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Note de haut de page : LA SENSIBILITE A L'ANXIETE
La sensibilité à l'anxiété, une synthèse
Martine CHABOTEAUX*, Muriel DELVAUX**, Anne-Marie
ETIENNE**
* Licenciée en psychologie **Docteur en psychologie
Université de Liège Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education
Département des Sciences Cognitives Unité de Thérapies Comportementales
Boulevard du Rectorat B33 4000 Liège
Mots-clés : sensibilité à l'anxiété, trouble panique
La sensibilité à l'anxiété 2
Résumé
Cet article fait une recension de la littérature concernant le concept de sensibilité à l'anxiété,
i.e. la peur des sensations corporelles liées à l'anxiété. Après une définition de la sensibilité à
l'anxiété et l'exposé des principaux modèles théoriques existants, les méthodes de mesure
seront abordées. Ensuite, nous examinerons la comorbidité entre la sensibilité à l'anxiété et les
troubles anxieux, plus spécifiquement le trouble panique, ainsi qu'entre la sensibilité à
l'anxiété et l'hyperventilation, la dépression et les problèmes de santé chroniques. Enfin, les
avantages du traitement de la sensibilité à l'anxiété seront considérés et nous terminerons par
quelques perspectives de recherches.
La sensibilité à l'anxiété 3
Anxiety sensitivity, a synthesis
This article makes a literature's overview about the concept of anxiety sensitivity, i.e. fear of
anxiety sensations . After the definition of anxiety sensitivity and description of the main
theorical models, methods of measurement will be shown. Then, the comorbidity between
anxiety sensitivity and anxiety disorders, more specifically panic disorder, as well as between
anxiety sensitivity and hyperventilation, depression and chronic health disorders will be
examined. At last, the treatment of anxiety sensitivity's benefits and some research
perspectives will be considered.
Key words : anxiety sensitivity, panic disorder
La sensibilité à l'anxiété 4
La sensibilité à l'anxiété est une variable individuelle, constituée par la croyance que le
fait d'éprouver de la peur ou de l'anxiété peut avoir des effets négatifs, en provoquant une
maladie, de l'embarras ou en accroissant l'anxiété.
La sensibilité à l’anxiété a attiré l’intérêt d’un grand nombre de chercheurs et de
cliniciens depuis 1980. En effet, elle jouerait un rôle dans l’étiologie et le maintien de troubles
anxieux, mais aussi, dans d’autres troubles cliniques tels que la dépression, la douleur
chronique, les abus de substance,… Son traitement constituerait donc un ingrédient non
négligeable dans la thérapie des différents troubles où elle intervient (McNally, 1999).
Il est intéressant d'évaluer les variables qui peuvent agir comme facteur prédisposant
pour le développement et le maintien des troubles anxieux, essentiellement les attaques de
panique spontanées et le trouble panique.
Reiss & McNally (1985) ont défini la sensibilité à l’anxiété comme étant la peur des
sensations corporelles liées à l’anxiété. Cette peur serait issue de croyances selon lesquelles
ces sensations ont des conséquences somatiques, sociales ou psychologiques néfastes. Ainsi,
une personne qui a une sensibilité à l’anxiété élevée pourrait croire que des palpitations
cardiaques annoncent une crise cardiaque imminente, tandis qu’une personne qui a une
sensibilité à l'anxiété faible considérerait plus probablement ces palpitations comme quelque
chose de simplement désagréable (McNally, 1999). La sensibilité à l’anxiété se réfère donc
aux différences individuelles concernant la peur des symptômes somatiques de l’anxiété,
celle-ci étant basée sur les croyances que ces symptômes ont des conséquences néfastes.
Modèles théoriques
Selon McNally (1999), la recherche sur la sensibilité à l’anxiété s’inscrit dans les
travaux sur la peur de la peur, actuellement regroupés selon trois conceptualisations
La sensibilité à l'anxiété 5
théoriques principales. Premièrement, le conditionnement intéroceptif pavlovien (Goldstein &
Chambless,1978) explique la peur de la peur de la manière suivante : un signal interne (une
sensation physique dans ce cas) devient le stimulus conditionnel de la réponse conditionnelle
panique. Par exemple, la dyspnée peut devenir un stimulus qui conditionne des attaques de
panique. Deuxièmement, selon la théorie de l’interprétation catastrophique des sensations
corporelles (Clark, 1986), les attaques de panique résultent d’interprétations erronées et
catastrophiques de certaines sensations corporelles. La peur de l’anxiété serait en fait la
conséquence d’une interprétation erronée, en termes de danger, des sensations corporelles
induites par un état anxieux. Enfin, la sensibilité à l’anxiété (Reiss & McNally, 1985)
constitue la conceptualisation la plus moderne de la peur de l’anxiété. Il s'agit de la croyance
que les symptômes d'anxiété peuvent eux-mêmes avoir des conséquences dommageables.
Par ailleurs, la distinction entre ces différents concepts n’est pas toujours claire dans la
littérature. En effet, certains ouvrages et articles utilisent ces termes de façon interchangeable
alors que la sensibilité à l’anxiété est une théorie de la peur de l’anxiété. Le modèle explicatif
de la panique par l'interprétation catastrophique de sensations corporelles postulé par Clark
(1986) est proche de la théorie de la sensibilité à l’anxiété mais il est important de distinguer
ces deux modèles. En fait, bien que les personnes avec un haut niveau de sensibilité à
l’anxiété aient spécialement tendance à interpréter des sensations corporelles d’une façon
catastrophique, elles n’interprètent pas nécessairement les battements rapides du cœur comme
une crise cardiaque. Ces personnes peuvent parfaitement savoir que c’est l’anxiété qui cause
ces sensations mais croire que celles-ci peuvent mener, par exemple, à une crise cardiaque. De
plus, dans la théorie de Clark, les sensations corporelles, qui sont mal interprétées, ne
proviennent pas nécessairement de l’anxiété (Rachman & Maser, 1988).
Cox (1996) a, quant à lui, essayé d’intégrer les deux modèles. En effet, pour cet
auteur, la sensibilité à l’anxiété remédie à une faiblesse de la théorie de Clark : le manque
La sensibilité à l'anxiété 6
d’un trait mesurable qui prédispose certains individus à interpréter les sensations de façon
catastrophique. Sa théorie peut être résumée par la formule qu’il a élaborée :
Trait multidimensionnel X déclencheur congruent = attaque de panique
(évalué par l’Anxiety Sensitivity Index) (+ cognitions catastrophiques état)
Figure I Modèle explicatif de l'attaque de panique (Cox, 1996).
Dans ce modèle, Cox considère la sensibilité à l’anxiété comme un trait
multidimensionnel. Ce trait serait une prédisposition cognitive à la panique et il pourrait être
évalué par un questionnaire de sensibilité à l’anxiété. Étant donné qu’une étude a suggéré
qu’il y a plusieurs types de panique (Cox, Endler, Swinson, & Norton,1994), Cox propose que
différentes vulnérabilités existent à un niveau d’ordre inférieur et qu’à un niveau supérieur,
elles peuvent représenter un style catastrophique plus général. Théoriquement, dans le
processus de la mauvaise interprétation catastrophique, ces traits spécifiques seraient activés
par des situations/stimuli congruents et ils seraient caractérisés par des cognitions
catastrophiques congruentes. Les stimuli congruents sont soit internes, soit externes et ils
doivent être liés thématiquement avec les traits.
Un autre concept est aussi très proche de la sensibilité à l’anxiété. Il s’agit de
l’anxiété-trait. McNally (1989, 1996) a clarifié les différences qui existent entre ces deux
constructs. Tout d’abord, l’anxiété-trait reflète une tendance générale à répondre de façon
anxieuse aux stresseurs tandis que la sensibilité à l'anxiété est une tendance spécifique à
répondre de manière anxieuse aux symptômes de l’anxiété. L'auteur a ajouté que la sensibilité
à l'anxiété repose sur des croyances selon lesquelles les symptômes ont des conséquences
néfastes. La première différence se situe donc au niveau de la définition des deux concepts.
De plus, Reiss (1997) précise que les deux constructs utilisent des prédicateurs différents pour
prédire l’anxiété à venir. L’anxiété-trait se réfère aux expériences anxieuses du passé tandis
La sensibilité à l'anxiété 7
que la sensibilité à l’anxiété se sert des croyances sur les conséquences des symptômes de
l’anxiété.
Une seconde distinction concerne le domaine empirique. Pour étayer ce fait, McNally (1999)
s’est référé aux analyses additionnelles qu’Holloway & McNally (1987) ont réalisées dans le
cadre d’un article expérimental. Ces auteurs ont trouvé que, bien que les deux constructs
soient corrélés, la sensibilité à l'anxiété est plus fortement reliée à l’anxiété qui suit une
hyperventilation (c’est-à-dire une ventilation excessive) et aux sensations liées à celle-ci que
l’anxiété-trait.
La troisième distinction est en rapport avec la signification nosologique des deux concepts. En
effet, les patients qui ont un trouble d’anxiété généralisée et ceux qui souffrent d’un trouble
panique sont différenciables par la sensibilité à l'anxiété mais pas par l’anxiété-trait (McNally,
1989). De plus, Reiss (1997) ajoute que les deux constructs utilisent des indicateurs
différents pour prédire l'anxiété future. L’anxiété-trait se réfère aux expériences anxieuses du
passé tandis que la sensibilité à l’anxiété se sert des croyances anxieuses. Par ailleurs, les
travaux de Taylor et al. (1991 et Sandin et al.(2001) concluent aussi que l’anxiété-trait et la
sensibilité à l’anxiété sont deux constructs distincts après avoir proposé une version espagnole
de L’Anxiety Sensitivity Index (ASI, Reiss, Peterson,Gursky, & McNally, 1986) et du State-
Trait Anxiety Inventory, Trait Form (Spielberger, Gorsuch & Lushene, 1983) à 390 étudiants
de l’université de Madrid.
Tous les auteurs ne sont pas d’accord avec ces distinctions entre les deux constructs.
En effet, Lilienfield, Jacob et Turner (1989) ont mis en doute la distinction conceptuelle et
empirique entre les deux concepts. Pour ces auteurs, l’ASI (l’Anxiety Sensitivity Index, Reiss,
Peterson, Gursky, & McNally, 1986), questionnaire le plus communément utilisé pour évaluer
la sensibilité à l'anxiété (cfr infra) mesure simplement l’anxiété-trait.
La sensibilité à l'anxiété 8
La littérature reflète la large controverse qui s’est engagée entre les tenants d’une
différenciation des concepts (McNally, 1989,1996 ; Reiss, 1997 ; Taylor, 1995) et ceux pour
lesquels le construct et la mesure de la sensibilité à l’anxiété ne se distinguent guère du
construct et de la mesure de l’anxiété-trait (Lilienfield et al., 1989, 1993). A l’heure actuelle,
un consensus concernant la distinction conceptuelle et empirique entre ces deux concepts
émerge. Lilienfield, Turner, et Jacob (1993) ont proposé une relation hiérarchique entre la
sensibilité à l’anxiété (en tant que peur fondamentale) et l’anxiété-trait. Le premier construct
serait un facteur d’ordre inférieur et refléterait une tendance spécifique à réagir de façon
anxieuse aux symptômes de peur tandis que le deuxième serait d’ordre supérieur et se
rapporterait à une tendance générale à répondre aux stresseurs d’une façon anxieuse. A partir
d’une ré-analyse des données obtenues antérieurement sur 100 sujets, Taylor (1995) semble
se rallier à ce modèle hiérarchique.
En bref, la sensibilité à l’anxiété est la peur des sensations liées à l’anxiété qui
provient de croyances selon lesquelles ces sensations ont des conséquences néfastes. Elle
représente une des trois conceptualisations qui tentent d'expliquer la peur de la peur. Aussi,
elle est à distinguer de l’anxiété-trait.
Mesures
Avant de parcourir la littérature traitant de la relation entre la sensibilité à l’anxiété et
les différents troubles émotionnels, il est important de se familiariser avec les divers outils
que les auteurs ont utilisés pour évaluer la sensibilité à l’anxiété ou, comme l’appellent
certains auteurs, la peur de la peur. Les échelles les plus usitées sont l’Anxiety Sensitivity
Index (ASI ; Reiss et al., 1986), le Childhood Anxiety Sensitivity Index (CASI ; Silverman,
Fleisig, Rabian & Peterson, 1991), l’Agoraphobic Cognitions Questionnaire (ACQ ;
Chambless, Caputo, Bright & Gallagher , 1984), le Body Sensations Questionnaire (BSQ,
La sensibilité à l'anxiété 9
Chambless et al. , 1984) et le Catastrophic Cognition Questionnaire (CCQ, Khawaja et al.,
1992).
La mesure la plus communément utilisée dans le domaine de la sensibilité à l’anxiété
est, sans conteste, l’Anxiety Sensitivity Index. Cette échelle de 16 items évalue dans quelle
mesure les sensations liées à l’anxiété sont perçues comme effrayantes et catastrophiques dans
leurs conséquences (Peterson & Reiss, 1992). Ses items sont évalués grâce à une échelle de
type Likert à 5 points. En ce qui concerne les propriétés psychométriques, plus de 100 articles
ont démontré la fidélité test-retest, la consistance interne et les validités prédictive et
discriminante de l’ASI (pour une revue, Peterson & Reiss, 1992 ; Reiss, 1991 ; Peterson &
Plenh, 1999). La structure factorielle de l’ASI a fait l’objet d’un débat important au cours de
ces dernières années. En effet, un grand nombre de chercheurs sont arrivés à la conclusion
d’une structure unifactorielle (Reiss et al., 1986 ; Peterson & Heilbroner, 1987, Taylor, Koch,
& Crockett, 1991 ; Taylor, Koch, McNally, & Crockett, 1992). Par contre, d’autres ont
argumenté l’idée d’une structure multifactorielle comprenant tout au plus 4 facteurs (Cox,
Parker, & Swinson, 1996 ; Taylor, Koch, Woody, & McLean, 1996). Par exemple, les 3
facteurs identifiés dans l’étude de Taylor et al. (1996) sont la peur des symptômes
observables en public, la peur de perte de contrôle cognitif et la peur des sensations
corporelles.
D’autres études ont été entreprises dans cette perspective. Elles utilisaient des échelles
qui contiennent un nombre plus important d’items. Taylor et Cox (1998) ont construit deux
nouveaux outils de mesure. Tout d’abord, ils ont mis au point l’Anxiety Sensitivity Profile
(ASP) qui compte 60 items. Ils ont suggéré que la sensibilité à l’anxiété est le produit d’un
facteur général, avec les contributions indépendantes de 4 facteurs spécifiques : la peur des
symptômes respiratoires, la peur de perdre le contrôle cognitif, la peur des symptômes gastro-
intestinaux et la peur des symptômes cardiaques. Ensuite, Taylor et Cox ont développé l’ASI-
La sensibilité à l'anxiété 10
R (Anxiety Sensitivity Index Revised). L’ASI-R a été développé sur base de l’ASI. En effet, il
utilise les mêmes consignes et le même format que l’ASI. Il rassemble 36 items dont 10 ont
été repris de l'outil original. Les auteurs ont trouvé la même structure hiérarchique de la
sensibilité à l’anxiété mais les facteurs spécifiques sont différents. Ils sont au nombre de 4 : la
peur des symptômes respiratoires, la peur des réactions anxieuses publiquement observables,
la peur des symptômes cardio-vasculaires et la peur de perdre le contrôle cognitif.
Bien que les conclusions des auteurs soient importantes pour la conceptualisation
théorique de la sensibilité à l'anxiété, l’ASP ainsi que l’ASI-R doivent être l’objet de
nouvelles recherches afin d’évaluer leur validité, leur fidélité et de confirmer leur structure
factorielle.
Le Childhood Anxiety Sensitivity Index (CASI ; Silverman, Fleisig, Rabian &
Peterson, 1991) est quant à lui une échelle de type likert à quatre points utilisée dans les
études évaluant la sensibilité à l’anxiété chez les enfants. Ses 16 items correspondent aux 16
items de l’ASI. Ceux-ci ont été simplifiés afin d’être compris par les enfants. La structure
factorielle de la sensibilité à l'anxiété évaluée par le CASI est hiérarchique. Le facteur d’ordre
supérieur correspond à la sensibilité à l’anxiété et il y aurait 3 ou 4 facteurs d’ordre inférieur.
Les facteurs d’ordre inférieur sont la peur des stimuli physiologiques (fear of physiological
arousal), la peur de perte de contrôle et de l’évaluation sociale (fear of losing control and
social evaluation), la peur de l’incapacité mentale (fear of mental incapacity). Selon le modèle
à 3 ou 4 facteurs, la peur de la perte de contrôle et de l’évaluation sociale sont considérés
comme des facteurs distincts ou non (Muris, Schmidt, Merckelbach & Schouten, 2001).
Avant la naissance de l’ASI, Chambless et al. (1984) ont développé deux mesures de
la "peur de la peur".
La sensibilité à l'anxiété 11
D’une part, l’ACQ a été construite dans le but d’évaluer les croyances à propos des sensations
d’anxiété. Elle contient 14 items qui évaluent à quelle fréquence les personnes font
l’expérience des 14 pensées citées lorsqu’elles sont anxieuses. Cet outil est composé de 2
sous-échelles : l’une évalue les inquiétudes physiques et l’autre les inquiétudes
sociales/comportementales.
D’autre part, le BSQ est plutôt une mesure des peurs de 17 sensations corporelles liées à
l’anxiété. Elle serait quant à elle unifactorielle (Arrindell, 1993) vu sa grande consistance
interne (Chambless et al., 1984). Chambless et al. (1984) et Arrindell (1993) ont reporté des
corrélations modérées entre eux, ce qui est consistant avec le modèle hiérarchique de la
sensibilité à l'anxiété.
A propos de cette structure factorielle, Chambless, Beck, Gracely et Grisham (2000)
ont mis en évidence 4 facteurs lorsque l’analyse factorielle prenait en l'ACQ et le BSQ
simultanément : les symptômes et les pensées relevant du domaine cardio-vasculaire,
neurologique, gastro-intestinal, et des systèmes de contrôle comportemental. De plus, leur
étude a montré une association entre ces 2 mesures et donc, entre la peur des sensations
physiques anxieuses et la mauvaise interprétation cognitive de ces symptômes (ce qui
constitue un argument supplémentaire pour la théorie cognitive de la panique de Clark qui
explique les attaques de panique par une interprétation catastrophique des sensations
corporelles).
En ce qui concerne la relation entre l’ASI et l’ACQ/BSQ, Asmundson, Norton,
Lanthier, et Cox (1996) ont administré ces 3 échelles à un échantillon d’étudiants, scindé en
deux selon que ces personnes avaient déjà fait l’expérience d’attaques de panique ou non. Ils
ont trouvé des corrélations modérées entre ces 3 tests, ce qui suggère que l’ASI et
l’ACQ/BSQ ne mesurent pas la même dimension. De plus, l’ASI est la meilleure variable
discriminante entre les deux groupes.
La sensibilité à l'anxiété 12
Troubles associés
Nous allons examiner la comorbidité entre la sensibilité à l'anxiété et les troubles anxieux,
plus spécifiquement le trouble panique, ainsi qu'entre la sensibilité à l'anxiété et
l'hyperventilation, la dépression et les problèmes de santé chroniques.
Sensibilité à l’anxiété et troubles anxieux
Schmidt, Lerew, et Joiner (2000) citent quatre théories qui tentent d’expliquer la
relation entre la sensibilité à l’anxiété et les troubles émotionnels. Tout d’abord, ils citent le
modèle de la prédisposition (Predisposition model) selon lequel la sensibilité à l’anxiété est
un facteur de vulnérabilité. Ce facteur joue un rôle causal dans le développement du trouble
(Clark, Watson, & Mineka, 1994).
Une deuxième théorie, celle de la pathoplastie (Pathoplasty model) postule que la sensibilité à
l’anxiété affecte l’évolution et l’expression du trouble. Par exemple, différents niveaux de
sensibilité à l'anxiété peuvent prédire différentes constellations de symptômes cliniques parmi
des patients atteints d’un trouble panique (Bates & Schmidt, 1998).
La théorie du spectre ou de la continuité (Spectrum or Continuity model), quant à elle,
soutient que le facteur de vulnérabilité (la sensibilité à l'anxiété) et le trouble reflètent un
même problème sous-jacent.
Enfin, Schmidt et al. (2000) citent le modèle de la peur ou de la complication (Scar or
Complication model) selon lequel le trouble affecte le facteur de vulnérabilité, la sensibilité à
l’anxiété. En effet, ils ont trouvé que l’expérience d’une attaque de panique ainsi que des
symptômes anxieux induits par des stresseurs généraux contribuent à augmenter le niveau de
la sensibilité à l’anxiété.
La sensibilité à l'anxiété 13
Il est évident que ces modèles ne sont pas exclusifs et qu’ils peuvent donc se
compléter pour expliquer la relation entre la sensibilité à l’anxiété et les différents troubles
émotionnels. Par exemple, la sensibilité à l'anxiété peut induire le développement d’un trouble
anxieux (Predisposition Model), affecter l’expression de cette anxiété (Pathoplasty model) et
en retour être influencée par le trouble anxieux (Scar model). Il semble en tous cas qu’il existe
un cercle vicieux entre la sensibilité à l’anxiété et les troubles anxieux (Schmidt et al., 2000).
Trouble panique
Lorsque l’expectancy theory de Reiss a été proposée, certains pensaient que la peur de
l’anxiété était une conséquence des attaques de panique (Goldstein & Chambless, 1978). Par
contre, la théorie de Reiss implique que la sensibilité à l’anxiété puisse précéder les attaques
de panique et être un facteur de risque pour les troubles anxieux et les attaques de panique en
particulier (Reiss & McNally, 1985, Reiss, 1987). Cependant, l’idée d’un cercle vicieux va
réconcilier les deux théories. En effet, la sensibilité à l’anxiété augmenterait le risque de faire
une attaque de panique tandis que celle-ci intensifierait la peur des sensations corporelles liées
à l’anxiété. De même, une personne anxieuse devant un stresseur sera d’autant plus anxieuse
si elle a peur des conséquences de son anxiété. Elle subira une anxiété additionnelle à celle de
départ.
Chambless et Gracely (1989), quant à eux, ont utilisé l’ACQ et le BSQ pour mesurer
la peur de la peur chez les patients anxieux. Ils ont trouvé des scores plus élevés chez ceux-ci
par rapport aux sujets contrôles, surtout dans le groupe des sujets agoraphobiques qui font
l’expérience d’attaques de panique.
Ce sont les liens entre la sensibilité à l’anxiété et les attaques de panique (spontanées
ou attendues, cliniques ou non) qui ont été les plus investigués. Plusieurs études peuvent être
citées à ce propos.
La sensibilité à l'anxiété 14
Donnel et McNally (1990) trouvent que les sujets qui ont une sensibilité à l’anxiété élevée
présentent plus souvent une histoire personnelle d’attaques de panique et ont plus de parents
au premier degré avec une histoire de panique que les personnes qui ont une sensibilité à
l’anxiété faible ou moyenne. Cependant, deux tiers des individus ayant des scores élevés à
l’ASI n’ont jamais fait l’expérience d’attaques de panique imprévisibles. Cela suggère aux
auteurs que la peur de l’anxiété peut être acquise d’une autre façon que par l’expérience
directe d’attaques de panique. De plus, vu le nombre de parents au premier degré qui ont fait
l’expérience de telles attaques, les auteurs font l’hypothèse d’une transmission
transgénérationnelle de croyances à propos de la dangerosité des symptômes anxieux. Une
deuxième hypothèse concerne une éventuelle protection des sujets qui reportent un faible
niveau de sensibilité à l'anxiété par rapport aux attaques de panique spontanées.
Cox, Endler, Norton et Swinson (1991) trouvent que les sujets avec une sensibilité à l’anxiété
élevée ont rapporté plus d’attaques de panique (ici non cliniques) que les autres personnes
interrogées. Leurs résultats sont même supérieurs à ceux de l’étude précédente dans le sens où
50 % des sujets (contre 32,4% dans l’autre étude) avec un haut niveau de sensibilité à
l’anxiété ont fait l’expérience d’attaques de panique. De plus, ils ont souligné le fait que les
sujets ayant une haute sensibilité à l’anxiété ont des scores importants d’anxiété trait à propos
de dangers physiques.
Taylor et al. (1991) ajoutent un élément au lien existant entre la sensibilité à l'anxiété et le
trouble panique : lorsque celui-ci est comparé aux autres troubles anxieux, la peur des
sensations corporelles est plus caractéristique du trouble panique que la peur de perdre le
contrôle cognitif et la peur des conséquences sociales.
Pour tester l’hypothèse que la sensibilité à l’anxiété constituerait un facteur spécifique
de vulnérabilité pour le développement d’attaques de panique, Schmidt et al. (1997) ont
interrogé un large échantillon de 1401 jeunes adultes (non cliniques) qui ont été suivis
La sensibilité à l'anxiété 15
pendant cinq semaines de moments hautement stressants. Les résultats indiquent que la
sensibilité à l'anxiété prédirait le développement d’attaques de panique spontanées après avoir
contrôlé l’anxiété-trait et une histoire d’attaques de panique. Cependant, le degré
d’association n’étant pas d’une grande envergure, les auteurs ont proposé qu’il y aurait
d’autres variables en jeu que la sensibilité à l’anxiété. Pour eux, d’autres variables
dispositionnelles (tel que par exemple le locus attentionnel) et leur interaction avec des
facteurs contextuels (comme par exemple la perception de contrôle) devraient être évaluées
dans ce cadre pour élucider davantage la relation entre la panique et les paramètres
psychologiques.
Une autre étude confirme le rôle de la sensibilité à l’anxiété dans le développement
des attaques de panique. Il s’agit de la recherche de Hayward, Killen, Kraemer, et Taylor
(2000) qui ont analysé le rôle de la sensibilité à l’anxiété et de l’affectivité négative dans la
survenue des attaques de panique. Leurs résultats indiquent que la sensibilité à l’anxiété
constitue un facteur spécifique qui augmente le risque d’apparition d’au moins quatre
symptômes des attaques de panique. L’affectivité négative, quant à elle, constitue un facteur
de risque non spécifique pour ces symptômes.
Par ailleurs, Ehlers (1995) a investigué le rôle de la sensibilité à l’anxiété dans le
maintien du trouble panique. Ses résultats indiquent que la sensibilité à l’anxiété est liée à la
persistance du trouble panique chez les « paniqueurs » non traités, et des attaques de panique
spontanées chez les patients qui font l’expérience d’attaques peu fréquentes. De plus, la
sensibilité à l’anxiété a une bonne valeur prédictive du maintien du trouble panique et des
attaques pendant l’année du suivi, dans l’échantillon total. La sensibilité à l’anxiété ne serait
pas uniquement liée à la persistance et à l’apparition des attaques de panique, le construct
serait aussi lié à la rechute des patients. Enfin, il faut signaler que d’autres variables ont des
valeurs prédictives dans l’étude : la perception du rythme cardiaque et l’évitement.
La sensibilité à l'anxiété 16
Une autre étude (Schmidt, Lerew & Trakowski, 1997) a mis en rapport la vigilance
corporelle et la sensibilité à l’anxiété. Une association positive a été décelée entre les deux
troubles. En effet, les auteurs ont trouvé une relation entre la vigilance corporelle, les attaques
de panique spontanées, la symptomatologie anxieuse et la sensibilité à l’anxiété.
Ensuite, le trouble panique et la sensibilité à l’anxiété sont si proches que Cox , Endler
et Swinson (1995) ont trouvé un recouvrement entre les deux troubles. Il concerne la
symptomatologie cognitive du trouble anxieux et la sensibilité à l’anxiété. Donc, la peur des
sensations anxieuses peut être fortement liée à certaines cognitions catastrophiques qui
apparaissent pendant les attaques de panique.
Taylor et al. (1991) ont montré que les patients qui présentent le diagnostic de trouble
panique ont des scores plus élevés à l’ASI que les autres patients anxieux. Ces mêmes auteurs
ont mis en évidence que le trouble panique se différencie des autres types d’anxiété par les
items associés aux interprétations catastrophiques des sensations et des expériences liées à
l’anxiété. Par contre, les items concernant les conséquences sociales de l’anxiété et le contrôle
des émotions ne sont pas distinctifs. Taylor et al. (1992) découvrent aussi une forte relation
entre la sensibilité à l’anxiété et le trouble panique mais ce lien est presque aussi fort avec
l’état de stress post-traumatique. Les chercheurs expliquent ce résultat par la similarité
phénoménologique entre l’attaque de panique et le flashback (qui est caractéristique du
PTSD).
Enfin, Stewart et al. (2001) ont investigué les liens existant entre la sensibilité à
l’anxiété, les attaques de panique et les apprentissages. Ils confortent les résultats de Elhers
(1995). Selon eux, les expériences d’apprentissage de l’enfance impliquant des symptômes
corporels peuvent influencer le développement d’une sensibilité à l’anxiété élevée. Celle-ci,
en retour, peut influencer le développement de symptômes psychopathologiques variés
impliquant une sensibilité aux sensations somatiques comme ceux d’attaques de panique.
La sensibilité à l'anxiété 17
Autres troubles anxieux
En ce qui concerne les autres troubles anxieux repris dans le DSM-IIIR ( le trouble
d’anxiété généralisée, le trouble obsessionnel compulsif, la phobie sociale et la phobie
simple), et toujours selon ces auteurs (Taylor et al., 1992), les scores à l’ASI sont
significativement plus élevés par rapport au groupe contrôle sauf pour la phobie simple. A ce
sujet, ils proposent que les autres peurs fondamentales sont plus importantes que la sensibilité
à l’anxiété dans la phobie simple, particulièrement la peur du préjudice (fear of injury).
A propos de la phobie sociale, Cox, Borger et Enns (1999) font l’hypothèse d’un
pattern de réponses différent si on compare ces patients à ceux qui ont le diagnostic de trouble
panique. Les sujets présentant une phobie sociale peuvent avoir peur des symptômes
observables par autrui s’ils pensent que ceux-ci peuvent avoir des conséquences sociales
dommageables. Tandis que les patients « trouble panique » craignent plus probablement les
symptômes anxieux respiratoires et cardiaques s’ils pensent qu’ils peuvent avoir des
conséquences physiques néfastes.
En ce qui concerne le trouble d’anxiété généralisé et le trouble obsessionnel
compulsif, les mêmes auteurs prétendent que ce seraient les items se rapportant à la peur de la
perte de contrôle cognitif qui seraient les plus pertinents (en comparaison à ceux faisant
référence aux symptômes physiques respiratoires et cardiaques).
Le lien entre la sensibilité à l’anxiété et les symptômes des troubles anxieux (en
particulier ceux du trouble panique et de la phobie sociale) a aussi été observé dans une
population d’adolescents allemands âgés de 13 à 16 ans (Muris et al., 2001).
En conclusion , le trouble anxieux le plus lié à la sensibilité à l’anxiété telle que
mesurée par l’ASI, serait le trouble panique. Si on le compare aux autres troubles anxieux,
celui-ci se caractérise par des patterns différents de réactions à savoir la croyance que les
symptômes corporels liés à l’anxiété peuvent avoir des conséquences physiques néfastes.
La sensibilité à l'anxiété 18
Sensibilité à l’anxiété et hyperventilation
Un autre domaine d’investigation est le rôle de la sensibilité à l’anxiété dans les
réactions à l’hyperventilation. Plusieurs études ont traité ce sujet. Dans une population non
clinique, Holloway et McNally (1987) ont trouvé que les sujets ayant une sensibilité à
l’anxiété élevée rapportent un plus haut niveau d’anxiété subjective et plus de sensations
après une hyperventilation volontaire que des sujets ayant un score faible à l’ASI ; ces
résultats ne s’expliquent pas uniquement par un niveau d’anxiété initial plus élevé chez ces
sujets. Les auteurs n’ont toutefois pas demandé à ces sujets s’ils avaient déjà vécu
antérieurement des attaques de panique. Donnell et McNally (1989) ont contrôlé cette variable
en examinant les effets de la sensibilité à l’anxiété sur la réponse à une épreuve
d’hyperventilation chez des étudiants avec et sans histoire d’attaques de panique spontanées.
Ils obtiennent des résultats similaires à Holloway et Mc Nally (1987). Toutefois, il apparaît
que la présence d’une histoire d’attaques de panique est associée uniquement à une
augmentation de réponse à l’hyperventilation chez les sujets présentant un haut niveau de
sensibilité ; les sujets ayant un score faible à l’ASI et présentant une histoire d’attaques de
panique ne répondent pas plus que les sujets obtenant des scores similaires mais n’ayant
jamais vécu antérieurement d’attaques de panique spontanées. Ils arrivent à la conclusion
qu’une haute sensibilité à l’anxiété peut être un facteur crucial dans les attaques de panique
provoquées par un exercice biologique puisqu’une histoire d’attaques de panique ne peut
expliquer seule l’augmentation de réponses à l’anxiété. Par rapport à ces deux études,
Asmundson, Norton, Wilson et Sandler (1994) proposent cette hypothèse d’une amplification
des réponses « panique » suite à un exercice biologique.
La sensibilité à l'anxiété 19
Sensibilité à l’anxiété et dépression
Hayward et al.(2000) n’ont pas décelé de relation entre la sensibilité à l’anxiété et la
survenue de la dépression. Par contre, Taylor et al. (1996) ont réalisé une étude impliquant
des sujets dépressifs majeurs, des sujets avec trouble panique, et des personnes ayant les deux
pathologies. Leurs résultats montrent que ces trois groupes ont des scores plus élevés que les
normes publiées. De plus, s’ils sont mis en rapport avec les facteurs issus de l’analyse
factorielle de l’étude, des différences apparaissent. Le trouble dépressif est lié au facteur 2
c’est-à-dire la peur de perte de contrôle cognitif. Ce résultat a été également obtenu par Taylor
et Cox ,1998 et par Zinbarg, Rapee, Brown et Barlow, 2001. De plus, une autre recherche a
permis d’émettre l’idée que la sensibilité à l’anxiété pourrait être aussi un facteur de risque
pour le développement de symptômes dépressifs car elle y était un prédicteur significatif des
scores à la Beck Depression Inventory (Schmidt et al., 1997).
Cox, Enns, Freeman et Walker (2001) et Cox, Enns et Taylor (2001) ont eux aussi
trouvé un lien entre un score élevé à l’ASI (et plus particulièrement au facteur concernant les
soucis liés à la crainte de perdre le contrôle cognitif) et la dépression. Selon ces auteurs, leur
résultats seraient consistants avec le concept de « sensibilité à la dépression » proposé par
Cox, Borger et Enns (1999). Celle-ci serait basée sur une interprétation catastrophique de
l’humeur dépressive et de ses symptômes. Dans sa forme extrême, elle pourrait mener à un
état désespéré (hopelessness). Cox et al. (2001) postulent que la « rumination » (Nolen-
Hoeksema, 1991) sert de lien entre la peur de perdre le contrôle cognitif et la sévérité de la
dépression. Cette rumination est un style de réponse à l’humeur dépressive. Elle représente
des comportements et des pensées qui focalisent l’attention sur les symptômes dépressifs et
leurs implications. Ce style de réponse serait propice au développement de la sensibilité à la
dépression.
La sensibilité à l'anxiété 20
Sensibilité à l’anxiété et problèmes de santé chroniques
Asmundson, Wright et Hadjistavropoulos (2000) ont rédigé une revue des différents
articles s’intéressant au lien entre la sensibilité à l’anxiété, l’exacerbation et le maintien des
maladies chroniques. Il existerait aussi un lien entre la sensibilité à l’anxiété et les symptômes
gastro-intestinaux fonctionnels.
En ce qui concerne l’asthme, Carr, Lehrer, Rausch et Hochron (1994) et Carr, Lehrer
et Hochron (1995) ont pu mettre en évidence qu’il n’existe pas de lien direct entre la
sensibilité à l’anxiété et l’asthme. C’est la présence du trouble panique chez les patients
asthmatiques qui détermine le niveau de la sensibilité à l’anxiété chez ces sujets.
Des études ont aussi été réalisées pour déterminer et décrire la relation entre la douleur
chronique et la sensibilité à l’anxiété. Asmundson et al. (2000) résument les différentes études
portant sur le sujet en écrivant que la sensibilité à l’anxiété est un facteur de vulnérabilité qui
exacerbe la peur de la douleur et maintient les comportements spécifiques à la douleur ( par
exemple le recours à la médication analgésique), indépendamment de la sévérité de la
douleur. De plus, une sensibilité à l’anxiété faible permet un meilleur pronostic de traitement.
En accord avec les conclusions d’Asmundson et al. (2000), Zvolensky, Goodie, McNeil,
Sperry et Sorrell (2001) trouvent une relation positive entre la sensibilité à l’anxiété, la peur
de la douleur et/ou l’anxiété relative à la douleur.
Des relations avec la sensibilité à l’anxiété ont aussi été trouvées dans l’hypochondrie
( en termes de recouvrement phénoménologique) et l’insomnie (McNally, 1999) ainsi qu’avec
les abus de substance ( McNally, 1999 ; MacDonald, Baker, Stewart & Skinner, 2000 ;
Stewart et al.; 2001).
Enfin, Asmundson et al. (2000) soulignent l’importance de tenir compte d’un degré
élevé de sensibilité à l’anxiété chez un patient atteint d’une maladie chronique. En effet, pour
La sensibilité à l'anxiété 21
ces auteurs, réduire la sensibilité à l’anxiété pourrait faciliter le traitement de ces pathologies.
Cependant de nouvelles études sont nécessaires pour déterminer l’impact du traitement de la
sensibilité à l’anxiété sur le traitement des maladies chroniques.
Traitement
Carter, Marin et Murrell (1999) ont comparé l’efficacité de deux types de traitements
chez des étudiants présentant une sensibilité à l’anxiété élevée : l’exposition intéroceptive
seule et cette même exposition, couplée avec une restructuration cognitive. Notons que
l’exposition consiste en des séances d’hyperventilation volontaire. Le traitement le plus
puissant s’est avéré être l’association de l’exposition intéroceptive et de la restructuration
cognitive. Par contre, l’hyperventilation volontaire seule n’a pas eu d’effet sur les symptômes
anxieux. Cette recherche démontre aussi que de brèves restructurations cognitives peuvent
contribuer à diminuer l’expérience d’anxiété induite par un exercice biologique chez des
sujets ayant des scores élevés à l’ASI.
De plus, plusieurs études (par exemple McNally & Lorenz, 1987) ont démontré une
amélioration de la sensibilité à l’anxiété, suite à des traitements cognitivo-comportementaux
visant à éteindre un trouble panique. Ces techniques se centrent essentiellement sur les peurs
des sensations anxieuses qui maintiennent le trouble.
Mais d’autres interventions ciblant le trouble panique se sont aussi révélées efficaces
dans la réduction de la sensibilité à l’anxiété , alors qu’elles ne s’occupent pas directement de
la peur des sensations anxieuses. En fait, les traitements qui contrôlent les épisodes de
panique peuvent, parallèlement, diminuer les peurs de sensations anxieuses. De plus, la
réduction de ces dernières peut provenir de réattributions des significations de l’apparition de
ces sensations, suite à une amélioration clinique. Enfin, certains changements dans les scores
de l’ASI peuvent apparaître simplement à cause de la réduction des affects négatifs ou des
La sensibilité à l'anxiété 22
cognitions chargées d’affects (Otto & Reilly-Harrington, 1999). Par exemple, Otto, Pollack,
Sachs, et Rosenbaum (1991) ont montré une diminution de la sensibilité à l’anxiété, suite à un
traitement médicamenteux aux benzodiazépines, chez des patients ayant un trouble panique.
Et, lorsque Clark et al. (1994) comparent les traitements cognitivo-comportementaux à
la relaxation et à l’imipramine, des réductions de la peur des sensations anxieuses (mesurées
par le BSQ et l’ACQ) sont observées dans tous les groupes. Cependant la thérapie cognitivo-
comportementale a été plus efficace. Les auteurs soulignent l'importance du changement
cognitif pour avoir un maintien des gains thérapeutiques après le traitement.
En résumé, tout traitement efficace dans la réduction des attaques de panique réduit la
sensibilité à l'anxiété. Parmi les traitements efficaces, la thérapie cognitivo-comportementale a
des résultats comparables ou parfois supérieurs au traitement pharmacologique par
antidépresseurs mais ses résultats sont meilleurs en follow-up, le taux de rechute étant plus
faible après traitement, et elle semble démontrer une plus grande efficacité dans la diminution
de la sensibilité à l'anxiété.
Le contenu du traitement est donc primordial. Il se peut que ce soit l'interaction de la
restructuration cognitive avec l'exposition intéroceptive (ou secondairement avec l'exposition
classique) qui constitue la meilleure approche pour modifier la sensibilité à l'anxiété.
Conclusion et perspectives d’avenir
La sensibilité à l’anxiété se définit donc comme la peur des sensations corporelles
liées à l’anxiété qui proviendrait de croyances que ces sensations ont des conséquences
somatiques, sociales ou psychologiques néfastes. Elle est le plus souvent évaluée grâce à
l’Anxiety Sensitivity Index (Reiss et al., 1986).
Il existe dans la littérature une ambiguïté dans la définition de la sensibilité à l'anxiété.
Initialement, elle est définie comme la peur des sensations corporelles liées à l'anxiété. Mais
La sensibilité à l'anxiété 23
ultérieurement, la sensibilité à l'anxiété est décrite tantôt comme la peur d'éprouver de
l'anxiété, tantôt comme la peur des sensations d'anxiété. La définition de la sensibilité à
l'anxiété ne fait plus référence explicitement aux seules manifestations de l'anxiété.
Dans l'anxiété, il existe des manifestations somatiques, psychosensorielles, mais également
des manifestations plus cognitives en rapport avec le traitement de l'information (arrêt ou
accélération du cours de la pensée, difficultés de concentration,…). Il est clair que certaines
personnes, et pas uniquement celles qui souffrent de trouble panique, ont peur de ces
manifestations cognitives car elles pensent qu'elles risquent de conduire à la folie ou la perte
de contrôle. Ainsi dans l'ASI, les items 2 et 12 font référence aux difficultés de concentration.
L'ASI est un instrument qui permet d'évaluer la peur des sensations somatiques et cognitives
de l'anxiété, et non uniquement ses manifestations somatiques.
Par ailleurs, elle interviendrait dans plusieurs troubles émotionnels et particulièrement
dans le développement des attaques de panique. Et inversement, le traitement de celles-ci
améliorerait la sensibilité à l’anxiété. De plus, elle serait liée à une série de pathologies
chroniques. Cependant, même si le concept de sensibilité à l’anxiété est attrayant, notamment
dans le cadre du trouble panique, il faut être attentif à ne pas multiplier les concepts de façon
abusive. Aussi serait-il important de clarifier les différences conceptuelles et empiriques qui
existent entre ces concepts. Par exemple, la théorie cognitive de la panique est très proche de
celle de la sensibilité à l’anxiété. Dans les deux cas il s’agit d’interprétations catastrophiques.
Est-il utile de distinguer les deux théories ? Ne serait-il pas plus intéressant de les regrouper
dans une hypothèse plus générale ? C’est ce qu’a tenté Cox en 1996 en attribuant à la
sensibilité à l’anxiété un rôle dispositionnel dans la genèse de l’interprétation catastrophique.
Cette piste est séduisante mais elle demande des vérifications.
Un autre exemple concerne la peur de la peur ou la peur de l’anxiété. En effet, bien
que selon McNally (1999), la sensibilité à l’anxiété soit plus spécifique que la peur de
La sensibilité à l'anxiété 24
l’anxiété, la littérature confond souvent les deux concepts. Est-il dès lors nécessaire de
disposer de deux concepts ? Un seul ne serait-il pas suffisant? Bref, il serait très intéressant de
clarifier les différences conceptuelles et empiriques. Il en résulterait peut-être une économie
de concepts théoriques.
Soulignons également l'intérêt du concept pour l'analyse fonctionnelle : il est important de
bien investiguer les croyances sur les conséquences des manifestations de l'anxiété.
Enfin, de nouvelles recherches devraient déterminer avec plus de précision l’impact du
traitement de la sensibilité l’anxiété sur le traitement des différents troubles émotionnels et
somatiques auxquels elle semble liée. Elles pourraient peut-être permettre d’améliorer
l’efficacité des soins et des traitements de ces pathologies.
On peut répartir en deux catégories les techniques thérapeutiques du trouble panique avec
agoraphobie. Tout d'abord les techniques ciblées sur l'agoraphobie et les comportements
d'évitement, ensuite les techniques ciblées sur les attaques de panique et la peur de celles-ci
(dont l'exposition intéroceptive avec restructuration cognitive). Les traitements
comportementaux actuels recourent à des techniques des deux catégories. Dans ce cadre, il
existe des programmes thérapeutiques particuliers qui proposent un package de techniques
bien précises. Il serait utile de démanteler les différents composantes de ces traitements, de
vérifier leur efficacité relative dans le traitement du trouble panique, d'évaluer l'impact de
chaque composante séparément sur la sensibilité à l'anxiété ou inversement l'influence de la
sensibilité à l'anxiété sr ces techniques.
On peut émettre l'hypothèse que pour être efficace à long terme, un traitementdevrait conduire
à une nete réduction de la sensibilité à l'anxiété. Ceci est important dans le cadre de la
prévention de la rechute.
La sensibilité à l'anxiété 25
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Note de l'auteur
Institutions
Université de Liège Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education Département des Sciences Cognitives Unité de Thérapies Comportementales Boulevard du Rectorat B33 4000 Liège
Adresse de contact
La correspondance concernant cet article peut être adressée à Muriel Delvaux, Université de Liège, Département des Sciences Cognitives, Boulevard du Rectorat B33, 4000 Liège. + 32 4 366 23 83 E-mail : [email protected]