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     Directeur de la publication : Edwy Plenelwww.mediapart.fr 

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    Autriche: l'extrême droite ramasse la miseau premier tour de la présidentiellePAR AMÉLIE POINSSOTARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 26 AVRIL 2016

    C'est son meilleur score jamais réalisé dans un scrutinnational : dimanche 24 avril, le FPÖ, l'extrême droiteautrichienne, a raflé plus de 36 % des voix. Lesdeux partis gouvernementaux, eux, sont hors jeu. Unrésultat qui vient confirmer, une fois de plus en Europecentrale, qu'un exécutif à la rhétorique anti-migrantsfait le jeu des plus réactionnaires.

    Norbert Hofer, candidat du FPÖ à la présidentielle, le soir du premier tour © Reuters

    Résultat du premier tour de l'élection présidentielleautrichienne, 24 avril 2016 © österreich.at

    La répartition des votes selon les catégories de population © Die Presse

    Résultat du premier tour de l'élection présidentielleautrichienne, 24 avril 2016 © österreich.at

    La répartition des votes selon les catégories de population © Die Presse

    La répartition des votes selon les catégories de population © Die Presse

    C'est un retournement sans précédent. Depuis la finde la Seconde Guerre mondiale, centre gauche (SPÖ,Parti social-démocrate) et centre-droit (ÖVP, Partipopulaire) présidaient l'Autriche à tour de rôle, etgouvernaient le plus souvent par le biais de « grandescoalitions ». Dimanche, c'est un vaste mouvement derejet qui les a éjectés de l'échiquier politique : nil'un ni l'autre ne seront présents au second tour de la

    présidentielle, le 22 mai prochain. À eux deux, ils netotalisent que 22 % des suffrages au premier tour. EnAutriche comme ailleurs sur le continent, le soutienaux « partis traditionnels » s'effrite.

    Mais, à défaut de profiter aux gauches alternativesou à de nouveaux venus en politique, comme cefut le cas notamment en Grèce et en Espagne, cettereconfiguration de l'espace politique autrichien profiteessentiellement… à l'extrême droite. C'est même un

    raz-de-marée qui s'est produit dimanche soir, le FPÖ(Parti de la liberté) du défunt Jörg Haider remportant

    36,4 % des voix.

    Résultat du premier tour de l'élection présidentielleautrichienne, 24 avril 2016 © österreich.at

    La répartition des votes selon les catégories de population © Die Presse

    Partout, dans tous les milieux sociaux, au sein detoutes les générations, et dans l'ensemble des Länderdu pays, ce parti xénophobe, anti-UE et révisionnistese taille la part du lion. Comme le montrent lesgraphiques interactifs du quotidien  Die Presse, le

    FPÖ arrive en effet en première position dans tous lesLänder autrichiens à l'exception de Vienne, la capitale,seul endroit où le candidat des Verts a une très légèreavance.

    Selon un sondage “sortie des urnes”, la formationd'extrême droite est également en tête de pratiquementtoutes les catégories de population, que l'on classe parsexe, par tranche d'âge (moins de trente ans / entretrente et soixante / plus de soixante), ou par activité(salariés / fonctionnaires / professions libérales / 

    retraités)… Seules les catégories « étudiants » et« bacheliers » n'ont pas voté en premier lieupour Norbert Hofer, le candidat FPÖ, mais pourson adversaire, le candidat soutenu par les Verts,Alexander van der Bellen. Celui-ci arrive deuxième àl'issue du premier tour, mais très distancé : il est à seizepoints derrière le premier.

    Ce raz-de-marée prévisible avait été très mal anticipépar les instituts de sondages autrichiens. Pourtant, leFPÖ était dans une dynamique de progression depuis

    déjà de nombreuses années. Sur les graphiques de Die Presse, qui replacent ce scrutin 2016 dans laperspective de l'histoire politique autrichienne depuisl'après-guerre, on constate qu'à l'exception des années2000-2002 (où, parallèlement à sa participation aupouvoir, le FPÖ chute dans les résultats électoraux,tandis que sociaux-démocrates et centre-droit seredressent), il y a une tendance générale, depuis quatredécennies, à la baisse des deux principaux partisautrichiens et à la montée de l'extrême droite.

    http://diepresse.com/home/politik/bpwahl/4974900/Rekorde-Motive-Trends_Interaktive-Grafiken-zur-HofburgWahl?_vl_backlink=/home/index.dohttp://diepresse.com/home/politik/bpwahl/4974900/Rekorde-Motive-Trends_Interaktive-Grafiken-zur-HofburgWahl?_vl_backlink=/home/index.dohttp://www.mediapart.fr/node/621180http://www.mediapart.fr/node/621180http://www.mediapart.fr/

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    Mais c'est bel et bien la première fois que les courbess'inversent lors d’un scrutin national, marquant ainsi la

    fin d'une époque. « C'était la Deuxième République »,titre Rainer Nowak dans son édito. « Quelle que soit l'ampleur de la consternation, de l'amertume et de lahonte pour les deux partis qui avec leurs candidats

     Rudolf Hundstorfer et Andreas Khol ont dû encaisser la pire défaite de leur histoire, ceux-ci, les chefsde parti, leurs collaborateurs, leurs conseillers et les barons ne comprendront pas ce qui s'est passé ici, aujourd'hui, en ce jour réellement historique. Cedimanche, il n'y a pas un Land à avoir placé en tête

    des suffrages un candidat du SPÖ ou du ÖVP (…). Lavérité pour le SPÖ et l'ÖVP sonne simplement : votreépoque est révolue. Cela ne veut pas dire qu'à l'avenir ces deux partis n'existeront plus. Mais que cela ne sera

     plus jamais comme avant. »

    La répartition des votes selon les catégories de population © Die Presse

    Pour la chroniqueuse Alexandra Föderl-Schmid

    de  Der Standard , qui parle de « césure », « leFPÖ a profité encore une fois, en premier lieu,de l'insatisfaction perceptible dans le pays face àla politique gouvernementale. Le sujet des réfugiésa fonctionné comme un catalyseur supplémentaire.

     La politique de fermeture du gouvernement n'a pasconvaincu les électeurs ».

    Car au-delà de la lassitude face à deux partishistoriques qui ont pour coutume de gouvernerensemble, sans qu'il n'y ait plus aujourd'hui dedistinction claire pour les électeurs entre la gauche etla droite, la crise migratoire a, comme dans d'autresélections  qui se sont jouées depuis l'automne surle continent, pesé sur la campagne. En adoptant undiscours hostile aux réfugiés et en se faisant les apôtresde la fermeture des frontières en Europe, les partisgouvernementaux autrichiens ont banalisé le discoursanti-migrants et poussé, in fine, les électeurs à voterencore plus à droite.

    Vienne s'était pourtant montrée ouverte auxréfugiés pendant l'été dernier, l'Autriche constituantessentiellement un point de passage pour des migrantsqui rejoignaient alors massivement l'Allemagne. À

    partir de septembre cependant, elle commence àmontrer des signes d'hésitations face à cette

    politique d'accueil et à vouloir limiter le nombre dedemandeurs d'asile sur son territoire. En janvier, elleest ainsi le premier pays membre de la zone Schengenà réinstaurer des contrôles aux frontières intérieures del'UE, à la frontière avec la Hongrie.

    Manifestation des antifas

    En février, le gouvernement autrichien rentre dansle camp des États membres résolument hostiles àune politique européenne d'accueil. Le 25 février,il organise en effet à Vienne une réunion avec des

    représentants de tous les Balkans… sans la Grèce,ni aucun représentant de la Commission européenne.Autrement dit, il préfère s'entendre avec des paysnon membres de l'Union plutôt que de participerà une résolution européenne de la crise. C'est àl'issue de cette réunion que tous fermeront en chaîneleurs frontières, aboutissant à la fin de la « routedes Balkans », itinéraire emprunté par les réfugiéstout au long de l'année 2015. Vienne a par ailleurspoursuivi cette politique de fermeture sur sa

    frontière avec l'Italie, où elle met tout en œuvre,depuis quelques jours, pour réinstaurer des contrôles,dans l'hypothèse où une nouvelle route migratoire, vial'Italie, s'ouvrirait.

    Norbert Hofer, candidat du FPÖ à la présidentielle, le soir du premier tour © Reuters

    Cette volte-face du gouvernement autrichien, en pleinecampagne électorale, n'a fait que renforcer le campadverse. Depuis l'automne, le FPÖ exerçait unepression continue, critiquant le gouvernement pour

    son laxisme dans la crise des réfugiés et ne cessantde citer le premier ministre hongrois Viktor Orbanen exemple, lui qui a été à la pointe de la répressionà l'égard des migrants. Dans ses clips, notammentcelui réalisé dès le mois d'août dernier à l'attention dela jeunesse autrichienne, il fustigeait un exécutif quiserait resté « silencieux » face à la crise et met en scèneà grands coups d'effets sonores et de montage choc unesupposée invasion.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191015/la-crise-des-refugies-provoque-une-surenchere-xenophobe-en-europehttp://derstandard.at/2000035636285/Wahl-des-Bundespraesidenten-Ein-blauer-Erdrutschsieghttp://derstandard.at/2000035636285/Wahl-des-Bundespraesidenten-Ein-blauer-Erdrutschsieghttps://www.mediapart.fr/journal/international/191015/la-crise-des-refugies-provoque-une-surenchere-xenophobe-en-europehttps://www.mediapart.fr/journal/international/191015/la-crise-des-refugies-provoque-une-surenchere-xenophobe-en-europehttp://www.thelocal.at/20160425/austria-controls-on-italian-border-begin-in-mayhttp://www.thelocal.at/20160425/austria-controls-on-italian-border-begin-in-mayhttps://www.euractiv.com/section/central-europe/news/austria-introduces-cap-on-refugees-will-deport-surplus/https://www.euractiv.com/section/central-europe/news/austria-introduces-cap-on-refugees-will-deport-surplus/https://www.euractiv.com/section/central-europe/news/austria-introduces-cap-on-refugees-will-deport-surplus/https://www.mediapart.fr/journal/international/191015/la-crise-des-refugies-provoque-une-surenchere-xenophobe-en-europehttps://www.mediapart.fr/journal/international/191015/la-crise-des-refugies-provoque-une-surenchere-xenophobe-en-europehttp://derstandard.at/2000035636285/Wahl-des-Bundespraesidenten-Ein-blauer-Erdrutschsieghttp://derstandard.at/2000035636285/Wahl-des-Bundespraesidenten-Ein-blauer-Erdrutschsieghttp://diepresse.com/home/meinung/kommentare/leitartikel/4974451/Das-war-sie-dann-die-Zweite-Republik?_vl_backlink=/home/index.dohttp://www.mediapart.fr/

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    En voix off , on peut entendre : « Savais-tu que desmilliers de nouveaux demandeurs d'asile allaient venir 

    en Autriche tandis que les politiques regardent ensilence ? Savais-tu que tu allais devenir étranger dans ton propre pays ? Savais-tu que tu allais bientôt te retrouver au chômage ? (…) Les vieux partisne résolvent pas les problèmes. Seul le FPÖ aideaujourd'hui. »  Pendant la campagne, les slogans duparti disaient : « Toujours et encore l'Autriche »  ouencore « Ta patrie a besoin de toi maintenant ».

    Clip du FPÖ, août 2015

    Manifestement, le FPÖ est parvenu à emporter

    l'adhésion bien au-delà de ses cercles habituels. Dansun graphique très précis réalisé par le quotidien

     Der Standard , on peut ainsi observer les reports devoix par rapport au dernier scrutin à l'échelle nationale,les législatives de 2013. On constate que le FPÖ estdésormais le parti politique au socle le plus stabled'Autriche : 86 % de ses électeurs de 2013 ont revotépour lui dimanche. Tandis que les bases du SPÖ etdu ÖVP se délitent complètement. Respectivement,seulement 34 % et 32 % de leurs électeurs de 2013

    sont restés fidèles. Et ils sont nombreux à s'êtreabstenus (24 % des électeurs sociaux-démocrates, 14% des électeurs de centre-droit) ou à s'être dirigésvers l'extrême droite (13 % des électeurs sociaux-démocrates, 24 % des électeurs de centre-droit).

    Ce résultat écrasant risque de provoquer une guerrede succession chez les sociaux-démocrates, qui ontannoncé vouloir attendre leur congrès, à l'automneprochain, avant de décider quoi que ce soit. C'est,de fait, une immense défaite pour le chancelier SPÖ

    actuel, Werner Faymann. Le candidat du parti à laprésidentielle Rudolf Hundstorfer n'a en tout cas paslaissé planer l'ombre d'une hésitation dans le messageenvoyé à ses électeurs, dès dimanche soir : il a appeléà voter pour le candidat des Verts au second tour.

    [[lire_aussi]]

    De leur côté, les antifas autrichiens (Offensive gegen Rechts) ont appelé à manifester, le 19 mai, sur

    la Helderplatz à Vienne – cette place historiqueoù, entre autres, Hitler avait prononcé l'Anschluss…Et les organisations étudiantes leur emboîtent lepas avec un appel de la ÖH (Österrechische

     HochschülerInnenschaft ) : « Nous n'avons pas besoind'une division de la société mais d'une politiquesolidaire », a déclaré sa représentante Lucia Grabez,citée par l'agence de presse autrichienne APA.

    Mais pour l'heure, rien ne dit que les reports de voixseront suffisants pour éviter l'élection d'un homme

    d'extrême droite au poste de président. Un hommequi incarne le visage « libéral » du FPÖ, mais quiest aussi favorable au port d'armes et est lié au« mouvement national-allemand », une mouvancepangermaniste autrichienne qui fait froid dans ledos. Comme le raconte Nikolina Franjkic sur le sited'analyse politique Mozaik, Norbert Hofer est eneffet membre d'honneur de la confrérie étudiante «Marko-Germania zu Pinkafeld ». Cette organisationnationaliste puise ses racines dans un courant du XIXe

    siècle qui repose sur le principe d'une communautéculturelle allemande et dément l'existence d'une nationautrichienne indépendante.

    Si Norbert Hofer est élu président, il convoquerasans nul doute des élections législatives anticipées(les prochaines sont théoriquement pour 2018) afinde pouvoir nommer, ensuite, une figure de son partiau palais des Habsbourg… L'Union européenne avaitdéjà vu l'extrême droite autrichienne accéder aupouvoir : c'était en 2000, dans le cadre d'une coalition

    de la droite avec le FPÖ. C'est la seule fois où l'UEavait pris des sanctions à l'égard d'un pays membre,cessant  toutes les rencontres bilatérales pendant septmois. Cette fois-ci, le contrôle du FPÖ sur le pouvoirpourrait être bien plus étendu. Et l'UE probablementplus frileuse à intervenir, tant les dérives d'Orbandepuis cinq ans ou encore celles des conservateurspolonais récemment arrivés au pouvoir n'ont pas faitbouger grand-monde à Bruxelles.

    http://derstandard.at/interaktiv/2016/04-bpw-waehlerstroeme/#Hoferhttp://derstandard.at/interaktiv/2016/04-bpw-waehlerstroeme/#Hoferhttp://derstandard.at/interaktiv/2016/04-bpw-waehlerstroeme/#Hoferhttp://derstandard.at/interaktiv/2016/04-bpw-waehlerstroeme/#Hoferhttp://mosaik-blog.at/norbert-hofer-deutschnationaler-als-bundespraesident/http://mosaik-blog.at/norbert-hofer-deutschnationaler-als-bundespraesident/http://www.ots.at/presseaussendung/OTS_20160425_OTS0144/oeh-kein-deutschnationaler-burschenschafter-als-bundespraesidenthttp://www.offensivegegenrechts.net/demonstration-gegen-norbert-hofer-und-die-fpo/http://derstandard.at/interaktiv/2016/04-bpw-waehlerstroeme/#Hoferhttp://derstandard.at/interaktiv/2016/04-bpw-waehlerstroeme/#Hoferhttp://derstandard.at/interaktiv/2016/04-bpw-waehlerstroeme/#Hoferhttp://www.mediapart.fr/

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    Directeur de la publication : Edwy PlenelDirecteur éditorial : François Bonnet

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