cosmogonie africaine révélation...

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Toronto Sdiool of Theology REGIS COLLEGE / Toronto, Canada LA MALADIE ET LA SOUFFRANCE HUMAINE DANS L'ETHIQUE SOCIALE YAKA : EDUCATION A LA CO-RESPONSABILITE. Cosmogonie africaine et Révélation Chrétienne Par NGEE KABEYA N'teba Delphin, sj. Thesis presented to the Theology De- These présentée au departement de théo- partment of the Toronto Schoo1 of Theol- logie de la Toronto School of Theology ogy in fdfUment of the requirementsfor en vue de l'obtention de la Maîtrise en the ThM degree (Re& College / Univer- Théologie (Re@ College / University of sity of Toronto) and for the STL degree Toronto) et de la Licence en Sacrée Th& (Regis College). iogie (Re@ College). January 1996

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Toronto Sdiool of Theology

REGIS COLLEGE / Toronto, Canada

LA MALADIE ET LA SOUFFRANCE HUMAINE

DANS L'ETHIQUE SOCIALE YAKA :

EDUCATION A LA CO-RESPONSABILITE.

Cosmogonie africaine et Révélation Chrétienne

Par

N G E E KABEYA N'teba Delphin, sj.

Thesis presented to the Theology De- These présentée au departement de théo- partment of the Toronto Schoo1 of Theol- logie de la Toronto School of Theology ogy in fdfUment of the requirements for en vue de l'obtention de la Maîtrise en the ThM degree (Re& College / Univer- Théologie (Re@ College / University of sity of Toronto) and for the STL degree Toronto) et de la Licence en Sacrée Th& (Regis College). iogie (Re@ College).

January 1996

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T A B L E DE M A T I E R E S

I N T R O D U C T I O N

L

1- 1 1.2

1.3 1.4

1.5

lr.

II.1 1m.2 II.3

11.4 II.5 11.6 II.7

nII

III. 1

II1S.a

IIL1.b

UI.1 .c

m.2 III.3 111.4 IIL5

PHENOMENOLOGIE DE LA SOUFFRANCE ET SES IMPLICATIONS MORALES

Une Façon de Comprendre la Relation Pedié et SouMance

Culpabilité Individuelle et Mise en Question Soùale Le Phénomène de " B h g u " Le Modèle de job

Le Désordre à la Base

SOUFFRANCEHUMAINE ET REVELATION CHRETIENNE Reflexion Théologique sur la Maladie, la Souffrance et le Bois de la Croix R6hiôution ou Interpellation Mieux Comprendre la Foi et l'Incarnation à partir de la SouffIiuice du Qvist Souffrance et Ouverture à Dieu La Passion du Christ et la Goix La Souffrance du Christ Le Repas du Grand Désir

QUELQUES ELEMENTS FONDAMENTAUX DE L'EDUCATION MORALE CHEZ LES YAKA Recherche de l'Harmonie de la Vie et Structure de l'Univers selon la Cosmogonie Ahicaine

Le Monde Visible ou Microcosrnos: Le Petit Monde des Vivants awc Limites Visibles Le Monde Invisible : Mésocosmos ou Monde Intermédiaire Le Maaocosmos : Le Monde du Mcipe de Contrôle

La Relation à Dieu et aux Ancêtres devant la Maladie et la Souffrance Religion et Normes Ethigues La Parole et L'Agir Fausses Culpabilitést Concorde Sodale et Pression Collective

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11.6 Dieu et les Ancêtres dans I'Enseign-t Moral Yaka

II1.7 Sunnonter et Dépasser la FNStration Culturelle

nl.8 Education Morale chez les Yaka iI1.9 Les Interdits et leur Caractère Moral IILlO Injures et Propos Impudiques III. 1 1 Solliatude et Conscience Sogale dans PEthique Soaale Yaka

face h la Religion Chrétienne

IV. ELEMENTS CHOISIS POUR UN DIALOGUE ENTRE L'ETHIQUE CHRETIENNE ET LA SOCIETE YAKA

N. 1. Vie et Hénitude de Vivre W. 2. La Réf6rence aux Ancêtres N, 3. De I'hdividuaümie 3 la Promotion de la Co-responsabiüte Sociale N. 4, Le Bois de la Croix et le Symbolisme du "Bois" chez les Yaka

C O N C L U S I O N G E N E R A L E

B I B L I O G R A P H I E

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I N T R O D U C T I O N

La Maladie Comme Interpellation Gvaale de la Vie et Ouverture au Spirituel.

La bonne santé est comptée parmi les bonnes nouvelles de la vie. Malgré toutes les

assurances offertes par 1'~volution technologique, on l'annonce souvent avec reserve parce

que lors même que nous nous disons en bonne santé nous savons que la maladie est pu-

tentiellement en nous. Elle apparaît sous une forme ou une autre selon le mecanisme de

defense fragilisé. Qu'on use du langage purement médical parlant d'une défiaence imm-

unitaire ou qu'on parle simplement de dés6quüibre vital, la maladie demeure un signe

dont la recherche de la cause constitue la préoccupation première de notre démarche.

Les causes de la maladie sont variées mais toutes se ramènent à un desordre dans

l'ordre etabli des choses. Et toutes les maladies qui frappent l'homme sont des causes de

souffrance. C'est surtout en nous attardant pius profondhent sur la complexité de la

souffrance engendrée par la maladie que nous pouvons nous rendre compte que celle-ci

n'est pas simplement un fait corporel. Celui qui est malade (ou en souffrance) I'est dans

tout ce qui le definit comme "être humain'. Ayant compris cela, on se convainaa que

guérir la maladie est une duwe et gu&r le malade en est une autre. Dans bien de cas la

maladie offre un privil5ge spirituel qui n'est à saisir que dans une perspective théolo-

gique. La maladie cause une souffrance spirituelle et nous reveie, ''parfois cruellement, la

fragdît4 de notre condition, nous rappelant que la santé et la vie biologique ne sont pas

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des biens cpe nous possédons durablement, que notre corps en cette vie est destiné A

s'affaiblirr à se dégrader, et finalement a mourir."

"Etre malade c'est vivre une expénence de douleur et de souffrance. Dans la

maladie, il y a comme une desintegration de l'être puisque ce dernier perd contrôle sur

lui-même: la maladie est la mise en cause de l'identite personnelle", en même temps

qu'elle est un défi social. C'est pourquoi comme le dit Hubert ~oucet,(Éthique, smté et

société, p.18) ' le soutien de la co11l1llunaut6 est plus essentiel que dans tout autre domaine

de la vie humaine. La solidarité permet h l'individu malade, c'est-&-dire vulnbrable, de

continuer d'être reconnu comme une personne qui compte de la cornmunaut&." Et "parce

qu'elle ébranle l'être, la maladie remet souvent en cause les faux equilibres antérieurs et

amène l'homme à s'intenoger sur les fondements de son existence. Elle affaiblit bien les

attachements passio~és à ce monde dont elle r6veie la vanite, et conduit en depasser

les limites."

Dès lors c'est la maladie et les souffrances adjacentes qui nous donnent d'y réflé-

chir tiiéoiogiquement. D'une part, considérant la maladie et la souffrance comme épreu-

ves individuelles mettant l'homme en face de sa destiné et d'autre part, c'est la cornmu-

naut6 comme corps qui dans cette épreuve s'en trouve defïée. Même si c'est le corps

physique d'un individu qui est affect& la solidarit6 et la communion entre les personnes

tel que dkfinies par différents liens et attachements (parente, alliance, prowmit6, affini-

tes ...) font que l'bpreuve individuelle trouve des r6percussions au niveau collectif. C'est

1 -HE' JeanClaude, Théologie de la Maladie. Les Éditions du Cerf, Paris, 1991, pp. 7-8.

Idem p. 58.

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ainsi par exemple que dans la soci6t6 YAKA3 la maladie d'un membre est perçue comme

une menace sociale. R faut se mobiliser pour trouver une solution commune a cette

menace.

L'homme se débat a reculer l'échéance de la mort, à prolonger indéfiniment la vie

et au besoin à faire de la vie une vie sans embûches de maladie ou de souffrance. Ces

préoccupations purement humaines tbmoignent d'aspirations profondes encrées en

l'homme, aspirations a la plénitude de vivre. En d'autres mots, l'homme se met à la

conquête d'une vie paisible ayant tout pour soi, une vie exempte d'imperfections, sans

souffrance ni l'idée de la mort. Mais hélas vouloir r&oudre la question en se fiant aux

progr& tedinologique et medical, aux possibilités de manipulations génetiques que ceux-

ci offrent risque de n'engendrer que déception sur deception.

On se rendra compte que tout en reconnaissant le grand progres Lié au développe-

ment technologique dans le domaine médical, tout en louant les grands exploits en

chirurgie, l'amélioration des conditions mat&ielIes d'existence, les moyens de communi-

cation et de diagnostique, on se souviendra que le monde continue a défier ce progrès

avec les nombreuses nouvelles épidMes difficiles à contenir. Les d&ès par accidents de

circulation routière, abrienne et fluviale se multiplient alors que la diversitg des marques

inonde le marché de l'automobile et de l'aviation. En dGfinitive, nous pensons que l'hom-

me devait chercher résoudre la question à partir de l'origine. Si à l'origine de la maladie

%es Yaka font partie du groupe bantou d'Afrique centrale. Ils sont reconnus par leur forte organisation sociale et couhmi&re. Leur chef coutumier, le KIAMFU est un de plus influants chefs coutumiers dont le pouvoir et le succès sont fondes sur le respect et i'obsewmce des valeurs cultureiles traditionnelles. On trouve les Yaka au Zaire, en Angola, au Congo et au Gabon. Le groupe auquel nous nous referons dans cet essai se situe ii I'ouest du ZaTre, i5 la frontière sud-ouest de l'Angola, au sud de Kmshasa, dans la region de Bandundu/ Kwango. C'est le goupe yaka le plus important d'Afriqye centrale.

Comme dans le reste de l'Afrique noire, les Yaka aoient en un Etre Suprême, vivant bien loin, invisible mais omniprésent et jalousement attaché la morale. Les Yaka sont très imprégnés de leur culture et s'y identifient continuellement.

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et de la souffrance il y a le désordre, c'est cela qu'il conviendrait de supprimer dans la vie.

Si l'homme est habite par cette aspiration profonde la plénitude de la vie, une vie

exempte de soufhnce, c'est parce qu'il y a en lui cette capacite de pouvoir s'éloigner de

toute source de souffrance. Il y a en lui ce désir de retrouver le caractère premier que

Dieu a vouh donner à l'humanité.

La r6v&tion en jesus ChristI Dieu fait homme, nous est présentée comme une

vraie dbtermination de Dieu de s'impliquer dans la vie de l'homme. L'incarnation et la

passion du Christ nous introduisent dans les profondeurs du mystère de cette divine

implication. La passion et i'incafnation sont etroitement liées. Comme dit Jean Galot,

"c'est la passion qui mesure la grandeur de l'incarnation." ... ''Naître d'd'une femme marque

déjh la distance franchie par Dieu; souffrir jusqu'a la mort manifeste une &ape ultérieure

dans la profondeur de l'abaissernent.''4 Et la souffrance trouve une résonnance particu-

lière, une place de choix en particulier dans ce mystere allant de la naissance à la mort du

ChristI mais aussi dans toute la vie de l'homme en genéral.

La question de la souffrance trouve diff4rentes formulations selon qu'elle est posée

par celui qui souffre ou ses proches. Il se peut par ailleurs que ce soit d'autres membres

du corps qui soient les plus inqui&& voyant l'unicité du corps qu'ils forment affectée et

menacée par l'épreuve physique, morale ou psychologique d'un des membres. En

définitive, c'est le sens même de la vie qui est recherche devant la question sur la souf-

france humallie. Elle se pose tantet à l'occasion de la souffrance des autres, tantôt sur ses

propres souffrances. La souffrance est une r6alit6 humaine a w i vieille que l8humanit&

"Mais de nos jours elle s'accroît tellement, on souffre tant autour de nous, er nous en

venons tant çoufhir en personne, que chacun se trouve comme obséd6 par une espèce

-

4 GALOT, Jean, soufne-t-il? Éditions P. Lethielleux, Paris, 1976, p. 13.

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de hantise, et que, dans un fiémissement de tout son être, il entend se poser en lui une

t d l e question. Cette question, chacun se la pose d'abord à cause de ses propres

peines."5

Cette question est celle du sens de la souffrance. Elle est souvent posée en terme de

"pourqum", lh où l'homme ne perçoit pas vraiment le sens de ses souffrances. Je me

propose de la poser dans cet essai en terme d'une réflexion théologique sur la souffrance

humaine à la lumière de la problématique du livre de Job et de la souErance du Christ et

ce qu'elles nous apprennent aujourd'hui.

Vouloir élucider la signification de la souffrance du monde à partir de la souf-

france du Christ n'a comme tel rien d'ambitieux, mais pour le moins la démarche porte

une double conviction: d'abord que seul le Christ peut nous introduire au mystère de la

souffrance humaine comme expression et source d'amour, ensuite qu'avec Jesus nous

apprendrons à souffrir sans nous laisser ruiner de 11int6rieur, sans que notre esprit en soit

corrompu.6 L'esprit du Chrétien qui accepte la souffrance avec confiance comme voie

d'elevation spirituelle est "un esprit que la souffrance atteint sans l'entamer, un coeur

qu'elle blesse sans le dornined7

PANICI, P., Le Christ et la souffrance.Christianisme et valeurs vitales. Conférences de Notre Dame de Paris 1943. Éditions Spes, Paris, 1943, p. 8.

Devant cette assertion, on peut légitimement se poser la question de l'intégration des religions non Chr&iennes. Nous voulons sans exdure les autres religions du domaine de la mode, souligner le fait que Rthique chretienne se doit de reconnaître la grandeur du Christ comme Sauveur et libérateur du péché. L'Ethique chr6tienne doit su~tout se construire autour de la Bonne Nouvelle, et apprendre l'homme à se situer au monde la lumière de 1'Evangüe du salut.

Toutefois la morale reste ''un ensemble de principes et règles de conduite librement assum6s et considérés comme valables de façon absolue." L. Monsengwo,

I@me de Kinshasa de la seizième semaine th40 ... p.10. Et les criteres de référence de ces valeurs peuvent être puisées dans diff&ntes sources selon différentes religions et aoyances.

PAhnU, P., Op.Cit., p. 163.

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Embarqub dans une réfiexion théologique dont le cadre est celui de la morale

chrétienne d'une part, et de l'Ethicpe sociale Yaka d'autre part, la question qui nous meut

est simple et claire; elle concerne Ie vécu du Yaka devenu dirétien. C'est aussi toute la

question de lëducation morale en milieu africain, de toutes les connexions qui font le

tissu social et du rapport de cette soaété partidière avec la religion.

Nous présenterons d'abord un volet de la phénoménologie de la souffrance dans

la sagesse humaine face A la rbvélation chrétienne. Nos origines et notre int&êt personnels

feront que notre présentation de la phénomhologie de la souffrance soit largement

marquée d'une certaine vision africaine. Elle est porteuse d'une sagesse humaine uni-

versellement admise qui lie la souffrance au comportement mord. Le Christ 4daire cette

sagesse humaine par sa personne et par le fait de compter la souffrance parmi les condi-

tions de manifestation des "oeuvres de Dieu". Déjà dans l'Ancien Testament la leçon nous

en est donnée dans le livre de Job quand Dieu condamne les amis de Job; et avec eux, les

defenseurs de la justice r6tributive. Et dans le Nouveau Testament, en réponse a la que-

stion de ses disciples, Jesus compte la souffkance de l'aveugle4 pour occasion de

manifestation des oeuvres de Dieu (Jean 9,3). Nous nous y attarderons au chapitre sur

l'origine de la souffrance.

Nous essayerons ensuite de poser quelques bases susceptibles de nous aider

mieux comprendre la foi et l'incarnation à partir de la souHiance de Jesus et de la aoix

qui tout naturellement doment de mieux sonder la profondeur du mystère de Pincarna-

tion Notre réflexion se terminera par un chapitre presentant quelques éléments suscepti-

bles d'orienter le dialogue entre la culture africaine Yaka et le Christianisme. Ce que le

Christianisme apprend à la culture autochtone et ce qu'il retient de cette même culture

dans son message doivent ensemble réaliser la noble tâche comme dit Jean Marc Ela, de

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"réapprendre à dire Dieu à l'homme africainw8

Nous savons combien le sujet que nous traitons est vaste et complexe. Nous

évoquerons certains points et certaines interrogations espérant ainsi lancer le dialogue

théologique dont 1'Eglise d'Afrique a besoin Notre essai est donc plus un point de depart.

A ce titre, on n'y trouvera pas de r4ponses mais bien des d6fis.

I. PHENOMENOLOGIE DE LA SOUFFRANCE ET SES IMPLICA-

TIONS MORALES

Les expériences vécues de la maladie et de la souffrance humaine aboutissent a

une constatation collective: La souffrance et la maladie sont dans la vie de l'homme une

blessure existentielle. Elles sont incontournables et fondamentalement diminuantes. Elles

sont par le fait même redoutées. Elles constituent un questio~ement de la vie en ce sens

que la maladie et la souffrance de l'homme posent avec acuit6 la question du sens

profond de la vie humaine. Il y a de la maladie et de la souffkance partout où il y a de la

vie humaine. Maladie et souffrance font partie intégrante du vécu humain Tout natu-

rellementf la question du sens de la vie que pose cette blessure existentielle peut se situer

a differents niveaux : psychologique, spirituel, materiel, scientifique ... Nous la posons ici

en terme et au niveau de la réaexion théologique et ethique chrétienne.

Lire à ce sujet les r&lexions de Jean Marc Eh dans Ma foi d'Africain. Pour Ela, il est utile de chercher avant tout a faire sentir la pr6sence de Dieu parmi les Africains. Tant que les Africains ne percevront pas Dieu dans une alliance où les deux parties se sentent impliquées, le discours sur le Dieu révélk sera un discours sur une absence. En d'autres mots, le discours sur Dieu devait rejoindre les Africains Ià où ils sont. C'est-à-dire dans leur goût de la vie, dans la pr4séance socialef dans le culte ancestral comme ouverture A l'au-del& et dans certains symbolismes notamment celui de I'aibre. Nous reviendrons sur ces 6léments au chapitre çur le dialogue entre Éthique chrétienne et culture africaine YAKA.

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L'attitude commune, le sentiment engendr6 par la maladie et la souffknce hu-

maine sont souvent faits d'un certain climat dominé par l'incertitude, incertitude de

l'avenir parce que la menace que constituent la maladie et la souffrance humaine est une

menace de mort La maladie et la souffrance sont vues comme susceptibles d'engendrer

3 tout moment la mort et donc la fin non seulement de tout projet de vie sur cette terre

des hommes mais aussi de la vie terrestre elle-même dans ses multiples facettes. Incerti-

tude du passé parce que, face l'6ventualité de mourir, l'homme se demande s'il est prêt

et pr6par6. C'est qu'en fait, devant demeure I'obscUfit6. C'est la qu'on se pose la question

purement 6thique du comment l'on a vécu. D'aucuns paderont d'une revision de la vie

pendant que les marAtres spirituels parlent d'examen de conscience. Appelé à faire une

évaluation de sa vie antérieure dans ce dimat de tension psychologique de la maladie et

de la souffrance, l'homme est souvent désorient6 au point qu'il ne voit sa vie qu'en néga-

tif. Et comme l'occasion de cette révision est celle de ce que j'ai appelée la blessure

existentielle, le glissement est vite fait vers une certaine culpabilité. On croit qu'on souffre

parce qu'on a commis tel acte ou parce qu'on a initié telle autre action. C'est ainsi que

souvent les prières au seuil de la mort ou mieux les prieres des malades angoissés sont

faites de beaucoup de contrition. Elles sont soutenues par une sorte de conviction extrême

que sed l'aveu de ses fautes peut en dernier ressort résoudre la question in &mis. Ou

pour le moins, il dégage la conscience et prépare une mort paisible. A la base d'une telle

conviction, se trouve sauvent le fait qu'on accuse ses fautes d'être a l'origine du malheur.

C'est comme qui dirait en langage humain imagé : la maladie et la souffrance ne sont que

la fumée d'un feu allumé (provoqué) qui est une faute commise quelque part.

Ne serait-ce pas la même sagesse humaine qui animait les disciples de J6sus qui,

pris de pitié devant l'aveugle-n6, demandèrent h leur maître : qui a péché pour que cet

enfant naisse aveugle, lui ou ses parents (Jn 9,2) ? La repense de Jesus est claire et nette:

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9

'Ni lui ni ses parents n'ont péchë' (In 9,3). C'est lh la nouveautt! que le Christ apporte

la conception courante de croire que Ia maladie et la souffrance sont dvectement liees de

façon 'W4ditaire1' au mal commis soit persomdement, soit par un individu membre de

la lignée biol~gique.~

Il y a certes d'autres modèles de sagesse domant lieux à diff4rentes grilles de

lecture des evenéments. Nous nous attardons au modèle de lecture porté par la question

des Apôtres. Le correspondant de cette question des Apôtres dans la culture Yaka serait

l'inqui&ude et le desarroi devant la naissance d'un enfant =orme EisiimbiL dont la

venue au monde n'a, d'aprss la croyance populaire Yaka, rien à avoir avec un quelconque

processus biologique, accidentel ou hédditaire. Une telle naissance revèle une discome-

xion dans l'harmonie fonctionnele de l'univers. On recourt aux devins pour en deceler les

causes. C'est là qu'on comprend mieux la notion des Ancêtres comme les vrais géniteurs

dans leur rôle de gérer la vie des hommes. "Non seulement les parents sont associés au

mythe de génération universde d'où ils émergent comme principes mas& et féminin

de fertiiite, 5 sont de plus consid&& comme de simples auxiliaires biologiques dans un

processus oc Ies Ancêtres jouent le rôle de géniteurs prinapaw." Io

9 Voici ce que dit Eboussi Boulaga h ce sujet lors du colloque sur "foi et gu6rison" tenu à Yaormde en Septembre 1972: " la maladie, si on la voit comme la punition immédiate de ses propres pedi& ou de ceux de ses parents8 empêche de voir la portée plus universelle du péch6, ramhe celui-ci au tabou dont l'effet se déclenche automatiquement. Elle entretient le regne de la mort par la peur. S'il n'y a pas pénitence, la mort gagne : la maladie n'est que le prodrome de la mort ; sans celle-ci, elle ne serait rien. Mais la mort elle même serait inoffensive sans le pédi6 qui est son aiguillon. La mort n'est redoutable que par les forces d'autodestruction que I'homme y investit. Le pire est que cette projection de forces negatives, l'homme l'hypostasie comme une redit6 extérieure a lui et qui le remorque." EBOUSSI Botilaga, Christianisme comme maladie et comme euerison in Crovance et Gu4rison Edit. CLE, Yaounde8 1973, p. 134.

l0 TSANGU, Makurnba, Pour une Introduction à I'Afnranoloeif. PsvdioloPie Culturelle de la Néoafricanité. Editions Universitaires Fnbourg Suisse8 1994, p. 135.

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10

Pour les Yaka et pour les Bantou, la vie d'un enfant est donnée d'en haut. Stricte-

ment parlant, d e n'appartient pas aux parents. Elle est un cadeau à toute la société. C'est

ainsi par exemple que dans la societé Yaka comme dans plusieurs communautés tradi-

t i o d e s africaines, il n' y a pas de garderie d'enfants. Une maman peut laisser son

enfant même en bas âge au village et s'en a l l a vaquer ses activités. Tout le monde s'en

occupera et en prendra soin, parce qu' il s'agit de s'acquiter du devoir sacré d'entretenir

la vie. Celui qui laisse un enfant sans soins devra craindre d'attirer le malheur sur le

village.

1.1 Une façon de comprendre la Relation PécM et Çouffance

Il faut dire que nous n'héritons pas du péché d'Adam comme conscience de péché

ni en terme de culpabilite. R serait un non sens que de nous sentir coupable du péché

commis par le premier homme. Mais nous sommes sans equivoque entachés des consé-

quences de ce péché étant d o ~ é la corruption de la nature humaine qu'il a introduite. Le

choix de désob4issance du premier homme a inscrit dans l'humain un certain vide, une

certaine corruption devenue dèç lors partie prenante de 1'Etre humain. Dans ce sens on

peut avouer qu'il existe bien une relation entre le désordre dont l'homme est responsable

et la degradation des conditions de vie. Mais il est faux d'établir ce lien en terme d'à priori

entre la souffrance d'une personne et ses péchés c o ~ u s ou inconnus, ou encore, ceux de

ses parents ou autres membres de sa famille. La souffIance comme conséquence du péché

est plus complexe que les manifestations biologiques. Elle concerne l'humanité, l'être hu-

main, elle implique la foi comme prodamation du Christ Médecin des corps et des âmes.

Si Jésus demande la foi en lui h ceux qu'il va gubrir, c'est que la guérison ne

se réduit pas h un fait brui mais est liée h la confession de la puissance

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créatrice et r6demptrice de Dieu.

On verra par ailleurs dans Ie ministère du Christ que tout en recoruiaissant les

effets du péché sur la vie et la condition humaines, Jesus guérit différemment le mal

physique du péché. Sinon, il suffirait qu'il absolve du pédi6 pour que ipsofado la souf-

france physique disparaisse. C'est souvent en deux volets que le Christ agira comme on

le voit chez le paralytique (Mt 9, 1-6; Lc 5,17026). Le Christ voulant d'abord attaquer le

plus grave des maux commence par absoudre des péchés. " Vas tes péchés sont pardon-

nés". Aux yeux des gens cela n'a rien de sensationnel, au contraire, ce sont des propos bla-

sphématoires. La guérison de l'âme est la plus importmte aux yeux de J&sus, mais ce n'est

c ertahement pas pour cette p6rison que le paralytique fut apport6 a Jésus. Après sa gué-

rison spirituelle, le pardyhque reste couch6, encore incapable de marcher. Ces peut bien

tenir pour preuve que sa paralysie n'est pas la conséquence immédiate de ses péchés. Ii

faut un second miracle avec d'autres paroles pour que le paralytique se l&ve et marche, et

que le miracle fasse sensation Ces recits nous aideront à comprendre que le lien entre le

péché et la souffrance est surtout à comprendre au sens du péché comme malheureuse

disposition humaine toujours craindre, parce qu'il crée un vide de Dieu en l'homme, et

donc, fragilise la nature humaine. Ce dont on hérite ce n'est pas du @ch4 d'Adam comme

tel mais de ses conséquences. Cela signifie qu'il est bien possible de trouver parmi les

hommes des gens intègres, même sans péché mais qui ne sont pas exempts de souffrance

humaine, non pas parce qu'ils sont pécheurs et fautifs mais parce qu'ils sont humains. Le

péché affaiblit la nature humaine.

C'est dans ce sens que le Christ a souvent associé le malheur a w @ch&, qu'il a

souvent fait suivre ses gu&isons de la recommandation : "vas et ne pèches plus"! (Jn 8,ll;

l1 HEBGA, Meinrad, Crovance et Gu6rison Edition CLE, Yaound&,1973, p. 126.

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5,14); On ne peut s'empêcher d'y voir une relation a la fois explicite et implicite entre le

péché et la souffrance ou la maladie comme dans le récit de la genèse (Gen 3,l-23). Mais

cette relation n'est pas c d e de la justice rétributive défendue par exemple par les amis de

Job dans l'Ancien Testament. Si la souffxance de l'innocent fait suite comme celle du

pécheur au péché, ce n'est pas dans le sens de: tel péché telle souffrance mais dans le sens

du péché comme desordre éloignant de Dieu et donc rendant l'être humain vuln&able,

sans secours, sans cette immunite que seul l'amour de Dieu peut produire. Cette immu-

nit6 qui rend les poisons inactifs et les serpents innoffensifs.

Nous devons par ailleurs iqsister sur le fait que la maladie et la souffrance ne cons-

tituent pas une preuve évidente d'infidblit6 de la part de celui qui souffre. L'innocent

comme le pécheur souffrent Ils Auffrent d'abord parce qu'ils sont des humains. Notre

négation de la relation de causalité du personnel et souffrance personnelle signifie

aussi la negation de la relation directe et persormidi& entre la sant6 de I ' b e et la santé

du corps. Lii b ~ ~ e santé physique n'est pas un signe de manque de péchb, pas moins

qu'une santé fragile ne serait un indice d'état de p4ché personnel. Au contraire il arrive

qu'une florissante sant6 de I'âme occasionne une souMance physique incompréhensible

dont Dieu seul comprend les enjeux. C'est le cas de Job et de bien d'autres témoins du

Christ. Toutefois, il existe des cas où un desordre P ~ ~ S O M ~ peut entraîner une maladie

&idente. R n'est pas exclu qu'on soit victime de ses propres désordres. On le sera non

pas parce qu'on est plus pécheur que les autres, mais parce qu'en étant auteur du mal on

est plus expose être l'humain sur lequel l'expression de corruption corporel prend forme

ou le membre du corps qui porte l'expression de la peine. C'est dans ce sens la qu'il

faudrait me semblet-il comprendre l'avertissement du Christ à l'infirme qu'il vient de

guérir la piscine de Bethzatha: "Ne pèche plus de peur qu'il t'arrive quelque chose de

pire" on 5,19). On peut aussi dire que le pire des souffrances et maladies à craindre ce

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sont celles qui nous adviennent non parce qu'on est simplement descendants d'Adam,

mais parce qu'en toute conscience on choisit de se passer de Dieu en marchant deiibé-

rement sur les traces du premier homme revolté contre Dieu. Or, la découverte du Sei-

p u r et sa rencontre devraient nous transformer au point de ne vouloir que sa compagn-

ie, agir selon son desir. On ne dira pas qu'on souffre parce qu'on aura commis tel acte

mais parce qu'en commettant tel acte on perpétue la corruption corporelle initiée par le

premier homme et a laquelle, en tant qu'humain, on s'expose et se livre davantage en

admettant le desordre. La maladie et la souffIance doivent nous interpeller d'abord en

tant qu'êtres humains appelés a "vivre-avec" plutôt qu'en tant que pécheurs individuels.

Cette interpellation si@e justement que toute recherche de gu6rison doit consister en

un effort de nous libérer du mal, du desordre, de la haine et des divisions qui, de nos

jours, caractérisent nos relations interpersomelles. Et la grâce de la pl6nitude de vie A

laquelle J4susChrist nous initie nous aidera B y parvenir.

Cette idée s'apparente ii celle développée dans 1'Ethique sociale Yaka, avec beau-

coup de finesse. Une certaine initiatiori peut s'avérer necessaire pour mieux comprendre

les en-dessous et le bien-fonde. Toutefois, elle se démarque de la conception punitive

pour se tourner vers la notion de sollicitude et d'interpellation mutuelles.

1.2 Culpabilité individuelle et mise en question sociale

Un mal, une souffrance ou une maladie dans la communaute ne donnent pas de

condamner la victime. Au contraire chacun y lit un signe interpellant tout le monde. On

se sent solidaire et on cherche à localiser la cause de ce d&sordre, "ce qui ne va pas". Dans

l'éthique sociale Yaka la sociéth en tant que corps est très valorisée parce que c'est par elle

que Dieu et les Ancêtres protecteurs s'adressent h la communaut6 par le truchement de

n'importe lequel de ses membres qu'il soit directement coupable ou non Très souvent

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devant un mai commis, fusse-t-ii un aime, on condamne foncièrement l'acte et le fait que

la soci6t6 n'ait pas pu l'empêcher. L'auteur peut en fait n'être qu'un "exécuteur", un utilisé

selon la croyance commune, de "bithuh , ou bizmgu'' qui rend innocent Ifindividu en at-

tribuant la culpabüit6 d'un acte immoral des influences extérieures que l'acteur est

incapable de mAtriser. C'est finaiement la soci4t4 que revient la responsabilitb parce

qu'en fait tout concourt vers l'être-social et l'éducation morale comme tâche communau-

taire.

Nous verons dans notre interpr6tation de la souffrace de Job et de la sagesse

humaine de son temps une concordance assez marquée et r6v6latrice entre l'insistance sur

la coresponsabüité et l'enjeu principal du livre de Job. Ii y a une nouvelle lecture de notre

relation a Dieu devant la souffrance dont, le plus souvent, nous ne maîtrisons pas les

contours et les en-dessous. Comme le dit John HICK:

Instead of seeking to 'jus* the ways of God to man' we should rather be trying to jus* the sinful ways of man to God, or better still, we s h d d like Job be tremblingly silent before His incomprehensible rnajesty and sove- reignty. *

1.3 Le Phénomène de "Bizangu'"

Un homme peut être fondamentalement innocent et bon, mais agir sous la pulsion

de "bithubu" ou "bizangzd"' Le jugement moral qui dans la pratique est totalement intégré

au tribunal coutumier veut que cet homme soit reconnu non coupable. Autrement dit il

l2 HICK, John, Evil and the God of love. Harper & Row Publishers, 1977, p. 6-7.

"Le Yaka aoient qu'il existe des forces auxpeUes l'on ne peut r6sister et qui pour une raison ou une autre, sous un mécanisme ou un autre, poussent un individu a commettre des actes immoraux qui souvent conttastent avec son caractere connu. Sans toutefois repousser l'acte de jugement, on y voit une interpellation m o d e adressée A toute la societé. On parle du phenomène de "BIZANGU" ou 'BITHUBU" quand on estime que l'acte posé ne ressemble pas 3 celui qui en est l'auteur. Il faudra donc en rechercher la vraie origine ou mieux la raison d'être.

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n'est pas comme tel responsable de ses actes. La soaM, reconnaissant l'influence des

forces ext6rieu.m~ auxquelles 1' "utilisé" ne pouvait résister, innocente la personne en

même temps qu'elle verse dans une compassion qui est, en elle-même, une d6termination

et une acceptation collectives que le plus important ce n'est pas de punir l'auteur du mal

mais de rechercher et de cerner les vraies raisons et origines de cette situation. Il convient

d'observer que les gens font bien la différence entre les actes posés sous la pulsion de

I'alcool, par exemple, où la culpabilité individuelle ne fait aucun doute, et le cas où

l'individu est victime des forces surnaturelles. Quelqu'un qui agit sous des influences

dont il ne maîtrise aucun parm&tre, ind6pendamment de tout &at d'&ri&! ou d'ivresse,

et dont l'agir contraste avec l'appréaation habitude est vite suspecte d'être utilisé pour

interpeller la société toute entière ou prevenir des calamites a venir. Le cas des l'biamgu"

ou "bithubu" ne rdhe pas non plus de ce que l'on appelerait des circonstances attenuan-

tes. Devant des croyances qui mobilisent si fortement les Africains, 1'Eglise devra parfois

admettre qu'''en Afrique noire, le monde de la nuit ou de l'invisible est peut-être le lieu

privil6gib où ü nous faut entendre la bonne nouvelle de la descente de J6sus aux enfers

afin d'annoncer la libération a l'homme Africain menacé par le pouvoir occulte.'~4

Dans lfËthique sociale de plusieurs groupes ethniques africains, on entend souvent

argumenter que la maladie et la souffrance sont des signes d'un comportement désordon-

ne dans la soaéte. Un comportement suceptible d'attirer le mécontentement des Ancêtres

et du Principe Wateur. On rebouve cette relation de la souffrance humaine au désordre

social différemment exprimée dans la Bible. Les amis de Job forcent ce dernier à se

repentir. Ils assument que quelque part, Dieu a &té mécontenté par Job ou ses enfants.

C'est-à-dire, culpabilite individuelle ou sociale-familiale.

14 ELA, Jean Marc, Ma foi d'Africain. p. 177

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1.4 Le Modele de Job

L'intrigue du livre de Job est qu'il souligne le p r o b l h e crucial de la souffrance de

l'innocent. Il défie la sagesse humaine des amis de Job dans leur double bonne disposi-

tion: défendre Dieu et aider l'innocent soufhant h s'avouer fautif. Par ailleurs Dieu y est

présent4 comme l'insondable. Il est un fait que l'issue de 1' histoire bien contée de Job aide

h comprendre que la question utile devant la soufh.ance est celle du "comment" soufhir

sans se laisser ruiner de l'intérieur. '5

1.5 Le désordre à la base

L'interférence de Satan dans la relation entre Job et Dieu est un type de désordre.

Satan est plutôt un personnage ou un rôle qui aujourd'hui prend plusieurs formes. C'est

ce rôle que joue chaque personne incapable de se réjouir du succès d'autrui. L'interven-

tion de Satan represente toute intervention cachée, lointaine ou proche qui engendre une

souffrance dans le monde. Par exemple l'enfant dont les parents nggligent la vaccination

contre la polyomy&te, souffrua, innocent, d'un handicap physique.

15 Le livre de Job pr6sente une image peu commune de Dieu et de homme souffrant. What the Hebrew author does in these passages is to draw our attention to the ntysterious presence and involvement of God in the situarion of the sufner. The three friends were physicdy present, but they were too self-complacent and self-assured to be tnily involved in Job's bitter struggle. They were lacking, not in knowledge, but in sympathy. Job was repeatedly forced to question the sincerity and depht of their concern for him: 6.15-25.27; 12,13,4.9; 16,2; 26,2 etc. This is to suggest that mere words of advice m o t help the sufferer, but only love expressed in attitudes and actions.

On the other han& God, though only present invisibly, iç most deeply mvolved. The n i f f e r a n to him, and every pIea of his is surely heard and responded to, even though he may not be conscious of this. The Sufferer's urgent pleading with God cannot be a fruitless e~ercise, even when outwardly everything remains the same. This means that every experience of human Suffering contains the inviting and cowoling and sttengthening Voice of the compassionate God who holds the sufferer in his almighty amis. (As one whom his mother comforts, so 1 will comfort you) (1s 66,13). In this sense suffering is a grace and blessing m a strange disguise." ( oierian CM., 'The Sufferer's Struggle with God. A Biblical Lesson in Counsellirtg". In VIDYATYOTI. Ioumal of Theoloeical Reflection. 40 (1976), p. 249.

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Dans leurs interventions, les trois amis de Job nous introduisent à la question de

notre image de Dieu. C'est cette même image que Dieu veut comger chez Satan qui pense

que le Dieu de Job est un Dieu caldateur qui ne nous comble de bienfaits qu'en contre

partie de notre fidélité, et vice-versa, que notre fidélite est intéressée. Dans leur double

bonne disposition, ils defendent un Dieu jaloux et vengeurs et prônent une morale utfita-

ire, une ethique de peur.

C'est en définitive Job qui pose la question centrale qui nous aidera à comger notre

image de Dieu : "Devons-nous recevoir le bonheur des mains de Dieu, et refuser de

recevoir le malheur?" Ceci signifie que si nous nous abandonnons à Dieu, nous appren-

drons à faire face aux malheurs et calamit& qui nous arriveront, en apprenant a les vainc-

re avec sa grâce.

n. SOUFFRANCE HUMAINE ET REVELATION CHRETIENNE

ILI Réflexion Théologique sur la Maladie, la Souffrance et le Bois de la Croix

La question de l'origine de la maladie et de la souffrance est souvent posée pour

mettre Dieu à la barre comme &tant l'origine des maux qui affectent aujourd'hui la nature

humaine. L'argument en faveur de cette affirmation est '1'EtrFCréateurW de toutes choses

que nul ne peut nier de Dieu. Le récit de la Genese nous dit qu'après avoir a& l'homme,

Dieu vit que ce qu'il a fait etait très bon. Comme nous le montre plusieurs commentaires

des P&res de l 'Eghe tout au long de l'histoire, il est difficile de croire que ce que Dieu a

estimé être tres bon, c'est la nature humaine telie qu'de se presente a nous maintenant

La nature humaine bonne, oeuvre de Dieu s'est vue falsifiée par le libre arbitre de

l'homme, et cela h la déception de Dieu lui-même. Dieu se verra alors obligé de prodamer

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la conséquence logique de l'acte de désobéissance posé par le premier homme, sous

l'instigation de l'esprit malin : "Parce que tu as fait cela ..." (Gen 3,1419). Cela tient donc

du choix fait par l'homme de vouloiic se passer de Dieu en suivant le malin. Il s'agit en

effet d'un choix déierminant qui malheureusement a ouvert la porte la soufhnce, au

péché. Comme &rit saint Augustin : " Jusqu'au péch4, le corps humain pouvait être

qualifik en un sens de mortel et dans un autre sens d'immortel; mortel parce qu'il pouvait

mourir; immortel parce qu'il pouvait ne pas mourir (...). En ne pbchant pas il pouvait ne

pas mouni.." (De Genesi ad littermn, VI, 25, PL 34,354, in Jean Claude Larchet, Théoloeie de

la Mala& p. 25.)

Quand saint Paul affirme que par un seul homme Adam le péché est venu au

monde cela veut dire qu'ayant choisi de se passer de Dieu et en voulant devenir des dieux

sous la pulsion du malin, Adam et Eve se sont privés de la grâce du permanent complet

bien-être et nous avec eux. La maladie et la souffrance se sont donc intercallées dans le

courant de l'évolution de l'homme profitant du desordre de l'homme voulant interfhr

dans l'ordre etabli par le Createur. 0ù devons-nous alors chercher l'origine des souffran-

ces sinon "dans la seule volonté personnelle de l'homme, dans le mauvais usage qu'il a

fait de son libre arbitre, dans le @di6 qu'il a commis au paradis.'l6 Toutefois il existe

d'autres sources du mal et diverses causes de souffrances. Nous ne nous y attarderons

pas.

II3 Rétribution ou interpellation

Selon la sagesse humaine t d e qu'exprimée dans le M e de Job par Eliphar de

Teman, Bidad de Shuah et Zephar de Naamuth, "le monde et le sort des hommes repo-

sent sur un ordre garanti par Dieu qui, à son tour, se révèle en lui; la docttine de la

l6 LARCHET, J.C., ThéOlogie de La maladie, p. 24.

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rétribution est une piéce maîtresse de cet ordre: chacun aura le sort qui correspond à ses

oeuvres. "17

Mais la théorie de la rétribution dans la sagesse humaine du modae des amis de

Job se voit confrontée au problème de la soufficance de l'innocent Job lui-même en est un.

Vu sous cet angle, Job est la prefiguration du Christ- La question se pose avec acuite

quand il est ktabli que celui qui souffre n'est pas nécessairement l'auteur du mal. Selon les

coutumes et croyances Yaka c'est dans le dan ou la famille que la faute commise appelera

la calamit4, &nt donné le lien de sang. La question ici n'est pas d'établir le mecanisme

logique du lien entre la faute commise par un parent et ses retombées sur sa descendance.

Nous constatons seulement que la croyance en ce type de lien est massivement présente

dans la sagesse humaine. Cette même croyance est exprimée dans k question des Apôtres

de Jesus devant l'aveugle-né: Jn 9: 3. Dans sa réponse le Christ apporte une nouvelle

lumière A la première cornmunaut6 Chr4tienne et dont nous pouvons encore nous servir

aujourd'hui: La souffrance comme occasion de glorifier Dieu.

Par ailleurs, il me semble que nous ne devons pas si vite rejeter cette sagesse

humaine de la théorie de la retribution; il nous faudra plutôt distinguer dans l'origine de

la souMance la conception punitive de ce que j'appelerai une vision conçéquentialiste.

Dans bien d'autres circonstances dans la Bible, il est établi que la souffrance a pour cause

le desordre. Qu'il soit biologique, physique ou spirituel, qu'il soit originel et lointain, ou

rkcent et proche, qu'il soit important ou modeste, voiié ou connu au grand jour, tout

désordre produit une souffrance qui interpelle l'homme et l'interpelle reconsiderer sa

vie, s'interroger sur quelques aspects de la vie. C'est tout le processus de diagnostique

dont le but est d'ktablir l'agent causal en vue de lutter contre ses &faits.

l7 GONZALES, A, "Job, l'homme souffrant," In CONCLKM 119 (1976), p. 52.

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La souffrance comme originée dans le désordre n'est pour autant pas d'abord

punitive comme cela paraît à première vue. Elle est simplement une interpellation, parfois

ahmante* Ainsi donc la question du pourquoi souffrir que l'homme se pose ne trouvera

vraiment sa vraie rtiponse qu' au moment où d e cessera de viser à 6tablir la culpabilité

de Dieu, pour asseoir en I'homme le desir d'une utilisation morale et responsable de sa

liberté.

Nous sommes libres et souvent coupables, mais Dieu ne l'est jamais de nous laisser démunis du secours indispensable. Et la souffrance decoule de tous les d&ordres, des nôbes, et de ceux de nos Ancêtres, en remontant jusqu'au premier. Sans doute nous ne comprenons pas à fond pourquoi Dieu aée notre univers matériel et spirituel, où le péché fait naître la sou&ance.l8

La culpabilité de l'homme c'est de vouloir user de la liberté à sa guise, de croire

qu'il peut se passer de Dieu. Quand l'homme accuse Dieu d'être a la source de ses

souffrances, il refuse de porter sa responsabilit6. Nous savons depuis le premier homme

que ce n'est jamais "moi", c'est toujours l'autre. C'est soit la femme, soit le serpent, c'est-à-

dire toujours l'autre (Gen 3). En acceptant la souffrance, le Christ veut justement nous

liberer de la peur de vouloir nous engager dans la lutte contre le mal, lutte qui est sensée

commencer avec l'acceptation de nos faiblesses l'aveu de nos fautes. Dès lors, "dans un

élan d'optimisme chrgtien, fond4 sur la Rédemption, livrons-nous, pleins de confiance,

la conduite du Sauveur. Aux siens, joignons nos pauvres efforts pour racheter l'humanit6,

pour l'arracher à ses d&sordres, et pour l'arracher par 1à même a ses indicibles souffran-

ces. "19

PANICI, P., Op. Cit., p. 99.

l9 Idem, p. 100.

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La notion du desordre designe a m i bien le péché en tant que désob4issance et

opposition a l'ordre 6tabl.i par Dieu, que toute intedérence sur la nature et la vie humaine

qui viserait ik se passer de la volonte du Dieu. Le désordre crée un déséquilibre social et

individuel. Le desordre signifie renier ce qui mnvient pour vouloir faire à sa guise ce qui

ne convient pas. C'est ainsi même que le premier homme a faussé ses rapports avec Dieu,

avec son entourage et introduisit ainsi la souffrance dans le monde. Le Créateur s'en est

trouvé éloigné. Par ailleurs, la souffrance de l'homme a ému le coeur de Dieu qui a

envoyé son Fils, le nouvel Adam, pour restorer la grâce d'amour et le privilège de l'inte

f i t é perdue. Le nouvel Adam c'est I'Enunanuel: Dieu parmi les hommes.

En Jésus Sauveur l'homme apprend comment souffIV c'est-&-dire comment tirer le

fruit d'amour même là où l'amour est trahi. Pour nous Chrétiens, le Christ est la médita-

tion même de toute souffrance car, il est foncièrement l' "Amour Mediateur" qui guerit de

tmt désordre*

II.3 Mieux Comprendre la Foi et l'Incarnation à partir de la Souffrance du Christ

En dehors de l'agonie et du cri d'abandon au jardin de Gethsémanie, les Evangiles

sont plutôt discrets en ce qui concerne les nombreuses situations concrètes où le Christ

aurait expérimente la souffrance. Par ailleurs, travers sa vie publique le Christ s'est

montré proche de ceux qui souffraient. Il a accueilli et p é r i les lépreux alors que la

sociét4 les marguiaiisait. Dans sa passion, Jésus consent librement à la souffrance non

comme A une fatalité mais comme à une nécessaire voie du salut humain. Dès lors, Il a

inscrit la souffrance humaine dans la logique même du plan de Dieu. Le Christ fit

l'exprérience de la souffrance sous différentes formes:

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- A sa naissance, Ii souffre du dénuement et de la pauvreté, dans une etable sans luxe, a

peine équipée d'une mangeoire (Lc 2,7).

- Pendant son enfance, Ii souffre de menace de mort par Hérode et des tracas de la fuite

en Egypte (Mt 2,13-16).

- Pendant sa vie ~ubliow il souffre du rejet de sa pr4dication et du désaveu dans sa

patrie (Mc 6, Ida); de la trahison de Judas (Lc 22,48); du sabotage des Juifs, de la haine:

(Jn 15,lû-î5), de l'ingratitude et de la faiblesse des siens symbolisées par le triple renie-

ment de Pierre (Jn 18,17-25), de la mort sur une croix de bois.

Mais devant toutes ces situations, Jésus est reste libre au sens de la liberte comme

disponibilit6 et sér6nite du coeur. C'est-Adre "accomplissant jusqu'au bout le choix qu'il

avait fait. En assumant l'obéissance, il est vraiment l'initiateur de la vraie liberte en face

de Dieu, l'homme véritable parce que "majeur" devant ses hères, acceptant sa condition

humaine non pas comme un masque dont il jouerait pour se faire comprendre, mais en

prenant la souffrance et la mort. Mais cette souffrance n'aurait pas de sens si elle ne

s'accompagnait pas de liberté de Jesus, et cette liberte a sa source dans la confiance qui

nait dans l'abAme de l'abandon?

Pour moi c'est exactement la que Jesus nous apprend par son exemple com-

prendre que la foi n'est justement pas toujours fonction de la compréhension totale que

l'on peut avoir des bvenéments. La foi est parfois cette confiance aveugle qui nous fait

espérer et qui fait que l'on s'engage non pas sur base de certitude scientifique mais sur

base de certitude d'amour de Dieu qui jamais ne faillira. Quand cette confiance est

entâchée de doute, c'est qu'on veut se lancer en curieux douteux et incrédule comme

GONNET, Dominique, Dieu Aussi h u m î t la Souffrance. Editions du Cerf, Paris, 1990, p. 68.

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Pierre qui demande de marcher sur les eaux (Mt 14,2830): tout natureliement, il ne tarde

pas de sombrer. crie vers le Seigneur pour d6livrance.

L'expérience de la souffrance offre une def partidière de compréhension du

mystère de l'incarnation C'est Dieu ayant accepté de soufhU physiquement pour tiw

l'homme de la souffrance stérile et fataliste. Le fait que le Christ soit passé par la souf-

france, le fait qu'il ait expériment6 différents types de souffrances doivent nous persuader

qu'il comprend l'angoisse de ceux qui souffrent. Rien des souffrances humaines n'est

etranger à cet homme des douleurs et de la aoix (Mt 26,66; 27,25; Jn 19,6). Dejà le pro-

phète Isaïe en avait d o ~ é le portrait (1s 53,3-5).

De plus, alors que la douleur aigrit souvent celui qui souffre, et le rend dur a l'égard du prodiain, Jesus voulut nous demontrer qu'elle le laissait tendre et compatissant. Enfin, comme il s'engageait B nous procurer le bonheur, pounru que nous suivions ses conseils, il voulut nous faire contrôler, du moins partiellement, leur incomparable effica~té.21

Ainsi donc "nous n'avons pas un grand prêtre incapable de compatir a nos faibles-

ses; il a éte éprouve en tous points B notre ressemblance, mais sans pécher" (Heb 4,15).

La souffrance du Qirist est desormais une preuve incontestable de l'amour divin. Dieu

nous invite a prendre part B cette souffrance car il ne nous sauvera pas sans nous, sans

Eotre contribution. La sagesse du Père a voulu que la rédemption passe par la souffrance.

Le Christ ayant ainsi obéi au Père en acceptant de boire cette coupe mise sur son chemin

"a dom6 une valeur salvifique A toute souffrance humaine même inconsciente ... pourvu

que celui qui souffre n'ait pas voulu se soustraire de façon coupable cette forme de

redemp tien.''=

21 PANICI, P., Op. Cit, p. 2829.

22 DICTIONNAIRE DE LA VrlE SPRITUELLE Sous la direction de DE FIORES, Stefano & GUFFT, Tullo. Adaptation f r a n w de VIAL, François. Editions du Cerf, Paris, 1983, p. 1056.

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Saint Paul parle de 11an6antissement du Christ, la kénose. Devenu semblable aux

hommes le Christ s'est abaissé encore plus bas par la souffrance de la croix (Phil 26-8).

La kénose est justement le language indépassable qui comme jamais mieux cela ne I'a et6

avant et ne le sera après, exprime la profondeur et la grandeur de l'action du Qirist, "le

caractère unicpe". Ayant ainsi enduré par libre choix, humiliation et abaissement comme

voie de pr6dilection du père, le Christ devient "humble familier" de la souffkance. A ce

titre là saint Paul nous propose le Christ comme le modde d'humilitk dans l'amour. I1 est

a suivre et à imiter. L'incarnation, c'est la réponse divine aux interrogations humaines sur

la souffrance. "Dieu a répondu en s'incarnant, c'est-à-dire en acceptant de partager la

souffrance humaine.'%

"Avant le d6pouillement de Ia aoix, il y a le d6pouillement plus fonaer qui

s'accomplit dans l'Incarnation. L'Incarnation n'a pas été simplement un acte par lequel le

Fils de Dieu s'est adjoint une nature humaine; d e a été un acte sacrificiel, qui comportait

pour lui un renoncement, c'est-Mire une certaine souffrance morale délibérément

assurnée."24

On comprend dès lors la proMt6 du Christ avec les pauvres, les plus petits, les

affam6s et les exclus de la société, les marginalises, ceux qui a travers leur souffrance

deviennent avec le Uuist les artisans du Royaume de Dieu. La souffrance humaine, par-

tout où l'on souffre sans amertume ni révolte mais avec confiance et foi, devient une

vertue d'allure passive, peut+tre, mais bien capable de contribuer d'une façon ou d'une

autre a l'oeuvre du Christ. Saint Paul parle de compléter ce qui manque la souffrance du

Christ. Non pas que l'oeuvre du Christ soit incompl6te mais parce que l'Eglise, cette

23 DICTIONNAIRE DE LA VIE SPIRITUELLE, p. 1056.

24 GALOT, Jean, Clp. rit, p. 44.

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communauté humaine a besoin de Mmoignages actuels et au vif pour stimuler la foi de

ses membres.

La souffrance humaine ainsi décrite est d'abord une privation dont l'homme est

seul responsable, pour avoir voulu dans I'exercke démesuré de sa liberte, déjouer le plan

de Dieu. Le premier Adam usant de sa liberté a cher&& les honneurs, l'exaltation, voulant

egaler Dieu, et cela lui a attire humiliation et souffrance. Le Christ lui, usant de la même

liberte, a renonce au rang qui I'égalait à Dieu. Il a accepté humiliations et souffrances et

Dieu l'a exalte, lui donnant le nom qui est au-dessus de tous noms.

Le desordre introduit par l'homme, en bouleversant le plan de Dieu, a fait perdre

à l'homme le grand priviiege de la confiance et de l'assistance divines. Par le mystère de

l'incarnation, le Christ vient justement restaurer ce privilège à lthumanit& qui desormais

saura que Dieu seul est Maître de la vie et qu'Tl est tout amour. Le fait que le Christ ait

assume la souffrance pour en retirer l'homme nous apprend à substituer au desordre qui

cause la souffrance l'amour qui en gu4rit. Cela revèle d'une part combien le péché, le

desordre et la souffrance qui en découlent peuvent user l'homme. D'autre part, ils lais-

sent intacte la bonté de Dieu . Ainsi donc la souffrance offre à l'amour divin l'occasion de

se manifester, et aux hommes, une raison de mieux le comprendre et de l'approfondir.

Avec Jésus la souffrance humaine devient une voie possible de manifestation des "oeu-

vres de Dieu". C'est même la nouvelle vision que Jésus substitue à la logique humaine de

la justice rétributive avancée par ses disciples devant l'enfant aveugle-né (Jn 9,3). C'est

cette même vision qu'on retrouve dans Jn 11,4 propos de la maladie de Lazare que le

Qrrist qualifie de non mortelle mais faite pour servir h la gloirification du Fils de Dieu.

Voici qui nous ouvre une nouvelle considération de la so~iffIance et de la maladie; une

vision moins fatahte mais qui s'inscrit dans la ligne de la liturgie du samedi saint quand

1'Egliçe ose prociammer solennellement la faute heureuse qui nous a valu un tel Sauveur.

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Certes, pas parce qu'elle engendre la souffrance mais parce qu'elle ouvre la voie du salut

en Jésus.

iI.4 Souffrance et Ouverture à Dieu

Dieu n'a certes pas besoin que nous Lui donnions des occasions pour prouver son

amour. Mais chaque fois que nous avons l'occasion d'expérimenter son amour pour nous,

nous en sommes grandis et transfom4s. Pourtant comme les WNivites", des milliers

d'hommes continuent encore à cherche^ des signes ou mieux ne savent pas saisir les nom-

breuses occasions offertes dans notre monde aujourd'hui pour rencontrer le Christ

souffrant d'atroate. Comment faisons-nous pour répondre aux appels pressants qui nous

viennent de partout où les gens sont divisés, opprimés, emprisom6s, malades et refugiés.

Que faisons-nous pour tous ces plus petits en proie aux atrocités? (Mt 25,3140). Queue

digniM accordms-nous à l'homme que nous ne connaissons pas et que nous aidons ou

refusons de &courir? (Lc 10,30-37). "C'est dans le face-à-face avec l'homme souffrant que

s'impose l'idée d'une intangible dignite de cet individu singuiier, sans considération ni de

son aspect physique, ni de la qualité de son autonomie, ni de la possibilitb pour lui

d 'eseer une survie plus ou moins longue ou plus ou moins productive.""

II.5 La Passion du Christ et la Croix

Quand on parle de la passion du Christ, c'est l'image de la croix qui prédomine

dans l'imagi~tion, parce que l'expérience de la souffrance marque plus facilement l'esprit

humain La passion ne commence pas 3 la croix. Celle-ci n'en est que le point culminant.

La passion du Christ est faite de trahison, de l'abandon, du mepris, de la charge des

péchés, des mensonges et fausses accusations des hommes, de la

25 CADORE, Bruno, ' P i p i t 4 humaine" in Le Supplément. Théolo*e Morale- 191 (1994), p. 6.

haine, des coups et de

Revue dtEthiuue et de

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la souffrance physique sur le chemin de la aoix. Pour les juifs, la croix remet en cause la

toute puissance de Dieu: 'Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauves-

toi toi même; si tu es le fils de Dieu, descends de la aoix." (Mt 27,40). Devant la aoix la

royautg de J&us est méconnue et le sauveur lui même est tourne en dérision La re-

marque du Christ aux siens dans la synagogue: "sûrement vous allez me ater le dicton:

médecin guéris-toi toi-même" (Lc 4,24), se revèle être une parole prophetique du Christ

qui fait remarquer aux juifs leur manque de foi dans le fils de l'homme. S'il en a sauvé

d'autres et ne peut pas se sauver lui-même, s'il est roi d'Israël! et ne peut pas descendre

de la croix a h que l'on noie en lui (Cf Mt 27,42), c'est que, la souffrance dans laquelle le

Christ s'est volontairement impliqué, porte une signincation qui est au del& des solutions

humaines. Les hommes et femmes qui le voient posent comme condition ou preuve

tangible du messianisme, un miracle qui consisterait dejouer hic et nunc le plan des

bourreaux. Mais la logique de Dieu compte la souMance parmi les traits caractéristiques

du Christ:

Ii failait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les Anciens, les grands prêtres et les Scribes, qu'il soit mis A mort (Mc 8,31). Le Fils de l'Homme va être livré aux mains des hommes; iis le tueront et lorsqu'il aura et4 tub, trois jours après, il ressuscitera (Mc 9,31).

La souffrance du Christ est salvatrice. Elle nous apprend à comger notre image de Dieu

A savoir que Dieu est un Père aux multiples faces. Avec le Christ l'homme apprend a tirer

profit du jour comme de la nuit selon la volonté du Père. Jésus accepte la voie de la

souffrance, il ne peut s'en retirer car c'est par elle qu'il sauve la multitude de ceux que le

P&re lui a confiés. Devant le coneaste de la soufhance du Christ et la divine puissance de

Dieu capable dt6bigner cette coupe selon sa volonte (Lc 22,41; Mt 26,42; Mc 14,36), on

comprend une fois de plus le caractère unigue de la mission de Jesus. Mais ceux qui le

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voyaient se moquaient de lui. C'est le mystère même de la croix, sagesse pour les Uué-

tiens et folie pour les Juifs. Devant la croix la r&v&lation du Christ est remise en doute par

les hommes, et la puissance même de Dieu est méconnue:

n a mis sa confiance en Dieu, que Dieu le delivre maintenant s'il tient à lui, car il a dit: je suis le fils de Dieu. (Mt 27,43)

Taking up the cross to fouow Christ is not therefore, ody an e x t d following of that figure in history in the light of all we know about him. It is chïefiy a letting go inside ourselves in order to be united to that powerful redeemer in the here and now of our daily living. Letting go in a personal surrender to Christ, now in each of us16

L'affirmation des souffrances pe r sodes du Christ aide à comprendre que

l'incarnation n'est ventable que si le Christ est né de Marie et a souffert. C'est cela

qu'affirme le prologue de lt4vangile de saint Jean (Jn 1,14). Le Verbe fait chair et ayant

demeuré parmi les hommes sipufie qu' ''Tl est devenu quelqu'un qui souffre, qui &prouve

perso~ellement les douleurs humaines. Si1 n'avait pas et6 affect6 par elles, elles lui

seraient demeurées exterieures et on ne pourrait pas dire qu'il est devenu cela, qu'il est

devenu un homme avec tous les sentiments et toutes les emotions d'une authentique vie

humaine. l tP

II.6 La Souffrance du Christ :

La mission de Jesus réalise une série des prophbties dans lesquelles la souffrance

du Messie est presentée comme caractére essentiel de son portrait. " Ce qu'il doit faire et

souffrir était noté d'avance au h e éternel, et, sur la terre, des hommes i'avaient consigné

3 DALRYMPLE, John, Livine the Richness of the Cross. Notre Dame, Ave Maria Press, 1983, p. 69.

GALOT, Jean, Qp. Cita& pp. 38-39.

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par écrit; mais ce qui en doit résulter n'&ait pas moins prevu, et il le voit avec les voyants;

à son tour il prophétise.'%

Dans le Nouveau Testament, Jean 1, 1-18 et Phi1 2, 6-11 sont les textes autour

desqyels culminent toutes les évidences de la mission du Christ comme essentiellement

faite de- et appelée h se réaliser dans- la souffrance, ou mieux, sans contourner la voie de

la souffrance. D'un côM, la kénose nous apprend que la souffrance n'est pas un attribut

secondaire ou accidentel la vie et à la mission du Christ. De I'autre côté, la préexistence

affirmée dans le prologue johanique montre combien la pédagogie de Dieu fait découvrir

un aspect essentiel de l'amour divin A savoir la d6termination de vouloir s'impliquer dans

la vie humaine avec ses souffrances pour pouvoir en libérer l'homme. Le correspondant

de cette façon de faire de Dieu dans la sagesse Yaka est résumé dans ce proverbe qui dit

: " Qui veut sauver un mfmit de la noyade, ne cruind pas de se mouiller". Tout concourt pr*

uver que la souffrance du Fils est capitale l'oeuvre du salut.

La parole évang6lique qui exprime la souffrance la plus profo~de de J4su.s est sans

doute Mc 15, 34 (rappelant le Psaume 22, 1). Le corps meurtri du Chriçt a atteint le

sommet de la douleur que la peine peut infliger à un corps humain, il crie de detresse

son Père: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandom&?" La, la souffrance de

l'abandon "apparent" du Père vient d'un côté alourdir le poids du supplice. Et de l'autre

côté confirme pour nous que Jésus sur la croix est un vrai homme qui ressent les tortures

et les tourmants. Ce cri de Jésus hace en quelque sorte la ligne de démarcation entre la

transcendance de Dieu et la détresse humaine et nous aide ainsi à nous convaincre de

lthumanit6 sans complaisance du Christ. ll n'a pas feigné de devenir homme tout Dieu

qu'il était. C'est la qu'on comprend que le chemin de la aoix et le suplice de Golgotha

SERTILLANGES, A.-D., Ce m e 16sus Vovait du Haut de la Croix. Emest Flammarion Editeur, 1930, p. 33.

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sont loin d'être une comédie; ce n'est pas une scène jouée pour amuser la galère. C'est

1'Homme-Dieu qui, renonçant a sa condition divine, ne retenant pas jalousement le rang

qui I'egalait 3 Dieu (Phil 2, 6-11) et par amour pour nous les hommes s'offre souffrir

parce qu'il veut nous sauver.

Le cri de détresse du Christ souffrant révèle sa conscience d'avoir &té le protégé de

Dieu. En Dieu, Jésus a puisé la force d'accepter et d'endurer ses peines. Il comptait sur

Dieu qui maintenant tarde venir le délivrer de la croix. Vrai homme, le Christ pousse ce

cri de détresse qui laisse entrevoir qu'il n'arrive pas à comprendre la sagesse du P&e. "Il

evoque le drame du Fils qui dans sa souffrance humaine ne parvient plus reconnaître le

visage du Père.n s'adresse au Père en l'appelant Eli. W'' signifie la froideur, la distaxe

de Dieu l'homme, là où le Christ crucifie aurait attendu la chaleur, la proXimit4 du Père.

J&us n'&prouvait plus la présence patemeUe.'" Le temps ne serait4 pas venu de montrer

la grande puissance de Dieu en déjouant maintenant les plans humains? Mais les voies de

Dieu ne sont pas nos voies (Is 55,8) et sa sagesse est insondable.

Comme on le dirait dans une approche diristologique et dogmatique sur la

connaissance et conscience du Christ, il y avait en l'homme Jesus une certaine connais-

sance acquise (acquired knmledge) comme en tout être humain, connaissance qui s'acquiert

graduellement. Le c r i de détresse du Christ sur la croix peut, vu sous cet angle, s'61wer en

preuve incontestable ( pour qui s'en cherche) de l'humanité du Christ comme réel. En lui

aussi comme en n'importe quel homme, la connaissance a cosxist6 avec l'ignorance. Et le

Christ lui-même, se remettant totalement à la sagesse du Père priait au debut de sa

passion pour que le tout se passe non pas selon sa volonté mais selon la volont6 de son

Père. (Lc 22/42) Ici il nous paraît clairement que l'issue fatale de la souffrance est la voie

GALOT, Jean, 9p,îrl, pp. 52-53.

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privil&gi& choisie par le Père pour son fils. Il fallait donc laisser aboutir l'illusion de

victoire des bourreaux jusqu'à son sommet la mort, pour que le choc en retour de l'action

de Dieu soit plus grand. Et, il fallait que tout cela arrive comme le confessera le Christ,

"Compagnon" de route inattendu des disciples d'Emmaüs, pour servir de clef d'accès à

l'intelligence des Eaitures (Lc 24,26.32.44-45).

11.7 Le Repas du Grand Désir...

Avant la séparation d'avec les siens, Jh offre un repas d'au revoir qui corres-

pond h la pâques juive. Le repas festif offert en signe d'aurevoir marque d'une part, la joie

de voir l'autre entreprendre un voyage h caractère &volutif. Car on attend toujours d'un

voyage un certain enrichissement humain Et comme le dit un proverbe africain: " Celui

qui se meut a plus de diance de se nourrir." Mais tout naturellement une séparation reste,

d'autre part un &&nement douloureux, et la douleur s'accentue avec le caractiire incertain

de l'avenir dont il est difficile de mAtriser tous les param&tres. Comme le chantait Noël

Colombier, "Partir c'est mourir un peu, mais s'en aller pour chercher Dieu c'est trouver

la vie".

Jesus fait precéder son départ d'un repas festif. C'est la pâques, la derniere qu'il

aura manger avec ses disaples. Gédralernent dans la tradition humaine, le repas festif

offert en signe d'au revoir est offert en signe d'espoir. Voir l'autre partir est un motif de

joie et d'es-ce quand ce depart désigne une progression, un pas de l'avant dans la

vie. En 6tant festif, le repas allége la douleur de la séparation qui s'en suit. C'est donc au

cours de ce repas festif que J4su.s annonce qu'ü doit s'en aller. Et sa destination n'est CU-

rieusement ni un lieu ni une promotion Il va souffrir! " J'ai désiré d'un grand desir

manger avec vous cette pâque, avant de souffrir" (Lc 23, 15). Autant le repas pris en-

semble est pour Jésus un signe d'amour, autant la souffrance comme chemin de libération

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l'est aussi. La souffrance qui suit la séparation s'inscrit dans la même dynamique de

I'amow qui est au centre de rardent désir qui amène le Christ partager les agapes avec

ses disaples. On pourra donc dire que c'est librement que Jesus a d&Vé d'un grand désir

manger cette pâque avec ses disciples avant de soufhir (avec eux: invitation a souffrir

avec le Christ dont saint Paul a eu l'intuition particulière en prodamant: "si nous souf-

frons avec lui, avec lui nous regnerom" Rom 8,17). Autant le repas d'amour unit, autant

la souffrance du Christ devait unir tous les Chretiens L'issue du chemin de la souffrance

dans lequel Jésus est engagé devra sans contradiction être la continuation de cette fête, du

repas festif, c'est l'oeuvre et l'image même du Royaume des cieux pour lequel le Christ est

venu. 'le Royaume des cieux est comparable à un festin" (Mt 22,Z-4; Lc 14,15).

La destination annoncée par J6sus est la souffrance qui le conduira a faire I'expén-

ence de la douleur la plus complète sans laquelle Pincarnation avec toute sa profondeur

n'aurait pas atteint son pIein développement Le Christ a souffert de tout coeur pour que

la volonté du Père soit "fête", et qu'ainsi travers la mort la vie renaisse.

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m. QUELQUES ELEMENTS FONDAMENTAUX DE L'EDUCATION

MORALE CHEZ LES YAKA jo

111.1 Recherche de 1'Harmonie de la Vie et Structure de l'Univers selon la Cosmogonie

Africaine

L'homme Yaka aoit fondamentalement que l'univers est un "tout organique" A la

fois visible et invisible, constitu6 des déments en continuelle interaction. L'homme reste

le pivot, le noyau de toutes ces interactions. Dire de l'homme qu'il est le noyau des

interactions des différents 6lénients naturels, c'est dire que naturellement l'homme a la

vocation et le devoir de veiller a l'harmonie de la vie sociale.

Un tout organique ne signifie par ailleurs pas que l'univers est une reaiite simple

a saisir. Les Yaka approchent la r6alit6 complexe de l'univers selon la conception trilo-

@que du miaocosmos, du meçocosmos et du macrocosmos. Les Yaka distinguent le

monde visible du monde invisible tel que nous l'expliquerons dans la suite. Ii est A

observer que chez les Africains en général et chez les Yaka du Zéire en particulier,

... l'être humain adulte normal perçoit la distinction qu'il y a entre son moi comme sujet et les autres d'une part, et celle qui existe entre son moi et le monde d'autre part, avec une nettete qui lui fait aoire ih la f i t 4 ou l'&ternit4 de cette distinction, quand bien même la consaence humaine ferait l'expérience des mouvements incessants d'échanges qui existent au niveau

Wes Yaka font partie du groupe bantou d'mque centrale. Ils sont reconnus par leur forte organisation sociale et coutumi&re. Leur chef coutumier, le KIAMFU est un de plus influmts chefs coutumiers dont le pouvoir et le succ&s sont fondés sur le respect et l'observance des valeurs culturelles traditionneiles. On trouve les Yaka au Zaire, en Angola, au Congo et au Gabon. Le groupe auquel nous nous réferons dans cet essai se situe d i'ouest du Z&, 6 la frontière sud-ouest de l'Angola, au sud de Kinshasa, dans la region de Bandundu/ Kwango. C'est le goupe yaka le plus important d'Afrique centrale.

Comme le reste de l'Anique noire, les Yaka croient en un Etre Suprême, vivant bien loin, invisible mais omniprésent et jalousement attach6 A la morale. Les Yaka sont e s imprégn4s de leur d t u r e et s'y identifient continuellement.

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des sujets entre eux, comme celui de diaque sujet, de l'ensemble des sujets et du monde?

Pour les Yaka, vivre c'est avant tout se mettre au diapason de l'univers; c'est-&-dire se

conformer h la sagesse des Ancêtres.=

n.1.a Le Monde Visible ou Microcornos : Le Petit Monde des Vivants aux Limites Visi-

bles

Le monde visible c'est le monde immédiat dans lequel l 'home vit et se meut.

C'est le monde des humains, des v6gétaux, des minéraux, le monde dont les limites

visibles sont les firmaments du ad et de la terre. Dans la croyance Yaka, ce monde est

régis par des principes réglant les relations interpersonnelles, auxquels les vivants sont

appel& ii se conformer. Les tabous et interdits sont les véhicules de ces principes moraux.

Et comme nous le verrons plus loin, l'éthique sociale Yaka insiste sur l'observance des

interdits comme balises de la mordit& Ii est anthropologiquement prouve que même

dans la plus petite, isolée et faible société, il existe des idées de base et des syst&mes

communs de pensée auxquels le peuple se refère et avec lesquels il s'identifie.

Partout où le Yaka est appel4 a poser un acte il est mû par cette éducation morale

qui veut que l'on mette en avant plan le devoir de ne pas mkontenter les Ancêtres. Il

31 w, Pro~er, 5'éki.n du philosopher face a l'ordre comme norme sociale" in Phil0~0~hie Africaine et Ordre Social. Actes de la 9e semaine philosophique de Kinshasa, FïCK, Kinshasa, 1985, p. 23.

32 Comme le dit Mgr Onim BILETSI : "Dans un contexte oti l'harmonie de la vie de l'homme négro-africain est faite du concours efficace des diff6rentes valeurs, al'6thique en Africpe, comme le souligne fort à propos, Léopold Sédar Senghor, est sagesse active. Elle consiste pour I'homme vivant h reconnaîî l'unit& du monde et à travailler pour son ordination. Son devoir est donc de renforcer, bien sûr, sa vie personnelle, mais aussi de r6aliser l'être chez les autres hommes.»" ("Inculhuaaon de i'Ethipe Chr6tienne en Afrique" in ETHIOUE CHRETIENNE ET SOCIETES AFRICAINES. Actes de la Seizième Semaine Theologique de Kinshasa 26 Avril - 2 Mai 1987. ETCK, KBishasa, 1987, p. 20).

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s'agit en dair de ne jamais agir sans envisager les conséquences immédiates et lointaines

de son acte.

Face au monde visible, l'individu n'est pas un être isolé. Il se définit toujours par

rapport à sa famille au sens large, 2 son village ou à son dan. On se rapporte toujours à

la personne comme membre de sa famille, de son clan, de son pays ou voire même de son

continent, cela dépend ik quel niveau l'on se situe. Quand on doit juger du comportement

moral d'un individu au niveau du village, on parle du "fils de" ou de 'la fille de", réfé-

rence faite à sa f d e , ses parents qu'on honnorera ou déshomorera par son com-

portement. Au niveau du pays c'est la tribu qui est la référence, tandis que le comporte-

ment moral des individus au niveau continental est déterminant dans la réputation

morale que l'on attribue un pays.

L'éducation morale Yaka attire l'attention de façon particuliiire sur le fait que l'in-

dividu (la personne) à chaque différent niveau de definition ou d'identification porte la

responsabilité de la reputation morale de son entite de réfhnce. La b o ~ e ou la mauvai-

se réputation d'une sociét6 d-d de la réputation individuelle de ses membres. L'idée

portée par cette r e f h c e à un groupe soad sttuctur4 est que la personne n'est jamais un

individu i d & . Elle a toujours des racines quelque part. En chaque individu coule le sang

de sa f d e et de sa soabt4.

Le monde visible est en continuelle recherche de cohésion. Cette cohésion constitue

un moyen de protection efficace contre les agressions qui peuvent aboutir à une crise, à

une dbcompensation qu'est la maladie. La rupture de cette cohésion, de cette w b r e

pour des raisons diverses, conduit A la maladie, qu'elle soit organique ou mentale.

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IILLb Le Monde Invisible : Mésocosmos ou Monde Intermédiaire

Ii est difficile d'etablir la structure objective du monde invisible. Certains parlent

du monde des esprits sans différencier les bons et les mauvais esprits. D'autres parlent du

monde des Ancêtres qui ne sont pas considéres comme des esprits. Le monde invisible est

un monde d'ordre spirituel. Il est composé des "êtres spirituels interm6diaires entre Dieu

Créateur et les hommes. Ce qu'il faut souligner c'est qu'entre le monde visible et le monde

invisible, il n'y a pas séparation, mais continuité et interaction. C'est le même univers sous

son double aspect extérieur et intérieur, matenel et spirituel, visible et invisible." a

Le monde invisible est habité par ceux qui ont traversé le cap de la mort. Ii est par

excellence le monde des Ancêtres. Ceux-ci forment un corps collectif des Protecteurs des

Humains du monde visible. Les Ancêtres sont aussi les Tenants de la vie et les Défenseurs

des principes moraux. Ils détiennent aussi le secret de la maladie et des souffrances qui

sont soit des calamit& survenues et dont ils sont toujours capable de controler la progres-

sion ou de stopper l'6volution selon que l'homme en arrive a epingler le desordre 3 la

base et en amve associer les Tenants de la vie pour en retablir 1' équilibre rompu. Dans

sa relation au monde invisible, le Yaka prend Ia logique de la soumission pour principe

primordial.

ï I Imlmc Le Maaocosmos : Le monde du Principe de contrôle

Le Dieu Créateur est aussi invisible mais il forme un monde à part. Il influe et agit

sur le monde visible soit immédiatement soit par le biais des Ancêtres. Dieu habite loin

des Hommes mais toutefois il se laisse atteindre par qui l'invoque, surtout à travers les

Ancêtres mediateurs. Le Principe de Vie contrôle les miç~,cosmos et le mésocosmos tout

GRAVRAND, Henri, "Le symbolisme Srér" in Psvch atholoeie Africaine, 9 /2 (1973), p. 238.

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en ayant une partie propre qui échappe A l'emprise humaine. C'est le grand univers de ce

qui &ait, qui est et qui vient-

II1.2 La relation à Dieu et aux Ancêtres devant la Maladie et la Souffrance

En insistant sur son ouverture communautaire dans la conception Yaka de la

maladie, c'est la conception même de la vie ", sa sigmfication et le rôle de l'homme qui

sont valorisés. C'est Dieu qui donne la vie, la sant6, la prospérit& la fécondité ... etc, les

Ancêtres les gèrent pour chaque dan dom6 et en rendent les hommes responsables. Cette

responsabilite est d'abord communautaire avant d'être individuelle. On comprend des

lors que devant la maladie d'un individu c'est toute la communaute qui conjugue les

efforts pour obtenir la guérison qui est un bien collectif. "Non seulement la guérison du

malade est physique autant que psychologique, mais toute la cornmunaut6 guérit

kgalement; car la rupture d'équilibre d'un de ses membres entraîne toujours une rupture

de tout Tequilibre social." 35

Cela tient à toute la conception sociale de la maladie en rapport avec l'hîrmonie

universelle. 'Une maladie, surtout lorsqu' elle persiste et se geieralise sous forme

d'epidhie mortelle, peut devenir symbole d'une non conformite avec les puissances

a La conception Yaka de la vie est la même qu'on observe chez tous les peuples de 1' Afrique Noire ik savoir que "la vie est une "do&"." Nous en heritons du Ggateur et de nos Ancêtres par le biais de nos géniteurs immédiats, nos parents, qui ne sont que des principes de fertilitg (Cf. note 7). " Cette vie, l'individu la reçoit h Mat embryonnaire, mais douée de virtualités insoupço~ées. L'home est oblig6 d'actualiser ces virtualitt5s pour atteindre sa plénitude de vie : vie prolinque, heureuse, en consonnance parfaite avec i'ensemble de l'univers, abondance de récoltes, de bétail, de gibier, démence et maî̂ trise des éléments de la nature. Cette vie devrait se prolonger et se conçumer dans une honorable vieillessesse Bref, pour le MW la quête de la vie est capitale pour l'homme, la vie signifie le bienatre du corps et de I'âme contre les puissances ennemies, contre la maladie et la mort." (BILETSI ONm, Qp. Ci., p. 21).

FAX, Nzuji, La Rtissance du Sacré. L'Homme. la Nature et l'Art en Afriaue Noue. Maisonneuve & Larose, 1993, p. 73.

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Ii est important de noter que l'auto& surnaturelle des Ancêtres est capable de

m;ûtriser les puissances surnaturelles nuisibles h i'homme. La différence entre la puis-

sance des Ancêtres et les puissances surnaturelles qui ne rdevent pas de leur autorité est

percevable par le fait que les puissances surnatureiles sont toujours nuisibles. En d'autres

mots, la différence est de l'ordre de référence ou d'action positive recherchée et d'in-

fluence passive, inopinée. L'influence des puissances surnaturelles que les Yaka redoutent

est plutôt de l'ordre des interf6rences dans la vie aussi bien individuelle que sociale.

L'autorite surnaturelle des Ancêtres agit (ou est priée d'agir) pour organiser la vie.

Ainsi les puissances surnaturelles sont toujours objets de rébut. Et en tant que tdes ne

constituent pas une norme ethique. Dans son langage et dans son vécu quotidien, le Yaka

fait une nette diff6rence entre le pouvoir surnaturel des Ancêtres et les puissances

surnaturelles nuisibles. Par ailleurs, les Yaka croient fermément qu' avec la protection des

Ancêtres dont ils sont les descendants, ils peuvent lutter efficacement contre les attaques

des esprits nuisibles. Comme l'observe Mgr Biletsi Onirn :

les Ancêtres vivent au jour le jour avec leur descendants, continuent de mM&e invisible mais certaine, A veiller sur eux, pour qu'ils vivent dans la paix et la prospérité. A une condition cependant, c'est que les fils se corn- portent suivant les exigences de la fraiemite; qu'ils assument dettes et obligations laissées par les anciens, qu'ils leur rendent les devoirs prescrits par la tradition. Le chemin pour parvenir au bonheur a éte trac4 par les Ancêtres. Il faut le suivre scrupuleusement. .."

TSANGU Makumba, 00. Cite, p. 69.

37 BILETSI, Onim, Op Cit., p. 24.

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39

Par ailleurs il reste vrai que les esprits nuisibles vivant et s'infiltrant facilement

dans l'intime proximité des Ancêtres, sont les plus prompts et les plus habiles A atteindre

les vivants. Cette espèce de rivalité entre les esprits suceptibles de toujour nuire aux

vivants et l'autorité naturelle des Ancêtres nous aidera mieux comprendre la determina-

tion et l'exigence des Ancêtres devant I'obsenrance des prescriptions morales pour

l'amélioration de la conduite morale.

Les Ancêtres, comme le dit Tsangu Makumb~,'~demeurent en vertu du principe de

la primoghiture, des patriarches, avec l'autorité définitive d'enseigner aux descendants

la sagesse des valeurs morales et den contrôler l'observance." Ce contrôle est assurée

h travers i'observance des lois que les MuYaka appelle les lois des Ancêtres qu'il designe

soit par "Mitsiku mia Barnbufa", soit par "Mn bahoya Bambuta" qui se traduisent littérale-

ment par les lois ou cmmmidements des Ancêtres ou encore ks parok -sacrées- des Ancêtres.

Ces lois mises sous l'autorit4 des Ancêtres sont des lois morales. mes sont différentes des

interdits et restrictions alimentaires (Bkih) coutumièrement observ6s mais qui ne tiennent

qu'a la crainte des influences des puissances surnaturelles, des esprits maléfiques. La non-

observance des interdits alimentaires, qui par ailleurs peut être inconsciente peut prove

quer par un mécanisme ou un autre l'affaiblissement du corps humain au point de laisser

les puissances des esprits malbfiques prendre le dessus. Elle cause aussi souMance et

maladie. Tandis que la transgression des lois morales des Ancêtres, impliquant une

certaine dpabilit6, rompt l'équilibre vital du tissu social dont les repercussions peuvent

se manifester h travers les signes de la maladie et de la souffrance. Pour les premiers la

seule intervention du guérisseur ou thérapeute suffit pour resoudre les problèmes dors

que pour les effets de la transgression morale, une intervention spirituelle est necessaire,

TSANGU Makumba, Op. Cit., p. 86.

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car la paix sociale est mise à l'épreuve.

La paix sociale est un principe sacré chez les Yaka. Paix entre les membres de la

même famille et vis-a-vis des autres dans. La paix est un bien préaeux dont dépend

largement la stabilité humaine. La paix soaale déveioppe en chacun l'horreur de certains

actes comme ceux sucepübles d'engendrer l'effusion de sang, l'entretien de la haine, les

repdsailles. Ainsi chacun contribuera éviter les vengeances, écarter, briser ou Bcourter

le cyde de repr6sailles.

Tout compte fait, chez les Yaka le social et le sa& objet de la religion sont très lies.

Ils rbpondent b une même conscience. L'un tire sur l'autre sans se faire aucun tort. C'est

dire en fait que de par sa nature la religion est appelée à s'impliquer fortement dans le

tissu social. Ainsi donc Iféthique dite Ctir6tienne pour être efficace devra vehider à la fois

les valeurs religieuses et sociales auxquelles le peuple s'attache comme fondement de sa

vitdit& L'bthique ne sera pas chr6tieme ni efficace, si elle n'est pas religieuse et sociale.

III.3 Religion et Normes Ethiques

La religion chez les Yaka est etroitement liée 1'4thique. La religion dans la

tradition des Yaka, un peuple fortement croyant, joue le rôle éthique de regdation

sociale. Elle est avant tout du domaine du vécu pratique et de consolidation du tissu

social fond6 sur des relations paisibles et honnêtes entre individus, familles et dans. La

religion est plus d'orientation éthique que doctrinale et systématique. Ce que le Yaka croit

de la religion c'est d'abord ce que ses Ancêtres ont dit. Ce sont les commandements

moraux. Ce qu'il redoute le plus ce sont les repr6saiUes dues à une opposition h ce qui est

admis comme loi ancestrale. La transgression volontaire des co~~unandements moraux est

une source de md4diction sociale. Aux yeux de la soQ4té elle est signe de manque de

sagesse.

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La crainte des représailles est déja une orientation éthique du comportement. Dans

la ligne même de ce que dit le psalmistef à savoir que "la sagesse commence avec la

crainte de Dieu", le MuYaka aaind fort la sanction immanente à un acte immoral même

ignod des gens. La crainte des représailles est une crainte du Dieu mécontent qui tourne

le dos à son peuple. C'est la mainte des Ancêtres qui refusent de gérer la vie sociale et de

pourvoir beiMktions et progéniture. Cette crainte développe facilement chez le

MuYaka une culpabilisation devant les actes de violation même seaete des lois morales

des Ancêtres (mitsiku). Mais plus que vivre dans la crainte de la maladie et de la

souffrance que ces violations peuvent engendrées, le Yaka est soucieux de les éviter. Il

règle sa vie, se contrôle tant qu'il le peut, se reprend sans tarder quand il tombe. Il vit la

prudence d'offenser les tenants de l'intégrité morale dans une sagesse d'agir qui est une

norme ethique.

Chez plusieurs groupes humains en Afrique la religion et l'ethique sont avant tout

A situer dans la relation entre l'homme et les forces agissantes de l'univers; le visible et

l'invisible pivotant autour de la presence agissante des Ancêtres. La relation aux Ancêtres

joue le rôle du cordon ombilical. S'en défaire serait fatal. De cette relation naît et se

construit un monde réel, immuable et qui reste d6terminant. Sans refeence à ce monde,

l'individu n'aura de mordit6 que superfiaelle et inconsistante, par manque de fondement

reférentiel. Comme dit Jacques Ruytinx, "dans toute éthique théorique, dans toute morale

pratique, il y a une notion centrale complexe autour de laqueiie s'organisent valeurs et

s andions 3 9

Dans le cas du groupe social Yaka, je pense que c'est la double notion de socSté et

vie qui constitue l'élément centrai. Il n' y a de vraie vie que dans une cornmunaut4 unie

39 RüWINX, Jacques, La M o d e Bantoue et le Problème de 1'Education Mode au Con= Bruxelles, ULB, 1960, p. 39.

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et où chaque individu se sent responsable de 1'6pmuissement de l'autre.

Le vrai fondement de la morale sociale Yaka c'est la vie sociaie, comu~âutaire

comme émanant de la vocation de l'homme h aller vers les autres, avec les autres, aussi

bien pour soi que pour les autres. C'est par la que le monde se construit, car il est de la

volonte divine elle-même que I'homme ne soit pas seul. Le potentiel vital de l'individu

membre du groupe social Yaka dépend du type de relation qui le lie à son groupe social.

Le comportement moral des individus ne s16value qu'en fonction de kur soabté morale.

A ce titre, l'interd6pendance sociale comme recherche pacifique du bien-être individuel

et collectif fonctionne comme une norme morale aussi bien dans le gouvernement sooal

que le comportement individuel le plus secret 'C'est cette interdépendance qui gouverne

tout le système du Bien, du Md, du juste.'"

A la base de l'accent mis sur l'entité sociale aussi bien dans le domaine de la

morale que dans d'autres domaines de la vie de l'homme, nous pouvons décéler l'influ-

ence d'4chelIe des valeurs fonctiondle chez les Yaka. Ceux qu'on appelle supérieurs ou

chefs ne le sont pas toujours par leur grand savoir ou avoir mais par leur capadte réelle

d'imposer, surtout par leur exemple, un dimat d'entente sociale et une paix sociale qui va

de paire avec l'intégrite morde. Ce n'est pas leur physique et leur éloquence passagères

auxquelles les gens se r&f&reront, mais leur impact sur la vie des gens. Le bon nom, dit-

on chez les Yaka, reste définitif ind6pendamment de la description physique du porteur.

C'est dans la diff6rence fondamentale entre le définitif et le périssable qu'il faudra trouver

la vraie explication de l'accent que l'éthique sociale Yaka met sur la société. En définitive,

"la supériorité de i'entite sociale sur l'individu provient justement de son caractère

RUYTINX, Jacques, ML p. 39.

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définitif et inaltérable par rapport à l'être individuel provisoire et périssable." 41

III.4 La Parole et l'Agir

L'homme sage contrôle ce qu'il dit. Dans Mhique sociale Yaka la parole revêt

d'une importance capitale. Elle est dotée d'un pouvoir &vident. Mêlée aux gestes, la force

de la parole devient comme celle des sacramentelles dans les saaements. La parole Mnit

et maudit selon les circonstances. "C'est elle qui met en action tous les pouvoirs bons ou

mauvais contenus dans l'homme." *

L'art de parler fait partie de I'art de vivre; et ce qu'on dit, la façon de le dire sont

des éMments 4thiques. Ils aident a juger de la moralité ou non de la conduite individuelle

ou du comportement social. Ainsi le village où les jeunes gens profèrent et chantent des

propos injurieux a longueur des journées attirera fadement la colère des Ancêtres et la

md&diction. Le MuYaka croit fermement que la parole crée, transforme et libère; mais

aussi, elle corrompt, pollue et maudit. La parole, qui fait la grande différence entre les

hommes (humains) et les animaux, est aussi l'élément qui selon la cosmogonie Yaka

permet aux hommes de communiquer et de communier avec Dieu et le monde invisible.

C'est ainsi que la perte de la voix est souvent vue comme une retombée d'un exces de

langage malsain ou d'une élevation de voix mal placée; signe de conduite immorale con-

sideré comme un signe 6vident de mécontentement des Ancêtres. Elle nécessite des rites

particuliers basés essentiellement sur un acte de contrition.

41 TSANGU Makumba, ûp. Cit., p. 293.

* FAIK Nzuji, Clp. Cit., p. 71.

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111.5

forte

Fausses Culpabilités, Concorde Sociale et Pression Collective

Ii y a par ailleurs dans la socibté Yaka de fausses culpabilit& engendrées par une

pression soaale. Là où il est difficile d' &abk la véracité des faits devant une

accusation collective et quand l'opinion sociale unanimément pointe un individu comme

étant coupable c'est-Mire, le probable responsable de l'insatisfaction des Ancêtres et qui

attire les calamités ii la communauté, il arrive souvent que l'individu accepte la responsa-

bilite morale même sans réelle dpabfit6. Pour certains, c'est l'occasion de se faire payer

poules et chiivres qu'ils acceptent de recevoir en contre partie de leur nouvelle réputation.

Pour d'autres, fortement marqués par la conscience collective, ils s'acceptent coupables en

se disant qu'ils auraient sans doute ét6 utilisés sans le savoir par les mauvais esprits

nuisibles du dan. Accepter une telle culpabilit4 est en même temps noble et signe

d'amour pour sa soci6t6. Aux yeux de la communauté, comme le dit si bien Tsangu

Makumba,

refuser d'être sorcier c'est affirmer plus sûrement de l'être inconsciemment et donc continuer h tuer A son insu, ce qui représente pour la s o c i M un danger plus redoutable que d'accepter l'6ventualit6 de la sorcellerie et d'effectuer la réparation qui met fin à la tension sociale ..."*

Iï est par ailleurs entendu qu'une telle responsabilit6 peut être suivi des gestes de recon-

naissance.

Les fausses dpabilit6s sont engendrb par les jugements collectifs reconnus

souvent sévères et intransigeants. Elles sont fondées sur une desapprobation collective

indgpendemment de toute consaence personnelle de la fauteu Il y a audelh de la forte

TSANGU, Mak, Op. Cit. p. 180.

TSANGU Mak parle d'une culpabilité empirique, avec cette importante darification: "Quand on affirme que la culpabilite est empiripe, cela ne signifie pas qu'elle n'est pas

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pression collective, le besoin de canaliser la grogne et le chagrin collectifs vers un bouc

émissaire qui sera récupéré pour (et pendant) la concorde communautaire.

Ce qui est rUement visé et instamment d4siré c'est la reparation communautaire,

l'entente, l'union des coeurs à llint&ieur de la famille. C'est une entreprise de nature

purement &hique vis& par tout tribunal traditionnel Yaka. Ainsi le succés d'un juge ou

d'un sage ne reside jamais dans sa capacité de prouver qu'un tel a raison et qu' un tel

autre a tort mais dans son abilitb à initier et faire aboutir la r6conciliation communautaire

et h Mter rancunes et vengences. Il faut admettre i a que cette recherche de r15paration

comme primordiale est commune a la justice bantoue qui, comme la décrit J. Ruytinx,

"est reparatrice d'une part, et elle échappe, d'autre part, h un systéme bien etabli de taux

de composition et d'indemnisation. L a reparation l'emporte donc sur la pénalité, l'action de

dédommugetnetzt sur le sentimmt de culpaldité." * L'effet moral recherche qui est la cohé-

sion familiale ou sociale est plus important que la pénalitg. La rbparation des fautes

morales implique le pardon total. Une attitude de rancune observée après une réparation

publique est susceptible d'appeler d'autres malheurs. Chez le peuple Yaka la rancune et

l'esprit vindicatif sont des caractéristiques du sorcier.

Cet aspect est tellement important qu'il constitue même la demarche préliminaire

inévitable de tout bon guérisseur. Tout bon processus de guérison commence par une

rhnion familiale de concertation, de mise au point et au besoin de confession et aveu

publiques.

profondément ressentie par l'individu. L'empirisme signifie que la culpabilit6 résulte des conditions exteiieuies à lbomme et non d'une volonte délibérée de malice." (Op. Cit., p. 129).

" RUYTINX, Jacques, Op. Cit, p. 39.

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IIL6 Dieu et les Ancêtres dans 1'Enseignement Moral Yaka

Dieu est la première norme éthique parce qu'Il est sujet d'imitation. Le Yaka cite et

se réfère Dieu comme T Etre parfait et Géateur, sans toutefois être capable de le deaire.

Dieu! La vie humaine le Concerne, il intervient quelquefois mais le Yaka pense que les

détails de la vie des hommes n'est pas la première préoccupation de Dieu. Il ne fait pas

d'exception entre les hommes quand il s'agit de les aimer. Le don de la vie vient de Lui et

Ii voudrait que chaque homme partage son souhait de voir toute vie s'&panouir, c'est-à-

dire que chaque homme tire jouissance du fruit de sa progéniture, marie ses enfants et se

laisse soigner par ceux-ci pendant qu'ü goûte la joie de voir ses petits enfants. Dieu ne

voudra donc ni la mort précoce ni le malheur des hommes. Ii se plait de l'entente des

hommes. Il est en cela une réf6rence et une norme éthique.

Mais la vie dans les d6tails d'observance morale et dans son organisation soaale

est garantie par les Ancêtres protecteurs. On ne peut h proprement dire opposer Dieu aux

Ancêtres du dan. Mais une chose est daire dans les croyances caractéristiques du peuple

Yaka, Dieu est eloigné des hommes. Ii n'est pas inaccessible mais lointain et transcendant.

Il n'inte~ent dans la vie soaale communautaire et individude que quand il est prié de

le faire. En tout cas, le MuYaka ne considère pas Dieu, "Nzambi Mphungu", comme le

gardien de la morde et de l'ordre social.

ll y a une certaine admiration pour Nzambi, mais une relation perso~elle avec lui n'existe pas. On dit que les lois des ancêtres viennent de Nzambi, sans savoir expliquer comment il les a communiquées. L'infraction d'une loi n'entraûie aucun sentiment de culpabilith envers Nzambi. Si quelqu'un a volé il ne peut en avoir honte, s'il n'a pas et6 attrapé9

LUHANGU, "Denis, La notion de Dieu chez les Yaka" in SORCELLERIE dans la Wnion de Kwaneo /Kwilu. Vo. 2, Publication du 1966, p. 17.

DIEU, IDOLES ET CEEBA, Bandundu,

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Ce sont les Ancêtres qui sont directement et immédiatement concernés par l'ordre

social et moral. Ils interviennent même sans en être priés dans la vie individuelle et

sociale parce qu'ils sont les garants de la morale. ' l a souffrance ne provient pas de Dieu,

mais de conduite, de l'envie des jaloux qui fabriquent des sortiliiges malfaisants, des

machinations de mânes mecontents, de la malice des sorciers qui cherchent partout à

maîtriser, affaiblir ou detruire les forces vitales." 0

Les Ancêtres sont aussi une norme ethique parce que gérants de la vie comme dit

plus haut, ils sont le rnodae même de gestion, fondée sur les vernies dfhomêtet6,

d'impartialit6 et de solidarit&. Le MuYaka apprend A gérer la vie en se basant sur ce que

recommandent ses Ancêtres.

Par exemple, dans le domaine de la sexualite, les Ancêtres ne tolèrent pas l'inceste

et la dépravation. Iis s'en plaignent en envoyant au monde des enfants difformes et des

fausses couches a répétition Rien que devant l'idée de se savoir irnpliqu6 dans le proces-

sus de reproduction de l'espèce humaine sedement au titre dfinterm4diaires materiels

amène les mariés à se soumettre, car leur rôle de futurs parents les met, d'une part, A la

disposition des vrais géniteurs de la vie et, d'autre part, c'est toute la sodét6 qui les

observe, un peu parce que d'eux aussi dépend la prosp6rité de la communauté.

Par ailleurs, la naissance de l'enfant él2ve les parents à un autre niveau de considé-

ration sociaie. Une bonne primog6niture rapide et un accouchement eutocique sont signes

d'intégrité morale. Dès la naissance l'enfant et ses parents sont diff4remment considéds.

Ils sont la marque de la satisfaction des Ancêtres.

Si l'enfant est insér6 dans un processus de fertilit4 générale ou estime comme un don des Ancêtres, ce n'est certainement pas par ignorance du

47 RUYTmJX, J., @- Cit*, p- 23.

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rôle efficace et indispensable des parents biologiques, mais l'origine des naissances est attniu-& de préf&e, conformément à l'attitude f id i s te et mythique, aux sources premières et définitives plutst qu'aux muses inshumen- t a k de f d t 6 universelle. Du reste dans la soa6t4, l'enfant ne dépend pas seulement de ses propres parents mais encore de toute la parent6 du &m. 48

II1.7 Surmonter et Dépasser la Frustration Culturelle

Il est &ident que l'action missionnaire menée en Afrique a, 3 côté de ses effets

positifs, un certain nombre de méfaits parmi lesquels nous comptons la frustration

culturelle. Le théologien Sud Africain Itumeleng Mosda pense même que toute théologie

de Iib6ration sur le territoire d'Afrique Noire devait commencer par le combat culturelle.*

Tsangu Makumba parle de reniement abjuratoire des traditions pr6tendues dégradantes

qui a contribué former un peuple méfiant, craintif et dGsorient6 au point de pezdre toute

fiertd! de sa propre culture et de ses propres traditions. s'agit maintenant de dépasser

cette empreinte historique qui a fait de l'Africain un Chrétien frustré, un Chretien

continuellement en lutte entre deux consciences qui, sans s'opposer fondamentalement,

ne peuvent pas être portées ensemble au grand jour parce que l'une est dite païeme parce

que faite des traditions soit disant- avilissantes , c'est la consaence d'être Africain et

diffbrent des Autres; et l'autre est faite des traditions chr6tiennes reçues en héritage de

l'Occident christianisée avant l'Afrique. Elle n'a donc rien de degradant et n'a rien à

emprunter de l'Afrique mais bien à lui donner. Et l'Afrique se contentera de la joie de

recevoir, dors que surtout dans le domaine de la morale, la rencontre de 1' Afrique et de

l'occident Chrétien devait être une occasion d'échanges et d'enrichissement r6ciproques.

TSANGU, Mak., Op. Cit.. p. 136.

49 Lire ELJMELENG MOSALA, J., Bfilical Hermeneutics and Black Theology m %th BhjÇE, B. Eerdmans, Grand Rapids, 1989.

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ïII.8 Education Morale chez les Yaka

La présente étude s'applique largement au groupe soào-culturel Yaka. Bien

qu'incontestablement on retrouvera plusieurs éléments culturels Yaka dans d'autres

groupes culturels organisés d'Afrique Noire, compte tenu de I'homogénéit4 culturelle de

cette Afrique. Cependant il serait hâtive de dire que toute l'Afrique Noire r6pond au

même stimuli en matière d'éducation morde.

Toute tentative de g4néralisation des éléments que nous pr6sentons ici comme

fondamentaux de l'éducation morale chez les Yaka, est faire avec pmdence. Notons

avec Jacques Ruytinx qu'"il y a des comportements communs assez facilement isolables,

et des comportements différentiels qu'il faut noter soigneuse ment."^ L'enseignement

moral en Afrique en g4néral et en milieu Yaka en particulier souffre du phhomène

missionnair@, que ne cessent de dénoncer les courants théologiques de libération et

d'incultur ation.

III. 9 Les Interdits et leur Caractère Moral

Les Interdits dans ta sociéte Yaka fonctionnent comme des balises. Ils disent tout

en y joignant une conséquence souvent dramatique, ce qu'il ne faut pas faire, c'est-Mire

tout commrtement susce~tible de destabiliser la sociétb. L'a~~rentissaee du cataloaie des A &

interdits sur lesquels reposent

orale en groupes d'âges et de

résultat mène tel autre acte. La

A A U V

la paix et la concorde sociales est assuré par la tradition

sexes. On sait pourquoi tel acte est interdit, ou quel

soci6t4 Yaka insiste sur la responçabilit6 de l'individu et

Ruytinx, Jacques, La Morale Bantoue et le Probl&me de lEduca#ion Morale au Con~o Bruxelles, ULB, 1960, p. 11.

51 NOUS entendons id par phénomène missionaire, le refus de reconnaflh les valeurs culturelles locales comme "inspirées", une valorisation extrême du modele Occidental et le m6pris des institutions traditionnelles et coutumières.

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50

son rôle dans la construction d'une soci6t6 morale viable- Les interdits sont donc basés sur

l'expérience. C'est partir des faits vécus et de l'expérience de plusieurs générations que

la societ4 en est venue construire une ethique qui met l'accent sur Ie vécu quotidien.

Dans la &4té Yaka, la morde de l'impératif catégorique ne fonctionnerait qu'à un

niveau purement superficiel. EUe n'atteint pas l'âme africaine. C'est qu'eue refQe juste-

ment aux valeurs ocadentales dont l'acception est vue comme une negation de la morale

coutumière et de ses interdits cat4goriques rejetes en bloc et qualifi6s de paganisme. La

morale traditiome~e t d e que vehid& pat les interdits est très efficace. me impüque

une conscience d'agir basée sur une disposition sociale et mentale propre d'une part, et

une conscience nette d'être artisant dans l'oeuvre de construction du bien être social

communautaire d'autre part. La morale de l'impératif catbgorique (qui est la forme de

structure morale présentée aux Qiretiens en Afrique) ordonne h la conscience dtoMir,

sans s'impliquer réellement dans la dérnarche qui consisterait avant tout à saisir la portée

morale et les implications sociales de l'acte pose afin d'en percevoir les conséquences. La

morale des interdits categorisants valorise Pimplication consaente et elle éduque un

agir plus responsable ayant en tête les consQuences de l'acte dans la vie &ale, tout en

sadiant qu'on est soi même appelé construire la paix et la concorde &ale. II y a la un

probl&me universel qui se posera partout où la chrétienté définira le péché uniquement en

terme d'obligation abstraite à la loi du Christ avec forte insistance sur la foi sans tenir

compte des lois particulières des sociétés en matiere de culpabilite morale. Il est par

exemple important de savoir que chez les Yaka, "le *die dans le sens traditionnel consis-

te en ceci : ce n'est pas une désobeissance vis-&-vis de Dieu, mais un tort vis-&-vis de la

soci6t&"P Pour être efficace et adapte, l'enseignement de l'E* devait insister sur le fait

52 LUHANGU, D., Or). Cit., p. 16.

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qu'offenser la soci4té c'est offenser Dieu qui s'identifie en chaque membre de la soci&&, et

qui comme le dit Mt 18,19-20 est présent 1à où deux ou trois arrivent a s'entendre dans le

Christ.

IIL 10 Injures et Propos Impudiques

Lt4thique sociale Yaka condamne la profération des injures et propos impudiques.

Et le tribunal traditionnel, qui inclut totalement le champ de la morale, exige une répara-

tion publique pour essuyer l'humiliation et ltopprobe dues aux propos injurieux et

impudiques.

Mais, par ailleurs, la communauté protège l'enfant impoli qui spontanément et

sans gêne lâche des propos impudiques ou nomme en publique certaines parties du corps

humains consid&& comme sacrées et objets de pudeur. La &et& fait parfois exprès

d'inciter ou de provoquer ces enfants irnplis en public et alors par leur parler reconnu

extravagant et ose, ils s'offrent l'occasion d'apprendre aux autres enfants ne nommer les

parties intimes du corps -comme les seins, les organes gbnitaux, anus et fesses- que selon

la pudeur de l'éthique sociale Yaka. Généralement les parents ne nomment pas les parties

intimes du corps devant les enfants.

Au-delà de l'embarras que la société eprouve devant les propos impudiques des

enfants impolis, c'est avec une certaine satisfaction que la soci6té protège ces enfants qui

complètent une certaine lacune dans l'éducation morale familiale.

La naissance des jumeaux et leur ciifferentes c@brations (sortie de la maternite,

circoncision ...) constituent dans la soa& Yaka des occasions où les propos impudiques

sont autoris&. Les injures et insanit& autour et A i'occasion d'une cd&ration des ju-

meaux ne sont pas sanctionnées. Elles font partie des rites des enfants jumeaux auxquels

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on attribue beaucoup de puissance. Dé~à en ce moment D on croit qu'ils sont capable de

caimer la fureur des Ancêtres devant les propos malsains qui en temps ordinaire sont

objets de mtkontentement des tenants de la morale. Pendant les rites autour des enfants

jumeaux, la profération des propos impudiques, injures et blagues n'est suivie d'aucun

sentiment de culpabilité. Et la société le veut ainsi. Ii n' y a ni rancune ni m&hanceté.

III. 11 Sollicitude et Conscience Sociale dans ltEthique Soaale Yaka Face à la

Religion Chrétienne

La sociabilite à laquelle la souffrance convie et que l'on exprime dans la sagesse

Yaka en terme de parabole du doigt blessé dont le sang tache les autres doigts de la main,

n' est rien d'autre que la muhide sollicitude chretienne à laquelle convie St Paul à travers

l'image des membres du corps (1 Co 12,2427). L'attitude proprement chrbtienne consiste-

ra & depasser le seul niveau de compassion pour verser dans l'action Devant la souffran-

ce et la maladie les chrétiens doivent accorder leur prières et leurs invocations. Ce n'est

pas n6cessairement la foi p e r s o d e du malade qui le sauvera ou le tirera de ses souf-

frances, mais aussi celle de sa communauté. De même que la foi de Lot et les implorations

d' Abraham sauveront Coar et les proches de Coar de la catastrophe (Gen 18,16933; 19,l-

22), Jésus opérera plusieurs p6risons grâce à la foi de la foule (Mt 9,2; Lc 5,20: la fille de

Jaire, le centurion Romain). Et comme le recommande saint Jacques, prier les w pour les

autres est une condition essentielle à la gu6rison. "La priere pour la guérison du prochain

apparaît ainsi comme faisant partie de la tâche spirituelle du &&km, comme des modes

d'accomplissement du second commandement << Tu aimeras ton prochain comme toi-

même» (Mt 22,39; Mc 1231) dans lequel est r6sumée toute la Loi (Rm 13,s-10). Elle est

une voie par laquelle l'homme s'assimile & Dieu dans sa grande compassion pour toutes

les créatures souffrantes, et devient, quand elle est continuelle et profonde, un signe de

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sainteté." *

IV. ELEMENTS CHOISIS POUR UN DIALOGUE ENTRE L'ETHIQUE

CHRETIENNE ET LA SOCIETE YAKA

Nous avons largement présenté dans notre essai les grandes lignes de l'organisa-

tion ethique des Yaka d'une part, et des éléments de la morale chrétienne d'autre part. La

question qui nous préoccupe maintenant est celle de la cornpénétration entre les valeurs

morales Yaka et le message 4vangélique. Iî s'agit de contribuer à l'oeuvre immense

d'inculturation de la Bonne Nouvelle afin qu'elle soit mieux comprise. Le Pape Jean Paul

II en donne l'orientation en déclarant qu'"évangéliser c'est discemer les valeurs culturelles

susceptibles d'être enrichies, pufifiées et perfectionnées par la force de 1'Evangiie. Evangé-

liser c'est atteindre l'âme même des cultures vivantes et répondre à leurs attentes les plus

hautes, en les faisant croître la dimension même de la foi, de l'espérance et de la

charité." 54

La tâche de l'indturation, ne demande-tde pas comme dit Jean Marc Ela d'"in-

vestir nos ressources dans un travail théo1ogique qui rejoigne les hommes là où ils sont,

dans leur univers propre, pour les aider réfl6chir sur la relation entre PEvangde et leur

vie conaéte, avec toute sa complexité, ses dimensions et ses e>agences?"s

- -

LARCHET, Jeanaude, p. 86.

54 Jean Paul II, Discours prononc6 le 18 Janv. 1983, in Documentation Catholiaue 1û45 (1983), p. 147.

55 Jean Marc Ela, Op. Cia., p. 196.

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W. L Vie et eténitude de Vivre

Pour les Yaka comme nous l'avons dit plus haut, la vie n'est pas un cadeau

individuel. Elle est un don collectif qui implique aussi bien les Vivants que les Morts. La

vie ainsi comprise est une valeur prkieuse appelée à sëpanouir sous toutes ses dimen-

sions. Une telle conception fait que les Yaka voient dans la maladie et la souffrance une

menace de mort et d'affaiblissement de l'unit6 soaale. Ainsi comme dit plus haut, les

Yaka considèrent la vie dès ses origines comme un don de Dieu auquel participent tous

: Les parents sont les Principes géniteurs, les Ancêtres en sont les transmetteurs mais c'est

la communaute qui reçoit et garantit son @xmouissement. Les normes, les lois et valeurs

morales reçues de Dieu par les Ancêtres visent justement h atteindre la plénitude de

vivre.

Dans son d o r t d'incdturation, I'Eglise devra savoir que la vie du Chretien

Afncain se c o n s t ~ t autour des valeurs ancestrales dont une des plus importantes est la

solidarit6 comme concorde s e d e . Solidarite qui veut que chacun soit le gardien de son

frère et son protecteur.

Or, le goût de la vie et de la liberte marque profondément la conscience nègre. Devant toutes les épreuves, les humiliations et les souffrances qui structurent notre mémoire, nous ne pouvons pas nous empêcher de re- prendre la question que Dieu pose à Caïn au sujet d'Abel : «Où est ton hère ? Qu'as-tu fait! Ecoute le sang de ton h&e crier vers moi du sol.» (Gen 4 9 10156

Pour être bien compris par les Africains, le message &angélique devait prendre racine

dans ces valeurs qui ont depuis des siedes servi bâtir la société africaine. En d'autres

mots, l'annonce de la Bonne nouvelle de Salut devait par exemple rassurer les Africains

56 ELA, Jean Marc, Id- p. 195.

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que cette vie A lacpelle ils s'attachent est dom& par Dieu le Père et qu'en Jesus, d e

trouve sa plénitude. Jésus-Christ est donc l'Envoy6 du Père qui vient nous apprendre

depasser les limites étroites de nos dans, tribus et familles pour élargir le cercle des

enfants de Dieu. Jésus ne f&it pas de différence entre Juifs et Païens, esclaves et hommes

libres. La bonne nouvelle à annoncer aux Africains consisterait ia h le rassurer que La vie

de chacun et celle de la communauté trouvent leur origine en Dieu, Père et Createur, en

son Fi, Qirist et Sauveur et elle nous est collununiquée par l'Esprit-Saint. En ce sens la,

la revblation en JésusChrist serait une assurance que l'Afrique est partie prenante de

l'histoire du salut. L'oeuvre missionnaire ne serait donc pas vue comme une négation

culturelie africaine. Bref, Jésus-Christ devait rassurer et confirmer les valeurs morales

positives de chaque cultures tout en leur donnant l'occasion de depasser l'étroitesse de la

conception traditionnelle. En Jésus, on apprend appeler frère quiconque confesse Dieu

comme Père et Créateur, indépendamment de ses origines.

IV. 2. La Réfbrence aux Ancêtres

La relation a w Ancêtres dans l'organisation sociale africaine en g6nM et dans

lt6thique sociale Yaka en particulier traduit une vision plus large de la vie terrestre

comme n'&.nt qu'une phase de la vie humaine. La croyance il la pr6sence des Ancêtres

donne une connotation morale partideire à la vie. Elle est essentiellement une référence

et un recours au monde invisible, avec tout ce qui les constituent : la crainte de Dieu, la

peur des forces occultes, etc. Le théologien africain n'a pas la tâche facile. Il doit corn-

prendre que :

n faut se laisser convertir par la parole de Dieu pour chercher d'autres diemins possibles ou s'impose la quête d'une nouvelle intelligence du Christ. Or l'expeience de la foi est marquée par les tensions et les tiraille- ment qui naissent, pr4cisementf en Afrique noire entre l'Eglise et la culture

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Et h la longue la pr6sence des Ancêtres devient une référence ou un recours un être

supérieur. Là on comprend mieux qu'en définitive les Ancêtres sont des intercesseurs, des

intermédiaires entre IU'Etre Suprême et sa créature. La aainte des Ancêtres c'est la crainte

de Dieu. Et comme dit le Psalmiste, c'est le debut de la sagesse. Je crois que Ih l'image du

Christ compris comme Ancêtze pourra engendrer une sensibilité particulière et une

transformation profonde dans l'âme du chrtStien africain; et cela contribuerait redkfinir

les bases d'une relation de foi solide entre l'Africain et le Dieu de ses Ancêtres. Comme le

disait Mgr Monsengwo,

le nouveau rapport établi entre Dieu et l'homme en J6susChrist est le presupposé d'une radicale transformation de l'homme. En Jésus, l'homme africain rencontre le Dieu d'Abraham, qui le provoque sortir de lui-même et à rompre avec ses attaches terrestres (tribales, raciales, d a l e s , religieu- ses) en vue de marcher sous la presence active du tr&-Haut (Gn 12,l-5)."

Les Ancêtres ne sont pas des morts. Ils sont vivants. Et comme le dit le récit du buisson

ardent, Dieu n'est pas un Dieu des morts, i l est un Dieu des vivants. Et le récit cite

Abraham, Isaac et Jacob comme des Vivants.

La reférence aux Ancêtres et la croyance en leur implication dans la vie des

humains aide comprendre que la vie humaine a une valeur paTticuli&rement unique.

L'être humain est inte@ au sein de la famille et de la communauté qui de fado devien-

nent responsables de la vie. Ainsi la vie humaine n'est pas laissée A la merci d'une volonte

individude partidère, capable de la manipuler. La réf6rence au Principe Suprême et

57 ELA, Jean Marc, Idem, p p 202-2û3.

* MONSENGWO PASINYA, LI, 'Discours d'ouverture" de la Seizieme Semaine TMologique de Kinshasa. 6 Avril - 2 mai 1987, Kinshasa, RCK, p. 15.

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aux Ancêtres aident iî garder toujours presente à l'esprit l'idée de Dieu comme l'origine et

la fin de toute vie. Tout compte fait, les messagers de la B O M ~ Nouvelle devraient

rejoindre les Africains la où leur quête de la sécurit6 les amène c'est-Adire, A l'ombre des

Ancêtres ou de l'arbre ancestral et en faire le lieu privilegié des énoncés de foi et de leur

intelligence.

IV. 3. D e ltIndividualisme à la Promotion de la Co-responsabilité Sociale

L'Afrique a un sens très aigu de la socSt6. Les extensions des relations d a l e s et

les rarnificatiom des liens familiaux constituent une richesse en ce sens que pour 1'-

cain, rien degale la force et la richesse d'une familie nombreuse et unie. Cette richesse

n'est pas mat6rielle mais, avant tout, elle est essentiellement humaine et spirituelle. Ii

faudra pour mieux la comprendre, se situer dans le contexte de l'harmonie de la vie teile

que decrite au chapitre de la cosmogonie africaine. Le souci de se r4aliser comme indivi-

du en Afrique va de pair avec l'effort de réaliser l'être chez les autres membres de sa

famille. Le Yaka en tout cas ne pense jamais sa destinée sans se definir d'abord par

rapport a son milieu, a sa famille ou sa communauté immédiate de réference. Le Yaka

cherche à vivre la double dimension de la solidarité avec ses Aieux, avec et entre les

membres de sa cornmunaut6 humaine. L'union des membre de la cornmunaut4 entre eux,

renforce et facilite la communion avec les Ancêtres et le Principe Créateur. Il y a comme

une double recherche d'harmonie dans une relation à la fois horizontale et verticale de

telle sorte que la vie individude prend sens et trouve son 6panouissement dans la

concorde sociale. La vie de chacun est une prkccupation sociale et la construction soaale

est un devoir de chaque individu. Le Christianisme devrait insister sur une t d e notion de

communauté pour mieux faire comprendre le sens africain de l'amour du prochah, de la

communion fraiemelie et de la croix comme sacrifice du Christ pour l'expiation des

péchés des autres-

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W. 4. Le Bois de la Croix et le Symbolisme du "Bois" chez les Yaka

Comme symbolique proprement chretien, la aoix reprbsente la souffrance, la

peine, le joug. Si le symbolisme &&tien de la croix rappelle la souffrance comme telle, la

croix étant de bois, le bois ajoute ti cette symbolique une richesse. Chez le peuple Yaka du

m e , le bois représente un monde complexe. Ii repr6sente la forêt de la chasse, et de la

cueillette, où coulent les eaux de la pêche. Le bois est la source et le lieu de re- production

et de survie. Mais il n'y a pas de production sans effort de participation de l'homme.

L'homme exploite et entretient le bois, participant ainsi à sa re-création. Sans bois, il n'y

a pas de vie chez les Yaka.

Cette conception du bois s'applique dans la réalité chrétienne au bois de la croix du

Christ charge de tous les espoirs des Chrétiens. Et la Croix est en tant que telle porteuse

de la vie qui en Jesus renaît en tout homme qui accepte de le suivre. C'est-à-dire de pren-

dre ou porter sa croix en renonçant lui-même (Mt 16,24; Mc 8,34; Lc 9,23).

Dans la tradition Yaka comme dans beaucoup de soaétés organisées en Afrique,

il existe ce qu'on appelle l'arbre ancestral. Plant4 au coeur du village ou des familles,

l'arbre ancestral devient l'arbre protecteur, il garantit et porte la vie. Il est surtout l'arbre

de Ia progéniture et de la réparation, I'arbre-thoin du juron et des promesses morales.

C'est autour de l'arbre de la vie que se font les reparations et les mandements. Arbre de

contrition et de festivités. Cet arbre est donc fondamentalement la somme symbolique de

tout le cycle de la vie et de toutes ks dimensions de la vie de l'homme. Sous l'arbre

ancestral on n'est jamais seul."

59 On peut lire a ce propos la condusion du chapitre 10 du livre Ma foi d'Africain de Jean Marc Ela. Il developpe "La théologie sous l'arbre" qui &pouserait la simplicité et la limpidité de la vie du paysan africain comme toile de fond. Nous pensons que la théologie sous l'arbre est la théologie du Dieu puissant qui &ive les humbles.

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59

La combinaison du symboIisme purement chr6tien de la croix, image de la souf-

france, et du symbolisme Yaka du bois qui entretient la vie est mieux comprise au regard

du Christ d'abord portant la aoix et ensuite porté par la même aok. Le bois de la croix

ayant résisté tout au long du chemin vers le calvaire aux fracassantes chutes sans se

casser ni s'affaiblir portera le grain de vie qui meurt alourdi du poids de nos péchés. Le

corps du crucifie n'a pour racine que ce bois. Tout à l'heure, c'était un joug à porter, mais

maintenant il fixe le corps du Qirist à la terre. Le bois de la aoix devient le mât portant

l'étendard qui marque la conquête definitive de la terre, il élève le Christ au-dessus de

tout. Ainsi élevé, personne n'&happera à son regard et, lui, attirera mieux nos regards.

Devenu ainsi le signe incontestable d'amour. Désormais, on recomAtra ce bois par la

beaute de ses fruits, c'est-&-dire par l'amour qu'a fera naiAtre en nous. On comprend dès

lors combien la souffrance du Christ est signe et source d'amour et ainsi comprise, elle fait

partie de portrait même du Christ.

Dans la societ6 occidentale, l'alternance des saisons est entre autre chose marquée

par des transforrnatims subies par l'arbre. Ceti m'a perso~ellement frappé en arrivant

au Canada, en voyant des arbres perdre leurs feuilles. En Afrique on les aurait compt6s

pour sans vie, séches, bon pour le feu. Mais ils etaient non seulement vivants mais

porteurs d'une sigmfication, c'&ait l'automne. Avant d'en arriver là, ces feuilles ont revêtu

différentes couleurs marquant la progression saisom2re dans le temps: de l'ét6 l'au-

tomne avant la renaissance du printemps en passant par le calvaire hivernal. "Dans tout

le règne veg6ta1, l'arbre constitue probablement le sujet d'observation le plus intéressant.

De par sa taille, sans doute. Mais a w i B cause des multiples ph6norni?nes qui marquent

sa vie et son développement: entre autre, le cas échéant, la floraison, la fructification, et

les cycles saisonniers (par exemple, la chute du feuillage) ... L'arbre peut s'observer, certes

isolément, mais aussi dans un environnement végetal plus complexe: jardin, bosquet, fo-

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rêt. Le mot ''bois" lui-même s'emploie couramment selon une double ligne de signinca-

tion: si le ''boistt (...) constitue la partie compacte de l'arbre, un ensemble d'arbres n'en

constitue pas moins un ''bois"* Et que dire du bois de la croix sinon qu'il porte en lui

toutes les richesses ainsi détaill.ées du bois de la forêt dont la visée première est le

maintien de la vie. Et le bois de la aoix porte la vie du monde.

* GIRARD, Marc, Les Svmbolismes dans la Bible. Essai de Th6olo& Biblime Eenracinée dans 1'Exoérience Universelle. Ëd. du Cerf, Paris, 1991, p. 552

-

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C O N C L U S I O N G E N E R A L E

Tout au long de notre réflexion, deux grandes lignes semblent se dégager : II s'agit

avant tout de prendre conçuence que vouloir établir Dieu comme la cause de la sou&

frmce est une démarche purement humaine qui cherche se rabattre sur "un bouc émis-

saire". Des les origines, la souffrance se présente comme la conséquence de l'entêtement

humain ayant entraîn6 la rupture des rapports initiaux entre Dieu et l'homme (Gen&e 3,

1-23). Et depuis lors sous différentes formes, "le responsable de la souffrance, c'est

l'homme, qui s'engage dans le désordre, car ce desordre retombe en souffrance sur lui-

même, et s'abat aussi sur d'autres: il faut recomAtre, en effet, une gravit6 personnelle et

une gravité sociale en tout désordre, en tout pédié."61 Ainsi donc ü est impensable d'ori-

giner le mal et la souffrance en Dieu, lui qui est toute bonté. Cela serait contradictoire.

Cette réflexion sur la souffrance humaine nous a amen6 regarder plus profondé-

ment la vie de l'homme dans sa relation avec Dieu. Il en ressort que l'oeuvre de Dieu qui

est une oeuvre d'amour se rkveie sous des formes parfois inattendues et incompréhensi-

bles aux humaim. Le plan de Dieu a quelque part un monde rebelle l'entendement hu-

main; le monde inexplorable de l'iddit, de l'Ineffable. Et l'homme doit apprendre à avoir

un regard nouveau devant la souffi.ance.

Ce regard decouvre d'abord qu'à la souffrance est dévolu un rôle b'ès miseiicordieux, celui de se combattre en elle-même; en second lieu, qu'elle doit jouer un rôle 6ducatif manifeste dans l'ordre de la nature; enfin qu'elle constitue, dans l'ordre surnaturel, une epreuve d'où l'âme courageuse sort grandie, pacifiée, pleine de joie.. .a

PANICI, P., Op. Cit.. p. 84.

PANICI, P., Tùidem., p. 137

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Ensuite, la seconde grande ligne qui se degagerait de cette réllexion serait la sagesse

divine qui en Jésus inscrit la faiblesse humaine comme toujours sucseptible d'être

r&up&ée pour la r4aIisation du plan de Dieu. C'est l'expression même de l'amour infini

de Dieu venu non pas pour les bien portants ni pour les justes mais pour les pécheurs et

les malades (Mc 2,17; Mt 9,13).

La souffrance en elle même n'est ni indispensable ni forcément nécessaire dans la

vie de l'homme. Mais elle peut jouer un rôle essentiel et "si Dieu la permet, sa raison

d'être, dans l'intention divine, est d'amener un grand bien", d'aider l'homme com-

prendre qu'aucune situation dans la vie de l'homme n'est d4sespérée. Dieu dans sa bonte

infinie peut produire du bonheur I'hornme même là où l'epreuve l'accable. Ainsi comme

le dit Panici,

la souffrance humaine est faite pour nous avertir, pour nous détacher du monde, pour nous faire grandir notre foi, notre espérance et notre charit6, bref pour nous unir plus intimément il Dieu. L'âme qui s'agite ou qui se révolte n'a rien compris l'avertissement, elle n'a pas progressé sur la voie du détachement, elle ne s'est pas approchée de Dieu, helas, au contraire!

Cette même compréhension de la souffrance justifie l'accent mis sur la co-responsabilite

dans l'ethique sociale Yaka. Pour terminer nous sommes convaincus que la culture

africaine Yaka et le Christianisme ont beacoup A apprendre l'un de l'autre. Notre dernier

chapitre nous fait rejoindre Shorter dans l'idée que la théologie africaine doit être le fruit

d'un dialogue entre la tradition locale et le Christianisme.64

- --

a PANICI, P., idem., p. 181.

sr Shorter, A, TMobeie Africaine. Ada~tation ou Incarnation ? Paris, Ediüons du Cerf, 1980.

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B I B L I O G R A P H I E

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