, les commentateurs ont posé la question: à qui appartiennent les valeurs et la vision du monde qui appuient le processus et la conception de l'évaluation? (Chouinard & Hopson, 2016: 248). L'évaluation étudie des programmes, des projets, des politiques et d'autres interventions afin de déterminer leur

mérite et leur valeur. L'enquête évaluative et ses conclusions ayant un jugement de valeur intrinsèque à la fois empirique et normatif, nous devons davantage nous demander: « à qui appartient le système de valeurs qui appuie ce qui se définit comme données probantes en évaluation? » D'aucuns ont affirmé que « les origines de l'évaluateur peuvent être le facteur le plus important qui détermine le type d'évaluation à effectuer, et non le contexte et les besoins d'information concernant les groupes touchés » (Mark, Henry & Julnes, 1999:179). Il est donc impératif de considérer, d'un point de vue centré sur l'Afrique, le fondamentalisme épistémologique et axiologique sur lequel repose l'enquête.

Dans de nombreux contextes africains, les systèmes de valeurs jouent un rôle déterminant dans la régulation des structures sociales et communales. Les valeurs définissent ce qui est retenu comme précieux et tout cela peut exprimer des opinions ou des convictions avec lesquelles le peuple peut vivre, auxquelles il ne peut échapper ou même pour lesquelles il peut mourir (Idang, 2015:101). Les choix et processus décisionnels sont axés non pas seulement sur les bases factuelles disponibles, mais également sur des normes et standards. Que se passe-t-il donc lorsque ces normes ne sont pas en harmonie avec les systèmes de valeurs locaux? Une simple adoption des pratiques évaluatives des pays fortement industrialisés présente des limites et « ne convient pas aux contextes non occidentaux où prévalent des

« Dans de nombreux contextes africains, les systèmes de valeurs jouent un rôle déterminant dans la régulation des structures sociales et communales. »

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principes et pratiques totalement différentes. Une formule uniformisée de l'évaluation est par conséquent irréaliste » (Cloete, 2016:55).

Accepter que l'évaluateur porte un jugement de valeur propre dans les processus d'évaluation a des implications pour l'objectivité de l'évaluation. Le rôle des évaluations dans l'appréciation du mérite et de la valeur d'un programme ou d'une politique, ainsi que leurs rôles concomitants en tant que fonction décisionnelle importante, ont également des implications sur ce qui est jugé légitime et fiable.

Les recherches indiquent qu'il y a des répercussions sur le niveau d'utilisation finale des constatations de l'évaluation par les décideurs et citoyens africains engagés dans le développement du continent (Mbava, 2017; Mbava & Rabie, 2018).

Il importe de prendre en compte le degré auquel les valeurs et la vision du monde des Africains peuvent orienter et remodeler l'évaluation dans les contextes africains. Les participants

à des programmes pourraient agir de manière précise sous l'effet de facteurs clés tels que leurs normes et valeurs culturelles, leurs croyances et perspectives, ce qui produirait les résultats de programmes observés.

On peut donc logiquement estimer que les participants à ces programmes, qui vivent dans des contextes africains, auraient formulé des hypothèses philosophiques africaines sur des phénomènes et des perceptions africaines du monde, et développé des systèmes de croyances traditionnels spécifiques à l'appui de leur vécu et leur mode d'activité. Il est essentiel de reconnaître que ces hypothèses axiologiques, ontologiques et épistémologiques influent sur la façon dont les participants aux programmes accompagnent chaque intervention dans un agenda d’évaluation adapté à l’Afrique.

Tel qu'elles se présentent dans un contexte africain, ces questions n'ont pas bénéficié de la mobilisation qu’elles méritent. Par exemple, les pratiques africaines susceptibles de fournir des sources de données évaluatives à intégrer dans la pratique internationale de l'évaluation

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sont très peu connues. A l'évidence, les systèmes de valeurs endogènes et les normes et standards typiquement africains pourraient avoir un impact sur les résultats des évaluations.

Le fait de ne pas apprécier ces dynamiques contextuelles et les intégrer dans la pratique internationale de l'évaluation crée des contraintes importantes. Dans ce cas, les approches méthodologiques adoptées, singulièrement adossées aux systèmes de valeurs et normes euro-occidentaux, peuvent aussi entraver considérablement l'identification de ce qui marche, des raisons et de la manière dont cela marche, lorsqu'il s'agit d’évaluer l'a!ribution et la causalité.

Il a été indiqué que les valeurs de la délibération collective et de la prise de décisions communales jouent un rôle de premier plan dans différents contextes africains (Chilisa, Major & Khudu-Petersen, 2017). De même, il a été suggéré que les efforts de développement pourraient être guidés et appuyés par ces systèmes de valeurs et principes (Ikuenobe, 2017:15).

Justice cognitive: le droit d'interpréter le monde selon notre propre point de vue

L'intégration d'une perspective africaine unique dans la pensée, le raisonnement et l'interprétation des données d'appui à l'évaluation est une démarche valide et instructive. Gatsheni-Ndlovu-Gatsheni (2018) nous invite instamment à nous approprier implicitement nos connaissances et à les libérer à l'effet de « penser, théoriser et interpréter le monde, élaborer nos propres méthodes et écrire à partir de là où [nous nous] trouvons, débarrassés de l'eurocentrisme. » A cet égard, nous devons interroger les facteurs contextuels qui pourraient influer sur les choix méthodologiques de l'évaluation, ce qui est interprété comme une évaluation et les personnes dont les voix sont amplifiées dans la conception des évaluations. Les parties prenantes africaines à l'évaluation

bénéficient de la justice cognitive lorsqu'elles participent activement et sont informées des travaux, et lorsque le leadership intellectuel et les leaders d’opinion dans le domaine de l'évaluation sont définis à partir de la vision du monde des africains.

Au lieu d'être monolithique, l'opinion africaine est multiculturelle et multidimensionnelle, et devrait incorporer les perspectives uniques des contextes africains lusophones, francophones et anglo-saxons. Intégrer la justice cognitive dans la théorie et la pratique de l'évaluation peut apporter des éléments de solution uniques à quelques-uns des problèmes les plus récalcitrants du continent africain. Le fait de posséder de multiples « moyens de connaissances », d'affronter les mêmes problèmes et de quantifier les données probantes de l'évaluation sous plusieurs angles et non à partir d'une seule « vérité universelle » peut contribuer à enseigner de nouvelles manières de résoudre des problèmes anciens et de trouver des solutions durables et renouvelables aux défis en matière de développement.

Une évaluation adaptée à l'Afrique pour influer sur l'écosystème mondial de l'évaluation

I La participation active des principales parties prenantes à la construction du sujet évalué et à la définition de la période d'évaluation, de l'évaluateur et de la méthode évaluative est à l'évidence l’un des piliers d’une

«A l'évidence, les systèmes de valeurs endogènes et les normes et standards typiquement africains pourraient avoir un impact sur les résultats des évaluations. »

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perspective d’évaluation adaptée au continent africain. Mais alors, comment intégrer ces connaissances dans la pratique internationale de l'évaluation? Par exemple, dans des situations où l'évaluation locale teste purement et simplement une théorie élaborée dans le Nord global, la participation active et crédible des acteurs locaux tant dans les processus épistémologiques centraux en tant que cocréateurs de la théorie d'un programme que dans le processus d'évaluation est une étape progressive. Une participation crédible des parties prenantes locales pertinentes dans les évaluations, ainsi qu'un engagement notable de différentes représentations

dans la production des connaissances, peut faire évoluer l'enquête évaluative vers une justice ontologique et épistémologique.

Conclusion

L'Afrique est en train d'influer irrévocablement sur l'écosystème mondial de l'évaluation. La théorie et la pratique mondiales de l'évaluation sont en train d'exploiter des données uniques issues de la pensée évaluative africaine.

Le domaine de l'évaluation donnant lieu à la justice cognitive, valorisant des théories, des méthodes et une interprétation du monde d'un point de vue africain, le processus évaluatif devient libératoire et transformateur. Les possibilités qui s’offrent à l'Afrique pour enrichir et renforcer les données probantes de l'évaluation sont immenses au regard de ses perspectives diverses, qui sont sous l'influence de cultures locales, de systèmes de valeurs et de coutumes issus de différents contextes tels que les parties lusophone, francophone et anglo-saxonne du continent. A cet égard, des changements sans précédent sont en train de s’opérer au cœur de l'évaluation en Afrique.

« Une participation crédible des parties prenantes locales pertinentes

dans les évaluations, ainsi qu'un engagement notable de différentes

représentations dans la production des connaissances, peut faire évoluer

l'enquête évaluative vers une justice ontologique et épistémologique. »

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Nombeko Patience Mbava est une chercheuse à l’Institut de suivi et d’évaluation de l’Université du Cap (Afrique du Sud). Dans le cadre de ses travaux de recherche actuels, elle explore des approches novatrices pour des évaluations afrocentriques et contrôlées par l’Afrique, une contribution au discours plus global sur l’accroissement de l’influence du programme d’évaluation du Sud global.

En tant qu’évaluatrice et chercheuse, elle fournit des conseils sur les pratiques optimales de suivi et d’évaluation de programmes en vue d’améliorer les résultats en matière de développement et d’appuyer des processus décisionnels par des données probantes.

Son doctorat (PhD) obtenu à l’Université de Stellenbosch traite de l’évaluation réaliste en tant qu’approche évaluative axée sur la théorie pour mener des recherches sur la validité interne et externe, l’objet de la recherche étant la valeur potentielle de l’approche sur les évaluations d’impact de programmes en Afrique du Sud. Elle a contribué à élaborer un modèle d’évaluation d’impact applicable aux contextes africains du suivi et de l’évaluation et perme!ant de faire avancer les résultats en matière d’évaluation qui sont utiles notamment à la prise de décisions reposant sur des bases factuelles.

Elle est titulaire d’une licence (B.Sc.) en économie de Smith College à Massachuse!s (USA) et d’un master (M.Sc.) en administration des entreprises (MBA) de l’école du commerce de l’Université de Stellenbosch.

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La multiplicité des produits d'évaluation adaptés à l'Afrique mérite une approche scientifique complexe pour transformer véritablement les évaluateurs africains, qui recourent à des modèles d'évaluation ayant une base idéologique, mais sans prendre en compte l'expérience africaine. Le présent article soutient que la création de pratiques d'évaluation adaptées à l'Afrique requiert l'identification de la nature même du suivi et de l'évaluation ainsi qu'un exercice rigoureux visant à interroger le passé, le présent et le futur. Il suggère quatre étapes essentielles à suivre pour décoloniser l'évaluation en Afrique: décoloniser véritablement l'évaluation en Afrique; évaluer les modèles existants; mener des recherches sur les modèles évaluatifs africains; et me're au point des modèles axés sur l'Afrique, en partenariat avec les communautés locales. L'

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Mjiba Frehiwot, PhD, Université du Ghana

Introduction

Notre philosophie doit trouver ses armes dans l'environnement et dans les conditions de vie du peuple africain. C'est à

partir de ces conditions que le contenu intellectuel de notre philosophie doit être créé. L'émancipation du continent africain est celle de l'homme. Elle a deux objectifs: d'abord, la restitution de l'égalitarisme de la société humaine; et ensuite, la mobilisation logistique de toutes nos ressources en vue de la réalisation de ce!e restitution » (Nkrumah, 1964, p. 78). Les modèles de suivi et d'évaluation (S&E) en Afrique reflètent directement la relation entre l'Afrique et les pays du Nord. Ce!e relation est inégale et axée sur une dynamique de pouvoirs qui favorise des connaissances et pratiques développées hors de l'Afrique. Loin de dissuader le recours aux modèles d'évaluation adaptés à l'Afrique, ce fait historique devrait constituer un défi à relever en créant des modèles d'évaluation véritablement fondés sur les valeurs, les principes et la culture des Africains.

Le contenu et les caractéristiques des évaluations adaptées à l'Afrique doivent tenir compte des multiples histoires du continent. La multiplicité des produits d'évaluation adaptés à l'Afrique mérite aussi une approche scientifique complexe pour transformer

véritablement les évaluateurs africains qui recourent à des modèles d'évaluation ayant une base idéologique, mais sans prendre en compte l'expérience africaine, en vue d'un processus évaluatif adapté au continent. Pour élaborer une approche authentique et globale, il faut une méthode ayant quatre étapes clés qui peuvent se répéter temporellement ou durant tout le processus avant de progresser en fin de compte. Il s'agit de:

Étape 1: décoloniser l'évaluation et les évaluateurs africains. Il est question de libérer l'évaluation et les spécialistes en la matière de toutes les notions préconçues du Nord;

Étape 2: mener des recherches sur les modèles d'évaluation historiques/traditionnels en Afrique;

Étape 3: évaluer les modèles existants, particulièrement les modèles occidentaux; et

Étape 4: : me!re au point des modèles adaptés à l'Afrique en exploitant les informations obtenues des trois premières étapes ci-dessus, et en partenariat avec les membres des communautés locales et d'autres parties prenantes pertinentes.

L'illustration suivante présente les quatre étapes clés de l'évaluation africaine:

Messages clés:

1. L’évaluations adaptée à l'Afrique doit commencer par une décolonisation critique du suivi et de l'évaluation en Afrique.

2. Le suivi et l'évaluation en Afrique doivent reposer sur les voix, li!ératures et expériences des Africains.

3. L'évaluation adaptée à l'Afrique doit reme!re en question la nature même des rapports de force existant dans le domaine du suivi et d'évaluation.

4. Il importe que les évaluateurs africains au service du continent examinent de manière critique leurs propres préjugés sur les communautés qu'ils servent.

5. La pratique évaluative adaptée à l'Afrique doit évoluer de manière organique tout en reconnaissant les institutions et les communautés comme des partenaires.

L'évaluation adaptée à l'Afrique: Décoloniser l'évaluation en Afrique 27

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Décoloniser l'évaluation et les évaluateurs africains

Le projet de décolonisation est historiquement enraciné dans les lu!es contre l'esclavage, le colonialisme et l'Apartheid. En tant que moyen utilisé pour cerner la capacité d'action du peuple africain, la décolonisation doit comprendre quatre composantes clés:

1. Déconstruction et reconstruction - le processus de décolonisation doit intégrer l'examen de la base idéologique des pratiques et connaissances actuelles, lesquelles doivent être mises ensemble, triées, décomposées et revues de manière critique afin d'identifier leurs avantages et leurs faiblesses pour les populations africaines. Le processus de déconstruction est suivi de la reconstruction de l'idéologie et de la philosophie des évaluateurs et des institutions utilisant les données collectées.

2. Autodétermination et justice sociale - Au cœur de la décolonisation se trouvent le droit et la lutte pour l'autodétermination et la justice sociale. Les questions à poser sont: comment la situation actuelle de l'évaluation africaine entrave-t-elle ou soutient-elle le droit à l'autodétermination des programmes qui sont évalués sur le continent? Comment le processus évaluatif influe-t-il sur les bénéficiaires des programmes évalués? Notre situation sociale a-t-elle des répercussions sur notre relation avec l'autodétermination et la justice sociale? Ces questions peuvent guider la quête de l'autodétermination sur le chemin de la décolonisation.

3. Reconnaissance des connaissances traditionnelles - Ce!e étape est capitale dans le processus de décolonisation. Il ne s'agit pas simplement de reconnaître la présence des connaissances traditionnelles ou de les considérer comme un ingrédient à ajouter

L'évaluation adaptée à l'Afrique: Décoloniser l'évaluation en Afrique28

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aux principes internationalement reconnus. Les connaissances traditionnelles africaines doivent être reconnues comme étant sur un pied d'égalité avec d'autres connaissances dans le débat international sur la production des connaissances.

4. Internationalisation des expériences des peuples autochtones - C'est un aspect essentiel du processus de décolonisation, car il montre comment les expériences locales peuvent remodeler le monde d'aujourd'hui. Comment projetons-nous les expériences des personnes qui résident et travaillent dans les pays du Sud comme des données légitimes et inestimables au niveau mondial? Ces expériences ne doivent pas se juxtaposer à l'analyse occidentale du développement; elles doivent être plutôt contextualisées et situées dans l'environnement culturel, politique, géographique, historique et économique des peuples.

Les questions fondamentales auxquelles il convient de répondre sont: pourquoi faut-il décoloniser le suivi et l'évaluation tels que pratiqués par les acteurs africains et non africains? Existe-t-il des principes universels de suivi et d'évaluation qui sont utilisés dans le monde?

La décolonisation de l'évaluation est perçue comme la restructuration des caractéristiques et des programmes d'enseignement de l'évaluation en tenant

compte des conditions locales et des nuances culturelles. Pourtant, la décolonisation de l'évaluation devrait être perçue comme le catalyseur de la restructuration des rapports de force qui se dégagent dans la construction et la mise en œuvre des évaluations adaptées à l'Afrique (Bagele, Thenjiwe, Gaotlhobogwe, & Hildah Mokgolodiuch, 2016). Ce processus interroge la nature même du suivi et de l'évaluation en Afrique. Quel est le rôle des institutions de S&E qui ont le pouvoir de financer ou de « définancer » des initiatives locales et nationales? Comment ces organisations décolonisent-elles leurs analyses, opinions, stratégies et idéologies tout en remplissant leur principal mandat? Les conclusions de la recherche soutiennent que le développement authentique des ressources évaluatives adaptées à l'Afrique passe par la résolution, tant par des individus que par le cercle des évaluateurs, de la question de la décolonisation de la production des connaissances et de sa relation avec l'évaluation sur le continent. « Au cœur de la décolonialité se trouve l'idée de refaçonner le monde de sorte que les peuples ayant subi l'esclavage, la colonisation et l'exploitation puissent retrouver leur densité ontologique, leur liberté d'expression, leurs terres, leur histoire, leurs connaissances et leur pouvoir » (Ndlovu-Gatesheni, 2015, p. 23). Que ce soient l'évaluation africaine elle-même ou les évaluateurs du continent, tous doivent exiger de se faire entendre, leurs opinions devant refléter véritablement l'idiosyncrasie africaine, plutôt que d'être une réplique exacte des pratiques évaluatives importées d'ailleurs.

Évaluer les modèles existants

Le développement des évaluations adaptées à l'Afrique doit commencer par une recherche sur les modèles de suivi et d'évaluation dominants de l'heure, afin d'examiner de manière critique leurs origines en Afrique ainsi que les nuances potentielles spécifiques à chaque sous-domaine. Comme l'a indiqué Chilisa, « l'évaluation selon l'approche la moins

« L'évaluation africaine et les évaluateurs du continent, doivent

exiger de se faire entendre, leurs opinions devant refléter véritablement

l'idiosyncrasie africaine, plutôt que d'être une réplique exacte des pratiques

évaluatives importées d'ailleurs. »

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traditionnelle est dominée par la théorie et la pratique évaluatives occidentales. Par exemple, on met l'accent sur la traduction des instruments de l'évaluation en langues locales et sur la domestication des techniques de collecte de données sans résoudre les questions fondamentales relatives aux visions du monde qui peuvent servir d'appui à la théorie et à la pratique de l'évaluation issues d'Afrique » (Chilisa, 2015, p. 17).

Les recherches et modèles de suivi et d'évaluation sont généralement dominés par les méthodes et la théorie américaines. A l'échelle mondiale, ce domaine se nourrit de l'expertise d e ch e rch e u rs , u n ive rs i ta i re s , professionnels , institutions et instruments juridiques d’origine américaine (Basheka & Byamugisha, 2015). Il est donc logique que ces théories et méthodes véhiculent l'idéologie propre des Etats-Unis ;et elles peuvent être opérantes ou inopérantes dans le contexte africain. Dans un certain sens, les politiques et instruments de suivi et d'évaluation promeuvent une approche universelle et non politique pour évaluer des projets internationaux, des efforts d'évaluation au niveau national et des projets de développement locaux.

L'évaluation de programmes et modèles de S&E doit interroger la finalité fondamentale du projet faisant l'objet d'évaluation. Cela est d'autant plus important que l'évaluation est un processus à la fois formel et informel. Il faut toutefois reconnaître que le pouvoir du processus évaluatif dépasse celui de l'individu qui procède à l'évaluation. « L'évaluation désigne également le processus visant à déterminer la valeur ou l'importance d'une activité, d'une politique ou d'un programme. Il s'agit de l'évaluation, aussi systématique et objective que possible, d'une action de développement planifiée, en cours ou achevée » (oecd, 2002, p. 22). L'objectif d'un processus d'évaluation doit se fonder sur un examen des évaluations, puisque le résultat de l'évaluation proprement dite peut en être affecté.

Le contenu et les caractéristiques d'une évaluation dépendent en grande partie des principaux acteurs ou de l'organisme de financement, dans la plupart des cas. L'enjeu des projets de développement est particulièrement de taille dans le domaine du suivi et de l'évaluation. Si le recours à l'approche de l'organisme de financement a apporté de ne!es améliorations, il existe toujours une marge de progression. La Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide de 2005 soutenait une approche plus équilibrée de suivi et d'évaluation par la consolidation de cinq principes déjà émergents, à savoir: l'appropriation par le pays hôte; le cadrage des activités avec les stratégies du pays; l'harmonisation des différentes stratégies et approches; un suivi étroit des résultats de gestion; et la responsabilité mutuelle (Colin & Stirrat, 2008). Le suivi et l'évaluation peuvent être utilisés pour contrôler des organisations non gouvernementales, mais aussi pour transformer le secteur public. Certains gouvernements recourent au S&E pour s'assurer que leurs actions sont efficaces, efficientes et responsables vis-à-vis du parlement et des citoyens de la nation (Porter & Goldman, 2013).

L'inclusion de différents types d'institutions de S&E est importante pour une meilleure compréhension de l'environnement communautaire, mais également pour questionner l'idéologie des organisations qui sont évaluées. La plupart des projets de développement imposent la prise en compte du suivi-évaluation dans leurs plans ainsi que l'affectation d'une partie du budget à l'activité évaluative. Ces actions ont des répercussions aussi bien positives que négatives. En effet, s'il importe que des programmes soient suivis et évalués pour garantir la réalisation de

« L'objectif d'un processus d'évaluation doit se fonder sur un examen des évaluations, puisque le résultat de l'évaluation proprement dite peut en être affecté. »

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l'objectif prévu, il faut se demander si les bailleurs de fonds qui exigent la prise en compte du suivi et de l'évaluation ne portent pas en même temps a!einte à l'objectivité du produit final. Bien que certains bailleurs de fonds considèrent les bénéficiaires de leurs financements comme des partenaires, une dynamique de pouvoirs existe toujours. La peur de perdre des fonds ou le besoin d'obtenir davantage de financements peut être un facteur déterminant de l'élaboration de rapports. Ce facteur majeur doit être examiné minutieusement dans le cadre des recherches sur les modèles contemporains de développement. Les questions suivantes devraient guider l'étude à mener:

1. Qui sont les principaux acteurs? S'agit-il d'institutions financières, d'organismes publics, d'évaluateurs indépendants ou d'organisations chargées des évaluations?

2. Quelle est l’idéologie suivie par l'évaluateur ou l'organisme chargé de l'évaluation?

3. Comment ce!e idéologie influe-t-elle sur les perspectives de l’évaluateur ou de l’organisme chargé de l’évaluation?

4. Quels en seront les avantages ou les conséquences sur l'organisme sur la base du rapport des évaluateurs?

5. Comment la théorie et les méthodes dictent-elles l'exécution du processus d'évaluation?

6. La théorie et les méthodes utilisées sont-elles ancrées dans la pensée évaluative occidentale ou africaine?

Mener des recherches sur les modèles africains d'évaluation

L'histoire récente du suivi et de l'évaluation indique que la plupart des chercheurs et universitaires ont adopté le modèle américain de l'évaluation. Le plus récent coup

d'accélérateur enregistré dans ce domaine ou ce!e discipline qui a été porté par ce courant de pensée remonte à la décennie 90. Certes, l'histoire de la manifestation actuelle du suivi et de l'évaluation est reconnue, mais il serait ahistorique d'affirmer que le S&E n'a existé qu'en Amérique et n'était pratiqué par aucun autre peuple. Les historiens peuvent admettre sans hésiter que tous les progrès actuels de ces institutions sont le résultat des premières tentatives qu'a connu le domaine de l'évaluation. Le suivi-évaluation n'est pas une exception à ce fait historique ou à ce cycle de l'évolution. Il convient de commencer à questionner l'origine du suivi et de l'évaluation tels qu'ils sont pratiqués de nos jours. Ont-ils existé dans les communautés africaines avant d'être réintroduits sous leur forme actuelle? A ce stade du développement de modèles évaluatifs adaptés à l'Afrique, il convient de ne pas retenir les formes préconçues de S&E.

L'Afrique en tant que berceau de l'humanité est un fait historique que les historiens, les chercheurs, les activistes et le grand public ne réfutent pas. Ce qui subit régulièrement des distorsions dans l'histoire africaine reste l'évolution de la « modernité » ou du « développement ». Ces deux caractéristiques de l'État moderne dictent souvent les contributions des femmes et des hommes du monde et prescrivent leurs rapports de force. On dit souvent de l'histoire de l'Afrique qu'elle n'a commencé qu'après l'esclavage et le colonialisme, ce qui présuppose que le continent n'a pas eu d'histoire avant l'intervention étrangère. Ce préjugé soulève une question essentielle: qu’entend-on par développement ? Sékou Touré y a répondu en ces termes : « Le développement résulte de l’évolution quantitative et qualitative des relations intrasociales et des relations entre la société et la nature ;de ce fait, il combine tous les aspects de l’activité humaine. » « La dialectique nous enseigne que le changement est inhérent à la nature même des choses », poursuit-il.

Cette définition du développement proposée par Sékou Touré fait

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ressortir que le suivi et l’évaluation sont des composantes naturelles du développement humain. L’évolution quantitative et qualitative doit, au strict minimum, émaner d’une évaluation des composantes positives et négatives d’un projet ou d’une institution. Ce!e notion de dialectique doit également s’appliquer au champ de recherche sur les modèles et pratiques évaluatifs adaptés à l’Afrique. Une question intéressante à se poser est de savoir si le S & E se limite à des institutions financières internationales et/ou à des organisations non gouvernementales. Car limiter le suivi et l’évaluation (S & E) à ce cadre très étroit aura pour effet d’entraver ses possibilités de servir de tremplin au développement de l’Afrique. Le S&E peut aussi servir à interroger des gouvernements, des organisations, des individus et des cultures.

Interroger l’évaluation non conventionnelle sur le continent peut contribuer à jeter les bases d’un modèle évaluatif authentiquement et culturellement adapté à l’Afrique. La contextualisation de modèles évaluatifs africains nécessite une bonne compréhension de la philosophie africaine. Dans ce domaine, la philosophie axée sur la culture africaine qui est la plus reconnue est Ubuntu. « Le terme Ubuntu est le diminutif d’un proverbe isixhosa d’Afrique du Sud. Il s’agit de Umuntu ngumuntu ngabantu, c’est-à-dire : une personne l’est à travers ses relations avec d’autres personnes. Ubuntu est reconnu comme la philosophie africaine de l’humanisme, qui lie l’individuel au collectif par le biais de la « fraternité ». Cette philosophie est une contribution fondamentale aux « modes de vie et de connaissances »traditionnels (Swanson, 2007, p. 55). C’est à travers Ubuntu que la personnalité africaine peut être interprétée comme une composante essentielle du suivi et de l’évaluation. Elle intègre la notion de responsabilité individuelle et collective en matière de gouvernance, de développement, de démocratie, d’éducation et de bien plus (Gnaka, 2009).

Le recours à la philosophie Ubuntu pour situer l’évaluation adaptée à l’Afrique permettra de répondre à la question clé suivante : « à qui appartiennent la philosophie et l’idéologie qui servent de base au processus et aux outils d’évaluation ? » C’est à travers ce!e notion de personnalité africaine que l’évaluateur et l’organisme chargé de l’évaluation se verront eux-mêmes comme un simple prolongement de la communauté ou du projet évalués. Ce!e approche humaniste de compréhension de l’Afrique à travers sa philosophie peut garantir la progression de l’évaluation adaptée à l’Afrique. En plus d’être une philosophie ou un outil d’évaluation devant faire l’objet de recherche, Ubuntu est un exemple de méthode d’utilisation de la philosophie africaine et des systèmes et institutions du continent pour renforcer la question de l’évaluation adaptée à l’Afrique.

Développer des évaluations adaptées à l’Afrique

Le concept d’adaptation à l’Afrique et/ou de décolonisation de la production des connaissances n’est pas nouveau dans le milieu universitaire ou sur le continent. D’innombrables évaluateurs et chercheurs professionnels chevronnés et bien établis ont construit le socle du débat actuel sur l’évaluation en Afrique. L’Association africaine d’évaluation (AfrEA) est l’une

« Interroger l’évaluation non conventionnelle sur le continent peut contribuer à jeter les bases d’un modèle évaluatif authentiquement et culturellement adapté à l’Afrique. La contextualisation de modèles évaluatifs africains nécessite une bonne compréhension de la philosophie africaine. »

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des voix majeures qui se font entendre dans la lu!e pour des évaluations reflétant la culture, l’histoire et les peuples africains sur le continent.

Cette étape est un modèle à la fois rétrospectif et prospectif qui évolue d’une période à l’autre. À ce stade, il importe également de noter que les modèles d’évaluation adaptés à l’Afrique ne sont pas monolithiques et présenteront des caractéristiques et pratiques différentes en fonction de la communauté dans laquelle évolue chaque modèle.

Chaque modèle doit être construit à partir des précédents modèles, en particulier en recourant à une pensée, une philosophie et une pratique qui sont « décoloniales ». Les évaluateurs, institutions et communautés sont censés utiliser le produit de leurs recherches ainsi que la revue des modèles existants pour élaborer un modèle authentique, global et spécifique à chaque communauté, mais susceptible d’être reproduit dans l’espace et le temps. Les évaluations adaptées à l’Afrique (EAA) doivent intégrer :

1. Des systèmes de connaissances traditionnels — il s’agit du premier et du plus important élément d’une eaa. Il est essentiel que les modèles d’évaluation adaptés à l’Afrique soient créés en s’appuyant sur des systèmes de connaissances traditionnels. Cela ne veut cependant pas dire qu’il faille prendre en gros les systèmes de connaissances ou les composantes culturelles qui n’ont pas un impact positif sur la communauté. Il faut également établir une distinction entre les systèmes de connaissance traditionnels et la culture traditionnelle africaine. La culture est dynamique et toujours évolutive, comme le sont les systèmes de connaissances traditionnels, sauf que ces derniers évoluent sous l’effet des technologies,

de la politique, de l’économie et des relations entre l’humanité et l’environnement.

2. La particularité d’être localisées et d’être effectuées par des acteurs locaux — Le processus visant à garantir la conduite des évaluations par des acteurs locaux peut sembler illusoire, de nombreuses évaluations étant dirigées ou commandées par des organismes de financement et/ou des prestataires de services. Ce!e situation peut rendre plus difficile la prise en compte des acteurs locaux comme partenaires dans les prestations comme dans les évaluations. Toutefois, ce!e approche illustrera véritablement son influence sur les bénéficiaires.

3. La dynamique des classes — La situation sociale des évaluateurs, des institutions et des bénéficiaires des évaluations doit être examinée de manière critique. Les bénéficiaires auront tendance à se considérer comme étant de la « basse » classe alors que les prestataires se logeront dans la classe « moyenne ou haute » en vertu de leur situation. Les membres de ce!e classe ont une certaine perception de l’autre classe et tendent à dicter le mode d’interaction à adopter.

4. Des projets de développement basés sur le respect mutuel, particulièrement ceux qui sont évalués. Cela renforce la notion de participation citoyenne dans le processus de développement et le dialogue avec les autorités.

En somme, il importe que les modèles adaptés à l’Afrique deviennent une norme sectorielle de l’évaluation en Afrique. Ce n’est pas assez d’avoir des évaluateurs africains ; un nouveau paradigme doit émerger pour guider tous les évaluateurs exerçant à travers toute l’Afrique, aussi bien sur le continent que dans la diaspora.

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Chilisa, Bagele (2015), A Synthesis Paper on the Made in Africa Evaluation Concept. Commissioned by African Evaluation Association (AfrEA).

Chilisa, Bagele, Major, Thenjiwe Emily, Gaotlhobogwe, Michael & Mokgolodi, Hildah (2016), Decolonizing and Indigenizing Evaluation Practice in Africa: Toward African Relational Evaluation Approaches. Canadian Journal of Program Evaluation Special Issue 313-328.

Gnaka, Gervais (2009), Discourse on Regional Economic Integration: Towards a Theory of PanAfrican Authentic Development.

Ndlovu-Gatsheni, S. J. (2013), The Entrapment of Africa within the Global Colonial Matrices of Power: Eurocentrism, Coloniality, and Deimperialization in the Twenty-first Century. Journal of Developing Societies, 29(4), 331–353. https://doi.org/10.1177/0169796X13503195.

Nkrumah, Kwame (1964), Consciencism : Philosophy and ideology for decolonization. New York : Monthly Review Press.

Swanson DM. (2007), Ubuntu : An African contribution to (re) search for/with a « humble togetherness », Journal of Contemporary Issues in Education, 2 (2), pp. 53-67.

Toure, Sekou Ahmed (1978), Strategy and Tactics of the Revolution. Press Office at the State House; 2nd Edition.

Références

Mjiba Frehiwot est titulaire d'un PhD en études africaines de l’Université d’État de Californie Sacramento. Mjiba est chercheuse à l’Institut d’études africaines de l’Université du Ghana, où elle dispense des cours sur le développement, les mouvements sociaux et le panafricanisme à la section Histoire et politique. Avant de rejoindre l’Institut d’études africaines, elle a travaillé durant quinze ans dans le service civil d’organisations américaines de prestations de soins de santé, d’emploi et de droits civils. Ses domaines d’intérêt en matière d’enseignement, de recherche et de plaidoyer couvrent la pensée politique panafricaine, l’identité culturelle et politique de la diaspora africaine, la décolonisation de la production des connaissances, et les questions de race et d’identité au sein de la diaspora africaine.À

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La plupart des évaluations qui sont de nos jours menées en Afrique sont axées sur les approches occidentales dominantes. Ce'e situation pose au moins deux problèmes. D’abord, lorsqu’elles sont utilisées en Afrique, les méthodes et approches évaluatives occidentales peuvent manquer de validité et déboucher ainsi sur des évaluations de faible qualité, des conclusions erronées et de mauvais résultats en matière de développement. Ensuite, les approches d’évaluation occidentales peuvent encourager une soumission de la culture africaine à travers le néo-impérialisme et la « colonisation de l’esprit ». Ces problèmes ont été résolus ces dernières années par une focalisation sur l’évaluation adaptée à l’Afrique (eaa). Étant donné l’état actuel de développement de ce concept naissant mais de plus en plus influent , nous avons mené des recherches pour contribuer à mieux le définir. Le présent article, assez bref, fait ressortir le contexte, les méthodes et les conclusions de ce'e étude. Elle conclut que l’évaluation adaptée à l’Afrique se fonde sur les normes édictées par l’Association africaine d’évaluation (Afrea) en utilisant des méthodes ou approches adaptées au contexte local, visant à aligner le processus évaluatif sur le mode de vie et les besoins des populations africaines, tout en promouvant également les valeurs du continent.Po

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Oladayo Omosa, Chercheur indépendantThomas Archibald, Virginia Tech

Introduction

Le domaine de l’évaluation en Afrique est à la croisée des chemins. Il évolue à pas de géant, avec une implication croissante

des gouvernements, d’organisations volontaires d’évaluation professionnelle (vope) et d’organisations soucieuses d’améliorer la qualité et la capacité de conduite et d’utilisation des évaluations sur le continent. Au-delà de cette impressionnante évolution, ce domaine a besoin d’être à nouveau examiné de près et de répondre à une nouvelle problématique sur les possibilités d’une théorie et d’une pratique évaluatives qui cadrent avec les différents contextes et besoins de l’Afrique. Beaucoup d’efforts ont été déployés pour répondre à ces questions et préoccupations. L’un d’eux a été l’organisation d’un forum par des leaders d’opinion en matière d’évaluation, en 2012 à Bellagio (Italie), pour discuter de ce que l’on entendait par évaluation proprement africaine ou axée sur l’Afrique (Chilisa, 2015). De plus, quelques leaders d’opinion dans le domaine, tels que Bagele Chilisa, Fanie Cloete, Zenda Ofir et bien d’autres, ont commencé à mener des recherches et à mettre en place une base d’études

pertinentes pour donner un contenu à l’évaluation adaptée à l’Afrique.

Si la pratique de l’évaluation de programmes en Afrique doit refléter la culture et l’histoire de l’Afrique, être influencée de manière marginale par l’hégémonie occidentale et aider ceux qui commandent des évaluations et d’autres acteurs à mieux comprendre la prise en compte des contextes et des besoins du continent, il convient d’évaluer l’état actuel de l’évaluation proprement africaine, souvent appelée « évaluation adaptée à l’Afrique » (EAA). En particulier, il importe de mieux définir le concept d’EAA et d’examiner dans quelle proportion il gagne en importance et est accepté par les évaluateurs opérant sur le continent.

D’importants leaders d’opinion africains dans le domaine de l’évaluation, tels que Bagele Chilisa, ont entrepris de clarifier la notion d’EAA afin de contrer une conceptualisation très dispersée et d’empêcher ainsi le concept de devenir un mot à la mode sans contenu ou une expression fourre-tout. Chilisa (2015) a exploré l’histoire, la signification et la pratique du concept en examinant le consensus (et le dissensus) parmi quelques experts évaluateurs présents sur le terrain. Son article de synthèse qui sert de

Messages clés

❚ Il se peut que les approches d’évaluation occidentales appliquées en Afrique manquent de validité et propagent le néocolonialisme et « la colonisation de l’esprit».

❚ L’évaluation adaptée à l’Afrique (EAA) est une approche prome!euse pour résoudre ces problèmes, mais le concept a besoin d’une définition plus précise et concise.

❚ L’étude que nous avons menée auprès de quelques leaders d’opinion en matière d’évaluation conclut que l’évaluation adaptée à l’Afrique se fonde sur les normes édictées par l’Association africaine d’évaluation (AfrEA), en utilisant des méthodes ou approches endogènes visant à aligner le processus évaluatif sur le mode de vie et les besoins des populations africaines, tout en promouvant également les valeurs africaines.

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique 37

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référence a produit des résultats notables, y compris l’identification de potentielles perspectives de conceptualisation de l’EAA en Afrique.

Certes, ce!e étude de Chislisa a jeté des bases, mais elle n’a pas pu fournir une définition concise de l’EAA susceptible de dégager un certain consensus. C’est pourquoi la présente étude brève ambitionne de s’appuyer sur ce travail de référence de Chilisa pour contribuer à la conceptualisation et à la définition de l’évaluation adaptée à l’Afrique (EAA). Théoriquement, cette étude s’est adossée à une critique postcoloniale du projet de développement et du néocolonialisme, mais aussi à des concepts issus des travaux sur des méthodes décolonisatrices et traditionnelles. Sur la base de ces cadres théoriques, nous avons voulu répondre aux questions de recherche suivantes : (1) comment les leaders d’opinion en matière d’évaluation définissent-ils l’évaluation adaptée à l’Afrique ? et (2) quelles sont les prochaines étapes qu’ils priorisent pour faire évoluer le concept d’eaa ?

Contexte

Avant d’examiner en détail l’objet de l’étude, il convient de présenter brièvement le contexte et de jeter les bases conceptuelles et théoriques qui montrent l’importance de l’EAA. La discipline et la pratique professionnelle de l’évaluation en Afrique – en particulier au niveau sectoriel – ont été dominées par des théories, approches et institutions occidentales. Dans ce contexte, il est utile de se pencher sur l’applicabilité potentielle d’idées comme la théorie postcoloniale, la justice cognitive, l’évaluation sensible à la culture, la validité multiculturelle, et les méthodes décolonisatrices et traditionnelles.

Le postcolonialisme ne renvoie pas uniquement aux changements dans l’espace et le temps qui ont suivi l’indépendance d’anciennes colonies : il a un lien avec des rapports de force

fortement enracinés et pernicieux, ainsi qu’avec des connaissances qui continuent d’influer sur la culture, l’environnement politicoéconomique et les vies des populations de ces anciennes colonies (Fanon, 1963 ; Said, 1979 ; Spivak, 1988). Comme l’indiquent Spivak, de Sousa Santos (2012) et bien d’autres, il est question de violence épistémique et de justice épistémique (ou cognitive). La justice épistémique désigne « la coexistence de nombreuses connaissances dans le monde et la relation entre les hiérarchies abstraites qui les constituent et les rapports de force économiques et politiques qui produisent et reproduisent une justice sociale sans cesse plus sévère » (Toulmin, 2007, p. xv). Fanon et d’autres auteurs ont écrit sur les dangers de « la colonisation de l’esprit ». Par exemple, dans Decolonising the Mind [Pour décoloniser l’esprit], Ngũgĩ (1992) considère « l’aliénation coloniale », et finalement une aliénation à partir de soi-même, de l’identité et de l’héritage envers l’oppression linguistique, comme la plus grande menace que l’impérialisme fait peser sur les nations africaines. D’autre part, dans sa quête de théories valides pour guider la recherche, l’évaluation et la pratique dans différents contextes africains, Nsamenang (1995) a examiné « l’émergence de la psychologie scientifique comme un produit euroaméricain qui sera par la suite transporté en Afrique [et a soutenu] que la théorisation et l’orientation actuelles de la psychologie du développement sont essentiellement de nature «eurocentrique» et sont par conséquent une applicabilité limitée dans le contexte africain » (p. 1).

Dans le monde, l’émergence d’une évaluation sensible aux cultures, à la validité multiculturelle et aux méthodes décolonisatrices et traditionnelles (Smith, 2013) peut faire partie intégrante de la réponse aux menaces que posent la colonisation de l’esprit et la justice épistémique. Kirkhart (2013) soutient

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique38

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que les sujets évalués ne peuvent être valablement quantifiés que si la culture est prise en compte à tous les niveaux du processus évaluatif, assortie d’un engagement volontaire à conduire des évaluations sensibles à la culture. L’évaluation sensible à la culture (ESC) a cinq principes fondateurs (Hopson, 2004) qui ont, dans une large mesure, des points communs avec les approches d’EAA. Il s’agit de : (1) l’importance de la situation sociale de l’évaluateur ; (2) le rôle que joue l’évaluateur dans les mutations sociales et l’avancement de la justice sociale ; (3) le fait d’éviter l’ethnocentrisme, qui est synonyme de l’adoption de perspectives culturelles multiples ; (4) la position centrale de la culture dans le processus évaluatif, en raison de « la démarche profonde avec laquelle la culture (identité raciale et ethnique, origine sociale, classe sociale, etc.) façonne la vision du monde, les valeurs et les normes, et influe ainsi sur les utilisations et la légitimité de toute évaluation ainsi que sur les réactions qu’elle crée » (Hopson, 2004, p. 13) ; et (5) les contributions que des communautés culturellement et ethniquement différentes doivent faire à la redéfinition du champ évaluatif. Dans cette perspective, nous avons cherché à mieux cerner l’évaluation adaptée à l’Afrique ainsi que ses liens avec les concepts connexes indiqués.

Le recours à la méthode Delphi pour trouver un consensus

Nous avons utilisé la technique Delphi assortie d’entretiens semi-structurés pour répondre à la première question de recherche, à savoir : comment les leaders d’opinion en matière d’évaluation en Afrique définissent-ils l’évaluation adaptée à l’Afrique ? La technique Delphi est une méthode d’enquête itérative qui a été mise au point par la RAND Corporation pour solliciter, de manière systématique, des opinions fondées de la part de participants dans leur domaine d’expertise et dans leur

base de connaissances (Helmer, 1967; Hsu & Sanford, 2007).

Conformément aux orientations sur l’échantillonnage que propose la littérature sur la technique Delphi, sept participants remplissant les critères requis ont été sélectionnés. Ces critères sont : (1) être un décideur de haut niveau, y compris un évaluateur ou commissaire d’évaluation dans une administration publique, une organisation non gouvernementale ou un organisme bilatéral de développement en Afrique ; (2) être un leader d’opinion en évaluation en Afrique qui a déjà promu AfrEA et soutenu le concept d’EAA ; ou (3) être un chercheur ayant travaillé sur l’évaluation et ayant expressément écrit ou fait des observations implicites sur l’EAA dans ses publications. En outre, les participants étaient censés jouir d’au moins dix ans d’expérience dans la pratique ou la recherche.

Pour les besoins de l’étude, le consensus a été défini de la manière suivante. Les experts ayant participé ont reçu une liste d’affirmations sur l’EAA qui ont été regroupées à l’issue d’une revue de la littérature. Ces experts ont ensuite estimé le niveau d’importance de chaque affirmation pour le concept d’EAA sur une échelle de 1 (moins important) à 6 (très important). Les affirmations faisant l’objet de consensus ont été celles dont la variance était moyenne ou faible (Vo. 2013). Ce processus s’est déroulé sous forme d’enquête en ligne en deux phases, la première donnant l’occasion aux experts d’ajouter également leurs propres affirmations de départ, lesquelles ont été ensuite notées par tous les participants dans la seconde phase. Dans la première phase de l’enquête, il y avait une liste de dix affirmations (tableau 1) présentant l'EAA à partir d’un concept et des idées importants et communs tirés de la littérature pour décrire implicitement et explicitement l’EAA et l’évaluation sensible à la culture.

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique40

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Le questionnaire de la phase 2 contenait des affirmations qui avaient fait l’objet de dissensus à la phase 1, ainsi qu’une liste de nouvelles affirmations basées sur les suggestions et points de vue des participants à la phase 1 concernant le concept d’EAA qui n’avaient pas été enregistrés dans le questionnaire de la phase 1. Comme le montre le tableau 2 ci-dessous, la dénotation de ces affirmations supplémentaires (B1, B2, etc.) a été différente de celle des affirmations de départ contenues dans le questionnaire de la phase 1.

Pour améliorer la validité des résultats de l’enquête Delphi, deux participants supplémentaires (qui n’ont pas pris part à l’étude Delphi) ont été interrogés, ce qui leur a permis de se prononcer sur la définition consensuelle issue de l’étude.

Évaluation adaptée à l’Afrique : une définition acceptable

À la fin de la phase finale de l’enquête et en s’appuyant sur des critères consensuels prédéterminés, les panélistes ont jugé importantes quatre affirmations (S5, S7, S8 et B3). L’objectif étant de définir le concept d’EAA, chacune de ces affirmations a servi de base pour élaborer une partie de la définition de synthèse. Ces quatre idées ont été également corroborées par des participants qui répondaient à la question de savoir ce qui était essentiel pour l’EAA. Dans l’ensemble, la présente étude empirique a permis de définir l'EAA en ces termes : une évaluation qui est effectuée dans le respect des normes édictées par l’AfrEA, en utilisant des méthodes ou approches endogènes

#Affirmation Descriptions des affirmations Sources

S1 Questionner des évaluations qui montrent les atouts des projets alors que la réalité est complètement différente

Chilisa (2015), Cloete (2016), Mouton et al., (2014).

S2Effectuer une évaluation dans le but de se pencher sur l’absence de lien entre la macroéconomie et la microéconomie ainsi que sur les rapports de force dans la communauté

Chilisa (2015), Mouton et al., (2014)

S3 Effectuer une évaluation qui promeut des partenariats entre les systèmes de savoirs et entre les acteurs et autres parties prenantes à l’évaluation

Chilisa (2015) & Cloete (2016)

S4 Effectuer une évaluation dans le but de remettre en question la vision du monde occidentale ainsi que les théories cachées et subtiles ancrées dans les méthodes actuelles

Chilisa (2015), Chilisa & Malung a (2012), & Mouton et al., (2014).

S5 Effectuer une évaluation dans des environnements africains en se servant des connaissances, outils et méthodes de collecte de données endog ènes

Chilisa (2015), Chilisa & Malung a (2012), & Mouton et al., (2014).

S6 Considérer que les évaluations conduites par l’Afrique et les évaluations afrocentriques renvoient à celles qui sont effectuées exclusivement par des évaluateurs africains

Chilisa (2015)

S7 Effectuer une évaluation dans le but de promouvoir les valeurs et la vision du monde des Africains

Chilisa (2015), Chilisa & Malung a (2012), & Mouton et al., (2014).

S8 Tenir compte de l’adaptabilité de mon travail d’évaluation par rapport au mode de vie et aux besoins de la communauté africaine où se trouve le sujet évalué

Chilisa (2015)

S9 Considérer que les méthodes participatives sont conformes à la vision du monde et au système de valeurs des Africains

Chilisa (2015), Cloete (2016), & Mouton et al., (2014).

S10 Effectuer une évaluation dans le but de renforcer les capacités des participants en tant que co-évaluateurs et de promouvoir l’évaluation comme un mode de vie pour tous les Africains

Chilisa (2015) & Cloete (2016)

Tableau 1: Affirmations notées dans la phase 1 et leurs sources (Questionnaire 1 Delphi)

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique 41

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visant à aligner le processus évaluatif sur le mode de vie et les besoins des populations africaines, et qui promeut également les valeurs du continent.

La marche à suivre pour promouvoir l’EAA

Notre seconde question de recherche ayant guidé la présente étude était : quelles sont les prochaines étapes que les leaders d’opinion africains en évaluation priorisent pour faire évoluer le concept d’EAA ? Pour répondre à ce!e question, nous avons intégré une série de 12 recommandations et idées afin de poursuivre la conceptualisation de l’EAA (de Chilisa, 2015) et demandé aux experts ayant participé à l’étude d’estimer l’importance et la faisabilité de chacune d’elles. Le tableau 3 présente ces affirmations ainsi que les scores obtenus.

Pour aider à identifier rapidement les affirmations jugées très importantes et parfaitement réalisables, nous avons également créé un diagramme en échelle comme l’indique la figure 1.

En particulier, les affirmations W10 et W4 se positionnent comme celles jugées à la fois importantes et réalisables, ce qui peut donner lieu à d’autres étapes très prioritaires pour l’EAA. Il s’agit notamment de : réexaminer les directives de l’AfrEA à la lumière de l’approche EAA ; et financer la recherche sur l’EAA et

toute autre évaluation pouvant servir de cas d’essai pour l’EAA.

Implications et conclusions

Au regard de la littérature existante, les résultats de cette étude ont un certain nombre d’implications pour la formation et le renforcement des capacités des évaluateurs, la recherche sur l’évaluation, et la pratique évaluative. Chacun de ces aspects est traité plus en détail ci-après.

Formation des évaluateurs. Le fait de reconnaître que les directives de l’AfrEA et d’autres VOPE, l’utilisation des connaissances et approches endogènes, le mode de vie des populations et la promotion des valeurs africaines jouent un rôle capital dans l’évaluation adaptée à l’Afrique montre que le domaine de l’évaluation doit continuer à évoluer. Au-delà de l’acquisition des compétences techniques, les évaluateurs africains doivent apprendre les philosophies africaines (qui sont tissées à travers toute l’architecture continentale). Par exemple, les Africains chérissent la structure hiérarchique plus que la structure égalitaire qui prévaut dans la plupart des sociétés occidentales. Ils préfèrent le collectivisme à l’individualisme. Il s’agit là de quelques-unes des philosophies et visions du monde dont tiennent compte les évaluateurs qui exercent leur métier en Afrique.

#Affirmation Descriptions des affirmations (affirmations suggérées par les panélistes)

B1 Effectuer une évaluation dans un esprit de sensibilité et de compréhension et avec l’intention de dévoiler des données évaluatives africaines (connaissances, valeurs et vision du monde)

B2 Effectuer une évaluation en tenant compte de la sensibilité et de l’ouverture à la culture

B3 Mener des études sur l’évaluation qui respectent les normes évaluatives élaborées et utilisées par l’Association africaine d’évaluation (AfrEA) et qui cadrent avec les perspectives de professionnalisation d’un pays africain donné (l’Afrique étant un continent et non un pays)

B4 Centrer l’évaluation sur l’autonomisation des personnes afin qu’elles choisissent elles-mêmes leur mode de vie de manière optimale dans un contexte donné

B5 Déterminer, de manière exacte, le deg ré de complexité inhérente à l’évaluation

Tableau 2: Nouvelles affirmations concernant l’EAA formulées par les panélistes de la phase 1 de l’étude

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique 43

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Pratique évaluative. Tout domaine ou effort ne peut s’accroître ou évoluer que si sa fondation est revisitée et des améliorations introduites en permanence. Le Conseil de l’AfrEA doit s’atteler à réviser les directives de l’association afin de l’aligner sur la réflexion actuelle sur le concept d’EAA. De plus, le Conseil doit rendre ce domaine plus professionnel en s’assurant que les candidats à l’adhésion se montrent compétents en gestion réflexive des situations et en pratiques interpersonnelles. Cet effort relèvera le domaine d’un cran, au-delà des aptitudes techniques, en ce qui concerne des compétences « plus sophistiquées » comme la réflexivité. La Société canadienne d’évaluation (SCE) l’a démontré en s’assurant que ses membres remplissent un certain nombre de conditions avant d’obtenir le statut d’évaluateur agréé.

Recherche sur l’évaluation. L’une des conclusions essentielles de la présente étude est que davantage de

travaux de recherche sont nécessaires pour opérationnaliser les méthodes et approches endogènes, ce à quoi l’édition actuelle d’eVALUAtion Matters contribue. Sur quoi reposent les méthodes et approches localisées ? Pourquoi recourons-nous à la narration ? Pourquoi recourons-nous aux cours locales ? Pourquoi utilisons-nous les feux de camp ? De plus, comment peut-on véritablement reconnaître tout cela dans des rapports d’évaluation ? Il convient de se féliciter des efforts consentis par Chilisa (2012 ; 2015) pour décrire ces termes. Toutefois, les constatations issues de la présente étude continuent de soutenir que davantage de recherches sont nécessaires sur la question. Comme tout bon concept émergent et embryonnaire, l’évaluation adaptée à l’Afrique continuera de s’enrichir, de se remodeler et de se reformuler à l’aide de différentes perspectives et réflexions, de façon à nous faire voir des évolutions dans la pratique.

Figure 1: Niveaux de faisabilité et d’importance des idées en vue de faire avancer l’EAA.

Importance FaisabilitéW1 W2 W3 W4 W5 W6

W7 W8 W9 W10 W11 W12

4.43

3.23

4.0

4.294.43

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique44

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

# Affirmation Description des affirmations Importance Faisabilité

W1 Constituer une équipe pour promouvoir l’EAA. 3,71 4

W2 Créer des g roupes de recherche sur l’EAA et publier des articles scientifiques ainsi que les résultats des évaluations adaptées à l’Afrique.

4,43 3,71

W3 Org aniser des conférences et séminaires internationaux sur l’EAA et financer la présentation d’articles sur la question à des org anisations internationales.

4,14 3,86

W4 Financer la recherche sur l’EAA et toute autre évaluation pouvant servir de cas d’essai pour l’EAA.

4,43 4

W5 Créer des partenariats pour financer la mobilisation d’institutions universitaires africaines en faveur des évaluations qui intèg rent l’EAA.

4,43 3,23

W6 Créer un cours/prog ramme d’enseig nement sur l’EAA et financer des cours de courte durée sur l’évaluation.

4,43 3,71

W7 Élaborer et mettre en œuvre des stratég ies sur l’EAA afin d’influer sur les politiques nationales et rég ionales d’évaluation.

3,57 3

W8 Élaborer des stratég ies sur l’EAA afin d’influer sur les politiques nationales et rég ionales.

3,57 2,86

W9 Créer des mécanismes charg és d’examiner la question de l’évaluation.

2,71 2,29

W10 Examiner les directives de l’AfrEA à la lumière de l’approche de l’EAA.

4,29 4,29

W11 L’AfrEA devrait impliquer d’autres org anisations africaines telles que l’Union africaine (UA) et d’autres partenaires à l’échelle mondiale.

4 3,14

W12 L’AfrEA devrait élaborer des stratég ies pour pousser davantag e les g ouvernements de ses pays membres à s’eng ag er avec des partenaires.

3,43 3

Tableau 3: Douze affirmations suivies des statistiques sommaires concernant les perspectives d’avenir de l’EAA selon Chilisa

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique 45

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

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Références

Pour une définition et une évolution de l’évaluation adaptée à l’Afrique46

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Oladayo Omosa est un évaluateur émergent basé aux États-Unis, originaire du Nigéria et jouissant de plus de quatre ans de recherche et de pratique centrées sur l’évaluation sensible à la culture et l’évaluation adaptée à l’Afrique. Il a récemment obtenu son doctorat en éducation et développement communautaires à Virginia Tech (usa) ; pour sa thèse (“Towards Defining Made in Africa Evaluation” [Pour définir l’évaluation adaptée à l’Afrique]), il a appliqué la technique Delphi pour contribuer à affiner la définition de l’évaluation adaptée à l’Afrique. Il a récemment travaillé en tant membre à temps partiel de la faculté à Virginia Tech. Il est par ailleurs titulaire d’un master (M.sc.) en gestion de l’agrobusiness de l’Université d’État de Tennessee (usa) et d’une licence (B.Sc.) en vulgarisation agricole et sociologie rurale de l’Université Obafemi Awolowo, à Ile-Ife (Nigéria). Oladayo est membre de l’Association nigériane d’évaluateurs et de l’Association américaine d’évaluation, où il a présenté ses nombreux travaux et officié comme expert chargé d’examiner des propositions de conférences.

Thomas Archibald est professeur adjoint et spécialiste en vulgarisation au Département du leadership agricole et de l’éducation communautaire à Virginia Tech, où il dirige également le projet Feed the Future Senegal Youth in Agriculture [Nourrir la jeunesse future du Sénégal grâce à l’agriculture]. Ses travaux pratiques et de recherche se focalisent principalement sur le renforcement des capacités évaluatives, la pensée évaluative, le développement de la jeunesse et le développement communautaire. Il est le récipiendaire du Marcia Gu!entag Promising New Evaluator Award de 2017, prix décerné par l’Association américaine d’évaluation ; il est également membre du Conseil de la Eastern Evaluation Research Society et rédacteur en chef adjoint de la revue Evaluation and Program Planning. Il est titulaire d’un doctorat en éducation des adultes et en enseignement périscolaire de l’Université Cornell en 2013.

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

Les trois autres articles traitent du Cadre de Navigation dans l’intersection entre la culture et l’évaluation (nice), une application pratique qui préconise une interrogation approfondie par les spécialistes en évaluation

en Afrique, ainsi que le Sud global de concepts et pratiques d’évaluation, pour contribuer au développement rapide d’une pratique et d’une théorie évaluatives propices au continent et à l’époque actuelle.

Zenda Ofir, Évaluatrice indépendante

Dans une série d'articles de blog, Zenda Ofir examine la relation entre la culture et l’évaluation afin d’explorer des questions telles que :

« comment serait l’évaluation si elle était inventée en Afrique ou en Orient, ou bien si elle avait été l’œuvre des peuples autochtones à travers le monde ? »

Dans les trois premiers des six articles, Mme Ofir étudie l’évaluation adaptée

à l’Afrique, soutient la nécessité d’une forte mobilisation mais avec fierté pour les histoires, philosophies et cultures propres des sociétés, et appelle les dirigeants africains à s’engager dans les pratiques évaluatives sur le continent et dans le monde. Elle indique qu’il importe pour les intellectuels africains de n’embrasser les courants dominants, y compris ceux du développement, que sous un regard critique.

Date Titre du blog Lien

11 février 2018 Évaluation adaptée à l’Afrique (EAA)- Partie 1: Genèse http://bit.ly/MAEpart1

8 juin 2018 Évaluation adaptée à l’Afrique (EAA)- Partie 2 : Evaluation « ancrée dans l’Afrique »

http://bit.ly/MAEpart2

6 juillet 2018 Évaluation adaptée à l’Afrique (EAA)- Partie 3 : Evaluation « conduite par l’Afrique »

http://bit.ly/MAEpart3

Date Titre du blog Lien

23 août 2018 Le Cadre NICE - Partie 1: Le point d’intersection entre culture et évaluation

http://bit.ly/NICEpart1

25 août 2018 Le Cadre NICE - Partie 2: Application du Cadre http://bit.ly/NICEpart2

28 août 2018 Le Cadre NICE - Partie 3: Un prog ramme de recherche en évaluation

http://bit.ly/NICEpart3

La culture dans l’évaluation : Résumé d’articles de Blog 49

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Zenda Ofir est une évaluatrice sud-africaine indépendante, titulaire d’un PhD en chimie. Elle travaille essentiellement en Afrique et en Asie ; et évoluant de l’échelle locale à l’échelle mondiale, elle met l’accent sur l’interface entre la science et le savoir, et entre le développement et l’évaluation. Elle s’intéresse particulièrement à l’évaluation dans différents contextes et cultures, aux odd, à l’évolution des systèmes de transformation et aux trajectoires de développement au niveau national et mondial. Zenda a par le passé occupé les postes de présidente de l’Afrea , de vice-présidente d’ioce et de membre du Conseil d’aea. Elle est désormais professeure honoraire à la Stellenbosch University, vice-présidente d’ideas, membre du comité directeur de l’initiative émergente South-South Collaboration on Evaluation, et commissaire en chef du Groupe de travail sur l’évaluation pour la transformation du sdg Transformations Forum. Au début de sa carrière, elle a été une directrice de programmes senior dans un conseil scientifique sud-africain, et ensuite, directrice de recherche à l’Université de Pretoria. Elle est actuellement basée près de Genève, en Suisse.

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La culture dans l’évaluation : Résumé d’articles de Blog50

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Les activités de suivi et d'évaluation ont progressé dans les pays lusophones, mais il existe encore une grande marge de progression. Le présent article se propose d'étudier brièvement les défis actuels et de contribuer au renforcement des actions et systèmes de suivi et d'évaluation dans les pays africains d'expression portugaise.

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

Elsa de Morais Sarmento; Carla Félix; et Mariana Branco

Messages clés

❚ Les pays lusophones traînent encore le pas en matière de suivi et d'évaluation (S&E), les initiatives visant à créer une culture de partage de la pratique évaluative étant encore embryonnaires, surtout en Afrique.

❚ Dans plusieurs pays africains lusophones, les décisions de politique générale sont généralement axées sur des valeurs plutôt que sur des résultats, au-delà du manque d'une culture d'évaluation et d'un ensemble d'aptitudes requises pour utiliser plus efficacement des données probantes rigoureuses. Parallèlement, les méthodes utilisées pour élaborer les directives de recherche et d'évaluation fondées sur des bases communautaires, et donc sur la culture des communautés locales, ne sont pas toujours disponibles. A cela s'ajoute l'absence du matériel d'apprentissage à partir des évaluations en langue portugaise.

❚ Mais l'écueil le plus important demeure la langue, compte tenu de la prédominance d'évaluateurs étrangers sans réelle maîtrise du portugais, de l'histoire et des contextes locaux, sans parler des langues locales. Par ailleurs, les évaluateurs nationaux formés ne sont pas nombreux.

❚ Il n'existe pas de solution "toute faite" pour suivre rapidement la réalisation des objectifs de S&E à l'appui du programme de développement dans le monde et des objectifs de développement durable (ODD). Les pays lusophones d'Afrique devraient savoir qu'il importe d'être aux avant-postes dans ce processus et procéder à un cadrage de leurs propres besoins en exploitant leurs propres ressources internes et les initiatives internationales, de manière à renforcer leurs propres systèmes et stratégies nationaux d'évaluation. La majorité des pays africains, et en particulier ceux d'expression portugaise, ont de toute urgence besoin de me!re en place des systèmes de S&E robustes et de développer leurs capacités en évaluation. Une étude diagnostique participative des questions actuelles est nécessaire dans ces pays pour cerner les capacités et ressources à développer, les champions et les étapes à suivre. Les parties prenantes locales doivent jouer un rôle central dans cet exercice.

L'évaluation: une composante essentielle des politiques, programmes et projets publics dans les pays lusophones

La Communauté des pays lusophones (Comunidade dos Países de Língua Portuguesa or cplp) s'est élargie, passant de sept membres (Angola, Brésil,

Cabo Verde, Guinée-Bissau, Mozambique, Portugal, et São Tomé-et-Principe) aux neuf membres actuels, à la suite de l'autodétermination duTimor-Leste en 2002 et de l'accession de la Guinée équatoriale en 2014. Le portugais est la

sixième langue la plus parlée par des locuteurs natifs au monde, soit 267 millions de ressortissants de pays lusophones situés dans quatre continents et partageant une langue commune, une même histoire et des similarités culturelles.

L'évaluation revêt une importance particulière pour la formulation des politiques et la prise de décisions, car elle sert de base aux stratégies et processus nationaux de promotion de la croissance et du développement durable et inclusif dans le monde. Pourtant, les pays lusophones continuent d'accuser un retard dans ce domaine. De nombreuses

Parler la langue de l'Afrique lusophone 53

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décisions continuent de reposer sur des valeurs plutôt que sur des résultats; à cela s'ajoutent l'absence d'une culture d'évaluation, le manque d'aptitudes nécessaires à l'exploitation des données probantes rigoureuses et l'asymétrie entre les calendriers politiques et celui des producteurs de ces données d'appui. Les initiatives visant à établir une culture commune d'évaluation pour les pays et communautés d'expression portugaise demeurent embryonnaires.

En Afrique lusophone, la demande d'évaluation continue d'être en grande partie formulée et conditionnée par les partenaires au développement, qui n'ont de cesse de promouvoir les mérites de leur « langue » et leur pratique propres. Les évaluations de haute qualité ne sont pas nombreuses et sont davantage commandées et gérées par des bailleurs de fonds que par des gouvernements (à l'exception de quelques institutions d'enseignement supérieur). Il s'ensuit donc

que les évaluations ont peu de chances d'être prises en compte dans la formulation des politiques, les gouvernements ne participant généralement pas directement au processus évaluatif.

De plus, la demande d'évaluation est traditionnellement faible et irrégulière, principalement en raison d'une culture historique de mécénat profondément ancrée et de la fluidité des politiques. Par ailleurs, peu de pays ont adopté tous les éléments du cycle de gestion axée sur les résultats et de la budgétisation reposant sur la performance, en vue de faire cadrer leurs dépenses avec leurs objectifs et priorités stratégiques. Les questions structurelles qui entravent les efforts de suivi et d'évaluation (S&E) à des degrés variés dans différents pays sont liées à la faiblesse des capacités techniques, à la réactivité de la culture institutionnelle, à la pénurie des ressources et au manque d'engagement politique (figure 1).

Présentation du suivi et de l'évaluation en Afrique lusophone

Ce sont les pays anglophones, puis leurs homologues francophones, qui ont été les premiers à créer des associations d'évaluation et des cercles de réflexion sur l'évaluation en Afrique (exemple de la création de l'Association africaine d'évaluation en 1999). Par conséquent, la diffusion des connaissances et données d'apprentissage issues des évaluations sur le continent s'est faite essentiellement

Figure 1: Entraves structurelles au S&E dans les pays lusophones

Faible capacité

Culture institutionnelleréactive

Manque de ressources

Manque d’engagement politique

« En Afrique lusophone, la demande d'évaluation continue d'être en grande partie formulée et

conditionnée par les partenaires au développement, qui n'ont de cesse de promouvoir les mérites de leur

« langue » et leur pratique propres. »

Parler la langue de l'Afrique lusophone54

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en anglais et en français. A l'inverse, malgré quelques initiatives louables concernant le S&E, les efforts consentis en Afrique lusophone ont été plus dispensés que dans les parties anglophone et francophone du continent.

Dans les pays africains lusophones comme dans la plupart des États du continent, le suivi-évaluation a été introduit en tant que condition exigée par les bailleurs de fonds et les organisations internationales de financement, qui apportent souvent un appui sous forme d'assistance technique et de renforcement des capacités, conformément aux usages internes de leurs systèmes et cadres professionnels, et dans leurs propres langues. En général, les gouvernements respectent ces conditions de manière passive, confiant la conception et la mise en place de ces systèmes aux organisations internationales et autres organismes de financement; et ces systèmes sont généralement abandonnés à la clôture des projets, en raison de la faiblesse de l’adhésion et de l’appropriation, du manque de capacité pour les entretenir et, dans certains pays, de l'absence pure et simple d'intérêt.

Dans les pays parlant portugais, le domaine de l'évaluation demeure fragmenté et quelque peu négligé, en proie à la pénurie d'organisations professionnelles d'évaluation fortes, à l'absence de revues en la matière et de la fragilité de la capacité locale à plaider et à influer sur les décisions qui sont prises. Alors qu'au Brésil et au Portugal, des sociétés sectorielles et nationales d'évaluation et des organisations non gouvernementales (ong) ont émergé et ont lancé quelques initiatives, les pays lusophones d'Afrique accusent un retard bien plus important, de sorte que seuls de petits réseaux informels offrent des formations à court terme, mais sans aucune perspective à long terme. Il existe quelques sessions de formation universitaire dédiée en langue portugaise (par exemple, un cours de master au Brésil et un autre du niveau du second cycle du supérieur au Portugal),

mais des cercles de professionnels existants tels que clear Brésil et Afrique lusophone sont encore dépourvus des ressources nécessaires pour créer une adhésion plus prolifique et une diffusion adéquate de la culture d'évaluation, mais aussi pour faire émerger une classe professionnelle pouvant promouvoir la recherche et l'apprentissage sur l'évaluation en portugais.

En Afrique lusophone, les efforts déployés en suivi et en évaluation ne peuvent pas se dissocier des problèmes structurels existants, à savoir:

❚ L'absence de demande de données de la part des responsables politiques, ainsi que le manque de soutien aux bureaux nationaux de la statistique (bns) en vue de la production à temps de données suffisantes pour orienter les politiques;

❚ La faiblesse des systèmes statistiques, qui manquent de soutien politique pour une bonne coordination;

❚ L'offre limitée de statisticiens et d'experts pertinents dans les systèmes statistiques, les bns ne recourant qu'à des outils traditionnels pour collecter des données et les analyser;

❚ les problèmes liés à la validité et à la fiabilité des données (dans certains cas, les données rendues publiques par les institutions internationales ne coïncident pas avec celles publiées par les États membres pour les mêmes indicateurs); et

❚ La réticence de certains pays à partager ouvertement des données, surtout à des fins d'évaluation.

Le tableau 1 présente quelques-unes des caractéristiques les plus importantes des activités d'évaluation dans les pays africains lusophones. Ces pays sont confrontés aux problèmes communs suivants: fragmentation du domaine de l'évaluation; manque d'organisations

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professionnelles fortes dédiées à l'évaluation; et pénurie généralisée des capacités de plaidoyer et d'influence sur la formulation des politiques.

Malgré les défis susmentionnés, il est essentiel de souligner les principales caractéristiques de chacun de ces pays (voir tableau 2 ci-après).

A Cabo Verde, l’évaluation est valorisée aussi bien dans la formulation des politiques que dans le milieu universitaire et au sein de la société civile. L’Université de Cabo Verde (UniCV) a lancé plusieurs initiatives de promotion du suivi et de l’évaluation. Avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de la Banque mondiale, le Gouvernement de Cabo Verde poursuit

la consolidation de son système de S&E et organise des formations pertinentes à l’intention des responsables. De plus, le pays jouit de la présence d’une société civile active et éclairée qui exige des pouvoirs publics plus de responsabilité, ce qui s’illustre par quelques initiatives. Les événements pertinents qui ont été coorganisés récemment incluent celui qui a été l’œuvre du Département national de la planification (DNP) du ministère des Finances, du Bureau du Groupe de la Banque mondiale à Cabo Verde et du PNUD, dans le cadre de la gLOCAL Evaluation Week (semaine de l’évaluation (juin 2019)), qui a réuni le gouvernement, les universitaires et les acteurs de la société civile. Il s’agissait là de l’unique événement portant sur le S&E qui ait été organisé en Afrique lusophone au

Pays Pertinence des évaluations dans le contexte national

Offre d'évaluation Demande d'évaluation

Cabo Verde Reconnaissance croissante

Généralement en provenance des bailleurs de fonds et des partenaires internationaux au développement. La Direction nationale de la planification du ministère des Finances et les cellules ministérielles charg ées de la planification, dans le contexte de la mise en place du système national de S&E.

Initiatives ponctuelles appuyées par des partenaires étrang ers. Faible implication des pouvoirs publics, mais les choses ont évolué parce que la mission conjointe du PNUD se poursuit et consolide les systèmes nationaux de S&E, tout en offrant des formations appropriées. Demande active de la part de la société civile, assortie de l'org anisation de plusieurs activités liées à l'évaluation.

Mozambique Reconnaissance croissante

Le plus souvent axée sur les bailleurs de fonds.

Initiatives ponctuelles appuyées par des partenaires étrang ers.

Angola Marg inale Le plus souvent axée sur les bailleurs de fonds.

Marg inale.

São Tomé and Princípe

Marg inale Quasi inexistante, axée sur les bailleurs de fonds et les ONG.

Faible implication des pouvoirs publics, demande formulée par quelques bailleurs de fonds.

Guinée-Bissau

Marg inale Quasi inexistante au niveau national. En provenance des bailleurs de fonds et exécutée par des consultants internationaux venant surtout du Portug al, de l’Italie et de la France. Il n’existe pas de professionnels ou d’expertise à l’échelle nationale pour effectuer des évaluations à un niveau acceptable.

Marg inale au niveau national. Demande croissante, la Guinée-Bissau étant un pays prioritaire pour la plupart des bailleurs de fonds internationaux. Toutefois, toutes les demandes formulées concernent l’évaluation finale de projets. Aucune demande concernant les politiques ou l’activité g ouvernementale.

Guinée équatoriale1

Marg inale Quasi inexistante au niveau national, axée sur les bailleurs de fonds et les ONG.

Faible implication des pouvoirs publics, demande formulée par quelques bailleurs de fonds.

Tableau 1: Brève étude de la pertinence, de la demande et de l'offre des évaluations dans les pays africains lusophones

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cours de ce!e semaine de l’évaluation gLOCAL, alors que pour la même occasion, les communautés anglophone et francophone d’Afrique avaient accueilli 14 et 16 événements, respectivement.

Au Mozambique, diverses entités publiques ont effectué des évaluations des politiques publiques, particulièrement dans l’éducation, la santé, le développement rural et d’autres secteurs intéressant la coopération internationale pour le développement. Ce pays représente une ouverture historique pour obtenir du soutien à des systèmes publics intégrés de suivi et d’évaluation, en plus d’une volonté et d’une compréhension politiques

impressionnantes du développement des statistiques et du S&E. Pour résoudre des problèmes émergents tels que la stabilité financière, le changement climatique et les technologies, des données fiables sont nécessaires. Les besoins de collecte et d’analyse de données ont donné lieu à de nouveaux outils et approches qui, en retour, ont créé de nouvelles occasions de trouver des bases factuelles plus robustes pour appuyer les politiques. Toutefois, la modicité des revenus et la compression persistante de l’assiette de l’impôt entravent les efforts que consent le Mozambique pour financer convenablement le développement de systèmes de S&E modernes,

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l’éducation et le renforcement des capacités des fonctionnaires et agents de l’État, particulièrement ceux des ministères de tutelle.

Quant à l’Angola, ses niveaux de demande et d’offre d’évaluation figurent parmi les plus faibles de la région. En 2009, dans le cadre du « Plan de mise en œuvre de la décentralisation et du projet de gouvernance locale de l’Angola 2008-2010 », une évaluation des capacités en S&E, assortie d’un système national de suivi et d’évaluation au niveau municipal, provincial et central, a été conçue.

São Tomé-et-Principe, la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale disposent de peu de

capacités pour conduire des évaluations à un niveau acceptable. Durant l’année 2019, l’Initiative CLEAR a organisé une formation en S&E à l’intention du Gouvernement de Guinée-Bissau, dans le cadre d’un partenariat entre CLEAR Brésil et Afrique lusophone et CLEAR Afrique francophone.

La langue : première barrière à la fiabilité des évaluations en Afrique lusophone

Au même titre que la faible maîtrise du contexte local, la langue constitue le principal obstacle à la conduite, la diffusion et l’utilisation des évaluations fiables et

Cabo Verde Mozambique ❚ Bonne g ouvernance et une réelle

base démocratique. ❚ Maturité institutionnelle. ❚ Présence des bailleurs de fonds. ❚ Un système statistique, c.-à-d. un système

national de S&E (Sistema de Seguimento e Avaliação) bien structuré au niveau du ministère des Finances (le MF/DNP dispose d’une cellule de planification et de S&E).

❚ Eng ag ement de la société civile pour que le g ouvernement soit plus responsable et que l’évaluation soit davantag e vulg arisée (ex. : GERA/FDI-CV).

❚ Intérêt du milieu universitaire et des org anisations de la société civile pour le développement et l’évaluation.

❚ Conseil national de la statistique. ❚ Chercheurs nationaux facilement embauchés

pour soutenir la collecte des données et les efforts en matière d’évaluation.

❚ Forte présence et intérêt des bailleurs de fonds. ❚ Intérêt du milieu universitaire et des

org anisations de la société civile pour le développement et l’évaluation.

❚ Système RBM national de S&E (Orçamento por resultados) intég ré au Plan quinquennal du g ouvernement (Plano Quinquenal do Governo (PQG) 2015-2019), matrice stratég ique pour le PQG mise en place.

❚ Ministère de l’Économie et de la Planification : département national de la planification doté d’une cellule de S&E et d’un plan national en la matière.

❚ Chercheurs nationaux facilement embauchés pour soutenir la collecte des données et les efforts en matière d’évaluation.

Angola São Tomé-et-Principe ❚ Intérêt du milieu universitaire et des

org anisations de la société civile pour le développement et l’évaluation (ex. : CEIC - Centro de Estudos e Investigação Científica, Universidade Católica de Ang ola).

❚ Sensibilisation accrue pour l’évaluation.

❚ Présence des bailleurs de fonds. ❚ Intérêt des org anisations de la société civile

pour le développement et l’évaluation.

Guinée-Bissau ❚ Pays prioritaire pour la plupart des bailleurs de fonds. ❚ Plusieurs ONG internationales d’enverg ure opèrent dans le pays, et les org anisations de la

société civile sont intéressées par les questions de développement et d’évaluation. ❚ Forte présence des bailleurs de fonds tels que l’Union européenne, les ag ences

spécialisées des Nations Unies et l’Ag ence portug aise de développement.

Tableau 2: Avantages comparatifs de chaque pays

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contextualisées en Afrique lusophone. Le préalable à la conduite des recherches solides et à l’obtention de résultats crédibles et exacts consiste à cerner les nuances de la langue et à déconstruire les questions historiques et culturelles, telles que les horreurs de conflits.

Très souvent, la maîtrise de la langue portugaise est une exigence secondaire (par ex., cela est évident dans la plupart des conditions requises indiquées dans des termes de référence - TdR). En outre, la majorité des équipes d’évaluation se limitent à recruter temporairement un traducteur local pour les aider au cours de leurs travaux de terrain. Les traducteurs ainsi recrutés pourraient aussi avoir une connaissance limitée du portugais et des contours des méthodes appliquées, ce qui entraîne la perte d’informations clés nuancées dans la traduction. Par conséquent, dans les pays lusophones, la validité des conclusions de recherche et des résultats des évaluations est très souvent conditionnée par l’interprétation subjective des étrangers, qui ne maîtrisent pas la langue, l’histoire, les objectifs et les aspirations des communautés spécifiques.

L’autre point à soulever est que le champ évaluatif peut recourir à des méthodes de recherche envahissantes et inadaptées

aux communautés autochtones, aux régions ravagées par la guerre ou aux zones lointaines. La recherche évaluative peut s’avérer problématique dans certains environnements où les communautés ont souffert d’une histoire de conflit, d’abus et/ou d’études intrusives qui pourraient avoir créé des préjugés culturels. Les évaluations crédibles sont censées intégrer toutes ces complexités, tout en justifiant les hypothèses imposées par les bailleurs de fonds et celles en provenance des communautés qui se sont autodéterminées.

Dans un tel contexte, l’évaluation en tant que pratique doit se fonder sur des épistémologies et cadres axés sur l’apprentissage, ainsi que la prise en compte des langues locales et des valeurs culturelles. Ces préoccupations ne nuisent pas à la nécessité de fournir des conclusions pertinentes et valables, qui garantissent la production de recommandations appropriées pour éclairer la conception des politiques et de la programmation. Toutes ces exigences impliquent collectivement la maîtrise non seulement de la langue, mais aussi de la communication, qui sont nécessaires pour ne pas fausser les opinions des communautés. De plus, il importe d’adapter la recherche en évaluation au contexte local, de renforcer les capacités des chercheurs et évaluateurs locaux, et de

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s’assurer que les évaluateurs externes maîtrisent la langue et la culture de la communauté faisant l’objet d’évaluation. Tous ces aspects essentiels sont largement traités dans la littérature universitaire (Smith, 2012 ; LaFrance, J. & Nichols, R., 2010 ; Kovach, 2010 ; Hood, Hopson, & Frierson, 2005 ; Tillman, 2002 ; etc.).

Par ailleurs, les méthodes de recherche qui établissent véritablement les directives de recherche et d’évaluation au niveau communautaire, tout en honorant et exploitant la culture et le contexte des populations autochtones, sont rares dans les pays lusophones. Très souvent, le temps imparti pour les missions d’évaluation sur le terrain est réduit, et les moyens d’interaction avec les communautés éloignées se réduisent à de simples entretiens et groupes de discussion. Si ces problèmes sont le lot commun de nombreux évaluateurs exerçant en Afrique, il faut noter qu’ils surviennent généralement en raison du manque de temps et des ressources financières, qui sont nécessaires pour élaborer des méthodes plus ciblées en vue d’expliquer les besoins des populations locales, mais aussi parce que les équipes de recherche ne s’attaquent souvent pas au travail d’évaluation à travers ces perspectives uniques.

Conclusion

Tous les pays africains lusophones ont des opportunités exceptionnelles pour renforcer les activités d’évaluation et permettre à leurs gouvernements respectifs de jouer un rôle plus actif dans la demande et la gestion des évaluations ainsi que dans l’utilisation des données probantes. Toutefois, ces opportunités doivent être exploitées dans les cadres politicoéconomiques particulièrement différents des pays concernés. Des occasions d’apprentissage peuvent être créées par les bailleurs de fonds et les partenaires à travers un appui piloté par les pays.

Le préalable fondamental à la conduite des évaluations adaptées à l’Afrique lusophone est la capacité des praticiens du suivi et d’évaluation à maîtriser la langue officielle et à intégrer le contexte et la culture d’autodétermination des pays concernés dans leur pratique, en vue d’accroître la pertinence et la validité des résultats. Cela signifie que les bailleurs de fonds doivent fixer, dans leurs TdR, des conditions plus strictes concernant la langue à utiliser et donner des directives plus fermes pour une recherche véritable au niveau des communautés.

Une mauvaise interprétation des nuances linguistiques, culturelles et sociales de l’Afrique lusophone dans l’activité évaluative peut saper la qualité, la rigueur et l’utilité des données évaluatives. Les pays d’expression portugaise d’Afrique se font rarement entendre dans le développement de méthodes et approches d’évaluation nouvelles ou adaptées au contexte. La pénurie d’évaluateurs lusophones empêche ces régions de recourir à leurs connaissances et compétences endogènes propres pour contribuer à l’élaboration de la théorie et de la pratique d’évaluation. La résolution des problèmes importants du XXIe siècle exige la participation de tous à la recherche des solutions. Il est absolument nécessaire d’outiller les experts lusophones en S&E en vue de promouvoir une pensée évaluative diversifiée, plus novatrice et respectueuse à l’échelle mondiale.

« Au même titre que la faible maîtrise du contexte local, la langue constitue le principal obstacle à la conduite, la diffusion et l’utilisation des évaluations fiables et contextualisées en Afrique lusophone. »

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Il n’existe pas de solution toute faite pour suivre rapidement la réalisation des objectifs de S&E à l’appui du programme de développement dans le monde. Les pays africains lusophones ont de toute urgence besoin de systèmes de S&E robustes, mais aussi de développer leurs capacités. Mais, au préalable, il est essentiel de mener une étude diagnostique participative dans ce domaine et d’impliquer les parties prenantes locales dans cet exercice. Une telle évaluation des besoins sert de tremplin pour cerner le type de capacité et de ressource à mettre en place, les champions du processus et les nouvelles étapes à franchir. Les trois niveaux nécessitant un soutien accru sont : le niveau individuel (celui des besoins de renforcement des capacités, par exemple) ; la création de systèmes et organisations institutionnels ; et la mise en place d’un environnement propice.

Les pays lusophones d’Afrique doivent se mettre à l’avant-garde de ce processus et procéder à un arrimage de leurs propres besoins en exploitant leurs contextes et ressources internes spécifiques ainsi que les initiatives internationales, de manière à renforcer leurs propres systèmes

et capacités d’évaluation au niveau national. La majorité des pays africains, et en particulier ceux d’expression portugaise, ont de toute urgence besoin de mettre en place des systèmes de S&E robustes et de développer leurs capacités en évaluation.

Pourtant, compte tenu des contraintes existantes et des risques liés à la concrétisation de ces efforts, ils doivent collaborer pour créer les partenariats nécessaires. Les pays lusophones peuvent créer et révéler leurs propres réseaux d’évaluation en s’appuyant sur les initiatives actuelles liées au suivi du Programme 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, et en partageant leurs expériences en matière d’évaluation avec d’autres pays africains et d’autres blocs régionaux et linguistiques. Ils peuvent également contribuer au développement des capacités évaluatives au niveau local et soutenir la demande intérieure des évaluations, tout en faisant en sorte que les décideurs reconnaissent la valeur des connaissances évaluatives et les utilisent pour améliorer les politiques et, par ricochet, les résultats en matière de développement.

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Hood, S., Hopson, R., & Frierson, H. (Eds.). (2005). The role of culture and cultural context. Greenwich, CT : Information Age.

Kovach, M. (2010). Indigenous methodologies: Characteristics, conversations, and contexts. Toronto, ON, Canada : University of Toronto Press.

LaFrance, J. and Nichols, R. (2010). “Reframing evaluation: defining an indigenous evaluation framework”, The Canadian Journal of Program Evaluation, Vol. 23 No. 2 Pages 13–31.

Smith, L. T. (2012). Decolonizing methodologies: Research and Indigenous peoples (2nd ed.). New York, NY : Zed.

Tillman, L. C. (2002). Culturally sensitive research approaches: An African-American perspective. Educational Researcher, 31, 3–12.

1. Pays hispanophone, mais membre de la CPLP et inclus dans le Compact lusophone de la BAD.

Références

Notes du fin

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Mme Elsa Sarmento est une spécialiste en économie appliquée et une évaluatrice ayant de l’expérience dans l’appui institutionnel ; la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques ; le développement institutionnel ; et le renforcement des capacités. Elle est chercheuse associée à NOVAFRICA, à la Nova Business School of Management and Economics. Dans 140 pays, elle a acquis de l’expérience dans la coopération pour le développement et les relations externes et a dirigé plusieurs missions internationales de développement. Elle a servi la Banque africaine de développement, la Commission européenne, la Banque mondiale, l’IFC et bon nombre d’agences des Nations Unies. De même, elle a travaillé pour la Millennium Challenge Corporation, le NEPAD, l’Organisation des États des Caraïbes orientales (OECO) et CARICOM, entre autres organisations et administrations publiques. Elsa jouit d’une grande expérience dans l’application des méthodes mixes à travers des interviews semi-structurées et approfondies, des groupes focaux, des études de cas, l’analyse quantitative des données, des essais contrôlés randomisés (ECR) et des enquêtes (petits et grands échantillons). Pendant plus de dix ans, elle a également enseigné dans plusieurs universités au Portugal, en Espagne et au Royaume-Uni. Elle jouit d’une forte expérience en analyse et élaboration d’études et de pratiques optimales. Mme Sarmento a édité l’ouvrage intitulé “The Emerald Handbook of Public-Private Partnerships in Developing and Emerging Economies” et le numéro d’Evaluation Ma!ers (de l’Évaluation indépendante du développement de la BAD) sur « Impact Evaluation: Insights from Practitioners” (l’évaluation d’impact : des experts en parlent).

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Mme Carla Felix Silva est une experte en affaires sociales ayant, pendant trente ans, traité des questions touchant aux États fragiles, de la gestion de projets et de l’analyse sectorielle dans le domaine du développement humain. Ses principaux secteurs d’expérience comprennent également le suivi et l’évaluation, les questions politicoéconomiques et la mobilisation de la société civile, à travers la recherche d’actions participatives et des changements au niveau social. Entre 2006 et 2009, Carla a travaillé dans le secteur des ONG, appuyant des interventions dans le cadre de programmes financés par la Commission européenne en Afrique subsaharienne, notamment au Cabo Verde, en Guinée-Bissau et en Angola. En 2010, elle a rejoint la Banque africaine de développement (BAD) et travaillé avec le Département du développement humain ainsi que sur les États fragiles. Depuis 2015, elle appuie un certain nombre d’évaluations de stratégies de pays et de programmes conduites par IDEV, y compris celles des pays lusophones de l’Afrique. Elle est également intervenue dans l’évaluation globale des résultats en matière de développement de la BAD, ainsi que dans la facilitation de l’évaluation indépendante de la mise en œuvre du Modèle de développement et de prestation de services de la Banque. Carla a étudié les relations et affaires internationales à l’Université technique de Lisbonne, puis a soutenu une thèse sur la finance éthique dans le cadre d’une spécialisation en société et économie de l’Amérique latine.

Mme Mariana Branco est une économiste et évaluatrice consultante au Groupe d’évaluation indépendante (GEI) du Groupe de la Banque mondiale. En tant que membre de l’équipe chargée du Développement des capacités d’évaluation, elle appuie l’expansion de l’Initiative CLEAR et de l’IPDET. Au sein de l’équipe chargée de conseiller sur les méthodes applicables, elle promeut l’innovation dans l’évaluation et le renforcement des capacités d’évaluation interne. Elle est membre du Conseil de la Société européenne d’évaluation, dirigeante du mouvement European Young & Emerging Evaluators, et membre du groupe de gestion de EvalYouth. Avant de rejoindre le GEI, Mariana a mis en place des systèmes de S&E, effectué des évaluations de rentabilité et offert des formations agréées sur des projets publics et institutionnels en Europe, en Angola et au Brésil. Dans le secteur public, elle a collaboré avec l’agenda Portugal2020, le Fonds souverain de l’Angola, le Service social brésilien et Guile Foundation. En ce qui concerne les investissements dans le but de produire des effets, elle évalue les approches institutionnelles de la viabilité d’Uniliever, de Danone, de HSBC et d’autres sociétés de portefeuille. Passionnée de l’étude des retours sociaux sur investissement et de l’analyse coût-avantage, elle a axé son travail de recherche en évaluation sur la valeur sociale et la monétisation des résultats sociaux. Mariana est titulaire d’une licence en économie, d’un master en coopération internationale et d’un diplôme universitaire de second cycle en méthodes de recherche sur les politiques fondées sur des bases factuelles, obtenu avec mention à l’Université des Nations Unies. Au cours de ses études, elle était assistante de recherche en études de développement et en économie de la santé à l’Université de Porto.

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esIDEV organise trois ateliers d’apprentissage sur « L’optimisation des opérations d’appui programmatique de la BAD en tant que paquet d’appui »

Suite à la publication de l'évaluation des opérations d’appui programmatique (OAP) de la Banque africaine de développement, IDEV et le Département de la gouvernance de la Banque ont co-organisé une série de trois ateliers d’apprentissage à l'intention du personnel de la Banque sur le thème « Optimisation des opérations d’appui programmatique de la Banque en tant que paquet d’appui ». Ces événements poursuivaient l’objectif de l’évaluation consistant à améliorer l’apprentissage de la Banque pour une meilleure utilisation future des OAP. Les deux premiers événements

ont eu lieu en mai 2019 dans les Bureaux régionaux de développement et de prestation de services pour l’Afrique australe et orientale, situés respectivement à Pretoria (Afrique du Sud) et à Nairobi (Kenya). La dernière de la série s'est tenue au siège de la BAD en juin 2019 et visait également le personnel de la Banque des bureaux régionaux de développement et de prestation de services pour l’Afrique centrale et de l’ouest. Les ateliers visaient à sensibiliser et à accroitre les connaissances du personnel clé de la Banque sur l'essence et l'utilité de mobiliser les partenaires et les parties prenantes autour de la question des OAP afin de réaliser les objectifs de développement. Ils visaient également à renforcer l'adhésion des parties prenantes aux conclusions et recommandations de l'évaluation d’idev.

En savoir plus :

http://idev.afdb.org/fr/event/le-personnel-de-la-banque-discute-des-opérations-d’appui-programmatique-lors-d’une-série-d

Carina Sudgen, Chargée principale de la gouvernance, ECGF au bureaux régional de développement et de prestation de services de la BAD pour l'Afrique australe

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Série de webinaires d'IDEV: PRESENTER pour convaincre - Storytelling avec visualisation de données

Le 10 juillet, IDEV a organisé le troisième de sa série de webinaires pour 2019 destinés au partage de connaissances évaluatives - « PRESENTER pour CONVAINCRE: Storytelling avec la visualisation de données ». Ce webinaire a permis aux participants d’en savoir plus sur l’utilisation des données pour une communication percutante et sur la conversion de leurs idées en réalité sans maîtriser les compétences en codage ou en

conception. Le webinaire était une immersion pratique dans la création de visualisations de données accrocheuses et professionnelles pour transmettre des messages en ligne ou sous forme imprimée. Le webinaire a été animé par Neema Iyer, fondatrice et directrice de Pollicy, une organisation de technologie civique basée à Kampala (Ouganda), et par Wairimu Macharia, professionnelle expérimentée du numérique, cofondatrice de Digital Services Academy et Digital Lead chez Afrobarometer.

En savoir plus : http://idev.afdb.org/fr/document/

webinaire-présenter-pour-convaincre-storytelling-avec-visualisation-de-données

L’actualité en images 67

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

Série de webinaires d'IDEV : Évaluation participative

« L'évaluation participative » est une approche qui vise à donner la parole aux parties prenantes d'une intervention dans la conception, le processus et les résultats de l'évaluation évaluant cette intervention. Dans le cadre de sa série de webinaires, IDEV a organisé un webinaire sur ce thème le 26 juillet, à l’intention des évaluateurs, des concepteurs de projet et des communicateurs travaillant dans le domaine du développement. Animé par deux évaluatrices d'IDEV, Latefa Camara et Carla Silva, ce fut une occasion de

discuter des spécificités de la méthodologie, ainsi que des défis et opportunités liés à son application. Les évaluatrices avaient pour objectif de susciter la curiosité et de promouvoir un débat sur l’utilisation de cette approche, en particulier lors de l’évaluation des politiques, programmes et interventions de la bad.

En savoir plus : http://idev.afdb.org/fr/document/

webinaire-l'évaluation-participative

L’actualité en images68

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

La Banque africaine de développement accueille la 5ème assemblée générale annuelle de l'apnode

Le Réseau des parlementaires africains pour l’évaluation du développement (APNODE) a tenu sa 5ème assemblée générale annuelle à Abidjan, en Côte d’Ivoire, du 28 au 30 août 2019, au sein de la Banque africaine de développement, à l’invitation d’IDEV. La rencontre de ce!e année avait pour thème « Construire l’Afrique que nous cherchons: le rôle vital des parlementaires dans le renforcement des capacités d’évaluation ». L’AGA a mis en lumière les efforts des parlementaires africains dans leur rôle de catalyseurs du changement et de moteurs d’une culture de l’évaluation. L'ordre du jour de l'AGA comprenait l'examen du rapport annuel et financier de l'APNODE; une formation et une table ronde sur l’évaluation au niveau législatif; une table ronde sur la manière dont l’APNODE

peut soutenir la zone de libre-échange continentale africaine; et l'élection d'un nouveau comité exécutif.

L’AGA a permis au Réseau de présenter son travail et de faciliter les échanges interparlementaires, l’apprentissage entre pairs et le partage d’expériences, tout en favorisant le mandat de l’APNODE consistant à améliorer le contrôle parlementaire, les politiques et la prise de décisions basées sur des données probantes. L’événement a été ouvert par les Présidents des parlements de la Côte d’Ivoire et du Zimbabwe et a a!iré plus de 65 représentants de 15 pays.

En savoir plus : http://idev.afdb.org/fr/news/

communiqué-de-presse-la-5ème-assemblée-générale-annuelle-de-lapnode-se-conclut-sur-une-note

L’actualité en images 69

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Examen comparatif des pratiques en matière de sanctions dans les banques multilatérales de développement

IDEV a procédé à un examen comparatif des pratiques en matière de sanctions appliquées à cinq banques multilatérales de développement (BMD): la Banque asiatique de développement (BAsD), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque interaméricaine de développement (BID), le Groupe de la Banque mondiale (GBM) et la BAD. Ces cinq banques multilatérales de développement participent à un accord sur l’exclusion réciproque concernant des pratiques de fraude, de corruption et d’autres pratiques passibles de sanctions.

L’examen avait pour objectifs (i) d’évaluer l’expérience des sanctions de ces BMD à ce jour; et (ii) appliquer les leçons tirées pour aider la BAD dans sa propre pratique en matière de sanctions. L'examen a utilisé une approche de méthodes mixtes combinant plusieurs sources d'informations qualitatives et quantitatives.

Le rapport présente des données comparatives et une analyse des régimes de sanctions des BMD en termes de mandat et d’organisation; d’utilisation globale et

d’efficacité; de résultats, y compris les exclusions et les conditionnalités; de recours à des pénalités ou à d'autres sanctions pécuniaires; et de transparence envers les parties prenantes et partenaires externes, ainsi que de pratiques liées à la coordination et au partage des connaissances entre les BMD. L'étude identifie également les bonnes pratiques et propose un certain nombre de points à l'examen de la Direction de la BAD dans le cadre de son réexamen et de son renforcement du régime et des pratiques de sanctions.

En savoir plus :

http://idev.afdb.org/fr/document/etude-comparative-des-pratiques-de-banques-multilat%C3%A9rales-de-d%C3%A9veloppement-en-mati%C3%A8re-de

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Etude comparative des pratiques de Banques multilatérales de

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Résumé analytique

Mai 2019

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

Validation du rapport d’achèvement de la Stratégie d’intégration régionale de la BAD pour l’Afrique de l’Ouest

IDEV a mené un exercice pilote de validation du rapport d'achèvement du Document de stratégie pour l'intégration régionale de l'Afrique de l'Ouest (DSIR-AO) 2011-2015 / 17. La validation a été entreprise pour éclairer la conception des piliers du nouveau DSIR pour l’Afrique de l’Ouest pour 2019-2025 et pour aider IDEV à mieux comprendre la façon de concevoir et de me!re en œuvre ce produit pour répondre au mieux à ses objectifs. Il a également contribué à améliorer la qualité du rapport d'achèvement du DSIR pour l'Afrique de l'Ouest et a fourni une opportunité d'apprentissage.

La validation a montré que le portefeuille de la Banque au titre du DSIR pour l’Afrique de l’Ouest est très pertinent pour les priorités régionales, les stratégies et les politiques de la Banque en matière d’intégration régionale, ainsi que pour les stratégies pays dans la région de la CEDEAO. Cependant, il a identifié des faiblesses dans la matrice de résultats. La validation a conclu que l'efficacité du DSIR était satisfaisante pour la réalisation des résultats, mais n'a pas pu fournir une évaluation de la réalisation des résultats en raison du manque de données dans le rapport d'achèvement. L'efficience a été jugée insatisfaisante en raison de retards et d'un ratio de décaissement relativement

faible. Certains projets ont été annulés pendant la période du DSIR. Enfin, la validation n’a pas permis d’évaluer le critère de durabilité, qui n’était pas traité dans le rapport d’achèvement. De manière générale, la validation a permis de constater que les données probantes fournies par le rapport d’achèvement concernant le succès de la mise en œuvre du DSIR étaient insuffisantes et que les résultats obtenus étaient satisfaisants.

Recommandations à l’endroit de la Direction de la Banque

1. Continuer à soutenir les communautés économiques régionales et les agences d’exécution, en particulier en ce qui concerne leurs politiques et processus d’achat et de décaissement.

2. Au cours du prochain cycle du DSIR, renforcer le suivi, l'analyse, la production de rapports et l'utilisation des résultats. Une théorie du changement des DSIR bien conçue est nécessaire pour garantir la clarté et la pertinence des résultats des projets et des indicateurs appropriés, spécifiques, complets et pouvant être suivis efficacement. L'intégration des questions transversales dans les interventions de la Banque devrait

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Note de Validation du Rapport d’Achèvement du Document de Stratégie d’Intégration Régionale de l’Afrique de l’Ouest

23 mai 2019

également être améliorée, de même que le suivi et l'établissement de rapports sur les produits et les résultats.

3. Bien que le développement des infrastructures reste le principal domaine d’appui de la Banque, le renforcement des capacités à l’appui de la mise en œuvre du projet devrait rester une priorité stratégique. En outre, la Banque devrait s’efforcer d’assurer la qualité à l’entrée des projets d’infrastructure afin d’assurer leur bonne exécution.

En savoir plus :

http://idev.afdb.org/fr/document/en-cours-validation-de-la-stratégie-d'intégration-régionale-de-la-banque-africaine-de

Fraîchement publié 71

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eVALUation Matters Troisième trimestre 2019

Deuxième trimestre 2019 : Meilleures pratiques et innovation en évaluationLe domaine de l'évaluation est en mouvement - il suit de près les progrès de l'Agenda 2030, traitant d'interventions de développement de plus en plus complexes, de nouvelles technol-ogies et sources de données et de méthodes d'évaluation plus sophistiquées. Le partage des bonnes pratiques et des innovations en matière d’évaluation peut aider les évaluateurs à apprendre les uns des autres, à relever les défis et à renforcer continuellement la profession. Ce numéro d’Evaluation Matters a pour objectif de mettre en lumière certaines méthodes d’évaluation valables, nouvelles ou innovantes ayant contribué à améliorer les évaluations des interventions de développement, en vue d’améliorer la planification, la conception et la mise en œuvre de projets / programmes.

Meilleures pratiques et innovation en évaluation

Deuxième trimestre 2019

eVALUation MattersPublication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

http://idev.afdb.org/fr/document/meilleures-pratiques-et-innovation-en-évaluation

Quatrième trimestre 2018: Le Genre dans l'évaluation, volume 1Cette édition vise à répondre à des questions telles que: quels types d'approches et de méthodes d'évaluation ont montré des résultats prometteurs pour inclure de manière significative le genre dans l'évaluation ? Quel type d'informations les évaluations devraient-elles soulever afin d'évaluer les différents impacts des interventions de développement sur les femmes et les hommes à tous les niveaux ? Comment les approches d'évaluation pourraient-elles soutenir le changement d'état d'esprit nécessaire pour atteindre des impacts sociétaux plus larges (pratiques transformatrices d'égalité des genres et d'autonomisation des femmes) ?

http://idev.afdb.org/fr/document/le-genre-dans-l-évaluation-volume-1

http://idev.afdb.org/fr/document/le-genre-dans-l-évaluation-volume-2

http://idev.afdb.org/fr/document/la-semaine-de-lévaluation-2018-renforcer-limpact-du-développement

Premier trimestre 2019 : Le Genre dans l’évaluation, volume 2 Les femmes continuent de souffrir de désavantages économiques, politiques, juridiques, sociaux et culturels importants dans presque toutes les sociétés. Les évaluations de projets, programmes et politiques doivent prendre en compte ces inégalités et fournir aux parties prenantes des preuves solides et convaincantes pour mieux informer la planification et la mise en œuvre des futures interventions de développement.

Cette édition d’évaluation Matters complémente celle du quatrième trimestre 2018 en fournissant des exemples de la manière dont certaines personnes et institutions ont été en mesure de concrètement intégrer les approches d’évaluation sensible au genre dans leur travail.

Troisième trimestre 2018 : Spécial Semaine de l'évaluationRenforcer l'impact du développement, tel était le thème retenu pour la Semaine de l'éval-uation du développement 2018 de la BAD. Cette édition d’eVALUation Matters reprend les images, les discussions et les connaissances partagées au cours des trois jours de la mani-festation sur le rôle crucial de l’évaluation dans la réalisation du programme de transformation de l’Afrique.

Le Genre dans l'évaluation Volume 1

Quatrième trimestre 2018

Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

eVALUation Matters

La Semaine de l'évaluation 2018: Renforcer l'impact du

développement

Troisième trimestre 2018

Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

eVALUation Matters

Le Genre dans l'évaluation Volume 2

Premier trimestre 2019

Publication trimestrielle de connaissances sur l’évaluation du développement

eVALUation Matters

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