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Au rythme de mes pas Chemin de solitude, chemin de rencontres Annie Peschard

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Au rythme de mes pas

Chemin de solitude, chemin de rencontres

Annie Peschard

20.48 588302

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 268 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 20.76 ----------------------------------------------------------------------------

Au rythme de mes pas Chemin de solitude, chemin de rencontres

Annie Peschard

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Remerciements

Les remerciements vont à mon mari qui m’a soutenu, et accompagné dans la rédaction de ce livre.

A mes enfants, Stéphanie, Lœtita, Emmanuel, David et leurs conjoints ; à mes petits-enfants Félicien, Joseph, Paul, Suzon, Ange, Jean, Victor, Louise et Arthur à qui je dédie ce livre.

Ainsi que Annie Rigault pour ses corrections et sa relecture.

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Saint-Jacques-de-Compostelle.

ÇA Y EST, C’EST DECIDÉ, JE PARTIRAI !!

Novembre 2009

Comme chaque année à cette époque, mon mari et moi préparons un trek dans le désert. Après avoir marché dans le Sinaï et le Hoggar, le désert du Wadi-Rum et Pétra en Jordanie sont notre nouvelle destination. Mais un dimanche matin, Jean-Yves, mon mari, se déchire le tendon d’Achille. La souffrance est intense. Le médecin annonce que la guérison sera très longue.

Un mois plus tard, nous décidons d’annuler notre projet. Cela crée un vide en moi, je me retrouve ainsi sans aucune perspective.

Quoi de mieux que d’aller marcher pour combler ce vide ? Quelque jours plus tard, alors que le temps est exécrable, très venteux, pluvieux et froid, je vais faire un petit tour dans la campagne autour de chez moi avec un bâton de marche. Je ne suis pas très à l’aise avec ce bâton, le tenir de la main droite ? De la main gauche ? Ce matin-là, il m’aide à lutter contre le vent, la

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pluie, à passer dans des chemins boueux. Peu après, par hasard, je lis un article dans la presse locale sur la marche nordique, que je ne connaissais pas, qui se pratique avec deux bâtons. Je me pose la question : est-ce que j’adopte un autre bâton ? Cela peut me permettre d’avoir un rythme plus soutenu, de soulager les articulations des genoux, de faire travailler les épaules. Après avoir fait plusieurs essais très concluants, je ne m’en suis plus jamais séparée.

Sorties après sorties, je prends de plus en plus de plaisir à marcher. « Et si je partais à Compostelle ? » Tout doucement, cette idée germe au fond de moi. Petit à petit, elle s’impose comme une évidence.

Je ne sais pas quand ni comment, mais l’idée est bien là. Comment faire ? Je ne sais pas où me renseigner, je ne connais alors personne de près ou de loin qui ait fait le chemin. Je me sens démunie.

J’achète quelques livres et guides qui me mettent l’eau à la bouche. J’ai aussi envie de rencontrer des gens qui connaissent le chemin ou encore de partir avec un groupe. Compostelle est tellement loin ! D’ailleurs, je ne sais même pas où c’est situé exactement.

Parcourir 1700 kilomètres à pied, cela me paraît déjà irréalisable, alors partir seule me semble encore plus inconcevable ! J’avais bien fait quelques treks dans les déserts les deux années précédentes, mais c’était une expérience de groupe. C’est pourtant là que j’y ai attrapé le virus de la marche.

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Des déserts à Compostelle, il n’y a qu’un pas

Aucune association de marcheurs de Compostelle n’est présente dans le département du Loir-et-Cher où j’habite. Par la magie d’internet, je découvre l’existence d’une association « Les Amis de Compostelle de Tours » dans le département voisin de l’Indre-et-Loire. J’envoie donc un mail avec de nombreuses questions, concernant notamment la sécurité. Par exemple, je veux savoir si un groupe va partir et si je peux m’y intégrer, si le chemin est bien balisé. Enfin des questions de novice ! Partir me semble comporter tellement de risques.

En guise de réponse, on m’informe non sans humour que « le chemin se fait seul, c’est une démarche personnelle, toutes les personnes qui sont parties sont revenues » Ah ! C’est déjà ça.

Durant les fêtes de fin d’année, j’annonce aux enfants que je me prépare à partir seule à Compostelle. Il n’y a pas trop de réactions, mais j’imagine qu’ils se posent beaucoup de questions « Maman est folle ! Va-t-elle bien ? Partir seule à son âge ? ». J’appris ce jour-là que notre fils Emmanuel et sa femme Cécile avaient eux aussi ce désir de partir.

Lors des rencontres mensuelles des Amis de St Jacques à Tours en janvier

Au cours du mois de janvier, je rencontre de nombreuses personnes qui ont fait le chemin soit en une seule fois soit en plusieurs étapes ou qui sont en train de le faire. J’écoute chacun et tous me racontent

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leur bonheur d’être partis ; les rencontres et l’accueil qui leur est réservé sur le chemin sont pour eux des moments inoubliables, même si beaucoup évoquent les difficultés, le mal aux pieds et les marches sous une chaleur accablante ou sous la pluie. Durant cette soirée, je fais la connaissance de Marie-Claire et de Philippe qui habitent à quelques kilomètres de chez moi. Ils ont choisi de faire le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle en quatre étapes. Simone, une autre adhérente de l’association, me raconte qu’après avoir parcouru seule la voie de Tours, elle a fait le chemin de Vézelay puis d’autres randonnées en solitaire. Tous ces témoignages sont pour moi le déclic.

Quelques jours plus tard, lors d’une fête dans mon village, je parle de mon projet de partir à mes voisins, Pascal et Guylaine. Je suis surprise d’apprendre qu’ils sont en train de faire le chemin par petites étapes chaque année. Leurs visages sont tellement radieux quand ils en parlent, ils sont enthousiasmés par les rencontres. Quelle coïncidence !! Je les écoute avec passion. Tous ces témoignages me confortent dans l’idée que c’est seule que je dois partir.

Encore faut-il que je me prépare mentalement et physiquement. Je dois marcher beaucoup. Le titre d’un livre me reviens sans cesse en mémoire « Marche et le silence te parlera » de Jean-Claude Morchouane, un Blésois qui a rallié seul en deux étapes St-Jacques-de-Compostelle à partir du Puy-en-Velay.

Pour moi c’est nouveau, je n’ai jamais marché

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seule. En suis-je capable ? Je pratique régulièrement le footing et le vélo, je n’ai donc pas d’inquiétude sur mon endurance. Mais, c’est tout ce que je connais de moi. Serais-je capable de supporter la solitude ? Serais-je en bonne compagnie avec moi-même ? autant que ce soit en bonne compagnie. Aurais-je la force morale de supporter les aléas du chemin, la pluie, la chaleur ou le froid ? Ou encore mes baisses de moral et toutes ces peurs qui me tétanisent, peur de l’agression par exemple. Mon projet paraît incompris, ceux à qui j’en parle me disent souvent « Tu pars sans ton mari ? Tu pars vraiment toute seule ?… Tu n’as pas peur de marcher toute seule ? C’est dangereux ! Tu n’as pas peur de t’ennuyer ? ». Je m’inscris à des cours de self-défense au féminin, car j’ai besoin de prendre confiance en moi. C’est normal d’avoir peur, la peur n’est pas forcement négative, c’est aussi un moyen d’avancer, de se surpasser. « Bats toi ou prends la fuite ». La peur révèle nos faiblesses, mais peut aussi ouvrir à l’illumination intérieure. Après ces différentes démarches, plus rien ne peut m’empêcher de partir.

Il me faut décider d’une date rapidement. Le printemps me paraît être une bonne saison, c’est le renouveau de la nature, les conditions météorologiques sont souvent meilleures, les jours sont plus longs. Comme je marche beaucoup l’hiver, au printemps je suis au mieux de ma condition physique. L’été, il fait trop chaud. A l’automne, la fatigue du travail de la

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saison touristique s’est accumulée, la gestion des chambres et tables d’hôtes nécessitant une bonne organisation. Pour cette première expérience de marche en solitaire, j’envisage de partir une dizaine de jours. Cela me semble bien : trop court pour sentir les effets de la marche, aux dires des personnes qui ont déjà fait le chemin de Compostelle, et assez long pour découvrir la marche en solitaire.

Partir de Tours est pour moi une évidence alors que beaucoup de pèlerins partent du Puy-en-Velay, le plus beau chemin dit-on ! C’est aussi le plus fréquenté. Mais je ne pars pas dans l’esprit de faire de la randonnée ni pour la beauté des paysages ! Il me semble qu’il y a autre chose à découvrir, même si je ne sais pas encore ce que c’est. J’entrevois une autre façon de me mettre en chemin. Je suis de plus en plus à l’aise lors des marches que je fais seule, et j’y prends plaisir. Cela me convainc que je peux partir seule. Si quelqu’un me propose « je pars avec toi », je lui répondrai que « je veux vivre cette expérience seule ».

Le chemin se serait-il imposé à moi de la même façon si Jean-Yves n’avait pas eu cet accident ? Bien d’autres questions me taraudent. Pourquoi partir à Compostelle ? Que vais-je y trouver ? Qui vais-je y rencontrer ? Partir pour chercher quoi ? Je pourrais faire mon chemin intérieur en restant chez moi, car nous sommes tous pèlerins sur cette terre. Certes, mais j’éprouve le besoin de cheminer vraiment, c’est un véritable tiraillement. C’est comme si quelqu’un me

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guidait, me prenait par la main pour m’emmener pas à pas.

Je marche et je marche encore, physiquement et aussi beaucoup dans ma tête… La marche devient une nécessité et un plaisir grandissant. J’ai en moi l’envie de toujours pousser plus loin mes découvertes.

Près de chez moi, j’emprunte des chemins que je ne connaissais pas. Je peux choisir ce chemin-ci ou ce chemin-là. Je vois les villages sous un autre angle. Et cela me donne l’impression d’être loin, ailleurs… Il y a toujours quelque chose à découvrir selon les saisons. C’est une nouvelle forme de liberté intérieure qui commence à naître en moi. Je peux dire qu’entre la forêt de Marchenoir et la Loire, d’Orléans à Tours, les chemins n’ont maintenant plus aucun secret.

Vient le moment de préparer mon sac. Avec l’expérience des vacances en vélo et les treks, je pense que ce sera facile. La règle d’or à observer est la même : emmener le minimum, faire le bon choix de ce qu’il faut emporter. Je ne m’étais jamais souciée du poids car au cours des treks en groupe, nos bagages étaient transportés ou je les traînais dans une remorque derrière mon vélo, ce qui est complètement différent. Mais là, je serai seule à porter mon sac. Je ne réalise pas ce que cela implique, je décide donc de faire un test grandeur nature en faisant une étape d’Orléans à Beaugency, soit 29 km avec un sac de 11 kg sur le dos.

Un beau dimanche de mars, Jean-Yves, qui conduit encore difficilement, tient quand même à me

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conduire à la gare de Mer, non loin de chez nous. Arrivée à Orléans, je me dirige vers la Loire, sur le chemin qu’empruntent traditionnellement les pèlerins venant du Nord. La nature commence à s’éveiller, les joggeurs transpirent à grosses gouttes, les vététistes font leur sortie dominicale. Les familles sont là avec leurs enfants, profitant de cette belle journée printanière. Tout est zen.

A midi, j’arrive à La-Chapelle-St-Mesmin. Les cloches sonnent à tue-tête, c’est la sortie de la messe. L’église empiète sur le chemin. Les personnes qui sortent de l’église me souhaitent bon voyage, me demandent d’où je viens, où je vais, ou me regardent un peu bizarrement. Cela me fait chaud au cœur, mais je n’ai pas le temps de musarder, Beaugency est encore loin.

Marcher me donne faim. Je dévore mon pique-nique comme si je n’avais pas mangé depuis la veille. La deuxième partie de la journée se passe agréablement, même si des petites douleurs se manifestent : j’ai mal aux mollets, aux genoux, aux chevilles… L’arrivée à Beaugency est très pénible. J’ai mal à ne plus pouvoir mettre un pied devant l’autre, au grand étonnement de mon mari. Quand il vient me chercher, il se demande ce qui m’arrive. J’ai probablement marché trop vite, sans tenir compte du poids du sac. Je dois apprendre cela aussi : marcher avec le poids du sac sur le dos. Malgré tout, je suis contente de moi. J’ai réussi.

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Le dimanche suivant, j’enchaîne une nouvelle expérience avec l’étape Amboise-Tours, environ 30 km. C’est un chemin que je ne connais pas, et comme je pense qu’il est important pour moi d’apprendre à lire un plan, je pars avec un topo-guide. La sortie d’Amboise est un peu difficile, parce ce que j’ai des difficultés à me repérer en ville. Mais la suite du parcours est bien fléchée, à mon grand soulagement. Si tout le long du chemin est aussi bien balisé, ce sera parfait !

Je rencontre beaucoup de monde dont une famille composée de trois générations de marcheurs, tous passionnés par le Chemin. Nous échangeons quelques mots car ils sont intéressés par mon projet.

Je suis arrivée à Tours sans être fatiguée, sans ressentir de douleur. Je suis enthousiasmée par cette nouvelle réussite. « C’est super ! »

Faire son sac ou comment partir léger

Je vais suivre les précieux conseils de Jean-Luc, membre très actif de l’association des Amis de Compostelle de l’Indre-et-Loire chez qui je dois faire étape le deuxième soir. Pas de doute, mon sac est trop lourd. J’enlève, je remets. Qu’est-ce qui est le plus important ? Ce pantalon ou cet autre ? Je choisis tout ce qui est le plus léger. Suis-je prête à me démunir du superflu ? Partir avec peu m’angoisse. Ce n’est pas comme à vélo où je peux emmener quand même plus de choses. Très vite mon sac de 60 litres s’avère trop

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grand. Je prends la décision d’en acheter un de 50 litres pour diminuer au maximum le poids du sac. Là je ne suis pas tentée de mettre des choses inutiles ! Je défais, je refais, j’enlève parfois à regret un vêtement que j’aime bien. Je garde l’idée que, peut-être, je pourrais le remettre dans le sac. Ce sont des questions qui semblent très terre-à-terre mais qu’il est indispensable de se poser avant un périple comme celui que je vais faire.

J’économise presque deux kilos en changeant de sac. Voici l’inventaire : 2 pantalons : j’en enlève un et je garde le plus léger 2 pantacourts : j’en enlève un 2 tee-shirts manches courtes Je sors du sac le tee-shirt à manche longue Je ne garde que deux paires de chaussettes sur les trois initialement prévues. 1 polaire indispensable 1 pyjama ultra léger Un slip et un soutien-gorge de rechange 2 petites serviettes de toilette en micro fibre légères Des guêtres 1 cape de pluie 1 coupe-vent 1 paire de chaussures légères, nécessaire pour le repos des pieds.

Ma trousse de toilette comporte : 1/2 savon ; 25 cl de shampoing et autant de gel douche ; 1/2 tube de dentifrice ; 1 petit tube de crème hydratante pour le

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visage et les mains et 1 stick pour les lèvres (ce sont les parties du corps les plus vulnérables aux agressions du froid et du soleil) ; de la crème solaire ; des mouchoirs jetables ; du papier toilette ; l’indispensable crème pour les pieds ; un traitement homéopathique contre les douleurs ; et des pansements « double peau » pour la protection des pieds contre les ampoules.

Des lunettes de soleil Un appareil photo prêté par ma fille Lœtitia, plus

léger et moins encombrant que le mien. J’emporte également le topo guide du GR 655 Une carte routière Un carnet de route dont j’ai retiré la couverture

cartonnée, un stylo. Une carte de crédit et un peu d’argent. Je table sur

dix ou vingt euros par jour. Mon sac arrive à un poids de 7 kg, ce qui est plutôt

bien. Cette liste est susceptible d’être modifiée, et il me reste à ajouter quelques réserves alimentaires et de l’eau.

Je demande à chacun de mes petits-enfants (les plus grands) de décorer une coquille, l’emblème des pèlerins de St Jacques de Compostelle. Chacun écrit son prénom et un petit message : « Bonne marche Mamie », « Bonne marche Mamie que j’aime à la folie ». J’accroche ainsi cinq coquilles à mon sac, ce qui vient alourdir le poids de quelques centaines de grammes mais qui allège mon cœur de bonheur.

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Dimanche 18 avril

Le temps est magnifique. C’est un weekend où je n’ai pas de réservation ce qui me laisse la disponibilité de tenter une nouvelle expérience. Je voyage en train jusqu’à Blois pour faire le chemin du retour à pied, soit 28 km. En sortant de la gare, je m’aperçois que l’hôtel qui se trouve en face s’appelle le Saint-Jacques, ce que je n’avais jamais remarqué auparavant. Je m’apprête à prendre la direction de la Loire quand j’entends sonner les cloches de l’église St Nicolas. Je décide de prendre le temps d’assister à la messe de 9h30. Durant le petit quart d’heure d’attente avant le début de la cérémonie, les orgues se mettent en action. Je me laisse envahir par une paix intérieure.

A la sortie, de nombreuses personnes viennent me parler. Toutes sont curieuses de savoir d’où je viens, me pressent de questions. Je peine à leur dire que je suis venue de chez moi en train, que c’est une période d’essai et que je rentre à pied ! Des femmes me racontent leur expérience du chemin. L’une d’elles me dit qu’elle est partie seule, le portail de sa maison pour point de départ. Elle m’encourage très fortement à partir m’assurant que je ne le regretterai pas. C’est quand même un signe toutes ces rencontres !!

C’est la première journée de l’année qu’il fait si chaud. Il me faut trouver mon rythme dans cette ville de Blois que je connais très bien. Jusqu’à présent, je m’y rendais toujours dans un but bien précis et

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généralement j’étais trop pressée pour prendre le temps de la regarder. Aujourd’hui, je la découvre autrement. Je choisis le côté sud de la Loire pour rejoindre la gare de Mer où j’ai laissé ma voiture. Quelle belle vue de ce côté, avec le château qui domine la ville ! Les rois de France ont eu raison de venir s’y installer. Ils nous ont laissé un patrimoine admirable.

Je me mets à la place des touristes qui découvrent cette ville. Quel panorama !!! La cathédrale, l’église Saint-Nicolas, la mairie avec les jardins de l’évêché qui se distinguent de ce côté-ci…

Pour gagner Tours, les pèlerins venant du nord passant à Paris ont la possibilité de prendre la voie de Chartres et passer par Vendôme au nord du département du Loir-et-Cher ou passer par Orléans et Blois. Ils ont alors la Loire comme guide. Les rives droite ou gauche ont été aménagées de pistes cyclables, sans que cela soit une gêne pour le marcheur. Je ne saurais dire quelle rive de la Loire je préfère. Je reste toujours fascinée par les paysages et les villages qui la bordent, et notamment le château de Ménard. J’apprécie la pause déjeuner face au village de Cour-sur-Loire. Que c’est beau !

Le soleil est de plus en plus chaud. Soudain, dans le fossé, au milieu d’un tas des branchages provenant d’arbres taillés probablement quelques jours plus tôt, mon regard s’arrête sur une branche en particulier. Je crois reconnaître que c’est celle-ci, parmi toutes les

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autres qui pourra m’être utile pour effectuer mon long chemin vers Compostelle. C’est cette branche et pas une autre. Je l’adopte tout de suite. Je la mets à l’abri des regards dans un fourré tout proche, pour ne pas prendre le risque que quelqu’un d’autre la prenne… Je reviendrai la chercher en voiture. C’est ce que je fais dès que j’arrive à Mer.

A mon retour à la maison, Ange, un de mes petits-fils de 5 ans, est à la maison. Ensemble, nous entreprenons de dépouiller la branche de son écorce puis d’enlever les nœuds pour éviter que je ne me blesse. Il est à peine nécessaire de la poncer, tant le bois blanc est naturellement doux. Quelle partie de la branche vais-je garder ? La partie haute est trop fine, la partie basse trop épaisse. Je choisis donc la partie centrale. Le bâton terminé mesure 1m90. Ah quel beau bâton !! Jean-Yves le trouve un peu encombrant. Je pense pourtant qu’il a une bonne hauteur : c’est un vrai bâton de pèlerin, j’en ferai mon bourdon. C’est avec une certaine émotion que je le tiens. Je le sens déjà vibrer dans ma main. Mais suis-je prête à laisser de côté mes deux bâtons de marche, objets sans âme auxquels je suis pourtant habituée ? Marcher avec un seul bâton me pose question. J’ai encore le temps de réfléchir, je verrai cela dans un mois au moment du départ. En attendant, je dois encore personnaliser le bâton, y apporter un peu de moi pour qu’il devienne vraiment mon bourdon.

Mon sac est prêt. Je ne touche plus à rien. Dans

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ma tête je suis déjà partie. Il me reste encore un mois à attendre. Je ne peux pas accélérer le temps, quel dommage !

Mercredi 26 avril

Je n’ai plus rien à faire ni à penser, je suis prête. Ou du moins si, j’ai beaucoup de travail avec les chambres d’hôtes car la saison touristique commence. Séverine est là pour m’aider. Tout roule…

Samedi 22 mai

Le départ est dans 2 jours et je suis très inquiète car la météo annonce de grosses chaleurs pour lundi et mercredi. Et ce qui me préoccupe surtout, c’est l’annonce de la pluie et des orages violents prévus pour la journée de jeudi.

J’ai pensé à beaucoup de choses, mais pas aux conditions météorologiques. Partir seule me semblait déjà un grand saut dans l’inconnu, alors gérer le parcours sous la pluie et l’orage me devient tout à coup insurmontable. Mais je me suis vite ressaisie : ce n’est pas la pluie et l’orage qui vont m’arrêter. Je suis bien décidée, je pars comme prévu. Je surmonterai mon appréhension.

Malgré ma détermination, une pensée m’obsède, me fait douter. Pourquoi partir ? A quelques jours de mon départ, l’ambiance familiale est électrique : mon fils David est inquiet pour les moissons, en cette année de sécheresse intense. De plus, toutes les chambres

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d’hôtes ont été réservées par des clients qui heureusement ils n’ont pas commandé de repas mais demain toutes les chambres seront à refaire.

Et les bulletins de météo ne sont pas faits pour me rassurer. Il n’est pas facile de m’arracher de mon quotidien. Tout cela concourt à me faire douter.