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BALKANS &BEYOND Croatie, nouvelle vague de réfugiés de Barbara Matejčić et Matic Zorman Belgrade, le Dubaï des Balkans de Marina Lalovic et Jasmin Brutus Coming Out au Kosovo de Fisnik Dobreci par Cafébabel

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Page 1: Balkans & Beyond - FR

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BALKANS&BEYOND

Croatie, nouvelle vague de réfugiésde Barbara Matejčićet Matic Zorman

Belgrade, le Dubaï des Balkans de Marina Lalovicet Jasmin Brutus

Coming Out au Kosovode Fisnik Dobreci

par Cafébabel

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BALKANS&BEYOND

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Balkan Beats

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Bye-bye Tito, hello chaos ?

Si les Balkans se trouvent à quelques heures d’avion seulement

de Paris ou Londres, ses pays, de la Slovénie à la Serbie,

en passant par la Croatie, la Bosnie, le Monténégro et la

Macédoine nous semblent encore bien « étrangers ». La région

évoque davantage les querelles de voisinage à la kalachnikov,

les mafias ou les soirées arrosées à la Slivovitza (un alcool

de prune) que la paix ou la prospérité. Il est légitime de se

demander si ce n’est pas le chaos qui a définitivement remplacé

l’harmonie du royaume multiculturel de Tito, longtemps uni

sous la bannière du socialisme glorieux. La première guerre

marquant le démantèlement de l’ex-Yougoslavie commença il

y a 25 ans, en 1991. C’est la Slovénie qui fit le premier pas vers

l’indépendance, suivie de peu par la Croatie. Au milieu des

années 1990, les conflits ethniques de Bosnie et du Kosovo

vinrent compléter l’une des plus sanglantes décennies de

l’histoire européenne récente. Car gagner la paix est plus

compliqué que gagner la guerre. Vingt cinq ans, une génération

plus tard, le temps est probablement venu de dépasser ces

blessures. Ces clichés. Cette haine. A quoi ressemblent les

Balkans à présent ? Comment vivent aujourd’hui les citoyens

d l’ancienne République yougoslave ? A quoi aspirent les plus

jeunes générations ? Quid de la « Yougonostalgie » et de ce

bon vieux Tito ? Lorsque cafébabel Berlin a décidé de lancer

Balkans & Beyond, un projet journalistique généreusement

soutenu par la fondation culturelle Allianz, l’idée était de donner

la parole à des jeunes issus de sept pays des Balkans : Slovénie,

Bosnie-Herzégovine, Serbie, Croatie, Kosovo, Monténégro et

Macédoine. D’offrir un visage à cette nouvelle génération post-

conflit : une génération curieuse, énergique -prête à pardonner,

mais non à oublier. De découvrir la manière dont ils perçoivent

leur région et les faire travailler ensemble, au-delà de leurs

propres frontières, physiques et parfois mentales.

Bref, les Balkans, vus par eux-mêmes. Balkans & Beyond

est un mélange (d)étonnant de reportages, de portfolio

photographiques et d’extraits sonores. Il raconte des histoires

originales, différentes et souvent subjectives de la Yougoslavie

post-Tito. D’abord, nous avons été surpris de constater

le potentiel créatif incroyable de la région : le nombre de

candidatures que nous avons reçues a dépassé toutes nos

espérances. Au-delà de leurs qualifications professionnelles,

les quatorze journalistes et photographes sélectionnés ont

apporté quelque chose de très singulier : un sens du désastre,

souvent expérimenté de manière intime - que ce soit lors des

différents conflit ou de l’éclatement de la Yougoslavie- mais

aussi une conscience aigüe de leur histoire commune et un

véritable désir de la partager. Si les participants à Balkans

& Beyond sont amoureux fous de leur région natale, de

son ouverture d’esprit, de ses «strrrong» café, «strrrrong»

cigarettes et «strrrrrong» personnages, ils sont également

conscients des dangers auxquels ils risquent de devoir un

jour faire face : crise économique, corruption et montée

des nationalismes. Exprimer ce sentiment d’appartenance

collectif et cette volonté de regarder, ensemble, vers l’avenir

n’a pas été évidente, particulièrement parce que l’Europe vit

une époque troublée. Au cours du projet, nous nous sommes

ainsi interrogés sur les symboles que nous pourrions utiliser

pour incarner cette histoire commune. La réponse? Les

monuments de Tito.

Celui qui parcourt les routes de l’ancienne Yougoslavie ne

manquera pas d’observer dans les forêts, sur les montagnes

ou ailleurs, d’étranges sculptures en béton à l’architecture

typiquement stalinienne. Construites sur ordre de Tito, ces

aériennes carcasses de béton étaient censées exprimer

la force et la confiance de l’époque dans la République

fédérale socialiste de Yougoslavie. Dans les années 1980,

ces fameux monuments, part intégrante de l’« éducation

patriotique » enseignée dans les écoles ou les camps de

vacances communistes, attirèrent des milliers de visiteurs, en

particulier les « jeunes pionniers ». Après la dissolution de la

Yougoslavie, ces monuments furent abandonnés et perdirent

leur signification symbolique.

Notre directeur artistique a voulu re-dessiner ces monuments.

Il les a réinterprétés de manière un peu futuriste en adoptant

un graphisme minimaliste, rappelant au passage cette unité

passée de la Yougoslavie de Tito. Travailler pour le projet

« Balkans & Beyond » a été une expérience magnifique. Au

nom de tout le réseau cafébabel – de Paris à Berlin, de Priština

à Belgrade, nous sommes très heureux de vous présenter

ces instantanés contemporains, ces tranches de vie made in

Balkans.

Nous espérons que vous aurez autant de plaisir à lire ce projet,

que nous en avons pris à le créer.

Prune Antoine

Rédactrice en chef

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6 Balkan Beats

de Prune Antoine

9 Les nouveaux Balkans sous les projecteurs

de Michael M. Thoss

11 Les livres qui brûlent sur des piles de bois

de Jeton Neziraj

Index

40MONTENEGRO

Nouvelle jeunesse, vieux pouvoir

de Jelena Kulidžan et Tomislav Georgiev

48SERBIE

Belgrade : le Dubaï des Balkans

de Marina Lalovic et Jasmin Brutus

52SLOVENIE

No Country for Young Men

de Natasha Kramberger, Jelena Prtorić et Mirza Ajnadžić

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13BOSNIE

La jeunesse divisée de Sarajevo

de Lana Pasic et Nemanja Pančić

23CROATIE

Croatie : nouvelle vague de réfugiés

de Barbara Matejčić et Matic Zorman

32KOSOVO

Coming Out au Kosovo

de Fisnik Dobreci

56MACEDONIE

La “révolution des femmes”

de Zaklina HadziZafirova, Muhamet Hajrullahu et Tomislav Georgiev

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Collaboratrices et collaborateurs

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Les nouveaux Balkans sous les projecteurs

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Les Balkans ont toujours déstabilisé l’inconscient collectif des

européens occidentaux. Depuis la chute de l’Empire ottoman,

la région est perçue comme la poudrière de l’Europe – du

moment où la Macédoine s’est vue divisée entre la Grèce, la

Serbie, la Bulgarie et l’Albanie, jusqu’à la chute de l’ancienne

Yougoslavie et la « Troisième Guerre des Balkans ».

Il y a désaccord concernant l’endroit où commencent et où

finissent véritablement les Balkans – songez au fait que le

massif montagnard « Grand Balkan » se trouve dans l’ouest du

Turkménistan ! Dans l’une de ses histoires, l’écrivaine Slavenka

Drakulić décrit les Balkans comme un phénomène qui s’éloigne

de plus en plus, au fur et à mesure que l’on s’en approche.

Cependant les associations d’idées autour des Balkans sont

presque toujours négatives : les guerres balkaniques, les

conflits des Balkans, « la bande des Balkans », l’isolation des

Balkans, etc., auxquelles s’ajoute désormais la « route des

Balkans »! Les Balkans sont donc devenus synonymes de

danger et d’incontrôlable chaos pour l’Europe occidentale.

Mais l’actuelle « Géopolitique des pieds » ainsi que l’a appelée

l’historien Karl Schlögel dans l’une de ses conférences, va

fondamentalement changer la cartographie de l’Europe et la

composition de nos sociétés.

Si nous comparons l’Europe qui s’entre-déchire actuellement,

avec des pays comme la Jordanie ou le Liban où environ un

tiers à un quart des habitants sont des réfugiés de la région, elle

apparaît toujours comme une terre de bénédiction, aux yeux

du réfugié venu d’Afghanistan, de Syrie ou d’Irak.

A cheval sur la frontière de l’Union Européenne, les Balkans

servent aujourd’hui de réel test pour l’Europe, étant donné les

frontières et les checkpoints nouvellement érigés. Cependant,

une politique commune et démocratique concernant les

réfugiés, qui se verrait ensuite transformée en politique

migratoire européenne, pourrait donner à la région une nouvelle

identité. Partout dans les Balkans, le souvenir de leur propre

histoire d’émigration est présent, et cela conduit un grand

nombre de citoyens (et non de politiciens !) à faire preuve d’une

incroyable solidarité envers les réfugiés du Moyen-Orient.

Et tout se résume à cela: attribuer le statut de migrants légaux

à ceux qui ont fui et qui ont été humiliés, les autoriser à circuler

librement entre leurs pays d’origine et leurs pays d’accueil,

de manière à contribuer à la reconstruction et la paix de

leurs anciennes et nouvelles patries, autoriser les transferts

d’argent, le partage et l’échange de savoir et de savoir-faire.

Car aussi longtemps que nous n’aurons pas établi des

possibilités d’immigration pour les non-Européens,

l’immigration illégale ne cessera pas. Les reportages

rassemblés ici sont riches de perspectives multiples et nous

montrent la bonne direction à suivre. Nous y découvrons les

histoires de jeunes gens courageux, qui vivent et échangent

leurs premières expériences européennes sur la route des

Balkans, et qui souhaitent contribuer à créer une Europe de

paix et de prospérité. Par le passé, la fondation culturelle Allianz

a soutenu à plusieurs reprises des projets journalistiques de

cafébabel dans les Balkans, invitant ainsi les anciens pays de

la Yougoslavie à se rapprocher pour dialoguer et renforcer la

société civile.

Peut-être qu’un jour, grâce à cafébabel, les « Balkans » seront

synonymes de laboratoire social de l’Europe.

Michael M. ThossDirecteur de l’Allianz Kulturstiftung

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Des livres qui brûlent sur des piles de bois

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Durant ces vingt dernières années, j’ai été plusieurs fois

témoin d’autodafés. Au début des années 1990, lorsque

le communisme s’effondra, les adultes de ma famille

supprimèrent les livres « rouges » du communisme de la

maison dans laquelle je vivais, et les brûlèrent dans la cour. Des

livres de Karl Marx, Engels, Tito… Ils épargnèrent seulement

un livre de Rosa Luxembourg, qui n’était apparemment pas

aussi horrible que les autres à leurs yeux. Plus tard, dans les

années 1990, je vis des travailleurs serbes emporter des piles

de livres des bibliothèques d’État et de l’Université du Kosovo,

les charger sur un tracteur et les envoyer au bûcher. Pendant

la guerre, on voyait depuis les montagnes les maisons se faire

brûler. Quand certaines maisons brûlaient plus vite que les

autres, on disait pour plaisanter : « Ils doivent avoir beaucoup

de livres ». À cette période, il y avait une étrange haine contre

les livres, surtout contre les livres qui étaient écrits dans la

langue des Autres, dans la langue de « l’ennemi ».

Je pensais alors que brûler les livres des autres était peut-

être même plus grave que de brûler leurs maisons, de détruire

leurs propriétés ou de les chasser de leur patrie. Pendant les

combats, j’ai pris les livres de chez moi et les ai enterré pour les

sauver des flammes. Plus tard, j’ai appris que de nombreuses

personnes ont fait de même. Il y a quelque chose de mythique

dans cette relation d’amour et de haine à l’égard des livres. Je

n’aurais pas été étonné si, à un certain moment dans le futur,

des malédictions primitives comme « Puisses-tu mourir sans

descendance » ou « Puisses-tu disparaître de la surface de

la Terre », s’étaient vues remplacées par « Puissent tes livres

brûler ». Pendant les années 1990 les autodafés étaient un

phénomène répandu dans toute la Yougoslavie, dans les zones

de guerre, d’expulsion, de violence.

Les images de livres qui brûlaient ont provoqué chez moi une

sorte de traumatisme. Le traumatisme que peut-être, un jour,

tous les livres seront brûlés et qu’il ne restera que nous.

Je me suis souvent imaginé vivre dans un monde sans livre

– une idée qui me terrifie. Alors depuis la fin de la guerre, je

transporte avec moi des livres venus des quatre coins du

Monde, peut-être pour me confronter à ce traumatisme. Il y a

quelques années, à Calgary, une Professeur m’a ouvert la porte

de son bureau, et m’a dit que je pouvais prendre tous les livres

que je voulais. J’avais des sacs remplis de livres que je traînais

dans les terminaux d’aéroport. Pour réduire le poids de mes

bagages, je m’enveloppais moi-même de livres, comme les

kamikazes le font avec leurs bombes.

« Pourquoi tu prends tous ces livres avec toi ? Ils sont en

allemand. Tu ne lis pas l’allemand ! » m’a demandé un jour un

ami allemand, alors que je remplissais mes sacs de livres.

« Je ne les prends pas pour les lire, mais pour les avoir avec

moi », lui ai-je répondu. Une partie de ce combat, pour

mettre un terme à ce traumatisme a été le Polip International

Literature Festival, que nous organisons chaque année à

Pristina. Chaque année nous accueillons trente auteures et

auteurs, principalement de la région. C’est le festival où, pour

la première fois depuis la fin de la guerre, des auteurs serbes

lisent leurs poèmes en serbe devant un public albanais.

Lorsqu’on me demande comment c’était, d’initier un échange

littéraire et culturel entre les Serbes et les Albanais après la

guerre, je réponds : « Comme un homme ordinaire qui marche

sur un champ de mines ». Les Balkans actuels sont différents

des Balkans des années 1990. Ils ont changé dans le bon sens

du terme, bien sûr. Malgré tout, le traumatisme des flammes qui

dévorent les livres, les gens, les maisons et les souvenirs, pèse

comme le poids d’une croix sur nos épaules. Pour estomper

ces traumatismes, chacun devrait emporter des livres avec

soi (comme je le fais), écrire des livres, traduire des livres,

et, surtout, sauver des livres. Les sauver du danger d’être de

nouveau brûlés. Plus nous serons entourés de livres, meilleur

sera l’avenir des Balkans.

Jeton NezirajDramaturge kosovare

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Dans les années 1980, l’émission de télévision basée à Sarajevo, Nadrealisti (Les surréalistes) faisait rire les Yougoslaves en se moquant de la montée du nationalisme. Un de leurs sketchs, qui se déroulait dans le futur, montrait une Sarajevo divisée en « Est » et « Ouest ». Des années plus tard, cette prédiction qui paraissait alors inconcevable et aberrante, devint réalité: Sarajevo, symbole d’unité, de cohabitation et de multiethnicité sous Tito, fut divisée en deux. La folie de la guerre fit se déchirer la Bosnie-Herzégovine, ses habitants et les rues de sa capitale. Certes, la signature en 1995 des accords de paix de Dayton mit un terme au conflit, mais elle eut pour autre conséquence de diviser la Bosnie en deux entités : la Republika Srpska (République Serbe), majoritairement serbe, d’une part ; et la fédération de Bosnie-et-Herzégovine de l’autre. Cette partition des États se reflète également aujourd’hui dans la séparation de la capitale: d’un coté Sarajevo-Est, qui se trouve en République Serbe, et de l’autre Sarajevo, la capitale de la fédération de Bosnie-et-Herzégovine. Aujourd’hui si vous vous promenez dans Sarajevo, vous asseyez dans l’un de ses très nombreux cafés animés, mangez un Ćevapi traditionnel, partez faire une randonnée dans les

collines vertes qui entourent la ville ou visitez les sites qui abritèrent les Jeux olympiques d’hiver de 1984 (qui font la fierté des habitants des deux côtés de la ville), vous ne remarquerez probablement pas de différence. Bien que les quartiers centraux de Sarajevo paraissent plus animés et plus bondés que les rues de Sarajevo-Est, les habitants se déplacent régulièrement d’un lieu à l’autre: ils vont travailler et effectuent leurs achats dans les nombreux centres commerciaux qui sont apparus ces dernières années dans le centre de la ville et dans les périphéries. Malgré qu’il existe une frontière administrative entre Sarajevo-Est et Sarajevo, il n y a pas de frontière tangible, pas de barrage, seulement des plaques laissées quelque peu à l’abandon qui signalent le passage dans une autre « entité ». Contrairement à Berlin, qui était divisée physiquement par un mur de béton, le découpage de Sarajevo est de nature plus subtile et psychique: les jeunes gens sont séparés par des systèmes éducatifs spécifiques basés sur l’ethnie et par des influences politiques et sociétales qui diffèrent d’un côté à l’autre. Cependant, ces jeunes ont en réalité beaucoup en commun, surtout lorsqu’il est question de leur avenir à tous.

25 ans après l’éclatement de la Yougoslavie, les effets de la guerre des Balkans se font toujours sentir en Bosnie-Herzégovine. Les jeunes d’une Sarajevo divisée nous parlent de leurs propres rêves et du futur qu’ils ont en commun.

La jeunesse divisée de SarajevoDe Lana Pasic (texte) & Nemanja Pančić (photos)

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Je voudrais devenir entrepreneur – je crois que c’est la seule manière de bien vivre en Bosnie. Mais l’entrepreneuriat est stigmatisé dans notre société. Nos parents veulent nous voir obtenir des boulots stables, plutôt qu’entreprendre nous-même quelque chose. Notre système éducatif ne nous soutient pas non plus en ce moment. Nous avons un niveau de chômage très élevé chez les jeunes : 60%, et cela entraîne une fuite massive des cerveaux. Quelques 150 000 jeunes ont quitté la Bosnie-Herzégovine depuis 1995. Ils sont partis pour étudier ou travailler à l’étranger, et la plupart du temps, ils ne reviennent pas. C’est décevant parce qu’il y a beaucoup de possibilités, beaucoup de ressources

sous-exploitées. Les jeunes devraient sortir de leur zone de confort et s’essayer à quelque chose de nouveau. Évidemment, beaucoup de choses doivent changer en Bosnie-Herzégovine, depuis l’infrastructure des transports jusqu’à l’adoption de nouvelles positions en ce qui concerne l’environnement, sans parler de l’économie ou de notre Constitution. Nous avons besoin d’un système éducatif de qualité et de tous les droits qui en découlent, ainsi que de compétences pratiques. J’espère que par mon engagement dans les médias et dans l’économie, je pourrai créer des opportunités pour les jeunes, et au moins donner une petite lueur d’espoir à ma société.

Ahmed (20) de Sarajevo

Ahmed est étudiant en sciences économiques et président de ONAUBIH, l’organisation jeunesse de la presse de Bosnie-Herzégovine. Intelligent, éloquent et passionné par son travail, il pense que les jeunes d’aujourd’hui peuvent faire la différence en Bosnie.

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Je me suis préparé pendant des mois à l’examen, j’ai passé de nombreux entretiens et plusieurs évaluations, avant d’être autorisé à participer à ce programme. L’entraînement militaire était dur, surtout les premiers jours, mais ça valait le coup. Tout comme les jeunes ici, je veux une vie normale, la santé et la stabilité. Ce n’est pas vrai que les jeunes en Bosnie-Herzégovine sont

léthargiques et feignants. Nous voulons travailler, mais nous savons qu’il y a dans notre société de grandes inégalités qui nous limitent. Il y a peu d’opportunités, et une grande corruption. Cela affecte notre impulsion et notre motivation. Les jeunes doivent se montrer plus obstinés et faire preuve d’une grande volonté pour atteindre leurs buts.

Dobrica (20) de Sarajevo-Est

Dobrica vient juste de finir sa formation militaire. Il a en réalité étudié et travaillé dans le secteur IT, mais il pense que l’armée offre de meilleures chances. Ambitieux et bien décidé à se construire lui-même un avenir meilleur, Dobrica est satisfait de ce qu’il a jusqu’à présent accompli – et se donne déjà de nouveaux objectifs pour sa formation et sa carrière professionnelle.

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Lorsque j’ai commencé mes études, je voulais travailler dans la politique et faire de la recherche sur la lutte préventive contre la criminalité. Mais plus je vieillis, plus je prends conscience de ma société et de ses défis: corruption, népotisme, manque de transparence des services publics. Le système est pourri, et les opportunités sont limitées pour les jeunes. Le bénévolat m’a ouvert de nouvelles portes. Cette année, j’aimerais bien travailler bénévolement à l’étranger pour apprendre davantage et pouvoir contribuer à aider

ma communauté, les gens de ma génération et des générations futures, à mon retour. Les jeunes de Bosnie-Herzégovine devraient voyager davantage, apprendre comment les choses fonctionnent et découvrir ce qui nous manque ici en matière de sécurité, de diversité, de formation de qualité et de possibilités d’exprimer notre créativité. J’ai confiance en les jeunes d’ici. Nous avons le potentiel pour provoquer des changements positifs, parce que nous regardons vers l’avant et que nous ne nous concentrons pas sur le passé.

Adi (24) de Sarajevo

Adi est étudiant en master de criminologie et travaille comme volontaire pour Unicef et pour une ONG locale, NARKO-NE. Nous le rencontrons dans son quartier de Dobrinja: une partie de la ville qui se trouve sur la « frontière » invisible entre Sarajevo et Sarajevo-Est. Sympathique, ouvert et engagé, Adi souhaiterait que sa société offre une égalité des chances à tous les enfants et aux jeunes.

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C’est difficile de vivre ici, quand on n’a pas un bon boulot. Il y a beaucoup de pauvreté, le système sanitaire est mauvais, et nous sommes rongés par les angoisses liées au travail, et par les multiples questions existentielles que nous nous posons chaque jour. Beaucoup de gens souffrent d’un syndrome de stress post-traumatique. Même les jeunes sentent les effets de la guerre, en particulier si leurs parents les poussent à être nationalistes et leur interdisent le contact avec d’autres groupes ethniques. Je vois les gens comme

des individus, non comme des membres d’un groupe ethnique particulier. Nous devons nous respecter mutuellement et travailler ensemble. Je pense que les individus peuvent vraiment changer les choses. Si on fait moins attention au stress, si l’on garde espoir et si l’on se montre optimiste, alors on parviendra à améliorer les choses. Les plus gros problèmes dans notre pays sont la corruption, l’instabilité économique et le chômage. Et pourtant, malgré tout cela, je me vois un avenir ici, parce que j’aime ce pays et ses habitants.

Sonja (21) de Sarajevo-Est

Sonja étudie le droit à Sarajevo-Est. Très sympathique, elle se passionne pour le voyage, et adore découvrir de nouvelles cultures – sa principale préoccupation reste cependant de savoir si elle parviendra à trouver un emploi.

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Mon but est de travailler avec et de mener des recherches sur les populations défavorisées, les réfugiés et les déplacés internes, comme par exemple, les Roms et les enfants défavorisés. J’aimerais me spécialiser professionnellement en Autriche ou au Portugal. Là je pourrais acquérir une base de connaissance – ici nous n’avons aucun programme d’études pratique dans le domaine de la formation. Et puis je reviendrai et j’utiliserai mes qualifications ici. Je veux continuer à travailler avec des jeunes. Dans notre société on a cette représentation

que les jeunes sont passifs, mais ce n’est pas vrai. Ceux qui ont les postes officiels ne travaillent peut-être pas beaucoup, mais les membres de la société civile et les individus s’efforcent de faire la différence dans notre société. Nous avons simplement besoin que davantage d’histoires positives soient diffusées par les médias. Nous devons nous concentrer sur des choses positives et sur le fait d’avoir de plus grandes opportunités, afin de nous motiver à aller de l’avant avec notre travail.

Hajrudin (20) de Sarajevo

Hajrudin étudie pour devenir enseignant. Passionné par l’éducation, il dirige le Programme d’éducation du conseil des jeunes de Sarajevo.

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Je n’avais jamais vraiment réfléchi au fait de partir, mais cette opportunité est arrivée au bon moment. Je ne crois pas que ce sera facile, mais j’ai vraiment hâte d’essayer quelque chose de nouveau; et je recevrai à l’étranger une meilleure formation. Lorsque j’aurai appris l’allemand, j’étudierai vraisemblablement la microbiologie ou l’économie. Les opportunités en Bosnie-Herzégovine sont limitées, et je souhaiterais que les gens ici aient un accès à une meilleure éducation et à davantage de libertés, pour pouvoir réaliser leurs rêves. Il n’existe pas

de véritable démocratie non plus qu’un état de droit, et cela a eu pour effet de désabuser les jeunes. Nous avons beaucoup de potentiel, mais nous ne l’exploitons pas assez. Le régime ne nous donne aucune chance. Les jeunes n’ont pas assez d’expérience professionnelle, ce qui rend l’accès à l’emploi difficile pour eux. Et même lorsqu’ils sont créatifs, ils ne peuvent pas mettre leur créativité en pratique, parce qu’ils manquent de moyens financiers.

Jelena (19) de Sarajevo-Est

Jelena va bientôt déménager avec sa famille à Berlin. Elle est énergique, mature pour son âge, déterminée et a grand hâte de pouvoir saisir de nouvelles opportunités.

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Je reconnais clairement les failles de mon université. C’est pourquoi je me suis toujours efforcé de travailler durant mes études, également en tant que bénévole, pour élargir mes compétences. En ce qui concerne le futur, il y a toujours de l’insécurité, et c’est la raison pour laquelle les gens partent à l’étranger. Il y a cette idée permanente que nous n’avons aucun contrôle sur notre vie et notre entourage. Les jeunes ont un récit souvent négatif du présent, reprennent le point de vue de leurs parents et idéalisent la Yougoslavie. Le présent peut parfois être un peu sombre, mais je pense que les possibilités sont infinies. J’espère que j’aurai le temps,

l’espace et les ressources pour me consacrer à mes passions – l’écriture, la recherche et la psychologie. Et je souhaiterais que tous les autres aient la même liberté. C’est important pour les jeunes, tout d’abord d’aller puiser en soi, de se détacher des nouvelles et de Facebook, d’aller à la bibliothèque, de penser et parler de manière positive, et de voir ensuite comment leur existence change petit à petit. Nous devrions regarder notre société avec davantage de perspective, plus d’humanité et d’empathie – c’est seulement alors que nous pourrons identifier et reconnaître les opportunités qui s’offrent à nous.

Zlatan (24) de Sarajevo

Zlatan étudie la psychologie et les sciences politiques. Il est très zen lorsqu’il parle de philosophie, de ses études et de son désir d’écrire.

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J’aspire à une vie normale - obtenir mon diplôme, trouver du travail et construire une famille. J’aimerais bien travailler dans l’ingénierie mécanique, mais l’industrie ici est faible et les opportunités sont limitées. En Allemagne il y a beaucoup de choses qui se passent dans ma branche, alors je pourrais travailler là-bas ou bien dans une de ces entreprises étrangères, qui ont ici des succursales. Les jeunes en Bosnie-Herzégovine pensent surtout à leurs opportunités professionnelles mais il y a

également d’autres problèmes qui nous préoccupent : la politique, le nationalisme, le faible niveaux de vie, l’endettement croissant de l’État. Pour pouvoir contribuer à notre société, nous devons nous former nous-même, apprendre chaque jour quelque chose de nouveau – non seulement à travers notre éducation formelle, mais en nous faisant connaître auprès des autres pays et des autres cultures ; la musique, le sport et le cinéma – c’est cela qui nous aidera à élargir notre horizon.

Milan (24) de Sarajevo-Est

Milan étudie le génie mécanique. Il était président de l’Union des étudiants de son Université à Sarajevo-Est. Milan est intelligent, mais inquiet quant à son avenir. Il est fasciné par le Caucase et grand fan de football.

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Pendant la guerre des Balkans dans les années 1990, des milliers de réfugiés croates affluaient à la frontière serbo-croate. Aujourd’hui, la région est encore un hotspot clef dans la crise des réfugiés de l’Union européenne: des milliers de réfugiés syriens, qui fuient les troubles du Moyen-Orient passent par le camp de Slavonski Brod. Là, Lorena Franjkić, ancienne réfugiée bosniaque, les aide dans leur voyage vers une nouvelle vie.

Croatie : nouvelle vague de réfugiésDe Barbara Matejčić (texte) & Matic Zorman (photos)

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Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016 Un membre de la Croix-Rouge croate donne

des indications en arabe aux réfugiés qui viennent juste d’arriver.

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Lorena s’appuie sur une clôture et laisse pendre son sac en plastique de l’autre côté. Une petite fille de quatre ou cinq ans y plonge immédiatement la tête et se met à fouiller dedans. Alors que Lorena se penche davantage encore pour rendre la fouille plus aisée à l’enfant, une inscription sur sa veste orange lumineuse nous appararaît: « Welcome » - « Bienvenue ». La petite fille lève le nez du sac. Elle examine le singe en peluche qu’elle y a pêché, fronce les sourcils et le rejette dans le sac, où elle replonge la tête. Elle s’agite soudain, et l’on n’aperçoit tout d’abord que sa main, qui arbore fièrement une poupée, et seulement ensuite son visage, qu’elle relève, tout sourire. Lorena sourit également. Elle ne pose pas de questions. Comme s’il était parfaitement normal que par moins un degré, dans une tente blanche, dans un lieu dont les parents de la petite fille ignoraient tout il y a encore une heure, un petit être se trouve un jouet dans un sac poubelle.« Hani », dit la petite fille, satisfaite en pointant la poupée vêtue d’une robe rose. D’autres enfants s’approchent, fouillent dans le sac, attrapent des ours en peluche, des crocodiles en plastique, des singes en velours. La petite fille réapparaît, une autre poupée à la main. « C’est qui, ça ? » demande Sandra en arabe. Le père de Sandra est syrien, sa mère croate. Elle aide les réfugiés depuis qu’elle a elle-même fui Alep pour se

rendre en Croatie. « La mère d’Hani » répond la petite fille. Sa mère lui explique qu’elle doit choisir entre Hani et sa mère, car elle ne pourra pas continuer la route avec deux poupées. « Je m’occuperai d’elles ! », s’exclame la petite fille en serrant les poupées contre elle.

Juste une courte halte

La petite fille fait partie des 850 réfugiés qui sont arrivés avec le train, en cet après-midi du 25 janvier 2016, dans le camp de transit de Slavonski Brod, une petite ville croate à la frontière avec la Bosnie-Herzégovine. C’est la frontière entre l’Union européenne et les autres pays européens. Les réfugiés voyagent depuis la Serbie et font halte à Slavonski Brod. Là, ils sont enregistrés par la police, avant de pouvoir continuer leur chemin en train, d’abord en Slovénie, et puis plus loin, au cœur de l’Europe. Slavonski Brod n’est qu’une courte halte dans leur voyage. Le ministère intérieur croate responsable du camp ne leur donne pas beaucoup de temps pour se reposer de leur long et épuisant voyage. Cependant, les réfugiés disent que, sur la route des Balkans, c’est le camp le mieux organisé. Lorena distribue des habits à partir de tas déjà triés. Un jeune homme lui demande des chaussures chaudes. Les chaussures d’hommes sont très convoitées, c’est pourquoi il n’y en a jamais assez. Lorena doit se pencher par dessus la clôture

Bosanski Brod, Bosnie-Herzégovine, 23 janvier 2016 Lorena Frajnkić pose près de la frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Elle qui a été réfugiée pendant la guerre en Bosnie, elle apporte aujourd’hui son aide en tant que volontaire dans un camp de réfugiés à Slavonski Brod.

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pour vérifier qu’il a vraiment besoin d’une nouvelle paire. Cela ne lui semble pas légitime de vérifier ainsi les besoins des autres, mais elle n’a pas le choix; elle doit réserver son maigre stock de chaussures à ceux qui en ont absolument besoin. Son travail consiste parfois à prendre des décisions difficiles, car elle ne peut aider tout le monde. Mais la satisfaction l’emporte. Les visages souriants des enfants, les réfugiés qui lèvent leurs pouces et s’exclament « Très super! », et les nouvelles qui arrivent de ceux qui ont atteint leurs destinations. Lorena est une bénévole, qui aide les réfugiés pour qui la Croatie est devenue une étape sur leur chemin à travers la route des Balkans.

De la réfugiée à la volontaire

Lorsqu’elle observe les enfants, Lorena ne peut s’empêcher de se rappeler la petite fille qu’elle était à leur âge, et dans cette même situation. Elle se souvient des blindés et des uniformes des forces de maintien de la paix de l’ONU, et du moment où elle a quitté la ville occupée qu’elle habitait en Bosnie-Herzégovine. C’était en 1994, elle avait à peine quatre ans. Elle est partie en Allemagne avec sa mère dans un bus affrété pour les réfugiés. Son père est resté pour combattre. Elle se souvient des jouets qu’elle avait reçus, en particulier d’un singe qu’elle emportait partout avec elle,

et d’un clown blanc qui se trouve encore maintenant sur son bureau. « La seule chose que mes parents aient jamais dite sur la guerre, c’est : «Pourvu que cela n’arrive plus jamais». C’est seulement maintenant, lorsque je vois ces personnes, que je réalise combien cela a dû être dur pour eux, et que c’est sans doute pour cela qu’ils n’en parlent pas. », explique Lorena. En 1997, elle quitte l’Allemagne avec sa famille et s’installe en Croatie, dans une petite ville de Dalmatie. Au début des années 1990, la Croatie accueille environ 650 000 réfugiés, principalement des régions croates occupées, mais aussi de la Bosnie-Herzégovine. Quasiment à la même période 150 000 personnes fuient la Croatie. Deux décennies et demie plus tard, le pays est confronté à une nouvelle vague de réfugiés : « Si j’avais été plus âgée pendant la guerre, j’aurais été une militante pour la paix. Lorsque cette crise humanitaire a commencé, je savais que je devais aider, parce que des vies humaines étaient de nouveau en jeu. Je sentais que je pouvais faire quelque chose cette fois-ci. » Lorsque la Hongrie a fermé sa frontière avec la Serbie, les réfugiés du Moyen-Orient n’ont plus eu qu’une seule option: transiter par la Croatie pour rejoindre l’Europe occidentale. Au début du mois de septembre, des milliers de personnes ont commencé à arriver en Croatie

Slavonski Brod, Croatie, 23 janvier 2016Lorena tchatte sur son portable et lit les nouvelles concernant les réfugiés qui traversent les Balkans.

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– à travers les champs des villages, le long de la frontière serbe, où la population a des souvenirs semblables qui datent de la guerre de l’ex-Yougoslavie, lorsque ces régions furent occupées par les forces serbes.

« La Croatie est mon champ de bataille »

De nouveau, on peut voir des centaines de personnes épuisées et désespérées marcher, des sacs plastiques à la main. Dans les villages, le long de la frontière, d’anciens réfugiés viennent à la rencontre des nouveaux, leur apportent des bouteilles d’eau et des vêtements pour les enfants, pendant que les femmes leur offrent des sucreries et que des bénévoles installent des bornes où les réfugiés peuvent charger leurs portables. « Lorsque nous avons quitté nos maisons, nous étions également dépendants de l’aide des autres. C’est pourquoi nous avons de la compassion pour ces personnes, qui sont en train de fuir », explique une femme de Tovarnik, le village le plus proche de la frontière. Depuis le début de la crise migratoire jusqu’au moment où Lorena s’est engagée pour aider les réfugiés de Slavonski Brod, 650 000 personnes sont arrivées en Croatie. Entre-temps, presque la moitié d’entre eux est déjà repartie. La Croatie n’est pas un pays où ils choisissent de rester. Désormais Slavonski Brod est le seul endroit en Croatie à connaître un afflux de réfugiés.

« Ils veulent tous aller en Allemagne. C’est comme cette blague où un Croate demande à un Bosniaque ce qu’il ferait si la fin du monde était proche, et le Bosniaque répond : «Je prendrais ma femme et mes enfants et j’irais en Allemagne» », raconte un volontaire de Slavonski Brod. La Croatie n’est pas non plus un pays où les jeunes gens comme Lorena choisissent de rester. En raison du chômage élevé des jeunes, la Croatie fait partie des pays de l’UE avec le plus fort taux de chômage (à la troisième place, après l’Espagne et la Grèce), et jusqu’à 85 % des jeunes ont envisagé d’émigrer. Les générations qui ont grandi dans une société endommagée par les traumatismes de la guerre et freinée par une croissance économique faible, sont coincées dans une crise économique persistante aux inégalités sociales croissantes. Nombreux sont les amis de Lorena qui étudient à l’étranger, tout comme elle, qui est venue à Slavonski Brod de Brno, en République Tchèque, où elle est inscrite à un programme de sociologie. Elle envisage de poursuivre ses études à l’étranger, mais voudrait ensuite retourner en Croatie. « J’ai passé un semestre en Finlande et c’est simple de mener une vie sans soucis, dans un pays aussi bien ordonné. Mais je me sens la responsabilité de contribuer au développement de ma communauté. La Croatie est mon champ de bataille, dit-elle. »

Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016 Sandra avec des enfants réfugiés qui sont arrivés dans le centre de détention de Slavonski Brod. Sandra a fuit Alep avant la guerre, elle vit aujourd’hui en Croatie où elle aide les réfugiés des pays arabes en tant que traductrice.

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Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016 Un silo près du camp de réfugiés de Slavonski Brod.

Grandir dans une Croatie religieusement et ethniquement homogène

Nous repartons à Zagreb, Lorena a fini son service volontaire de cinq jours. On écoute les nouvelles : en Croatie, un nouveau gouvernement de droite a pris la place du régime précédent, qui était de gauche. Lorena redoute que l’une des premières décisions que prendra le gouvernement sera de fermer les frontières aux réfugiés. Elle a peur que le nationalisme et la haine de l’étranger gagnent du terrain. La campagne électorale du nouveau gouvernement s’est appuyée sur des arguments qui ont creusé un fossé idéologique dans la société. « Les jeunes de ma génération sont plus traditionnels et plus fermés sur eux-mêmes que la génération d’avant-guerre. Ils ont grandi dans une Croatie religieusement et ethniquement homogène, où ils ne sont pas habitués à côtoyer des gens différents d’eux, dit Lorena. » Elle a encore des centaines de kilomètres à parcourir avant d’arriver à Brno – là, où le petit clown l’attend, celui-là même qui l’a consolée ces vingt dernières années, depuis le temps où elle était réfugiée en Allemagne. Bientôt elle repartira à Slavonski Brod pour accueillir à nouveau les derniers réfugiés qui arrivent en Europe.

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1 Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016 Lorena montre un tableau en carton avec les tailles de chaussures disponibles, pour les réfugiés qui demandent de nouvelles paires de chaussures.

2Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016Un bureau de change improvisé, qui sert aussi de magasin de cigarettes. Ici les réfugiés peuvent changer leur devise et acheter des cigarettes légales à des prix normaux.

3Bosanski Brod, Bosnie-Herzégovine, 23 janvier 2016Lorena a une longue journée derrière elle dans le camp de réfugiés. Il est temps d’aller au lit.

4Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016Les réfugiés descendent du train pour se faire enregistrer dans le camp de réfugiés de Slavonski Brod.

5Slavonski Brod, Croatie, 23 janvier 2016Lorena, Sandre et Ali, volontaires dans le camp de réfugiés à Slavonski Brod, discutent dans leur colocation de ce qu’il y aura à manger au dîner.

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1Tovarnik, Croatie, 24 janvier 2016Une cabine téléphonique dans la gare de Tovarnik.

2Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016Les réfugiés descendent du train pour se faire enregistrer dans le camp de réfugiés de Slavonski Brod.

3Tovarnik, Croatie, 24 janvier 2016 Des restes de nourriture et des poubelles, dans une des salles de la gare.

4Slavonski Brod, Croatie, 24 janvier 2016Une table dans l’appartement de Lorena et Sandra.

5Slavonski Brod, Croatie, 23 janvier 2016« La légion », peut-on lire sur les graffitis – c’est ainsi que se nomment les supporters du Brodski Sport Club (Slavonski Brod Sport Club).

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Lendi vit un défi, celui d’être l’un des premiers adolescents à s’être affirmé en tant que transgenre au Kosovo. Dans cette société patriarcale, la discrimination envers les personnes qui ne s’identifient pas au sexe qui leur a été attribué à la naissance, est une triste réalité.

Coming Out au KosovoDe Fisnik Dobreci (portfolio)

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Lendi, 19 ans, originaire de Pristina, est né femme mais se voit et vit comme un homme. Le fait qu’il soit l’une des premières personnes vivant au Kosovo à se montrer en public en tant que trans, montre à quel point la communauté LGBTQ (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, queer, ou questioning, N.D.L.R) est discriminée.

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En 2016, le Kosovo, qui fête ses 8 ans d’existence, se bat encore pour établir la démocratie et le statut d’État à l’intérieur de ses frontières. Les préoccupations considérées comme moins « importantes » - celles de Lendi, par exemple – sont écartées et passées sous silence.

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Lendi a pris sa vie en main et s’est trouvé une place dans cette société qui doit apprendre à accepter les personnes comme lui. Pour gagner sa vie, Lendi travaille comme barista dans un café rock local qui grouille d’étudiants. Durant son temps libre, il retrouve ses amis et coordonne différentes actions pour QESh, une ONG locale, qui s’engage pour les droits LGBTQ.

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Monténégro : nouvelle jeunesse & vieux pouvoirDe Jelena Kulidžan (texte) & Tomislav Georgiev (photos)

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La jeunesse monténégrine essaie d’oublier son stress un vendredi soir au club « District ». Au Monténégro, un tiers des moins de 30 ans est au chômage.

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Nous sommes dimanche matin, et Podgorica est étrangement calme. Les rues sont presque vides et ne laissent rien paraître de l’actuelle situation politique de la nation: demain se tiendra un vote de confiance au Parlement. Ilija Gajević, étudiant en littérature et en langues, est persuadé que le Premier ministre monténégrin Milo Đukanović va rester au pouvoir, comme cela a été le cas durant les vingt-cinq dernières années. On retrouve Ilija au parc, devant la statue de Petar II Petrović-Njegroš – le célèbre poète, réformateur et souverain démocrate de la dynastie Petrović. D’une voix teintée de déception, Ilja réfléchit: « Je me demande, ce que Njegroš penserait de nous s’il pouvait nous voir maintenant. Sans doute vaut-il mieux ne pas le savoir. »

Une terrible famille corrompue

Lorsque Đukanović entre en politique, Ilija n’est pas encore né. En tant que jeune membre du parti de Tito (la Ligue des communistes de Yougoslavie, N.D.L.R), Đukanović arrive au sommet de la Ligue des communistes du Monténégro, grâce à la révolution antibureaucratique de la fin des années 1980. À l’époque, les citoyens mécontents de la situation économique manifestent et commencent à flirter avec l’idée du nationalisme, une idée qui se propage ensuite dans tout le pays et qui oblige l’exécutif du vieux parti à se retirer. Les places vacantes sont occupées par Milo Đukanović et ses plus proches amis et alliés. Après la chute du communisme, les premières élections parlementaires du Monténégro sont organisées. Sans surprise, la Ligue des communistes remporte les élections, avec une large majorité et change bientôt son nom en Parti Démocratique Socialiste du Monténégro (DPS pour Demokratska Partija Socijalista Crne Gore). Cela fait à présent vingt-cinq ans que le DPS gouverne le Monténégro: le jour de ses 29 ans, le 15 janvier 1991, Milo Đukanović est élu Premier ministre pour la première fois – ce qui fait de lui le plus jeune Premier ministre d’Europe. Ilija naît un an et demi plus tard. Bien qu’il vive dans une démocratie parlementaire et qu’il ait déjà eu à voter trois fois, il n’a jamais connu de changement de gouvernement. « Je n’ai jamais pensé une seule fois, qu’un changement de régime soit possible », dit Ilija.Đukanović

a été sept fois Premier ministre, et une fois Président du Monténégro. S’il s’est retiré brièvement deux fois pour se consacrer à des affaires privées, il est revenu ensuite, pour renforcer la base du DPS. Selon The Independent, Đukanović occupe la vingtième place sur la liste des plus riches politiciens du monde. Sa proche famille est également très riche: le frère du Premier Ministre, Aco Đukanović, est en effet propriétaire de la Prva Banka (Première Banque), la seule institution financière qui a reçu une aide considérable d’un montant de 44 millions d’euros pendant la crise financière de 2008. Sa sœur, la brillante avocate Ana Kolarević, est impliquée dans le scandale des télécoms monténégrins. En 2005, la société nationale des télécoms a été privatisée dans des circonstances discutables. Selon les recherches des enquêteurs américains, une filiale de la société des télécoms hongroise a soudoyé plusieurs fonctionnaires monténégrins, pour un total de 7,35 millions de dollars américains, pour acquérir la filiale des télécoms monténégrine. Apparemment, parmi les fonctionnaires corrompus figurait une avocate – la sœur du « plus haut fonctionnaire de l’État ».

Accès autorisé par la carte de membre du Parti

Le Monténégro compte 620 000 habitants, dont 40 000 chômeurs. Selon l’Agence pour l’Emploi du Monténégro, un tiers des personnes de moins de 30 ans est au chômage. Aleksa Bečić, 28 ans, Président du Parti social-démocrate (SDP) – le parti d’opposition monténégrin – souligne le fait que le chômage est un sujet controversé au Monténégro. La principale raison de ce fort taux de chômage est, selon lui, le népotisme des politiciens et la corruption, très répandue au sein des institutions officielles. « Notre système de valeurs fondamentales, qui et la colonne vertébrale et la base de notre société, a été détruit. La qualité, l’expertise et la formation jouent un rôle négligeable dans la réussite des jeunes. En réalité, c’est la carte de membre du Parti qui leur garantira un accès à de véritables opportunités », dit Aleksa. Cependant, la domination du DPS depuis un quart de siècle est entachée par des accusations de fraude électorale, selon des sources journalistiques locales et internationales. En 2013, un scandale éclate,

Le Monténégro est le seul pays des Balkans de l’ouest qui n’a pas connu la guerre civile – et

ce, bien qu’il ait envoyé des troupes dans les zones frontalières et se soit livré à des crimes de

guerre. Le pays est également une exception à d’autres égards: à la différence de la jeunesse

des pays voisins, celle du Monténégro n’a en vingt-cinq ans jamais connu de changement de

régime.

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qui révèle que le DPS a utilisé des fonds publics et des biens de l’État pour acheter des voix aux élections parlementaires. « Tu te souviens de la célèbre affirmation de Zoran Jelić (l’ancien directeur de l’Agence pour l’Emploi, N.D.L.R) lorsque, pendant une rencontre du Parti, il a dit que chaque membre du Parti valait quatre voix? » demande Aleksa. Le bureau des avocats de l’État avait répondu plus tard qu’ « aucun des participants (de la rencontre du Parti, N.D.L.R) n’avait fait d’infractions à la loi », c’est pourquoi aucune plainte n’a jamais été déposée. Plus tard, la femme de Jelić, Vukica, a pris la direction de l’Agence pour l’Emploi, et de son côté, Jelić siège désormais comme membre du DPS au Parlement.

La jeune armée du DPS

Le Conseil des Jeunes du DPS compte environ 15 000 membres – c’est plus que l’électorat de certains autres partis représentés au Parlement, et cela fait du Conseil la plus grosse organisation de jeunes du Monténégro. Sa structure hiérarchique est la même que l’ancien DPS, avec 23 comités communaux et une centaine de collectivités locales, dans lesquelles chacun a un rôle à jouer. Nikola Pešić, un diplômé de gestion économique de 27 ans, est le cerveau du Conseil des Jeunes de DPS.

Il aimerait mener une brillante carrière politique, mais il sait qu’il ne pourra pas prendre la place de son idole: « Il ne peut y avoir qu’un seul et unique Milo Đukanović. Plus jamais quelqu’un comme lui ne verra le jour », dit Nikola. Lorsqu’on lui demande s’il ne préférerait pas plutôt faire partie des institutions législatives ou exécutives dans le futur, Nikola répond qu’il se verrait bien ministre, mais que « je suis prêt à travailler là où mon Parti a besoin de moi et là où mon Parti estime que je peux lui être le plus utile. » À la différence de Ilija, Nikola ne trouve rien à redire au fait que le Monténégro est depuis un quart de siècle dirigé par le même homme. Mais il admet que ce que l’on observe au Monténégro est une exception, comparé aux autres démocraties européennes. « Je suis fier et honoré de faire partie de l’organisation, d’avoir surmonté les périodes turbulentes et d’être parvenu à rester aussi longtemps au pouvoir », dit Nikola avec un sourire. « Vous vous êtes bien amusés, maintenant prenez vos affaires et disparaissez ! » Les opposants au DPS organisent de temps en temps des manifestations, le plus souvent déclenchées par des problèmes nationaux. Les tensions entre les Monténégrins et les Serbes ont toujours été un sujet brûlant – surtout depuis le référendum de 2006, où le Monténégro a voté pour

Selon des sondages, 45% de la population

du Monténégro se considère comme

Monténégrine. 30% de la population se considère comme

Serbe.

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son indépendance de la Serbie. Le DPS utilise encore et toujours ces divisions nationales pour dissimuler les vrais problèmes de société. « Les thèmes comme par exemple la violence domestique, la violence contre la communauté LGBT ou les salaires et les pensions de retraite pour les employés, sont considérés comme moins importants », dit Aleksandar Novović, qui s’imaginait un tout autre schéma, lorsqu’il commençait à organiser des manifestations étudiantes, il y a cinq ans. Durant les 25 dernières années, les manifestations des jeunes ne sont parvenues qu’une seule fois à atteindre l’échelle nationale: c’était en 2011, quand les étudiants demandaient de meilleurs conditions de formation et davantage d’opportunités. Plusieurs milliers de manifestants sont descendus dans les rues en nourrissant l’espoir de vivre quelque chose qui aurait pu devenir semblable au « Printemps arabe ». Aleksandar était au premier rang parmi les protestants, avec ses collègues de la faculté de sciences politique. « Étant donné la situation, les étudiants auraient pu sortir de leur petit monde et demander davantage que de simples prestations pour les étudiants comme une meilleure nourriture dans les cantines et des formations gratuites. Ils auraient dû agir en tant que citoyens et ne pas rester aveugles face aux autres problèmes », raconte Aleksandar. Les espoirs restèrent vains. Plus tard, on découvrit que les représentants officiels possédaient

des cartes de membre du Parti. Rapidement, l’idée de rébellion s’essouffla, et finit par mourir. « Nous avons pu manifester uniquement parce que le système nous l’avait autorisé. Mais après un moment, on nous a dit : «Vous vous êtes bien amusés, maintenant prenez vos affaires et dégagez» », explique Aleksandar.

Résistance silencieuse contre le système

Aleksandar vit maintenant avec son père et sa copine, dans la banlieue de Podgorica, un lieu appelé Mareza. Il élève des chèvres, projette d’avoir bientôt des poules, cultive des légumes et mange principalement ce qu’il produit dans sa ferme. Il explique : « Qu’importe que nous soyons imaginatifs ou créatifs, nous ne pouvons pas nous enfuir du cadre que le système a établi. Le système nous dicte ce que nous pouvons faire et ne pas faire. » Aleksandar a décidé de s’opposer au système, en menant sa propre vie à la campagne – une forme de résistance silencieuse, mais persistante, contre le système. Aleksandar a un mis sur pied un « jardin urbain » et invité les gens à planter des légumes dans sa ferme – une initiative sociale qui est gratuite pour le public. « Le problème avec la jeunesse d’aujourd’hui est qu’elle n’est pas prête à prendre des risques et à agir de manière impulsive. Les gens qui veulent être artistes ou faire le tour du monde ne peuvent pas le faire, car ils doivent avant tout se nourrir. Alors ils abandonnent

Sur Facebook, le club culturel « Harlequin » se décrit comme un lieu où les gens boivent de la bière, tuent la guerre, rient des petites contrariétés et vivent si bien leur vie, que la mort a peur de la leur prendre.

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leurs rêves et leurs buts, prennent de petits boulots alimentaires et font des tas de compromis », constate Aleksandar. Son ancienne camarade Ana Bogavac dit ne pas être prête à faire de tels compromis. Elle est journaliste, dotée d’un master en sciences politique et en sciences de la communication de la London School of Economics and Political Science. Elle n’a pas de boulot stable en ce moment car elle ne veut pas se plier aux conditions de travail actuelles pour les journalistes du Monténégro. « Ce qui est publié par la majorité des médias aujourd’hui n’est pas du journalisme. Je ne suis pas prête à travailler et à me faire payer pour être ce type de soi-disant «journaliste» », affirme Ana, résolue. Pour elle, la clef de la solution aux problèmes du Monténégro consiste à éduquer les nouvelles générations. Il serait plus facile pour les jeunes d’explorer et d’utiliser les ressources traditionnelles monténégrines – un pays fertile, une côte magnifique, des gisements de bauxite. Ana cite fièrement son ami Vuk Uskoković : « Ces 25 dernières années, le gouvernement a montré son incapacité à utiliser ces ressources. Le fait qu’un pays méditerranéen qui est riche en ressources naturelles, se trouve dans une aussi mauvaise situation économique, n’est pas seulement le résultat d’une politique cupide et prétentieuse, mais aussi le fait d’une certaine ignorance et d’une grande incapacité. »

Le principe de l’espoir

Entretemps le gouvernement de Milo Đukanović est parvenu à remporter le vote de confiance du Parlement. Bien que le petit parti de coalition SDP ait retiré son soutien au DPS, Đukanović a triomphé grâce aux votes de Pozitivna Crna Gora (Monténégro Positif, ou « Pozitivna » pour faire plus court, le parti centre gauche, N.D.L.R) – un parti d’opposition qui a depuis disparu de la scène politique, mais dispose encore de quelques sièges au Parlement. La corruption politique a triomphé de nouveau. « C’est maintenant tellement évident qu’ils abusent du système politique ; plus nous en serons conscients, plus grandes seront les occasions de changer le système », dit Ilija. « Il est temps de construire une vraie citoyenneté au Monténégro. » Les premières opportunités de créer ce véritable changement se présenteront en octobre, lorsque les élections parlementaires auront lieu. Après avoir été accusé de fraude électorale à plusieurs reprises, le Premier ministre Milo Đukanović a offert à l’opposition quatre postes de ministres ainsi que le poste de vice-président, de manière à ébranler le processus électoral. C’est la première fois dans l’histoire politique du Monténégro que l’opposition a une chance d’endosser un rôle au gouvernement. Ilja pourra alors peut-être enfin être témoin d’un changement…

Des jeunes gens lors d’une manifestation

contre le régime organisée par le

Parti démocrate – la plus grosse alliance

politique d’opposition.

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1 Aleksa Bečić avec des jeunes membres du Parti démocrate d’opposition. Son signe distinctif: une cravate rouge.

2L’ancienne journaliste Bojana est citoyenne militante. Son mari Nebojša travaille à la télévision, Vijesti, un des seuls médias libres du Monténégro.

3Aleksandar Novocić a plusieurs chats, chiens et chèvres. Il s’est crée sa propre « aire de jeux » - une résistance tranquille, mais tenace, contre le système.

4L’étudiant Ilija Gajevićm pense que la société est bientôt prête pour un changement: de plus en plus de gens sont conscients du fait que le DPS abuse du système politique.

5Nikola Pešić regarde son modèle Milo Đukanović. Depuis qu’il a 18 ans, il est membre du DPS. Aujourd’hui, il dirige le Conseil des jeunes du Parti et ses 150 000 membres.

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Belgrade: Le Dubaï des BalkansDe Marina Lalovic (audio) & Jasmin Brutus (photos)

Le Belgrade Waterfont : un paysage urbain entièrement futuriste devrait naître sur les bords du fleuve Save, financé par des millionnaires émiratis. Le projet divise les habitants de la capitale serbe.

Une employée explique les détails du projet à une visiteuse, dans le bâtiment Geozavod, à Belgrade. Ici un modèle 3D du projet saoudien est exposé – un projet, qui comporte 160 dispositifs et plus de 30 tours, de plus de 100 mètres de haut. Tout cela sur une surface de 100 hectares qui s’étend le long de la rive de la Save.

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Je suis née en 1981 à Belgrade et j’appartiens à la dernière génération de ce que l’on nommait les jeunes pionniers de Tito (l’association de la jeunesse du parti de Tito, la Ligue de la Yougoslavie communiste, N.D.L.R). En 2000, j’étais parmi les milliers de jeunes qui décidèrent de quitter la Yougoslavie et de partir à l’étranger. Depuis je vis à Rome, capitale de [l’art et de] la beauté. En comparaison avec ma ville natale, rien n’a changé ici, dans la ville éternelle. Vračar, la partie historique de Belgrade où j’ai grandi, connue pour ses petites maisons et ses collines vertes, a complètement été réaménagée avec de grands immeubles modernes. Durant les 15 dernières années, à chaque fois que je suis revenue, quelque chose avait été changé, remodelé, détruit, réorganisé, modernisé. Pour beaucoup d’expatriés, les sentiments de frustration et de scepticisme sont la norme, lorsqu’il s’agit des changements urbains. Mais un changement bien plus important a eu lieu au cœur de la ville : la construction du Belgrade Waterfront – un paysage futuriste, construit directement sur les berges du fleuve, qui se dressera ses tours vers le ciel, lorsqu’il aura été achevé en 2019.Le projet coûte 3,5 milliards d’euros et il est financé par

un milliardaire émirati : Mohamed Alabbar. Le Belgrade Waterfront comprendra la construction d’un nouveau district économique, qui s’étendra sur environ deux kilomètres carré, et comprendra des habitations et des maisons de luxe, des centres commerciaux, des hôtels, des parcs et un gratte-ciel de 200 mètres de haut – le plus grand des Balkans – ainsi que les « Champs Élysées » serbes. Les habitants de Belgrade sont encore divisés concernant ce projet. Certains voient le Belgrade Waterfront comme un pas nécessaire vers la modernisation de la capitale serbe. D’autres redoutent la perspective de devenir les citoyens du « Dubaï des Balkans ». Depuis 2015, des troubles civils se multiplient, certains activistes dénoncent la corruption et le manque de transparence du projet.

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Dans l’ancienne Yougoslavie, la Slovénie était considérée comme le bon élève : dans les années 1990, alors que la guerre faisait encore rage dans les Balkans, la Slovénie indépendante affichait une économie de marché prospère. Cependant, depuis 2008, le pays est confronté à une crise économique qui touche plus particulièrement les jeunes générations. À Maribor, ancienne cité ouvrière, de nouvelles idées et de nouveaux concepts politiques éclosent, et transforment la ville en un laboratoire socio-culturel.

Slovénie : No Country for Young MenDe Natasha Kramberger, Jelena Prtorić & Mirza Ajnadžić

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Après avoir achevé ses études d’histoire d’art à Ljubljana, Simon Žlahitić est rentré à Maribor, sa ville natale, pour chercher du travail à l’agence pour l’emploi. Le travailleur social l’a regardé et lui a demandé: « Vous parlez allemand ? » « Oui », lui a-t-il répondu. « Il n’y a rien pour vous ici. Allez de l’autre côté de la frontière, en Autriche – là, vous trouverez du travail. » Simon Žlahitić parle non seulement l’allemand, mais aussi l’anglais, le français, le croate, le latin et son slovène est parfait. Il a un permis de conduire et une grande expérience professionnelle. Il est restaurateur, curateur et constructeur. Avec cet expert de la permaculture et de la cuisine végane, il est aussi facile de parler de l’architecture industrielle en Yougoslavie que des plantes locales. Il sait cuire une pizza au feu de bois et tondre un mouton, et se passionne pour les textes d’archive. Mais malgré cela, il n’y a pas de travail pour Simon à Maribor. Selon l’agence des statistiques slovène, il fait partie des 18,4% de jeunes en dessous de 30 ans à être au chômage dans le nord-est de la Slovénie. Et 27,2% de ceux qui sont employés travaillent à l’étranger et traversent chaque jour la frontière avec l’Autriche.

L’âge d’or de Maribor est révolu

Avec ses quelques 100 000 habitants, Maribor est la deuxième plus grosse ville de Slovénie, réputée pour son importante classe d’ouvriers. En raison de son industrie fleurissante, elle était appelée autrefois la « Manchester yougoslave », lorsque la Yougoslavie était encore communiste. L’industrie du textile, du métal et de l’automobile furent les piliers de la vie sociale de la ville

durant des décennies. Les problèmes commencèrent lorsque la Yougoslavie s’effondra et que les industries de la ville perdirent leurs accès aux marchés des Balkans. De 1992 à 2009, 257 entreprises fermèrent à Maribor et des milliers de personnes perdirent leurs emplois. Aujourd’hui 16% de la population locale vivent en dessous du seuil de pauvreté. « La plupart des familles ont au moins un membre de leur famille qui travaille hors de Slovénie », explique Simon. « La proximité de la frontière procure un sentiment de sécurité aux familles et aux individus. Mais d’un autre côté cela ne résout pas les problèmes de la région et de la ville.» Après la chute des grosses industries à Maribor, tous se virent forcés de trouver des alternatives pour gagner leur vie, pas seulement les jeunes. Quelques-uns espéraient que le statut de Maribor comme Capitale européenne de la culture en 2012 aiderait à améliorer l’image de la ville et à stimuler le tourisme industriel. Une grosse somme d’argent - 21,9 millions d’euros – fut investie dans des pièces de théâtre, des concerts et des expositions. Au total il y eut plus de 405 projets et 5264 événements culturels dans la ville. Pourtant, malgré les 4,5 millions de visiteurs qui se rendirent cette année-là à Maribor, les retombées économiques furent minces. Les habitants frustrés de Maribor sont de plus en plus fâchés contre la classe politique corrompue et inefficace qui semble incapable de régler les réels problèmes. Fin 2012, la décision du Maire d’installer un grand nombre de radars déclenche une vague de protestations. La désobéissance civile se propage alors dans toute la Slovénie, où la population se révolte contre la politique

VIDEO

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inefficace du gouvernement et les sombres perspectives économiques. « La situation économique ici est mauvaise, Nous essayons de la surmonter en utilisant la solution du «bottom-up» (dans laquelle la main-d’œuvre, et non la direction, fixe les structures de l’entreprise, N.D.L.R) », raconte l’activiste sociale Karolina Babič. Elle est membre fondatrice de CAAP (Centre for Alternative and Autonomous Production), fondé en 2011, dont le but est de rassembler des idées écologiques et sociales. Fin 2013, un bâtiment vide de six étages attire son attention: ce qui était avant un laboratoire pharmaceutique sera bientôt le siège social de son organisation Tkalka (Weber). Après des centaines d’heures de volontariat, ils transforment ces ruines en bureaux collectifs, des espaces de co-working, comme à Berlin ou Londres. En raison du manque de sécurité d’emploi (une sécurité qui existait dans la Yougoslavie communiste), de nombreux habitants de Maribor se sont tournés vers des alternatives comme celles de Karolina. « En Europe les espaces de co-working existent surtout dans l’industrie de la création. Mais à Maribor il n’y a assez de masse critique pour cela », dit Karolina, « Chez Tkalka il y a des gens de la branche créative, mais aussi des gens du secteur technique, des maçons, des mécaniciens, des biologistes et des écologistes, entre autres. Des gens de la communauté rom travaillent ici, tout comme des gens qui ont un doctorat en science. » Aujourd’hui Tkalka abrite plus de 45 associations, qui à leurs tours emploient 140 personnes. Les coûts de maintenance s’élèvent entre 60 000 à 70 000 euros par an, que les membres répartissent de façon égalitaire entre eux. « La plupart des organisations et des personnes ici vivent de l’occupation qu’ils y exercent», dit Karolina.

Davantage de gestion sociale à travers une démocratie directe

Mais aux yeux de Karolina Babič « les processus

sociaux comme les plénums et la démocratie directe sont l’héritage le plus important des manifestations de 2012. » Après les manifestations, les gens de Maribor ont commencé à participer plus activement à la vie politique locale, à travers un système de démocratie directe, basé sur les « plénums ». Les plénums sont inspirés par le mouvement international « Occupy » - et par la représentation d’une démocratie horizontale. Leur but est de donner à chaque personne le même pouvoir dans le processus de décision. À partir de 2013, les habitants de Maribor ont commencé à se réunir régulièrement lors de rencontres de voisinage, soutenues par des modérateurs « neutres ». Les gens prenaient ensemble des décisions concernant des problèmes publics et communs. Simon Žlahtić, qui dirige aujourd’hui une ferme avec des amis, pense que l’image de Maribor comme celle d’un lieu où l’on ne peut plus rien entreprendre et où personne ne peut réussir, a changé depuis 2012. « TV Slovenija (la télévision slovène, N.D.L.R) a diffusé une histoire sur les événements de 2012 à Maribor, dans laquelle il était dit que les gens de Maribor ont répondu au manque de culture par de la culture. Ce n’est pas vrai – nous voulions juste des emplois. » Pour répondre à la crise économique, Maribor s’est développé petit à petit en une expérimentation politique et en un laboratoire social. Dans la ville, une multitude de nouvelles initiatives sociales sont lancées. De nombreuses personnes ont squatté des surfaces industrielles vides et les ont transformées en magasins, cafés et galeries, qui représentent aujourd’hui le centre de la vie sociale de Maribor. Hormis ses innombrables zones industrielles vides, Maribor est aussi connu pour son environnement rural. Les coopératives alimentaires relient les petits agriculteurs aux clients de la ville, ce qui crée de nouveaux emplois dans les zones rurales voisines et approvisionne la ville en produits régionaux et respectueux de l’environnement. La coopérative

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Dobrina, qui fait également partie de Tkalka, a rassemblé plus de 60 petits agriculteurs, dont chacun possède entre 3 et 15 hectares. Ils distribuent leurs produits ensemble sur les marchés de Maribor, les vendent aux hôpitaux, écoles, garderies et aux particuliers. Le magasin de Dobrina fait également partie de Tkalka: on peut acheter de tout ici, des variété de carottes et de pommes cultivées localement, du pain et de l’huile, ou encore des chaussettes en laine artisanales.

« Maribor est le futur »

Marko Brumen, un producteur culturel, qui travaille dans l’organisme public Narodni Dom, perçoit l’éclosion d’initiatives indépendantes à Maribor comme une forme de « processus organique ». Même si les autorités n’utilisent toujours pas les principes de la démocratie directe, des progrès sont tout de même perceptibles. La municipalité a par exemple créé le premier budget public participatif. « Le principe est simple », dit Brumen. « C’est à la communauté locale de décider comment une partie de son budget va être dépensé. Chacun peut proposer un projet, et ensuite le tout est voté. Les citoyens ont donc une influence directe sur la manière dont l’argent public va être dépensé, que ce soit en terrains de jeux, en rues, ou en lampadaires. » « Narodni Dom » travaille à Vetrinjski Dvor, le bâtiment où la direction de la Capitale de la culture européenne a son siège. Caché derrière de grosses portes en fer, le bâtiment de deux étages abrite une cour intérieure pavée. Au premier étage, de vastes espaces lumineux accueillent des ONG locales qui louent leurs espaces communs pour une durée de trois ans. Deux résidences artistiques reçoivent des artistes slovènes et internationaux. Le vendredi soir les rues de Maribor semblent inhabituellement vides. C’est parce que « c’est l’hiver », nous explique-t-on à plusieurs reprises, et que « beaucoup d’étudiants ne sont pas encore rentrés ». La ville bouge cependant aux sons de

la musique swing dans le Salon Uporabnih Umjetnosti (Salon des Arts Appliqués). Comme beaucoup de nouvelles initiatives, cet endroit est également une sorte de café, magasin de design, librairie et bar, situé dans d’anciens locaux abandonnés. L’affiche accrochée au-dessus du bar est tout ce qu’il reste du casino qui existait autrefois. Des sacs, robes et livres artisanaux sont visibles aux fenêtres et sur les étagères entre les tables. Le salon est vite devenu le rendez-vous de la jeunesse bohème. Lors des « swings nights », on peut voir les jeunes et les générations plus âgées y danser ensemble. Pour les jeunes, le salon est un nouveau lieu hype pour sociabiliser, et pour les plus âgés, c’est un lieu où « revivre leurs souvenirs »... Selon Miha Horvat, un artiste indépendant et membre du collectif artistique Sonda, Maribor a « le potentiel de devenir une sorte de Mecque artistique ». Il trouve que Maribor a tout à fait la bonne taille : « J’aime à dire que Maribor est à la fois trop petite et trop grande, parce que même si la ville est petite, elle a de grandes ambitions ». Le slogan « Maribor est l’avenir », qui décore un mur près de Tkalka, est de Sonda. Miha croit en cet avenir. Il raconte, comment son projet GT22, au départ un projet artistique, s’est développé en une initiative qui rassemble 80 personnes venues du théâtre, de la photographie, de la radio et des arts plastiques. Miha trouve que les artistes devraient s’impliquer politiquement pour mettre sur pied d’autres initiatives semblables, à l’avenir. « Lorsque je paye mes impôts et que je donne quelque chose à l’État, je veux me sentir responsabilisé. Notre industrie s’est écroulée, mais les gens ici sont compétents, notre pays est intéressant d’un point de vue historique et ici, l’art fonctionne, qu’il soit amateur ou professionnel. Je crois, que nous devons continuer sur cette route. Selon moi, Maribor pourrait être le parfait laboratoire social. »

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Rebel Girls: la révolution des femmes en Macédoine De Zaklina Hadzi-Zafirova (texte) & Tomislav Georgiev (photos)

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Opposition protests of May 2015 in Skopje, in front of the Macedonian

Radio and Television (MRTV).

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La Macédoine était autrefois la République yougoslave la plus pacifique. Dans les années 1990, elle quitta la « Fédération » socialiste sans avoir vu la moindre balle ou la moindre émeute civile. Cependant, au cours des dernières années, l’insatisfaction de la société a augmenté en Macédoine, et cela a conduit le pays à vivre une vague de soulèvements dont les femmes occupent le premier rang. En 2013, des centaines de jeunes filles et de femmes descendent dans les rues de Skopje, pour protester contre le changement de la loi sur l’avortement. Dans la Yougoslavie de Tito, il suffisait d’aller voir son gynécologue pour parler de se faire avorter. Des décennies plus tard, le Parlement régresse et vote une loi restrictive quant à l’interruption volontaire de grossesse. La loi stipule que les femmes sont tenues de demander une autorisation par écrit au Ministère de la Santé et d’exposer les raisons de l’avortement. Les rendez-vous pour se faire soi-disant conseiller sont obligatoires et les feront tout pour dissuader la femme d’avoir recours à l’avortement. Pour la Présidente de l’Union des organisations de femmes de Macédoine, Savka Todorovska, c’est scandaleux. Todorovska rappelle que les droits des femmes durant l’ère communiste étaient mieux protégés qu’ils ne le sont aujourd’hui. « Il y avait par exemple une Cour du travail associé. Quand les droits d’une femme n’étaient pas respectés, cette femme avait le droit de porter plainte et la cour lui venait toujours en aide. Lorsque je me souviens de cette époque, je réalise que les femmes macédoines possédaient tous les droits, mais n’en n’étaient pas du tout conscientes. » Aujourd’hui les droits des femmes « existent seulement sur le papier », observe Todorovska. « Dans cette société capitaliste, les employeurs ne défendent que leurs intérêts. Les femmes sont souvent désavantagées, travaillent de nuit et le week-end, et ce malgré le fait qu’elles ne trouvent aucune possibilité de garde pour leurs enfants, durant ces horaires. Concilier famille et travail était plus facile sous le régime communiste. Avant, une femme ne travaillait pas plus de huit heures et pouvait réduire son temps de travail pour allaiter son nouveau-né. » Curieusement, cette discrimination au travail n’est pas reflétée dans la politique : en 1991 il n’y avait que cinq parlementaires femmes – aujourd’hui elles sont quarante-deux. Selon le rapport de 2014 du médiateur, il y a 108 848 employés dans l’administration, dont 52% d’hommes et 48% de femmes. Mais le nombre d’hommes dans la sphère managériale est plus élevé que les femmes, et ce bien qu’il y ait davantage de femmes dotées de diplômes universitaires : dans la publication 20 ans d’indépendance en Macédoine, diffusée par l’Administration d’État des

Marquer les boucliers de son rouge à lèvres, prendre les policiers dans ses bras en signe de non-violence. En 2015, la Macédoine est témoin de sa première « révolution de femmes » : le soi-disant « sexe faible » se rebelle, avec pour objectif de changer la société positivement.

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statistiques, il est stipulé qu’il y a plus de femmes diplômées d’un master ou titulaires d’un doctorat que d’hommes. Fin 2014, l’une des plus grandes manifestations de l‘histoire de la Macédoine indépendante a lieu: des centaines d’étudiants protestent à Skopje contre le désir du gouvernement de remplacer les examens universitaires par des examens d’État. Plus tard d’autres citoyens ainsi que des membres de différents mouvements rejoignent les étudiants. Ils se rassemblent tous derrière l’étendard : Protestiram! Début 2015 un nouveau scandale éclate : l’opposition prétend que plus de 200 000 citoyens macédoniens ont été mis sur écoute par le Premier ministre Nikola Gruevski et son gouvernement. Le 5 mai voit s’affronter violemment activistes et forces de police. Une jeune femme de 31 ans, Jasmina Golubovska devient une icône de la protestation, avec une photo d’elle en une : sur cette photo, elle tente au milieu de la foule d’embrasser le bouclier d’un policier. « Cela faisait cinq heures que nous étions devant le bâtiment du gouvernement », se souvient-elle. « On parlait constamment avec les agents de la police pour les persuader de baisser leurs boucliers. L’officier de police qui était devant moi était très énervé. Je lui ai demandé si je pouvais dessiner un cœur sur son bouclier. Il m’en a empêché et m’a menacée de m’arrêter. Après avoir essayé pendant un bon moment de dessiner quelque chose, je lui ai demandé si je pouvais me mettre du rouge à lèvres, puis j’ai déposé un baiser sur son bouclier. La foule a notamment vu dans ce rouge à lèvres un symbole de tout le sang qui avait été versé cette année là », rapporte-t-elle. Golubovska a étudié en Italie et a fait son Master à Bologne, avant de revenir en 2009 en Macédoine. Elle dit ne plus avoir arrêté de manifester depuis. « C’est une révolution des femmes, c’est ainsi que nous l’appelons. Ce sont les femmes qui portent le fardeau, même si la misogynie est un des moyens utilisés par le gouvernement pour tenter de réduire le rôle des femmes et leur importance. On a constaté que les femmes sont plus courageuses lorsqu’il s’agit de répondre à des questions délicates – comme par exemple autour de la communauté LGBT, et que l’opinion publique n’est pas encore prête à entendre leurs réponses. Les femmes ont dû endosser ce rôle, car elles étaient personnellement attaquées », dit Golubovska.La façon dont les femmes ont pris la direction des manifestations a été sans précédent en Macédoine. Les femmes ont utilisé des « armes » très différentes : elles ont désarmé les officiers de police, ont embrassé leurs boucliers et se sont tenues par la main devant les barrages de policiers. « Les femmes étaient présentes à

toutes les grosses manifestations politiques », dit Uranija Pirovska, directrice du Helsinki Committee of the Republic of Macedonia. Pirovska a lutté contre la loi sur l’avortement. Elle explique: « Le fait est que je suis une femme, et s’imaginer que je dois me tenir en retrait pour assurer ma sécurité ne fait tout simplement plus aucun sens. Au contraire : les femmes ont montré qu’elles sont un segment essentiel de la société lorsqu’il s’agit de lutter contre le régime. » Pour les minorités qui vivent en Macédoine, le problème de la discrimination des femmes est encore plus grave. La minorité albanaise par exemple, représente jusqu’à 25% de la population de Macédoine, selon un recensement de la population en 2002. Xane Kreshova dirige le forum des femmes à Tetovo (une ville au nord-ouest du pays qui est aussi le centre des Albanais vivant en Macédoine, N.D.L.R). Selon elle, les femmes ne sont toujours pas considérées comme les égales des hommes. « Lorsque je suis venue à Tetovo en 1983, les femmes n’étaient pas visibles dans l’espace public. C’était impensable qu’une femme aille à la boulangerie pour y manger seule. Lorsque la Yougoslavie existait encore, les femmes albanaises n’avaient pas le droit de travailler », dit Kreshova, qui a elle-même été femme au foyer, avant de rejoindre le Forum des femmes. « Leurs devoirs étaient de se marier, de mettre au monde des enfants et de s’occuper de leur famille. » Kreshova rapporte que la situation des femmes albanaises a changé lorsque la South East European University s’est ouverte à Tetovo, et que cette dernière est devenue une « ville ouverte ». Kreshova pense que l’éducation a changé l’idée qui voulait que les femmes albanaises doivent rester à la maison. « Je suis contente que les femmes de nos jours veuillent travailler », dit elle. « Les hommes cherchent aussi du travail pour leurs femmes. Ils veulent mener une meilleure vie et offrir de meilleures conditions de vie à leurs enfants – hormis peut-être les personnes qui vivent dans les zones rurales. » Mersiha Smailovikij, une activiste des droits humains de 31 ans qui travaille beaucoup avec les réfugiés, a participé ces dernières années à presque toutes les manifestations : « Je voulais participer activement, car il y a trop de problèmes dans notre société. » Son engagement a commencé en 2007 : Smailovikij, musulmane et étudiante en dernière année, ne pouvait pas porter le voile sur ses photos d’identité. « Comme je porte un voile depuis 2005 et que c’est mon choix, j’ai refusé de l’ôter et j’ai déclaré que c’était mon droit constitutionnel. J’ai organisé une conférence de presse et dans un court laps de temps la loi a été changée », explique Smailovikij. « C’est là que j’ai réalisé que nos voix avaient un pouvoir. »

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Une jeune femme lors d’une manifestation à Skopje, le 5 mai 2015.

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Une jeune femme lors d’une manifestation à Skopje, le 5 mai 2015.

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Plusieurs milliers de personnes manifestent devant le bâtiment du gouvernement. Ils exigent le retrait du Premier ministre Nikola Gruevski, qui est accusé par les leaders de l’opposition d’avoir étouffé le décès d’un jeune de 22 ans, battu à mort par un policier en 2011.

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Plusieurs milliers de personnes manifestent devant le bâtiment du gouvernement. Ils exigent le retrait du Premier ministre Nikola Gruevski, qui est accusé par les leaders de l’opposition d’avoir étouffé le décès d’un jeune de 22 ans, battu à mort par un policier en 2011.

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Les femmes au front : manifestantes à Skopje, le 5 mai 2015.

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Les femmes au front : manifestantes à Skopje, le 5 mai 2015.

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En mai 2015, des manifestations ont eu lieu à Skopje. Elles étaient dirigées contre le Premier ministre et son gouvernement. Plusieurs ministres, dont le Ministre de l’intérieur, seront obligés de se retirer.

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En mai 2015, des manifestations ont eu lieu à Skopje. Elles étaient dirigées contre le Premier ministre et son gouvernement. Plusieurs ministres, dont le Ministre de l’intérieur, seront obligés de se retirer.

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« Il est urgent que les femmes soient plus présentes dans la vie politique des pays des Balkans »

Mimoza Kusari-Lila, 41 ans, est depuis 2013 la maire de Gjakova, une ville à l’ouest du Kosovo – la politicienne kosovare-albanaise est la première et la seule femme dans le pays à pourvoir un tel mandat. De 2011 à 2013 elle a été la représentante du Premier ministre de la République du Kosovo et Ministre du commerce et de l’industrie. Avant cela Kusari-Lila, qui a un Master of Business Administration en économie, a travaillé dans le secteur économique privé, en tant que directrice général de la Chambre de Commerce américaine au Kosovo.

INTERVIEW

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Avez-vous le sentiment qu’il y a une place pour les femmes en politique, dans les Balkans ?

Je suis convaincue qu’il y a un besoin pressant que les femmes soient plus présentes et jouent un rôle plus déterminant dans la vie politique des pays des Balkans. Elles sont encore aujourd’hui sous-représentées et ont de grandes chances d’améliorer le paysage politique dans leurs pays respectifs. Avec l’augmentation graduelle de la participation des femmes dans la vie politique, nous découvrons une autre manière de faire en sorte que la politique influence la vie des gens au quotidien.

Vous faites-vous du souci concernant la discrimination que les femmes au Kosovo et dans toute la région des Balkans subissent encore aujourd’hui ?

Je me fais davantage de souci quant à la manière dont les femmes dans les administrations publiques sont perçues par le public. La plupart des pays de la région ont des lois contre la discrimination, mais la perception du public doit changer en ce qui concerne les femmes en politique, et ce que l’on attend d’elles. À chaque fois qu’une politicienne jouit d’une plus grande visibilité, la discussion publique tend à se concentrer sur ses faiblesses, au lieu de se focaliser sur ses forces et ses valeurs, alors qu’un tel jugement de valeur ne s’applique pas à l’égard des politiciens. Je veux croire que les femmes soutiendront davantage les autres femmes, et que cela permettra de marquer un tournant dans la perception que l’on a des

femmes dans la vie publique.

Que signifie le féminisme pour vous ?

Je suis féministe, car je crois que les femmes peuvent être aussi performantes que les hommes. Je suis féministe, car je soutiens les autres femmes en étant fermement convaincue de leur capacité à briser le plafond de verre qui leur est imposé. Je suis féministe, car je crois que, si l’on ne permet pas aux femmes d’occuper des rôles plus importants dans la société, aucune société ne pourra évoluer. Je veux croire que les changements en termes de problématiques des sexes vont advenir plus vite aujourd’hui que par le passé.

Quel regard portez-vous sur la situation politique actuelle au Kosovo ?

Ce que nous vivons actuellement est la situation la plus difficile que nous ayons rencontrée depuis la fin de la guerre en 1991. Le problème est que les partis n’apportent pas suffisamment de solutions au peuple de la République du Kosovo. Compte tenu des décisions arrogantes du gouvernement et la violente réaction de l’opposition, il semble compromis d’aboutir à de véritables solutions dans les prochaines semaines ou les prochains mois. La situation actuelle offre peu d’espoir en ce qui concerne les problèmes socio-économiques et nuit à l’image du Kosovo en général. La tentative d’initier un dialogue où les partis concernés s’asseyent à une table et règlent ensemble leurs différents, a échoué. Et les gens au Kosovo tout comme l’image du pays, en souffrent beaucoup.

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Les auteures et les auteurs

Mirza Ajnadžić

Mirza Ajnadžić est journaliste multimédia, scientifique, animateur radio et producteur de vidéos. Il a coécrit plusieurs documentaires (La Nostalgie Yugo, Les leurs et les nôtres, Le retour de Bruce Lee, etc.). En 2013, il dirige la réalisation de son premier documentaire, 31 mai. En 2012 il fait partie des membres fondateurs de l’ONG Center for Cultural and Media Decontamination, où il occupe à présent la place de rédacteur en chef de l’équipe vidéo. Également éducateur, il familiarise les jeunes au journalisme citoyen.

Zaklina Hadzi-Zafirova

Zaklina Hadzi-Zafirova vit à Skopje en Macédoine et a plus de 15 ans d’expérience en journalisme. En 2007, 2012 et 2015 elle est récompensée par le Macedonian Institute for Media pour plusieurs articles sur la pollution de l’environnement et la corruption. Zaklina a écrit des articles d’investigation pour de nombreux médias locaux et étrangers. Elle est cofondatrice du Center for Investigative Journalism (SCOOP-Macedonia) et travaille en outre dans le domaine de l’éducation et du mentorat pour les journalistes.

Muhamet Hajrullahu

Muhamet Hajrullahu est depuis 1999 journaliste au Kosovo. En 2005 il est journaliste d’investigation et scientifique pour l’Institute for War and Peace Reporting (IWPR). En tant que président de l’assemblée du Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), il produit des documentaires TV. Muhamet est également rédacteur des informations pour Kokhavision (KTV), la chaîne de télévision publique de Pristina. Pour l’instant il est l’un des deux principaux présentateurs de Jeta në Kosovë (Vivre au Kosovo), l’émission la plus populaire au Kosovo concernant l’actualité.

Natasa Kramberger

Nataša Kramberger est une auteure freelance de Slovénie qui vit à Berlin. Elle a écrit de nombreux reportages et essais, et est l’auteure de trois romans. Son premier roman, publié en 2007, a reçu le Prize for Literature et a été traduit en dix langues. En 2009 Nataša crée l’ONG, Zelena centrala, où elle s’intéresse aux questions d’écologie sociale. En 2014, elle publie une collection de reportages autour de Berlin et de la Havane et crée un autre réseau culturel, Periskop.

Jelena Kulidžan

Jelena Kulidžan vit depuis 1992 à Podgorica, Monténégro. Elle a un diplôme en journalisme et a travaillé durant ces dix dernières années en tant que journaliste TV et correspondante pour des médias étrangers. Jelena a été reportrice, rédactrice des informations et présentatrice. En 2010, elle gagne le deuxième prix du programme Balkan Fellowship For Journalistic Excellence, pour son article sur les faibles peines de viols, au Monténégro.

Marina Lalovic

Marina Lalovic est une journaliste serbe qui vit depuis 2000 en Italie. Elle a travaillé comme correspondante pour le journal Politika, tout comme pour l’émission de radio et de télévision serbe, B92. En ce moment elle travaille pour la RAI (groupe audiovisuel public italien), où elle anime l’émission Radio3Mondo – une émission, qui relaie les informations du monde entier, avec des revues de presse internationale, des interviews et des reportages sur place.

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Barbara Matejčić

Barbara Matejčić is an award-wining Barbara Matejčić est une journaliste freelance, rédactrice et scientifique primée, dont les domaines de prédilection sont les thèmes sociétaux et les droits humains. Elle écrit régulièrement pour les médias en ligne et la presse écrite, croate et internationale et produit des émissions de radio. Barbara s’est vue récompensée pour la meilleure couverture médiatique en Croatie des thèmes LGBT entre 2000 et 2010. En 2013, elle reçoit le prix pour la promotion de la paix, la non-violence et les droits humains, et en 2014, celui de la meilleure journaliste de presse écrite de Croatie. Son ouvrage scientifique Comment vas-tu ? qui s’intéresse aux groupes sociaux marginaux, a été publié en décembre 2015.

Lana Pasic

Lana Pasic est une auteure freelance, également conseillère en développement de Sarajevo, Bosnie-Herzégovine. Elle a un master des universités Oxford et Trento, ainsi qu’une licence de l’université Pretoria. Lana travaille régulièrement pour Balkanalysis en tant que rédactrice bosniaque. Elle a également travaillé dans la recherche ainsi que dans le développement, en Bosnie-Herzégovine, Italie, Grande-Bretagne et Tanzanie. Son e-book 20 ans après Dayton est disponible sur Amazon.

Jelena Prtorić

Jelena Prtorić est une journaliste freelance de Croatie, qui fait surtout des reportages sur l’Europe du Sud-Est. Elle a un master en journalisme de l’École du Journalisme/Sciences Po à Paris et a travaillé pour de nombreux médias en ligne et pour la presse écrite, ainsi que pour la radio, en français, anglais et croate. Jelena passe beaucoup de temps à écrire, à lire des long-formats et à traduire des nouvelles illustrées.

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Les photographes

Jasmin Brutus

Jasmin Brutus vit comme reporter-photographe à Sarajevo, Bosnie-Herzégovine. Il a travaillé pour de nombreux journaux et magazines, ses travaux ont été publiés notamment dans le Los Angeles Times, The Guardian, Le Monde Diplomatique, Het Parool, Le Temps, Le Pelerin et Monocle. Jasmin a obtenu plusieurs bourses, dont Ex-changes, sponsorisé par le gouvernement allemand, et SEE New Perspectives, sponsorisé par World Press Photo et la Robert Bosch Stiftung.

Fisnik Dobreci

Fisnik Dobreci a commencé sa carrière comme photographe en 2005 dans un journal kosovare. Ensuite, il travaille régulièrement pour The Guardian et Associated Press. Il participe à des expositions communes dans la région et est récompensé en 2009 par le Gjon Mili-Preis. En 2015, Fisnik participe avec 15 autres participants de l’ex-Yougoslavie aux Noor Images master class for documentary photography à Belgrade, en Serbie. Fisnik est en ce moment photographe freelance à Ulcinj, Monténégro.

Tomislav Georgiev

Tomislav Georgiev est né à Bitola, en République Macédoine. En 1998, il commence à travailler pour plusieurs journaux étudiants et est également photojournaliste et -rédacteur pour le magazine hebdomadaire Fokus. Le travail de Tomislav a été publié dans de nombreux journaux prestigieux comme Le Monde, Sunday Times et Financial Times. Il est photographe pour UNICEF en Macédoine, et son travail a été régulièrement exposé et récompensé.

Nemanja Pančić

Nemanja Pančić vit à Belgrade, en Serbie. Il est cofondateur du collectif www.kamerades.con. Après sa formation en cinéma, il se dirige vers la photographie et le photojournalisme. Le travail de Nemanja est publié dans de nombreux médias, dont Monocle, Wall Street Journal, Politiken, NZZ et The Economist. Il a participé aux SEE New Perspectives master class, organisés par World Press Photo, et a gagné plusieurs prix, dont le plus notable, en 2013, dans la rubrique « People », pour son portrait Little Survivor, au concours photo de World Press.

Matic Zerman

Matic Zorman est photojournaliste freelance. Depuis qu’il a pour la première fois documenté le conflit israélo-palestinien à Gaza en 2010, son travail consiste surtout à dévoiler des problèmes humanitaires dissimulés dans ce conflit. Il est invité en 2013 comme talent émergent par Getty Images, et en 2015 il participe aux Noor-Nikon Master Class de Belgrade. La même année, il reçoit le prix de la Wold Press Photo pour son saisissant cliché d’un enfant couvert par un imperméable, qui attend derrière les barrières d’un camp de réfugiés en Serbie. Le travail de Matic a notamment été publié dans The Washington Post, The Independent et National Geographic Slovenia.

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Rédactrice en chefPrune Antoine

Prune est journaliste indépendante, basée à Berlin depuis 2008, après avoir vécu en Angleterre, Espagne, à Budapest, Bruxelles et Paris. Ses reportages, plusieurs fois primés, analysent les répercussions et les contradictions du monde post-soviétique, et ont été publiés entre-autres dans Le Monde, Géo et Madame Figaro. Lors de ses voyages en Europe centrale et orientale, Prune se concentre sur les thèmes sociétaux en rapport avec les femmes, l’héritage communiste et les conflits. Son premier livre La fille & le moudjahidine a été publié en France en juin 2015.

Rédactrice allemandeJulia Korbik

Julia vit comme journaliste et auteure à Berlin, où elle écrit principalement sur le féminisme, la politique et la culture. En 2014 son introduction au féminisme pour les jeunes femmes Stand up – Feminismus für Anfänger und Fortgeschrittene (Stand up – le féminisme pour débutants et avancés, N.D.L.R), a été publié chez Rogner & Bernhard. Julia est membre active de l’équipe berlinoise de cafébabel et vice-présidente de Babel Deutschland e.V. De plus, elle est responsable de Mind the Gap, la rubrique sur les genres de cafébabel.

Direction artistiqueGiulio Zucchini

Giulio Zucchini est un journaliste, expert en communication et photographe franco-italien. Il aime tout ce qui se termine avec .com, les trains et les données.

Mathieu Mercuriali

Mathieu Merculiari obtient son diplôme d’architecte DPLG à l’École d’Architecture de Paris-Malaquais, en France en 2002. Plus tard il acquiert un titre de Docteur en architecture à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, en Suisse. Il enseigne à l’École d’architecture Paris-Malaquais.

La Rédaction

Concept - FundraisingSébastien Vannier

Sébastien Vannier est journaliste et travaille depuis 2007 comme correspondant en Allemagne pour les médias français, notamment pour le journal Ouest-France. Il est auteur de Les Allemands décomplexés (2015) et Berlin, Laboratoire d’innovations (2016). Il est, depuis 2014, le président de l’association Babel Deutschland e.V., et est responsable de l’équipe de rédaction berlinoise, de la conceptualisation et du financement du projet Balkans&Beyond.

Traduction / Edition de la version francaise

Fleur Grelet

Après des études en sciences politiques, Fleur Grelet s’est installée à Berlin où elle s’engage dans la vie culturelle. Elle a notamment travaillé pour l’Office franco-allemand pour la Jeunesse. Passionnée de cinéma, elle anime un club-ciné, écrit des critiques de films et monte à l’occasion sur les planches.

Traduction / Edition de la version francaise

Amélie Vrla

Après avoir travaillé dans la production et la distribution de films, Amélie Vrla est désormais auteur, script doctor et critique de films. Elle a écrit un essai littéraire sur Romain Gary (2013) et un recueil de nouvelles Elle répondit : « Berlin, baby ! » paru en 2015 aux éditions L’Harmattan.

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RemerciementsNous remercions Christiane Lötsch, Stefano Lippiello, Katharina Kloss, Anthony Papadimitriu et Alice Cases pour leur aide et leur soutien lors de la réalisation de ce projet de reportage, le réseau cafébabel, Jan Zappner, Jeton Neziraj, pour sa superbe préface, et nos FORMIDABLES auteurs & photographes pour leurs fantastiques contributions à notre magazine en ligne. Nous remercions également Michael M. Thoss et Susanne Hauer de l’Allianz Kulturstiftung, ainsi que Anna Cavillan et l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse, qui ont rendu possible ce projet de reportages grâce à leur soutien financier.

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Ce projet a été conçu par Babel Deutschland e.V. et soutenu par l’Allianz Kulturstiftung & Babel International.

Babel Deutschland e.V. Liebenwalder strasse 34 a 13347 Berlin Balkans & Beyond © Cafebabel Berlin Illustrations © Giulio Zucchini

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