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Coup de frein pour la grande vitesse en Chine LE RAIL - MAI 2011 - N°176 - 6,50 RETOUR DU TRAIN À LA JAMAÏQUE RETOUR DU TRAIN À LA JAMAÏQUE M A I 2 0 1 1 N° 176 LE MAGAZINE INTERNATIONAL DE L’ACTUALITÉ FERROVIAIRE THE INTERNATIONAL RAIL NEWS MAGAZINE

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LE MAGAZINE INTERNATIONAL DE L’ACTUALITÉ FERROVIAIRE • THE INTERNATIONAL RAIL NEWS MAGAZINE

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38 • MAI 2011 • N°176 • LE RAIL

En prenant le contre-pied des pratiques en usage par ailleurs lorsqu’un projet de tramway s’imposedans une agglomération, Besançon a ouvert la porte à une réflexion de fond sur les besoins réelstant en termes d’aménagement que de matériel roulant réellement nécessaires pour mener à bienun tel projet. Résultat: un projet moins coûteux mais tout aussi performant.

L’arrivée du tramway à la station Orchamps, un pôle intermodal important, sera l’occasion de réhabiliter complètement la place et de réorganiser les flux de circulation

POUR bien comprendrele projet de tramway deBesançon, il convientde rappeler que cetteville a été la première

en France à avoir introduitune zone piétonne en 1973.Hier tout comme aujour-d’hui, il fallait un certain cou-rage politique pour imposerune telle décision. Depuislors, le cœur de la ville est ré-servé aux bus, ce qui a donnéà Besançon une véritable culture dutransport en commun avec un réseau ac-tuel de bus très performant. Nous enre-gistrons ainsi 140 voyages par an et parhabitant sur le réseau de transport public(190 voyages/an/habitant sur la villecentre). Ce qui est remarquable et deux àtrois fois plus élevé que la moyenne na-tionale. La moyenne commerciale de cir-culation des bus est de 17 km/h ce qui làencore est une performance.Pour autant et malgré ce réseau de busperformant, Besançon est victime commetant d’autres, de cette mobilité en fortecroissance. Petit à petit, les bus voient

leur vitesse se réduire, per-dent de leur efficacité doncdes recettes. En 2006, les élusdu Grand Besançon qui re-groupe 59 communes, ontdécidé d’étudier ce qui pour-rait booster ce réseau de bus.Deux études, séparées etcloisonnées, ont été lancées.La première, devait mettrel’accent sur l’évolution pos-sible du transport en com-mun: fallait-il créer des cou-

loirs réservés pour les bus, aller plus loinavec un BHNS, imaginer un tramway et sioui, quel type de tramway, opter pour destrolleybus, etc. Toutes les options étaientenvisageables. Une deuxième avait pourobjectif d’étudier la solvabilité de cetteagglomération créée en 2002 qui comptetout de même 140 élus de tous bords.Finalement, l’option tramway s’est impo-sée mais avec un budget imposé dès ledépart pour une ligne de 14,5 km à réali-ser dans la ville. Si cela n’était pas pos-sible, il fallait revenir à un BHNS peut-être moins coûteux. Les choses étaientdonc claires dès le début de ce projet.

Ce qui va assurer la faisabilité d’un pro-jet de transport en commun nouveaudans l’agglomération de Besançon, c’estbien entendu le versement transport.Nous étions à un taux de 1,05% (environ17 M.€/an). Les élus ont décidé de por-ter ce taux à 1,80%, ce supplément deversement transport induisant 12 M.€ derecettes supplémentaires par an.C’est sur cette base que le président del’Agglomération, Jean-Louis Fousseret, aconstruit le projet de tramway de l’Ag-glomération de Besançon non seulementpour le projet lui-même mais pour assu-rer également le financement des grandsinvestissements, les renouvellements né-cessaires, etc. Notre budget définitif adonc été fixé à 228 M.€ (valeur juin2008 à 5% près).Nous pensons aujourd’hui que nous al-lons pouvoir réaliser cette ligne est-ouestde 14,5 km et 31 stations en respectantcette enveloppe. Nous estimons le traficpotentiel sur cette ligne à 55000 voya-geurs/jour avec une fréquence en heuresde pointe à 5 min et une exploitationentre de 5h00 à 1h00.Ces choix s’imposent par la fréquentation

FRANCE

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Pascal Gudefin, l’undes artisans du projet

de tramway

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actuelle du réseau de bus, notammentsur l’axe le plus chargé sur lequel circuleun bus toutes les trois minutes en heuresde pointe. Il n’était donc pas questionque le tramway dégrade cette desserte.

Les pistes d’économiesOn sait que le coût au kilomètre d’unprojet de tramway le moins cher en Fran-ce tourne autour de 20 M.€/km. Avecnotre budget, il paraissait donc impos-sible de tenir le pari de construire uneligne de 14,5 km de long avec tout ceque cela implique de travaux connexeset d’aménagements. Il nous a donc fallunous livrer à une revue de tout ce quicompose un système de tramway et re-chercher les économies possibles. D’au-tant que le scepticisme régnait parmi lapopulation qui trouvait le projet irréali-sable dans ces conditions. La commis-sion d’enquête publique s’est même li-vrée à une revue de détails de nos propo-sitions. Le résultat a été positif.

Objectif: économisersans dégrader

L’exercice suivant consiste à comparerle coût d’un tramway théorique à20 M.€/km, au projet du tram de Be-sançon. Pour tenir le pari de réaliserune ligne de 14,5 km avec un budgetmoyen de 16 M.€/km nous avons étu-dié de près tous les composants néces-saires à son exploitation et tenter detrouver des solutions qui, sans remettreen cause la sécurité du système ni si fia-bilité, nous permettent de rompre avecdes pratiques en usage dans ce type deprojet. Par exemple, il a été décidé, auvu des performances du réseau de busactuel, de réutiliser les systèmes d’infor-mations voyageurs et l’ensemble dessystèmes de courants faibles préexis-tants (excepté la billettique qui sera pro-bablement une billettique sans contact)du réseau urbain de bus Ginko. Le gainainsi réalisé s’élève à 6 M.€. Nous

avions six personnes au sein de la direc-tion générale Transport rattachées à Be-sançon ayant déjà travaillé avec Keolispuis Transdev qui exploite le réseau ur-bain. Nous avons décidé d’utiliser leurscompétences pour assurer le dévelop-pement du projet. On sait que le déve-loppement interne est souvent délicat,pour autant la qualité nous a paru suffi-sante pour ce tramway. Là encore, nousavons réalisé une économie de 5 M.€puisque nous avons ainsi pu éviter defaire appel à un société d’ingénierie ex-terne. Le choix d’une équipe de maîtrised’ouvrage et de maîtrise d’œuvre res-treinte peut apparaître comme une prisede risque mais les élus ont voulu éviterune redondance dans l’organisation desétudes. Très souvent, il existe une maî-trise d’ouvrage accompagnée d’un man-dataire qui réalise une partie des presta-tions. D’autres fois, une maîtrise

d’œuvre intégrée qui réalise cette partiede prestations. Dans le cas de Besan-çon, nous avons choisi de ne pas avoirde mandataire ni de maîtrise d’œuvreintégrée. Nous avons donc des maîtrisesd’œuvre séparées. Avec ce besoind’analyse métier par métier, nous avonspu mettre en exergue, poser des ques-tions et quelquefois remettre en causece qui se faisait ailleurs.Troisième piste d’économie, l’optiond’un centre de maintenance compact etfonctionnel, sans remisage couvert soit5 000 m2 sur un terrain de 5 ha. L’optionde ne pas protéger les rames de tramwaya déjà été prise dans d’autres villescomme à Mulhouse par exemple (gainde 3 à 4 M.€).Concernant les aménagements qui ac-compagnent un tel projet, nous avonsopté pour des aménagements sobrescomme l’absence d’un gazon au niveau

L’aménagement intérieur du tramway tiendra compte du choix de la livrée extérieure

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de la ligne. Ce qui ne signifie pasque nous allons réaliser un projetau rabais. Sur l’ensemble du tracé,nous avons par exemple lancé unappel d’offres publié le 18 mai der-nier, lequel concerne l’ensembledes bordures qui sera en pierre na-turelle. Pour autant, des choix im-portants ont été faits comme effecti-vement celui de ne pas engazonnerla voie. Les élus avaient effective-ment exprimé le souhait d’avoir ungazon mais sans arrosage. Le maîtred’œuvre a décidé de mener destests avec des plantes rustiques surdes zones précises. Nous allons laisserpasser l’été et les élus décideront alors sioui ou non, sur un tiers du parcours, nousaurons un espace vert sur la plate-forme.Nous avons étudié d’autres pistes d’éco-nomies: un tramway unidirectionnelavec une seule cabine de pilotage, unsystème de retournement, etc. Nous y

avons renoncé pour des raisons liées àl’exploitation, à l’espace. Nous avionségalement imaginé une infrastructure surballast. Nous y avons également renoncépar rapport à une esthétique générale,aux questions d’insertions…Par contre, nous avons indiqué au maîtred’œuvre courant fort que nous acceptions

un certain niveau de dégradationpour cause d’une panne dans unesous-station par exemple. Partantde là, nous avons accepté de nemettre en place que sept sous-sta-tions, ce qui est moins que ce quise fait habituellement pour uneligne de cette dimension. En fait, lemaître d’œuvre nous a confirméque si une sous-station tombait enpanne, il ne se passerait pas grand-chose. L’exploitation pourrait sepoursuivre dans des conditionsnormales. Ceci induit l’idée que lemaître d’œuvre reproduit peut-être

un peu facilement les modèles existantssans trop rechercher des économies. Enprenant cette décision, nous avons puéconomiser 2,5 M.€.Autre choix, l’absence de design spéci-fique pour ce tramway et pour les abrisdes stations voyageurs. Une décision dif-ficile à prendre pour les élus qui aiment

Autofinancement(provision de Versement

Transport constituéedepuis 2006)

Subventions, dont 51 M.€déjà notifiés:Etat: 30,1 M.€Ville de Besançon: 20 M.€FEDER: 0,9 M.€

Emprunt(remboursé par le supplémentde Versement Transport)

Le budget: 228 M.€ (valeur 2008 avec une marge de 5%)Sources de financement du projet

Le budget: 228 M.€ (valeur 2008 avec une marge de 5%)Utilisation des 228 M.€

Travaux préparatoiresdont déviation des réseaux

et archéologie*

Maîtrise d’ouvrage, dontacquisitions foncières,

indemnisation des commerçants,communication*

Etudes diverses Centre de maintenance*

Travaux de plateformeet infrastructures,dont ouvrage d’art etopérations induites(P+R...)*

Systèmes(énergie et matérielroulant)*

Aménagements urbains,voirie et équipements*

Maîtrise d’œuvre

2010 2011 2012 2013 2014 2015

Enquête publique

DUP

Etudes etconsultations

Travaux

Livraison dela 1re rame

Essais et marcheà blanc

Mise en service

Calendrier

Arrivée du tramway à la station Ile-de-France

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imprimer leur patte sur le matériel rou-lant. Là encore, nous avons pu réduire lafacture de 2 M.€.Autre point sensible, la communication.Les arbitrages ont été sévères mais nousy sommes arrivés. L’une dans l’autre,toutes ces économies nous ont permis deréduire la facture finale de 50 M.€. Cequi n’est pas rien…

Tracé et voirieLe tracé retenu pour le tramway de Be-sançon présente une particularité parrapport à d’autres projets menés parailleurs. A Besançon, nous avons desrues extrêmement étroites. Le tramwaypasse souvent dans des rues qui ne fontque 12 m de façade à façade. Ceci a eudeux conséquences sur les optionsprises. La première est que de ce fait,nous avons moins de mètres carrés àaménager. C’est une bonne nouvelle. Ladeuxième, c'est que nous avons décidéde ne pas rendre complètement et mêmequelquefois pas du tout, l’espace de voi-rie restant à la circulation routière. Ceschoix sont exigeants politiquement.Les 14,5 km de la ligne vont bien êtrepris sur l’espace public sans rendre tou-tefois beaucoup d’espace circulable à lavoiture. C’est un choix politique. Leconcept de voirie partagée est parfoisdifficile à faire admettre. Le choix dutracé en milieu urbain a fortement réduitle budget alloué aux acquisitions fon-cières (gain total de 15 à 20 M.€).Choisir de passer dans le centre histo-rique nous a permis de le réhabiliter. ABesançon comme dans les autres villesqui ont introduit le tramway, ce seral’occasion de rénover les façades, lesmonuments, le centre-ville.Concernant le choix du matériel roulant,là encore nous avons voulu rester au plusprès de nos besoins actuels en tenantcompte de la spécificité de la ligne. Letramway de Besançon sera donc court,standard dans les options et le design.Ainsi, nous avons réduit notre facture de9,5 M.€. Certes nous avons choisi un ca-dencement à 5 min sur la ligne, mais sa-chant que la ville ne compte que 120000habitants, il n’était pas nécessaire à nosyeux de mettre en place un tramwayclassique. D’évidence, un tramway de32 m de long était surdimensionné àmoins d’opter pour un cadencement à8 min. Nous avons donc lancé un appeld’offres pour trouver un tramway pluspetit que ce qui se fait d’habitude, enl’occurrence un tramway de 24 m. Surles cinq constructeurs intéressés, lemeilleur s’est avéré l’espagnol CAF.Sa proposition prévoit un tramway clas-sique avec deux bogies moteurs qui luipermettent de circuler à plus de 60 km/hsans problème, chauffé et climatisé, avecdes vitrages thermiques, etc. C’est unbeau tramway.Quant au financement du projet, il reste

relativement classique puisque sur lebudget total, nous aurons un quart d’au-tofinancement, un quart de subventionset le reste financé par un emprunt rem-boursable sur 30 ans. La répartition fi-nancière est celle que l’on peut retrouversur d’autres projets. Caractéristique im-portante du projet, des fouilles archéolo-giques qui vont nécessiter plusieurs mil-lions d’euros ainsi que des ponts et desouvrages d’art pour 20 M.€ puisquenous traversons quatre fois le Doubs. Cesdépenses étaient donc incompressibles.Pour ce qui est du tracé, la ligne aura unedirection est-ouest qui suit le développe-ment de Besançon. Nous aurons une ligneen Y desservant le centre-ville avec uneamorce vers la gare TGV. Au mois de dé-cembre prochain, Besançon sera reliée auTGV Rhin-Rhône qui sera mis en service àce moment-là. Nous aurons un bus en sitepropre pour desservir la gare, le nouveaucentre universitaire… A titre d’informa-tion, la part modale du transport public estde 20% contre 30% pour la marche et50% pour la voiture particulière.Tout l’enjeu de ce projet est bien de fairepasser un cap à ce taux d’utilisation destransports en commun sans dégrader lesystème actuel très utilisé et très perfor-

mant. Il s’agit là d’un projet ambitieux,novateur, regardé par beaucoup avec cu-riosité qui, j’en suis certain, répondraaux besoins de cette ville.Je tiens à souligner que le projet de tram-way a été adopté à l’unanimité des 140élus début mai. Ceci n’a été possiblequ’en prouvant que ce projet était réalis-te financièrement. La ligne va faire l’ob-jet de deux marchés séparés de 7 km.Nous réceptionnerons la première rameen juin 2013 pour une mise en servicemi-2015. Rien ne distinguera le matérielroulant de Besançon si ce n’est la signa-ture qu’il portera sur le côté, celle deVictor Hugo et d’autres personnalités quimarquèrent l’histoire de notre ville.Ceux qui s’interrogent sur la pertinenced’un tramway dans une ville de cettetaille, sur la nécessité de le réaliser enpériode de crise ont trouvé des réponsesfiables pour les rassurer dans l’engage-ment fort pris par le président Jean-LouisFousseret de respecter une enveloppe fi-nancière stricte mais raisonnable quirend ce projet faisable et innovant.

Pascal Gudefin �Directeur du projet tramway, Communauté

d’agglomération du Grand Besançon

La station Schweitzer (en haut) et celle du Haut de Chazal, (en bas) l’un des deux terminus de la ligne