cumont lux perpetua

586
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LVX PERPETVA

FRANZ CUMONTMembrede ITnstitut

1868-1947

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1868-1947

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AVERTISSEMENT DE L'DITEUR

Cumont s'est teint prs de Bruxelles, Woluwe-Saint-Pierre, ,d^ns la nuit du au 20 aot 1947. En conformit de ses dernires volonts la publication du prsent ouvrage a t acheve grce l'inlassable dvouement de la Librairie Paul Geuthner et de l'Imprimerie La Haute -Loire par les soins de la Marquise de Maill, et deFran!19

Louis Canet.Il avait revu en placards l'ensemble du livre, l'exception du chapitre VIII et des Notes com-plmentaires ; en premire mise en pages, les cinq premiers chapitres ; en seconde mise en pages, l'Introduction et le chapitre premier jusqu' la page 96. Il n'a connu ni les dernires Noies complmentaires (XIX XXXV), ni l'index, ni la table des matires ; mais il avait dress lui-mme la liste des abrviations.

28S3S1

FRANZ CUMONT1868-I947grande mmoire de Franz Cumont que d'enfler pour parler de lui. Il suffit de dire, avec la simplicit qu'il aimait, comment on l'a vu vivre, toujours au travail sans en avoir jamais l'air, toujours affable, accueillant, discret, les yeux bleus, la barbe blonde peine blanchissante, la voix douce, un peu voile, presque

Ce

serait

la voix,

manquer de hausser que

la

le ton,

confidentielle.

car la i et trs attach sa patrie, son empire ) ( heureux d'tre ses traditions, sa dynastie un empire, Belgique .membre de l'Acadmie royale, fier d'avoir reu le prix Francqui, qui est la plus haute rcompense que piisse, en ce pays, se voir dcerner un savant la plus haute aprs celle, qui ne lui manqua pas, d'tre distingu par le roi Albert et la reine Elizaheth. Ses obsques furent clbres petit bruit, mais elles eurent pourtant sans vaines pompes, comme lui-mme l'avait vouluIltait

belge

est

;

;

:

cet clat que la reine-mre et dlgu, pour l'y reprsenter, le grand matre de sa Maison, attestant ainsi le souci qu'elle avait de rendre hommage l'un des plus grands rudits que la Belgique ait donns au monde.

(1) Il tait n Alost le 3 janvier 1868, d'une famille de grande bourgeoisie de tradition . Il fit ses tudes secondaires l'athne librale , en France, nous dirions radicale

au lyce) de Bruxelles, de 1878 1884, et ses tudes suprieures l'Universit (nous dirions de Gand oi il obtint en 1887 le doctorat en philosophieCharles Michel y fut son matre lettres. Il frquenta ensuite les Universits de Bonn, o ilfut l'lve d'Usener, de Berlin et de Vienne. Il suivit aussi les cours de Mommsen, probablement ceux de Wilamowitz. Et il connut Erwin Rohde. Aprs des sjours Athnes (hiver de 1890) et Rome (1891), il passa Paris une partie de l'anne scolaire 1891-1892 et se fit inscrire l'Ecole des Hautes-Etudes. Il revint enfin l'Universit de Gand o il avait t nomm charg de cours le 10 janvier 1892. Il y en-seigna jusqu'en 1910, o il se retira. Il se dmit aussi en 1912 de la charge de conservateur du Muse au Cinquantenaire qu'il occupait depuis 1898. Et il quitta la Belgique pour aller s'installer Rome.

:

Aquel pointil

VIII

ne l'ignorait de ceux qui avaient entendu dernires semaines de l'anne I14, au palais Rusticucci ( I ) La Belgique tait sous le joug parce que le gouvernement de son roi, somm le 2 aot de livrer passage aux troupes allemandes, avaittait belge, nul

la confrence qu'il fit,.

dans

les

rpondunationale

ouvrant ainsi une re nouvelle dans l'histoire de la morale interqu'il ne croyait pas qu'im peuple, quelque faible qu'il ft, ptet

mconnatre son devoir(2).

force kle

Franz Cumont comprenait

sacrifier son honneur en s'inclinant devant la cela. Et comme il n'tait ni d'ge ni

il voulut au moins, en racontant comment la au temps de Csar, tait devenue romaine, faire le procs des mthodes de colonisation qui venaient d'veiller la guerre.

force porter les armes,

Belgique,

et c'est tout le sens de son intervention, Aprs la conqute de la Gaule, dit-il, n'a pas introduit par la force ses usages, sa langue (3) et ses croyances chez les peuples soumis sa domination. Elle ne leur a pas impos une hirarchie d'innombrables fonctionnaires, inflig une administration tracassire et ime troite surveil; lance policire. Elle gouvernait de haut et de loin, et la tyrannie du pouvoir central, le despotisme de l'Etat, l'interventionnisme des bureaux ont t moindres durant les premiers sicles de l'Empire que chez la plupart des nations modernes... La romanisation n'a donc pas t le rsultat d'un programme politique nettement arrt, dont la monarchie aurait confi l'excution ses agents. Elle n'a pas t ralise par les moyens que l'Allemagne employait pour germaniser l'Alsace et le duch de Posen, ou le gouvernement de Saint-Ptersbourg pour russifier la Pologne et la Finlande. Lgats et procurateurs agirent plutt par la persuasion que par la contrainte. Nanmoins l'action de l'Etat fut trs puissante et trs efficace grce l'adoption de certaines mesures d'ordre gnral qui furent prises ds l'annexion (p. 11). Cette sage et habile politique hti inspirait aprs tant de sicles une

Rome

profonde reconnaissance. Il esprait que les effets n'en taient point perdus l'me d'un peuple et ses facults natives, la fcondit pour toujours:

l'Institut historique belge de Rome. La substance, et peut-tre le texte mme, s'en (1) retrouvent dans un discours prononc l'Institut le 25 octobre 1915 au nom de l'Acadmie des Inscriptions. De cette confrence et d'une autre qui l'avait prcde en 1913 la Socit royale d'Archologie de Bruxelles est sorti le volume. Comment la Belgique fut romanise, 123 pp. in-4, dont nous citons ici la seconde dition, Bruxelles, 1919. (2) Rponse la dclaration de guerre du gouvernement austro-hongrois, 29 aot 1914, Livre

A

gris, pice

78.;

sur la marque laisse par le latin sur Sur la diffusion de la langue latine, le. p. 89 le flamand, mots relatifs l'architecture, p. 40, note 5; la cuisine et la table, p. 56, note 1 ; aux fruits et plantes potagres, aux animaux domestiques, aux instruments aratoires, aux proSur l'ampleur de ce phnomne et son importance dans la duits du midi, p. 63, note 6. constitution de l'ancienne Europe, celle qu'on appelait chrtient, Meillet, Les langues dans l'Europe nouvelle, Paris, 1928, p. 264, et Esquisse d'une histoire de la langue latine, Paris, 1928,(3)

pp. 279 ss. Cf. aussi Fr. Cumont, Pourquoi le latin dent, dans Mlanges Paul Predericq, Bruxelles, 1904.

fut la

seule

langue liturgique de l'Occi-

les dsastres matriels.

IX

inpuisable de son sol, la puissance tenace de ses traditions survivent tous Les semences fcondes que Rome avait jetes sur une

terre presque vierge n'y devaient pas prir quand elle l'abandonna. Elles y germrent obscurment pour produire quelques sicles plus tard des fleurs immortelles {jp. lo). Et c'est pourquoi il se plaisait voir dans le groupe qui couronne les colonnes au gant ( i ) un monstre cras par un hros romain, la barbarie germanique vaincue par l'empereur (;). 104). Le nombre de ces monuments votifs, expression de la reconnaissance des popula-

pour la scurit que leur assuraient les empereurs, est une manifestation clatante de leur esprit de loyalisme et de leurs sentiments de dvotion, envers les souverains qui incarnaient pour elles l'ide de patrie. Rome leur avait donn la paix, le premier des biens. EUe avait mis fin leurs luttes intestines et aux ravages des hordes germaniques... Elles taient devenues les cellules vivantes d'un grand organisme qui se renouvelait par des changes perptuels. En mme temps elles avaienttions

plus parfaites, obtenu une justice plus sre, acquis des murs plus particip une haute culture littraire et artistique. Il n'est pas surprenant que, grce tant de bienfaits reus, nos anctres se soient attachs l'Empire et aux princes, et qu'ils aient multipli les preuves de leur dvouement envers eux. Aucune violence ne les avait contraints d'abandonner leurs coutumes, leurs croyances ou leurs langues. Rome avait compt uniquement, pour les transformer, sur le rayonnement de sa civilisation la conscience de sa supriorit lui permettait un tel et le consentement des peuples lui accorda cette conqute morale, cette souorgueil, mission des volonts et cette conciliation des coeurs que n'aurait obtenues aucun asservissement (2). |.;

connu des

lois

polices,

et

:

!

:

j

:

Cet loge de l'ancienne

Rome

tait,

sans qu aucune comparaison ft seule-

ment

esquisse,

Allemagne l'gard de

qu'il

la

une sanglante leon pour V Allemagne et ses sides, une avait pourtant aime de l'amour mme qu'il nourrissait science, dont il avait frquent les Universits, o il tait trait

de pair compagnon par les plus illustres matres.

Ma's avant mme cette cruelle exprience, s'il avait aprs la Belgique une autre patrie, ce n'tait pas V Allemagne : c'tait la France, et presque autant que la France, Rome, 7nre du monde occidental (3). C'est Rome qu'ilFragments de colonnes au gant dcouverts en Belgique, dans Compte-rendu du Conde la Fdration archologique et historique de Belgique, XXIe session, Lige, 1909 ; Fragment d'une colonne au gant trouv Pirton dans Annales de la Socit d'Archologie de(1)

grs

Bruxelles,(2)

t.

XXIV,

1910, Bruxelles,

1911.150,

I

rapprocher de ce que dit Kipling dans Puck, lutin de la colline, Paris, 1933, p. Un centurion de la trentime, et p. 180, Sur la Grande Muraille. (3) Cf. infra, p. XXIX, et encore, Message VAcademia Belgica de Rome (mai 1947) nous jetons les regards autour de nous dans cette valle Giulia, nous ne pouvons qu'tre ps de la floraison d'Ecoles appartenant des nations d'autres gards si disparates,:

A

Si

frap-

mais

voues une tche

commune,

celle

de scruter

le

pass de cette

Rome o

tous reconnaissent une

mre spirituelle

>,

Xen ii2, aprs avoir rsign toutes ses charges, transfr son "doviicile, entre l'Institut historique belge, future Academia Belgica, qu'il couvait de sa sollicitude, et l'Ecole franaise de Rome qui le considrait la fois commeavait,

un membre d'honneur,le plus qualifi"Alors,il

et, si grande que ft la gloire de Duchesne, comme des guides en matire d'archologie et de science de l'antiquit,

se

libre de tout enseignement, de toute obligation, de toute contrainte, trouva en situation de s'adonner ses travaux de prdilection, et de

devenir,

autrefois Juste Lipse, un prince de la Science. avait fix son domicile Rome, il n'y tait point captif. Il passait chaque anne plusieurs mois Paris o l'attiraient la fois de chres amitis, de riches bibliothques et les sances de V Acadmie des Ins-

canme

Pourtant,

s'il

,

criptions

dont

il

tait,

depuis

Z13,

en

tant

qu'associ

tranger,

l'un

des

mem.br eslit

les plus assidus.:

encore n'tait-ce point assezsuffire

ni la Belgique,i

ne

pouvaient

l'enclore

(

)

.

Ses

presque toute l'Europe, au Pont-Euxin, en tait en relations amicales avec tout le monde savant (3). A vrai dire, plus il tait attach ses trois patries, plus il se sentait, plus il tait citoyen du

ni la France, ni Rome voyages l'avaient conduit dans Orient (2), aux Etats-Unis. Il

et attachait du prix aux premires impressions. L'esprit, disait-il, il se voile quand il est surexpos ; c'est lorsque plaque photographique tout ce qui l'entoure est encore neuf que le voyageur est sensible tout, et que les ides closent . (e-9 grandes Universits amricaines zxis Rev. de l'instruction "publique en Belgique, 1912, Ces voyages eurent souvent pour objet des sries de confrences Paris (1905) t p. 196). Oxford (1906), d'o, en 1907, Les Religions orientales dans le -paganisme romain Upsal (1911); Etats-Unis (1911-1912), d'o Astrology and Religion among the Greeks and Romans, ,XXVII-208 pp. New- York et Londres (1912) Etats-Unis (1922), d'o en 1923 Afterlife in Roman Pagain-12 nism, qui deviendra Lux perptua. Ils pouvaient n'tre aussi que des voyages d'information Tripoli d'Afrique, en mai 192S (Z,es fouilles de Tripolitaine dans Bull, de la classe des Lettres etc. de l'Acadmie royale de Belgique, 8 juin 192S, pp. 285-300). (2) Voyage d'exploration dans le Pont et la petite Armnie, du 4 avril au 21 juin 1900, avec son frre Eugne. De ce voyage sortirent les Studia Pontica, tomes II et III, Bruxelles 1906 et 1910. Voyage dans la Syrie du nord, au printemps de 1907, d'o les Etudes Syriennes (1917). Missions archologiques Salihyeh en octobre-novembre 1922 et 1923, origine de l'ouvrage Fouilles de Doura Europos^ 2 vol. in-", Paris 1926. Il y fit une nouvelle visite en 1928, et une dernire en 1934 d'o, en collaboration avec son ami Rostovtzeff, une tude intitule The Mithraeum (celui de Doura-Europos) dans Excavations at Dura-Europos, Report of seventh and

(1) Il aimait les voyages,

est

comme une

:

:

;

:

;

:

;

eighth Seasons, Yale University Press, 1939.(3) lettres

La correspondance dequ'il avait

Fr.

Cumont

est considrable

et

mrite

d'tre

conserve.

Dj

les

Alfred Loisy et celles qu'il avait reues de lui ont t dposes au dpartement des manuscrits de la Bibliothque nationale, o elles seront accessibles au public partir du 1" janvier 1961. Il est souhaiter que ce cas ne demeure pas isol.crites

monde. Et maintenant

XI

ne voit personne qui s'applique par Thucydide dans sonPloponnsev':?]:

qu'il n'est plus, l'on

plus naturellement la sentence fameuse nonce oraison funbre pour les morts de la guerre duuiavivittYpaipiQ,

vSpcuv y^pcry]p.avi

Ttacra

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toO epyou vStaiTai;ai. Car ^'^7 repose au cimetire selon sa volont, entre son pre et sa mre, c'\est partout o il a 'd\Ixellec, pass, o il a t lu, o son souvenir est conserv^ n'en subsistt-il aucune trace matrielle, que sa mmoire demeure.YVa)[jiV)fJt,a);Xov

Citoyen du des lettres

la aprs Pguy, redire Chrtient expression de ce qui, en dehors et au-dessus des Etats, tend se constituer en socit des esprits, non par une organisation extrieure,

monde avons-nousondisait

dit,

entendezl'on

:

membre de

la

Rpublique:

autrefois,

et

peut,

administrative et policire, qui serait ncessairement vaine parce qu'elle ne pourrait que chercher brider, rprim,er et contraindre la souveraine libert de l'esprit, mais grce aux liens d'amiti qui se nouent spontanment entre

ceux

qui,

anims d'un

mme

dsintressement

,

participent la

mmeles

culture,

et collaborent librement

difier par leurs libres initiativesspirituel,

et leurs

communsintrts,

efforts,les

le

grand uvre du progrs,

de l'humanit, que

comptitions les idologies politiques conomiques et sociales travaillent refouler et dtruire. De cela il s'est expliqu trs clairement dans son discours inaugural (i6 septembre IQ35) au VI^ Congrs international del'histoire

des religions, Bruxelles

(

i

)

.

qui s'rigent en pangyristes de la violence et vantent les bienfaits de ils cherchent dans la contrainte l'action brutale, seule cratrice de socits nouvelles physique un remde immdiat au drglement dont nous souffrons. Mais quelles crations furent plus puissantes et plus durables que celles de ces forces spirituelles qui ont mtamorphos des peuples et renvers des empires, comme l'effort invisible du vent fait ployer et dracine les forts ? Aux Etats totalitaires qui prtendent soumettre leur domination non seulement les actes, mais les sentiments des individus, l'exprience religieuse enseigne comment les convictions intimes, poursuivies dans leurs manifestations extrieures, trouvent dans notre for intrieur un asile inviolable. En ces temps o s'exasprent tous les nationalismes, l'volution religieuse nous montre comment la communaut des croyances, aprs avoir t celles de tribus et de clans, devint celle de cits et de nations, et aspira enfin devenir universelle, crant entre des populations lointaines et htrognes des liens plus puissants que ceux du voisinage ou du sang. Si la science des religions a russi aujourd'hui mme grouper ici une runion harmonieuse de reprsentants de tant de nations, c'est que nous croyons tous cette universalit du royaume de l'esprit, c'est que nous sentons la valeur Il

y en a

;

(1)

Le Flambeau, septembre 1935,

pp..

293-294,

minente d'une histoire

XII

si fconde en enseignements, qui n'est point destine satisfaire une curiosit oiseuse, mais maintenir et fortifier la rectitude de notre jugement sur le pass de l'humanit et sa mission future .

se crt

Telle tait la pense profonde qui guidait sa vie scientifique. Non qu'il une mission ni qu'il prt des airs de prophte. Personne ne fut jamais moins dogmatique, moins entach de pdanterie, moins engonc dans sa

science.

Autant

que

savant,

il

tait

gentilhomme,

sans

que

ces

deux

qualits se nuisissent jamais l'une l'autre.

Que

ce ft Paris ou

Rome,

voyait chaque jour dans les milieux les plus divers, toujours prt converser, sans jamais le prendre sur le ton doctoral ni se jucher sur lele

on

trpied,

Latait

politique internationale lui inspirait

un

intrt passionn, proccup qu'il

de

l'avenir

de

no7nbre lev de

la civilisation qu'il sentait branler sur sa base. Grce au ses relations en tous pays, il tait souvent, presque toujours

bien informJ. On pourrait dire : toujours, s'il n'avait eu tendance, en cette seule matire, solliciter un peu les faits qui flattaient son optimisme. Il savait

en bon critique, interprter les signes : en iiS, trois semaines au moins l'Italie se dcidt entrer en guerre, il dit en confidence l'un de ses amis : C'est fait. Ils partent. Le roi vient de se Qu'en savez-vous ? comm-ander une pelisse. C'est pour aller au front . Et il pensait par surcrotaussi,

avant que

que la considration de l'histoire peut, mieux que les spculations idologiques a priori, aider comprendre le prsent et prparer l'avenir. Il loue ce mrite chez son ami Rostovtzeff, A history of the ancient world (i). Mais est-ce. bien la seule Grce qu'il songeait en crivant en relief cette prminence intellectuelle qui(le.

p.

30c)

:

Ha

su mettre

grandeur de ce peuple privilgi, sans dissimuler ces dfauts moraux qui amenrent sa dcadence : son incapacit maintenir la stabilit de l'Etat, son impuissance crer une forme de gouvernemejtt qui pt concilier l'individualisme incoercible de la race avec la discipline civique, et subordonner les gos?nes particuliers l'intrt gnral. Athnes, qui nous offre le premier exemple d'un imprialisme dmocratique, s'est montre inapte le faire prvaloir ?fit la

A

tout travailleur

il

tait accueillant et serviable. Il traitait le

moindre tu-

diant d'gal gal. Et lorsqu'il rendait service, il semblait tre l'oblig. Avaiton, grce ses bons offices, fait quelque menue dcouverte, il vous en laissait(1) Deux volumes, Oxford, 1926-1927. Compte-rendu dans le Journal des Savants, velle histoire du monde antique aot-octobre 1928.

Une nou-

le

XII

mrite et s'ingniait co77i7neil

incorrection,

o

avait eu la

le mettre en valeur. Commettait-on son gard une de faire une communication sur un chantier de /ouilles complaisance de vous conduire, il ne semblait pas s'en aper-

cevoir et n'en tenait point rigueur. La science, en tant qu'elle tait sienne, devait tre la disposition de tous, et il n'avait souci que de la faire progresser ( I ) Mais il ne cherchait jamais imposer ni ses ides, ni ses mtho.

des, encoretait libre

moins ses directives. de s'en servir ou de le

Il portait son tmoignage, et l'interlocuteurrejeter.

C'est par cette voie librale que s'exerait son influence. Plus habile en cela que de plus dogmatiques, qui considrent qu'aprs qu'ils ont trouv, il ne reste rien chercher que dans le cadre qu'ils ont trac, il savait, non pas en

mais pour de bon, que la vraie science est invention perptuelle, et quprogrs s'en font par la dcouverte, qui rsulte le plus souvent de la rencontre, parfois fortuite, de plusieurs disciplines qui s'taient exerces jusque-l?nots,

tes

l'cart les unes des autres.

Un(1)

jour,

au printemps de i^J, proposmois de mai 1917

d' Alfred

Foucher

et

de Paul

Ds

le

il

crivait

dans

car dans la grande crise qui branle le leur infirmit retenaient loin des batailles,

la prface de ses Etudes syriennes, p. X monde, partout des hommes d'tude que leur ge ou semblent avoir prouv le souci de ne pas laisser:

interrompre la continuit de la production scientifique, comme si redoutant l'atteinte profonde que le sacrifice des jeunes gnrations devait porter au savoir humain /peut-tre songe-t-il ici la perte immense que causa la 7nort de Robert GauthiotJ, ils cherchaient, dans la faible mesure de leurs forces, la rendre moins dsastreuse . Symbolisme funraire des Rotnains, prface (l'^r sans doute les rudits ont-ils le devoir d'empcher, dans la mesure de leurs aot 1941), p. I moyens, la vie intellectuelle de s'teindre, comme d'autres s'efforcent de ranimer l'activit co:

nomiquel'erreur,

. Il ne se laissait point entraner par amour-propre se drober, par crainte de devant une publication qui courait le risque d'tre imparfaite. Fouilles de Doura-Euro Ceux-l seuls qui se renferment dans une troite spcialit peuvent se flatter de pos, p. VII la connatre parfaitement. Si certaines pages de ce livre leur semblent dfectueuses, je suis rsign subir leurs critiques. Il vaut mieux s'y exposer que de ressembler au dragon de la fable dans l'antre o il garde jalousement un trsor strile. L'essentiel est de mettre la disposition commune des travailleurs les matriaux qu'ils feront entrer dans leurs constructions futures . Et encore, Commmoration du Pre Scheil dans Rendiconti dlia Pont. Ace. rom. di D'autres... se contentent de la Archeologia 1940-1941, p. I du tirage part joie intrieure Il prfrait offrir aux que leur cause chaque jour la poursuite de la vrit ; p. 7 savants ces primeurs plutt que de consacrer ses soins effacer les taches de son uvre. Ubi: :

:

plura nitent, non ego paucis offendar maculis. Il laissait aux critiques, non sans quelque ddain, la tche de ratisser son jardin. Certains rudits gardent par devers eux durant des annes les Indits sur lesquels ils croient avoir un droit de proprit, et ils finissent quelquefois par disparatre sans les avoir communiqus personne. Le souci de la perfection dont ils se targuentn'est

souvent que le voile d'une pusillanimit qui apprhende

les

bvues dont souffrirait une rpu-

tation

mal

assise

.

Pelliot,

XIV

de son oeuvrel'air surpris

quelqu'un lui dit comment

il

se reprsentait l'ensemble

et la place qu'elle tiendraitet

dans

l'histoire

des religions. Il en eut

dem-eura d'abord interloqi. Puis son visage se dtendit, comme en signe d!acquiescement, et il prit l'air modeste et recueilli d'une chatte qui l'on fait compliment de sa niche. Mais il ne dit ni oui ni non. Et tout se passa

commeraissait

si,

devant la rvlation inattendue de son propre personftage, il s'appa lui-mme dans un jour nouveau auquel il n'avait pas song. Et ils'il

se tut,

qu'il aurait tenue en ce

pensait que, s'agissant du fond de lui-mme et de la place monde, ce n'tait pas lui qu'il appartenait d'en juger. Cela, aurait-il dit lui-mme aprs Homre (i)^ tait sur les genoux des

comme

Ce qu'il en adviendrait, c'tait affaire l'avenir. Car quelle que ft sa gloire, encore n'est-il pas certain qu'il ait toujours t apprci sa juste valeur. Il lui manquait aux yeux de certains mais c'est justement-l ce qui son mrite d' appartenir une cole, de s'tre conform la scolasfaitdieux.

tique d'une cole, de prtendre tout faire entrer dans la dogmatique d'une cole, bref de travailler moisis pour la vrit que pour l'intrt d'une cole.

Or il tait, st il voulait trs dlibrment n'tre qu'un simple savant. Et il se gardait coinme du feu de se laisser infoder aucun clan. Il s'efforait toujours de remonter aux sources, et il tait docile aux faits tels que les prsentent les documents, fondant sur eux des hypothses auxquelles il renonait de bonne grce si la suite de l'enqute ne les confirmait pas (2), mais qu'il tait plutt avien modifier et nuancer : parfait exemple, dans l'ordre humain, de la mthode laquelle se rfrait, dans l'ordre mathmatique, La science et l'hypothse d'Henri Poincar.cette discipline il fut obstinment fidle. Au point que, pour vaste que ft son information, et si libral son esprit, il n'invoque jamais les auteurs dont, quand mme ce sont des rudits considrables le tmoignage lui parat,

A

suspect d'tre fauss par un prjug d'cole (3).(1) njra, p.

XXVI.:

(2) Religions orientales dans le paganisme romain, prface (juillet 1906) de la premite d., Les p. IX de la quatrime (Paris, 1929) jugements prconus sont toujours l'obstacle le plus srieux qui s'oppose une connaissance exacte du pass ; Symbolisme, p. Il : Enle

appliquant, sans thories prconues ni imaginations tmoignage des Anciens eux-mmes... .(3)

arbitraires,

une mthode qui

se

fonde sur

ne saurait le mieux dpeindre qu'en lui empruntant, pour le lui appliquer, ce que luia dit de Joseph Bidez, dans l'Antiquit classique, t. XIII, 1944, p. 9 du tirage part : Il joignait l'rudition la plus consciencieuse, qui passait au crible tous les matriaux qu'elle utilisait et en vrifiait le poids et la gnuinit, un esprit de synthse qui, enchanant et combinant

On

mme

ingnieusement

les

faits

particuliers,

en dgageait

les conclusions

gnrales et les directions ma-

il

XV

Il dirigeait la publication du avait Itd-mftie tabli le tome

catalogue des manuscrits astrologiques, dont VIII ^^ premire partie des Parisini (i). Et

de cet indigeste fatras, o se rvle pourtant deci del quelque prcieuse de relique, il avait tir en IQ37 la maiire d'un livre charmant sur la fin l'Egypte ancienne : L'Egypte des Astrologues.

Mais c'est moins de l'Egypte qu'il tait proccup, mme quand il traitait de l'Egypte, que des rapports entre le monde grco-romain et les civilisations du proche et du moyen Orient. Ses recherches sur Mithra eurent vite fait de lui tracer sa direction et d'orienter sa course vers ce qui aura sansdoute t dans l'histoire des religions une dcouverte capitale : la civilisation chaldo-mazdenne des Magusens ou Mages occidentaux, syncrtisme iranosmitique qui devait faire sentir plusieurs reprises son action, d'abord dans le monde juif (2), puis dans le monde hellnique (3) et parmi les peuplesla probit scrupuleuse de la science rpondait la rectitude de son caractre et la droiture de sa conduite. Ce mme amour passionn de la vrit, qui le gardait contre les hypothses aventureuses et les gnralisations htives, le rendait svre pour tous les chartresses.

A

latanismes.

Il

condamnait sans rmission

les

auteurs de systmes fantaisistes appuys par des

suggestions hasardeuses, alors que sa douceur et sa modestie naturelles lui inspiraient en gnral une bienveillance qui s'enveloppait des formes d'une courtoisie d'im autre ge. Son dtachement de tout intrt personnel le rendait libral de son savoir, et il se montrait si serviable qu'on hsitait faire appel son obligeance, sachant qu'il n'pargnerait aucune peine pour clairer celui qui recourait lui... Dans un monde envahi par le mercantilisme et l'espritil se plaisait faire valoir la noblesse de la recherche dsintresse du vrai. Si au point de vue matriel a t appauvrie et amoindrie par une guerre dvastatrice, elle garde une richesse c'est sa vieille spirituelle qui lui confre toujours une supriorit culture. En approfondissant' notre connaissance de l'hellnisme, source de notre civilisation occidentale, en dfendant un humanisme largi contre ceux qui prchent l'abandon d'une tradition qu'ils jugent prime, Bidez avait conscience de dfendre un des biens les plus prcieux de notre patrimoine intellectuel et moral . Restent trouver des oreilles qui denieurent ouvertes ces sortes de ait ralis son ambition, propos. Car il n'est pas exclu que la technique qui est de tuer l'humanisme afin de rgner en matresse dans un monde objectiv. Il a aussi, aprs (1) Catalogus codictim astrologorum graecorum, VIII \ Bruxelles, 1929. la mort de Boudreaux, achev la publication du tome VIII ^, suite des Parisini. Enfin il a collabor de prs aux tomes I, Plorentini ; II, Venetiani 5 IV, Italici ; V \ Romani. On veut esprer que l'uvre ne demeurera pas' inacheve. d'/s. (2) A partir du milieu du vi^ s. rdaction de P (= Code sacerdotal), par ex. Gn. 1 ; 140-55 ; de Job ; des cinq Megilloth ; du milieu du me s. la partie aramenne de Dan. (rd. dfinitive en 165-164). Relveraient de l'influence chaldo-iranienne ce qui a trait Satan, les l'eschatologie et la rsurrection, la description du paradis terrestre, de la cour divine rcits relatifs au premier homme, Hnoch, la chute des anges, Ahikar, Tobie, Judith, Esther, au martyre d'Isae. Cf. Hlscher, Die Propheten (1914) et Gesch. der israelit. und jd. Religion (1922) dans Loisy. Rel. d'Isral^, pp. 40, 267, note 2, 268, 289. Voir aussi Mages helln. I, pp. 41 ss. (3) Pythagore et le Pythagorisme : infra, pp. 145 et 410 ; Mages helln. I, p. 33 ; Sym-

de lucre

l'Europe

:

;

XVl

du prk OHmt{i) ; dans le monde fmain (2) o, tout ^n eomrcarfunt Vvnement du ckfhiiHiime, il lui ouvtit pourtant la 'voie ; enfin dans l'Europe mdivale par les PauUcienS et ls Cthares, lointains hritiers d Mni (3). Tui el tient dans e mot de Nnnos, qu'il a lui-mme relev dans son tude sur la Fin du monde selon les Mages occidentaux (4) MiOpY], 'Affati$aiOJV vl nEptfii (5) Mithra, Un Phaton assyrien en Perso, ^formule pib (fUi dans sa cnisiH, dit-il, exprime d'une manire frappante la, combinaison:

des

trois

mithrique

lments, le grec, le chalden et l'iranien, qu'offrait la lgende --^ mais ce n'est 1> pas (6). Tout V oeuvre de Cm^nt aura consist

peu dire

--^

comprendre i dcrire

le

dveloppement de cette

triple combi-^

nais on, et l'nofme influence qu'elle devait exercer dans le monde europen. C'tait le temps o M. Alfred Foucher dcouvrait la civilisation grco-^

bouddhiquethiot,

(7),

o

les trai)au(&sir

aprs ceux de

de Paul PelUot, Sylvain Lvi et Robert GauAurel Stein et de von Le Coq, reconnaissaient et dfi-

nissaient le systme ds relations entr l'Iran, l'Asie centrale et letrs voisin

monde

chinois,

de celui que Cumont commenait de montrer qui s'tait phnomne produit aux Confins de l PfSe et de la Mspotamie le paralllisme est tel qu'il y a lieu d'y insister (8).:

bolisme, pp.

Un.

' Platon 276, 377, note 6. pp. 12 ss.; J. Bidez, s. (1) Relig, or.S p' 136.I,

:

infra^

p.

312

;

Relig.

or. *

p. 138

;

Mages

Ael"

de Mithra^ (1913) ; Relig. or> *, p 138 Symbolisme, p. 374j note 5. de la pense de Mni Recherches sur le Manichisme, I (1908), p. 51, le bouddhisme except, dont l'action ne s'est exerce qi^e tardivement sur le taanichisme de la Chine et du Turkestan (Mlleir, Bruchstcke aus Turfan, p. 63, corrig par -ce qui est dit iafra,(2) Mystres;

(3)

Sur

les origines

t

p.

XIX,

n. 4). ^-^

Sur

la relation des Pauliciens et des Cathares infra,^

tures manichennes [le.

raud, Cartulaire de N. D. deorigines

Mni, cf. -propos des Ecri" n. 4] p. 11 du tirage part, qui renvoie Jean Gui^ Cf. aussi Mni et les Prouille, Paris, 1907, t. I, p. CCXXII;p.

A

XXI,

de

la miniature

persane dans Revue Archol.^

1913.fasc.

(4) Rev. d'Hist. des Rel. janvier-juin 1931, p. 36. (5) Nonnos de Panopolis, Dionysiac, 21, 247> d.

Kchly dahs M.M.M.

I,

p.e

25

;

et

en outre Nonnos 40, 399TtoXutivufJLOi;,

>.

efts

Spaitti;

l'ipu,

etE (j Mi'pT); / 'HXio; BaoXwvo (6) Rajpprcher ce qu' propos de Bidex, Ic.^sUpra^ p. XIV, n. 3] Pr. Cumont dit des Mages hellniss : *.. ces Magusens d'Asie Mineure et de Msopotamie dont le synCftisme ctft

AtyuTrtio v^sTiO Zeii, / el Kpovo, v 'EXXoi AsXipoi; 'j^TtdXXwv.i,

*6o)v

bine le vieux mazdisme iranien d'abord avec l'astrlogi babylonienne, plus tard avec ls spculations ds thologien hellniques . Et dj sur Mni et les mystres de Mithra (Recherches sur le manichisme^ I, p. 72) : ^ Comme ceux-ci, les Mages perses tablis en Babylnie avaient admis, ct des antiques ttaditions du zoroastrisme, des croyances indignes qui remontaient en partie jusqu'aux anciens Chaldens j et aussi sur la source magusenne du Mithrasme, Rapport sur une mission Rome dans C. R. de l'Acad. des Inser., 1946, p. 418.(7) Alfird Pouchet, L'art grco-bttddhiqu (8)

j

du Gmdhara,tirage

Paris.,

1905-1923fait

On

a utilis pour ce qui

suit,

d'aprs le

part,

l'expos

par Pelliot

lui-

XYII le

route commerciale gui unit l'Asie mineure l'extrme Orient passe par Turkestan chinois. Mais les relations sont antrieures l'tablissement des Turcs dans le Turkestan. Elles sont l'uvre d'une population plus ancienne^

Im

Sogdiensferum...

conservrent

subjugus plus tard par les nomades Ta Yue-tche, 'd'ascendant pour iraniser leurs vainqueurs, Graecia capta Ceux-ci finirent par crer une civilisation nouvelle {p. f) : Ilset Bactriens qui,

assez

s'hellnisrent, ils s'iranisrent, enfin et surtout ils

s' hindouisrent.

A

l'Iran ils

peu de son protocole et de sa mythologie ; la Grce ses formules artistiques ; l'Inde le bouddhisme. Peu peu, vers le dbut de notre re, religion bouddhique et art bouddhique hellnis, empruntant la grande voie commerciale du Turkestan, se rpandent vers la Chine... Ces changes se faisaient grce une langue de culture qui tait gnralement ( i ) iranienne, soit sogdien, soit iranien oriental ( = langue II de Leumann) C'est par l que les caractristiques d'Ahoura Mazda et de son Paradis se transmirent Amitbha, dieu bouddhique de la Lumire infinie ; par l que les Mongols lamastes reurent pour Brah?na et Indra les deux noms qu'ils leur donnent encore aujourd'hui d'Azrua ( Zervan) et d'Ormuzd ; par l enfin que s'introduisit jusqu'en Annam une religion du Vnrable de la Lumire que proscrit le code annamite sous des sanctions que devraient lui appliquerprirent quelque.

=

si elle existait

encore,

7nais elle n'existe plus (2)

les

tribunaux franais

du

lieu.

C'est un phnomne du mme ordre qui se produisit la frontire commune du smitisme babylonien et de l'aryanisme iranien. Franz Cumont, s'en est expliqu plusieurs reprises, notamment, avec toute la clart souhaitable, dans

mme dansLitt.rel.,

au Collge de France, le 4 dcembre 1911 {Rev. d'Hist. et A. Meillet, Les nouvelles langues indo-europennes trouves en Asie centrale, dans Revue du Mois, 10 aot 1912, pp. 135 152 ; A. Meiet et M. Cohen,saleon

d'ouvertureet

1912,

pp.

97-119),

Les langues du monde, Paris, 1924. (1) gnralement , parce qu'il y a une exception : Le tokharien (= langue I de Leumann), qui a t tudi aprs F. W. K. MUer par Sylvain Lvi et Antoine Meillet, n'est ni iranien, ni indien : c'est ime langue indo-europenne qui pour le moment, comme rarm" Cf. sur le tokharien iB, Journal Asiat. 1913, pp. 311 ss. nien, demeure isole.

analogues dans ne formule d'abjuration impose aux manichens, cf. Une formule grecque de renonciation au judasme (Bormannheft der Wiener Studien, XXIV, 2, De langue iranienne taient aussi les Mazdens, cela va sans dire, p. 3 du tirage part. et les Manichens, ainsi que, pour une part au moins, les chrtiens nestoriens qui ont laiss des souvenirs en Chine (stle de Si-ngan-fou, date de 781), les juifs dont les descendants demeurent encore K'ai-fong-fou du Honan, et enfin Is premiers musulmans qui importrent leur religion en Asie centrale et en Chine,(2) Survivances

la prface:

XVII

aux Mages hellniss 'des liens se sont nous ds une poque ancienne entre ces deux civilisations, d'o en est sortie une troisime, intermdiaire entre les deux premires, celle des Magusens (i), ou Mages occidentaux, gui est peu prs tout ce que le monde grco-romain a connu du

Moyen

Orient.

Ces relations se sont constitues avant la rforme zoroastrienne en un temps o il n'tait pas encore interdit de rendre un culte Ahriman et ses dvas:

pourquoi Ahoura Mazda n'est pas pour les Magusens l'Etre suprme, en sorte qu'on ne lui manque pas, comme selon l'orthodoxie mazdenne, en s'adonnant mix pratiques magiques qui, avant l'intervention de Zoroastre, constituaient le culte traditionnel d' Ahriman et de sa squelle.et c'est

Les Mages que les Grecs ont le mieux connus n'taient pas des zoroastriens orthodoxes. Ceux avec qui ils ont eu les relations les plus directes et les plus constantes sont ces Magusens, prtres des colonies mazdennes qui s'tablirent ds l'ge des Achmnides l'ouest de l'Iran, depuis la Msopotamie jusqu' la mer Ege, et qui s'y maintinrent jusqu' l'poque chrtienne (2). Ces migrs, spars des contres o triompha la rforme de Zoroastre qui, dans sa rigueur originelle, ne put jamais tre que la loi d'une lite peu nombreuse, chapprent dans une large mesure son action; ils n'en adoptrent que partiellement les doctrines, et ils restrent ainsi plus fidles que leurs congnres de la Perse aux vieilles croyances naturistes des tribus iraniennes (3). Leur loignement de la pure thologie zoroastrienne fut favoris par le fait qu'ayant adopt une langue smitique, l'aramen, ils devinrent incapables, de lire les textes avestiques, et selon toute probabilit, ils ne possdrent aucun livre sacr crit en zend ou en pehlvi (4). De plus ces Magusens, tablis au milieu de populations allognes, furent par l mme plus exposs subir des influences trangres. Le propre de cette caste sacerdotale, la qualit dont elle se targuait avant tout, c'tait d'tre sage . Non seulement elle possdait la science des choses divines .et se flattait de pouvoir seule se faire exaucer des dieux, mais elle raisonnait aussi sur l'origine et les lois de l'Univers, sur

(1) Cf.

M,M. M.,a,

t.

I,

p.

9,

note Stort,

:

magus, qu'on

peut-tre

rapprochcf.

Mt^omcc/ao^, transcription de syr. d'ass. majj^. Cf. Boisacq,t.

magusays.

=

v. pers.

v. JVlxyot;

Gesenius,

s.v.TQ.(2) Sur cette diaspora

mazdenne,et Religions

M.M.M.

I,

Bruxelles, 1913, p. 12(3) Et ainsi

;

orientales, 4e

d.,

pourraient s'expliquer, quand mme ressemblances de leur magie avec celle de l'Inde antique. Leur situation l'gard de l'orthodoxie zoroastrienne est tout fait comparable celle des Juifs tablis en Egypte (cf. Albert Vincent, Les Judo-Aramens d'Elphantine, Paris 1937) l'gardavecl'Inde,

pp. 9 ss.; 16 ss.; Mystres de Mithra^, pp. 129, 133 ss. ils n'auraient eu aucunes relations directes

certaines

nouvelle orthodoxie judaque et de l'unicit du Temple. dire que leur langue tait exclusivement smitique, tandis qu'il arrive en pehlvi, langue proprement iranienne, que poussant l'extrme le systme du qer-ketib, on crive un mot smitique, par exemple malk (roi), l on en ralit l'on prononce le mot iranien corres-

de

la

(4) C'est

pondant(Cf.

shah A. Meillet,:

;

oule.

li

( moi) l oi l'on

prononce man

;

min (de)

l

o

l'on

prononce ,

etc.

[supra, p.

XVI,

n.

8]).

les

XIX

d'une dogmatique rigide et d'une morale de stricte observance, nous trouvons des doctrines d'une extrme souplesse et se prtant tous les syncrtismes. Aucune autorit thologique ne pouvait imposer aux Mages occidentaux un conformisme que leur dispersion mme devait exclure, et si leur rituel, scrupuleusement observ, parat avoir eu une grande fixit, leurs thories ne devaient pas s accorder mieux entre elles que celles des Chaldens qui, partags en plusieurs coles, se distinguaient, selon Sti-abon (16, I, i) par une grande diversit d'opinions (3).lieu

proptits de la nature et la constitution de l'homme (i). Lorsqu'aprs les conces prtres entrrent en contact avec les Chaldens de la Msoqutes de Cyrus (2) d'un clerg qui tait alors le plus instruit potamie, ils subirent fatalement l'ascendant du monde ancien. Dans ce grand centre scientifique qu'tait alors Babylone, ils apprirent en particulier l'astronomie et ils adoptrent sa sur btarde l'astrologie. Puis, aprs Alexandre, quand l'hellnisme s'implanta en Asie, leur curiosit toujours en veil s'intressa aux ides des philosophes, et ils subirent en particulier l'influence du stocisme, que des affinits profondes rapprochaient des religions de l'Orient. Entre ce ma5;disme de l'poque sleucide ou parthe et celui du clerg sassanide Au il y a toute la distance qui spare le judasme alexandrin de celui du Z^almud.

propre des recherches de Cumont. C'est avec ce fil conqu'il faut aborder, aprs les Monuments des Mystres de Mithra, Les Mj'^stres de Mithra, et les Recherches sur le Manichisme, 1908- 191 2 (4),

Tel

est le rsultat

ducteur

des relations aient dj exist, que des influences rciproques temps be^coup plus anciens. Le dieu babylonien Nergal, avant d'tre le dieu des morts, a t primitivement, comme Ahoura Mazda, un dieu de lumire, un dieu solaire (cf. E. Dhorme, Les Religions de Babylonie et d'Assyrie, Paris 1945, pp. 40-41). Le mme auteur rapproche (p. 61) Ahoura Mazda, le dieu des Achmnides qui se de l'accadien Shamash Soleil, roue flamboyante transporte, lui aussi, dans le disque ail

(1) Cf. injra, pp. 343 ss. (2) Mais il est possible que se soient dj exerces en des

=:

quatre rais, miinie d'ailes et parfois d'une queue d'oiseau ; p. 62 Shamash voyage le long du Zodiaque avec un cheval pour monture, parfois aussi dans une nef (comme en Egypte) ;p. p.

6364,

:

il il

donne

est enfin

la vie et fait revivre les morts, il est vainqueur de la nuit et de la mort ^ juge suprme et dieu de la justice : c'est un trait qui se retrouvera chez

Mithra, lequel, avant d'tre un dieu solaire, a peut-tre d'abord t la saintet du contrat (Cf. A. Meillet, La Religion indo-europenne dans Linguistique historique et Linguistique gnrale, I,1926,(3)(4)p.

Magesvieilli

344). helln.

I,

p.

VIle

ss.

Manichisme sont probablement ce qui de tout l'uvre de Cumont la dcouverte qui a t faite vers 1933 en Haute Egypte prs d'Assiout, un des berceaux du manichisme, et qu'il avait pressentie, A propos des Ecritures manichennes \lc. infra, p. XXII note], d'une prodigieuse collection de documents sur lesquels il a t le premier attirer l'attention du public savant en France {Rev. d'Hist. des Rel.y mars-juin 1933). Alors en effet que les crits trouvs par sir Aurel Stein, par Grnwedel et Von le Coq, et par Pelliot au Turkestan chinois sont pour la plupart postrieurs au villes,Les Recherches surle plus vite.

aura

La

raison en est dans

ont subi l'influence du bouddhisme, la nouvelle collection est trs voisine des origines contient les KscpXaia et les Epitres, le Livre des Hymnes, un commentaire de l'vangile vivant, un rcit du martyre de Mni, des mmoires sur la vie des premires communauts, enfin un recueil d'homlies des premiers disciples. Ces documents capitaux se trouvent en partie n Angleterre dans \^ collection Chestr en la de Berlin. Leset:

elle

Beatty,

partie

bibliothque

un lime clbre'de

XX

aussi important, sans Houle, que la Cit antique de Fustel Les Religions orientales dans le Paganisme romain (i) j et surtout -deux volumes moins accessibles au grand public, mais capitaux, fruit d'une troite collaboration avec son ami losefh Bidez, Les Mages hellniss (1938). Bidez devait montrer plus tard dans Es, ouvrage posthume publi en

Coulanges

194.5,

De

^^ iss.

:

CHAPITRE n.

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

115

dans l'au-del. Elles obtenaient tout au plus un court dlai de survie et la brivet ou la suppression de cette autre existence tait le chtiment de leurfaiblesse.

On

pouvait,les

il

est

vrai,

tirer

presque de l'ternit gnrale des peines et des rcompenses enseigne par d'autres penseurs, Mais les Stociens n'taient pas unanimes les accepter. Nous ne voyons pas clairement jusqu' quel point ils s'accordaient admettre que l'me,prive des organes corporels, ftservtla

mmes consquences morales

d'une immortalit conditionnelle et rduite et les mmes incitations au bien que

doue de sentiment, ni surtout qu'elle con-

se rattachant celle qu'elle possdait sur certain qu'une tendance nettement ngative se manifesta Rome parmi les sectateurs de Zenon. Pantius, l'ami des Scipions, l'un des hommes qui contribua le plus gagner les Romains aux ides du Portique, s'carta ici de ses matres et, cdant l'incrdulit des Grecs de son poque,)terre.Il

une conscience individuelleest

nia

absolument toute survivance personnelle Cette attitude fut dans la suite celle de beaucoup de stociens romains, parmi ceux qui reprsentrent le plus purement la tradition de l'cole. Le matre du pote Perse, Cornutus, dont nous avons conserv un petit crit, affirme sans ambages que l'me prit immdiatement avec le corps ^.. A ces ngateurs de toute survie de l'me s'opposa le stocisme clectique qui triompha dans le monde romain au premier sicle avant notre re, et combina avec le matrialisme profess par le Portique la doctrine de l'immortalit cleste enseigne par le pythagorisme. Nouis aurons reparler^ de ce syncrtisme qui depuis Posidonius jusqu' Snque devait remettre en honneur dans l'Ecole la foi en ime vie future, et opposer la quitude et la splendeur d'une autre existence aux tribulations et la mdiocrit de notre condition humaine. Mais Posidonius et ses mules sont dans le stocisme des htrodoxes,.

*

et

il

est significatif

n'y

ait

t

s'oprerdition

que leur action, pour puissante qu'elle se soit montre, L'on vit en effet ds la fin du premier sicle un redressement de cette dviation passagre, qui s'cartait de la tra-

que

transitoire.

gnuine des successeurs de Chrysippe.;

1.

gart,

2.3.

Cicron, Cmsc. I, 31, 79 192g, p. 12 s. Stobe, Ed., I, 922 (=Cf.nfra, ch.cit.

Benz, Das 'Codes-problem in der stoschen Philos., StuttI,

384, Wachsrmith).ss.

III, p,

157

4-

Bonhffef, E-pictetof.[p.

Sarth.,'te

und die Stoa, 1890, P.65SS. j Ethik des Efktet, 1894, p. 26 s. ; 113, n. 6], p. 193 ss. 5 Introduction de Souilh son dition d'pic-

(Paris,

1943).

li

LUX PERPETUA

En effet Epictte, esclave affranchi qui enseigna Rome sous Domitien et mourut en exil sous Hadrien (env. 60-140), marque dans tout son systme un retour aux conceptions de l'ancienne Ecole, et aucun reprsentant de celle-ci ne nia avec plus de dcision que lui la survie personnelle de l'homme. Audcs les quatre lments dont celui-ci est compos, se dissocient et sont absorbs par ceux dont est form le cosmos, pour servir engendrer de nouveaux tres. Toute conscience disparat avec la mort, mais cet accident futilefait partie

de l'ordre divin du monde

et

ne doit pas

tre regard

comme un

qu'il faudrait redouter ''. Cet pouvantail des ignorants est comme un masque tragique, qui cesse d'effrayer les enfants, ds qu'on le retourne^. Il

mal

faut s'exercei se reprsenter constamment sa fin prochaine pour dissiper les images dont la superstition entoure le trpas, et se dlivrer d'une crainte, qui est la principale source d'avilissement, de lchet, de bassesse en face de latyrannie^. Seul cet affranchissement nous donnera la pleine libert spirituelle et nous assurera une flicit sereine, comparable au calme d'une mer tranquille*'.

Lay,

vie terrestre suffit l'accomplissement de notre missionle rle,

;

nous

devons un

le quitter

que remplir quel ds que la pice est joue 5. Nous sommes convis sur cette terre somptueux festin, et celui-ci rserve une jouissance divine au sage quiqu'il soit,

le sort

nous a confi,

et savoir

modration des mets qui lui sont prsents*. S'il renonce la recherche de biens trompeurs, la poursuite de vaines illusions, le spectacle du monde apparat sa raison souveraine comme une merveilleuse ferie se sert avec

abandonner cette grande en sera donn, en remerciant la Providence Cet optimisme intgral, fortement affirm de lui avoir permis d'y assister rendait superflue et mme contradictoire toute hypothse d'*un par Epictte, tat meilleur obtenu dans une autre' existence.laquelleil

prend part

;

mais

il

est toujours prt

pangyrie, ds que le signal

lui

'

la terre qu'assurrent aux leons d'un humble peuple, leur dialectique ingnieuse et prenante, leur langage pittoresque et familier, autant que T'admiration pour la force d'me, le renoncement

Le succs auprs des grands de

homme du

1.

Datr., IV, 7,II,I,

2. Dati:,

3. Diatr., III,

15 ss. 15 s. ; cf. Plat., Phdon, p. 77 e 26, 38 IV, i, 30 ; cf. Barth., p. 207.;

;

Criton, p. 46

c.

4. Diatr., II, 18, 30. 5. Ench., 17.6.

Ench.,

15

;

cf.

Symbol.., p.;

378.}

7. Diatr., I, la, 21

II,

14, 23

III,

5, ro

;

IV,

i,

105

ss.

CHAPITRE

II.

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

117

rigoureux de cet ascte paen, donnrent ces conclusions ngatives un retentissement que devait prolonger le soin que prit Arrien de nous conserver lesEntretiens et le Mantcel de son matre vnr.

d'pictte sont d'un directeur de conscience qui veut une doctrine, d'un prdicateur qui s'efforce d'imposer sa dure piorale inculquer et comme tels ils sont suspects de quelque exagration ou parti pris. Mais nous avons d'autre part la confession d'un Stocien qui crivait, non pour le public mais pour lui-mme, en toute sincrit, et ce Stocien tait un empereur

Les Entretiens

;

:

Marc Aurle, Ses Penses sont d'un prix inestimable pour qui veut saisir l'tat d'me d'un des derniers adeptes de cette puissante philosophie, au moment o elle va cesser de rgner sur les esprits 1. Il semble tout d'abord que sur l'article de l'immortalit les ides de MarcAurle ne soient pas arrtes, et que sa pense hsite entre diffrentes possiSi T'me, crit-il, comme le Veulent les picuriens, est compose bilits. d'atomes, ceux-ci se disperseront aprs le dcs ; si au contraire l'esprit quiil peut ou s''teindre ou se transporter ailleurs. On peut toute sensibilit disparatra de l'me prive de son corps ou bien supposer que que, formant un tre diffrent, elle acquerra une autre sensibilit 2, Et la

nous

anime

est un,

rflexionle

du philosopheles

s'exerant sur ces hypothses,

il

se demandera, dans

cas

o

mes, conues par lui

l'air

qui les recevrait de

matrielles, survivraient, comment toute ternit pourrait contenir leur multitude sans

comme

cesse accrue.

Comme

la terre, rpond-t-,il,

o sont

ensevelis les corps

de tant

de gnrations passes, n'en a pas t remplie, parce qu'elle les a dcomposs pour faire place d'autres cadavres. Il faut donc croire que les mes qui migrent dans l'air, aprs avoir persist quelque temps, se transforment et que

s'enflammant elles sont recueillies par le Feu cosmique pour permettre d'autres mes, qui successivement quitteront la terre, d'occuper leur place. Ainsi, mme dans la supposition d'une survie, celle-ci est troitement limite :lesse

souffles ariens que len'est

moribond

expire, seront bientt changs en feu et8.

perdront dans la Raison universelle

Mais tout cecia t la

que spculation thorique. Si l'on se demande quelli conviction intime de l'empereoir philosophe, on constatera que la docp.

I.

Bpictet [supra,

Martha, Moralistes sous l'Empire romain, 8^ d., 1907, p. 115, n. 4], p. 59 ss. ; Barth., op. cit. [p.cf.

171

ss.

;

Bonhffer,

113,

n. 6],

p.

209

ss.

;

Rohde, tr. fr., p. 533. a. Penses, VII, 32 ; 3. Penses, IV, 21.

VII, 50

;

VIII, 58.

n8trine vers laquelleil

LUX PERPETUAincline est celle

de l'ancien stdcisme

;

la dissolution

du

compos humain en

ses quatre lments, qui sont aussi

ceux du

monde \ La

nature emploie la matire cosmique, comme l'artiste qui modle la cire, former perptuellement des tres divers, qui n''existent qu'un instant ^ soit que tout doive, un jour, tre dtruit dans une conflagration gnrale de l'univers, soit que celui-ci, par un perptuel renouvellement puisse atteindre une duretemelle, obtenue par une srie indfinie de mtamorphoses ; il faut se remmorer toujours la brivet et la fragilit des choses humaines condamnes '

promptement disparatre jamais. L'individu est une formation phmre, qui bientt s'vanouira dans le nant pour ne jamais plus reparatre dans la srie infinie du temps*. A contre-cur le penseur croit devoir nier mme que ceshros, donts'teignent

gaux des dieUx, soient assurs d'une survivance. Ils ; pour eux aussi il n'est d'autre dure qu'une persistance inconsciente dans le sein du grand Tout ". Le prince vieillissant tait obsd par la pense de la mort. Il invoque si souvent les raisons qui doivent nous empcher d'en prouver quelque effroi, que par l mme il trahit l'apprhension secrte que l'approche de sa fin cette ncessit, note-t-il, nous est impose par inspire son me sensible la nature, dont le cours est rgl par la Raison divine, et il serait impie de ne pas s'y soumettre docilement. En nous y conformant, nous atteindrons le terme de nos jours favorablement disposs comme si l'olive mre, en tombantil

fait les

comme

les autres mortels

:

bnissait la terre qui l'a porte et rendait grces l'arbre qui l'a produite '. De mme qu'aujourd'hui tu attends le moment o le foetus qu'elle porte sortira du ventre de ta femme, ainsi faut-il accueillir l'heure o ta petite mese

dgagera de

soii

fourreau

'.

Le terme de notre brve

existence est un

indident infinitsimal dans le droulement des phnomnes de l'univers. Tout ce qui se produit se rpte et se ressemble ; et le nombre des annes que dure

un spectacle toujours pareil importe peu, puisque le moment prsent, le seul qui nous appartienne et que nous puissions perdre, nous rvle la fois le pass et l'avenir ^ D'ailleurs l'exprience de la vie doit nous engager abanPenses, Penses, 3. Penses, 4. Penses, 5. Penses, 6. Penses, 7. Penses, 8. Penses,1.

2.

IV, 5 ; IV, 32, 3 VII, 23.

,

VIII, i8 et passim.

X, 7 X, 31

; 5

cf.

V,

13.

XII, 32.

XII, 5. IV, 48, 4. IX, 3, 4. Cf. infra, N. II, 14 j VII, 49.

C, VI.

CHAPITRE

II.

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

119'

donner sans regret la socit dcevante et corrompue de nos semblables Bien plus, le repos dfinitif o sont abolis les impressions des sens, les impulsions de l'instinct, les divagations de la pense, le service de la chair, est, non point nuisible, mais profitable *. Au dclin de ses jours, le vieillard multiplieainsi les considrations propres

.

faire accepter

le trpas

sans rvolte et san^i

Mais sa morale purement terrestre ne lui reprsente jamais la ncessit d'Une rtribution posthume, de rcompenses et de chtiments d'outre-tombe. Il n'exprime nulle part, comme Platon ou comme Snque, l'espoir qu'il puisse retrouver dans l'au-del ceux qui ont vcu pieusement et s'entretenir dans un monde lumineux avec les sages d'autrefois. Son horizon, comme 'celui de son matre pictte, est limit cette vie, o la vertu/ trouve en elle-mme sa raison d'tre. Peut-tre Marc Aurle a-t-ll t conduit nier avec plus de rigueur toute immortalit par son opposition aux chrtiens, qu'il a perscuts, et dont, dans les Penses mmes, il condamne l'obstination, trop thtrale faiblesse.

son gr'.

D'o vient que

les successeurs

de Zenon, dont nous venons de rappeler

les

variations, aient t aussi hsitants sur un point dont, aprs seize sicles de christianisme en Gaule, nous parat dpendre toute la conception de la vie

humaine ? Sans doute les penseurs de la Grce classique n'ont-ils jamais suborelle reste toujours pour eux l'objet donn cette vie une autre existence essentiel de leurs proccupations, et le sort de l'me aprs la mort n'est, pour leur sagesse terrestre, qu'une question accessoire. Mais pour le PortijQt^e surtout,:

leslit

thories eschatologiques n'avaient qu'une valeur secondaire et leur variabin'atteignait pas l'essentiel du systme. Le vrai stocisme place en ce monde

idal. Le but de notre passage ici-bas n'est pas, pour lui, la mort, mais la conqute de la veirtu parfaite. Celle-ci, nous prparation l'avons dit, en affranchissant des passions celui qui l'a atteinte, lui donne l'indpendance et la flicit. L'homme peut parvenir par lui-mme une bala ralisation la

de son

titudetre

heureux, est

complte qui ne dpend pas des limites assignes sa dure. Le sage, un dieu sur la terre, et le ciel ne peut lui rserver davantage *.

Penses, IX, 3, 5, etc. Penses, VI, 28. 3. Penses, XI, 3, a; cf. Festugire, La Saintet, Paris, 1942, p. 68. 4. L'ide d'xm sage suprieur rhumanit est commtxtie toutes les coles, et elle a t fortement affirme par les Cyniques. Mais l'orgueil stocien est all dans cette voie plus loin qu'aucune autre philosophie grecque, car non seulamcnt il affirme que le sage, l'immortalit prs, est semblable Dieu (Snque, De const. sa-pientis, VIII, 2), mais il va jusqu' soutenir qu'il lui est certains gards suprieur {Efist., LUI, 11, cf XCII,1.

2.

.

120

LUX PERPETUA:

Aussi pour ces philosophes la rponse la question Qu'advient-il de nous aprs la mort ? ne dpend pas autant que pour les modernes de proccupations thiques. Elle est plutt une consquence qu'on tirait de thories physiques

ou psychologiques.

Or

si

ces thories admettent des solutions diverses

talit, elles s'opposent

absolument

la foi

du problme de l'immoren l'existence d'un Hads souterrain.

Fondes surla

les proprits des quatre lments, elles sont incompatibles avec traditionnelle ; car suivant la cosmologie du Portique, lorsqu'aprs croyance chaque destruction de l'univers, celui-ci se reconstitue, la terre, qui est des quatre lments le plut lourd, se prcipite au centre du monde et s'y agglomre en

sphre; sur celle-ci s'talent les eaux, dont la densit est moindre et qui rendent humide une portion de l'air qui les entoure ; enfin au-dessus de l'air s'incurvele

cercle brlant

solide et pleine,

immense,supposer,ports aul'ther,

la

de l'ther. Il s'ensuit que la terre doit former une masse! non un globe creux, capable de recevoir dans un hypoge foulei Innombrable des morts ^ En outre, s'il est impossible delei

ciel corps et

voulait la mythologie, que certains hros ont t transcar le corps form de terre ne peut s'lever dans me, inversement les mes, souffles ardents forms d'air et de feu, ont une

comme

tendance naturelle s'lever et ne peuvent se porter vers le bas pour s'enfoncer dans les entrailles du sol^. Mme s'i elles sont alourdies par leur contact avec la matire, elles flottent dans la partie infrieure de l'atmosphre^. Ainsi toutes les notions vulgaires sur les Enfers paraissaient anti-scientifiques, et ellestaient condamnes mme par les stociens clectiques qui avaient adopt la doctrine pythagoricienne d'une immortalit prolonge jamais. Sextus Empiricus* nous a conserv un extrait curieux de la polmique de Posidonius contreles fables

du

vautours. Mais

Tartare. Titye, selon Homre, est perptuellement rong par deux s'il est sans me, celle-ci tant le sige des sensations, comment

peut-il souffrir

ment,

s'il

comment

? Et pour Tantale, priv de boisson et de nourriture, commortel, ne prit-il pas faute d'aliments ? et s'il est immortel, peut-il tre tortur ? car un tre immortel serait par sa nature mme

est

soustrait la souffrance.

,

p.

; LXXIII, 12-14). Mme prtention dans l'hermtisme, Poimandrs, X, 24 (Ij 125 et note 87 Nock-Festugine) ; et encore chez matre Eckhart, trad. Gandillac, pp. 248-258 ; trad. Petit, pp. 138-139. 1. Servius, En., VI, cf. Pline, H. N., Il, 63, 158 ; cf. infra, ch. IV. 127 2. Sextus Emp., VI, 69 ; Cic, Vuse., 1, 17, 40 ; cf. Symbol.) p. 124. 3. Cf. infra, ch. IV. 4. Scxlus Emp., VI, 60.

3,

27, 30

;

CHAPITRE

II.

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

121

Ainsi leur psychologie, comme leur cosmologie, obligeait tous les Stociens sans exception rejeter la mythologie infernale. Cependant certains d'entre eux la mentionnent, mais conformment leur habitude, ils usent des termes

en leur prtant un sens allgorique la descente dans l'Hads n'est eux que le dcs, le transfert de l'me dans un nouveau milieu c'est pour ainsi qu'pictte, qui emploie cette expression', dclare nettement dans un Il n'y a point d'Hads, point d'Achron, point de Cocyte autre passage et de Pyriphlgton, mais tout est plein de dieux et de dmons ^, ces dieux et ces dmons eux-mmes n'tant d'ailleurs pour le philosophe que des personnifications des forces de la nature ^. Si l'on parle des fleuves infernaux, onreligieux:

:

:

pourra les interprterzones suprieuresparralit les

comme

du monde *. Mais ce systme d'exgse symboliquersultatil:

tant les lments, et les transporter dans les aboutissait

il abolissait en qu'une ngation directe ne sauvegardait que l'apparence, et s'il en prolongeait l'existence verbale, c'tait en les vidant de leur substance. La vritable doctrine stocienne est donc que les mes, lorsqu'elles quittent le corps, subsistent dans l'atmosphre un temps plus ou moins long, mais qu'aprs un certain dlai elles se dissolvent dans l'air et le feu cosmique, comme le font aussi, dans les lments dont ils sont forms, la chair et les

un dtom* au mmetraditions

dont

os

du

cadavre.

Et cette pense,rises

comme

le nihilisme picurien, se

dans les pitaphes, et montre

comment:

les ides stociennes s'taient

manifeste frquemment vulga-

et rpandues dans les masses Ainsi sur une pierre tombale de Msie, aprs avoir constat mlancoliquement que chez les morts il n'y. a ni amour, ni amiti, et que sa dpouille gt comme une pierre enfouie dans le j'tais auparavant compos de terre, d'eau et de sol, le dfunt ajoute:

souffle arien

rendu au ayant j'ai pri je repose (uveO{xa); Tout. C'est le sort de chacun. Mais quoi D'o mon corps est venu, l il est retourn lorsqu'il s'est dissous*. Parfois on insiste davantage sur l'ideetici

mais

tout

!

que ce souffle cosmique, qui recueille le ntre, est la divinit qui remplit et l'esprit sacr que tu portais s'est chapp de ton corps gouverne l'univers ce corps reste ici semblable la terre ; l'esprit suit le ciel qui tourne, l'esprit:

;

1.

2.3.

Epictte, Diatr., 11,6, 18 ; cf. III, 26,4: KGoSo.;. Epict., Diatr., III, 3, 15.

4.5-

Bonhffer, Efict. [sufra, p. 115, n. 4], p. 65. Symbol., p. 125, n, 5 et 6. Arch. pig. Mitt. aus Oesterr., VI, 1882, p. 30 (Tomi).

122

LUX PERPETUAtoutes choses, l'esprit n'est autre que Dieu^, Ailleurs onlalit

ment

cette brve

formule qui rsume a enlev mon me.

mme

ide^

:

Les cendres ont

mon

corps, l'air sacr

romainTerre

:

Me

est

une

Trs caractristique est cette inscription d'un tombeau voici morte et je suis cendre ; cette cendre esjt terre ; si la ^ Un lieu desse, moi aussi je suis desse, et ne suis pas morte.

commun, souvent rpt, veut que la vie soit un prt que noua recevons de la nature et que nous lui restituons au dcs * par l mme qu'elle nous a fait natre elle nous condamne au trpas^. C'est une dette que nous acquittons:

envers elle en rendant chacun des lments ce qui lui est d^ Ces vers expriment, sous des formes diverses, la mme grande pense la mort est la disparition dans le sein de la nature divine. Ce n'est pas la con:

servation d'une personnalit phmre qu'il nous faut esprer. nergie fugace, dtache du Tout, notre me doit y rentrer comme notre corps ; tous deux sont absorbs par Dieu. Le souffle de feu de notre intelligence, comme la

matirepuisablecieux.

et les

quj, les

humeurs de nos organes, sont recueillis dans le rservoir ina produits, de mme que le seront un jour la terre et less'abmer

Tout doitoubli.

dansle

le

mme

ensemble^

se

perdre

dans

le

mme

Lorsqu'il

atteint

terme

fatal^

l'homme s'vanouit dans

la

puissanceloi

uniqueest

qui

astres fatigus

quand

forme et rgit l'univers^ comme s'y teindront les leurs millnaires seront rvolus. La rsistance cette

suprme

des choses

est

mission aula

vaine et douloureuse, la rvolte contre l'ordre irrsistible impie. La grande vertu qu'enseigne le stocisme est Ja souDestin qui conduit le monde, l'acceptation joyeuse de l'in-

luctable, selon les arrts irrvocableslittratureet les

de

la

Raison divine. Sous mille formes

philosophique pitaphes ressassent le prcepte que, ne pouvant nous opposer au sort omnipotent, il nous faut supporter ce matre, parfois rigoureux, sans larmes et sans rcriminations. Le sage qui dtruit enlui le dsir

de toutes

les

contingences jouit d'un calme divin^

mme

sur cette

CIL, XIII, 8371, Cologne. Corpus habent cineres, animam sacer abstlit aer. CIL, ni, 6384 (Salone) Mortua heic C. E., 1353 (cf. 974) 3. Dessau, 8168 ego sum, et sum cinis is cinis terra'st, / seive est Terra dea, ego sum dea, mortua non sum. Vettius Valens, p. 330, 33? 4. Snque, Rem. fort., II, 4 Epict., Diatr., i, i, 32 Kroll ; cf. Rohde, Psych, II*, p. 394 (= tr. fr., p. 586, n. 5). et Mors hominum natura, non poena est. Cui E. 1567 contigit nasci, instat 5._C. mori . Rapprochements avec Snque Hosius, Rhein. Mus,, 1892, XLVII, p. 463. 6 Epitaphes grecques cites, Inscr. du Pont, 143 (p. 154). En latin, C. E., 183 ; CIL, Tam subito debitum naturae cum redderet VIII, 16410 t^hes. l. L s. v. De; bitum , p. 106, ai s. ; Brehlich, p. 40, p. 83 ; Lattimore, p. 170 ss.I.

z.

=

:

:

;

;

;

:

:

:

CHAPITREterre,,

II.

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE;

123

au milieu des tribulations mais ceux que poussent et que tiraillent les de la vie, qui se laissent sduire et affliger par des illusions, vicissitudesobtiendront la rmission du trouble qui les agite lorsqu'ils atteindront le havre tranquille de la mort. Un distique souvent reproduit sur les tombeaux en grec et en latin exprime cette pense Je me suis sauv, chapp. Esprance et Fortune, adieu plus rien entre vous et moi, jouez-vous des autres 1,:

de l'astrologie, de Babylonie et transplante en Egypte, rpandit depuis le li^ sicle avant notre re dans le monde grco-romain sa conception mcanique et fataliste do l'univers. Suivant cette pseudo-science, les phnomnes physiques, comme le caractre et les actes des hommes, dpendaient absolumentstocien est en liaison troite avec celuiqui; originaire

Le dterminisme

des rvolutions des corps clestes

^.

Ainsi toutes les forces de la nature et

l'nergie l'intelligence agissaient suivant une ncessit inflexible. Ds lors le culte devenait sans objet et la prire sans effet. De fait l'on vit

mme de

divination sidrale, qui avait grandi dans les temples de l'Orient, aboutir en Grce chez certains de ses tenants une ngation du fondementcette

mme deconservs

Il est remarquable que dans les crits qui nous en sont jamais question de l'immortalit de l'me. Lorsqu'on y. parle de ce qui vient aprs la mort, il ne s'agit pljus que des funrailles ou de la gloire posthume ^ On n'y voit jamais qu'on promette au malheureux

la religion.

il

ne

soit

que l'adversit inflige par les toiles hostiles, accable de traverses et d'infirmits, une consolation ou une compensation dans l'au-del. L'astrologie scientifique des

subsiste des tracesait

Grecs limite son horizon cette vie, bien que dans son vocabulaire de la croyance l'Hads*, et que dans les mystres elle

toute immortalit, elle se

inspire certaines thories eschato logiques ^. En faisant ainsi abstraction de conforme la tendance qui dominait dans le Por-

tique

au moment o

elle se rpandit.

Evasi, effugi, spes et fortuna vakte /, nil mihi 1. C. E., 1498 CIL, VI, 11743 CIL, XI, 6485 ; C. E., 409 vobiscum, ludificate alios ; et. C. E., 434 CIL, IX, 47, Fortuna spondet multa multis, C. E., 185 56 CIL, I, loio praestat nemini.En Cf. Roscher, Lexikon, s. v. "EXttk;, col. 2455, 20. grec, Anthol. Pal., IX, 49, 134, 172. L'origine stocienne (et non picurienne) est prouve par l'pitaphe de Snque (Riese, Anthol. lat., 667) et surtout par Vettius Valens, p. 219, 26 ss. Kroll. Cf. Lattimore,:

;

= =

=

=

:

p.

156.2.3.

Bouch-Leclercq, Astrologie grecque, 1899, p. 28

ss.

Cf, infra, ch. VII, dbut.

Egypte des

astral.,

p. 202 ss.

5.

/{..Symbol., p. 38 s. Cf. infra, ch. V.

124

LUX PERPETUA

II.

La ngation d'picure.

Si le stocisme au cours de son histoire s'est montr hsitant et souventrticent devant le mystre de la mort, l'autre grand systme qui partagea sa domination sur l'esprit des Romains, l'picurisme, fut l'adversaire passionn de la foi en l'immortalit comme des autres croyances religieuses ^ Mais si.

les

deux coles aboutissent peu prs et

la

mmevertu,

ngation, elles y sont parl'autre

venues par des voies diffrentes,ses,

en tirent des consquences morales oppola

l'une

exaltant

l'action

conforme

recommandant

la

quitude d'une retraite cache^. picure fui conduit nier toute survivance par les principes mmes de l'atomisme qu'il emprunta Dmocrite^. L'me, pour lui, n'tait point une, elle ne constituait pas une entit indivisible elle tait un assemblage d'atomes. Ces atomes, forms d'air et de feu, taient d'une subtilit et d'une mobilit:

extrmes, puisque rien n'gale la vivacit de l'me. Celle-ci, rpandue dans tout le corps, tait la fois l'nergie vitale qui entretient notre organispae, et le principe de l'intelligence et de la volont. Elle naissait avec le corps

au moment delui

dissait et se fortifiait avec lui

la procration. Faible tant que celui-ci tait frle, elle granmais elle souffrait aussi en ; temps que

mme

de toutes

les

maladies et ressentait tous ses maux. Puislui,

elle vieillissait et

dprissait elle devait

commeaussi

et puisqu'elle arrivait

simultanment la dcrpitude,

ncessairement prir lorsqu'il mourait. Ds qu'elle n'tait plus retenue et maintenue dans son enveloppe corporelle, elle se dissociait la liaison transitoire des atomes qui l'avaient produite tait jamais abolie.;

Leque

souffle vital que le

dans

moribond expirait, battu par les vents, se dissolvait disait picure, comme un brouillard ou une fume, avant mme l'air, le corps ft dcompos *. C'tait l d'ailleurs une conception, si ancienne

1. Zeller, Phil. Gr., III, i, p. 420 ss. ; Guyau, La morale d'Epicure, 3 d. (1886), p. 103 ss. ; C. Martha, Le pome de Lucrce, 3e d., pp. 113-172; IJseaer, Epicurea, 1887. 2. Cf. Festugire, Epicure, 1946, p. x ss.

nature 3. Cf. supra, p. iio j Rohde, tr. fr., p. 534 ss. Sur la physiologie d'picure, la de l'me et la peur de la mort, cf. Constantin Vicol, Cicrone e l'epicureismo dans Ephemeris Daco-Romana, 1945, p. 215 ss. 4. Symbol., p. 121, n. i ; Fnedlnder, Sitteng., IV s, p. 3665 Cf. C. E., 59p.

CHAPITRE

II,

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE;

I25

et l'ide que la vioqu'Homre avait dj us d'une comparaison semblable lence du vent peut agir sur les mes dsincarnes comme une force destructrice, tait dj familire aux enfants d'Athnes du temps de Platon'. Maissi

comment des fantmes

l'me se rsout ainsi, aussitt aprs la mort, en ses principes lmentaires, peuvent-ils venir nous effrayer durant les veilles, ou des tres aims nous visiter dans nos rves. Ces simulacres (siocoXa) ne sont

pour picure que des manations de particules d'une tnuit extrme que leur forme les corps mettent constamment, et qui conservent quelcjues temps ces particules, comme la couleur et le parfum, agissent sur nos et apparence sens et veillent en nous l'image d'un tre vanoui'. Toutefois les atomes;

la nature

dont l'me tait compose sont indestructibles. Imprissables, ils permettront de domier naissance de nouveaux tres, peut-tre semblables aux prcdents ; mais aucune conscience de leur liaison ne runira l'ancien hommeau nouveau,si celui-ci voit le jour.;

Nous sommes donc vous l'anantissement mais ce n'est point l un sort redouter. La mort qui passe pour le plus horrible des maux, n'en est point un en ralit, puisque la destruction de notre organisme abolit en lui toute sensibilit*. Le temps o nous n'existons plus n'est pas plus pnible pour nous que celui o nous n'tions pas encore^. De mme que Platon avait conclud'une prexistence suppose de l'me sa persistance aprs le dcs, picure tirait de notre ignorance d'une vie antrieure une conclusion oppose ; et cetteconviction que nous prissons tout entiers pouvait seule, suivant lui, assurer notre tranquillit intrieure en nous dlivrant de la crainte des tourmentsternels*.n'est pas de doctrine du matre sur laquelle ses disciples insistent avec de complaisance ils le louent d'avoir affranchi l'homme des terreurs de l'au-del, ils le remercient de leur avoir appris ne pas redouter le trpas sa philosophie leur apparat comme la libratrice des mes^. Lucrce dans son II le Livre, dont les philosophes du XVlIie sicle se plaisaient clbrer les mrites, prtend avec une sorte d'exaltation bannir des curs cetteIl

plus

;

;

1.

Homre,',

//.,

W, loo;I.

Platon,

Phdon,

70

A

;

77

D;

80

E

5

84 B;

cf.

Symbol.,

iio2.3.

supra, ch.

4.5-

6.

Lucrce, simulacra, IV, 34 ss., Usener, Epicurea, 60 ; 61 ; 71, 8. Lucrce, III, 830 ss. avec les notes de Heinze et d'Ernout-Robin. Fragm. 30, 8 ss., p. 73, XI, Usener; Lucrce, III, 37 ss. Martha, op. cit. [p. 124, n. i], p. loa ss.cf.

Sur

les edla,

ou

liv.

avec les oommeintaires.

126

^UX PERPETUAde l'Achron qui trouble jusqu'au fondla vie

crainte

humaine ^

. le

Le sageroyaume

voit se dissiper toutes les fictions cruelles dont la

Fable a peupl

des pouvantements, et il trouve un calme bienheureux, l'ataraxie parfaite, lorsqu'il s'est dbarrass de cette apprhension de la mort qui hante le vulgaire, rpand sur toutes choses un voile lugubre et ne laisse aucune jouissance

mlange. Quelques rserves qu'on puisse exprimer sur l'ensemble des conceptions d'picure, il a certainement rendu un service minent en dlivrant les esprits des terreurs chimriques de la mythologie du Tartare, comme de l'illusion que le corps continuait tre sujet aux besoins et la souffrancesans

dans

la nuit

du tombeau.

Cette doctrine, que Lucrce avait prche avec l'enthousiasme d'un nophyte conquis ha vraie foi, eut Rome un vaste retentissement 2. Nombreux taient

dans l'entourage de Cicron ses adeptes, parmi lesquels Cassius, le meurtrier de Csar. Salluste n'hsite pas mettre dans la bouche de Csar lui-mme, parlant en plein Snat, l'affirmation que la mort, repos des tourments, dissipe les maux des hommes et qu'au del il n'y a plus ni Joie, ni souci s. Les

hommes de

science surtout sont ports vers ces thories

:

Pline l'Ancien,

dans un passage clbre, aprs avoir dclar catgoriquement que l'me et le corps n'ont pas plus de sensations aprs le dcs qu'avant le jour de leur Malheureux, quelle naissance, termine par une apostrophe vhmente O les cratures troufolie est la vtre de renouveler la vie dans la mort veront-elles jamais le repos, si le sentiment reste aux mes dans le ciel, aux ombres dans les enfers ? Cette crdulit complaisante nous fait perdre le plus grand bien de notre nature, la mort, et redouble les douleurs de la dernire heure par l'apprhension de ce qui suivra. Si vraiment il est doux d vivre, pour qui peut-il l'tre d'avoir vcu ? Combien plus aise et plus certaine est la croyance que chacun peut tirer de sa propre exprience, lorsqu'il: 1

se reprsente sa tranquillit future d'aprs celle qui prcda sa naissance . Dans une de ses tragdies, uvre de jeunesse, Snque fait dclamer parle

chur des Troyennes une longue profession de1.

foi

du plus pur

picurisme.

humanam2.

Lucrce, III, 38 ss. Et metus ille foras praeceps Acheruntis agendus / funditus qui vitam turbat ab imo. Zeller, /. c, p. 37a ss. ; Friedlnder, Sittengeschichte, IV ^ Epicuriens Rome:

p.

366.;

3. Sali., Catl., 51, 20 Dessau, Index, p. 945.

52, 13. Cf. les

nombreuses

pitaphes

Perptuad Securitati

4. Pline,5.

H. N., VII,

s^,

io.ss.

Snque, Vroad., 382

CHAPITREAuli:,

16,.3.

39.

La plupart des passages de Snque relatifs cette eschatologie ont dj t runis par Badstbner, Beitrge zur Erklrung der philosophischen Schriften Senecas, Hambourg, 190X, p. 10 ss.

.CHAPITREjamaist

III.

L'IMMORTALIT CLESTE

165

le sectateur rigoureux d'aucun systme dogmatique. Il prtend l'gard des sages qu'il admire^ l'indpendance de son jugement * garder S'il condamne l'hdonisme des picuriens, il ne s'est pas fait faute de citer.

de louer picure ^. Il a concd au scepticisme de l'Acadmie que, dans poursuite de la vrit absolue, l'intelligence humaine en ce bas monde n'atteint que la vraisemblance ^. Dans sa premire jeunesse, il s'tait pris passionnment de l'asctisme de Sotion, au point de pratiquer son vgtarisme*. La largeur de son esprit conciliant l'inclinait aussi cder , la sduction de ces perspectives radieuses que Pythagore et Platon avaient ouvertes sur la destine future de l'me. Mais Juste Lipse a dj relev les variations de Snque sur l'article de l'immortalit ^. Pas plus sur ce point que sur les autres, ce moraliste du grand monde ne s'est beaucoup souci d'tre toujours consquent avec lui-mme, et il n'a jamais prtendu prsenter un systme logiquement cohrent. Il serait ais de noter le flottement de sa pense ondoyante dans ses ptres, crites sous l'impression du moment. Pour combattre la crainte du trpas, il n'hsite pas invoquer l'argument picurien que nous retombons aprs cette vie dans l'insensibilit qui prcda notre naissance. Ou bien il la mort est une fin ou un passage". reprend l'alternative clbre de Platon il prsentera la survie de l'me comme une simple hypothse'', ou Ailleurs, comme un beau rve*. De fait, il n'a pas cru qu'elle ft strictement dmontrable mais, puisque selon lui, dfaut de la connaissance du vrai, l'esprit humain devait se contenter du vraisemblable, cette doctrine se recommandait suffisamment ses yeux, comme celle de l'existence des dieux, par le consenet

sa

:

;

tement universel

des peuples

^

et

par l'approbation des sages minents qui

l'avaient enseigne'".1.

S'il repoussait,

comme

tous les Stociens, les fables g

duss,;

Episf., 45, 4.

Barth-Goedeckemeyer,2.3.

Cf. Martha, Les moralistes sous l'Empire romain, 8^ d., p. Die Stoa^^ 1940, p. 154. Cf. l'index de l'dtion Haase, s. v. Epicurei , Epicurus .153108, 17.;

Barth-Goedeckemeyer, p.

4. Epist.,5

6.

et9,

Juste Lipse, Phlosopha Stoicorum, III, 11. Consolatip. ad. Marciam, 19, 5. Cf. Pline, H. N., VII, ^t^^ 188, Ep. 54, 4 77, II L'alternative est dveloppe surtout dans Consolatio. ad Polybium, infra, note 8.

;

2-378.

^

Epist.,

Epist. 63, 16 ; 76, 25. Cf. 108, 17 ss. 102, dbut. De mme la Consolatio

ad Marciam, malgr l'argumentation

picurienne du 19, 5, qui va jusqu' affirmer que Mors nec bonum nec omnia in nihil redigit . 9- Consentement universel Epist. 117; 6 102, 2. Cf. Cicron, supra p. 10. Approbation des sages Epist. 63, 16 j 102, 2.:

malum164.

...

;

:

i66

LUX PERPETUAet jugeait

'

'

''

[

Tartare

mentIl

s'attachait

au dogme, introduit dans

oiseux qu'on s'attardt encore les combattre', son sentile Portique, de l'immortalit cleste.,;

^ elle est pour lui une foi, souvent l'impose en certains passages avec force professe, une conviction, qui est la conclusion naturelle de toute sa psychologie^. L'me pour lui, comme pour tous les Stociens, est une substance matrielle *, mais forme d'un feu d'une subtilit extrme ^. Elle est descendue

par suite de son origine mme, y remonter'', car une identit de nature; aux divinits qui agissent dans le par cosmos*, et particulirement aux astres. Mais cet esprit divin est joint un corps sujet la mort 9. Il le possde en vertu mme de sa condition humaine, et c'est pourquoi il prouve pour lui de l'inclination et de l'attachement '\ Ce corps a le pouvoir d'agir, non seulement sur l'tat physique, mais sur l'activit intellectuelle de l'homme ". Cependant Snque tablit entre cette gangue de glaise et l'me, issue de la sphre cleste, une opposition radicale, qui est trangre l'ancien stocisme. Notre organisme, fragile enveloppe, expose toutes les infirmits, tous les accidents'", est pour l'me une cause de soucis et de troubles incessants. Il faut n'avoir avec lui que les rapportsciel^,et

du

elle

aspire,

elle est unie,

indispensables

*^,

se

soustraire autant

dominerle

non se laisser asservir par pouvoir de dtruire le feu subtil quiet

que possible son contact malsain, le lui'*; car bien que le corps n'ait pasle pntre, il l'oppresse et le contrarie,

Fables du Tartare : cf. supra, ch. II, p. 120. 57, g ; Consol. ad. Marciam, 24, 5 ss. l. c, p. 165 ss. 3. Comme la bien montr Barth, Animus corpus est. 4. Epist., 106, 4I.

a. E-pst.,

;

De

brevit. vitae, 19,

i.

:

^7^ Snque combat la doctrine singulire de certains tait cras sous un poids norme, l'me tait aussi rduite que en pices, ne pouvant sortir du corps. Pour notre philosophe, sa subtilit mme lui permet de s'chapper. Juste Lipse {l. c.) a retrouv une trace de la mme aberration Obtritum cadaver animam stocienne dans Stace, Zihbade, VI, 885 propriis non red5. E-pist., ^j, 8si;

Stociens,

un homme

50, 6.

Epist.

^

:

didit astris ,6.

Consol ad Helv.,Epist., 92, 30;

6,

7;

;

n? 779j 127.

j ;

Epist.,

120, 15.5.

7.8.

41, 5

Consol. ad Marciam, 24,

Consol. ad Helviam, VI,

9. Cf. l'expos de Barth, op. cit., p. 165 ss. 10. Epist., 14, I. Cf. Symbol. 21, n. 7 ; 364, n. 4. II. Dial., IV, De ira. II, 19, i.

12. Consol. 13. Epist., 14.

Marc, XI,

3.

De

78, 22. vita beata, 8, 2

;

Epist.,

58, 23

;

92, 33.

CHAPITREet il

III,

L'IMMORTALIT CLESTE

167

l'empche d'atteindre le btit auquel la nature le destine. Il est un poids) celle-ci se sent accable par sa qu'une peine pour l'me et demeurerait sa captive, si la philosophie ne la ramenait des procpression, ^ * elle se Cette vasion lui rend la libert cupations terrestres vers le cielen

mme temps

:

.

;

la prison o elle est retenue, est rconforte par la condes tres clestes. Aussi le sage a-t-il hte de briser dfinitivement templation les liens qui l'enchanent^, de sortir par la mort, d'une gele troite, de quittersoustrait

ainsi

ce corps

qui n'est pour lui qu'un logis malsain,il

o

qii'uneainsi

enveloppe dont

se dpouille

comme

il est passagrement hberg*, d'un vtement'', et de rompre

ceset

toute cohabitation avec un ventre dgotant et ftide . Dans tous dveloppements souvent rpts, Snque parle comme les Pythagoriciens les Platoniciens, et sa rhtorique elle-mme renchrit sur eux. Le sage est un dieu sur la terre ', et lorsqu'il la quitte il rtourne vivre^.

Mais la plupart des hommes parmi les astres dans la socit de ses gaujc il faut que leur me sjourne ne s'lvent point une telle perfection quelque temps dans la zone voisine de notre globe pour y effacer les tares contractes dans cette vie mortelle" ; elle est pu,rifie de ses souillures par:

les lments entre le ciel et la terre, d;ans cet espace plein d'effroi, o le tonnerre et la foudre, le souffle des vents, les prcipitations des nuages, de la neige, de la grle provoquent comme un tumulte incessant '". Allge du

poidsesprits

de

ses fauites, elle s'lance vers les hauteurs clesteset.

o

elle retrouve les

bienheureuxdU| pass*'

peut s'entretenir avec

le

cnacle sacr

des grands

hommesessence,

C'est sa

parent originelle avec les dieux, c'est la communaut d'une mme qui inspirent l'esprit humain le dsir de s'occuper des choses

1.

E-pist.,

65,

1616.

s.

;

De

tranquill.

anmae, XI,

i.

2.3.

Efist., 65,

Cons.Bpist.,

ad Marciam,120,14.

4.5.

6.

Corpus domicilium obnoxium ; 102, 24; 70, 16. Corpus animi est velamentum . Cons. ad. Marciam, 25, i Ef., 92, 13 Efist., 102, 27, s'oppose la doctrine picurienne sur le plaisir du ventre. Cf. supra,65, 21:

Cf.

Z'i,

2

;

Cons. ad Polyb., g,:

3.

;

en.

II,

p.

141, n.

2.;

7>8.

Consol. ad Marciam, 26

Consol ad Helvam, 20, 2

;

Consol. ad Helvam, XI, 5. Cf. Symbol., p. 264 ; p. 271. Quaest. nat. I, Prolog. 12. Cf. Symbolisme, p. 128 ss.I,

9-

10.P-

Consol. ad Marc, 25, i ; Cons. ad Helv., 20, 2 ; Quaest. na