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  • Collection « Les Chemins de la Sagesse »dirigée par Véronique Loiseleur

     

    spiritualite_de_quoi_3.fm  Page 1  Lundi, 9. février 2009  12:34 12

  • SPIRITUALITÉ

    DE QUOI S’AGIT-IL ?

     

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  • DU MÊME AUTEUR

    Chez le même éditeur

    le message des tibétainsashramsles chemins de la sagessemonde moderne et sagesse ancienneà la recherche du soiun grain de sagessepour une mort sans peurpour une vie réussiel’audace de vivreapproches de la méditationla voie du cœuren relisant les évangilesla voie et ses piègeszen et vedantal’ami spirituelregards sages sur un monde fouretour à l’essentielbienvenue sur la voielettres à une jeune disciple

    Chez Albin Michel

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    Alizé Diffusion

    arnaud desjardins, récit d’un itinéraire spirituel (dvd).

    Tél. 04 75 66 24 48.www.alizediffusion.com

     

    spiritualite_de_quoi_3.fm  Page 4  Lundi, 9. février 2009  12:34 12

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  • La Table Ronde

    14, rue Séguier, Paris 6

    e

    Arnaud Desjardins

    Emmanuel Desjardins

    SPIRITUALITÉ

    DE QUOI S’AGIT-IL ?

     

    spiritualite_de_quoi_3.fm  Page 5  Lundi, 9. février 2009  12:34 12

  • © Éditions de La Table Ronde, Paris, 2009.ISBN 978-2-7103-3112-4.

    www.editionslatableronde.fr

     

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  • Sommaire

    Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    9

    Vivre et voir : la voie de Swâmi Prajnânpad . . .

    13

    e n t r e t i e n s

    Un but, un chemin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    51

    Du sommeil à l’éveil . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    53

    Intention et détermination . . . . . . . . . . . . .

    75

    Vivre pleinement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    99

    Action et désir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    101

    Vulnérabilité et invulnérabilité . . . . . . . . . .

    133

    Énergie et nourritures d’impression . . . . . . .

    157

    La dimension verticale . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    183

    Spiritualité et psychologie . . . . . . . . . . . . . .

    185

    Place de l’expérience spirituelle sur la voie .

    217

    Quelques mots de conclusion . . . . . . . . . . . . . .

    239

     

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  •  

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  • Avant-propos

    Dans ce livre, il est souvent fait allusion à Swâmi Praj-nânpad, dont la notoriété ne cesse de grandir en France, àtravers les ouvrages de deux de ses disciples, Arnaud Des-jardins et Daniel Roumanoff, et du philosophe AndréComte-Sponville, qui l’a découvert plus récemment. SwâmiPrajnânpad n’est l’auteur d’aucun ouvrage mais plusieurslivres sont parus en langue française à partir des nombreu-ses lettres qu’il a adressées à ses disciples et des entretiensavec ceux-ci qui ont été retranscrits. Il occupe certes une placeprépondérante dans les pages qui suivent : il y est abondam-ment cité, on y parle régulièrement de son enseignement, dela voie qu’il proposait, dont j’ai tenté de faire une synthèseen introduction aux entretiens qui vont suivre. Pourautant, ce livre n’est pas spécialement consacré à SwâmiPrajnânpad. Il serait plus juste de dire qu’il est une intro-duction générale à la spiritualité avec, comme porte d’entrée,l’approche particulière de Swâmi Prajnânpad.

    La notion de voie spirituelle n’est pas facile à cerner. Pourcertains, elle coule de source, pour d’autres, elle ne correspondà rien. S’il en est ainsi, c’est entre autres parce qu’une voiespirituelle n’est ni une philosophie abstraite, ni un systèmedoctrinal, comme l’est devenue la philosophie moderne, ni une

     

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  • 10

    spiritualité, de quoi s’agit-il ?

    religion, ni non plus une forme de psychothérapie : c’est uneméthode pour changer, une manière de mener son existence envue de permettre une transformation de soi radicale. Lanotion de

    «

    voie spirituelle

    »

    présuppose donc qu’on éprouvele besoin de changer, qu’on croie ce changement possible,qu’on puisse se représenter au moins un peu en quoi il con-siste. Celui qui ouvre un livre de spiritualité est d’embléeacquis à ces présupposés qui sont loin d’être partagés partout le monde : il y a ceux qui ne considèrent pas qu’il soitpossible de changer, ceux qui n’en éprouvent pas le besoin,ceux à qui le résultat que ce changement est censé produirene fait pas envie. Le paradoxe, c’est qu’on peut trouver despersonnes qui rejettent la spiritualité mais qui en incarnentles valeurs : elles mènent leur vie avec dignité, courage,générosité et un esprit de service, tandis que d’autres sedéclarent passionnées par la quête intérieure mais sont enfait plutôt égocentriques, voire nombrilistes. Évitons donc lescloisonnements et les oppositions simplistes.

    Il est courant de rappeler que la spiritualité contempo-raine se rapproche de la sagesse antique. Quel chercheur spi-rituel aujourd’hui ne se reconnaîtrait pas dans ces lignes dePierre Hadot qui décrivent l’état d’esprit des philosophesantiques :

    «

    À leurs yeux, la philosophie ne consiste pasdans l’enseignement d’une théorie abstraite, encore moinsdans une exégèse de textes, mais dans un art de vivre, dansune attitude concrète, dans un style de vie déterminé, quiengage toute l’existence. L’acte philosophique est un progrèsqui nous fait être plus, qui nous rend meilleurs. C’est uneconversion qui bouleverse toute la vie, qui change l’être decelui qui l’accomplit. Elle le fait passer d’un état d’inau-thenticité, obscurci par l’inconscience, rongé par le souci, à

     

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  • avant-propos

    11

    un état de vie authentique, dans lequel l’homme atteint laconscience de soi, la vision exacte du monde, la paix et laliberté intérieures

    1

    .

    »

    Les livres de spiritualité renvoient donc la plupart dutemps à ce qu’on appelle la

    «

    pratique

    »

    . La pratique, c’estce qui fait la différence entre celui qui s’intéresse à la spi-ritualité et celui qui se met en chemin ; c’est la part quinous incombe si nous voulons changer et nous diriger versun état d’être et une manière de fonctionner de plus en pluslibres de la peur, de l’égoïsme et de l’illusion. Même sis’ouvrir à des idées nouvelles fait partie de la voie, même sicertaines de ces idées sont intellectuellement stimulantes,elles ne doivent pas rester lettres mortes, il ne s’agit pas d’ycroire comme on adhère à une idéologie. Il faut les mettre enapplication et vérifier ainsi leur valeur : est-ce qu’elles mepermettent de progresser ? Est-ce qu’elles me remettent encause ? Est-ce qu’elles me libèrent ? La pratique concrétisela promesse d’indépendance que nous fait la voie. Elle nousrend autonomes ; elle nous amène à faire nos expériences,dont nous pourrons tirer ensuite l’enseignement, un enseigne-ment qui ne sera pas répété ou appris, mais qui aura le poidsdu vécu. Puisse donc ce livre contribuer à clarifier ce en quoielle consiste et ce qu’elle peut nous apporter car personne nepeut faire le chemin à notre place.

    Emmanuel Desjardins.

    1.H

    adot

    Pierre,

    Exercices spirituels et philosophie antique

    , Étudesaugustiniennes, 1993, p. 16.

     

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  •  

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  • Vivre et voir :la voie de Swâmi Prajnânpad

    Emmanuel Desjardins

    Une partie de ma vie professionnelle consiste àtransmettre ce qu’on appelle la « voie de SwâmiPrajnânpad » et j’ai pu constater que l’efficacitéd’une voie – la garantie que le changement qu’ellepermet d’espérer se produira – est très liée à la visiond’ensemble de cette voie, de sa cohérence, de sonintégrité et à la capacité d’en saisir la logique interne.

    Un des attraits majeurs de l’approche de SwâmiPrajnânpad, c’est son encouragement à affirmer la vieet à faire preuve d’une curiosité très large devant laréalité. En d’autres termes, à privilégier l’affirmationsur la négation. C’est le véritable sens de sa formule :« oui à ce qui est ». Il faut voir à quel point sontpuissantes en nous les forces mortifères : la culpabi-lité, la peur, la honte, le ressentiment, la haine et lesabotage de soi, la victimisation, la résignation, leperfectionnisme… La pratique d’un enseignementspirituel est censée nous en libérer. Or, c’est bien sou-vent le contraire qui se produit : comme elle est malcomprise, non seulement elle ne nous en libère pas,

     

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  • 14

    spiritualité, de quoi s’agit-il ?

    mais elle en aggrave les symptômes. Nous nous fai-sons facilement une conception toxique de la prati-que, en particulier de l’acceptation, qui est le cœurde toute voie.

    Aller jusqu’au bout de l’expérience humaine :

    vivre et voir

    Les notions de spiritualité et de sagesse sont sou-vent associées à des images de retrait du monde : lemoine dans son monastère, le vieux sage ou l’ermitevivant loin des agitations de la société. Certes, beau-coup de voies sont des voies de renoncement, commela voie monastique, et sont parfaitement respecta-bles. Mais le renoncement cache parfois une condam-nation ou une fuite du monde. Bien qu’on puisse entrouver des prémisses dans la philosophie antique,notamment platonicienne, la culture chrétienne ainduit une conception de la sagesse et de la spiritua-lité qui sépare l’âme du corps, l’ascèse du plaisir, etqui place le salut dans le ciel. Le monde, lui, est lesiège de toutes les tentations. Certes, le christianismeest bien plus complexe et ne se réduit pas à ce seulconstat. Il n’empêche que cette vision d’une spiritua-lité détachée du monde, voire dénigrant le monde,n’en a pas moins imprégné les esprits de façon pro-fonde et durable. Or, il est tout à fait possible de con-cilier spiritualité et participation pleine et entière aumonde, comme en témoigne l’enseignement deSwâmi Prajnânpad.

     

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  • vivre et voir : la voie de swâmi prajnânpad

    15

    Pour mesurer l’originalité de cette approche, ilfaut repartir des bases de la spiritualité orientale. LesOrientaux ne se font pas la même conception de Dieuou du principe premier que les Occidentaux. Leurconception est plus philosophique, plus proche du

    theos

    des Grecs antiques que du Dieu des chrétiens.D’ailleurs, plutôt que de parler de Dieu et de la créa-tion, les spiritualités orientales distinguent

    l’absolu

    et

    la manifestation

    ou

    la réalité ultime

    et

    la réalité rela-tive

    . La manifestation, c’est ce qui correspond à notreexpérience ordinaire : la nature, les plantes, les ani-maux, les humains, les villes, les objets, les événe-ments, etc., tout ce qui relève de l’impermanence, duchangement, de la mesure, du limité. Le termed’absolu désigne un autre niveau de réalité, situé au-delà du temps, du limité, du mesurable.

    L’autre grande différence que présentent ces concep-tions orientales réside dans leur aspect immanent :l’absolu n’est pas présenté comme une réalité radica-lement séparée de nous, il est notre nature profonde,notre « nature de Bouddha ». L’absolu, l’ultime, ledivin, le spirituel – il est nécessaire d’utiliser plu-sieurs mots pour déjouer les connotations attachéesà chacun d’entre eux – est l’être de notre être, notreessence profonde. Il est comme le sang qui coule dansnos veines et l’air que nous respirons. Cette concep-tion immanente de l’absolu présente l’avantaged’être beaucoup moins susceptible d’entraîner desdérives mortifères que la vision chrétienne qui, danssa version grossière, nous présente un Dieu, plusmonarque que père, trônant au-dessus du monde.

     

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    spiritualité, de quoi s’agit-il ?

    Quel est donc le problème avec la manifestation,avec le monde ? Du point de vue moraliste ou mora-lisateur, on dira que le monde est le lieu de l’égoïsme,de la vanité, de l’ambition, du crime, de la mort. Onpourra rétorquer à juste titre qu’il est aussi le lieu del’amour, de la joie, de la beauté. Du point de vue spi-rituel, la manifestation ne pose aucun problème ensoi. Elle est même parfaite telle qu’elle est. Simple-ment, elle est le lieu de la dualité, c’est-à-dire descontraires, des oppositions. Il ne peut y avoir unechose sans son contraire : le bien et le mal, le beau etle laid, la naissance et la mort, l’amour et la haine, ysont liés comme sont indissociables les côtés pile etface d’une même pièce de monnaie. Et c’est là quecommence le problème pour les êtres humains, entout cas pour ce qu’on appelle l’ego : nous voulonsles aspects positifs de l’existence sans les aspectsnégatifs qui y sont inévitablement attachés. Notreperspective étant toujours plus ou moins teintéed’égocentrisme, nous divisons la manifestation, mul-tiple et contrastée, entre ce qui nous convient et cequi ne nous convient pas. Nous ne pouvons pas éviterd’être confrontés à ce qui ne nous convient pas et plusnous sommes égocentriques, plus cette confrontationsera difficile et douloureuse, plus elle entraînera desdérives comme l’illusion, la toute-puissance, la frus-tration, le ressentiment ou l’agressivité.

    La distinction entre la manifestation et l’absolun’est donc pas un sujet philosophique ou théologiqueun peu abstrait qui ne concernerait pas notre expé-rience concrète. Elle indique au contraire deux

     

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  • vivre et voir : la voie de swâmi prajnânpad

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    niveaux d’expériences intérieures : l’expérience ordi-naire, qui est celle du manque et de la finitude etl’expérience spirituelle, qui relève de la plénitude etde l’éternité. Et cela implique également deuxmanières de fonctionner dans le monde, l’une étanttoujours plus ou moins conditionnée par la peur etl’illusion et l’autre, libérée de ces entraves, donc pro-fondément vivante.

    Le dessein de toute spiritualité est de nous rap-procher de l’absolu. Cet aspect n’est pas spécifique àSwâmi Prajnânpad. En revanche, c’est par son posi-tionnement vis-à-vis de la manifestation que celui-cise révèle original et contemporain. Pour un cher-cheur engagé sur une voie spirituelle, il peut êtretentant de penser : « Puisque la fascination pour lamanifestation est ce qui me coupe de l’absolu, autantessayer de m’en désengager. » C’est ce que conseillePlaton : « Tâcher de fuir au plus vite de ce mondedans l’autre [le monde divin]. Or, fuir ainsi, c’est serendre semblable à Dieu. » Mais Swâmi Prajnânpadproposait plutôt : ne fuyez pas, ne vous donnezaucune échappatoire ; puisque vous vivez dans lamanifestation, allez jusqu’au bout de cette manifes-tation et prenez tout. Au bord d’une rivière, nousavons le choix entre entrer dans l’eau, ou rester surla rive. Qui est « un avec » l’eau, celui qui se baigne,ou celui qui reste sur le bord ?

    Prenons quelques exemples. En Inde, on parle del’état sans désir. La recherche spirituelle passeranécessairement par une mise en ordre de la multipli-

     

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  • 18

    spiritualité, de quoi s’agit-il ?

    cité des désirs. Mais comment s’y prendre ? Il y aquelques années, lors d’un séjour chez le maîtreindien Chandra Swâmi, je l’ai entendu répondre àune question qui lui était posée sur ce thème : « Sile désir de Dieu est plus fort que tous les autresdésirs, il n’y a plus de problème avec le désir. » C’estune réponse classique en Inde, mais quel profit peuten retirer celui dont le désir de Dieu est loin d’êtreaussi ardent ? Face à une question de ce type, SwâmiPrajnânpad aurait pu répondre : « Le problème n’estpas que vous ayez des désirs, mais que vous ne sachiezpas ce que sont les désirs. Vous n’êtes même pas alléau bout de votre désir. » Qui sait vraiment ce quesignifie désirer ? Qui sait être actif pour réaliser undésir ? Qui sait goûter le plaisir qu’apporte sa réali-sation et goûter la souffrance qu’engendre sa non-réalisation ? Et goûter même l’insatisfaction qui per-siste lorsque le désir se réalise car, au fond, aucundésir réalisé ne peut nous satisfaire pleinement ?

    Comme le désir, la sexualité est un terrain propiceà la mise en pratique. À celui qui ne s’engageait passur une voie monastique et ne renonçait pas à lasexualité, Swâmi Prajnânpad aurait pu dire : le pro-blème n’est pas que vous fassiez l’amour, mais quevous n’en ayez qu’une expérience pauvre et limitée.Qui d’entre vous peut prétendre : je sais ce que fairel’amour représente comme expérience d’abandon, deconfiance, de lâcher-prise ?

    Autre exemple : la haine. Nous avons tendance àpenser que le problème, c’est la haine et la solution,l’amour, et qu’il faut « s’aimer les uns les autres ».

     

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  • vivre et voir : la voie de swâmi prajnânpad

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    Mais Swâmi Prajnânpad affirmait : vous ne savez pasce qu’est la haine. Éprouver de la haine ne veut pasdire passer à l’acte. Éprouver veut dire ressentir. Vousne connaissez pas la haine qui est en vous, parce quevous avez peur de la ressentir.

    Dernier exemple, Swâmi Prajnânpad abordaitl’ego de manière spécifique. Toutes les voies propo-sent l’effacement de l’ego, la mort à soi-même, lamort du « vieil homme », comme le font les soufis,en parlant d’extinction (

    fana

    ). Cette mort précèdeune résurrection, elle est la condition d’une nouvellenaissance, celle de l’« homme nouveau ». SwâmiPrajnânpad, lui, parlait plutôt d’élargissement del’ego. Avant de pouvoir mourir à lui-même, l’egoétriqué, tendu, fermé, doit se détendre, s’ouvrir, sedéployer, devenir vaste, tellement vaste qu’il finirapar se confondre avec la réalité tout entière.

    Deux citations de Swâmi Prajnânpad sont parti-culièrement explicites : « Vous ne savez pas jouir,vous ne savez pas prendre, vous ne savez pas goûter,vous ne savez pas donner, vous êtes toujours enretrait, jamais complet, jamais entier dans ce quevous vivez. » Et « Où trouverait-on un

    bhokta

    de parce vaste monde, tous se contentent d’une jouissancebanale, superficielle ? ». Bhokta vient du mot

    bhoga

    qui fait partie des quelques termes sanscrits qu’ilfaut connaître, car il n’en existe pas d’équivalentfrançais vraiment fidèle. On le traduit généralementpar « appréciation » ou « jouissance »,

    to enjoy,

    enanglais. Cela signifie faire l’expérience, apprécier,

     

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  • 20

    spiritualité, de quoi s’agit-il ?

    goûter, déguster. Le

    bhokta

    est celui qui sait « jouir,goûter, prendre, donner ».

    Pour éviter tout malentendu, je voudrais préciserqu’aller jusqu’au bout de la manifestation, ce n’estpas nécessairement devenir des super-héros, le géné-ral de Gaulle ou les Rolling Stones. C’est être nous-mêmes. Ce n’est pas forcément non plus vivre deschoses extraordinaires, mais vivre pleinement ce quinous correspond. Il ne faudrait pas que cette notionde

    bhoga

    devienne un idéal qui nous divise entre

    cequi est

    et ce qui, selon cet idéal,

    devrait être

    : nousdevrions vivre pleinement, et nous ne vivons quepartiellement. Quel que soit le parcours intérieur, leplus important est de partir de ce que nous sommes,de nous réconcilier avec nous-mêmes, puis d’avancer.

    Cette proposition d’aller au bout de la manifesta-tion repose sur deux démarches : voir cette manifes-tation avec un regard empreint de curiosité et mêmed’émerveillement, et nous y engager complètement.Être lucide, conscient et se jeter dans l’existence.Voir et vivre, vivre et voir, les deux. Vivre sans voiret voir sans vivre sont deux formes d’évitement. Sinous vivons et ne voyons pas, c’est que notre vie n’estqu’un enchaînement d’événements mécaniques. Et sinous voyons et ne vivons pas, c’est que nous nevoyons pas vraiment. Et notamment nous ne voyonspas ce qui nous empêche de vivre.

     

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  • POUR EN SAVOIR PLUS

    Hauteville07800 Saint-Laurent-du-PapeFrance

    Mangalam120, chemin Verger-ModèleFrelighsburgQuébec JOJ 1C0Canada

    Toute personne intéressée peut prendre contact par courrier.

    spiritualite_de_quoi_3.fm  Page 247  Lundi, 9. février 2009  12:34 12

  • Dépôt légal : mars 2009.No d’édition : 164799.No d’impression : ••••••••••••••••.

    Imprimé en France.

    CET OUVRAGE A ÉTÉ REPRODUIT ETACHEVÉ D’IMPRIMER SUR ROTO-PAGEPAR L’IMPRIMERIE FLOCH À MAYENNEEN MARS 2009, POUR LE COMPTE DESÉ D I T I O N S D E L A T A B L E R O N D E .

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    Avant-proposVivre et voir : la voie de Swâmi Prajnânpad Emmanuel Desjardins