code penal de la justice des mineurs€¦ · 1 s y n d i c a t n a t i o n a l d e s p e r s o n n...

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1 S yndicat N ational des Personnels de l’E ducation et du Social Protection J udiciaire de la J eunesse - F édération S yndicale U nitaire Secrétariat National :54, Rue de l’Arbre Sec - 75001 Paris Tél :01 42 60 11 49 - Fax :01 40 20 91 62 Site : www.snpespjj-fsu.org Mél : [email protected] L L e e p pr r o oj j e et t d de e C Co od de e d de e J Ju us st t i ic ce e P Pé én na al l e e d de es s M Mi i- - n ne eu ur rs s ( ( C CJ J P PM M) ) s se e s si it t u ue e d da an ns s l l e e d dr r o oi it t f f i il l d de es s p pr ro op po os si it t i io on ns s r ré ép pr re es ss si iv ve es s d de e l l a a c co om mm mi is ss si io on n V Va ar r i i n na a r r d d e et t a au u l l i i e eu u d de e l l a a m mo od de er r n ni i s sa at t i i o on n t t a a n nt t s so ou uh ha ai i t té ée e p pa ar r c ce er rt t a ai i n ns s, , d de e c ce et t t te e « «v vi i e ei il l l le e o or r d do on n- - n na an nc ce e d de e 4 45 5» », , i i l l n no ou us s r ra am mè èn ne e à à u un ne e c co on nc ce ep p- - t t i i o on n r r é é a ac ct t i i o on nn na ai i r r e e d de e l l e en nf f a an nc c e e e et t d de e l l a ad do ol le es sc ce en nc ce e d da at ta an nt t d du u 1 19 9è èm me e s si iè èc cl l e e. . En effet, ce projet met en place une justice parfois plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs, en leur appliquant le principe de la tolérance zéro et inverse totalement les priorités qui fondaient jusqu’alors la justice des mineurs : la sanction, la peine, la condamnation deviennent la règle et l’éducation un simple habillage. Ainsi, le projet de CJPM mettrait fin à un modèle protectionniste dont les effets ne se lisent que sur le moyen ou le long terme et à une approche solidariste de la déviance et de la délinquance impliquant la so- ciété dans la responsabilité de celles-ci. C’est cette approche sociétale et non strictement indi- viduelle de la responsabilité de la délinquance qui constituait le projet progressiste de l’ordon- nance de 1945. La philosophie humaniste de l’ordonnance de 45 considérait la jeunesse comme une richesse dont il fallait préserver l’avenir. Vouloir « conci- lier l’intérêt du mineur avec celui de la société et des victimes » comme cela est indiqué dans l’ar- ticle préliminaire du projet de code est une asser- tion de bon sens, certes, mais conduit en fait à confondre les intérêts de la société avec l’agréga- tion des ressentiments individuels des victimes. Cela ne peut tenir lieu d’un projet ambitieux sus- ceptible de donner de l’espoir à la jeunesse la plus en difficulté. La volonté de punir est un choix, tout comme celui d’éduquer. Ce choix de l’éducation qui se trouvait au cœur du projet politique et social de l’ordonnance de 45 avait ouvert la voie à une ap- proche ferme mais bienveillante des adolescents délinquants. Aujourd’hui, un faux procès en an- gélisme est fait à tous les professionnels qui veu- lent encore soutenir cette approche pour éduquer ces adolescents car ils la savent efficace. Celle-ci n’est pas la conséquence de leur pas- séisme mais celle de la vérification au quotidien de sa pertinence Malgré une dégradation extraor- dinaire du contexte économique et social qui reste le creuset de la violence et de la délin- quance, ces adolescents, aujourd’hui comme hier, ont avant tout besoin qu’il leur soit porté un inté- rêt authentique à travers des professionnels légiti- més par une décision judiciaire, elle-même ga- rante des règles de vie en société. Ils ont aussi be- soin de perspectives crédibles d’intégration sociale dont la pénalisation n’est pas porteuse en elle-même. C Ce es st t c ce et t t te e p pr r i io or r i it t é é d do on nn né ée e à à l lé éd du uc ca at ti i o on n q qu ui i a av va ai i t t p pe er r m mi i s s, , s sa an ns s e ex xc cl l u ur r e e l la a n no ot t i i o on n d de e s sa an nc c- - t t i i o on n, , d de e d di i s st t i i n ng g u ue e r r l l e e c ch ha am mp p d de e l l a a p pe ei i n ne e d de e c ce el l u ui i d de e l l é éd du uc ca at t i i o on n. . D Da an ns s c ce e p pr ro oj j e et t d de e c co od de e, , l l e es s d de eu ux x c ch ha am mp ps s s se e c co on nf f o on nd de en nt t e et t l lé éd du uc ca at ti i o on n d de ev vi i e en nt t l l o ob bj je ec ct t i if f à à a at t t t e ei in nd dr r e e d da an ns s l l e e c ca ad dr re e d de es s s sa an nc ct ti i o on ns s p pé én na al le es s c co on ns si id dé ér r é ée es s c co om mm me e l lu un ni iq qu ue e l l e e v vi i e er r d di i n nt t e er r v ve e n nt t i i o on n a au up pr r è è s s d de e c ce es s a ad do ol l e es s- - c c e en nt ts s . . Ainsi, «l’éducatif» n’est plus qu’un mot vidé de son contenu et apparaît comme une concession faite aux principaux textes nationaux et internationaux de référence. Les affirmations distillées depuis des années dans l’opinion publique sur le soi disant sentiment d’impunité des jeunes et la stigmatisation de la lenteur de la justice des mineurs, assimilée à du laxisme, ont conduit, à l’instar des propositions Varinard, à l’élaboration d’un texte aux intentions séduisantes pour un lecteur non averti ( réconci- liation de la sanction et de l’éducation, rapidité dans la mise en œuvre des décisions judiciaires, progressivité de la réponse pénale, caractère ex- ceptionnel de l’incarcération, prise en compte de la personnalité…) mais dangereux et inefficace pour les professionnels qui, confrontant son contenu avec leur connaissance de ces jeunes et avec leurs savoirs-faire, savent qu’il est en contra- diction avec les principes affichés. L Le e S SN NP PE ES S- - P PJ JJ J / / F FS SU U, , a av ve ec c t to ou us s s se es s p pa ar r t te en na ai i r r e es s, , e e n nt t e en nd d p pe es se e r r d da an ns s l l e e d dé é b ba a t t q qu ui i v va a s so ou uv vr r i i r r à à l l o oc cc ca as si i o on n d de e l l a a p pr r é és se en nt t a at t i io on n d du u p pr ro oj j e et t d de e l lo oi i r r é éf f o or rm ma an nt t l la a j ju us st t i ic ce e d de es s m mi i n ne eu ur rs s, , à à l lA As ss se em mb bl lé ée e N Na at ti i o on na al l e e. . Au-delà du contexte de lois sécuri- taires, à l’œuvre depuis les années 90 et dont ce projet de code est le parachèvement, il sou- haite contribuer à une meilleure connaissance du travail éducatif dans un cadre judiciaire pour que celui-ci ne soit pas, un jour, réduit à la ca- ricature asséchante induite par ce projet de code. En effet, comme le souligne le sociologue Philip Milburn dans son livre « Quelle justice pour les mineurs ? Entre enfance menacée et adoles- cence menaçante» : Les personnels de la PJJ et les magistrats de la jeunesse ne représentent pas sim- plement des forces sociales défendant une idéo- logie qui se confronte à l’idéologie politique : ils fondent de véritables laboratoires de pratiques et de théories juridique, judiciaire et éducative. Leurs CODE PENAL DE LA JUSTICE DES MINEURS UNE PROFONDE REGRESSION ET UN PROJET DANGEREUX POUR LA JEUNESSE. Septembre 2009

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SyndicatNationaldesPersonnelsdel’EducationetduSocial

ProtectionJudiciairedelaJeunesse-FédérationSyndicaleUnitaire

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l:54,Ruedel’ArbreSec-75001Paris

Tél:0142601149

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Site:www.snpespjj-fsu.orgMél:[email protected]

LLee pprroojjeett ddee CCooddee ddee JJuussttiiccee PPéénnaallee ddeess MMii--nneeuurrss ((CCJJPPMM)) ssee ssiittuuee ddaannss llee ddrrooiitt ffiill ddeesspprrooppoossiittiioonnss rréépprreessssiivveess ddee llaa ccoommmmiissssiioonn

VVaarriinnaarrdd eett aauu lliieeuu ddee llaa mmooddeerrnniissaattiioonn ttaannttssoouuhhaaiittééee ppaarr cceerrttaaiinnss,, ddee cceettttee ««vviieeiillllee oorrddoonn--nnaannccee ddee 4455»»,, iill nnoouuss rraammèènnee àà uunnee ccoonncceepp--ttiioonn rrééaaccttiioonnnnaaiirree ddee ll’’eennffaannccee eett ddeell’’aaddoolleesscceennccee ddaattaanntt dduu 1199èèmmee ssiièèccllee.. En effet,ce projet met en place une justice parfois plussévère pour les mineurs que pour les majeurs, enleur appliquant le principe de la tolérance zéroet inverse totalement les priorités qui fondaientjusqu’alors la justice des mineurs : la sanction,la peine, la condamnation deviennent la règle etl’éducation un simple habillage. Ainsi, le projetde CJPM mettrait fin à un modèle protectionnistedont les effets ne se lisent que sur le moyen ou lelong terme et à une approche solidariste de ladéviance et de la délinquance impliquant la so-ciété dans la responsabilité de celles-ci. C’estcette approche sociétale et non strictement indi-viduelle de la responsabilité de la délinquancequi constituait le projet progressiste de l’ordon-nance de 1945.La philosophie humaniste de l’ordonnance de

45 considérait la jeunesse comme une richessedont il fallait préserver l’avenir. Vouloir « conci-lier l’intérêt du mineur avec celui de la société etdes victimes » comme cela est indiqué dans l’ar-ticle préliminaire du projet de code est une asser-tion de bon sens, certes, mais conduit en fait àconfondre les intérêts de la société avec l’agréga-tion des ressentiments individuels des victimes.Cela ne peut tenir lieu d’un projet ambitieux sus-ceptible de donner de l’espoir à la jeunesse la plusen difficulté. La volonté de punir est un choix, tout comme

celui d’éduquer. Ce choix de l’éducation qui setrouvait au cœur du projet politique et social del’ordonnance de 45 avait ouvert la voie à une ap-proche ferme mais bienveillante des adolescentsdélinquants. Aujourd’hui, un faux procès en an-gélisme est fait à tous les professionnels qui veu-lent encore soutenir cette approche pouréduquer ces adolescents car ils la savent efficace.Celle-ci n’est pas la conséquence de leur pas-séisme mais celle de la vérification au quotidiende sa pertinence Malgré une dégradation extraor-dinaire du contexte économique et social quireste le creuset de la violence et de la délin-quance, ces adolescents, aujourd’hui comme hier,ont avant tout besoin qu’il leur soit porté un inté-rêt authentique à travers des professionnels légiti-

més par une décision judiciaire, elle-même ga-rante des règles de vie en société. Ils ont aussi be-soin de perspectives crédibles d’intégrationsociale dont la pénalisation n’est pas porteuse enelle-même.CC’’eesstt cceettttee pprriioorriittéé ddoonnnnééee àà ll’’éédduuccaattiioonn qquuii

aavvaaiitt ppeerrmmiiss,, ssaannss eexxcclluurree llaa nnoottiioonn ddee ssaanncc--ttiioonn,, ddee ddiissttiinngguueerr llee cchhaammpp ddee llaa ppeeiinnee ddeecceelluuii ddee ll’’éédduuccaattiioonn.. DDaannss ccee pprroojjeett ddee ccooddee,,lleess ddeeuuxx cchhaammppss ssee ccoonnffoonnddeenntt eett ll’’éédduuccaattiioonnddeevviieenntt ll’’oobbjjeeccttiiff àà aatttteeiinnddrree ddaannss llee ccaaddrree ddeessssaannccttiioonnss ppéénnaalleess ccoonnssiiddéérrééeess ccoommmmee ll’’uunniiqquueelleevviieerr dd’’iinntteerrvveennttiioonn aauupprrèèss ddee cceess aaddoolleess--cceennttss.. Ainsi, «l’éducatif» n’est plus qu’un motvidé de son contenu et apparaît comme uneconcession faite aux principaux textes nationauxet internationaux de référence. Les affirmations distillées depuis des années

dans l’opinion publique sur le soi disant sentimentd’impunité des jeunes et la stigmatisation de lalenteur de la justice des mineurs, assimilée à dulaxisme, ont conduit, à l’instar des propositionsVarinard, à l’élaboration d’un texte aux intentionsséduisantes pour un lecteur non averti ( réconci-liation de la sanction et de l’éducation, rapiditédans la mise en œuvre des décisions judiciaires,progressivité de la réponse pénale, caractère ex-ceptionnel de l’incarcération, prise en compte dela personnalité…) mais dangereux et inefficacepour les professionnels qui, confrontant soncontenu avec leur connaissance de ces jeunes etavec leurs savoirs-faire, savent qu’il est en contra-diction avec les principes affichés.LLee SSNNPPEESS--PPJJJJ//FFSSUU,, aavveecc ttoouuss sseess ppaarrtteennaaiirreess,,

eenntteenndd ppeesseerr ddaannss llee ddéébbaatt qquuii vvaa ss’’oouuvvrriirr ààll’’ooccccaassiioonn ddee llaa pprréésseennttaattiioonn dduu pprroojjeett ddee llooiirrééffoorrmmaanntt llaa jjuussttiiccee ddeess mmiinneeuurrss,, àà ll’’AAsssseemmbbllééeeNNaattiioonnaallee.. Au-delà du contexte de lois sécuri-taires, à l’œuvre depuis les années 90 et dontce projet de code est le parachèvement, il sou-haite contribuer à une meilleure connaissancedu travail éducatif dans un cadre judiciaire pourque celui-ci ne soit pas, un jour, réduit à la ca-ricature asséchante induite par ce projet decode. En effet, comme le souligne le sociologuePhilip Milburn dans son livre « Quelle justice pourles mineurs ? Entre enfance menacée et adoles-cence menaçante» : Les personnels de la PJJ et lesmagistrats de la jeunesse ne représentent pas sim-plement des forces sociales défendant une idéo-logie qui se confronte à l’idéologie politique : ilsfondent de véritables laboratoires de pratiques etde théories juridique, judiciaire et éducative. Leurs

CODE PENAL DE LA JUSTICE DES MINEURS

UNE PROFONDE REGRESSION ET UN PROJET DANGEREUX POUR LA JEUNESSE. Septembre 2009

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prises de position s’annoncent autant commetechniques et scientifiques que morales et poli-tiques.

La sanction pénale, point de départ de ladémarche éducative ?Dans le projet de CJPM, la notion hybride de

sanction éducative introduite dans la loi Perben 1se trouve ici consacrée “au prétexte de réconci-lier la sanction et l’éducation”. Cette assertion traduit une méconnaissance

grave du travail éducatif au pénal tel qu’il s’estconstitué depuis de nombreuses années. En effet,ce travail se fonde sur la nécessité de distinguer lalogique pénale et la logique éducative afin quecette dernière puisse pleinement se déployer dansun espace où le temps et la singularité de chaquejeune sont pris en compte. NNoouuss ddééffeennddoonnssll’’iiddééee qquuee llee ttrraavvaaiill éédduuccaattiiff aauu ppéénnaall ddooiitt ssee ««ddéécceennttrreerr »» ddee ll’’aaccttee ddéélliiccttuueell ppoouurr mmiieeuuxxll’’iinnssccrriirree ddaannss uunnee hhiissttooiirree eett uunn ppaarrccoouurrss ddeevviiee,, ppoouurr mmiieeuuxx pprreennddrree eenn ccoommppttee llaa ppeerr--ssoonnnnee ddee ll’’aaddoolleesscceenntt aaffiinn ddee ll’’aaiiddeerr nnoottaamm--mmeenntt,, àà aaccccééddeerr àà uunn ttrraavvaaiill ddeerreessppoonnssaabbiilliissaattiioonn.. CCee ttrraavvaaiill ssee ttrroouuvvee aauuccœœuurr ddee ttoouuttee ddéémmaarrcchhee éédduuccaattiivvee qquuii vviissee ààll’’aauuttoonnoommiiee ddee cceess aaddoolleesscceennttss pplluuttôôtt qquu’’àà llaannoorrmmaalliissaattiioonn ddee lleeuurr ccoommppoorrtteemmeenntt.. L’obsession répressive dont ces adolescents sont

l’objet a conduit à confondre la notion de res-ponsabilité pénale et celle de responsabilisation.Dès 1995, le SNPES-PJJ/FSU écrivait : « Cer-

tains considèrent que la déresponsabilité du mi-neur est contraire à sa dignité de sujet de droitet renvoie au concept de malade social. Ilconvient de distinguer la notion de responsabi-lisation de celle de responsabilité. Cette dernièreest attachée à un ensemble de droits, de devoirsmais aussi de choix qui dans le domaine social,économique et politique ne sont pas le reflet dela réalité des enfants, des adolescents, des mi-neurs. En revanche, nous sommes acquis à lanotion de responsabilisation qui se retrouvedans toute démarche éducative ».La pédagogie de la responsabilisation, comme

toute action éducative, implique de “suspendre“la sanction pénale pour créer l’espace éducatif.Elle parie sur l’éducabilité de l’adolescent déviant.Le projet de CJPM au contraire, dans une logiquerépressive, parie sur l’exemplarité de la peine pourcorriger, redresser le jeune. C’est cette conceptionqui conduit alors à mélanger le registre pénal etéducatif en créant notamment les “ sanctions édu-catives “.Dans le projet de CJPM, la palette diversifiée

de mesures éducatives fait place à quatre sanc-tions éducatives : l’Avertissement Judiciaire, la Re-mise Judiciaire à Parents, le Suivi Educatif enMilieu Ouvert et le Placement. Le temps de cesdeux dernières sanctions éducatives serait réduit à6 mois renouvelables une fois. Dans le mêmetemps, à l’instar des mesures de probation, elles

seront étroitement balisées par des obligationssystématiques et toujours les mêmes : obligationde résidence, d’activités de jour, de réparation oude stage civique. Etant donné ce temps très court,le suivi éducatif risque de se réduire à un contrôlestrict des obligations et à faire de nombreusesnotes d’incidents au juge. Aura-t-on ainsi travailléà une authentique responsabilisation du jeune età la résolution de ses difficultés ? Rien n’est moinssûr. Dans cette conception, en lieu et place du tra-

vail de responsabilisation et d’adhésion de l’ado-lescent au travers d’une relation avec unprofessionnel attentif et rigoureux, c’est la menacequi sert de levier au travail éducatif et l’utilisationde la crainte qui tient lieu de relation. Menaced’une sanction plus coercitive en cas d’échec dusuivi, menace de la prison en cas de nouveléchec. Ce n’est pas tant la nature d’un nouveaudélit et comment il s’inscrit dans le parcours dumineur qui prime, mais son comportement vis-à-vis des décisions judiciaires. Dans ce système, lamise à l’écart du jeune arrive très vite : place-ment en foyer éducatif en cas d’échec du SuiviEducatif en Milieu Ouvert, placement en CentreFermé en cas d’échec d’un placement en foyer, in-carcération en cas d’échec du placement en CEF.Outre que l’échec éducatif reste à définir, cette es-calade répressive aboutit immanquablement à laprison. Un chemin qui peut être parcouru d’au-tant plus vite qu’il peut être favorisé par les peines-plancher. Dans cette logique d’escalade répressive, le

jeune ne peut se permettre aucun faux pas !Nous soutenons que la sanction doit être adap-

tée à l’auteur de la transgression, qu’elle doits’adresser à celui-ci comme à un sujet et ne doitpas le réduire à son seul comportement, qu’elledoit être porteuse de lien et ouvrir à la relation hu-maine. C’est quand elle peut ainsi fonctionner dans le

symbolique et non dans le spectaculaire, c’estquand elle n’est pas instrumentalisée au serviced’intérêts conjoncturels ou particuliers qu’ellepeut être efficace. Ici, l’objectif principal du lé-gislateur est la défense de l’ordre public, lecontenu de la sanction n’est pas l’essentiel au re-gard d’une recherche de visibilité immédiate.Ainsi, l’opportunisme politique prime sur la co-hérence de la réflexion.

Justice plus rapide ou justice expéditive ?Le projet de CJPM traduit une confusion entre

l’urgence des réponses qui ne peut être contestéeet la rapidité de l’application des sanctions, auprétexte que les adolescents croient à l’impunitési leur acte ne suscite pas de réaction immédiate.Ainsi une justice de plus en plus proche de celledes majeurs se met en place, une justice qui nie letemps de la construction de ces adolescents et quiabolit le temps de l’accompagnement éducatif :comparution immédiate, instauration d’un tribu-nal à juge unique, plus facile à réunir dans de

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Pour les 10-13 ans : un dispositif aberrant.La fixation de l’âge de responsabilité pénale à

12 ans ayant du être abandonnée, les enfants de10-13 seraient déclarés pénalement irresponsa-bles mais deviendraient cependant responsablescivilement. C’est une incongruité juridique quis’apparente au traitement des majeurs atteints detroubles mentaux. Cette proposition du projet decode traduit de façon exemplaire une défiance dé-finitive vis-à-vis du régime de l’assistance éduca-tive appliquée à des enfants auteurs d’un délit.Une défiance qui marque le refus de prendre encompte, malgré l’expérience, ce que l’assistanceéducative peut initier comme processus construc-tif chez ces enfants. Défiance vis à vis de l’assistance éducative mais

défiance plus globale vis-à-vis de l’action éduca-tive, détachée de la sanction pénale, dans sa di-mension structurante et de prévention.Au final, ce dispositif pour les 10-13 ans pour-

rait à lui seul résumer l’esprit du projet, c'est-à-dire la négation du risque éducatif, sans lequelpourtant aucune éducation ne peut advenir.

Conclusion :LLee SSNNPPEESS--PPJJJJ ttiieenntt àà rrééaaffffiirrmmeerr qquu’’uunnee rréé--

ffoorrmmee dduu ddrrooiitt ppéénnaall ddeess mmiinneeuurrss ddooiitt rreessppeecc--tteerr ddeess pprriinncciippeess iinnttaannggiibblleess,, ccoonnffoorrmmeess aauuxxtteexxtteess ccoonnssttiittuuttiioonnnneellss eett aauuxx tteexxtteess iinntteerrnnaattiioo--nnaauuxx..AA cceett ééggaarrdd,, nnoouuss ddeemmaannddoonnss llaa rrééiinnttrroodduucc--

ttiioonn dduu mmoott «« eennffaanntt »» qquuii iinnddiiqquuee uunn ddeevvooiirr ddeepprrootteeccttiioonn ddee ll’’eennsseemmbbllee ddee llaa ssoocciiééttéé vviiss--àà--vviissddee cceeuuxx qquuii,, àà llaa ffooiiss rreeffllèètteenntt sseess ddééffaaiillllaanncceesseett rreepprréésseenntteenntt ssoonn aavveenniirr..NNoouuss ddeemmaannddoonnss qquuee ttoouuttee rrééffoorrmmee dduu ddrrooiitt

ppéénnaall ddeess mmiinneeuurrss rreepprreennnnee àà ssoonn ccoommppttee llaapphhiilloossoopphhiiee hhuummaanniissttee ddee ll’’oorrddoonnnnaannccee ddee 4455ccaarr eellllee ttrraadduuiissaaiitt uunn pprroojjeett ssoocciiaall eett ppoolliittiiqquueeaammbbiittiieeuuxx ppoouurr ll’’eennffaannccee eett llaa jjeeuunneessssee eenn ddiiff--ffiiccuullttéé..AAiinnssii,, llaa pprriissee eenn ccoommppttee ddee ll’’ééttaatt ddee mmiinnoo--

rriittéé ddooiitt êêttrree ssyyssttéémmaattiiqquuee ccaarr lleess mmiinneeuurrss nneessoonntt ppaass ddeess aadduulltteess eenn mmiinniiaattuurree qquu’’iill ffaauuddrraaiittaalloorrss jjuuggeerr àà ll’’aauunnee ddee llaa jjuussttiiccee ddeess mmaajjeeuurrss.. CCeellaa ppaassssee ppaarr uunnee vvéérriittaabbllee ssppéécciiaalliissaattiioonn

ddeess jjuurriiddiiccttiioonnss eett ddee ttoouuss sseess aacctteeuurrss.. PPaarr ll’’iinnss--ttaauurraattiioonn ddee mmeessuurreess éédduuccaattiivveess vviissaanntt llaa rreess--ttaauurraattiioonn,, llaa pprrootteeccttiioonn eett llaa rreessppoonnssaabbiilliissaattiioonndduu mmiinneeuurr,, ccoonnfféérraanntt aaiinnssii uunnee rrééaalliittéé àà llaa pprriioo--rriittéé éédduuccaattiivvee eett aauu ccaarraaccttèèrree eexxcceeppttiioonnnneell ddeell’’iinnccaarrccéérraattiioonn..

brefs délais, raccourcissement du suivi éducatifmais aussi de l’évaluation avec les mesures d’in-vestigation réduites à trois mois. Outre la réduction du temps des IOE à trois

mois, le juge des enfants perd son pouvoir d’en-quête. Seul le parquet pourra saisir le juge des en-fants durant la phase d’instruction. Ce dernier nedétiendra plus l’initiative des mesures provisoiresqu’avec les Contrôles Judiciaires, dans le cadredesquels il pourra faire figurer l’obligation de res-pecter un suivi éducatif. Ainsi, il serait mis fin à lacontinuité de vue et d’action du juge des enfantsqui lui permettait d’avoir une connaissance fineet globale des situations des jeunes. La place pré-pondérante donnée au Parquet dans ce projet decode rompt avec un des principes les plus fécondsde la justice des mineurs telle qu’elle s’étaitjusqu’alors constituée. Avec l’éviction du juge des enfants de la phase

d’instruction, les services de la PJJ n’auront plusla possibilité de le saisir pour faire des proposi-tions d’orientation. Ils interviendraient essentiel-lement pour expertiser et traiter l’acte délinquant,au détriment du travail d’évaluation qui permetaussi de construire la relation de confiance et audétriment de l’élaboration, dans la continuité,d’un projet éducatif adapté à chaque jeune.

Progressivité ou automaticité ?Comprendre, évaluer, construire la continuité

éducative figurent parmi les fondamentaux del’action éducative en direction d’adolescents auxparcours morcelés. Pourtant ce projet y mettraitfin tant il semble obsédé par une doctrine, celle «d’apporter une réponse à chaque acte ».La progressivité de la réponse pénale est

conçue, non pas comme une manière de gradueret d’adapter la sanction pénale en fonction de lasituation de chaque jeune mais comme une ma-nière de rendre la sanction inéluctable. Ainsi, les jeunes sont découpés artificiellement

par tranches d’âge avec les réponses pénales cor-respondantes : pour les 10-13 ans, un régime ju-ridique hybride entre le civil et le pénal seraitinstauré, pour les 13-16 ans c’est le régime ducontrôle judiciaire qui prévaudrait et pour les 16-18 ans, celui de la détention provisoire.C’est bien une justice automatique qui se met-

trait en place, en contradiction totale avec tous lestextes internationaux qui indiquent la nécessitéd’adapter chaque réponse à chaque jeune, enfonction de sa maturité et des circonstances deson parcours. Les peines-plancher avaient déjàporté atteinte à l’individualisation des peines, leprojet de code parachève cette conception.

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� Un dispositif diversifié de placements éduca-tifs qui ne soit pas guidé par la seule logique demis à l’écart ou d’enfermement comme l’illustrentla grande majorité des CER, les CEF et les EPM.� Le retour à la durée de six mois des IOE pour

ne pas les réduire à de simples expertises et conti-nuer à les concevoir comme un point de départpossible d’une prise en charge éducative.� La réintroduction de l’article 16 bis de l’or-

donnance de 45 afin de permettre la prise encharge des 18-21 ans.� Le rétablissement des pouvoirs des juges des

enfants durant la phase d’instruction et la possibi-lité pour eux de décider des suivis présentenciels.�Que le dossier unique de personnalité ne soit

pas l’instrument privilégié des jugements rapidesmais bien un outil qui favorise le principe decontinuité personnelle (un jeune-un juge) et lacohérence dans le suivi du jeune.� De réaffirmer la possibilté pour le juge des

enfants d’ouvrir un dossier d’assistance éducativepour les enfants de 10-13 ans qui ont commis undélit.LLee SSNNPPEESS--PPJJJJ rraappppeellllee qquu’’uunnee rrééffoorrmmee ddee llaa

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C’est pourquoi et pour mettre en conformité cesprincipes avec le contenu d’un futur code de jus-tice pénale des mineurs, dans l’immédiat, leSNPES-PJJ demande notamment, la suppression :� de l'article 112.3 1 qui pose le principe d’une

réponse à chaque acte et qui est la traduction ju-ridique de la doctrine de la tolérance zéro.� de l’article 211-14 qui entérine la disparition

du juge des enfants dans la phase d’instruction etmet fin ainsi à la prise en compte globale de la si-tuation d’un mineur et à la continuité de l’action.� des obligations dans les Suivis Educatifs de

Milieu Ouvert et des Placements parce qu’ellesdénaturent la démarche éducative, les rappro-chent des mesures de probation et donc du droitpénal des majeurs, article 131-4.� de l’article131.14 qui transforme le non res-

pect du suivi éducatif en circonstance aggravanteet entraîne un placement.� de l’article 221-8 qui sanctionne l’absen-

téisme des parents car ce n’est pas par la sanctionque l’on peut efficacement faire un travail en di-rection des parents.� de la procédure de jugement rapide, art

214.3 à 214.5.� du dispositif des peines plancher pour les mi-

neurs.� de l'article 113.1 qui établit un principe de

progressivité automatique qu'il y ait ou non réci-dive ou réitération.� de l'article 113.3 qui prévoit que l'âge pris en

compte peut être celui du moment du jugement etnon du moment des faits. De même pour le pro-noncé des TIG pour lesquels l’âge qui est pris encompte est celui du moment de la condamnation,art.132.7.� de la possibilité que le TE soit composé d'un

juge unique, art. 223.8 à 223.10.� de l'art.132.2 permettant la confiscation de

biens sans rapport avec le délit (ce qui n’est paspossible pour les majeurs) car cela n’aurait aucuneffet éducatif et se situe uniquement dans une lo-gique punitive.� de l’exécution provisoire des courtes peines,

qui constitue une atteinte au droit d’appelart.223.1.� des art.132.17 et 132.18 qui prévoient la pos-

sibilité que soit écartée la diminution légale depeine et qui oblige le juge dans certains cas àl'écarter. � des dispositions concernant les 10/13 ans

art.421.1 à 421.6 et art 111.7.

A contrario, le SNPES-PJJ propose :� Le rétablissement d’un panel suffisant de me-

sures éducatives dont la durée doit être de sixmois minimum renouvelables autant de fois quele magistrat en aprécie la nécessité ainsi que la ré-instauration de la mesure de réparation commemesure autonome.