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DATA SCIENCE : ET SI LE MEILLEUR ETAIT POUR DEMAIN ? INTERVIEW DE MICHEL LUTZ, GROUP DATA OFFICER, TOTAL

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Post on 28-May-2020

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DATA SCIENCE : ET SI LE MEILLEUR ETAIT POUR DEMAIN ?IntervIew de MIchel lutz, Group data offIcer, total

Machine learning, big data, data science : on n’y comprend plus grand chose. De quoi parle-t-on exactement ?

M. L. / La première définition de la data science date de 2001. Elle a ensuite été récupérée

par le monde de l’entreprise et du conseil où on lui a fait dire beaucoup de choses. Aujourd’hui, le monde académique se la réapproprie. On peut donc dire que c’est une pratique qui permet de modéliser les problèmes posés par les métiers en croisant de multiples données et d’utiliser des algorithmes pour anticiper des situations et décider avec plus d’efficacité. La data science est à la croisée de compétences en statistiques et analyse de données, de compétences en informatique et développement, et de compétences métiers. Elle peut notamment avoir recours au machine learning dont on parle beaucoup aujourd’hui, c’est-à-

dire l’apprentissage automatique ou la capacité à reconnaître des structures dans des masses de données. Elle peut aussi utiliser la puissance de calcul nécessaire au traitement de gros volumes de données, comme dans le big data. Toutefois, elle n’a pas forcément besoin de beaucoup d’informations pour obtenir un résultat probant. Un data scientist

peut travailler sur un simple PC avec peu de données dès lors qu’elles sont fiables et de qualité.

À quoi sert la data science chez Total ?M. L. / C’est un outil très précieux d’aide à la décision. La data a toujours été au cœur des métiers de Total. Nous disposons d’énormes volumes de données venues de nos machines et de nos systèmes informatiques. Celles qui explorent le sous-sol, qui produisent le pétrole et le gaz qu’on en extrait, celles qui le raffinent, et celles qui nous parlent du comportement de nos clients. De tous temps, nous avons analysé nos données, même partiellement, pour nous guider dans la bonne direction sur le plan du business.

data scIence : et sI le MeIlleur étaIt pour deMaIn ? Noyés sous les informations, le mal du siècle ? Aujourd’hui, les données sont partout. Mais ne désespérons pas, car des algorithmes sont déjà capables de traiter pour nous cette masse de contenus, d’analyser nos comportements et de nous présenter exclusivement ce dont nous avons besoin. Chez Total, des data scientists travaillent à développer ces méthodes, et à les démocratiser au sein du Groupe. Et si la data science était là pour nous simplifier la vie ? La réponse, avec Michel Lutz, Group Data Officer chez Total.

Aujourd’hui, avec la data science, nous pouvons aller plus loin et prédire une multitude de choses. Bloquer les cartes GR frauduleuses avant qu’elles ne passent aux péages, détecter les anomalies à venir sur nos équipements industriels ou nos installations électriques, prévenir les risques de fuite dans une raffinerie, réguler le trafic de nos barges chargées de produits dans les ports. Ces belles réalisations ont déjà fait leur preuve au sein des branches.

La data science n’est-elle pas vouée à rester confinée dans un monde de geeks ?

M. L. / Mon objectif, et celui de tous les data scientists chez Total, est exactement l’inverse. Aujourd’hui, tous les business de Total n’ont certes pas encore recours à ces méthodes, mais il y a du potentiel dans l’ensemble du Groupe, par exemple dans les fonctions supports comme les Achats, la Finance ou les Ressources Humaines. Le maître-mot, c’est démocratiser. Je veux

que tous les collaborateurs aient conscience que la data science peut faciliter leur quotidien, et qu’ils aient accès à ces technologies. J’aimerais par exemple que demain, chacun dans l’entreprise puisse avoir un bot, une intelligence artificielle installée sur son ordinateur qui rendrait son travail plus efficace. Une sorte d’agent conversationnel qui répondrait à nos questions, et apprendrait de notre comportement pour comprendre de quoi nous avons besoin et nous le présenter au bon moment. Nous n’y sommes pas encore, mais c’est dans ce sens que l’on travaille !

Faut-il craindre d’être un jour remplacé par une intelligence artificielle ?

M. L. / Le début des études sur les neurones artificiels remonte à 1943, avec les travaux de McCulloch et Pitts. Au fil des années, ces algorithmes d’apprentissage inspirés du fonctionnement des neurones biologiques, fonctionnant grâce à des stimuli qui activent la transmission d’un signal, se sont incroyablement développés. Aujourd’hui, vous avez des réseaux de neurones très complexes (deep learning) qui font des choses épatantes. Certains ont même été développés pour générer des imitations de poèmes de Shakespeare ou de musique de Bach. Toutefois l’intelligence artificielle n’est pas prête de remplacer l’homme ! Elle n’a pas l’autonomie et l’économie de moyens du cerveau humain, sa capacité à comprendre le sens commun, ni à être polyvalent et créatif.

Michel Lutz est co-auteur, aux côtés d’Eric Biernat, du livre Data Science : fondamentaux et études de cas, publié chez Eyrolles dans la collection Blanche. Il a reçu le prix Cristal pour le livre data dans la catégorie «technique» en octobre 2016.