analyse de texte l’industrie culturelle , 1963 de theodor adorno

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Charlène Mangeard, BDAN Marion Gruyer, BDAN Analyse de texte L’Industrie Culturelle, 1963 de Theodor Adorno Concepts et problématiques de l’information-communication Richard Hamilton, 1956, Just What it is That Makes Today's home so Different, so Appealing?

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  • Charlne Mangeard, BDAN

    Marion Gruyer, BDAN

    Analyse de texte

    LIndustrie Culturelle, 1963

    de Theodor Adorno

    Concepts et problmatiques de linformation-communication

    Richard Hamilton, 1956, Just What it is That Makes Today's home so Different, so Appealing?

  • Richard Hamilton est un des fondateurs du Pop Art, un mouvement artistique qui merge dans les annes 50

    qui sintresse aux effets de la socit de consommation et de la culture de masse.

    Ce collage renvoi des strotypes, une codification des comportements, cest une critique de la standardisation de la socit.

    Hamilton soulve avec ironie ces questions grce une multitude de symboles de la socit de consommation et de la culture de masse de lpoque

    (marques, affiches de film, BD).

    Introduction

    Aujourdhui, la place de lindustrie culturelle dans la socit nest plus remise en cause. Adorno et

    Horkheimer, deux thoriciens de lcole de Francfort se sont intresss trs tt au pouvoir et aux

    consquences de lindustrie culturelle sur la socit. Ce texte issu dune confrence donne en

    1963 a t publi dans la revue dtude des communications de masse et des analyses

    smiologiques en France Communications, en 1964. Lors de cette confrence, Theodor Adorno,

    aprs avoir distingu culture de masse et industrie culturelle, critique svrement les biens issus

    de lindustrie culturelle pour enfin revenir sur la place accorde au consommateur.

    La culture de masse et lindustrie culturelle

    Ce texte est un expos de ce que se dit tre lindustrie culturelle et de ce quelle est en ralit

    selon Adorno.

    La distinction entre culture de masse et industrie culturelle

    Lauteur dbute son propos en marquant la nuance entre deux termes : culture de masse et

    industrie culturelle.

    Le terme dindustrie culturelle a t employ pour la premire fois en 1947 par Adorno et

    Horkheimer afin deffectuer une distinction avec le terme de culture de masse. Lindustrie

    culturelle cre une culture qui a pour cible les masses, alors que la culture de masse est une

    culture commune aux masses. Cette dernire est choisie par les individus alors que dans

    lindustrie culturelle, une culture particulire est cre pour convenir au plus grand nombre.

    La culture de masse est un art populaire, adopt par les individus et qui a une part de

    spontanit, alors que lindustrie culturelle met en branle un processus et des techniques afin

    dattirer un plus grand nombre de personnes. Dans son discours, Adorno va pointer les dangers de

    lindustrie culturelle pour la culture de masse.

  • Le consommateur pris comme objet

    Lauteur fait mention des consquences de lindustrie culturelle sur les arts suprieurs et

    infrieurs1 : traites alors comme des produits de consommation les deux formes dart en

    souffrent. Lart suprieur est mis mal car on mise sur leffet produit par la spculation, cest--

    dire plaire au plus grand nombre pour la marchandisation au lieu de privilgier la recherche de la

    technique et la qualit. Lart infrieur alors dfini par sa libert et son indpendance, est quant

    lui assujettit pour parvenir au mme effet que lart suprieur.

    Adorno concde que lindustrie culturelle prend en compte les individus, cependant pas pour les

    bonnes raisons selon lui ; qui serait de vouloir rpondre au mieux leurs attentes et besoins mais

    pour mieux les connatre afin de les amener consommer davantage : le consommateur nest

    donc plus le sujet mais devient lobjet de lindustrie culturelle.

    Les marchandises culturelles

    Aprs avoir dtermin ce quest lindustrie culturelle, Adorno aborde la question des

    marchandises quelle produit.

    La motivation du profit

    Lauteur revient au sens donn par les crivains Bertolt Brecht et Peter Suhrkamp propos des marchandises culturelles. Selon eux, ce qui est important pour lindustrie culturelle cest le

    principe de commercialisation des produits et non leur contenu: le dessein ultime ntant pas le

    produit en tant que tel mais le profit en tirer.

    Un des dangers de la marchandisation est son effet sur les auteurs : auparavant ces derniers ne

    cherchaient pas forcment faire du profit car il ntait pas instantan ; ce ntait donc pas la

    motivation premire des auteurs. Mais avec lindustrie culturelle et linversion du systme, le

    profit est ramen au premier plan ce qui change entirement la donne dun point de vue cratif

    pour les auteurs puisque le profit devient alors la motivation premire. Le processus de cration

    devient alors totalement contrl et tributaire des bnfices.

    Les uvres dart ne sont donc plus autonomes, Adorno incombe ce changement au systme

    conomique capitaliste des pays industrialiss, constamment la recherche de profits. Lauteur

    dplore que ce systme de plus en plus puissant ne laisse aucune place une autre manire de

    fonctionner. Les productions culturelles deviennent alors des marchandises part entire.

    Selon lauteur, le processus est si bien rod que lindustrie culturelle na plus besoin de faire de

    publicit ni de vendre une image, car force le systme sauto alimente jusqu coller au reflet du

    monde et chaque produit devient son reprsentant.

    1 Nous entendons par art suprieur, les arts acadmiques reconnus et prsents comme officiels, dits nobles . Par art

    infrieur, toutes les autres formes dart en marge des arts officiels qui sont les avant-gardes et les arts mineurs.

  • Une standardisation masque

    Derrire limpression de renouvellement sans cesse des produits de lindustrie culturelle, la

    structure de son fonctionnement est toujours la mme. Adorno dnonce le fait que lindustrie

    culturelle standardise le processus de cration et donne lillusion que chaque produit est unique.

    Lindustrie culturelle se targue que chaque produit se veut singulier mais ce nest quun leurre.

    Lindustrie culturelle joue sur les deux tableaux : standardisation et individualisation ; ds que

    celle-ci est attaque sur ce point, elle se justifie en disant quelle ne produit pas de lart mais de

    lindustrie. Adorno illustre son propos avec lexemple des vedettes.

    La technique dans lindustrie culturelle

    Adorno fait le constat que la technique nest pas la mme dans luvre dart et dans lindustrie

    culturelle.

    Dans luvre dart, la technique fait partie de celle-ci, contrairement lindustrie culturelle o le

    produit et la technique sont deux lments autonomes : La technique de distribution et de

    reproduction mcanise, reste pour cela toujours en mme temps extrieure son objet .

    Ces deux techniques sont littralement diffrentes et ne peuvent en aucun cas tre compares et

    encore moins assembles.

    Lauteur termine son propos sur des biens issus de lindustrie culturelle en mentionnant laura de

    luvre dart ; selon lui, lindustrie culturelle ne dtruit pas cette aura, mais la dcompose :

    comme-ci force de dmultiplication, de mise en srie, celle-ci perdait de son sens originel.

    Les consommateurs

    Aprs avoir distingu culture de masse et industrie culturelle et stre intress aux biens issus de

    lindustrie culturelle, Adorno analyse la place des consommateurs dans ce processus.

    Le pouvoir de lindustrie culturelle

    Adorno part du constat sur les pouvoirs publics, conscients de limportance grandissante du

    pouvoir de lindustrie culturelle sur les masses, ne cessent de faire remarquer que celle-ci doit

    tre prise au srieux, ludant toutes prises de position objectives quant la qualit ou encore la

    lgitimit de celle-ci.

    La lgitimit de lindustrie culturelle

    Adorno explique que mme sil nest pas question de remettre en cause le fait que lindustrie

    culturelle a un rel pouvoir sur la population, il est important de sinterroger sur la lgitimit de

    celle-ci. Il sinquite du manque dobjectivit et de labsence de regard critique vis--vis de

    lindustrie culturelle.

    Certains lgitiment celle-ci par le fait que les produits issus de lindustrie culturelle sont crs

    pour rpondre aux besoins des masses et sont donc issus dun processus dmocratique. En effet,

  • qui mieux que la population elle-mme, peut dfinir ses propres besoins. La lgitimit de

    lindustrie culturelle ne peut donc pas tre remise en cause pour ces intellectuels.

    Mais pour Adorno et dautres, il est important de se demander si le pouvoir de lindustrie

    culturelle ne rside pas dans la formation de la conscience, ce qui aurait comme consquence de

    crer les demandes et les besoins des consommateurs. Les produits de lindustrie culturels ne

    viendraient rpondre qu des besoins crs par lindustrie culturelle elle-mme et naurait donc

    aucune lgitimit.

    Pour Adorno, lide de qualit est aussi primordiale. Il ne conoit pas que lon puisse ne se poser

    aucune question sur la qualit des produits issus de lindustrie culturelle sous prtexte quils

    rpondent une demande.

    La qualit des produits issus de lindustrie culturelle

    Certains intellectuels ont conscience de la faible qualit des produits issus de lindustrie culturelle,

    nanmoins, ceux-ci refusent dy voir une raison de sinquiter car les consquences cela sont

    minimes. Ils dcident ironiquement de ne voir que les cts positifs, savoir quelle permet de

    toucher un plus grand nombre personnes ou encore de dlivrer une quantit dinformations et de

    conseils plus importants. Pour Adorno, ils choisissent consciemment dluder la question de la

    qualit des informations ou des conseils transmis.

    Adorno dnonce que paradoxalement, alors quon ne cesse de mettre en avant le pouvoir de

    lindustrie culturelle, personne ne semble sarrter sur le contenu transmis par celle-ci.

    Les consommateurs seraient eux-mmes prisonniers du plaisir superficiel et phmre apport

    par un produit issu de lindustrie culturelle et ce, mme si un doute subsiste quant la qualit de

    celui-ci.

    Enfin, ceux qui expliquent que les produits issus de lindustrie culturelle nont pas comme

    vocation tre considrs comme des uvres darts, Adorno rpond, en prenant lexemple de

    films grand spectacle, quils sont vus comme tels par la population et que par consquent, il serait

    naf de ne pas les analyser avec cette facette.

    Le cadre mis en place par lindustrie culturelle

    Enfin pour certains, lindustrie culturelle est ncessaire et acceptable, car en dlivrant tous les

    mmes produits, elle permet de crer un cadre commun qui sert de repre aux individus. Quand

    bien mme, cet argument serait recevable, Adorno exprime son interrogation sur les modalits de

    cration de ces normes destines devenir un cadre pour la population. Il parle alors dune

    idologie culturelle. Il explique que ces normes ne sont pas fondes sur des individus mais sur une

    population globale. Lordre inculqu par lindustrie culturelle est bas sur le statu quo cest--dire

    ltat actuel des choses. La population na dautres solutions que de se soumettre ce cadre.

    Il est indniable pour Adorno, que lindustrie culturelle vhicule un grand nombre de normes

    arbitraires. Il se demande alors quels sont les effets de telles normes sur les individus : Par la

    vertu de lidologie de lindustrie culturelle, le conformisme se substitue lautonomie et la

    conscience .

  • Les effets de lidologie de lindustrie culturelle sur les individus

    En vitant le particularisme, lindustrie culturelle prtend rsoudre les conflits. Les consquences

    de ce type dapproche peuvent tre dramatiques selon lauteur : uniformisation des besoins des

    individus, cration dtiquette pour rationaliser et dfinir les pratiques. Lidologie de lindustrie

    culturelle incite la conformit pour des raisons conomiques produire en masse est moins

    couteux que de personnaliser les produits ce qui entrane une rgression inexorable de la

    qualit des biens et services quelle produit. Adorno prend lexemple de producteurs amricains,

    ironisant sur le fait quils produisent leurs films de telle sorte quils soient comprhensibles par un

    enfant de 11 ans.

    Pour lui, parce que ses produits sont disponibles partout, lindustrie culturelle a un pouvoir sans

    limite quil ne faut pas ngliger et qui peut savrer dramatique pour la personne dans son

    individualit. Cette uniformisation visible nest pas le reflet dune uniformisation des individus,

    comme lexplique Adorno dans son texte, La production industrielle de biens culturels 2 :

    Si louvrier et son patron regardent le mme programme de tl, si la secrtaire shabille

    aussi bien que la fille de son employeur, si le Noir possde une Cadillac, sils lisent tous le

    mme journal, cette assimilation nindique pas la disparition des classes. Elle indique au

    contraire quel point les classes domines participent aux besoins et aux satisfactions qui

    garantissent le maintien des classes dirigeantes .

    Dpendance et servitude

    Les produits conformes lidologie de lindustrie culturelle tant proposs partout, le public en

    devient vite dpendant. Ces produits deviennent un moyen dendormir la conscience des

    individus qui finissent par ne plus rflchir en dehors de ce que propose lindustrie culturelle. La

    masse , au sens pjoratif, se forme partir de ces personnes dpendantes et incapables de

    formuler leurs propres besoins. Ils finissent alors par sidentifier aux reprsentations vhicules

    par lindustrie culturelle.

    Conclusion

    Comme nous la montr ce texte, le discours dAdorno est toujours dactualit malgr son

    anciennet. Aujourdhui nous sommes obligs de cohabiter avec lindustrie culturelle et la

    standardisation qui sont toujours de plus en plus fortes. Plusieurs questions peuvent tre poses :

    la standardisation a telle atteint son paroxysme ou va-t-elle continuer dvoluer, nous pouvons

    aussi nous interroger sur la place de la cration indpendante lheure actuelle. Avec Internet

    et la multiplication des modes de communication, il y a-t-il une place pour la diffusion de

    crations culturelles indpendantes et une culture de masse plus libre ?

    2 Texte issu de louvrage La dialectique de la raison de Theodor Adorno publi Amsterdam en 1947.

  • Pourquoi nous avons choisi ce texte

    Charlne

    Marion et moi avons choisi de travailler sur le thme des industries culturelles. Le choix de cette

    thmatique me tenait tout particulirement cur. Ayant effectu un master en valorisation du

    patrimoine avant la licence BDAN, jai eu la chance de mintresser la place et au pouvoir des

    industries culturelles dans la socit daujourdhui. En outre, il nous a paru pertinent, avec

    Marion, de sintresser la gense de la pense sur les industries culturelles en tudiant un texte

    de Thodor Adorno. Cette retranscription dune confrence radiophonique datant de 1967, est

    particulirement intressante car les problmatiques voques sont toujours dactualit. Bien

    que sensible largumentation dAdorno, la svrit de ses critiques lgard des industries

    culturelles me parait surdimensionne.

    Marion

    Avec Charlne, nous avions fait le choix de travailler sur la thmatique des industries culturelles.

    Cette thmatique mintresse particulirement car jai une formation en histoire de lart, je suis

    donc assez sensibilise ces problmatiques puisque jai suivi plusieurs cours qui voquaient ces

    questions. Ce texte ma paru intressant, car en le lisant on saperoit quil nest pas dat : 45 ans

    aprs, les problmatiques souleves sont toujours dactualit. Bien que lindustrie culturelle soit

    ncessaire, je suis assez critique sur les mthodes employes et je me retrouve entirement dans

    largumentation dAdorno. Je pense que malheureusement, depuis 1967, elle na cess de gagner

    du terrain et duniformiser les moyens de penser.