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ARTICLE MPS – SL La garance des teinturiers Les colorants organiques utilisés en teinturerie : aspects physico-chimiques Auteurs : Sophie De Reguardati et William Barthe, enseignants de physique- chimie 2012

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MPS – SL

La garance des teinturiers

Les colorants organiques utilisés en teinturerie : aspects physico-chimiques

Auteurs :Sophie De Reguardati et William Barthe, enseignants de physique-chimie

2012

Tables des matières

Un peu de vocabulaire 3 Identification d’un colorant 3 Comment est constitué un colorant organique ? 4 Spectre d’absorption des colorants colorés 5Les différentes catégories de colorants utilisés en teinture 6 Classification des colorants en teinturerie 6 Relation entre colorant organique et support 7Colorants solubles dans l’eau 7 Colorants acides (anioniques) 7 Colorants directs ou substantifs 8 Colorants à mordants 9 Colorants cationiques 10Colorants insolubles dans l’eau : les pigments 10 Coloration directe par des colorants pigmentaires 10 Transformation du pigment en colorant dit « de cuve » soluble dans l’eau 10 Colorants au souffre 11Synthèse d’un colorant directement sur la fibre 11 Colorants réactifs 11 Colorants dispersés 12 Colorants au naphtol (colorants azoïques développés sur la fibre) 12

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Solvant : eau Soluté solide : café soluble Solution aqueuse de café

Un peu de vocabulaireLa dissolution d’une espèce chimique (appelée soluté) dans un grand volume de liquide (appelé solvant) donne un mélange homogène que l’on appelle solution. Quand le solvant est l’eau, on parle alors de solution aqueuse.

Exemple :

La solubilité est la masse maximale de soluté que l’on peut dissoudre dans un litre de solvant, à une température donnée et une pression donnée. On la note « s » et s’exprime en g/L.

Exemple : solubilité du sel de table (chlorure de sodium) dans l’eau pure, à pression atmosphérique :s = 356 g/L à 0 °Cs = 359 g/L à 25 °Cs = 391 g/L à 100 °C

Une extraction consiste à extraire une ou plusieurs espèces chimiques d’un milieu solide ou liquide.L’extraction par un solvant consiste à faire passer, par solubilisation, l’espèce chimique à extraire dans un solvant qui peut être de l’eau ou tout autre liquide.

Exemple : l’infusionDes feuilles de menthe sont plongées dans un verre d’eau bouillante qui prend alors une teinte jaune-verdâtre.On trouve aussi comme techniques d’extraction, l’hydro distillation, la décoction et la macération.

Identification d’un colorantOn appelle colorant toute substance colorée ou non qui, mise au contact de façon appropriée avec un support (matière textile) se fixe ou se dissout dans ce dernier de façon durable, en lui conférant une nouvelle propriété : la couleur.

Comment est constitué un colorant organique ?

La structure joue un rôle important dans la détermination des propriétés colorantes des composés organiques. En général, ce sont des composés organiques insaturés et/ou aromatiques qui sont utilisés comme colorants. Une molécule type de colorant est généralement constituée de deux parties : un chromophore et un ou plusieurs groupes auxochrome.

Le chromophore désigne le groupement d’atomes au sein de la molécule responsable de sa faculté d’absorption dans l’UV/visible. Il est constitué en général d’un groupement d’atomes présentant des doubles liaisons chimiques. Les électrons des liaisons moléculaires sont capables d’absorber certaines radiations visibles. L’œil perçoit le mélange des radiations qui n’ont pas été absorbées.

Exemple : noyau benzénique.Remarque : il faut en général 6 à 8 doublets conjugués dans une molécule pour que celle-ci absorbe dans le visible.

L’auxochrome est la partie ayant la capacité d’enrichir ou d’appauvrir le chromophore en électrons. De ce fait, il peut modifier la longueur d’onde (donc la couleur) de la radiation absorbée par le groupement chromophore et/ou modifier l’intensité de l’absorption. De plus, il permet de fixer avec efficacité le colorant souhaité sur le support et peut améliorer (tel que -COOH, -SO3H...) la solubilité du colorant et peut être appliqué en milieu aqueux.

Exemples d’auxochromes :

On parle d’effet :

• bathochrome, s’il s’agit d’une augmentation de la longueur d’onde• hypsochrome, s’il s’agit d’une diminution de la longueur d’onde• hyperchrome, s’il s’agit d’une augmentation de l’intensité absorbée• hypochrome, s’il s’agit d’une diminution de l’intensité absorbée.

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Exemple : de l’anthraquinone à l’alizarine

L’anthraquinone est un chromophore existant à l’état naturel dans certaines plantes (aloès, rhubarbe), les champignons, les lichens, et la plupart des insectes, où il sert de squelette de base aux pigments. Sa couleur est jaune pâle.

L’alizarine est un dérivé de l’anthraquinone, où deux groupements hydroxyle, auxochromes, se sont associés à la molécule de base, modifiant la longueur d’onde de la radiation principale absorbée. Les auxochromes ont un effet bathochrome puisque l’alizarine apparaît rouge.

Spectre d’absorption des colorants colorés

Un spectre UV-visible est le tracé de l’absorbance en fonction de la longueur d’onde de la radiation lumineuse traversant l’échantillon solubilisé.Pour ce faire, on utilise un spectrophotomètre dont le principe est le suivant :

Anthraquinone

Alizarine

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La lumière blanche est un mélange de radiations de couleurs (longueurs d’ondes) différentes séparables par un monochromateur. Un diaphragme permet de sélectionner une radiation et l’on mesure l’intensité de cette radiation après son passage dans l’échantillon.

L’appareil affiche l’absorbance de l’échantillon définit par

où :• I0 est l’intensité de la radiation incidente• I est l’intensité de la radiation après son passage dans l’échantillon

D’après la loi de Beer-Lambert, l’absorbance d’une solution est proportionnelle à la concentration C de la substance colorée en solution :

où :

• l est la longueur de la cuve ε est le coefficient d’extinction molaire

Les différentes catégories de colorants utilisés en teintureLa teinture consiste en une suite d’opérations permettant de colorer d’une façon uniforme et aussi solide que possible, un support.

Classification des colorants en teinturerie

Les principaux modes de classification des colorants reposent soit sur leur constitution chimique, soit sur leurs méthodes d’application aux différents substrats que sont les fibres textiles, le papier, le cuir, les matières plastiques, etc. Le classement d’après la structure chimique s’appuie principalement sur la nature du chromophore, qui constitue le squelette nécessaire à la coloration de la molécule.

Si la classification chimique présente un intérêt pour le fabricant de matières colorantes, le teinturier préfère le classement par domaines d’application. Ainsi, il est renseigné sur la solubilité du colorant dans le bain de teinture, son affinité pour les diverses fibres et sur la nature de la fixation.

On distingue différentes catégories tinctoriales de colorants, classés par mode opératoire : les colorants acides, directs, à mordant, basiques, pigmentaires, de cuve, au soufre, réactif et dispersé.

Parmi ces colorants, certains sont insolubles dans l’eau : on parle de pigments. Cette présente définition de pigment est celle des botanistes, en effet le mot pigment possède différentes

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définitions suivant le domaine où il est employé.

Relation entre colorant organique et support

Les fibres cellulosiques peuvent être teintes au moyen d’une large gamme de colorants, à savoir :

• réactifs,• directs,• de cuve,• au soufre,• azoïques (naphtols).

La laine et la soie peuvent être teintes avec les colorants suivants :

• acides (sans métaux),• à mordant,• réactifs.

Les fibres de polyamide (polyamide 6 et polyamide 6.6) sont facilement teintes avec divers types de colorants.

Les fibres appelées polyacryliques sont hydrophobes et contiennent des groupes anioniques dans leur molécule. Il en résulte qu’elles peuvent être teintes avec des colorants dispersés et basiques.

Colorants solubles dans l’eauColorants acides (anioniques)

Un colorant acide possède un à quatre groupes sulfonates. Ceci n’implique pas forcément le caractère acide ou basique de la solution colorante. Ces colorants se présentent le plus souvent sous forme de sels de sodium ou de calcium.

Leur nature acide explique leur affinité pour les fonctions basiques des fibres de polyamide (70 à 75%) et de laine (25 à 30%). En général avec ces colorants, la teinture s’effectue en bain acide.

Exemple de colorant acide : le bleu patenté V (colorant alimentaire)

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L’interaction avec la fibre est en partie basée sur des liaisons ioniques entre les anions sulfonates et les groupes ammonium de la fibre, comme indiqué ci-dessous pour la laine :

Pour le polyamide, cela s’effectue sous différentes conditions de pH :

pH ≈ 5

pH ≤ 3

L’interaction fibre/colorant est également basée sur des liaisons secondaires telles que les forces de Van der Waals. Ces liaisons secondaires s’établissent préférentiellement avec des colorants de poids moléculaire plus élevé, qui forment des agrégats à forte affinité avec la fibre.

Colorants directs ou substantifs

Ils sont acides comme les colorants du groupe précédent mais, contrairement à ces derniers, ils n’adhèrent pas chimiquement mais physiquement à la fibre. Les colorants directs se caractérisent par de longues structures moléculaires planes qui permettent à ces molécules de s’aligner avec les macromolécules plates de cellulose, lin, laine, coton... les molécules de colorant étant maintenues en place par des forces de Van der Waals et des liaisons hydrogène.

Les colorants de cuve s’utilisent le plus souvent pour la teinture et l’impression du coton et de fibres cellulosiques.

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Exemple de colorant direct : la curcumine (à gauche) est extraite du curcuma (à droite)

Colorants à mordants

De type acide, ces colorants présentent en plus la propriété particulière de se combiner avec le chrome et certains métaux pour former des complexes insolubles. Du fait que certaines fibres (laine, soie) ont la propriété de retenir énergiquement ces ions métalliques, on obtient par ce moyen des teintures solides.

D’un point de vue chimique, on peut les considérer comme des colorants acides contenant des groupes fonctionnels capables de former des complexes métallifères. Ils ne contiennent pas d’ion métallique dans leur molécule.

Exemples de mordants :

• alun : sulfate de potassium et d’aluminium (il faut mettre le tissu dans l’alun avant de le teindre), il sert pour les couleurs vives

• sulfate de fer, de cuivre, d’aluminium...• Alun de chrome...

La couleur finale dépend du mordant, du temps de teinture, de la température...

L’interaction avec la fibre s’établit par liaison ionique entre les groupes basiques du colorant et les cations d’ammonium disponibles sur la fibre. En outre, l’ion metallique agit comme liaison entre le colorant et la fibre. Cela donne une liaison très forte qui se traduit par une excellente solidité.

Exemple de colorant à mordant : l’alizarine. Un ion chromate (CrO4-) sert de mordant pour accrocher une molécule d’alizarine.

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Colorants cationiques

Ils contiennent un groupe amine quaternaire qui le plus souvent fait partie intégrante de la formule, mais ce n’est pas systématique. Parfois, un atome d’oxygène ou de soufre chargé positivement remplace l’azote.

Les colorants cationiques étaient utilisés au départ pour teindre la soie, ils colorent essentiellement les fibres acryliques.

Ils s’utilisent en bain basique, par exemple une solution ammoniacale, et parfois en milieu acide.

Exemple de colorant cationique : le bleu de méthylène (à gauche) est utilisé pour colorer le Curaçao (à droite)

Colorants insolubles dans l’eau : les pigmentsColoration directe par des colorants pigmentaires

Insolubles, ils peuvent être utilisés pour la coloration dans la masse de fibres artificielles et synthétiques, mais ont un emploi plus généralisé dans l’impression directe des tissus. Le motif décoratif est imprimé directement sur le tissu à l’aide d’une pâte contenant un fixateur. Un traitement à base de résine synthétique vient coller les particules de colorants sur la fibre et en assure la solidité.

Transformation du pigment en colorant dit « de cuve » soluble dans l’eau

Initialement insolubles dans l’eau, ils sont transformés en espèces chimiques solubles après réaction de réduction dans un bain alcalin réducteur. Cette solution réductrice est nommée cuve en terme de métier, d’où leur nom. Le produit de cette réduction s’appelle leuco-dérivé. Après absorption par la fibre, le colorant, sous forme de leuco-dérivé soluble, retrouve son état de pigment initial par oxydation ; ce qui permet donc d’obtenir des couleurs qui résistent à l’eau.

Les colorants de cuve s’utilisent le plus souvent pour la teinture et l’impression du coton et de fibres cellulosiques.

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Colorants au souffre

Les colorants au soufre sont constitués de composés de poids moléculaire élevé, et sont obtenus par réaction de soufre ou de sulfures avec des amines et des phénols.

Leur structure chimique exacte n’est pas toujours connue car la complexité de ces mélanges de molécules est élevée.

Les colorants au soufre contiennent du soufre dans des chaînes latérales de polysulfure ( Ar-S-S-Ar’ ou Ar-S-S-S-Ar’) et aussi dans le chromophore.

Les colorants au soufre sont insolubles dans l’eau, mais après réduction dans en milieu alcalin, ils sont convertis en espèce chimiques solubles dans l’eau, appelés leuco-dérivés, présentant une grande affinité avec la fibre. Après absorption par la fibre, ils sont ré-oxydés et retrouvent leur état insoluble d’origine.

Synthèse d’un colorant directement sur la fibreColorants réactifs

C’est la plus récente classe de colorants. Elle résulte de la découverte de produits intermédiaires, obtenus au cours de la synthèse de certains colorants, qui ont la particularité de posséder des groupements chimiques spécifiques capables de former des liaisons covalentes avec le support textile.

Les groupements réactifs du colorant réagissent avec les groupes aminés de la fibre dans le cas des fibres de protéines ou de polyamide, et avec les groupes hydroxyles dans le cas de la cellulose.

L’énergie nécessaire pour casser cette liaison est similaire à celle nécessaire pour dégrader le support lui-même, ce qui explique la forte solidité au mouillé de ces colorants.

C’est le fait de réagir avec la matière constitutive de la fibre qui les a fait nommer colorants réactifs.

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Un exemple de transformation d’un pigment : l’indigo

On peut représenter la structure des colorants réactifs par la formule suivante : Col-B-R, où :

• Col est le chromophore• B est le groupe de liaison entre le chromophore et le groupe réactif• R représente le groupement réactif

Colorants dispersés

Les colorants dispersés se caractérisent par l’absence de groupes de solubilisation et un poids moléculaire faible. D’un point de vue chimique, plus de 50 % des colorants dispersés sont des composés azoïques simples, environ 25 % sont des anthraquinoniques, le reste consiste en des colorants méthine, nitro et naphthoquinone.

L’affinité colorant-fibre est le résultat de différents types d’interactions :

• liaisons hydrogène,• interactions dipôle-dipôle,• forces de Van der Waals.

Les colorants dispersés comportent des atomes d’hydrogène dans leur molécule, qui ont la faculté de former des liaisons hydrogène avec les atomes d’oxygène et d’azote sur la fibre.

Les interactions entre les molécules du colorant et la fibre résultent de la structure asymétrique des molécules de colorant, qui rendent possibles les interactions électrostatiques entre les dipôles des colorant et les liaisons polaires de la fibre.

Les forces de Van der Waals entrent en jeu quand les molécules de la fibre et du colorant sont alignées et proches l’une de l’autre. Ces forces sont très importantes pour les fibres de polyester car elles peuvent s’établir entre les groupes aromatiques de la fibre et ceux du colorant.

Beaucoup de fibres synthétiques ne peuvent pas être colorées aves des colorants directs, puisqu’à cause du caractère non polaire de la fibre ils ne peuvent pas être absorbés. Le truc des colorants de dispersion est de les répartir finement dans l’eau et au moyen de sources les laisser se répandre sur les fibres. Les colorants de dispersion sont hydrophobes, imperméables et donc ainsi très résistants à l’eau.

Colorants au naphtol (colorants azoïques développés sur la fibre)

Ces colorants insolubles se forment sur la fibre. Ils se composent de deux composés réactifs chimiques qu’on applique sur l’étoffe en deux étapes :

• La fibre est trempée dans la solution basique d’une composante d’embrayage : des naphtols

• puis, pour former le colorant, trempée dans une solution froide d’un sel de diazonium.

Le colorant insoluble est synthétisé directement dans la fibre suite à la réaction de couplage qui se produit entre une base diazotée (agent développeur) et un agent de couplage, puis adhère

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grâce aux forces d’adsorption.

Puisque les solutions basiques détruisent les fibres de peptide (laine, soie), les colorants directs ne peuvent être utilisés pour cela. Les fibres de cellulose (coton) sont particulièrement appropriées à la coloration.

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