contribution À la conception d’un centre … · 2019-05-06 · rapport rédigé par : lamia solh...

Rapport rédigé par : Lamia Solh KABRA

Co-encadrants : Hervé LEQUAY (MAP-Aria, ENSAL)

Sylvie SERVIGNE (LIRIS, INSA)

STAGE MASTER RECHERCHE 2018

CONTRIBUTION À LA CONCEPTION D’UN CENTRE

D’INTERPRÉTATION DU PATRIMOINE DU VIEUX-LYON

AUGMENTÉE D’UNE ÉTUDE SUR

LA DONNÉE NUMÉRIQUE COMME OUTIL DE GOUVERNANCE URBAINE

Illustration de couverture : document personnel, 2018

STAG

ECONTRIBUTION À LA CONCEPTION

D’UN CENTRE D’INTERPRÉTATION DU PATRIMOINE DU VIEUX-LYON

AUGMENTÉE D’UNE ÉTUDE SUR

LA DONNÉE NUMÉRIQUE COMME OUTIL DE GOUVERNANCE URBAINE

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ��6

1. LA VILLE INTELLIGENTE : UN NOUVEL ESPACE URBAIN ��10

1.1. Une nouvelle situation urbaine ��11

a) Imaginaires politiques ��12

b) Intelligence urbaine collective ��13

1.2. La donnée comme nouvel agent spatial ��15

a) « La société de l’information » ��15

b) Du traitement à la capacitation ��17

2. LA MAISON DU CHAMARIER : UN LIVING-LAB PATRIMONIAL ��20

2.1. Le Centre d’Interprétation du Patrimoine du Vieux-Lyon��21

a) Le « Fab-Lab patrimoine » du Chamarier ��22

b) Le tiers-lieu comme espace collaboratif ��24

c) L’apport du numérique pour le patrimoine immatériel ��26

2.2. Appel à projets IMU 2018 : H-LAB ��34

a) Résumé du projet ��34

b) Contexte et positionnement de la proposition ��35

c) Programme scientifique ��37

d) Valorisation, protection et exploitation des résultats ��39

3. PERSPECTIVES DE RECHERCHE : VERS LA THÈSE DOCTORALE ��40

3.1. Exploration des potentiels de la donnée numérique ��41

3.2. Gouvernance urbaine ��43

CONCLUSION ��46

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ��48

INTRODUCTION0

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Le présent document est une restitution du travail mené dans le cadre du stage de master recherche, soutenu par le Labex IMU, et faisant l’objet d’un co-encadrement par les laboratoires MAP-Aria (UMR CNRS-MCC 3495) et LIRIS (UMR CNRS 5205)� Cette introduction fait office de préambule au rapport pour expliquer succinctement le contexte pédagogique et scientifique dans lequel s’est déroulé le stage, et les circonstances ayant conduit à une réorientation du sujet de recherche, comme déposé initialement� Le stage a émergé du croisement des questionnements soulevés par le mémoire de recherche en architecture et urbanisme1, et la circonstance opportune offerte par la Ville de Lyon de la mise à disposition d’une partie de la Maison du Chamarier, pour concevoir un Centre d’Interprétation du Patrimoine du Vieux-Lyon — un espace muséal dédié aux technologies du numérique pour le patrimoine� L’ambition du projet était de faire de ce lieu à la fois un passage obligé dans le parcours touristique de cette portion du secteur sauvegardé, un espace de visibilité des structures muséales existantes (et particulièrement le Musée Gadagne), et un lieu de convergence pour l’ensemble des agents qui habitent, fabriquent, animent et valorisent la situation urbaine singulière que représente le quartier du Vieux-Lyon� En tant que gestionnaire délégué du lieu et partenaire praticien du projet, la SERL2 avait sollicité le laboratoire MAP-Aria pour penser le devenir de cet espace à fort potentiel, et cela en collaboration avec des acteurs majeurs impliqués dans la valorisation et la médiation du patrimoine lyonnais : le Musée Gadagne, l’Office du Tourisme, la Ville de Lyon et l’association Renaissance du Vieux-Lyon� En outre, la plupart de ces acteurs sont déjà engagés dans des recherches et actions portées par le Labex IMU sur les problématiques de la fabrique du patrimoine architectural et urbain et sa préservation�La définition programmatique et fonctionnelle du Centre d’Interprétation devant être stabilisée au cours de l’année 2018, l’un des enjeux du projet de recherche était d’engager un travail collaboratif avec les acteurs identifiés pour définir la destination de ce lieu, ses usages, ses publics et les outils de son fonctionnement, avec comme impératif de trouver un modèle économique permettant à la structure de devenir autonome financièrement après la période de subventionnement par les promoteurs chargés du projet de reconversion de la Maison du Chamarier� Le projet de recherche se proposait de contribuer à cette première phase de programmation d’un espace qui pouvait devenir à la fois un lieu potentiel de démonstration de l’expertise des laboratoires membres

1 KABRA Lamia Solh. (2018). La Ville Intelligente : un nouvel espace urbain. Qu’apporte le numérique à l’urbain ? Mémoire de recherche, École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon.2 La Société d’Équipement du Rhône et de Lyon (SERL) est une Société d’Économie Mixte (SEM) fondée en 1957. Le groupe SERL, par son expertise en matière d’aménagement urbain et de construction, accompagne les collectivités territoriales et les maîtres d’ouvrage publics et privés dans la réalisation des projets. Consulté à l’adresse http://www.serl.fr

INTRODUCTION

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du Labex IMU et de leurs partenaires sur les problématiques de la fabrication de la ville et du patrimoine, et accueillir un tiers-lieu d’un genre nouveau : le living-lab patrimonial� Il permettait d’offrir à l’intelligence collective en brassage permanent un lieu tangible pour s’actualiser, et un espace de débat autour des enjeux patrimoniaux et urbains pour les acteurs locaux, notamment à travers des dispositifs pédagogiques mêlant maquettes traditionnelles et représentations multidimensionnelles (projections, maquettes augmentées, dispositifs immersifs)� Le premier objectif de ce stage fut de dresser un état de l’art en matière de structures dédiées à la découverte et à l’appropriation du patrimoine, qu’elles soient virtuelles ou situées (structures de médiation, living-lab, fab lab, etc�)� Ce travail fut mené conjointement avec Marie DAMIDE, étudiante en master d’architecture, qui poursuit actuellement une recherche sur le sujet des tiers-lieux patrimoniaux dans le cadre d’un mémoire de recherche en architecture (voir § 3�1)� Par la suite, il s’agissait de proposer un schéma d’enrichissement du modèle théorique esquissé dans FAB-PAT3, notamment dans les dimensions sensibles qui contribuent largement à la construction commune du patrimoine� Cela fit notamment l’objet du dépôt d’un projet de recherche-action transdisciplinaire en réponse à l’Appel à projets lancé par le Labex IMU (voir § 3�2)� Enfin, le travail de recherche consistait à penser les méthodes et les dispositifs numériques pour accompagner une participation active des usagers du Centre d’Interprétation du Patrimoine, cela pouvant alimenter le living-lab patrimonial�Néanmoins, par la force des jeux politiques, la Ville de Lyon et la SERL ont abandonné l’idée d’un Centre d’Interprétation du Patrimoine du Vieux-Lyon qui, par conséquent, ne verra pas le jour� Le projet de recherche initié par les laboratoires MAP-Aria et LIRIS et la SERL a été arrêté début septembre 2018� La seconde partie du stage s’est concentrée sur l’élaboration d’un nouveau sujet, dans la continuité des axes développés dans le mémoire et le projet H-LAB (voir § 3�2), sur le traitement des données numériques pour comprendre et modéliser les situations urbaines� Le présent rapport retrace ces deux phases de recherche à travers les différents livrables qu’elles ont permis de produire� La première partie reprend l’intitulé du mémoire de recherche, et peut être considérée comme une introduction au contexte dans lequel s’inscrit l’ensemble des travaux faisant l’objet de ce rapport� Elle présente de manière succincte l’état de l’art conduit dans le mémoire, et les axes de recherche potentiels qui en émergent� La deuxième partie se concentre sur le travail réalisé au sein du laboratoire

3 Le projet FAP-PAT — Partager la fabrique du patrimoine — fait suite à un appel d’offres de la Ville de Lyon pour le vingtième anniversaire (2018) du classement de la ville au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Il a pour objectif de fédérer des acteurs divers investis dans la « fabrique du patrimoine » autour des enjeux de ce qui constitue aujourd’hui le Paysage Urbain Historique (PUH). Consulté à l’adresse http://imu.universite-lyon.fr/projet/fab-pat-partager-la-fabrique-du-patrimoine-approche-et-enjeux-du-paysage-urbain-historique-puh/

INTRODUCTION

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INTRODUCTION

MAP-Aria� Le stage fut ponctué de plusieurs temps forts, dont la rédaction d’un projet de recherche conjoint entre les laboratoires MAP-Aria et LIRIS et la SERL, qui ont conduit à faire évoluer — voire à modifier — le sujet initial� Ces deux phases ont comme point commun de traiter de la dialectique qui s’instaure entre le numérique et l’urbain, ouvrant ainsi la troisième partie sur des perspectives de recherche autour de la problématique des données numériques et leurs potentiels comme opérateur spatial pour la gouvernance urbaine� Le Projet de Fin d’Études — conduit actuellement en master d’architecture — succède au présent stage, et constitue l’étape suivante dans la construction d’un sujet de recherche qui pourra faire l’objet d’une demande de financement pour une poursuite en thèse doctorale�

LA VILLE INTELLIGENTE : UN NOUVEL ESPACE URBAIN

1

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couverture du mémoire

immatériel du cyberespace� Les dispositifs numériques peuvent favoriser la construction de projets collaboratifs et participatifs par une mutualisation des compétences et des savoirs des acteurs en action� Ainsi, les architectes sont à la fois des professionnels de l’espace, mais également les observateurs de ces mutations urbaines� La grille de lecture proposée cherche à comprendre les impacts qu’ont les technologies de la communication et du numérique sur l’espace urbain, d’une part, moyennant les nouveaux usages qu’ils génèrent — ou transforment — et, d’autre part, grâce à leur utilisation par les opérateurs humains comme une potentialité pour agir sur leur environnement� L’une des entrées de la grille de lecture est notamment l’analyse des types de données mobilisées comme ressource et outil par les acteurs spatiaux, et leur traitement�

1. 1. UNE NOUVELLE SITUATION URBAINE

L’expression « smart city » s’est rapidement imposée, et ce depuis les années 1990, pour qualifier les expérimentations et les projets ayant pour objet l’étude de l’avenir des villes contemporaines� D’abord popularisée par les

Le mémoire de recherche en architecture et urbanisme questionne le rapport du numérique à l’urbain� Il interroge le devenir des espaces urbains confrontés simultanément à une urbanisation accélérée et au changement global qui s’opère à l’échelle du Monde� En tant que situations spécifiques où les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont massivement utilisées pour produire et gouverner les systèmes urbains, la smart city et la ville intelligente représentent un corpus pertinent pour interroger la mutation des mondes urbains anthropocènes� Le mémoire remet en question l’approche que doit adopter l’architecte pour comprendre en quoi les données numériques permettent l’accompagnement de l’intelligence urbaine collective� Dans le processus de constitution d’une intelligence collective, une médiation — au sens d’un arbitrage, d’une conciliation — est nécessaire pour favoriser le fonctionnement d’un tel dispositif sociotechnique à l’échelle urbaine� En ce sens, les TIC sont les médiateurs techniques au sein de l’espace

1. LA VILLE INTELLIGENTE : UN NOUVEL ESPACE URBAIN

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grandes firmes privées telles que IBM, Cisco Systems ou Siemens, elle est le produit d’une stratégie marketing qui s’est peu à peu diffusée aux entités villes, dans le discours politique, jusqu’à devenir une image de marque — ou « urban labelling »� La popularité du terme « smart » a conduit à la création d’une diversité d’expressions, plus ou moins semblables, utilisées par les acteurs de la ville pour se démarquer de la concurrence, ou pour tenter de définir la ville du futur� En raison de la polysémie de l’expression et des nombreux termes associés, il apparaît nécessaire d’opérer une distinction entre l’expression « smart city » et celle de « ville intelligente »� La smart city repose sur l’utilisation massive des TIC, et participe à une hybridation croissante des systèmes informatiques avec l’espace dit physique� Elle ambitionne de répondre aux enjeux majeurs par l’optimisation1 « [du] métabolisme urbain »� L’observation de notre environnement laisse à penser que nous vivons déjà au sein de villes en cours de smartisation2�

a) Imaginaires politiques

La multiplication des capteurs et autres composantes électroniques au sein de l’espace urbain permet de collecter massivement des données géolocalisées sur ce qui se passe en tout lieu et à tout instant� Les données enregistrées dessinent une représentation de l’espace par occurrences et événements au moyen desquels il est possible de construire des modèles et de déduire des scénarios� Dans la smart city, le pouvoir décisionnel des utilisateurs peut être supplanté par les systèmes informatiques et leurs algorithmes3� À l’inverse, la ville intelligente s’appuie sur les technologies du numérique pour encourager l’émergence de nouvelles formes de consciences collectives — ou collectifs intelligents� L’association entre intelligences humaines et non-humaines favorise la capacitation des opérateurs humains, capables de raisonnement, mais dont les capacités de stockage et la vitesse de calcul sont largement inférieures à celles des algorithmes� La mutualisation des ressources entre les opérateurs humains et non humains accroît le potentiel d’action de chacun des opérateurs individuellement� Alors que les opérateurs spatiaux de la smart city sont principalement les grandes entreprises du numérique et les acteurs publics, d’abord clients pionniers puis acteurs à part entière du système, la dimension participative de la ville intelligente place l’individu au sommet du réseau

1 La notion d’efficience est au cœur de la politique marketing développée par IBM Smarter Cities « As national governments increasingly focus on national issues, cities must take greater advantage of the most advanced technologies to update service delivery. New business models target the creation of radical new efficiencies for long-standing challenges.» IBM Smarter Cities (6, août 3). Consulté le 27 novembre 2018 à l’adresse http://www.ibm.com/smarterplanet/us/en/smarter_cities/overview/ 2 PICON Antoine. (2013). Smart Cities. Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur, Paris, France : Edition B2, p. 8.3 Dans son ouvrage précurseur, Pour comprendre les médias (1977), l’intellectuel canadien Marshall McLuhan affirme que « toute extension est également une amputation ». Cité par Adam Greenfield dans GREENFIELD Adam. (2007). Everyware. La révolution de l’ubimedia. Limoge, France : FYP Editions, p. 148.


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sémantique des opérateurs4�Néanmoins, l’utilisation massive des technologies de l’information et de la communication dans la gestion des systèmes urbains soulève plusieurs problèmes concrets en matière de gouvernance urbaine qu’il semble nécessaire d’aborder pour comprendre les enjeux et les implications de la dialectique naissante entre le numérique et l’urbain� Les systèmes et les réseaux informatiques qui pilotent la ville contemporaine ne sont pas du fait de l’action des acteurs publics, mais celle des grandes entreprises privées, les seuls acteurs actuellement capables de proposer de tels services aux décideurs politiques et aux aménageurs friands d’innovations technologiques� La smart city, telle que présentée par les grandes entreprises de l’informatique, ne correspond en rien à la réalité de l’urbain� Les technologies proposées par les entreprises sont déconnectées des réalités et des attentes des individus� L’intelligence des modèles proposés réside dans la recherche d’une efficience maximale des systèmes pour répondre aux présupposés objectifs de la ville5� Pour les détracteurs de la smart city, les villes n’ont pas pour but de répondre à des objectifs ou des enjeux prédéfinis de gestion et de performance — « The city has no goal6 » — elles sont, avant toute chose, l’habitat des opérateurs humains� En ce sens, la smart city est réduite à un outil stratégique de régulation dans un système top-down et un marché pour les entreprises privées7�L’idée de contrôle qui accompagne le méta-récit du numérique évoque une crainte, par les acteurs de la ville, des potentialités qu’offrent les technologies émergentes, en matière de surveillance en temps réel, de collecte de données personnelles, et de contrôle des accès et des usages� L’argument de la sécurité est ainsi récurrent dans les discours politiques pour justifier le recours aux systèmes informatiques, bien qu’il soit évident que le numérique n’est pas la solution à tous les problèmes� La ville intelligente préfère au paternalisme imposé par les entreprises privées un système bottom-up fondé sur des organisations construites par le bas et de manière spontanée — « spontaneous order from below8 » — et participe à la capacitation des individus dotés de terminaux mobiles� La plateforme collaborative Meu Rio9 (« Mon Rio »), dont l’objectif est de mener

4 PICON Antoine. (2013). Smart Cities. Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur, Paris, France : Edition B2, p. 81.5 L’attractivité est une caractéristique majeure de la métropole contemporaine, poussant les villes dans une course effrénée à l’innovation, nouveau vecteur de rayonnement. Elles sont de plus en plus intéressées par les divers « smart products » proposés par les entreprises privées.6 GREENFIELD Adam (2012, décembre). Cycle de conférence Urban Age Electric City. « Use and misuse of smart technology in cities.» Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=9keDwTBmZ3o 7 Voir GREENFIELD Adam. (2013). Against the smart city: a pamphlet. New York, NY: Do projects (édition Kindle).8 « Cities are fantastically dynamic places, and this is strikingly true of their successful parts, which offer a fertile ground for the plans of thousands of people. » JANE Jacob. (1961). The Death and Life of Great American Cities.9 L’objectif de la plateforme « Meu Rio » est de mener des campagnes de mobilisation auprès des habitants de Rio pour impulser des changements concrets de politique publique. Le mouvement est né avec les manifestations qui ont surgi au Brésil en juin 2013 contre l’augmentation des tarifs des transports en commun. BONAL Cordélia (2013, juin 19). « Les Brésiliens étaient endormis depuis vingt ans. Ils se réveillent ». Consulté le 28 novembre 2018 à l’adresse https://www.liberation.fr/planete/2013/06/19/les-bresiliens-etaient-endormis-depuis-vingt-ans-ils-se-reveillent_912163

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des campagnes de mobilisation auprès des habitants, est un exemple illustrant comment l’approche participative de la ville intelligente a permis d’impulser des changements concrets de politiques publiques au Brésil�

b) Intelligence urbaine collective

La smart city et la ville intelligente sont deux modèles de ville pilotés par les données numériques générées non seulement pas les systèmes urbains dits intelligents, mais également par les individus connectés� Le Big Data apparaît comme une ressource informationnelle indispensable pour le fonctionnement des systèmes urbains10� Néanmoins, l’opérabilité des données numériques produites en masse repose sur un décloisonnement des services publics, dont le fonctionnement actuel en silos ne favorise pas la collaboration entre les différents acteurs de la ville� Le potentiel informationnel des données numériques peut contribuer à la construction d’une connaissance commune sur l’urbain, actualisable en temps réel au gré des mutations� L’utilisation des données numériques peut être considérée à la fois comme un enjeu politique et sociétal, mais elle présente également le risque de limiter la démocratie sous couvert de sécurité et d’efficience11� Qui possède les informations fournies par les données, lorsque les infrastructures et les systèmes urbains sont sous l’administration d’opérateurs privés ? Comment les acteurs publics peuvent-ils « reprendre la main » sur la gestion des services urbains ? Et surtout, quelle est la place de l’individu dans le nouveau jeu de gouvernance qui se dessine pour la ville intelligente ?Une des questions soulevées par la ville intelligente est celle de la notion d’intelligence� Elle se définit comme l’ensemble des facultés de conception, de compréhension et d’adaptation des opérateurs spatiaux aux mutations de leur environnement� L’intelligence de la ville désigne en réalité celle des groupes humains qui l’habitent — sujets cognitifs ouverts, capables d’initiative, d’imagination et de réactions rapides — et non celle des systèmes informatiques� Le modèle de la ville intelligente est celui d’une société qui devient intelligente dans la masse, par la capacitation de l’ensemble des acteurs, et non celui d’une société intelligemment dirigée12� La première hypothèse du mémoire conjecture que tout espace urbain possède une intelligence du moment que l’ensemble

10 La déclaration du responsable du programme IBM Smarter Cities illustre notre propos : « Smart is all about information. […] Once you have the information and understand it and know what to do with it, you are halfway to smart. » (Guru Banavar, cité par Natasha Singer). SINGER Natasha (2012, mars 3). « I.B.M. Takes “Smarter Cities” Concept to Rio de Janeiro ». Consulté le 28 novembre 2018 à l’adresse https://www.nytimes.com/2012/03/04/business/ibm-takes-smarter-cities-concept-to-rio-de-janeiro.html 11 SENNETT Richard (2012, décembre). Cycle de conférence Urban Age Electric City. « The Stupefying Smart City.» Consulté à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=UPtrxAN2RnY12 LÉVY Pierre. (1997). L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace. Paris, France : La Découverte (édition Kindle). Emplacement Kindle 176.


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des opérateurs spatiaux agissent en interaction au sein d’un système sociétal� En admettant que cette hypothèse soit valide, la seconde hypothèse suppose que la ville intelligente est un espace urbain émergent, où l’ensemble des opérateurs agissent intentionnellement de pair et de façon convergente� Enfin, la troisième hypothèse considère que le rôle de l’informatique et des TIC n’est pas de « remplacer l’homme », mais de favoriser l’association entre intelligences humaines et non-humaines pour faire émerger des collectifs intelligents� Ces collectifs permettent à chacun des opérateurs de développer et d’accroître ses « potentialités sociales et cognitives13 », mais également de penser ensemble un projet global tourné vers une même intention�L’intelligence collective est une « intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences14 »� D’une part, elle désigne un système dans lequel l’ensemble des opérateurs — humains et non-humains — de l’espace urbain interagissent entre eux, selon les principes et les règles dictés par la société, et qu’ils mettent eux-mêmes en place par leurs actions� D’autre part, elle est également un agent virtuel qui participe, de fait, à faire société au moyen de son potentiel d’action� L’intelligence collective n’est pas un système basé sur une organisation top-down ou bottom-up, toutes deux imposant une forme de hiérarchie entre les opérateurs, mais un système sociotechnique collaboratif� À l’heure où les évolutions sociétales bousculent tous les aspects de notre existence en tant qu’« individu social » (travailler, se déplacer, consommer, communiquer, habiter), une prise de conscience de la mutation des mondes urbains semble s’opérer dans des champs disciplinaires très variés� L’ampleur de ce phénomène implique de remettre en question les processus de fabrication de la ville moderne, pour tendre vers une intelligence urbaine collective, mettant en mouvement des formes de savoirs aujourd’hui séparées, et faisant collaborer divers opérateurs pour répondre aux enjeux communs�

1. 2. LA DONNÉE COMME NOUVEL AGENT SPATIAL

Dominique Boullier emploie le terme « troisième ville » pour désigner la ville contemporaine qui succède aux deux grandes « fonctions » de la ville qui ont marqué sa morphologie, la « ville des féodalités et des empires » et la « ville marchande »15� La « troisième ville » englobe les fonctions des deux

13 Ibid., emplacement Kindle 296.14 Ibid., emplacement Kindle 373.

15 BOULLIER Dominique. (1999). L’urbanité numérique : essai sur la troisième ville en 2100. Paris, France : Harmattan, p. 9.


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précédentes — la centralité et l’accessibilité —, mais elle se caractérise par l’émergence d’une fonction inédite : la production de l’information� Les sociétés nomades contemporaines sont des « sociétés de l’information16 »� L’espace du nouveau nomadisme est un espace complexe qui « internalise » des mondes de différences — le cyberespace ne représentant que l’immatériel du réel — et illustre un changement de paradigme dans le rapport des individus à leur environnement� Alors que depuis le Moyen-Âge, la conception du monde se réduisait aux seuls phénomènes perceptibles par la sensibilité humaine, les avancées scientifique et technique ont permis de repousser les frontières de la connaissance au-delà des réalités perceptibles par les sens, pour embrasser la complexité du monde comme système global� Par l’avènement des technologies de l’information et de la communication, qui se caractérisent par une dynamique d’innovation permanente, un nouvel espace anthropologique émerge� « L’Espace du savoir17 » se distingue des espaces antérieurs par la vitesse d’évolution des savoirs scientifiques, la masse d’individus appelés à produire de nouvelles connaissances et l’apparition de nouveaux outils — les TIC et les dispositifs numériques — dotés de potentiels capacitants inédits�

a) « La société de l’information »

La connaissance — et l’information — est devenue la source de toutes les autres richesses dans un système de capitalisation des savoirs� Le traitement de la donnée numérique représente un enjeu non seulement technologique, mais également sociétal et politique� Le développement des modèles de la smart city et de la ville intelligente témoigne de l’importance croissante du traitement de l’information pour gouverner les systèmes urbains� La ville contemporaine établit le règne du visible en temps réel ; tout ce qui se passe laisse une trace virtuelle que le traitement des données générées permet d’actualiser� Les technologies informatiques se trouvent ainsi « détournées » de leurs fonctions initiales — technologies du calcul — pour se transformer en ce que Dominique Boullier désigne par des « technologies de la mémoire18 »� Le stockage généralisé des données urbaines témoigne d’une forme d’hypertrophie contemporaine de la mémoire humaine qui s’exprime par le besoin constant de sauvegarder « la vie de la ville »� Pareillement, la surveillance généralisée est une expression de cette volonté de conserver une trace de ce qui se passe en un lieu à un moment donné « au cas où » l’information soit nécessaire dans un futur proche� La fonction de

16 Ibid., p. 111.17 « Le savoir est devenu la nouvelle infrastructure » Michel Serre, cité par Pierre Lévy dans LÉVY Pierre. (1997). L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace. Paris, France : La Découverte (édition Kindle). Emplacement Kindle 205.18 BOULLIER Dominique. (1999). L’urbanité numérique, p. 94.


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Intégration des dispositifs numériquesdans la gestion des systèmes urbains

Instauration d’un dialogue entre les Hommes et leur

milieu

Compétitivité bénéfiqueentre les centralités

urbaines

Augmentation du capital social et humain

gouvernance urbaine participative

Convergence des actions vers un intérêt commun à tous les acteurs spatiaux

DONNÉESURBAINES

traçabilité s’accompagne d’une fonction de sauvegarde — qui pose le problème récurrent de l’usage des informations stockées à des fins de contrôle — et témoigne de la nouvelle tendance culturelle du « savoir total » (tout observer, tout stocker, tout savoir)19� Dès lors, de nouvelles centralités immatérielles se créent aux côtés des centralités existantes� D’une part, les centres de collecte et de stockage des données numériques et, d’autre part, les centres de traitement et d’utilisation des informations extraites�Par ailleurs, la dissémination des composantes électroniques dans l’espace urbain interroge l’obsolescence programmée des « bits » dans la ville numérique� L’urgence aujourd’hui est de savoir comment faire vieillir les villes intelligentes20� Alors que les villes historiques sont écrites à la manière d’un palimpseste, la « ville des événements et des occurrences élémentaires » se vit en temps réel� La mémoire collective qui se fabrique dans le cyberespace peut être actualisée à tout moment� Par conséquent, le numérique ne remet pas seulement en cause le rapport de l’individu à l’espace, mais également son rapport au temps� L’illusion d’un présent perpétuel — que François Hartog nomme le « présentéisme » — véhiculée par le modèle de la ville intelligente renvoie au sentiment qu’il se passe 19 Ibid., p. 96.20 PICON Antoine. (2013). Smart Cities. Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur, Paris, France : Edition B2, p. 119.


INTELLIGENCE COLLECTIVE : Les données numériques comme potentiel de l’urbain intelligent� (document personnel)

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à tout moment quelque chose dans l’espace urbain, la banalité se pare alors d’une dimension événementielle21� La capacité nouvelle des villes à générer des sauvegardes virtuelles d’elles-mêmes ne supprime pas son historicité, la focale historique est essentielle pour saisir la complexité de l’urbain� De fait, le traitement de la donnée numérique devient un enjeu majeur de la ville intelligente�Les opérateurs de l’urbain sont des producteurs de données numériques� Elles sont, d’une part, la matière première et l’outil qui permet d’alimenter les systèmes urbains et, d’autre part, le support de nouvelles pratiques spatiales� L’usage des dispositifs numériques, par les individus connectés, dans des situations variées — se repérer, se déplacer, s’informer, communiquer, socialiser – accompagne la construction d’un rapport de plus en plus individualisé entre l’individu et l’espace urbain� En somme, l’essor du numérique participe au tournant individualiste des sociétés contemporaines qui s’opère depuis une vingtaine d’années22� Comme le présente Nicholas Negroponte, fondateur du Media Lab du Massachusetts Institute of Technology, dans son ouvrage à succès Being Digital23, l’ère du numérique se pare d’une forte dimension individuelle — contrastant avec les commencements de la « société de l’information » qui reposaient sur la standardisation des produits et des comportements� De la recommandation personnalisée des sites d’achats en ligne aux fils d’actualités des réseaux sociaux, cette tendance à l’individualisation est devenue monnaie courante aujourd’hui� Nous vivons à l’ère de la technologie ubiquitaire : l’individu contemporain possède à sa disposition une multitude d’appareils, tous simultanément connectés à l’environnement proche et au monde� L’omniprésence de l’accès à l’information impacte les comportements sociaux et influence les actions des opérateurs spatiaux� Dans la perspective d’anticiper les évolutions futures des espaces urbains, la donnée numérique apparaît comme un enjeu de gouvernance majeur� En effet, elle renseigne sur les usages et les pratiques des opérateurs spatiaux, et permettrait de comprendre l’état actuel de l’urbain�

b) Du traitement à la capacitation

La grille d’analyse comparative proposée par Rudolf Giffinger, directeur du Centre de recherche Regional Science de la Vienna University of Technology, définit six conditions nécessaires pour classer et comparer les villes intelligentes24� Elles se caractérisent ainsi par un usage « intelligent » des infrastructures

21 Ibid.22 L’essor du numérique participe au tournant individualiste des sociétés contemporaines qui s’opère depuis une vingtaine d’années. Voir à ce sujet BECK Ulrich. (1992). Risk society: towards a new modernity. London , Newbury Park, Calif: Sage Publications.23 NEGROPONTE Nicholas. (1995). Being Digital, New York. La version française, traduite sous le titre L’Homme numérique, a été publiée par les éditions Robert Laffont en 1995.24 European Smart Cities. Consulté à l’adresse http://smart-cities.eu/index2.html

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technologiques, une utilisation massive de la donnée numérique pour optimiser et accroître l’efficacité des systèmes urbains et une gestion plus « intelligente » de l’espace urbain — et subséquemment de la société� Le Big Data représente un véritable enjeu politique et sociétal pour les acteurs de l’urbain25� La difficulté que représente la collecte et le traitement de la masse de données stockées dans les serveurs nécessitent des compétences et des connaissances que peu d’opérateurs possèdent aujourd’hui� Le Big Data est une source de pouvoir — et un outil potentiel de contrôle — actuellement détenue par un nombre restreint d’opérateurs� Notamment, les données collectées par les GAFAM26 sur leurs clients revêtent un caractère de plus en plus stratégique pour ces entreprises, leur permettant d’identifier les centres d’intérêt de chacun des utilisateurs pour leur proposer des services qui sont adaptés à leurs envies du moment27� L’exploitation des données numériques — qui dépend de leur qualité à l’état brut — et leur médiation — leur usage par les opérateurs humains — sont les nouveaux enjeux auxquels se heurtent d’ores et déjà les acteurs de la ville, et qui nécessitent une prise de décision collective�Les débats actuels portant sur l’ouverture des données numériques au public sont animés, avec d’un côté de la table les partisans pour une participation active des citoyens dans les processus décisionnels et, de l’autre, les réfractaires au principe de transparence des données publiques sous couvert de sécurité� Le mouvement Open Data s’inscrit dans une approche globale qui considère l’information comme un bien commun, et dont la diffusion relève de l’intérêt général� Selon les pays, une part plus ou moins importante de la donnée publique est mise à disposition des opérateurs sous forme de licences ouvertes ou restreintes� Néanmoins, il n’existe actuellement pas de consensus politique, à l’échelle mondiale, sur la question du partage libre des données numériques� Un grand nombre d’opérateurs — les associations citoyennes et les collectivités notamment — encouragent l’ouverture, même de manière partielle, des jeux de données exploitables pour permettre le développement de nouveaux services publics à destination des citoyens-usagers� Le projet Optimod’Lyon28, résultat d’une collaboration entre une quinzaine d’acteurs publics et privés de la métropole lyonnaise, développe ainsi un module prédicatif à temps réel du trafic à partir des données produites par les opérateurs spatiaux sur la mobilité

25 Concernant la révolution du Big Data, voir l’ouvrage de référence sur le sujet ; MAYER-SCHÖNBERGER Viktor, CUKIER Kenneth. (2013). Big Data: A Revolution That Will Transform How We Live, Work, and Think, Boston, MA: Houghton Mifflin Harcourt.26 L’acronyme GAFAM désigne les cinq entreprises les plus puissantes d’Internet (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Ces firmes possèdent un pouvoir économique et financier considérable et qui dans certaines situations, peut dépasser celui d’un État. Elles incarnent le passage de l’économie à l’ère du tout numérique. La donnée devient une source de pouvoir.27 PICON Antoine. (2014). La ville des réseaux : Un imaginaire politique, Paris, France : Editions Manucius, p. 27-28.28 VIENNET Robert. (2015, mai 22). « Optimod’Lyon : la première appli de mobilité multimode, en temps réel et prédictive ». Consulté à l’adresse http://www.mobilicites.com/011-3782-Optimod-Lyon-la-premiere-appli-de-mobilite-multimode-temps-reel-et-predictif.html


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urbaine� L’intermodalité de l’application permet d’augmenter la productivité des services de déplacements urbains existants� Couplés aux outils numériques et aux techniques de géolocalisation, les services « innovants » s’appuyant sur les données numériques proposent une expérience physique renouvelée de l’espace et favorisent l’émergence de nouvelles pratiques spatiales29�Le libre accès à la donnée numérique — qui ne peut être privatisée si elle est la propriété de tous — et sa réutilisation sans restriction technique, juridique ou financière, posent de véritables problèmes de gouvernance� Il s’agit de s’interroger sur l’appropriation, par des acteurs individuels ou collectifs, de cette ressource et leur légitimité à l’exploiter librement� L’utilisation « avertie » et professionnelle des données numériques par les entreprises privées, les startups et les services publics montre la difficulté actuelle, pour les opérateurs de la ville intelligente, de s’approprier cette matière première30� Néanmoins, le risque virtuel encouru par l’individu numérique, dans son usage passif des services innovants qui lui sont proposés, met en exergue son incapacité à peser dans la balance politique� Assurément, l’importance croissante que revêt l’exploitation des données personnelles pour certains acteurs — entre autres les entreprises privées — interroge le rapport de l’individu à l’information qu’il génère sur lui-même� En s’appuyant sur l’argument de la protection de la vie privée, de plus en plus d’acteurs individuels se mobilisent pour réclamer une restitution de leurs données personnelles� L’enjeu de réappropriation des informations personnelles (consommations, finance, mobilité, communication), que cela soit pour un usage individuel ou autre, fait émerger une nouvelle forme de capacitation des individus qui se concrétise dans les mouvements de revendications Self Data� Le véritable problème réside moins dans le traitement des données numériques brutes — qui nécessite des compétences techniques expertes — que dans la transparence des processus de traitement et des objectifs d’exploitation� Les outils numériques sont des leviers pour soutenir les initiatives individuelles ou collectives qui ambitionnent de se réapproprier leur pouvoir d’agir31�

29 L’hybridation des mondes réels et virtuels via la réalité augmentée et les techniques de géolocalisation interroge les « limites » de l’espace. HERN Alex. (2016, juillet 13). « Pokémon Go: Who owns the virtual space around your home? » The Guardian (version numérique). Consulté à l’adresse https://www.theguardian.com/technology/2016/jul/13/pokemon-virtual-space-home 30 TOWNSEND Anthony M. (2014). Smart cities: big data, civic hackers, and the quest for a new utopia. New York: W.W. Norton & Company.31 Sur une approche de la démocratie par le prisme des technologies de la communication et de l’information, voir CARDON Dominique. (2011). La Démocratie Internet. Promesses et limites. Paris, France : Seuil.

LA MAISON DU CHAMARIER : UN LIVING-LAB PATRIMONIAL

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SOURCE : dossier de presse Ville de Lyonla fabrique du patrimoine à la diversité des objectifs spécifiques à chaque acteur� D’une part, l’un des enjeux scientifiques du projet résidait dans le traitement de la donnée numérique — comme matière et outil — pour modéliser les phénomènes urbains� Les techniques de représentation développées par le MAP-Aria et l’expertise du LIRIS dans le domaine de l’exploration des données sont suffisamment avancées pour atteindre un niveau de complexité tel qu’il soit possible de visualiser les phénomènes à une granularité temporelle fine� D’autre part, la médiation entre les différents acteurs imposait la mise en place d’une approche collaborative et transdisciplinaire� La question de la reconnaissance mutuelle et de la collaboration des acteurs est fondamentale pour faire émerger une puissance d’action collective1� Il s’agissait de construire un projet de recherche qui répond simultanément aux objectifs de chacun des partenaires et aux enjeux communs de gouvernance urbaine�

2. 1. LE CENTRE D’INTERPRÉTATION DU PATRIMOINE DU VIEUX-LYON

Le projet du Centre d’Interprétation du Patrimoine du Vieux-Lyon émerge d’une volonté politique de la Ville de Lyon de mettre à disposition une partie de la Maison du Chamarier, comme un équipement ouvert au public� Un appel à projets fut donc lancé pour réfléchir à la reconversion pérenne de ce patrimoine remarquable du Vieux-Lyon� La proposition retenue avait pour objectif, d’une part, d’ancrer l’édifice « dans ses fonctions historiques d’accueil et de réception » et, d’autre part, de créer un « lieu ouvert, innovant, et précurseur à Lyon grâce au premier Fab-Lab patrimoine de la ville2 »� Il s’agissait d’offrir aux acteurs du

1 « Collectif n’est pas forcément synonyme de massif et d’uniforme ». LÉVY Pierre. (1997). L’intelligence collective, emplacement Kindle 1010. 2 Ville de Lyon (2016, novembre). Reconversion de la Maison du Chamarier, un trait d’union entre le passé et l’avenir, dossier de presse, p. 5.

2. LA MAISON DU CHAMARIER : UN LIVING-LAB PATRIMONIAL

La problématique soulevée par la valorisation et la sauvegarde du patrimoine urbain du Vieux-Lyon a amené des acteurs du territoire à réfléchir à la mise en place d’un Centre d’Interprétation du Patrimoine, comme outil local d’aide à la gouvernance urbaine� La Maison du Chamarier semblait être le lieu propice pour accueillir cet espace de dialogue entre praticiens, chercheurs, acteurs associatifs et individuels� Le projet de recherche, tel que rédigé initialement, avait pour ambition de confronter la pluralité des points de vue et des connaissances sur

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patrimoine urbain lyonnais l’occasion de disposer d’un lieu unique et ouvert pour expérimenter et innover autour des problématiques liées à la conservation et à la médiation patrimoniale� Le lieu fut confié à un groupement de promoteurs (VISTA-IMMOGAL)� La mise à disposition du bien bâti par la Ville de Lyon est déterminée dans le cadre d’un bail emphytéotique d’une durée de 99 ans au terme duquel tous les travaux réalisés reviendront de plein droit à la Ville de Lyon, qui en reste ainsi propriétaire� Les travaux de rénovation des bâtiments en logements sont


actuellement conduits sous la direction de l’architecte en Chef des Monuments Historiques, Didier Repellin (RL&Associés)� La Ville de Lyon imposait, néanmoins, aux promoteurs l’ouverture au public d’un espace de médiation en rez-de-chaussée� Celui-ci devait être géré par la SERL, et financé par les promoteurs pour une période de quatre ans, au terme de laquelle le Centre d’Interprétation du Patrimoine devait trouver une autonomie économique et de fonctionnement�

a) Le « Fab-Lab patrimoine » du Chamarier

La SERL a sollicité le laboratoire MAP-Aria, à la fois pour un accompagnement technique dans l’élaboration du lieu, aidé de l’expertise du ‘AckLab — ateliers de l’innovation architecturale de l’ENSAL (fab lab labellisé par le MIT), mais également comme partenaire scientifique pour penser la programmation et le fonctionnement du « Fab-Lab patrimoine » du Chamarier� Un premier cercle

Restauration et valorisation d’un patrimoine emblématique du Vieux-Lyon� SOURCE : dossier de presse Ville de Lyon

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restreint d’acteurs s’est ainsi constitué comme fer-de-lance, sous la coordination de la SERL et en collaboration avec le MAP-Aria, pour participer à la construction du projet� Ce consortium se composait de différents acteurs opérant dans le secteur du Vieux-Lyon : le Musée Gadagne, l’Office du Tourisme et Only Lyon (sous la tutelle de la Ville de Lyon), l’association historique de sauvegarde du patrimoine Renaissance du Vieux-Lyon (RVL), et le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), établissement d’enseignement supérieur et de formation professionnelle� La localisation stratégique de la Maison du Chamarier, comme point d’entrée de la rue Saint-Jean — l’un des axes les plus fréquentés du secteur sauvegardé — a constitué un argument de poids pour défendre le projet auprès des partenaires, chacun pouvant en tirer profit pour son activité� Effectivement, le Musée Gadagne souffre cruellement d’un manque de visibilité, du fait de sa situation excentrée, et voit en la Maison du Chamarier un point d’appel des flux touristiques vers son établissement, et un relais potentiel pour ses collections historiques� Le Centre d’Interprétation du Patrimoine et les espaces de médiation mis à disposition du public pourrait également introduire le secteur sauvegardé du Vieux-Lyon aux touristes, comme première étape du parcours de visite proposé par l’Office du Tourisme�Le « Fab-Lab patrimoine » fut initialement pensé comme un lieu tiers dédié à l’innovation dans les domaines de la valorisation et la médiation patrimoniale� Le CNAM — premier partenaire du projet — se proposait ainsi d’occuper le lieu, de manière ponctuelle, pour organiser des formations courtes aux dispositifs numériques liés à la valorisation du patrimoine� Les entreprises et les startups étaient également invitées à investir le fab lab et l’outillage technologique mis à leur disposition pour concevoir, prototyper et expérimenter — avec la participation des usagers du Centre d’Interprétation du Patrimoine — des services et des dispositifs innovants en matière de médiation� L’ambition affichée du projet était de transformer la Maison du Chamarier en lieu de convergence des opérateurs lyonnais du secteur de la création et de l’innovation, gravitant autour des questions patrimoniales� Le choix de la Ville de Lyon de convertir la Maison du Chamarier en un fab lab (« laboratoire de la fabrication ») s’inscrit dans un mouvement actuel de transformation du capitalisme comme système de valeur, où la connaissance et la créativité deviennent sources de profit et jouent un rôle dans la transformation des territoires3� La transition du modèle de développement des métropoles d’une économie industrielle vers une économie créative et culturelle, en œuvre depuis les années 1990, redistribue les cartes entre les mains des acteurs économiques et bouscule les rapports de pouvoir traditionnellement établis� L’innovation créative devient un vecteur 3 Sur la nouvelle économie de la connaissance fondée sur le numérique, voir FLORIDA Richard. (2002). The Rise of the Creative Class. And How It’s Transforming Work, Leisure and Everyday Life. New York, NY: Basics Books.


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de développement et une des caractéristiques premières définissant la métropole attractive et rayonnante à l’échelle mondiale� Le développement du numérique participe à l’apparition de nouvelles « écologies urbaines », fondées sur l’association entre intelligences humaines et non humaines� De nouveaux opérateurs spatiaux apparaissent donc sur la scène politique, se constituant pour la majorité en collectifs intelligents4� Ils favorisent l’émergence de nouvelles formes de consciences individuelles et collectives, de nouveaux savoirs et de nouveaux comportements collectivement partagés (conscience écologique, engagement démocratique, gestion « raisonnée » des ressources énergétiques, etc�)�La programmation du « Fab-Lab patrimoine » a évolué au fur et à mesure des échanges et des débats entre les acteurs du consortium� Néanmoins, et malgré la divergence des opinions et des objectifs individuels, l’ambition du projet était de proposer un équipement public au service de la valorisation du périmètre sauvegardé du Vieux-Lyon� Le « Fab-Lab patrimoine » devait être un lieu ouvert et neutre qui encourage la rencontre des individus5, qu’ils soient locaux ou nomades, avec des acteurs publics et privés issus des sphères politiques, économique et académique� Pour concilier au sein d’un même espace les intérêts de chacun des partenaires, il s’agissait, dans un premier temps, de distinguer au sein de l’équipement deux espaces aux visées distinctes : un espace de médiation pour le grand public dédié à la question patrimoniale — le Centre d’Interprétation du Patrimoine, et un espace de collaboration et de fabrication autour des dispositifs numériques — le living-lab patrimonial� La Maison du Chamarier deviendrait ainsi un véritable tiers-lieu thématique, un laboratoire vivant pour comprendre comment le patrimoine peut se fabriquer en temps réel par les individus qui le vivent, le perçoivent et l’habitent quotidiennement� Dans un second temps, le projet de recherche construit autour du living-lab patrimonial se proposait de mettre en évidence le rôle éminemment politique que ce lieu pouvait jouer, comme agent potentiel pouvant catalyser les dynamiques spatiales, mais aussi sociales, qui s’opèrent autour de la fabrique du patrimoine� À l’instar de la Villa Gillet6, dont la programmation et les manifestations diverses encouragent le croisement interdisciplinaire et le débat public, ou du TUBà7, véritable living-lab urbain et incubateur d’intelligences au service de la ville numérique, la Maison du

4 KABRA Lamia Solh. (2018). La Ville Intelligente : un nouvel espace urbain, p. 56.5 OLDENBURG, Ray. (2001). Celebrating the third place: inspiring stories about the « great good places » at the heart of our communities. New York: Marlowe & Company.6 La Villa Gillet, sous la présidence de Michel LUSSAULT, est « un centre international pluridisciplinaire qui donne la parole aux écrivains, aux penseurs, aux artistes et au public. [...] Elle propose une approche vivante des savoirs à travers des rencontres publiques qu’elle organise toute l’année, mais également à l’occasion de ses festivals [...]. » Consulté à l’adresse https://www.villagillet.net 7 Le TUBà « est un lieu d’innovation et d’expérimentation pour la ville de demain [...]. Il favorise l’innovation, l’incubation et le développement de services urbains s’appuyant sur les données numériques privées et publiques. » Porté par l’association Lyon Urban Data, fédérant plus d’une quarantaine d’acteurs privés et publics, le TUBà se revendique d’une démarche collaborative et participative dans la fabrique de la ville. Consulté à l’adresse http://www.tuba-lyon.com

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Chamarier pouvait devenir le lieu de convergence des acteurs spatiaux, des enjeux communs et des données numériques� Ce brassage en mouvement continu peut favoriser l’émergence d’une intelligence collective, sans cesse actualisée dans la fabrique du patrimoine urbain, et pouvant être mobilisée comme outil de gouvernance urbaine�

b) Le tiers-lieu comme espace collaboratif

Le living-lab patrimonial est un espace collaboratif ouvert vers la société civile, un lieu de rencontre et de discussion pour les acteurs spatiaux, autour de thématiques communes et d’enjeux spécifiques liés au patrimoine� Le terme « tiers-lieu » est employé pour la première fois en 1989 par le sociologue Ray Oldenburg� Traduit du terme anglais « Third Place » (littéralement « troisième lieu »), il renvoie à l’ensemble des environnements sociaux qui viennent après la maison et le travail8� Ces lieux aux programmes très diversifiés (bibliothèques, cafés, aéroports, etc�) sont, pour le sociologue américain, des espaces entre-deux où le lien social est remis au-devant de la scène, dans un contexte où les espaces publics sont peu favorables au déploiement des relations sociales� Il définit ainsi les tiers-lieux comme « [des] lieu où l’on prend plaisir à se rassembler, où l’on tient des conversations, où l’on échange� Une sorte d’agora, publique ou privée, un café du commerce, ou comme dans son temps le lavoir9 »� Il s’agit ainsi d’espaces ouverts dont la fonction initiale est détournée par les individus, traduisant à la fois un manque et un besoin de structures spatiales adaptées pour la socialisation� Le concept de tiers-lieu énoncé par Ray Oldenburg mobilise simultanément les dimensions sociale et politique de l’espace� Il s’agit d’un type de lieu favorisant la socialisation et le vivre ensemble — un « générateur de communautés »� Le concept connaît une forte popularité dans les sociétés occidentales fortement marquées par un processus d’individuation progressif des individus, qui se sont constitués en sujets singuliers distincts du corps sociétaux auxquels ils appartiennent et qu’ils composent10�Le terme est aujourd’hui employé pour désigner un ensemble d’espaces émergents, dits alternatifs, répondant aux besoins collectivement partagés par une génération d’individus en recherche de liens sociaux, et pour qui la production et le travail s’appuient sur de nouveaux processus de collaboration et de partage�

8 OLDENBURG Ray. (1999). The Great Good Place: cafés, coffee shops, bookstores, bars, hair salons, and other hangouts at the heart of a community, New York: Marlowe & Company (3rd Edition).9 Ibid.10 « La société n’est pas seulement le facteur de caractérisation et d’uniformisation, elle est aussi le facteur d’individualisation. » ELIAS Norbert. (2012). La Société des individus, Paris, France : Pocket. p. 103.


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L’exemple emblématique du Media Lab11 fondé par Nicholas Negroponte, premier tiers-lieu dédié à la recherche autour des thématiques émergentes liées aux technologies du numérique, témoigne de cette transformation des modes de faire et de penser� L’approche « antidisciplinaire » et originale défendue par les membres du laboratoire encourage et cultive les rapprochements à la fois entre scientifiques et chercheurs de différents départements et disciplines, mais également entre académiques et acteurs économiques et industriels qui sponsorisent les axes de recherche développés et les expérimentations menées� Dès lors, l’innovation scientifique et technologique repose sur la convergence — dans un même lieu — d’une multitude et d’une diversité d’acteurs favorisants l’instauration d’une émulsion créative et d’une dynamique productive au sein du collectif� Le croisement des connaissances et des compétences soutient la capacitation individuelle de chacun des membres de la communauté�La construction du concept spatial de tiers-lieu12 reflète le changement de paradigme géographique et politique13 dans lequel s’inscrivent les sociétés contemporaines, et qui bouscule sans ménage plusieurs aspects de l’existence individuelle et collective - de la diversification des formes de mobilité et la multiplication des dispositifs numériques dans le quotidien, à la construction de la notion d’habitat polytopique14� Les tiers-lieux sont des lieux qui stimulent les interactions sociales� En effet, ils sont dotés d’un potentiel favorisant l’instauration d’un relationnel entre différents acteurs, qui s’identifient les uns par rapport aux autres à la faveur de leurs compétences respectives et leur valeur ajoutée à la dynamique collective� Le tiers-lieu permet de modifier les modes de faire et de production, en proposant des approches interdisciplinaires et des méthodologies alternatives où il devient possible de développer individuellement et collectivement des projets couvrant un large spectre de domaines et d’applications� Dans son acception contemporaine, le tiers-lieu est un espace favorisant les rencontres interindividuelles et le partage des biens — matériels et savoirs — et des compétences dans une approche collaborative et participative�Le projet du living-lab patrimonial peut être défini à la fois comme une méthodologie de collaboration entre opérateurs spatiaux sur une thématique ou 11 « The MIT Media Lab transcends known boundaries and disciplines by actively promoting a unique, antidisciplinary culture that emboldens unconventional mixing and matching of seemingly disparate research areas.» Consulté à l’adresse https://www.media.mit.edu/about/mission-history/ 12 Le mémoire de recherche en architecture de Marie Damide, qui traite de la spatialisation du concept de tiers-lieu dans le cas du patrimoine industriel du XXe. DAMIDE Marie (2019). Du patrimoine industriel du XIXe aux Tiers-lieux culturels du XXIe. De l’idée à la réalité : comparaison de transformations d’espaces de production. Mémoire de recherche. École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon.13 Pierre Lévy nomme « l’Espace du savoir » ce nouvel espace en émergence et qui se concrétise aujourd’hui dans l’espace immatériel du cyberespace. LÉVY Pierre. (1999). L’intelligence collective, emplacement Kindle 250. 14 Le mot est proposé par le géographe Mathis Stock d’abord dans le cadre de l’analyse du tourisme afin d’insister sur le fait que le touriste habite authentiquement l’espace qu’il pratique. Mathis Stock considère la polytopie comme caractéristique des sociétés à individus mobiles. LUSSAULT Michel. (2007). L’homme spatial : la construction sociale de l’espace humain. Paris, France : Seuil (édition Kindle), emplacement Kindle 5542.

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un enjeu communément défini, et comme un lieu ou une entité simultanément tangible et virtuelle qui s’actualise par l’action des acteurs du projet� Il s’agit avant tout d’un lieu de rencontre et de débat — un terrain neutre de discussion — entre différents acteurs aux intérêts divergents et aux ressources inégalement distribuées, un espace de mise en débat des sujets de société qui touchent autant à l’urbanité du quartier du Vieux-Lyon qu’au patrimoine à sauvegarder, mais qui ne trouveraient pas un écho en d’autres lieux institués� L’enjeu et la difficulté du projet résidaient dans la capacité du living-lab patrimonial à fédérer de manière active des partenaires divers — dont il est nécessaire de légitimer et de valoriser leur participation à la dynamique globale — au risque, cependant, de susciter chez les acteurs non intégrés dans le consortium des réactions négatives� La construction du living-lab patrimonial comme lieu de convergence est une recherche expérimentale, car nul ne peut affirmer qu’il serait nécessairement opérationnel et pertinent pour les porteurs du projet� Il reste encore à en imaginer non seulement la forme spatiale — espaces matériels et immatériels —, mais également le fonctionnement — programmation, modèle économique, dispositifs techniques — et anticiper les externalités positives et négatives qui en découleraient� Le living-lab patrimonial comme outil de gouvernance ne saurait se substituer aux instances publiques existantes, et ne revendique aucun rôle institutionnel ; il s’agit d’un lieu de collaboration, d’accompagnement et d’enrichissement au service des acteurs du Vieux-Lyon�

c) L’apport du numérique au patrimoine immatériel

L’usage des dispositifs numériques par les individus, dans leur appropriation et leur « consommation » de l’espace urbain, interroge ce qui fait réellement patrimoine, autant dans ces dimensions matérielles qu’immatérielles� Ces modes de fonctionnement numériquement assistés sont potentiellement porteurs de nouvelles formes d’antimondialisation� Celles-ci invitent à penser autrement la fabrique du patrimoine, par une approche collaborative qui intègre à la fois la diversité des savoirs institués et la richesse des expériences vécues� L’espace urbain ne peut plus seulement être considéré comme le cadre physique d’une société, il est également l’entremêlement d’une multitude d’espaces et de temps construits individuellement et collectivement� Les données urbaines sont les traces laissées, en un certain lieu à un certain moment, par les individus numériques dans leurs actions et leur usage de l’espace-ressource� Elles nous informent, d’une part, sur les états d’urbanité d’une situation urbaine et, d’autre part, sur les spatialités individuelles et collectives qui lui sont spécifiques� Ces données peuvent être qualifiées de « sensibles » : elles représentent, au sens architectural et ambiantal, l’espace perçu et vécu par les acteurs spatiaux sur


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la base de leurs expériences personnelles� Ce vécu de l’espace constitue un « patrimoine immatériel », témoignant de la manière dont l’espace est ressenti et pratiqué — une matérialisation de l’invisible� En ce sens, les données « sensibles » sont une ressource et un potentiel pour comprendre les modes d’habiter contemporains de manière générale, et plus spécifiquement le rapport des individus à la dimension patrimoniale de l’espace urbain�Le projet de living-lab patrimonial s’inscrit dans une continuité thématique et partenariale avec des projets de recherche FAB-PAT15 et SoundCITYve16� Cependant, il s’en distingue par le choix de privilégier une entrée « vécus et usages » pour aborder la question de la fabrique du patrimoine� Le patrimoine urbain n’est plus défini seulement en tant qu’objet matériel, mais comme le support d’expériences sensibles, de récits subjectifs et de spatialités humaines diverses, qui s’enrichissent en permanence� La dimension immatérielle de l’espace — en actualisation permanente — permet d’enrichir la définition de la notion de patrimoine, en l’augmentant d’une dimension sensible construite par les expériences individuelles et collectives� Le projet de recherche déposé auprès du Labex IMU (voir § 2�2) ambitionnait de faire converger les opérateurs spatiaux vers un méta-objectif commun, qui serait celui de l’émergence d’une intelligence urbaine collective, comme un outil accompagnant le processus de gouvernance locale� Dès lors, les technologies du numérique apparaissent comme une potentialité pouvant contribuer à la mise en commun des ressources — matérielles et immatérielles — et à l’enrichissement mutuel des acteurs� Le projet se proposait de mettre en œuvre une recherche expérimentale, mettant à l’épreuve d’un site à haute valeur patrimoniale — le périmètre sauvegardé du Vieux-Lyon — les avancées d’une recherche urbaine émergente dans les champs de la ville intelligente et du patrimoine immatériel� Dans le cadre de la compréhension des phénomènes urbains liés au patrimoine immatériel, l’exploration multidimensionnelle des données offrait un support pertinent pour faire le lien entre les diverses sources de données administratives ou d’exploitation (plans, planification d’événements ou de travaux et autres) et la multitude des données dites sensibles, produites et partagées par les individus connectés (photos, textes, sons, vidéos, parcours)�

15 L’objectif du projet de recherche est de mettre à disposition du public une plateforme web sous la forme d’un atlas collaboratif dans l’esprit de Wikipédia. Cet atlas numérique permettra la mise en ligne, par toute personne, de tout type de documents (photos, textes, audio, vidéos...) pouvant présenter un intérêt patrimonial en référence à un secteur de la ville. Consulté à l’adresse http://imu.universite-lyon.fr/projet/fab-pat-partager-la-fabrique-du-patrimoine-approche-et-enjeux-du-paysage-urbain-historique-puh/ 16 « Le projet SoundCITYve s’inscrit dans le domaine très récent de l’archéologie du paysage sonore, et vise la reconstruction de la réalité sonore de quartiers choisis de la Ville de Lyon aux époques du 18e et 19e siècles, périodes pour lesquelles on ne disposait pas d’enregistrements sonores, mais uniquement des récits, des images, des cartes et des plans, carnets d’activités et des métiers, autant d’informations dispersées de sources hétérogènes contenant une multitude d’indices évocateurs de l’ambiance sonore des rues de la ville. » Consulté à l’adresse http://imu.universite-lyon.fr/projet/soundcityve-archeologie-du-paysage-sonore-pour-une-restitution-sensible-des-sons-dhier-dans-la-ville-de-lyon-2017/

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Postulat : le touriste expérimenteautrement le patrimoine, en tantque substance de l’urbain

• Temporalité

• Pratiques et usages

• Expérience(s) sensible(s)

• Consommation «culturelle»du patrimoine

• Accessibilité et mobilité

Comprendre le processus de fabrication du patrimoine (dans son acceptation multidimensionnelleet multiscalaire)

Outils développés dans le Centre d’interprétationet le Fab-Lab | Living-Labpatrimonial du Chamarier

MAISON DUCHAMARIER

Partager la fabriquedu patrimoine

Pouvoir d’agir(gouvernance

urbaine)

• Rendre intelligible la donnée sensible• proposer une vision autre («anamorphique») de l’environnement urbain qui supporte le patrimoine

MédiationCaptation des

données

Question dela représentation

du patrimoine(= une manière d’interpréter)

Lecture individuelleet collective de ce qui fait le patrimoine

Lieu-réceptacleespace de visibilité

Compétences MAP-Aria

Figure emblématique de «l’usager spatial»

Comprendre lapratique spatiale

COMPRENDRE LE PATRIMOINE URBAIN PAR UNE APPROCHE SENSIBLE DE L’ESPACELa question de la fabrication partagée du patrimoine soulève la problématique de la « légitimité » de la participation des citoyen�ne�s (habitants et touristes)

dans le processus�(document personnel)


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Compétences MAP-Aria

Musée GadagneMAISON DUCHAMARIER

FAB-LAB | LIVING-LAB

PATRIMONIAL

MAP-Aria(coordination)

SERL (gestionnaire)Etudiants | Stagiaires (Jeanne, Marie,Thomas, Victoria ?)

Partenaires FAB-PAT ?

CNAM

RL&A (MOE)

Métropole de Lyon

Office du Tourisme

Only Lyon

RVL ?

CENTRE D’INTERPRETATIONDU VIEUX LYON

Mairie du 5e arrondissement ?

Tiers-lieu ?Équipement public?

Espace de co-working ?Atelier de co-création et

de fabrication numérique avec les usagers ?

Espace de projectionen réalités mixtes ?Accompagnement à lavisite (« augmentée ») ?Lieu d’interprétation du patrimoine ?Lieu d’expérimentation, d’innovation, devalidation des dispositifs de médiation ?

Espace de monstration

MAP-Aria | ENSALpartenaires IMU (?)

Habitants ?

• Élaboration de modèles et outils de représentation, simulation, visualisation pour l’architecture et le patrimoine• Maquettes augmentées (physiques et virtuelles)• Numérisation, modélisation et restitution numérique (film)

Orienter le flux touristiquevers le muséeMaquette augmentée

Lieu de visibilité ?Fabrique du patrimoine ?

LE LIVING-LAB DU CHAMARIERLe territoire du Vieux-Lyon souffre aujourd’hui de nombreux conflits qui nécessiteraient aujourd’hui d’être en mesure d’identifier les enjeux communs de gouvernance urbaine qui se posent à l’échelle locale�(document personnel)


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IngenU3DMembres IMU (M.Appert,

F.Charvolin, G.Gesquière, T.Joliveau), chercheurs associés

(F.Jacquinod), Groupe de Recherche MAGIS, TUBA,

Métropole de Lyon, Oslandia, Pôle de compétitivtivité

Imaginove, FORCITY,Grotte Chauvet

FAB-PATIMU, LIRIS, EVS, CMW,

TRIANGLE, Musée Gadagne, Musée des Confluences,

SAM, Bibliothèque Municipale,Ville de Lyon, MCC,

Direction AménagementUrbain

AAP IMUMAP-Aria, EVS-LAURE,

LIRIS, ISH, SERL,Métropole de Lyon,

EVAVEO (?)

SoundCITYveLIRIS-UMR 5205,

EVS-UMR 5600, ISH,ELICO-EA 4147, ICAR,LHC-UMR 5516, BML,

Archives de Lyon, Archives du Rize, Musée Gadagne

IDENUMELICO, LIRIS, EVS,ERIC, Bibliothèque Municipale de Lyon,Métropole de Lyon,

Webcastor, BIIN

Donnée 3D comme objet de recherche

Formes et usages de l’information géographique 3D

Conduite de «recherches-action» pluridisciplinaires sur le sujet dela ville 3D et augmentée

Représentation et analyse de la ville en mouvement (tridimensionnalité)

Questionner l’agrégation,la structuration et la représentation des données sensibles de l’environnement urbain

Questions de la visualisation (lisibilité, stockage, manipulation),de structuration et d’interrogation de la donnée

Reconstitution augmentée des ambiances sonores de la zone entre Rhône et Saône et de la zone de la Confluence

Automatisaton de l’extraction d’informations dans des sources primaires et construction de fresques sonores Lyon 18ème et 19ème siècles

Construction d’une BD terminologique spatialisée par les partenaires académiques (ISH-EVS-LIRIS-ICAR-LHC)

Constitution des corpus primaires (BD documentaire textuel et visuel) parles partenaires praticiens (Gadagne, BML, Archives)

Etudier l’usage de données numériques urbaines en lien avec de nouvellesformes de médiatisation et de visualisation de l’environnement urbain

Réalisation d’outils paramétrables de collecte, gestion et interrogation de corpus d’images et de textes (réseaux sociaux)

Appréhension du territoire par ses usagers à partir du processus de lareprésentation photographique

Constitution pour les territoires urbaines de la Métropole de Lyon d’un fond d’archives visuelles (corpus Fête des Lumières)

Modèle agrégateur basé sur CityGML (modélisation 4D)

Mise en place d’un atlas évolutif, collaboratif et participatif du secteur deLyon classé au patrimoine mondial de l’UNESCO

Instauration d’un dialogue continu entre les praticiens et les chercheursautour de la fabrication et de la transmission de ce qui fait patrimoine

Questionner le partage de la fabrique du patrimoine (démocratie patrimoniale)

Problèmes de modélisation et d’intégration de données hétérogènes et multidimensionnelles dans l’architecture du Web

Se positonner en complémentaritédu projet Fab-Pat (en tant qu’expertde l’architecture et de l’urbain :proposer une représentation multi-dimensionnelle et multi-scalaire du patrimoine

Mise en place d’outils de filtrepour chercher l’information

Démarche de valorisation, de médiation et de diffusion du patrimoine parles partenaires praticiens (et académiques)

Approche de l’espace urbainpar le sensibleco-construction de connaissances

CO-CONSTRUIRE UN PROJET DE RECHERCHE DANS UN ENVIRONNEMENT SCIENTIFIQUE DYNAMIQUE(document personnel)


33

Complémentarité

Dynamique d’enrichissementreprésenter autrement

Incubateurpotentiel ?Accompagnementjuridique

Descriptifs et synthèse desstratégies de

communication etde valorisation

du patrimoine(Lyon)

Prototypemaquette 3Dnumérique(City GML)

Valorisation et médiation

du patrimoine

Centre d’Interprétation du Vieux Lyon

Espace devisibilité pour

MAP-Aria(IMU ?)

Fab-Lab |Living-Labpatrimonial

Médiationculturelle ettouristiqueQuestionner

la fabrique dupatrimoine

Captation ettraitement

de données

Représentationsnumériques nD

de l’objet patrimonial

Participationindividuscapteurs

(touristes)

Approchesensible dupatrimoine

(mise en récit)

Verrousscientifiques

liés à l’architecture

Web

Etat de l’art dela valorisation

numériquedu patrimoine

(stage)Articulation

urbain | numérique | patrimoine |

participation desamateurs(stage)FAB-PAT

IMU, LIRIS, EVS, CMW, TRIANGLE, Musée Gadagne,

Musée des Confluences, SAM, Bibliothèque Municipale,

Ville de Lyon, MCC,Direction Aménagement

Urbain

AAP IMUMAP-Aria,EVS-LAURE,

LIRIS, ISH, SERL,Métropole de Lyon,

EVAVEO (?)

MAISON DUCHAMARIER

MAP-Aria, SERL, CNAM, ‘ACKLAB, stagiaires,

Musée Gadagne, Office du Tourisme

IDENUMELICO, LIRIS, EVS,ERIC, Bibliothèque Municipale de Lyon,Métropole de Lyon,

Webcastor, BIIN

SoundCITYveLIRIS-UMR 5205,

EVS-UMR 5600, ISH,ELICO-EA 4147, ICAR,LHC-UMR 5516, BML,

Archives de Lyon, Archives du Rize, Musée Gadagne

IngenU3DMembres IMU (M.Appert,

F.Charvolin, G.Gesquière, T.Joliveau), chercheurs associés

(F.Jacquinod), Groupe de Recherche MAGIS, TUBA,

Métropole de Lyon, Oslandia, Pôle de compétitivtivité

Imaginove, FORCITY,Grotte Chauvet

CO-CONSTRUIRE UN PROJET DE RECHERCHE DANS UN ENVIRONNEMENT SCIENTIFIQUE DYNAMIQUE(document personnel)


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Comprendre comment se fabrique le patrimoine à partir de la compréhensiondes spatialités contemporaines pour agirsur la gouvernance urbaine

Conception de dispositifs numériques au service de la médiation et de l’interprétation du patrimoine LIVING-LAB

PATRIMONIAL

Descripteur de la manièredont les acteurs spatiauxhabitent l’urbain

• Rendre intelligible les données• Proposer une vision autre («anamorphique») de l’espace urbain, comme support du patrimoine• Mettre en débat des enjeux communs et faireémerger une intelligence collective

Médiationculturelle

Collecte de données

Participationactive des

usagers

Les données hétérogènes généréespar l’usage des terminaux mobiles dans l’espace (itinérances, photos, enregistrements sonores et vidéos, stories, tweets et commentaires, etc.)

OBJECTIFS

COLLECTE DE DONNEES TRAITEMENT ET EXPLOITATION

VISUALISATION DES MONDES SENSIBLES

FABRICATION COMMUNE DU PATRIMOINE

LIVING-LAB PATRIMONIAL

V3

V1 V2

V4

L2 L1

L3

L4

Quelles données collecter ? Comment les collecter ?

Pourquoi collecter des données ?

Acteurs duCIPVL

ORGANISATION DU PROJET ET IDENTIFICATION DES ENJEUX SCIENTIFIQUES DE LA RECHERCHELe traitement des données numériques massivement produites par les individus nécessite de mobiliser d’une part les méthodes de fouille de données et,

d’autre part, les algorithmes d’exploration visuelle pour rendre intelligible cette ressource informationnelle�(document personnel)


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COLLECTE DE DONNEES

TRAITEMENT ET EXPLOITATION

VISUALISATION DES MONDES SENSIBLES

FABRICATION COMMUNE DU PATRIMOINE

QUALIFICATION DES DIMENSIONS SENSIBLES DU PATRIMOINE

COLLECTE DE JEUX DE DONNEES EXISTANTS AUPRES DES ACTEURS CULTURELS

ELABORATION DE METHODES ET PROTOCOLES D’EXTRACTION ET D’INTEGRATION DE DONNEES HETEROGENES AU SEIN D’UN MODELE NUMERIQUE

ELABORATION D’UNE METHODE POUR RENDRE COMPA-RABLE LES DIMENSIONS DU PATRIMOINE URBAIN POUR CHAQUE INDIVIDU DEFINITION DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

STRUCTURATION DES CONNAISSANCES AU SEIN D’UN THESAURUS SPECIFIQUE AU DOMAINE DU SENSIBLE

ELABORATION DE METHODES ET DE PROTOCOLES DE CAPTATION DE DONNEES

ELABORATION DE METHODES ET PROTOCOLES D’EXPLORATION VISUELLE

ELABORATION D’UNE METHODOLOGIE POUR STRUCTURER LES DONNEES GENEREES PAR LES INDIVIDUS DANS LEURS SPATIALITES (PERCEPTION ET EXPERIENCE SENSORIELLES)

CONSTITUTION D’UNE BASE DE DONNEES DU SENSIBLE

IDENTIFICATION DES INDICATEURS ET DES DIMENSIONS D’EXPLORATION (cf. THESAURUS STRUCTURE)

EXPLORATION VISUELLE ET EXTRACTION DES INFORMATIONS PERTINENTES

ENJEU TRANSVERSAL DE GOUVERNANCE URBAINE MISE EN DEBAT DES QUESTIONS DE SOCIETE = INTELLIGENCE COLLECTIVE

SPATIALISATION DES DONNEES POUR REPRESENTER LES DIMENSIONS SENSIBLES DU PATRIMOINE URBAIN

REPRESENTATION ET INTERPRETATION ET DECOUVERTE DE CE QUI FAIT PATRIMOINE AU SEIN DU LIVING-LAB PATRIMONIAL

MÉTHODOLOGIE EXPÉRIMENTALE D’ANALYSE DES DONNÉES SENSIBLESLa modélisation des données générées par les spatialités humaines pourrait enrichir la représentation actuelle du patrimoine, et apporter un nouvel éclairage sur la manière dont celui-ci se fabrique au quotidien�(document personnel)


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2. 2. APPEL À PROJETS IMU 2018 : H-LAB

L’Appel à projets IMU 2018 fut l’occasion de consolider autour du projet du Centre d’Interprétation du Patrimoine du Vieux-Lyon un consortium d’acteurs — praticiens et académiques — impliqués dans la gouvernance du périmètre sauvegardé� À l’instar du projet FAB-PAT, le projet H-LAB soutient que la « fabrique du patrimoine » est une dynamique collective, à laquelle experts comme profanes ont toute légitimité pour y contribuer� La proposition décrite ci-après esquisse les contours de ce que pourrait être un living-lab patrimonial dédié au quartier du Vieux-Lyon� L’originalité du projet résidait dans l’hypothèse émise que l’observation de la relation sensible des individus à leur environnement pouvait enrichir la connaissance existante sur ce qui fait patrimoine, et comment des spatialités à la fois individuelles et collectives le fabrique� Les heuristiques développées par le LIRIS peuvent favoriser le repérage d’une information structurante dans la masse de données hétérogènes potentiellement disponibles auprès des partenaires du projet� Le living-lab patrimonial devenait donc le tiers-lieu accompagnant les acteurs de la gouvernance urbaine sur les problématiques liées au patrimoine� Néanmoins, le projet de recherche déposé n’a pas été retenu par le Conseil Scientifique et le Comité de Pilotage d’IMU� Malgré la pertinence de la problématique de recherche ainsi que le consortium mobilisé, les évaluateurs ont jugé certains aspects de la proposition en retrait ou insuffisamment explicités, tels que le contexte de la recherche, la participation des partenaires praticiens et le positionnement final du travail� Le présent chapitre est une compilation de certains extraits du projet de recherche déposé pour l’Appel à Projet IMU�

a) Résumé du projet

« Le patrimoine, en tant que dimension de l’urbain, est un phénomène social et spatial, produit itérativement par les pratiques de l’espace, individuelles et collectives, et leurs récits — les spatialités� Le présent projet propose que l’observation et l’analyse des données (sensibles, physiques, environnementales) générées par ces spatialités soient mobilisées, en tant qu’indicateurs de la relation entre les individus et leurs espaces, pour soutenir la production de connaissances et la gouvernance de l’urbain� L’ambition est de concevoir une méthode et un outil collaboratif d’aide à la gouvernance du patrimoine, et plus généralement de l’urbain� Ce dispositif ainsi formé doit permettre d’agréger et d’interroger la diversité des données temporelles, spatiales, sémantiques fournies par les acteurs partenaires et collectées au cours du projet, au sein d’un thésaurus des perceptions et récits formalisé dans un modèle informationnel intégré� Des outils


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dédiés d’exploration multidimensionnelle visuelle seront développés, dans le but d’assister l’extraction des informations propres à favoriser une lecture renouvelée de l’espace urbain et l’émergence d’une intelligence urbaine collective� Le projet s’ancre, pour cela, dans une situation urbaine caractérisée par sa dimension patrimoniale : le périmètre sauvegardé du Vieux Lyon� La mise à disposition de la Maison du Chamarier par la Ville de Lyon, pour héberger un Centre d’Interprétation du Patrimoine, offre un réceptacle à cet outil conçu pour renseigner les acteurs sur l’état perçu du patrimoine urbain� L’outil deviendrait capteur et moteur d’un living-lab en gestation, conçu comme lieu de rencontre, d’accompagnement, et d’enrichissement tant de la méthodologie de gouvernance collective que du modèle numérique qui la supporte� »

b) Contexte et positionnement de la proposition

« [��] Le secteur sauvegardé du centre historique de Lyon, et plus précisément le quartier du Vieux-Lyon, constitue un cas d’étude pertinent pour appréhender les problématiques soulevées par une situation urbaine à la fois spécifique et locale, mais aussi générique et mondiale, du fait de son classement au patrimoine de l’UNESCO� Centre historique et économique d’importance à Lyon, le secteur sauvegardé accueille une affluence touristique qui impacte l’urbanité des lieux, et interroge sur les manières d’habiter au quotidien l’espace caractéristique du quartier� Par quelle approche, dès lors, appréhender la transformation des usages de ce patrimoine urbain ? Quelles potentialités offrent l’observation et l’analyse de cette pluralité d’usages et de perceptions pour la compréhension de l’urbain ? Quelles formes de médiation seraient pertinentes pour renseigner les acteurs sur des manières de favoriser la cohabitation entre des individus aux spatialités nécessairement différentes ? En ce sens, l’objet du présent projet est de contribuer à produire des connaissances — et les modèles à même de les révéler — susceptibles d’aider à une gouvernance intelligente du patrimoine� »« [��] Le patrimoine est une construction individuelle, collective et sociétale� Le patrimoine urbain doit être entendu comme étant à la fois matériel et immatériel, culturel et historique, subjectif et universel� L’effacement progressif de la dissociation des dimensions matérielles et immatérielles dans la qualification du patrimoine révèle une prise de conscience de la nécessité de prendre en considération la diversité et la pluralité des relations entre une société et son espace� Une migration progressive de la reconnaissance de l’expertise patrimoniale des acteurs académiques vers les acteurs sociaux et politiques est en cours� L’émergence de communautés qui s’appuient sur le potentiel des TIC pour produire et partager des données témoigne d’un renouveau des processus

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collaboratifs dans la définition de ce qui fait le patrimoine urbain� La ville n’est pas qu’une coquille figée, mais un ensemble systémique composé à la fois d’une multitude d’individus singuliers qui perçoivent l’espace, de leurs rapports sociaux et de l’expression de ces rapports à travers une culture des imaginaires et des représentations collectives� Chaque usager est nécessairement influencé par ces représentations, qui orientent — consciemment et inconsciemment — son regard sur l’espace� En ce sens, l’objectif est de comprendre comment l’observation et l’interprétation des récits et des spatialités renseignent les acteurs sur l’urbain et son patrimoine�La notion de patrimoine soulève plusieurs enjeux culturels et politiques, et interroge le rôle des acteurs individuels et collectifs dans la construction de l’espace urbain� De plus, l’enjeu majeur auquel sont aujourd’hui confrontés les sites à haute valeur patrimoniale, comme l’ensemble de l’urbain, est celui de la gouvernance� Ces sites participent fortement à la construction d’un commun par la société civile, dans un contexte global de capacitation des individus et d’émergence d’une classe créative� Il s’agit alors d’identifier les ressources et les acteurs qui seront demain supports d’un développement soutenable de l’urbain et participeront de la construction collective d’une identité et de la société� L’hypothèse sur laquelle se fonde le projet est que la connaissance produite à partir des données sensibles représente la substance d’une intelligence urbaine collective, pouvant être mobilisée par les acteurs de l’urbain comme un outil innovant d’aide à la gouvernance� Le projet s’insère dans un environnement scientifique et un dispositif partenarial existant et dynamique� Plusieurs projets financés par le Labex IMU (FAB-PAT, SoundCITYve, IDENUM) s’attachent à étudier l’évolution des conceptions du patrimoine urbain� Cette circonstance opportune permet d’envisager une mutualisation des connaissances et un croisement des regards entre les différents partenaires (académiques et praticiens)� L’originalité de l’approche méthodologique réside, d’une part, dans le croisement des dimensions objectives et narratives pour qualifier le patrimoine urbain ; et, d’autre part, dans la mobilisation et le croisement d’outils empruntés à différentes disciplines� Ainsi, les outils théoriques des sciences humaines et sociales permettront de définir et qualifier cette intelligence urbaine collective, tandis que les sciences du numérique seront mobilisées pour réaliser un modèle multidimensionnel d’exploration interactive des données afin d’organiser et d’extraire des informations pertinentes� Les outils de la communication et de la médiation seront, en outre, sollicités pour engager un dialogue entre les acteurs sociaux et politiques� Le projet de recherche étudie l’émergence, à partir de la multitude de données mobilisées (existantes ou collectés par des dispositifs à concevoir), d’une


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FAB-PATIMU, LIRIS, EVS, CMW,

TRIANGLE, Musée Gadagne, Musée des Confluences,

SAM, Bibliothèque Municipale,Ville de Lyon, MCC,

Direction AménagementUrbain

H-LABHeritage-Lab

MAP-Aria,EVS-LAURE, LIRIS, SERL, OdT,Ville de Lyon, RVL,

Musée Gadagne

CIPVL DUCHAMARIER

MAP-Aria, SERL, CNAM, Ville de Lyon, RVL, OdT,

Musée Gadagne, ENSAL (?)

EVS-LAUREProjets financés

par IMU (IDENUMSoundCITYve)

COMITE DEPILOTAGE IMU

CDD 2018

CONTRATSIFR

Modèle agrégateur

basé surCity GML

Valorisation du patrimoinecomme bien

commun

Centre d’Interprétation du Vieux Lyon

Espace devisibilité pour

les partenairesacadémiques

Dispositifsnumériques de

médiationpatrimoniale

Questionnerla fabrique

commune dupatrimoine

Captation ettraitement

de données

Enrichissement du modèle pardes données

sensibles

Méthodologie de collaboration

active des usagers du

CIPVL

Définition desdimensionssensibles

(perception)

Dialogue entre les praticiens

et leschercheurs

Etat de l’art dela valorisation

numériquedu patrimoine

(stage)Articulation

urbain | numérique | patrimoine |

participation desamateurs(stage)

Préparationà la visitedu secteursauvegarfé

Propositionde projet | thèse

Outils etméthodesd’analyse


intelligence urbaine collective intégrant simultanément les visions individuelles et collectives du patrimoine urbain�

H-LAB : un projet de recherche inscrit dans un réseau scientifique et partenarial�(document personnel)

L’ambition est de concevoir une méthode et un outil collaboratif d’aide à la gouvernance du patrimoine, et plus généralement de l’urbain� Cet outil serait déployé dans un lieu conçu à cet effet : le Heritage-Lab, living-lab patrimonial abrité par le Centre d’Interprétation du Patrimoine de la Maison du Chamarier, en plein cœur du secteur sauvegardé du Vieux-Lyon� Ce lieu singulier accueillera un espace de médiation permettant de mettre en récit le patrimoine, et d’offrir aux acteurs un outil leur permettant de s’interroger sur les manières dont l’espace urbain peut être arpenté, observé et saisi dans sa complexité [��]� »

c) Programme scientifique

« Le projet de recherche propose de conceptualiser l’intelligence urbaine collective fondée sur les perceptions et les expériences subjectives des individus� La modélisation de cette connaissance mouvante, à la fois individuelle et

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collective, représente un potentiel pour une gouvernance favorisant le partage des communs de l’espace entre ses acteurs, et pour une qualification du vivre ensemble� La mise en récit de l’urbain par les individus, à la fois dans leur construction d’une représentation de l’espace, mais aussi dans leur valorisation et leur médiation du patrimoine, réinterroge plus largement ce qui constitue l’urbain aujourd’hui, et plus spécifiquement les manières par lesquelles une société construit collectivement un espace� Le projet ambitionne d’alimenter la vision de l’ensemble des acteurs sur l’espace urbain� L’intelligence urbaine collective devient ainsi un outil de gouvernance et de médiation, permettant d’enrichir la connaissance des acteurs sur le patrimoine urbain, et de déduire des scénarios quant aux évolutions possibles du secteur sauvegardé� Ce dispositif doit permettre l’agrégation, autour d’un modèle, d’un ensemble de données renseignant sur l’urbain, et la rencontre au sein du living-lab des acteurs qui l’habitent quotidiennement ou épisodiquement [��]� »

L’intelligence collective s’édifie sur l’agrégation des vécus individuels

« Une première dimension du projet consiste à étudier les conditions nécessaires à l’émergence d’une intelligence urbaine collective� Nous émettons l’hypothèse qu’elle se construit sur les perceptions, les représentations et les subjectivités des acteurs de l’urbain, dans la diversité de leurs pratiques de l’espace étudié� Ces expériences et perceptions, mises en récit, constituent la substance du patrimoine urbain� Il s’agira donc de recueillir cette donnée, et de l’analyser� Les premiers jeux de données seront obtenus des praticiens participant à l’élaboration du living-lab� Des dispositifs devront être imaginés pour recueillir les récits rendant compte des pratiques spatiales et des expériences sensibles des usagers� Le laboratoire LAURE sera ici sollicité sur la dimension de la captation (ambiances), et de l’analyse du discours sur les aspects sensoriels de ces récits (perceptions, sensations)� À partir de ces données et d’indicateurs appropriés, nous montrerons comment ce sensible consubstantiel du patrimoine est un marqueur de son état et du rapport entre les individus et l’urbain� Il devient un matériau susceptible de fournir aux acteurs des pistes et outils pour améliorer le vivre ensemble� Cette caractérisation d’une intelligence urbaine collective permettra de formaliser une méthodologie et un thésaurus qui seront éprouvés et complétés, en continu, dans l’ensemble des phases du projet� »

Des méthodes et outils numériques pour explorer le nuage informationnel

« Un modèle numérique sera élaboré pour intégrer l’ensemble des données représentatives des perceptions et vécus des individus� Structuré à partir du


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thésaurus, le modèle doit être conçu pour faciliter l’agrégation de données hétérogènes, floues, incomplètes, et surtout leur représentation et interprétation par les acteurs� Ce système d’information multidimensionnel (espace, temps et perceptions) doit s’imaginer plutôt comme un « nuage » informationnel, base de données enrichie au fil du temps, représentative de la richesse des vécus d’acteurs variés et aux enjeux très différenciés� Parallèlement à la constitution du thésaurus et du modèle numérique, des méthodes spécifiques d’exploration visuelle devront être imaginées� Il s’agit ici, par la mise en œuvre d’outils de visualisation conçus sur mesure, de représenter cette masse de données pour construire un paysage propice à la sérendipité — par la découverte d’une donnée inattendue et capitale — et à l’émergence d’informations nouvelles� Livré aux acteurs du living-lab, ce dispositif (modèle et visualisations) devrait faciliter des interprétations de niveau supérieur qualifiant ce qui compose et construit le patrimoine urbain, et, partant, anticiper ses transformations� Cette dimension du projet mobilise fortement les compétences du LIRIS en matière de science des données et d’exploration visuelle dans des masses de données hétérogènes� »

Le Living-lab du Chamarier comme creuset de cette intelligence collective

« Les nouvelles spatialités qui opèrent aujourd’hui dans le secteur sauvegardé de Lyon, par les acteurs sociaux (individus, tissu associatif, acteurs économiques) et institutionnels (musées, politiques), posent la problématique de la valorisation et de la médiation d’un patrimoine urbain en transformation permanente, dans sa constitution comme dans sa réception� La Maison du Chamarier, Centre d’Interprétation du Patrimoine, sera le pivot d’un living-lab auquel participent les acteurs culturels du périmètre (pour l’instant le Musée Gadagne, l’Office du Tourisme, la Ville de Lyon, l’association Renaissance du Vieux Lyon)� Ce living-lab, encore en gestation, réunira à terme l’ensemble des acteurs impactés par les usages habituels et émergents du tissu patrimonial, et préoccupés par sa préservation, sa survie, sa résilience� L’enjeu est de pouvoir montrer, partager, et débattre de la question urbaine, et expérimenter des pratiques collaboratives (jeux sérieux, applications et dispositifs numériques)� Il est nécessaire d’accompagner ces processus collectifs et participatifs, de révéler ou d’inventer de nouveaux usages de l’espace urbain : les compétences du LAURE et de la SERL en matière de conduite de la concertation seront sollicitées dans le management du living-lab� »

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d) Valorisation, protection et exploitation des résultats

« [��] En matière de gouvernance urbaine, la recherche s’appuie sur un living-lab en gestation, susceptible d’accueillir les différentes parties impliquées dans la gouvernance du périmètre du Vieux-Lyon� Les usagers, les milieux associatifs, les instances de quartier, la Ville, ses institutions culturelles, et la Métropole seront parties prenantes de ce living-lab patrimonial�Sur le plan culturel, des retombées sont attendues en visibilité des structures existantes, de développement de supports didactiques sur le patrimoine urbain, et de renouvellement de la médiation culturelle par des moyens innovants que le Centre d’Interprétation et ses partenaires pourront expérimenter et évaluer in situ� L’Office du Tourisme et les autres professionnels du tourisme trouveront en la maison du Chamarier un espace de préparation à la visite du secteur sauvegardé, qui facilitera la gestion et l’orientation des groupes de touristes vers des lieux singuliers, mais moins fréquentés du Vieux-Lyon� Cela permettra également de recueillir, par enquêtes et entretiens, les récits et le vécu des touristes, acteurs temporaires de l’espace� Sur le plan pédagogique, le Conservatoire National des Arts-et-Métiers, partenaire de la SERL, souhaite trouver dans le living-lab un espace pour ses formations continues sur le patrimoine� L’École d’Architecture de Lyon pourra bénéficier d’une vitrine pour la production de ses laboratoires, et des étudiants du Master «Architecture, Héritage et Durabilité», spécialisé dans les enjeux contemporains du patrimoine architectural et urbain� Sur un plan éducatif plus large, le living-lab est un outil d’apprentissage expérientiel et de sensibilisation au patrimoine immatériel, dynamisant l’intérêt pour l’histoire et l’architecture de la ville� Un rapprochement avec le réseau Canopé est envisageable� Enfin, sur le plan économique, il est prévu que le living-lab patrimonial, et l’espace urbain même du secteur sauvegardé deviennent des lieux d’expérimentation et de validation des produits innovants conçus par des startups du domaine du tourisme et de la médiation culturelle, par exemple dans le secteur émergent du tourisme sensoriel� »


PERSPECTIVES DE RECHERCHE : VERS LA THÈSE DOCTORALE

3

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L’insuccès de la proposition H-LAB s’est doublé d’une réorientation, par la SERL et la Ville de Lyon, du projet d’occupation de la Maison du Chamarier� Le Centre d’Interprétation du Patrimoine fut abandonné, au profit d’une focalisation programmatique sur « Fab-Lab patrimoine »� La disparition du living-lab patrimonial, comme laboratoire d’expérimentation à une échelle urbaine, a conduit à diriger le travail de recherche de ce stage sur l’un des verrous scientifiques identifiés lors de la rédaction de la proposition� Le sujet qui en émerge se propose d’étudier les potentialités offertes par les données numériques, comme ressource informationnelle, pour comprendre les phénomènes urbains à l’œuvre� La recherche s’inscrit dans une dynamique de valorisation et de sensibilisation — auprès des acteurs de la ville — pour un usage collaboratif des données numériques� Pour répondre au problème de l’acquisition des données, il semble nécessaire de définir un contexte d’expérimentation dans lequel des bases de données ouvertes seraient préalablement disponibles et exploitables� Par ailleurs, le projet repose sur une approche transdisciplinaire et collaborative de la recherche� En ce sens, un ensemble d’opérateurs du territoire doivent pouvoir être identifiés afin d’accompagner l’émergence d’une intelligence collective favorisant la capacitation individuelle et collective� La Métropole du Grand Lyon — en tant qu’entité politique et institutionnelle en construction — représente une occasion favorable pour construire un projet expérimental en collaboration avec les différents acteurs publics et privés qui la composent, et qui se questionnent aujourd’hui sur l’importance du rôle des données numériques dans la fabrication de la ville et sa gouvernance�

3. 1. EXPLORATION DES POTENTIELS DE LA DONNÉE NUMÉRIQUE

L’une des hypothèses sous-tendant l’ensemble des travaux de recherche conduits durant le stage soutient que la donnée numérique — comme trace des pratiques spatiales — est à la fois une ressource informationnelle pour les opérateurs spatiaux, un outil de mesure des urbanités, et un bien commun symptomatique des enjeux actuels de gouvernance urbaine� Les données générées par les individus numériques renseignent sur les usages de l’espace-ressource, mais elles sont également le support de nouvelles pratiques qui traduisent un rapport renouvelé de l’opérateur humain à son environnement1� La multiplication, la diversification et la généralisation des technologies de la communication et du numérique a redéfini en profondeur le rapport sensible des individus au monde� La ville intelligente est la ville des sens et des sensations — la « ville sensorielle, voire sensuelle2 » à laquelle se réfèrent de nombreux chercheurs, architectes et artistes� L’abondance des terminaux et des interfaces — à l’instar du « cinquième

1 Voir CARDON Dominique. (2015). À quoi rêvent les algorithmes : nos vies à l’heure des big data. Paris, France : Seuil (édition Kindle). 2 Sur ce thème, voir l'exposition Sense of the City. An Alternative Approch To Urbanism (2005-2006) organisée par le Centre canadien d’Architecture. PICON Antoine. (2013). Smart Cities. Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur, Paris, France : Édition B2, p. 24.

3. PERSPECTIVES DE RECHERCHE : VERS LA THÈSE DOCTORALE

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écran3 » support de communication par excellence dans la ville des occurrences4 — sature l’espace par toutes sortes d’informations disponibles en temps réel� Il s’opère comme une « prise de conscience » de la ville sensible5 de son état actuel, suggérant que l’urbain se doterait d’une hyper-réceptivité détectable par les acteurs humains au moyen de leur sensibilité augmentée�Par ailleurs, le monde des réalités spatiales s’enchevêtre de plus en plus avec le monde des connaissances abstraites� La modélisation de l’espace se trouve aujourd’hui dans l’incapacité à révéler et à rendre intelligible la complexité de la situation urbaine� L’intelligible — ce qui est au service de la connaissance — n’est alors qu’une version synthétique du sensible6� Le potentiel des données numériques se matérialise dans les informations qu’elles contiennent� Elles informent les opérateurs sur les phénomènes urbains, mettant en lumière des spatialités en transformation, et qu’il est aujourd’hui possible de représenter sous la forme de modèles multidimensionnels et multiscalaires� À l’instar des travaux du SENSEable City Lab7, de plus en plus de projets de recherche se développent au croisement des champs de l’informatique et des études urbaines� Ils s’appuient sur l’occasion qu’offre l’exploration des données générées par les individus connectés pour représenter autrement la complexité des systèmes urbains� L’accès en temps réel aux données — comme produits et facteurs des spatialités émergentes — offre aux opérateurs spatiaux la possibilité d’élargir leur champ d’action, et modifie durablement les formes de gestion individuelles et collectives de la distance8� La captation des variations ambiantales, l’hybridation des univers virtuels et physiques par la réalité augmentée, le récit continu des réseaux sociaux, sont à la fois les médias et les traces produites par les individus équipés de terminaux mobiles� Une lecture renouvelée et originale de la ville contemporaine se construit�

L’un des enjeux que pose l’exploitation de la donnée numérique comme matière est celui de sa granularité� En quoi la temporalité fine de la donnée disponible en temps réel enrichit-elle la compréhension de la ville présente ? Comment faire parler la ville intelligente ? Le temps devient une ressource pour le projet spatial, et le pouvoir d’actualisation de la donnée numérique permet de projeter virtuellement des scénarios et les mettre à l’épreuve des réalités urbaines� Si le traitement des données numériques n’est pas réservé à des experts, mais ouvert vers la société civile —, et ce dans la conception même de ces traitements —

3 LIPOVETSKY Gilles, SERROY Jean. (2011). L’écran global : du cinéma au smartphone. Paris : Éd. du Seuil, p.4 BAKER Liana B., TOONKEL Jessica. (2018, avril 6). « Netflix veut acheter une société de panneaux publicitaires ». Reuters. Consulté à l’adresse https://fr.reuters.com/article/technologyNews/idFRKCN1HD1MT-OFRIN 5 La ville sensible renvoie à la sentient city de Mark Shepard. SHEPARD Mark. (2011). Sentient city: ubiquitous computing, architecture, and the future of urban space, New York City: Architectural League of New York, MIT Press.6 LÉVY Pierre. (1997). L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace. Paris, France : La Découverte (édition Kindle). Emplacement Kindle 1639. 7 Le SENSEable City Laboratory est un programme de recherche pluridisciplinaire, initié par le Massachusetts Institute of Technology, pour travailler sur les problématiques émergentes liées à l’interaction croissante des technologies de l’information et de la communication avec l’espace urbain. L’enjeu est d’appréhender la construction de nos environnements humains à l’ère du numérique pour être en mesure d’en anticiper les transformations. Consulté à l’adresse http://senseable.mit.edu8 L’ouvrage de William J. Mitchell, City of Bits (2000) proclamait déjà, le règne de l’information et la transformation des villes en système relationnel au sein duquel s’interconnectent les univers virtuels qui émergent avec Internet et les TIC. MITCHELL William J. (2000). City of Bits: space, place, and the infobahn Cambridge, Mass: MIT Press.

46

CAPACITATIONDONNEES

CONTRÔLE

MONDE

LOCAL

GOUVERNEMENT GOUVERNANCE

COLLECTIFSINTELLIGENTS

ACTEURSPUBLICS

INDIVIDUSCONNECTES

ACTEURS PRIVES

URBAIN INTELLIGENT

VILLE INTELLIGENTEVILLE

SMART CITY

Donnée comme ressource

Donnée comme ressource + potentialité + bien commun

Donnée comme ressource + potentialité

Donnée comme ressource

alors elles peuvent devenir un outil accompagnant l’émergence d’une intelligence urbaine collective� Elle représente simultanément un processus de croissance et de mutualisation, et un système politique collaboratif� Le Projet de Fin d’Études (PFE) est donc une expérimentation, qui s’appuie et alimente la recherche en cours, pour explorer de nouveaux processus conceptuels transdisciplinaires — de nouveaux modes de faire — dans les champs de l’architecture et de la prospective urbaine� La Métropole de Lyon est précurseure, avec la constellation des laboratoires de recherche localisés sur son territoire, en matière d’innovation scientifique sur les thématiques de la ville intelligente et des données numériques�


AGENT VIRTUEL : La donnée est un bien commun

à la société�(document personnel)

Le Projet de Fin d’Etudes pourrait potentiellement alimenter la réflexion qui est actuellement menée par de nombreux opérateurs spatiaux sur l’usage intelligent de l’Open Data� Les données urbaines mises à disposition par la métropole et ses partenaires peuvent alimenter le projet de recherche, mais surtout, le territoire d’étude devient un secteur test pour développer une expérimentation sur l’usage prospectif de la donnée ouverte�

3. 2. GOUVERNANCE URBAINE

La ville contemporaine est en crise� Le paradigme numérique repositionne les enjeux urbains simultanément à une échelle globale et locale� L’urbain est un espace complexe aux frontières indéterminées9� La transformation des modes d’habiter, de produire et de faire l’espace urbain par les groupements humains invite à penser et à inventer de nouveaux moyens et méthodes pour comprendre ces nouveaux objets que

9 CHOAY Françoise (2006). Pour une anthropologie de l’espace. Paris, France : Seuil.

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constituent les villes intelligentes� Elles constituent des horizons urbains possibles, au sein desquels les technologies de la communication et du numérique sont massivement utilisées par les opérateurs spatiaux pour entrer en matière avec la complexité des systèmes urbains� Les notions de smart city et de ville intelligente sont un moyen pour interroger la transformation démocratique des sociétés urbaines contemporaines10� La mondialisation qui s’opère actuellement pose le Monde comme nouvelle échelle pour remettre en question les enjeux contemporains de la « société des individus11 », enjeux auxquels il n’existe pas encore de vision commune� La situation actuelle de l’urbain est l’aboutissement d’un long processus d’évolution de la ville préindustrielle européenne vers un nouvel agencement spatial, qui brouille largement la compréhension de l’espace et de la société12� La difficulté de rendre intelligible cette complexification impose d’imaginer de nouvelles méthodes, ainsi que de nouveaux outils, permettant d’identifier conjointement les enjeux urbains et les opérateurs pertinents pour agir, et ce à plusieurs niveaux� Le présent projet de recherche place la notion de gouvernance urbaine au centre de la problématique� La gouvernance contemporaine ambitionne moins d’améliorer la gestion des systèmes urbains par le numérique, que d’orienter intelligemment les compétences et les savoirs de chaque acteur identifié pour répondre aux enjeux communs de la société� L’enjeu majeur auquel sont confrontées les villes intelligentes est la construction d’une vision politique de l’espace pouvant orienter l’action des opérateurs spatiaux�L’hypothèse sur laquelle s’appuie le travail de recherche, et dont il s’agit de vérifier la validité, postule que l’exploitation et le traitement des données numériques — par les acteurs de l’action publique — participeraient à une capacitation collective desdits acteurs� Cela nécessite de pouvoir identifier spécifiquement chaque situation urbaine, et de la modéliser sous la forme d’un système complexe composé d’une diversité d’opérateurs spatiaux, et défini par des urbanités plurielles support de spatialités multiples� Un nouveau pan de la recherche contemporaine13 émerge par le croisement inédit des sciences informatiques et des sciences humaines et sociales� Ce domaine de recherche interdisciplinaire est porteur de potentialités pour comprendre les systèmes urbains et modéliser autrement la ville� L’étude de la complexité de l’espace urbain, où interagissent de multiples dimensions et affluent des masses croissantes de données informationnelles, peut virtuellement permettre d’en prédire les évolutions et d’orienter l’action publique� Force est de constater que le changement de paradigme qui s’opère d’un point de vue épistémologique — de la simplification vers la complexité — n’est pas suffisamment pris en compte par les professionnels de l’espace dans leurs pratiques� La place et le rôle des acteurs traditionnels de l’aménagement et de la planification urbaine

10 Dans son ouvrage La Ville des réseaux, Antoine Picon questionne le modèle de la smart city sous le prisme de l’imaginaire politique qu’elle catalyse, comme un révélateur des enjeux de fonctionnement et d’organisation des villes. PICON Antoine (2014). La ville des réseaux : Un imaginaire politique. Paris, France : Editions Manucius.11 ELIAS Norbert (2012). La société des individus. Paris, France : Pocket.12 L’économiste américain Melvin Webber (1968) est l’un des premiers à décrire la “mort de la ville” en proposant le terme de « Post-city Age » (ère après la ville), pour qualifier l’émergence de l’urbain comme réalité spatiale. WEBBER Melvin M. (1968). « The Post-City Age ». Daedalus, vol. 97 n° 4, Cambridge, MA : MIT Press, p. 1091-1110.13 L’étude et la modélisation des systèmes complexes sont une problématique scientifique interdisciplinaire qui s’est développée dans les années 1970.

48

DONNÉES

ESPACERESSOURCE

Générées paractu

alisées par les

actes spatia

ux génèrent de l’urbain

intelligent

OPÉRATEURSSPATIAUX

évolution des organisationssociales et spatiales

sont remis en question dans le contexte de la ville intelligente, dans une perspective de repolitisation des savoirs institués et d’un renouvellement des modes de faire�En quoi les traces numériques peuvent-elles servir la gouvernance urbaine ? Quelles informations seraient susceptibles d’apporter un nouvel éclairage permettant la capacitation collective des acteurs spatiaux ? Quel modèle permettrait de rendre compte simultanément de l’objectivité d’un espace et de la subjectivité des expériences individuelle et collective ? L’urbain se construit par l’action des individus qui l’habitent, et qui entretiennent un rapport de plus en plus individualisé à leur environnement� Le projet de recherche projette, d’une part, d’explorer de nouvelles manières d’interroger la ressource informationnelle que représente la donnée ouverte pour comprendre les phénomènes urbains, et, d’autre part, de proposer un modèle — multidimensionnel et multiscalaire — qui est une lecture renouvelée de la ville par les acteurs de l’action publique� La finalité de la recherche est de concevoir une méthodologie d’analyse et d’interprétation de l’espace urbain, s’appuyant notamment sur l’exploration de la matière composée par l’ensemble des données accessibles auprès des acteurs identifiés de la gouvernance�


COMPRENDRE LA CONSTRUCTION DE L’ESPACE

HUMAIN (document personnel)

CONCLUSIONC

50

Les perspectives soulevées par le mémoire furent l’occasion de prolonger la réflexion sur la dialectique entre numérique et urbain dans le cadre d’un stage recherche au sein du laboratoire MAP-Aria, dont les axes de réflexions se situent à la croisée entre urbain, numérique et données numériques� La première partie s’est concentrée sur l’écriture d’une nouvelle version d’un projet conjoint LIRIS | LAURE | MAP-Aria, dans le cadre de l’Appel à Projet IMU 2018� Le projet déposé — H-LAB — s’ancrait dans une situation urbaine caractérisée par sa forte dimension patrimoniale, le périmètre sauvegardé du Vieux-Lyon, et s’appuyait sur l’occasion offerte par la mise à disposition d’une partie de la Maison du Chamarier par la Ville de Lyon pour héberger un Centre d’Interprétation du Patrimoine et mener une recherche expérimentale in situ� L’ambition était ainsi de concevoir une méthode d’analyse des données générées par les opérateurs humains — en tant qu’indicateur de leur rapport à l’espace urbain — pour soutenir la production d’une connaissance sur l’urbain, et un outil d’aide à la gouvernance urbaine� Malgré le refus de la proposition déposée, ce travail de recherche fut, d’une part, l’occasion de travailler en collaboration avec des acteurs divers du milieu de la recherche et de la société civile� D’autre part, il a permis de poser les bases d’une recherche-action en co-construction avec les acteurs du projet H-LAB, susceptible de prendre place dans les années à venir� Cet exercice fut l’occasion de commencer à formaliser un sujet de thèse doctorale, avec ce que cela implique en matière de précision du sujet de recherche, d’identification des leviers et verrous scientifiques, de même que les compétences et les connaissances nécessaires au bon déroulement du projet� La seconde partie du stage a contribué à la définition des enjeux programmatiques du lieu pour chacun des partenaires, et à esquisser ce que pourrait être la destination de ce lieu, à la fois comme espace d’échange et de rencontre, mais également comme lieu d’expérimentation et de démonstration pour les structures de recherches partenaires�La ville intelligente suscite davantage de craintes que de certitudes quant au devenir des sociétés contemporaines� L’émergence de nouvelles ressources — comme le numérique — témoigne de la complexification croissante des espaces humains� En quoi les technologies numériques transforment-elles l’espace urbain ? Quelle(s) forme(s) d’intelligence construisent-elles ? Les conclusions du mémoire ouvrent sur la notion de l’intelligence collective, comme dispositif techno-social favorisant la gouvernance urbaine, et les potentiels de la donnée numérique en tant que nouvel « acteur » virtuel� L’intelligence collective pose comme enjeu commun à la société civile les implications d’une mutation de nos mondes urbains à l’ère de l’Anthropocène, de la décroissance et de la transition numérique� L’hypothèse de recherche défendue est que le numérique est un

CONCLUSION

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potentiel de l’urbain qui encourage l’hybridation des intelligences humaines et non humaines pour constituer des collectifs intelligents� Du fait de la complexité de l’objet d’étude que représentent les ensembles urbains, les acteurs spatiaux doivent aujourd’hui mobiliser des compétences multiples, et puiser dans des formes de savoirs diversifiées, et ce dans l’objectif d’encourager l’émergence d’une intelligence collective dans le processus de fabrication de l’urbain�

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIEB

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contribution À la conception d’un centre … · 2019-05-06 · rapport rédigé par : lamia solh...

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