analyse de la prise en charge des patients traumatisés
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Analyse de la prise en charge des patients traumatiséssévères dans le contexte français : processus de triage et
processus de soinSophie Rym Hamada
To cite this version:Sophie Rym Hamada. Analyse de la prise en charge des patients traumatisés sévères dans le contextefrançais : processus de triage et processus de soin. Santé publique et épidémiologie. Université ParisSaclay (COmUE), 2019. Français. �NNT : 2019SACLS572�. �tel-03084258�
Analyse de la prise en charge des patients traumatisés sévères dans le
contexte français: processus de triage et processus de soin
Thèse de doctorat de l'Université Paris-Saclay préparée à l’Université Paris-Sud
École doctorale n°570 - Santé Publique (EDSP) Spécialité de doctorat: Santé Publique - Épidémiologie
Thèse présentée et soutenue au Kremlin-Bicêtre, le 20 Décembre 2019, par
Sophie Rym HAMADA
Composition du Jury : Pr Bruno FALISSARD PU-PH, Université Paris Sud Président Pr Hawa KEITA MEYER PU-PH, Université Paris Diderot Rapporteur Pr Karim TAZAROURTE PU-PH, Université Lyon Sud Rapporteur Dr Amina N’DIAYE MD, Université Lyon IFFSTAR Examinateur Pr Jacques DURANTEAU PU-PH, Université Paris Sud Directeur de thèse Dr Alexandra ROUQUETTE MCU-PH, Université Paris Sud Co-Directeur de thèse
NN
T : 2
019S
ACLS
572
2
Titre : Analyse de la prise en charge des patients traumatisés sévères dans le contexte français : processus de triage et processus de soin
Mots clés : traumatologie, parcours patient, mortalité, organisation
Résumé : La traumatologie est un problème de santé publique au troisième rang des années de vie perdues ajustées sur l’incapacité en France. L’investissement sanitaire et le volume de recherche qu’elle génère sont en deçà de ce que représente son impact sociétal. L’objet de ce travail de recherche était de plonger au cœur du parcours du patient traumatisé sévère pour en cibler trois problématiques clefs et tenter de répondre aux interrogations qu’elles génèrent. Les données utilisées provenaient essentiellement d’un observatoire de traumatologie lourde hospitalier (Traumabase®), régional et national, qui collige un ensemble de variables épidémiologiques, cliniques, paracliniques, et thérapeutiques des patients traumatisés sévères admis en centre de traumatologie. Le premier projet a ciblé l’orientation initiale (triage) des patients traumatisés sévères suite à un accident de la circulation au sein de la région Île de France et son effet sur la mortalité. Les patients initialement mal triés, transférés secondairement dans les centres de traumatologie régionaux, ne présentaient pas un pronostic plus sombre que les patients qui étaient transportés directement. Le système de soin dans son ensemble permettait de leur assurer un devenir équivalent. Une analyse en population réalisée par un chainage probabiliste des données avec les fiches d’accident de l’observatoire national de la sécurité routière a permis d’approcher le taux de sous triage conduisant au décès dans la région (0,15%) et d’objectiver que 60% des décès survenaient avant toute admission hospitalière. Le second projet visait l’optimisation de la jonction entre l’équipe médicalisée préhospitalière et l’équipe intrahospitalière.
Il s’est attelé à développer un outil de prédiction de la sévérité des patients hémorragiques pour permettre l’anticipation de l’admission des patients les plus graves. Cet outil, le Red Flag, avait pour cahier des charges d’être simple et pragmatique, et de ne pas nécessiter de dispositif externe pour l’utiliser. Il a identifié cinq caractéristiques (shock index>1, pression artérielle moyenne <70mmHg, hémoglobine capillaire < 13g/dL, bassin instable et intubation), dont la présence de deux ou plus d’entre-elles permettait d’activer l’alerte pour l’hôpital receveur. Cet outil devra être évalué en prospectif pour confirmer ses performances et évaluer son impact sur l’organisation et le devenir des patients. Le troisième projet de recherche ciblait plus spécifiquement une des thérapeutiques de la coagulopathie aigue du traumatisé sévère en choc hémorragique. Il a tenté de quantifier l’impact de l’administration de concentré de fibrinogène à la phase précoce du choc hémorragique traumatique (6 premières heures) sur la mortalité toutes causes confondues des 24 premières heures par une approche d’inférence causale (score de propension et méthode d’estimation double robuste). Il n’a pas été retrouvé d’effet significatif sur la mortalité, un manque de puissance pouvant être responsable de ce résultat (différence de risque observée : -0,031, intervalle de confiance 95% [-0,084 ; 0,021]). Ainsi l’ensemble de ces 3 projets de recherche ont permis de répondre à des problématiques ciblées du parcours du patient traumatisé sévère, générant par la même de nouvelles perspectives d’analyse pour mieux circonscrire les réponses de terrain.
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Title : Prehospital management of severe trauma patients in France : triage and care process
Keywords : traumatology, patient pathway, mortality, organization
Abstract : In France, the third most frequent cause of disability adjusted life years lost is trauma, an observation that makes trauma a public health challenge. However, investment in trauma care and specific research fails to meet this challenge and to acknowledge the associated societal and economic impact. The purpose of this research was to explore the core of the pathway of a major trauma patient and bring to light key issues and question and to find answers. The data used in this research were mainly extracted from a regional and national trauma registry, the Traumabase®. The registry collects epidemiological, clinical, paraclinical and therapeutic variables for patients with severe trauma admitted to participating trauma centres. The first project focused on the effects of triage on patients with severe trauma following a road traffic accident in the Ile de France region. Patients who were initially under triaged and then transferred to regional trauma centres did not have a worse prognosis than patients who were transported directly. The emergency medical system as a whole ensured that they would have an equivalent outcome. A population analysis carried out by a probabilistic data chainage using the accident records of the National Road Safety Observatory made it possible to approach
the undertriage rate leading to death in the region (0.15%) and to reveal that 60% of deaths occurred before any hospital admission. The second project developed a pragmatic pre-alert tool based on simple, clinical prehospital criteria to predict acute hemorrhage in trauma patients. This tool is meant to increase the performance of the receiving hospital trauma team of these critically sick patients and activate a specific hemorrhage pathway. The study identified five variables (shock index>1, mean blood pressure <70mmHg, capillary hemoglobin <13g/dL, unstable pelvis and intubation). If two or more variables were present, the tool identified patient with acute hemorrhage and the corresponding pathway should be activated. This tool requires prospective validation and assessment of its impact on care provision and patient outcome. The third research project focused on a therapeutic component of trauma induced coagulopathy. The study attempted to quantify the effect of fibrinogen concentrate administration at the early phase of traumatic hemorrhagic shock (first 6 hours) on 24 hours all-cause mortality using a causal inference approach (propensity score and double robust estimator). The research did not demonstrate any impact on mortality (observed risk difference: -0.031, 95% confidence interval [-0.084; 0.021]); a lack of power might be responsible for this result.
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Remerciements Je souhaite tout d’abord exprimerma plus grande reconnaissance etmon plus grand respect à JacquesDuranteauquimepoussedepuis10ansàfairelesbonschoixaubonmoment,quimepermetd’avoiruneautoetuneméta-perceptionmoinsminimalistesetsansquijeneseraicertainementpaslàaujourd’hui.Je tiens à remercier Alexandra Rouquette, ma directrice de thèse, qui a été cette lumière toujoursbienveillante,patienteettoujoursprésenteaucoursdecettelonguetraverséeassezsolitaire.Mercipourtaconfiance et pour ton dévouement pour ce projet dont la thématique t’était totalement inconnue il y aencore3ans.JeremercieBrunoFalissard,quiaétélecatalyseurdeceparcours,àplusieursétapes,àquijevoueunprofondrespectetquiestunesourced’inspirationquotidiennedansmafaçond’appréhenderlarecherche.JeremercieHawaKeitaMeyerd’avoiracceptéd’êtrelerapporteurdecettethèse.Jesuishonoréecarjeteconsidèrecommeunmodèledepuis16ansoùnosroutessesontcroiséeàBichat.Je remercieKarimTazarourted’avoir acceptéaussi d’être le rapporteurde cette thèse. Tonparcours, tavolonté,tapugnacitém’ontinspiréetoutescesannéesetjesuishonoréequetuaiesacceptéd’êtreundesarbitresdecetteaventure.Je remercie Amina NDiaye d’avoir accepté de faire partie de ce jury en tant qu’examinateur. Toninvestissement au quotidien dans le ReVARRhone (bientôt 25 ans !) et tes connaissances infinies sur lathématiquedecettethèsedonnentunedimensionparticulièreàtaprésencedanscejury.J’ensuistoutaussihonorée.Je tiens à remercier toute l’équipe de l’unité INSERM 1018 ou 1178 (je ne sais toujours pas!). Votreaccompagnementdanscettenouvellevieaétéextrêmementconstructifpourmoi.MerciàRemoniepournoshuis-closdubureaudessauvages,àFaroudypourtoutel’humanitéqu’ildonneàce4èmeétage,àArigepoursonamitié,àBachirpoursonintarissablegénérosité,àJérômepoursesconseils,merciàtouslesautrespourvossouriresauquotidien,Sylvie,Samia,Rémi,Audrey,Asma,Laurent,Azeb,Khaoula,Arnoo,Sophie,Maryam,PauloetPaulo.MerciàLaurencepoursonaccueildanscetteunité.MerciàJosianepourl’entretiende mes compétences en traumatologie pendant mon année de labo. Merci à Fabienne pour son aidelogistiqueaudébutdechaqueannée.MerciàJeanpourl’inspirationqu’ildiffusedanscesbureaux.Jetiensaussiàremerciermescollèguescliniciensquiontsuréaliserquelquesaménagements,parfoisàleursdépens,pourquejepuissevivrecetteaventure,etsurtoutlafinir.MerciàPierre-Etiennepourlesplannings,àJonaspourlesdépannagestoujoursauderniermoment,àAnatolepoursesconseilsprécieux,àGuillaume,VT, Aurore, Christian, Gaëlle, Bernard, Samy, Catherine, Anne Claire, Marie et Benjamin. Merci auxsecrétairesAlexandraetPatriciapourleurbienveillance.MerciàPegpourlesoleilqu’elledistillequandlesnuagesviennentprendreplace.EtunremerciementencoreplusspécialàMJ,pourcesquinzeheuresdechancelleriecesamedid’octobretoutgris…Mercipourtaconfianceauquotidienetpourtagénérositépersonnelle,unerichesseinestimable.Enfin,merciàtousceuxquim’entourentetnemelâchentpasmalgrématendanceàtoujourssiphonnerleurocéandepatience…enespérantnejamaisl’assécher…Merciàlamagied’opérerpourquecerveaudroitetgauchearriventàcomposerensembles,dansleréeletdanslesmondesparallèles,mêmesicen’estpastouslesjoursfacile.
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Équiped’accueil INSERMUMR1018CESP-CentrederechercheenÉpidémiologieetSantédesPopulationsHôpitalPaulBrousse15/16AvenuePaulVaillant-Couturier94807VillejuifDirecteur:BrunoFalissard FinancementJ’aibénéficiéd’unfinancementdel’ONISR(ObservatoireNationalInterministérieldelaSécuritéRoutière)danslecadred’unappelàprojet(N°2201141498)relatifauprojet«Traumabase®-IF-DSR:AccidentologieetfilièresdesoinsdestraumatiséssévèresdelarouteenrégionIle-de-France».
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Tabledesmatières
Listedesproductionsscientifiques...........................................................................................................9
Listedesabréviations..............................................................................................................................11
Listedesfiguresettableaux....................................................................................................................12
1. Introductiongénéraleetobjectifsdelathèse..................................................................................14
1.1.Définitionsetélémentshistoriques..................................................................................................141.2.Traumatologie:unproblèmedesantépublique...............................................................................171.3.Lesréseauxdesoins.........................................................................................................................201.3.1.Réseauexclusif......................................................................................................................................201.3.2.Réseauintégratif...................................................................................................................................201.3.3.Lepremierréseaudetraumatologiefrançais:lesAlpesduNord.........................................................211.3.4.Développementdesinitiativesrégionales.............................................................................................221.4.ParcoursdupatienttraumatisésévèreenFrance.............................................................................231.4.1.Lesystèmedepréhospitalier...........................................................................................................231.4.2.Letriage.........................................................................................................................................251.4.3.L’anticipationdel’accueil................................................................................................................261.4.4.L’accueilencentredetraumatologie...............................................................................................271.4.5.Casdespatientsenchochémorragique...........................................................................................281.5.Sourcesdedonnéesnécessairesetdisponibles.................................................................................291.5.1Lesregistresdetraumatologie...............................................................................................................291.5.2.Lessourcesdedonnéesmédicales........................................................................................................311.5.3.Lessourcesdedonnéesépidémiologiques............................................................................................311.5.4.Lessourcesdedonnéesmédico-administratives...................................................................................321.5.5.Lacombinaisondessourcesdedonnéesàviséeépidémiologique........................................................331.6.ObjectifsdelaThèse.........................................................................................................................35Premièrepartie:Triageetfilièredesoin......................................................................................................35Deuxièmepartie:Activationanticipéedel’équipehospitalière..................................................................36Troisièmepartie:Traitementspécifiquedelacoagulopathietraumatique................................................36
2. Sourcededonnéescommunesauxtroisprojets:LaTraumabase®..................................................37
2.1.Historique.........................................................................................................................................372.2.Objectifs...........................................................................................................................................372.2.1. Lesobjectifssanitaires...................................................................................................................372.2.2. Lesobjectifsscientifiques...............................................................................................................382.3.Inclusiondespatientsetmodalitésdesuivi......................................................................................382.4.Données...........................................................................................................................................382.5.Fonctionnement...............................................................................................................................392.6.Éthiqueetconsentement..................................................................................................................39
3. ÉpidémiologiedescriptivedespatientstraumatiséssévèresenIledeFrance(2015-2017)...............41
3.1.OrganisationdessoinsenÎledeFranceetstructures........................................................................413.2.Priseenchargepréhospitalière.........................................................................................................433.3.Priseenchargehospitalière..............................................................................................................473.4.Discussionetouverturesurles3projetsderecherche......................................................................50
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4. Triageetfilièredesoin....................................................................................................................52
4.1.Introduction.....................................................................................................................................524.2.Sourcesdedonnées..........................................................................................................................534.2.1.LefichierBAAC......................................................................................................................................534.2.2.LesdossierscliniquesdesSAMU............................................................................................................554.3.Populationetméthodes...................................................................................................................574.3.1.Populationsetsourcesdedonnées.......................................................................................................574.3.2.Définitionsdesvariablesetcritèresdejugement..................................................................................574.3.3.ChaînagedesdonnéesTraumabase®etBAAC......................................................................................584.3.4.Lesanalysesstatistiques........................................................................................................................604.4.Résultats...........................................................................................................................................634.5.Discussion.........................................................................................................................................724.5.1.Performanceduréseaudetraumatologieétudié..................................................................................724.5.2.Déterminantsdutransfertsecondaire..................................................................................................734.5.3.Analysesenpopulation.........................................................................................................................744.5.4.Limitesdenotreétude...........................................................................................................................754.6.Conclusion................................................................................................................................................75
5. Activationdel’équipehospitalièreavantl’arrivéedupatient..........................................................77
5.1.Introduction.....................................................................................................................................775.2.Populationetméthodes...................................................................................................................785.2.1.Population.............................................................................................................................................785.2.2.Définitiond’unehémorragiesévère(HS)...............................................................................................795.2.3.Variablespré-hospitalières....................................................................................................................795.2.4.Tailledel’échantillon.............................................................................................................................805.2.5.Analysestatistique................................................................................................................................805.3.Principauxrésultats..........................................................................................................................815.3.1.Lescohortes...........................................................................................................................................815.3.2.Développementduscore.......................................................................................................................835.3.3.Validationexterne.................................................................................................................................885.4.Discussion.........................................................................................................................................895.4.1.Lescritèresdel’alerte............................................................................................................................905.4.2.Unealertepragmatique........................................................................................................................915.4.3.Limites...................................................................................................................................................925.5.Conclusion................................................................................................................................................93
6. Thérapeutiquespécifiqueduchochémorragiquetraumatique........................................................94
6.1.Introduction.....................................................................................................................................946.2.Populationetméthodes...................................................................................................................956.2.1.Lescentresetlapopulation...................................................................................................................956.2.2.Modalitéd’administrationdesconcentrésdefibrinogène....................................................................966.2.3.Critèresdejugement.............................................................................................................................966.3.Analysesstatistiques........................................................................................................................976.3.1.Calculdel’échantillonettestsutilisés...................................................................................................976.3.2.ChoixdescovariablesetméthodeDelphi..............................................................................................976.3.3.Estimationduscoredepropension(PS)................................................................................................996.3.4.Calculdespondérationsetpropriétéséquilibrantes...........................................................................1006.3.5.Estimationdel’effetdutraitement.....................................................................................................1006.4.Principauxrésultats........................................................................................................................1016.4.1.Populationsdel’étude.........................................................................................................................101
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6.4.2.Pondérationparscoredepropension(PS)etpropriétéséquilibrantes...............................................1036.4.3.Objectifssecondaires...........................................................................................................................1076.5.Discussion.......................................................................................................................................1096.5.1.Délaid’administration.........................................................................................................................1096.5.2.Associationdufibrinogèneauplasma.................................................................................................1106.5.3.Justificationduchoixducritèredejugement......................................................................................1106.5.4.Limitesdel’étude................................................................................................................................1116.6.Conclusion..............................................................................................................................................112
7. Discussiongénéraleetperspectives..............................................................................................113
7.2.Chainagedesbases,parcourspatientetrèglementgénéralpourlaprotectiondesdonnées(RGDP)..............................................................................................................................................................1157.3.Cohortesobservationnelleset«MachineLearning»......................................................................1177.4.Lesaxesdeprévention...................................................................................................................1187.4.1.Préventionprimaireetsecondaire......................................................................................................1187.4.2Facteurhumain....................................................................................................................................1207.4.3.L’aprèstraumatisme...........................................................................................................................121
8. Conclusion....................................................................................................................................123
Bibliographie.........................................................................................................................................124
Annexe1:InjurySeverityScore(ISS)–Scoredegravitédeslésions......................................................133
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ListedesproductionsscientifiquesArticlesscientifiquespubliésdanslecadredelathèseHAMADAS,ROSAA,GAUSST,DESCLEFSJP,RAUXM,HARROISA,FOLLINA,COOKF,BOUTONNETM,TheTraumabaseGroup,ROUQUETTEA,andDURANTEAUJ.Development and validation of a pre-hospital “Red Flag” alert for activation of intra-hospitalhaemorrhagecontrolresponseinblunttrauma.CriticalCare2018May5;22(1):113HAMADAS,DELHAYEN,DEGOULS,GAUSST,RAUXM,DEVAUDML,AMANIJ,COOKF,HEGOC,TheTraumabaseGroup;DURANTEAUJ,ROUQUETTEA.DirecttransportvssecondarytransfertolevelItraumacentersinaFrenchexclusivetraumasystem:impactonmortalityanddeterminantsoftriageonroad-trafficvictims.PlosOne,inpressHAMADA S, PIRRACCHIO P, BEAUCHESNE J, BENLALDJMN,MEAUDRE E, LEONEM, POTTECHER J,ABBACK PS, GAUSS T, BOUTONNETM, COOK F, GARRIGUED, LESACHE F, JOSSE J, ROUQUETTEA,DURANTEAUJandtheTraumabaseGroupEffectofFibrinogenconcentrateadministrationonearlymortalityintraumatichaemorrhagicshock:apropensityscoreanalysis.SubmittedtoJournalofTrauma(sept2019)ArticlesscientifiquespubliésliésàlathématiquedelathèseFIGUEIREDO S, TACONET C, HARROIS A,HAMADA SR, GAUSS T, RAUXM, DURANTEAU J and theTraumabaseGroup.Howusefularehemoglobinconcentrationanditsvariationstopredictsignificanthemorrhageintheearlyphaseoftrauma?Amulticentriccohortstudy.AnnalsofIntensiveCare2018;8:76GAUSST,GAYATE,HARROISA,RAUXM,FOLLINA,DABANJL,COOKF,TraumaBaseGroup,HAMADAS.Effectofearlyuseofnoradrenalineonin-hospitalmortalityinhaemorrhagicshockaftermajortrauma:apropensity-scoreanalysis.BritishJournalofAnaesthesia2018Jun;120(6):1237-1244HAMADAS,FROMENTINM,RONOTM,GAUSST,HARROISA,DURANTEAUJ,PAUGAM-BURTZC.Femoralarterialandcentralvenouscathetersinthetraumaresuscitationroom.Injury2018May;49(5):927-932LAPLACEC,HARROISA,HAMADAS,DURANTEAUJTraumatismesthoraciquesnonchirurgicaux.MédecineIntensiveetRéanimation2018;27:57-66GAUSST,BALANDRAUDP,FRANDONJ,(…)HAMADAS,(…),BOUZATP,fortheGrouped’Intérêtentraumatologiegrave(GITE)StrategicproposalforanationaltraumasysteminFrance.AnaesthesiaCriticalCareandPainMedicine2019Apr;38(2):121-130PEROZZIELLOA,GAUSST,DIOPA,FRANK-SOLTYSIAKM,RUFATP,RAUXM,HAMADAS,RIOUB,TheTraumabaseGroup.Medicalinformationsystem(PMSI)doesnotadequatelyidentifyseveretrauma.RevueEpidémiologiquedeSantéPublique2018;66(1):43-52
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HAMADAS,ESPINAC,GUEDJT,BUARONR,HARROISA,FIGUEIREDOS,DURANTEAUJ.Highlevelofvenousthromboembolismincritically illtraumapatientsdespiteearlyandwell-driventhromboprophylaxisprotocol.AnnalsofIntensiveCare2017;(7):97TANAKAS,ESCUDIERE,HAMADAS,HARROISA,LEBLANCPE,VICAUTE,DURANTEAUJ.EffectofRBCtransfusiononsublingualmicrocirculationinhemorrhagicshockpatients:apilotstudy.CriticalCareMedicine2016;Sep15HAMADAS,GAUSST,PANNJ,DÜNSERM,LEONEM,DURANTEAUJ.Europeantraumaguidelinecomplianceassessment:theETRAUSSstudy.CriticalCare2015;19:423HAMADAS,DELHAYEN,KEREVERS,HARROISA,DURANTEAUJ.Integrating eFAST in the initial management of stable trauma patients: the end of plain filmradiography.AnnalsofIntensiveCare2016;6:62DUCHATEAUFX,HAMADAS,RAUXM,GAYM,MANTZJ,PAUGAM-BURTZC,GAUSST,TheTraumabaseGroup.Long-term prognosis after out-of-hospital resuscitation of cardiac arrest in trauma patients:prehospitaltrauma-associatedcardiacarrest.EmergencyMedicineJournal2016;0:1–5GAUSST,CAMPIONS,KEREVERS,EURINM,RAUXM,HARROISA,PAUGAM-BURTZC,theTraumabaseGroup,HAMADAS.FibrinogenonAdmissioninTraumascore:Earlypredictionoflowplasmafibrinogenconcentrationsintraumapatients.EuropeanJournalofAnaesthesiology2017;34:1–8TheTraumabaseGroup.Paristerroristattack:earlylessonsfromtheintensivists.CriticalCare2016;20:88HAMADAS,GAUSST,DUCHATEAUFX,TRUCHOTJ,HARROISA,RAUXM,DURANTEAUJ,MANTZJ,PAUGAM-BURTZC.EvaluationoftheperformanceofFrenchphysician-staffedemergencymedicalserviceinthetriageofmajortraumapatients.JournalofTraumaandAcuteCareSurg2014;76:1476:1483HARROISA,HAMADAS,LAPLACEC,DURANTEAUJ,VIGUEB.Theinitialmanagementofseveretraumapatientsathospitaladmission.AnnalesFrançaisesd’AnesthésieRéanimation2013Jul-Aug;32(7-8):483-91.GAUSST,HAMADAS,JURCISINI,DAHMANIS,BOUDAOUDL,MANTZJ,PAUGAM-BURTZC.Limits of agreement betweenmeasures obtained from standard laboratory and the point-of caredeviceHemochronSignatureElite(R)duringacutehaemorrhage.BritishJournalofAnaesthesia2014Mar;112(3):514-20RAUXM,GAUSST,HARROISA,HAMADAS.Delanécessitéderegistresfrançaisentraumatologie.AnnalesFrançaisesdeMédecined’Urgence2012;2:153-155
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Listedesabréviations AIS:AbbreviatedInjuryScaleARH:AgenceRégionaled’HospitalisationARS:AgencerégionaledesantéAUC:AreaUnderCurveAVP:AccidentdelaVoiePubliqueBAAC:Bulletind’AnalysedesAccidentsdelaCirculationBSPP:BrigadedesSapeurs-PompiersdeParisCerema:Centred'étudesetd'expertisesurlesrisques,l'environnement,lamobilitéetl'aménagementCGR:ConcentrésdeGlobulesRougesCF:ConcentrédeFibrinogèneCT:CentredeTraumatologieCUP:ConcentrésUnitairesdePlaquettes2RM:DeuxRouesMotricesFC:FréquenceCardiaqueGCS:GlasgowComaScaleHS:HémorragiesévèreIC95:IntervalledeConfianceà95%IGS2:IndicedeGravitéSimplifié2ISS:InjurySeverityScoreMGAP:Mécanisme,Glasgow,ÂgeetPressionartérielleNISS:NewInjurySeverityScoreOMS:OrganismeMondialedelaSantéONISR:ObservatoireNationalInterministérieldelaSécuritéRoutièreOR:OddsRatioPAS/PAD/PAM:PressionArtérielleSystolique/Diastolique/MoyennePFC:PlasmaFraisCongelésPL:PoidsLourdPS:ScoredePropensionROC:ReceiverOperatingCharacteristicRTS:RevisedTraumaScoreSAMU:Serviced’AideMédicaleUrgenteSAU:Serviced’AccueildesUrgencesSMUR:ServiceMobiled’UrgenceetdeRéanimationSOFA:Sepsis-relatedOrganFailureAssessmentSpO2:SaturationPulséeenOxygèneSSPI:SalledeSurveillancePost-InterventionnelleTRENAU:TraumasystemduRéseauNordAlpindesUrgencesTRISS:TraumaInjurySeverityScoreVL:VéhiculeLéger
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Listedesfiguresettableaux
ListedesfiguresFigure1.Schématisationdel'interactiondescompétencesnécessairesàlapriseenchargedesaccidentsdelacirculation.......................................................................................................15Figure2.LetriangledeJohnGordonetlamatricedeHaddon...............................................16Figure3.Tauxdemortalitévsfinancementetvolumedepublicationpourles30principalescausesdedécèsauxEtats-Unis...............................................................................................19Figure4.Schématisationduparcoursdespatientstraumatisés............................................35Figure5.Représentationdelarépartitiondescentresdetraumatologie(haut&bas)etdesSAMUetSMUR(bas)danslarégionIledeFrance..................................................................42Figure6.RépartitiondesdifférentsmécanismesaccidentelsdanslarégionIledeFrance....43Figure7.Représentationsynoptiquedescaractéristiquesdelapopulation..........................44Figure8.Représentationsynoptiquedelagravitélésionnelledespatients..........................45Figure9.ModalitésdetriagedespatientsarrivantencentredetraumatologieenfonctiondesSAMUdelarégion(Analyse2015-2017).................................................................................46Figure 10. Durées (en minutes) de médicalisation par SAMUs/BSPP en fonction del’acheminementdanschaquecentre,expriméesenmédiane[IQR]......................................47Figure11.Causesdedécèsaucoursduséjourenréanimation.............................................48Figure12.Diagrammeenradarreprésentantlesdélaisdepriseenchargeaudéchocagepourune sous population de patients transportés directement au centre de traumatologie etprésentantunehémorragiesévère.........................................................................................49Figure 13. Diagramme en radar représentant les délais de prise en charge hémostatiqueinterventionnellepourunesouspopulationdepatientstransportésdirectementaucentredetraumatologieetprésentantunehémorragiesévère.............................................................49Figure14.ÉvolutiondelamortalitéroutièreenFrancemétropolitaineetlesmesuresprisesenmatièredesécurité1970–2017(moyenneglissantesur12mois)...................................54Figure15.Diagrammedefluxdel’étudetriageetfilièredesoins.........................................64Figure16.Lieudedécèsdespatientsdécédéssuiteàunaccidentdecirculation.................71Figure17.Diagrammedefluxdel’étudeRedFlag.................................................................82Figure18.Distributiondel’originedespatientsdanslescohortesdedérivationetdevalidation.................................................................................................................................................83Figure19.Calibrationdumodèledelacohortededérivation:agrémententrelesproportionsdepatientsprésentantunehémorragiesévère(HS)observéesetprédites..........................88Figure20.Mosaïquesdecontingencecalculéespourlesseuilsde2et3points...................89Figure21.AlerteRedFlag(versiondiffusion).........................................................................90Figure22.ScreenshotofinternationalDelphiprocess(inEnglishforinternationalsharing).98Figure23.Diagrammedefluxdel’étude..............................................................................101Figure24.Supportcommunduscoredepropensionetéquilibredescovariables..............104
13
ListedestableauxTableau 1. Tendances transfusionnelles 2015-2107 dans la sous population de patientsprésentantunehémorragiesévère.........................................................................................50Tableau2.Caractéristiquesdespatientsdécédésdansles30premiersjoursenfonctiondelacausedudécès........................................................................................................................65Tableau3.Caractéristiquesdémographiques,physiologiques,etlésionnellesdespatientsenfonctiondumodedetransportàl’hôpital..............................................................................65Tableau4.Sévérité,caractéristiquescliniquesetparcourshospitalierselonletransport....67Tableau5.Résultatsdesanalysesmultivariéespouridentifierlesvariablesassociéesavecuntransfertsecondaire................................................................................................................68Tableau6.Comparaisonunivariéedespatientsdécédésà30joursetdessurvivants..........69Tableau 7. Sévérité, caractéristiques cliniques et parcours hospitalier selon le type detransport.................................................................................................................................70Tableau8.Caractéristiquesdescohortesdedérivationetdevalidation...............................84Tableau 9. Analyse univariée des variables préhospitalières selon la présentation enhémorragiesévère..................................................................................................................85Tableau10.Résultatsdel’analysemultivariée.......................................................................86Tableau11.Propriétésprédictivesdesdifférentescombinaisonsdevariablesétudiéespourdéfinirl’alerteRedFlag...........................................................................................................87Tableau12.CorrespondancedesvariablesTraumabase®liéesàl’exposition(administrationdeconcentrésdefibrinogèneetliésaudevenir(mortalitédes24heures)ettauxd’agrémententrelesexpertsduDelphi.....................................................................................................99Tableau13.Caractéristiquesdelapopulationdepatientsenchochémorragiquetraumatique...............................................................................................................................................102Tableau14.Déséquilibreentrelescaractéristiquesdespatientsavantetaprèspondérationparlescoredepropension....................................................................................................105Tableau15.Besoinstransfusionnelsdespremières24heures,scoresdesévérité,etdevenirdespatientsrecevantoupasdesconcentrésdefibrinogène...............................................106Tableau16.Analysesdesensibilité:averagetreatmenteffect(ATE)enutilisantdifférentesméthodesd’estimationduscoredepropension..................................................................108
14
1. Introductiongénéraleetobjectifsdelathèse
1.1.Définitionsetélémentshistoriques
L’OrganisationMondialede laSantédéfinit letraumatismecomme«une lésioncorporelle
provoquéedemanièresubiteoubrèveparuneénergieviolentesurl’organisme.Ilpeuts’agir
d’unelésionphysiquerésultantd’untransfertsoudainouexcessifd’énergiequidépassele
seuildetolérancephysiologiqueoudeplusieursélémentsvitaux(air,eau,chaleur)commeen
cas de noyade, de strangulation ou d’hypothermie. Le laps de temps qui s’écoule entre
l’expositionàl’énergieetl’apparitiondutraumatismeestbref»(1).Apartirdelà,ilestalors
possible de distinguer deux catégories de traumatisme selon l’intentionnalité: les
traumatismesintentionnels(suicides,agressions,violences,guerre)etlestraumatismesnon
intentionnels(accidentdelacirculation,dutravailetdelaviecourante).Cependant,ilpeut
parfoisyavoirdesincertitudessurlecaractèreintentionnelounond’untraumatisme.Ilpeut
parfois persister des ambiguïtés: entre la prise majeure de risque à l’origine d’un
comportementayant sciemmentconduità l’accidentet les comportementsplusoumoins
accidentogènesrésultantsdelaméconnaissancepartielleoutotaledesdangersencourus,la
frontière est étroite. Cette distinction est cependant utile pour classifier, documenter,
prévenirouréglementerlesdifférentstraumatismes.D’unpointdevuedesantépublique,la
luttecontreletraumatismes’organisedifféremmentselonlescatégoriessus-citées.
Lestraumatismesconcernenttouteslespopulationsetsurviennentdansuneextrêmevariété
d’activitéshumaines.Cependant,historiquement,l’approcheépidémiologiqueetlesactions
depréventionontété trèsdifférentesselonqu’il s’agissaitd’accidentsde lacirculationou
d’accidentdutravail,desuicides,deviolencesoud’accidentsdelaviecourante.Deplusla
luttecontrelestraumatismesconcernetoutunensembled’acteursdelasociété,tantlesaxes
d’approchesontpossiblesettantlesconséquencespeuventêtregraves(médecins,juristes,
administratifs,ingénieurs,sociologues...).Sinousprenonsl’exempledesaccidentsdelavoie
publique,laFigure1schématise,demanièrenonexhaustive,lesaxespotentielsdeprévention
etdepriseenchargedecesaccidents.
15
Figure1.Schématisationdel'interactiondescompétencesnécessairesàlapriseenchargedesaccidentsdelacirculation
Laprisedeconsciencequelesaccidentsnesontpasseulementliésàlafatalitéetauhasard
estrelativementrécente.L’identificationdufaitqu’ilssontaccessiblesàlaconnaissanceet
l’actionetdoncà laprévention lesa faitbasculerdans lechampde la santépublique.Ce
passageestbiendécritparGeoffreyVickers:“Thelandmarksofpolitical,economicandsocial
historyarethemomentswhensomeconditionpassedfromthecategoryofthegivenintothe
categoryoftheintolerable...Ibelievethatthehistoryofpublichealthmightwellbewrittenas
arecordofsuccessivere-definingsoftheunacceptable“(2).
Ainsi,jusqu’aumilieuduXXèmesiècle,lesaccidentsavaientunstatutd’évènementsinévitables,
dont lasurvenueconduisaitaudécèsouàdes incontournablesréparationspourtenterde
reveniràlavieantérieure.L’intégrationdutraumatismedanslecadresocial,environnemental,
matériel au-delà du comportement individuel du traumatisé, a permis une approche
multifactorielle, systématisée, permettant de proposer des actions de prévention.
Heureusement cette approche a beaucoup évolué sur les cinq dernières décennies, et
notamment grâce aux travaux d’ingénieurs chercheurs comme John Gordon et William
HaddonJunior(3).
JohnGordonainitialementdécritletraumatismecommelarésultantedeforcesprovenant
aumoins de trois origines: le sujet, l’élément et l’environnement (dans lequel le sujet et
l’élément se trouvent).WilliamHaddon,à la fois ingénieur,épidémiologisteetmédecin,a
Accident de la circulation
§ Constructeurs automobiles§ Ingénieurs / voirie
§ Epidémiologistes§ Chercheurs de santé publique
§ Sociologues§ Philosophes§ Economistes …
§ Service médical§ Ressources et compétences
§ Formation§ Communication
§ Juristes§ Elus et politiques
16
poursuivi les travaux de ses prédécesseurs sur le planconceptuel et développé des outils
permettantdepasserdelathéorieàlapratique.Ilestconsidéréparplusieurscommelepère
des méthodes modernes de prévention et de contrôle des traumatismes. Il a complété
l’approchedeGordonenyajoutantunedimensiontemporellepermettantuneanalyseàtrois
tempsdifférents:avant,pendantetaprèsl’accident.Lareprésentationducroisementdeces
troistemps(ligne)etdecestroisfacteurs(colonnes)estcommunémentappeléelamatrice
deHaddon(4)(Figure2).
Figure2.LetriangledeJohnGordonetlamatricedeHaddon
Cette approche permet une analyse systématique de tous les facteurs associés aux
traumatismesauxdifférentesphasesdumécanismeaccidentel.Cettedimensiontemporelle
s’apparenteàcelleassociéeauconceptdepréventionprimaire,secondaireettertiaireutilisé
dansledomainedelasantépublique.
17
Lechoixdesactionsdepréventionàprivilégierdoitensuiterépondreàplusieurscontraintes:
- Sociales: lesmesures doivent cibler lesmécanismes affectant le plus grand nombre de
victimeset/ouaveclesconséquenceslesplusimportantes;
- Technologiques: les mesures passives visant à améliorer l’environnement sont les plus
facilesàmettreenœuvre,lesmoinschères,lesplushomogènessurlesusagersetavecune
actiondansletempslaplusprolongée;
-Multicibles: lesmesurespeuventavoirdeseffetsàdiversniveaux(hôte,objet)ainsiqu’à
plusieurstemps(préetper-événement)parexemple(exempledeséthylotestsdedémarrage);
-Économiques: lesmesures lesplusrentables(rapportcoût/bénéfice)sonttoujourscelles
quiserontprivilégiées.
Cedernierpointpermetderebondirsurlecoût,financieretsociétaldestraumatismes.
1.2.Traumatologie:unproblèmedesantépublique
Danslesrapportssanitairesmondiauxdel’OMSde2014,lesannéesdevieperdues(Yearof
LifeLost,YLL)secondairesauxaccidentsdelavoiepublique(3YLL%),combinéesauxviolences
interpersonnelles(1,5YLL%)ouauto-infligées(2YLL%)arriventensemblesàla4èmeplacedes
annéesdevieperduesderrièrelesmaladiescardio-vasculaires,lesinfectionsrespiratoireset
lesaccidentsvasculairescérébraux(5).Danslespayslesplusindustrialisés,lefardeauglobal
attribuableauxtraumatismesresteinférieurauxpayslesplusdéfavorisés,cependantilreste
quandmêmedanslespremièrescausesd’annéesdevieperduesdanscetypedepopulation.
EnFrance,l’associationdudécèsetduhandicap,expriméeenDALY(DisabilityAdjustedLife
Year/100000) place la traumatologie juste derrière les cancers et les maladies cardio-
vasculaires(3887vs2249vs1601DALYs/100000,respectivement)(6).Endépitdecesdonnées,
latraumatologieestpauvrementdotéeentermesd’investissements,auniveausanitaireainsi
qu’auniveaudelarecherchescientifique(7).Lelobbyingesttrèsmodesteetl’investissement
deslaboratoirespouraméliorerlapriseenchargedecespatientsestminimalcarlamargede
gainestfaibleentraumatologie:lesproblématiquessontsimples(hémorragie,traumatisme
crânien, orthopédie...) et peu génératrices de découvertes enrichissantes pour les
laboratoires.Parexemple, l’acidetranexamique(environ4€partraitement)est ledernier
traitementendateayantmontréuneffetsignificatifsurlamortalitéencasd’hémorragie(8).
Uneéquipeaméricaineatentédemodéliserlevolumedefinancementpublic(viaunebase
de données colligeant les projets financés par les agences fédérales) et le volume de
publications(vialesMEdicalSubjectHeadingtermsetMedline)pourles30premièrescauses
18
demortalité spécifiques aux États-Unis (9). Deuxmodèles de régression linéaires ont été
réalisésenutilisantletauxdemortalitécommevariableindépendanteetlefinancement/les
publicationscommevariabledépendante(Figure3).Lesrésultatssontfrappantsetmontrent
àquelpointlesmécanismestraumatiquessontquasimenttousendessousdesprédictionsde
financementetdepublication.Leschutesreprésentaientlapremièrecausedemortalitéla
moinsfinancéeetfaisantl’objetduminimumderecherche,justeavantlesplaiespararmesà
feu(9).Lesautresmécanismestraumatiquessetrouvaientdemanièreconstanteendessous
desvaleursprédites,pourlapublicationetpourlefinancement.
Cette dissociation entre l’importance du fardeau social et sanitaire et la faiblesse des
investissementsdespouvoirspublicsestprobablementmultifactorielle:défautdelobbying
positif,potentielsconflitsavecdesgroupesd’intérêtspuissants(armes,secteurdesvinset
spiritueux,constructeursautomobiles…),importancedufacteurhumaindanslaqualitédela
priseenchargedupatienttraumatisé.Cesélémentsnesontpasquantifiablesprécisément.
Ainsi,au-delàdes«médicaments»,unpatienttraumatiséasurtoutbesoind’avoiraccèsàun
plateautechniquesuffisantpourtraiterseslésions,etcedansletempslepluscourt,surtout
pourlestraumatiséslesplusgraves.
19
Figure3.Tauxdemortalitévsfinancementetvolumedepublicationpourles30principalescausesdedécèsauxEtats-Unis
Zonesgrisées:intervallesdeconfianceà95%.Lefinancementreprésentelefinancementtotalaccordéaucoursdelapériodede2004à2015.Lesmontantsendollarsn'ontpasété corrigéspour l'annéeau coursde laquelle ilsontétédéclarés.
20
1.3.Lesréseauxdesoins
Ilestfondamentalquedessoinsmédicauxdequalitérépondantauxstandardslesplusrécents
puissent êtredispensésdansdes centres recevant les patients traumatisés.Deplus, il est
essentielquel’ensembleducircuitdepriseencharged’unpatienttraumatisédepuislesite
de l’accident jusqu’à la finde sonéventuelle rééducation répondeauxmêmes critèresde
qualité.C’estpourrépondreàcetteproblématiquequedenombreuxpaysontmisenplace
des réseaux de traumatologie, afin de s’assurer que les patients traumatisés soient
correctementprisenchargeentoutlieuduterritoire,maisaussiqu’ilssoientadressésdans
ledélailepluscourtdansuncentrequipuissetraiterspécifiquementleslésionsobservéeset
stabiliserl’étatclinique.Lamiseenplacedecesréseauxamontréuneincidencefavorablesur
lamortalitédansdenombreuxtravaux(10–12).
1.3.1.Réseauexclusif
Dans un système exclusif, les patients sont orientés vers un faible nombre d’hôpitaux
ultraspécialisés et désignés comme "Centres de traumatologie". Un système exclusif
fonctionnepluscommeunentonnoirquecommeunréseauetadonccertaineslimites.Ilya
peu à pas d’optimisation géographique et pragmatique des moyens. Cette organisation
conduità l'affaiblissementdescompétencesdescentresnondésignés,età l’incapacitéde
fairefaceàl’accueildecespatientsencasdetriagedéfaillant(transfertsecondaire)ousiles
capacités des centres référents sont dépassées.De plus, la durée des transports peut
représenteruneproblématiquecentralequand il s’agitde rapatrier lespatientsdepuis les
zonesruralesverslescentresderéférence,etquelesmoyensaéroportéssontindisponibles.
Cependant,lamiseenplacedetelssystèmesauxÉtats-Unisdanslesannées80apermisune
réduction significative de la mortalité par rapport aux centres non spécialisés (-20%), en
particulierpour lespatients lesplus gravementatteints (chochémorragique, traumatisme
crânienouscorelésionnelélevé)(10,11,13).
LarégionIledeFranceestdotéed’unsystèmeexclusifcombinant6centresdetraumatologie
désignésetlabellisésparl’AgenceRégionaledeSanté.
1.3.2.Réseauintégratif
Dans un réseau intégratif (ou inclusif), les établissements de prise en charge certifiés à
participerauréseauexploitentleurspropresmoyensavantdedéléguerlapriseenchargeà
unautrecentre.Lesétablissementsd’unniveaudecompétenceplusfaiblequelecentrede
21
traumatologiesonttenusàremplirleursmissionsinscritesdansleurchampdecompétence,
sansprisederisquepourlepatient.L’aspectintégratifduréseauapourobjectifd’impliquer
touslesacteursettouslesétablissementsàleurniveaupourassureruneexpositionsuffisante
etmaintenirceniveaudecompétence(14).Lesstructuressontainsidésignéesenniveau1,2
et 3 en fonctionde leur organisation, des compétences et duplateau technique (15). Les
centresdeniveau1,souventcentreshospitalo-universitairesderéférencepourunerégion
sanitaire,peuventassurerl’intégralitédesprisesencharge.Lamiseenplaced’unlogicielde
partaged’imagerierégionalparfaitementfonctionnelestlegaged’unetelleorganisation(16).
Ceprincipedefonctionnementpermetde(17):
- Maintenirlacompétenceàchaqueniveau,
- Éviterdeseffetsdecentralisation,
- Éviterladépossessiondesétablissementsetdescliniciensdeleurspatients,
- Éviterl’éloignementdespatientsetdesfamillesdeleurrégions’iln’yapasd’indication
médicaleàuntraitementencentrespécialisé,
- Éviterlasurchargedetravaildescentresderéférence(réductiondusur-triage),
- Faciliterleretoursurlesétablissementsnonspécialisésdanslescasoùuntraitement
encentrederéférenceneseraitpasindiqué.
Dans un système inclusif, les centres de niveau 3 ont une importance toute particulière.
L’organisation de ces centres limite la mortalité des patients échappant au triage. Les
soignantstravaillantencentredeniveau3doiventpouvoir«rectifierletir»ensefondantsur
lesrésultatsiconographiquesduscannerinjectéeducorpsentier,réaliséedansl’heureaprès
l’admission,pourré-adresserlespatientsnécessitantunepriseenchargespécialiséedansles
centres de niveau 2 ou 1. Les recommandations de prise en charge sont communes à
l’ensembleduréseauetcertainsprocessuspermettentd’évaluerleursperformances.
Lesdifficultésdefonctionnementdecetypedesystèmesontlecorollairedesesavantages,
fondé sur le participatif et le consensus. En effet, faire évoluer des «acquis» par auto-
déterminationestmoinsobjectifquedevoirrépondreàdescontraintesformellesdictéespar
lestutelles.Lessystèmesintégratifsnécessitentdoncunecoordinationimportanteentreles
différentscentresetuneénergieconsidérabledefédérationetdepilotage.
1.3.3.Lepremierréseaudetraumatologiefrançais:lesAlpesduNord
Le projet débute à la fin de l’année 1999 avec une médecin de l’Agence Régionale
22
d’Hospitalisation (ARH) récemment revenueduCanadaetdésirant s’inspirerdu succèsde
l’organisation de la traumatologieQuébécoise pour l’importer en France. Le REseauNord
AlpindesUrgences(RENAU)s’estalorsprogressivementdéveloppédanslesAlpesavecune
volonté que le cœur de l’organisation du réseau soit positionné hors des gros centres.
Plusieursgroupesdetravailsesontmisenplaceavecdesproblématiquesspécifiquespour
chacun(arrêtcardiaque,AVC,transportnéonatal…)(18).
Entraumatologie, letravailacommencéplustardivement,en2006,pouraboutiretnaître
comme le TRENAU (Trauma REseau Nord Alpin des Urgences) début 2009. Le projet est
actuellementfinancéparl’ARSgranderégionpourl’unifierauxregistrestraumatologiquesdu
Rhône(RESUVAL),delaLoire(RELIAN)etdel’Auvergne.LefinancementestassociéauRENAU
pourl’ensembledesesmissions,etaucunementdefaçonspécifiqueentraumatologie.
La labellisation des centres est déclarative et non dirigée par les tutelles, le système est
intégratif(cf1.3.2)etilexisteuncahierdeschargescorrespondantàchaqueniveaudecentre
(I,IIouIII)(15).
1.3.4.Développementdesinitiativesrégionales
Après l’élan donné par le TRENAU (19), les initiatives régionales se sont multipliées. Le
RESUVal (RéseaudesUrgences de la Vallée duRhône) s’est inspiré du TRENAU. Ces deux
réseauxsontcapablesdemutualisercertainsmoyens.
Cependant,endehorsduTRENAUdontladémarcheinitialeestplutôtinstitutionnelle(ARH),
lesautresinitiativessontfondéessurdesdémarcheslocales,parfoisindividuelles.Lesacteurs
de ces démarches font état d’un effort important consacré pour construire, informer,
convaincre et susciter l’écoute. Cet effort est ressenti comme difficile puisqu’il intervient
avanttoutereconnaissanceparlestutellesettoutfinancement.Lestutellesontsensibilisé
leurécouteetlibéréunpeulesfinancementssuiteàlavaguedeterrorismeenFranceen2015
(20).Lachargeémotionnelleacatalysélaprisedeconsciencedespouvoirspublicssurl’intérêt
desréseauxdesoinsentraumatologie,nonseulementpourl’accueilmassifdevictimes,mais
aussipourlequotidiendelatraumatologiecivile(e.g.formationsnationalessurl’organisation
delapriseenchargedesvictimespararmesàfeuetdesvictimesmultiplesavantl’Euro2016)
(21).Ces réseauxont fonctionnéen IledeFrance (22)ouàNice (23). Ils restent toutefois
perfectiblesetilestnécessairedelesétendreàl’ensembleduterritoire.
Cependant, le succès d’un réseau dépend beaucoup de facteurs humains. L’Organisation
23
Mondiale de la Santé stipule bien qu’il dépendde la genèse d’une confiance transversale
interdisciplinaire et interprofessionnelle, la compréhension de l’intérêt d’un projet
communautaire et la participation collective à une évaluation de la qualité de la prise en
chargeduparcoursdepatienttraumatisé(24).
1.4.ParcoursdupatienttraumatisésévèreenFrance
1.4.1.Lesystèmedepréhospitalier
Historiquementcesontlesguerresetl’expériencedelamédecinemilitairequiontgénéréles
premièresorganisationsdepriseenchargedesblessés.Durantlesguerresnapoléoniennes,
leschirurgiensLarreyetPercysauvaientles«grognards»surleterrain,enpratiquantdestrous
detrépandanslaboitecrânienneetdesamputationsdesauvetagefaceàdesplaiesartérielles
demembrequ’ilsnesavaientpasréparer(25).Lesexpériencesdesdeuxguerresmondiales
etdesguerresdedécolonisationontprogressivementéloignélemédecindespremièreslignes,
et le relevage des blessés a été confié à des brancardiers-secouristes. La divergence
fondamentale avec les anglo-saxons survient dans les années 1950, lorsque le ministre
français de la santé aide à l’impulsion d’une organisation centrée sur les médecins
(réanimateurspuisanesthésistes/réanimateurs)pourfairefaceàunedramatiqueépidémie
depoliomyélite.Ils’agissait,àcetteépoque,d’allerchercherlespatientsvictimesd’insuffisancerespiratoire
aiguëdansdepetitshôpitauxnedisposantpasdemoyensdeventilationmécanique.Étaitné
le concept d’envoi au lit du patient de médecins qualifiés pour réaliser des gestes de
réanimation, permettant de stabiliser l’état du patient et d’assurer son transfert dans de
bonnesconditionsversunhôpitalspécialisé.Lespremièreséquipesmédicalesartisanalestant
dansl’équipementmédicalquedanslesmoyensdetransport,sesontprofessionnaliséeset
ontdéveloppédesstratégiesdepriseenchargedespatientsenfonctiondeleurpathologie.
En 1956, les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) étaient créés par le
ministèredelasanté(26).Toutefois,àcetteépoqueleurrôlen’étaitpasceluid’aujourd’hui.
Les médecins se déplaçaient dans d’autres hôpitaux mais n’allaient pas au domicile des
patientsousurlavoiepublique.LeséquipesmédicalesdesSMURétaientrattachéesàdes
hôpitaux universitaires et ne se déplaçaient qu’après un appel de collègues médecins
hospitaliers. Il n’existait pasdenumérod’appeluniquenide régulationmédicale.C’est le
médecinrecevantl’appel,quipartaitauprèsdupatientetquidécidaitdel’hôpitald’accueil:
leplussouventcedernierétaitl’hôpitaluniversitairesiègeduSMUR.
24
Le développement du trafic automobile et l’hécatombe liée à l’accidentologie routière
conduisent,danslesannées1970,àrenforcerl’implicationdesSMURetnécessitentlamise
enplaced’unmaillageterritorial,deprocédures,etd’alertesplusélaborés.LepremierSAMU
(Serviced’AideMédicaleUrgente)estcrééen1968parlePrLarengàToulousepuisd’autres
sedéveloppentdanslespréfecturesfrançaises.C’estenfinlaloidu6décembre1986quifut
leréelactedenaissancedesSAMUfrançaisenlistantsesmissionsetsesobjectifsetenlui
attribuantle15commenumérod’appelnationalunique.LesSAMUsedotentofficiellement
d’uncentrederéceptionetderégulationdesappelsquidevientuneplate-formed’appelsà
caractèresmédicaux.Cesdernierssedéveloppentavecdesoutilsdetéléphonieavancéset
des systèmes d’information multiples (géolocalisation, dossier informatisé, répertoire
opérationnel des ressources...). De nouveaux métiers apparaissent, en particulier celui
d’assistant de régulation médicale (PARM), tenu par des personnels non soignants mais
formésspécifiquement. Leur rôleestdedétecter,dès l’appel, les critèresdegravitéetde
s’assurerdel’engagementdesmoyensdécidésparlemédecinrégulateur.Lesmédecinsdes
SAMU sont devenus en 20 ans desmédecins spécialisés enmédecine d’urgence, dont la
reconnaissance statutaire et universitaire a été consacrée au cours des années 2000. Les
SMURsesontdéveloppésaupointd’êtreprésentsdanslamajoritédeshôpitauxduterritoire
métropolitain.Paradoxalement,leshôpitauxfrançaisn’ontpas,ourarement,évoluésurun
modèle d’organisation formalisée en réseau. Dans le système anglo-saxon, les hôpitaux
reçoivent les patients adressés par les «paramedics » donc la nécessité de formaliser les
transfertsdepatientsaprobablementaidéaudéveloppementdesréseaux.EnFrance,dufait
dutriagemédicalpréhospitalieretdelarégulationmédicalepermettantd’embléedechoisir
l’hôpital adapté et disponible, les hôpitaux se sont appuyés sur le SAMU plutôt que de
s’organiserenréseaux.
L’évaluationdecesystèmedesoinsmédicalisépré-hospitalierrestefrustedufaitdel’absence
deregistrecentralisé,oudebasededonnéesinterfaçableentrelesdépartements.Decefait,
ilestdifficiledelecomparerauxautressystèmes(27).L’étudeFIRSTestlapremièreàdécrire
l’utilisationdesSAMUpourlapriseenchargedestraumatisésgraves.
L’étude FIRST (French Intensive care Recorded in Severe Trauma) (28) a été conçue pour
obtenirdesdonnéessurlespatientstraumatisésgravesprisenchargesurleterritoirefrançais.
Cetteétudeobservationnelleestlefruitd’unProgrammeHospitalierdeRechercheClinique
(PHRC)national ayant inclus2703 traumatisés gravesen29mois (2004-2007) sur13CHU
25
répartissurl’ensembleduterritoire.
Ilapparaissaitque7%(n=190)destraumatisésgravesn’avaientpasétéprisenchargeparun
SMURmaisavaienttousbénéficiéd’unerégulationmédicale,laquellen’avaitpasdétectéde
critèresdegravitéaumomentdelatransmissiondubilanparlessecouristes.Or,larégulation
médicale est le premier maillon de la filière de soins. L’absence de médicalisation pré-
hospitalière limite le nombre de patients entrant dans une filière spécialisée (centre de
traumatologie),lepatientnonmédicaliséétantadressésurl’hôpitaldesecteurparleséquipes
desecouristesdeproximité.L’étudeFIRSTasuggéréquelamédicalisationpré-hospitalière
réduiraitpar2lerisquededécèsà30jours.L’évaluationinitialesemblaitdéterminante.En
effet,surles651patientsadmisinitialementdansunhôpitalgénéral,seuls28%avaienteu
ungestechirurgicalavantleurtransportversuncentredetraumatologie.Al’admissionen
centredetraumatologie,272(42%)decespatientsontalorseuungestechirurgical.Ainsi,
l’évaluationpré-hospitalièredoitêtrepréciseetrigoureusepournepasretarderl’admission
encentrespécialisé.Leprocessusdetriageestalorsessentielpourquelefonctionnementdu
systèmedesoinssoitoptimal.
1.4.2.Letriage
Leprocessusdetriageestdonclapierreangulairedetoutréseaudetraumatologiemature.Il
permetaupatienttraumatiséd’êtreadmisdanslastructurelaplusappropriéeauniveaude
soinsdont il a besoin. Ceprocessus est déterminantpour le devenir despatients les plus
sévères.L’algorithmedetriagefrançaisaétédéveloppéen2002lorsducongrèsdesSAMUà
Vittel(29).Ilesttrèscomparableàl’algorithmedetriagenord-américaindécritparl’ACSCOT
(American College of Surgeons Committee on Trauma) (30) mais contrairement à lui, les
«CritèresdeVittel»nesontpasdérivésdel’analysed’unebanquededonnéesnationale.Les
critèresdeVittelsonttousassociésd’unmême«poids»logistique,unepressionartérielle
systolique<90mmHgconstituantuncritèredegravitéidentiqueàceluidujugementsubjectif
de l’équipe médicale pré-hospitalière pour apprécier la «haute vélocité» de l’accident.
L’algorithmefrançaisfondésurlescritèresdeVitteldonneainsiuneréponsedichotomique:
silepatientprésenteaumoinsuncritère,ilestconsidérécommetraumatiségrave,sinonil
n’appartientpasaprioriàcettecatégorienosologique.Lesystèmeaméricaindel’ACSCOTse
fondesur4étapessuccessives(critèresphysiologiquespuisanatomiquespuiscinétiqueset
enfinconsidérationsparticulières)pourdistinguerdesniveauxdegravitédécroissantsparmi
les patients considérés «traumatisés graves». Évalué a posteriori par Hamada etal (31),
26
l’algorithme de triage français a montré ses performances avec 62 % de triage adéquat
(patientayantunInjurySeverityScore–ISS>15admisencentredetraumatologie),36%de
sur-triage(patientayantunISS≤15admisencentredetraumatologie)et2%desous-triage
(patientayantunISS>15admisdansunhôpitalgénéral).LamiseenplaceduréseauTRENAU
(Trauma REseau Nord Alpin des Urgences), avec son propre algorithme de triage, s’est
accompagnéed’unediminutiondusous-triagede15à4,6%.Uneanalysede3428patients
duregistredemonitoringduréseauamontréquelerespectdesprocessusdetriageetde
gradationdegravitéétaientassociésàunediminutiondusous-triage (RR0,47, IC95 [0,40;
0,56])(32).
L’obtentiond’untriageadapténécessitel’identificationdesstructuresdesoinsetduplateau
techniquedisponibleauseinduterritoire.Ilfautplacer«lebonpatientaubonendroitaubon
moment».Ceci impliquedecatégoriserlepatientetchaquecentre(33).Leprocessusdoit
doncêtreconnu,acceptéetappliquépar l’ensembledesacteursdelafilière.Cetravailde
structurationreprésentelesfondationsindispensablesàlaconstructiond’unréseaudesoins
solide.Cependant, laréalitédutriageenFranceestbeaucoupmoinsformaliséequ’ellene
devrait l’être en théorie. Les critères de Vittel ne sont pas toujours connus, pas toujours
appliqués.Ilexistedeplustouteunesériedescorespermettantdeprédirelamortalitéqui
sont proposés par les sociétés savantes comme aide au triage (MGAP (34), RTS (35)).
Cependant ces différentes approches manquent de pragmatisme. Par exemple, le MGAP
(Mechanism,Glasgow,Age,Pressure)estbasésur laprobabilitédedécès,or,cen’estpas
l’élémentlepluspertinentpourpouvoirorienterlespatientsverslescentresadaptés.Deplus,
danslalittérature,laperformancedutriage(triageadéquat,suretsous-triage)estévaluée
surlescorelésionnelfinaldupatient(ISS,calculéaprèsbilancomplet)(36).Cesapproches
sontendéfinitiveréductrices.Eneffet,cequeproposeuncentredetraumatologie,c’estde
pouvoir prendre en charge le patient de façon globale, de hiérarchiser l’urgence des
différentes thérapeutiques plus ou moins spécifiques à mettre en place, et ce, le plus
rapidementpossible.Certainspatientsontparexempledesmono-lésions(scorelésionnelbas)
dontlepronosticvitalestengagéàcourttermes’ilsnebénéficientpasdegestesspécifiques
leplusrapidementpossible.
1.4.3.L’anticipationdel’accueil
L'anticipationentraumatologiesévèreestunerèglefondamentalepourgagnerdutempset
ainsiaméliorer lasurviedespatients traumatiséssévères.L’analyserécented’unecohorte
27
française combinée (territoires des Alpes du nord et de l’Ile de France) a montré que la
mortalitéaugmentaitde8%àchaqueaugmentationde10minutesdutempsdelapriseen
chargepréhospitalière(37).
Ainsi les informationscliniquesetphysiologiquesrecueilliessur leterrainreprésententdes
donnéescrucialespourlemédecinquiseraenchargedupatientàl'hôpital.Aprèsl’échange
téléphonique avec le médecin régulateur du SAMU, le médecin responsable de l’accueil
(communément appelé avec l’anglicisme «trauma leader») peut activer en conséquence
l’équipe de traumatologie (38). Le «facteur humain» est une des cibles principales de
l’anticipationdel’accueil(39),enidentifiantlesacteurs,activantleurcognitionindividuelle,
collective, en préparant l’environnement via des check-lists et en déclenchant toute la
séquenceorganisationnelleauseindelastructure.
Iln'yapasderèglestrictepouractiverl'équipedetraumatologie,cependant,l'activationdoit
sefaireselonunprotocolelocalétabli,pouréviterl’inadéquationentrelagravitédupatient
etlesmoyensmisenœuvre,quisont,pardéfaut,délétèresaupatient,ouparexcès,délétères
àlastructure.Deplus,lorsdel'activationdel'équipedetraumatologie,letraumaleaderpeut
déclencherdesinterventionsmédicalesspécifiquesenfonctiondelagravitépréhospitalière
du patient (40) ou de situations exceptionnelles (comme la prise en charge initiale d'un
polytraumatismegravechezunefemmeenceinteautroisièmetrimestre).
Cependant, même si les constantes préhospitalières sont rassurantes, l'équipe de
traumatologie doit être enmesure de faire évoluer l’intensité de soins rapidement, si le
patient est plus gravequ’attendu (chochémorragique, coma…). Pour ces raisons, certains
scorescommeleTASHscore(TraumaAssociatedSevereHemorrhagescore(41))ouleABC
score(AssessmentofBloodConsumption(42))ontétéévaluéspourprédireunetransfusion
massiveenfonctiondesparamètresphysiologiquesàl'arrivéedel'hôpital(43,44).Bienque
cesscoressoientbiencorrélésàunetransfusionmassive,ilsn'ontpasétéévaluésdefaçon
prospective pour savoir s'ils modifiaient le devenir des patients. De plus, la phase
d’anticipationdoitsebasersurlesdonnéespréhospitalièresetnonsurlesdonnéesàl’arrivée
dupatientpourquelesréactionspuissentêtrelesplusprécocespossibles.
1.4.4.L’accueilencentredetraumatologie
L’accueilhospitalierdupatienttraumatisésuspectésévèreestunepériodecritiquequivise
danslemêmetemps1/àassurerunepriseenchargeréanimatoiredesfonctionsvitales,2/à
suivreunedémarchediagnostiquelésionnellerigoureuseet3/àmettreenplaceunestratégie
28
thérapeutiqueadaptée.Cettepriseenchargeinitialedoitêtreorganiséepourminimiserles
pertes de temps qui sont délétères pour le devenir du patient traumatisé. L’organisation
associantun chefd’équipeuniqueentouréde soignantsdont le rôleest connuà l’avance
assure une fluidité de prise en charge à l’accueil (45). La réalisation d’un bilan lésionnel
systématiquerapideviseà lafoisàguider laréanimation(drainagethoracique,contention
pelvienne,définitiondel’objectifdepressionartériellemoyenne,administrationdeproduits
sanguins, de médicaments hémostatiques...) mais également à cibler une intervention
thérapeutique urgente en cas d’instabilité hémodynamique (laparotomie, thoracotomie,
artério-embolisation). Ce bilan lésionnel comprend une échographie thoraco-abdominale
associéeàdesdopplerstranscrâniens,ainsiquelapossibilitéderéaliserdesradiographiesen
urgencesinécessaire(thoraxetpelvis).Lescannercorpsentieravecinjectiondeproduitde
contrasterestelapierreangulairedubilanlésionnelmaisneseconçoitquesilepatientest
stabilisé, sinon il peut bénéficier d’une prise en charge hémostatique immédiate au bloc
opératoireouenradiologieinterventionnelle.
1.4.5.Casdespatientsenchochémorragique
L’hémorragieaiguepost-traumatiqueestunedespremièrescausesdedécèsprécoceet la
premièrecausededécèsévitable(46,47).Lesdécèsparhémorragiesurviennentrapidement,
typiquementdanslespremièresheures,etsontdus lamajoritédutempsàdesretardsde
priseencharge(48).
L’associationduchochémorragiqueàunecoagulopathieaiguedutraumatiséaugmente la
sévérité de l’hémorragie et aggrave le pronostic. La coagulopathie aigue du traumatisé
apparaitimmédiatementaprèsletraumatisme,surleslieuxdel’accident,avanttouteprise
en charge. Elle est caractérisée par une dysfonction plaquettaire et endothéliale, une
hyperfibrinolyseetuneanticoagulationsystémiqueavecundéficitenfacteursdecoagulation
etprécocementunehypofibrinogènémie.Elleestsecondairementaggravéeparl’étatdechoc,
l’hypothermie,l’acidose,ladilutionparlescristalloïdesadministrésetl’hypocalcémie(49–51).
Ces patients sont donc les cibles privilégiées d’un système de soins rapide, efficace et
fonctionnel.L’optimisationdel’organisationetdel’anticipationdel’accueildoitpermettreà
cespatientsdenesouffriraucunretarddanslapriseenchargesymptomatique(réanimation
hémodynamique,transfusiondeproduitssanguinslabiles...),diagnostiqueetthérapeutique
(hémostaseinterventionnellechirurgicaleouradiologique).
29
Leparcoursdupatienttraumatisésévèresuitdoncunechainedesoins,dontchaquemaillon
estimportant,etdontlaqualitéfinaledépenddumaillonleplusfaible.Lesanalysesdeces
processuspassentpar l’acquisitiondedonnéesciblées,validesetexhaustives.Lespatients
sont hétérogènes, et leur approche estmultidimensionnelle, très dépendante d’éléments
contextuelspragmatiques.Lesmodalitésderéalisationdetravauxderecherchepour faire
évoluer les prises en charges sont essentiellement basés sur des analyses de cohortes
observationnelles,unioumulticentriques(52,53).
1.5.Sourcesdedonnéesnécessairesetdisponibles
1.5.1Lesregistresdetraumatologie
Lesregistresdetraumatologiefontpartieintégrantedesréseauxdetraumatologiematures.
Ilsdocumententtouteunegammed'informationssur lespatientstraumatisés,souvent les
plus sévères, comme les données démographiques, les détails des lésions, les soins
préhospitaliers, la présentation à l'hôpital, les interventions réalisées et le devenir. Ces
registreséclairentl'élaborationduréseaudetraumatologieetappuientl'améliorationdela
qualité des soins (54,55). Les registres sont définis par le Comité National des Registres
comme:«unrecueilcontinuetexhaustifdedonnéesnominativesintéressantunouplusieurs
événementsdesantédansunepopulationgéographiquementdéfinie,àdesfinsderecherche
et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées » (arrêté du 6
novembre1995relatifauComitéNationaldesRegistres).Lapossibilitédeciblerl’information
pertinente(vialesuivid’indicateurs)faitduregistredetraumatologieunoutilindispensable
pourl’évaluationetdansundeuxièmetempsl’améliorationdespratiquesprofessionnelles.
LesAméricains(53)oulesAllemands(56)lesontmisenplacedepuisplusde20ansetont,de
fait,beaucoupplusdereculquelesfrançaissur leurspratiquesentraumatologie. L’étude
FIRST(FrenchIntensivecareRecordedinSevereTrauma)décriteauchapitre1.4.1apermis
pourlapremièrefoisunrecueilprospectifetmulticentrique(14CHU)despatientsvictimes
detraumatismesfermésgravesnécessitantuneadmissionenréanimationdanslespremières
72h(28).Alafindel’étude,lesfrançaisn’ontpasprofitédel’opportunitédetransformerle
recueildel’étudeenregistreouenobservatoire,contrairementauxaméricainsquiavaient
choisi cetteoption lorsde l’étudeMTOS (MajorTraumaOutcomeStudy),dans lesannées
1970.
Al’échelled’unsystème,unregistrepermetdemettreenplacedesprocessusderecherche
30
cliniqueetdecomparaisondesystèmesdepriseenchargedifférents(benchmarking)(57).A
l’échelled’unenation,unregistrepermetdedécrirel’utilisationdesressourcesexistanteset
d’orienterl’allocationderessourcesfuturespourlapriseenchargedespatientstraumatisés
dans les services participants. De plus, une nation a tout intérêt à développer la culture
«qualité et amélioration des pratiques» dans le cadre de la traumatologie sévère, non
seulement sur le plan sanitaire, mais aussi du fait que la population concernée est une
populationjeuneetactive(58).
Lamédecined’urgenceévolueetprogresseaurythmedesesproprescapacitésculturellesau
changement ainsi qu’au gré des résultats d’études scientifiques dans les domaines qui la
concernent. Or, les études observationnelles basées sur les données des registres ont
beaucoup influencé la pratiquemédicale (59,60). Cependant, en traumatologie sévère, la
grandemajoritédesétudesontétéconduitesdansdespaysanglo-saxons,dontlesystèmede
secours préhospitalier ainsi que l’organisation hospitalière sont différents des nôtres. Les
différencesportentàlafoissurlemaillageduterritoire,influençantlesdélaisetlesduréesde
priseencharge,surlarégulation,surlacompositiondeséquipespréhospitalières(médecins
vsparamedics)ouhospitalières(urgentisteouanesthésiste-réanimateurvstraumasurgeon…),
ainsi que sur l’organisationde l’accueil (typesde centres, volumes…).Ainsi, du faitde ces
différences,latranspositiondesrésultatsdesétudesscientifiquesànotrepratiquedevraitse
faireavecbeaucoupdeprécautions,cequin’estpastoujourslecas.
Au-delàdespratiques,lestypesdetraumatismesprésententunegrandehétérogénéitéd’un
pays ou d’un territoire à l’autre. Par exemple, les patients inclus dans les études de
traumatologieprovenantd’AmériqueduNordsontplusvolontiersvictimesdetraumatismes
pénétrants(armeblancheouarmeàfeu)(12%à50%)(61,62)quedanslesétudesconduites
enFrance(8à14%)(63).
Il estdonc complexede fonder sespratiques surdes résultatsd’études conduites surdes
populations de patients victimes de traumatismes de nature aussi différentes, dans des
systèmes de soins aussi inégaux. Par conséquent, il est indispensable de connaître la
populationdepatientstraumatiséssévèresquinousconcernentafind’évaluerl’applicabilité
desrésultatsdecesétudesànotresystèmedesanté.Lessourcesdedonnéessontmultiples
et vont permettre de décrire, de tester des hypothèses, de prédire des évènements, des
évolutionsetd’explorercertainesquestionsdanscettethèse.
31
1.5.2.Lessourcesdedonnéesmédicales
Lessourcesdedonnéesmédicales(dossiersmédicauxoubasesdedonnéeslocales)sontles
plus utilisées pour les travaux de recherche en traumatologie lourde. Elles rapportent
l’expériencedescentresexpertsetrépondentàdesquestionscliniquesouépidémiologiques
ponctuelles(FIRST).Jusqu’àrécemment,aucunregistreouobservatoirestandardisépartagé
nepermettaitd’interfacerdesdonnéesdecentresprovenantdedépartementsouderégions
différentes.Depuisquelquesannéessedéveloppentdesréseauxderecherche,partageant
desmasquesdesaisiededonnéescommuns.Entraumatologie,lepremierestleréseaunord-
alpindesurgences(Chapitre1.3.2).LeregistreduTRENAUcolligechaqueannéel’ensemble
despatientstraumatiséssévèresduterritoire.Initialement,iln’étaitqu’unoutildepilotage
duréseaucombinantlesressourceshospitalièresdesdépartementsSavoie,Haute-Savoie,Ain,
IsèreetHautesAlpes.Cependant,depuisquelquesannées,ceregistreaconduitàplusieurs
publications permettant de préciser des critères de triage des traumatisés sévères, et de
proposerdescircuitsdepriseenchargediminuantlamorbi-mortalité(32).
D’autresinitiativesontconstruit leréseauàl’envers,dufaitdepressionspolitiqueslocales
pluscontraignantes.C’estlecasdelarégionIledeFrance,quiacommencé,en2010,àmettre
enplaceunobservatoiredetraumatologiesévère(Traumabase®),pourensuiteconnecterles
centreset leurpermettrededévelopperun travailen réseau (64). Ladescriptiondecette
sourcededonnéesayantserviàcettethèseestdétailléedanslechapitre2.1.
Autotalcesregistresetbasesdedonnéesontsurtoutcommencéàsedévelopperaucoursde
lapremièredécenniedu21èmesiècle;alorsqu’auxÉtats-Unisleurdéveloppementadébutéà
lafindesannées1980(65),etchezlesvoisinsallemands,leregistrenationalavulejouren
1993(56).
1.5.3.Lessourcesdedonnéesépidémiologiques
Depuis1995,leRegistreduRhônedesvictimesd’accidentdelacirculationroutièreréaliseen
milieumédicalunenregistrementcontinuetleplusexhaustifpossibledesvictimesd’accident
de la circulation routièredans le départementduRhône (66). L’ensembledes services de
secours et des services desoins prenant en charge les victimes participent au recueil des
données.LeRegistreduRhôneincluttoutepersonneconsultantàlasuited’unaccidentdela
circulationsurunevoiepubliqueouprivéedudépartementduRhône,accidentimpliquantau
moins un moyen mécanique de locomotion. Des renseignements concernant la victime,
32
sonaccident,ses lésionsetsondevenirmédicalsontrecueillisencroisant lesdonnéesdes
fichespompiers,desBulletind’analysed’accidentdelacirculation(BAAC,détaillésenchapitre
2.2), desdonnéeshospitalières, et desdonnées recueillies auprèsdes victimesoude leur
famille. Ce registre est qualifié par le Comité National des Registres et autorisé par la
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés. Il a permis une description
épidémiologiqueextensivedesaccidentsdelarouteetsertdeplateformeexploratoirepour
l’ObservatoireNationalInterministérieldelaSécuritéRoutière(ONISR)(67).L’extrapolation
statistique des observations du Registre du Rhône permet d’envisager l’épidémiologie de
l’accidentologieduterritoirenational;etdefaitdefournirdeschiffres«nationauxfrançais»
auxdemandesdelaCommissionEuropéenne.
1.5.4.Lessourcesdedonnéesmédico-administratives
Le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), né en 1994, avait
initialementunobjectif descriptif pour la connaissancede l'activitédes établissementsde
santé. Ilaensuiteétéutilisépourdesétudesépidémiologiques,pour identifierdescasde
maladies rares, et analyser les facteurs de risque avec plus oumoins d’ajustements (e.g.
scandaleduMédiator)(68).Ilcolligel’activitédesétablissementsautraversdesdiagnostics,
codésaveclaCIM10(Classificationinternationaledesmaladiesdanssaversion10)etlesactes
médicaux,codésaveclaCCAM(Classificationcommunedesactesmédicaux).Lacombinaison
de ces codages au travers d’algorithmes permet de définir des groupes homogènes de
malades (GHM), lesquelspermettentaujourd’huidecalibrer la tarificationà l’activité. Les
codagessonteffectuéspar lespraticiens (médicaux)duservice,engénéralsans formation
spécifiqueetsurdutempsdédiénormalementàlaclinique.Lafiabilitédesinformationsqu’il
contientadoncsouventétémiseàl’épreuve.
Parexemple,pourqu’unséjourdepatientsoitclassédanslacatégoriemajeuredediagnostics
(CMD)«traumatismesmultiplessévères»(CMD26),quigénèreplusderecettes,ilfaut,d’une
part,quelediagnosticprincipal(DP)soituntraumatisme,etd’autrepart,qu’aumoinsdeux
desdiagnosticsducompte-rendudesortiefassentpartiedeslistesdecomorbiditésassociées
auxtraumatismesetsoientdetopographiesanatomiquesdifférentes(leDPpouvantêtrel’un
d’eux).Cettedéfinitionapourobjectifdeciblerlestraumatismesmultiplesgraves,reconnus
commeétant lespatients lesplus graves.Cependant cetteapprocheest insuffisantepour
permettrededécriredefaçonexhaustivedel’admissiondepatientstraumatiséssévèrespour
33
plusieursraisons:
- Lecodageréalisépardespraticiensnonprofessionnels (anesthésiste-réanimateurs)
n’identifie pas correctement 50% de la totalité des diagnostics «traumatismes
multiplessévères»(69)
- Unmonotraumatismeoulacoexistencededeuxlésionstraumatiquesdanslamême
régionanatomiquepeuventreprésenterdestraumatismessévères(e.g.plaieducœur,
lésiondelamoellecervicale,traumatismecrâniensévèreisolé,traumatismedefoie
etderate)(70).
1.5.5.Lacombinaisondessourcesdedonnéesàviséeépidémiologique
UneéquipefrançaisedirigéeparEmmanuelLagardeauseindel’équipe«PréventionetPrise
enChargedesTraumatismes»del'ISPED(InstitutdeSantéPublique,d'Epidémiologieetde
Développement) à Bordeaux a mené et mène toujours plusieurs travaux de recherche
épidémiologiquesliésàlatraumatologie.Cetteéquipeapourmissiond’étudierlesfacteurs
humains, en particulier liés à la santé, qui interviennent dans les processus accidentels
entrainant des lésions (e.g. comportements, déficiences perceptives ou cognitives,
somnolence, consommation demédicaments altérant les capacités attentionnelles) et les
circonstancesconditionnantlesuccèsd’uneguérisonàlasuited’untraumatisme.Leprojet
CESIR(Combinaisond’EtudessurlaSantéetl’InsécuritéRoutière)coordonnéparcetteéquipe
a évalué la place des médicaments comme cause d’accidents de la circulation. La
méthodologie consiste à apparier les données de remboursement de la Caisse Nationale
d’AssuranceMaladiedesTravailleursSalariés(CNAMTS)avec lesdonnéessur lesaccidents
corporels recueillies par les forces de l’ordre (BAAC, chapitre 2.2)(71–73). L’échantillon
d’analyseestconstituédetouslesconducteursetpiétonsimpliquésdansunaccidentcorporel
pour lesquels l’appariement est rendu possible par l’identification du numéro de sécurité
socialedansleprocès-verbald’accident.Ainsi,cesontenviron50000sujetsquiconstituent
chaqueannéelapopulationd’analyse.
Uneunité appelée «Pathologies, population et traumatisme» au sein de laDirectiondes
maladies non transmissibles et traumatismes de Santé Publique France s’occupe de
l’épidémiologie des traumatismes. Anciennement menée par le Dr Bertrand Thélot, puis
repriseparleDrAnne-MarieMetzger,cetteunitéassurelaveillesanitairedestraumatismes,
de leurs déterminants ainsi que de leurs complications dans l’objectif de produire des
34
informationsetdesindicateursutilesauxdécideursetacteursdesantépublique.Outreles
enquêtes ciblées, les sources de données utilisées combinent les bases médico-
administratives,etlesregistres/observatoiresmédicauxexistantes(e.g.Qualitédesdonnées
duPMSIpourl’étudedeslésionscérébralestraumatiquesmodéréesàsévères:comparaison
aveclesdonnéesdeTraumabase®).
Ainsi, le chainage des différentes bases médico-administratives permet de renforcer la
précision des descriptions épidémiologiques. L’ère du chainage «global» au travers du
servicenationaldesdonnéesdesanté(SNDS)estencoursded’évolution.L’objectifàterme
seradechainerlesdonnéesdel’AssuranceMaladie(baseSNIIRAM),donnéesdeshôpitaux
(basePMSI),lescausesmédicalesdedécès(baseduCépiDCdel’Inserm),lesdonnéesrelatives
au handicap (en provenance des MDPH), un échantillon de données en provenance des
organismesd’AssuranceMaladiecomplémentaire.Unenouvelleplateforme(HealthDataHub)
estencoursdedéveloppementafindefavoriserl’utilisationetlespossibilitésd’exploitation
des données de santé, en particulier dans les domaines de la recherche, de l’appui au
personneldesanté,dupilotagedusystèmedesanté,dusuivietdel’informationdespatients.
Cependantn’oublionspasquelaqualitédesdonnéesmédicalesétudiéesn’enrestepasmoins
liée à l’incertitude d’une saisie faite par des non professionnels du codage, souvent sous
contraintetemporelle,etparfoisendépitdubonsens(69).
35
1.6.ObjectifsdelaThèse
Les objectifs de cette thèse s’attellent à analyser trois niveaux précis du parcours des patients
traumatisés sévères en combinant les différentes sources de données disponibles et identifiées
précédemment.CestroisniveauxsontreprésentésdanslaFigure4.
Figure4.Schématisationduparcoursdespatientstraumatisés
Lesnuméros1,2,et3correspondentauxtroispartiesdelathèse.1.Triageetfilièredesoins2.Activationanticipéedel’équipehospitalière3.Traitementciblédelacoagulopathietraumatiquedupatientprésentantunehémorragiesévère.
Premièrepartie:Triageetfilièredesoin
Lepremiervoletdecetravaildethèses’intéressaitautriageetàlapriseenchargedansunréseau
de soins exclusif (région Île de France), des patients victimes d’accidents de la voie publique.
L’objectifprincipaldecetteétudeétaitdecomparerlamortalitéintra-hospitalièreajustéeentreles
patients victimes d’accident de la voie publique directement transportés vers un centre de
traumatologiedeniveau1etlespatientstransféréssecondairementd’unétablissementdeniveau
inférieur.Lesobjectifssecondairesétaient:
1/d’identifierlesfacteursassociésautransfertsecondaire(considérécommesous-triage)
2/d’évaluerlaproportiondepatientsdécédésdansdesétablissementsdeniveauinférieursans
avoirététransférésdansuncentredeniveau1(considérécommesous-triage).
36
Deuxièmepartie:Activationanticipéedel’équipehospitalière
Lesecondvoletdecetravaildethèsevisaitl’optimisationdelajonctionentrel’équipemédicalisée
préhospitalièreet l’équipe intrahospitalière. L’objectifétaitdedévelopperetdevaliderunoutil
simple d’utilisation, à usage pré-hospitalier, pour prédire l’hémorragie sévère chez les patients
victimesdetraumatismesfermés,defaçonàpermettreàl’équipehospitalièred’anticiperl’accueil
defaçonappropriée.Cetoutilavaitpourcahierdeschargesd’êtresimpleetpragmatique,etdene
pasnécessiterdedispositifexternepourl’utiliser.Ilvisaitàêtreutilisécommeunealertebinaire,
un«DrapeauRouge»(RedFlag),pouractiveruneréponsespécifiqueintra-hospitalièrepour les
patientsprésentantunehémorragiesévère.
Troisièmepartie:Traitementspécifiquedelacoagulopathietraumatique
Le troisième volet de ce travail de thèse ciblait plus spécifiquement une des thérapeutiques
médicamenteusesdelapriseenchargedelacoagulopathiedutraumatisésévèreprésentantune
hémorragiesévère.Lefibrinogèneestundesfacteursdelacoagulationleplusprécocementabaissé,
associéàlamortalitéetlatransfusiondeproduitssanguinslabiles,etdontl’apportdanscecontexte
est recommandé par les experts européens et français. L’objectif était d'évaluer l'impact de
l'administration du concentré de fibrinogène dans les 6 premières heures suivant l’admission à
l'hôpitalsurlamortalitédansles24heurestoutes-causes-confonduesdanslechochémorragique
traumatiqueparl’analysed’unecohorteobservationnellemulticentrique.Lesobjectifssecondaires
évaluaientsoneffetsurlesbesoinstransfusionnelsdes24premièresheures,surlamortalitéetla
duréedeséjourenunitédesoinsintensifs.
37
2. Sourcededonnéescommunesauxtroisprojets:LaTraumabase®
2.1.Historique
LaTraumabase®estunobservatoiredetraumatologielourdefrançaisinitiéen2010.Ilaétémisen
placeparlesDocteursSophieHamadaetTobiasGaussàl’hôpitalBeaujonàClichyavecl’aidedu
DocteurBéatriceLaroque,épidémiologisteàl’UnitédeRechercheCliniquedugroupementBichat-
Beaujon.
Trèsrapidementl’observatoireestdevenumulticentrique,avecl’objectifderassemblerlescentres
detraumatologied’IledeFrancepourconsoliderletravailenréseausurlarégionetavoirunevision
régionaleexhaustive. Les six centresde traumatologie lourde -HôpitauxBeaujon,Bicêtre,Pitié-
Salpêtrière,HenriMondor,GeorgesPompidouetl’hôpitald’instructiondesarméesdePercy-ont
étéréunisdansl’observatoireàpartir01/01/2015,sousl’égidedel’AgenceRégionaledeSantéd’Ile
deFrance.Depuis2016,17centreshorsIledeFranceontrejointlegroupe(Marseille,Toulouse,
Strasbourg, Lille, Caen, Reims, Bordeaux, etc.) créant une démarche nationale autour de la
traumatologie.LaTraumabase®estenpassededevenirl’observatoiredetraumatologienational
suiteàdesdiscussionsduGrouped’IntérêtenTraumatologieFrançais(74).Letermeobservatoire
estencoreutilisécarlerecueiln’apasétévalidéparleComitéNationaldesRegistres.
2.2.Objectifs
LesobjectifsdelaTraumabase®sontmultiples,àlafoissanitairesetscientifiques,àlafoisauniveau
local,régionalounational.Lerecueildesdonnéesdepatientsviseàêtreexhaustifpourlescentres
engagés.
2.2.1. Lesobjectifssanitaires
Localement les données issues de cet observatoire alimentent des démarches d’évaluation et
d’amélioration des pratiques professionnelles. Elles permettent d’effectuer le suivi d’un certain
nombred’indicateurs,s’intégrantdansunedémarched’améliorationde laqualité(indicateurde
processus,indicateursdedevenir,etc.)
Surleplanrégional,l’observatoirepermetdefaciliterletravailenréseau,lepartaged’information
etlesinterconnexionsentrepraticiensdesdifférentscentresdetraumatologie.Ilpermetaussiune
collaborationétroiteentre les structuresdesoinsen traumatologieet l’ARS,poureffectuerune
veillesanitaireetévaluerlaperformancedessystèmesdesoin.Atermel’observatoiredoitdevenir
38
unoutildepilotagedesréseauxlocauxdéjàexistants(discussionsavecleTRENAU).
Surleplannational,laTraumabase®permetdedocumenterdefaçonplusprécisecertainséléments
depolitiquepubliquedufaitdesoninteractionavecl’observatoirenationalinterministérieldela
sécurité routière (évaluation des systèmes de prévention) ou de Santé Publique France
(épidémiologieélargiedecertainstraumatismessévères).
2.2.2. Lesobjectifsscientifiques
L’observatoireaétépenséetconstruitdèssonoriginecommeunoutilderecherchescientifique.Il
permetderépondresimplementàdesquestionsderechercheobservationnellemaispeutaussi,
avec des autorisations complémentaires, servir de plateforme pour des études prospectives et
interventionnelles. Cette recherche peut s’envisager sur le plan local (monocentrique) ou élargi
(multicentrique).Actuellement,l’exhaustivitédurecueilestatteinteenIledeFrancegrâceàune
participationactivedel’ensembledescentresdetraumatologie.
2.3.Inclusiondespatientsetmodalitésdesuivi
Sontinclusdansl’observatoiretouslespatientsadmisdansuncentredetraumatologieparticipant
etprésentantaumoinsuncritèredegravité:présencedecritèresdeVittel,activationduservice
mobiled’urgenceetderéanimation(SMUR)ouvéhiculepompiermédicalisé,activationdel’équipe
detraumatologie,recoursensoinsurgents.Acejour,plusde20000patientsontétéinclusdansla
Traumabase®.
2.4.Données
La base de données de l’observatoire est évolutive. L’acquisition se fait de façon prospectivo-
rétrospective, avecune saisiedans les24premièresheuresdeséléments initiauxprovenantdu
dossiermédical,puislacomplétiondesélémentsultérieursàlasortiedupatient.Cettesaisieest
effectuéepardestechniciensderecherchecliniquesdanslescentresdisposantd’unfinancement
(e.g,ÎledeFrance),etparlepersonnelmédical,voireparamédicaldanslesautrescentres.Acejour
la base contient 195 items par patient relatifs aux données épidémiologiques, géographiques,
lésionnelles,médicales,thérapeutiques,diagnostiquesetpronostiques.Uneséried’algorithmesde
cohérenceinterneaétéélaboréeafindelimiterleserreursdesaisie.
39
2.5.Fonctionnement
L’observatoire est géré par une association, «Groupe Traumabase®» (BO juillet 2012) dont les
statutsetlerèglementintérieurdéfinissentprécisémentsonfonctionnement.LesigleTraumabase®
a été déposé à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) en 2013. Lesmissions de
l’associationsontd’encadrerlarechercheentraumatologieautourdesdonnéesdel’observatoire
etd’assureruneinteractionpositiveaveclesorganismespublicsintervenantdanslapriseencharge
despatientstraumatisés(actionssanitaires,sociales,autres).
Uneprocédured’accèsauxdonnéesaétémiseenplace.Unefoisleprojetscientifiquerédigéet
référencé,ilestprésentéauconseilscientifiquedu«GroupeTraumabase®»,lequelestgarantde
laqualitédelaméthodologiepourrépondreàunequestiondonnée.Ilcontient7membresélusau
sein des membres du «Groupe Traumabase®» selon leur compétences universitaires et leurs
connaissancesen traumatologie.Une fois leprojet accepté, il sedoitde repasserpar le conseil
scientifiquepourunreviewinginterneavantsoumissionàunerevueàcomitédelecture.
L’ARSÎledeFrancefinanceleprojetdepuis2015àhauteurde180k€paranpourassurerunesaisie
professionnaliséedesdonnéesdelarégionparl’intermédiairedetempsdetechnicienderecherche
clinique, ou attachéde recherche clinique. Par ailleurs les établissements désirant participer au
projetdoiventpayerundroitd’entréede1,5k€pouravoiraccèsauxfichesdesaisiesinformatisées.
L’ensemble de ces financements permettent de faire vivre le projet, de payer les dispositifs
numériquesdesaisie,d’organiserdesjournéesdeformationentraumatologie,oudefinancerdes
boursesderecherche.
2.6.Éthiqueetconsentement
Lespatients sont informésde leurparticipationà l’observatoirepar l’intermédiairedeplusieurs
moyens:
- Une fiche d’information sur l’observatoire est remise au patient s’il est conscient ou à ses
prochesdanslescasoùilestinapteàdonnersonaccord.Dèsquelepatientestconscientet
capabledecomprendrel’information,unaccordluiestdemandépourconfirmerceluidonné
parsesprocheslecaséchéant.Ilestinformédelapossibilitéderefuserl’exploitationdeses
donnéesmédicalessansconséquence.
- Desaffichessontdisposéesdanslessallesd’attentedesfamillesdecertainsservices.
- Uneinformationestdisponiblesurlelivretd’accueildecertainscentres.
40
L’observatoireTraumabase®aobtenuuneautorisationCNIL(Commissionnationaleinformatique
etliberté,autorisationn°911461)etunavisfavorableduCPP(Comitédeprotectiondespersonnes,
2012).Ledata-managementdelabaseestconfiédepuis2016àl’UnitédeRechercheCliniquede
l’hôpitalSaint-Louis(interfaceCleanWeb®).
41
3. ÉpidémiologiedescriptivedespatientstraumatiséssévèresenIlede
France(2015-2017)
Lestroistravauxderechercheprésentésdanscettethèseontétéréaliséssurdessous-groupesbien
définis de la population des patients traumatisés sévères en Ile de France qui va être décrite
globalementdanscettetroisièmepartie.Nousavonschoisidedécrirecettepopulationsurlestrois
annéesde2015à2017correspondantàlapériodeoùlessixcentresd’Ile-de-France(leshôpitaux
Beaujon,Bicêtre,Pitié-Salpêtrière,Henri-Mondor,HôpitalEuropéenGeorgesPompidouetHôpital
d’instructiondesarméesdePercy)participaientexhaustivementà laTraumabaseÒ.L’objectifde
cette partie est de mieux contextualiser les problématiques des 3 études qui vont suivre. Les
donnéesquantitativescontinuesontétédécritespardesmoyennes(écart-type)oumédianes[1er–
3èmequartile]selonleurdistribution,etlesvariablescatégoriellesennombre(pourcentages).
3.1.OrganisationdessoinsenÎledeFranceetstructures
Larégionregroupe8SAMU(Serviced'AideMédicaleUrgente),43SMUR(ServiceMobiled'Urgence
etdeRéanimation)etles6centresdetraumatologiesus-cités,représentésenFigure5.
EnFrance,unmédecinrégulateurdisponible24h/24et7j/7,situédansunSAMUcentralisé(unpar
département), décide, sur la base des informations fournies par l'appel d'urgence, du vecteur
d'urgenceàdéployer,soituneambulanceparamédicale,soituneunitémobiledesoinsintensifs,
dotée d'un médecin. Après l'évaluation clinique, les patients sont triés conjointement par le
médecinsurplace(s’ilestprésent)etlemédecinrégulateur,àl’aidedediversmoyens(algorithme
(29),scores(75),etc.).Touslespatientssoupçonnésdetraumatismegrave(donctouslespatients
transportésdirectementàuncentredetraumatologie)sontnécessairementprisenchargeparune
équipedesoinsdirigéeparunmédecindansuneunitémobiledesoinsintensifs.
Lessixcentresdetraumatologierégionauxontétélabelliséspar l’ARSetsontdotésdesmoyens
suivants:
• HôpitalBeaujon:17litsderéanimation/6litsdesoinscontinus,accueiletdéchocage
SSPI(salledesurveillancepost-interventionnelle)
• HôpitalBicêtre:20litsderéanimation/8litsdesoinscontinus,accueiletdéchocage
SSPI
• Hôpital EuropéenGeorgesPompidou (HEGP) : 25 litsde réanimation /6 litsde soins
continus,accueiletdéchocageSSPI
42
• HôpitalHenriMondor:12litsréanimation/8litsdesoinscontinus,accueiletdéchocage
SSPI
• HôpitalPitié-Salpêtrière:26litsderéanimation,19litsdeSSPIavecaccueiletdéchocage
SSPI
• Hôpitald’instructiondesarméesPercy:14litsderéanimation,accueiletdéchocageau
serviced’accueildesurgences(SAU)
Figure5.Représentationdelarépartitiondescentresdetraumatologie(haut&bas)etdesSAMUetSMUR(bas)danslarégionIledeFrance
HEGP
77
91
78
95
93
94
7592
Percy
Bicêtre
HenriMondor
PitiéSalpétrière
Beaujon
77
91
78
95
93
94
92 75
20km
SAMU
Centredetraumatologie
Petitecouronne:75,92,93,94Grandecouronne:77,78,91,95
SMUR
94
93
75
92
43
3.2.Priseenchargepréhospitalière
Lesmécanismesconduisantàuntraumatismepeuventêtremultiples:del’accidentdelacirculation
àlachute,enpassantparlesagressions,lesaccidentsdetravailetlesaccidentsdelaviecourante.
Aucoursdelapérioded’analyse,8584patientsontétéadmisdansles6centresdetraumatologie
d’IledeFrance.LaFigure6représentelarépartitiondesdifférentsmécanismeslésionnelspources
patients. Les accidentsde la circulation représentaientplusde lamoitiédesmotifsd’admission
(n=4659, 54%). Les chutes (d’une hauteur et de sa hauteur) étaient les mécanismes les plus
fréquemment observés. Ils représentaient 25% (n=2179) de l’ensemble des admissions. Peu de
détails sont disponibles sur ces chutes en dehors du caractère intentionnel (n=537, 25%), non
intentionnel(n=1504,69%)ouinconnu(n=138,6%).Lestraumatismespararmeblancheouarmeà
feuétaientàlatroisièmeplaceaprèslesaccidentsdelacirculationetleschutes,etreprésentent
13%(n=1119)desadmissionsmaisrestaientcependantmoinsnombreuxquedanslespaysanglo-
saxons,plutôtdel’ordrede20%(76).
Figure6.RépartitiondesdifférentsmécanismesaccidentelsdanslarégionIledeFrance
2RM:2rouesmotorisé,VL-PL:Véhiculelégeretpoidslourds,Autresvéhicules:rassemblelesaccidentsdemétro,train,bateau,aéronefs.Légendecouleur:rouge:traumatismespénétrants,bleu:accidentedelacirculation,gris:chutes,etblanc:autresouinconnus.
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000
Autresvéhicules
Bicyclette
Armeàfeu
Chutedesahauteur
Autres
Armeblanche
Piéton
VL-PL
Chuted'unehauteur
2RM
Nombredepatients admis
23.0%
20.8%
18.2%
9.1%
9.1%
7.2%
4.6%
4.0%
2.6%
1.4%
44
Une représentation synoptique des caractéristiques de cette population est présentée dans les
Figures 7 & 8. La population pédiatrique était anecdotique dans les centres concernés et ne
représentaitque1%delapopulationtotale.Lapopulationétudiéeétaitjeuneetessentiellement
masculine.
Figure7.Représentationsynoptiquedescaractéristiquesdelapopulation
Expressionenmoyenne(déviationstandard)
LaTraumabase®possèdelalicencepourutiliserlecodageinternationalAIS(AbbreviatedInjuryScale)
commeclassificationdesblessures(auprèsdel’AmericanCollegeofSurgeonCommiteeonTrauma,
2016).L’AISdécrit1300lésionsélémentairespossiblesselonlarégioncorporelleatteinte(têteet
cou,face,thorax,abdomen,pelvis-membres,etcutané),lastructureanatomiquespécifiqueetla
nature de la lésion. La détermination de la gravité de chacune d’entre elles est le fruit d’un
consensusinternationalquilesaclasséesselonuneéchellede1(lésionmineure)à6(au-delàde
touteressourcethérapeutique).Unemêmevictimepouvantêtreatteintedeplusieurslésions,on
évaluelagravitéglobaledesesatteintesparl’InjurySeverityScore(ISS)quipermetdeclassifierles
patients en traumatisé sévère ou non sévère dans la littérature internationale. Un patient est
classiquementconsidérécommeuntraumatisésévères’ilprésenteunscorelésionnelsupérieurà
15(InjurySeverityScore-Annexe1)Larépartitiondichotomiquedelapopulationselonlescore
lésionnelISS(InjurySeverityScore)permetd’évaluer laréalitédutriageetd’apprécier lagravité
globaledespatients(36).
AgeMoyen40(18)ans
45
Figure8.Représentationsynoptiquedelagravitélésionnelledespatients
ISS:InjurySeverityScore,médiane[quartile1,3]
Lespatientsonttroismodalitéspotentiellesd’admissionencentredetraumatologie.Soitilssont
transportés directement des lieux de l’accident vers le service de réanimation du centre de
traumatologie(transportdirect),soitilssonttransportésd’abordauserviced’accueildesurgences
ducentredetraumatologiepuistransféréssecondairementdansleservicederéanimationpourla
priseenchargeadaptéeàleurgravitéavérée(viaSAU),soitlespatientssontd’abordadmisdans
une structure de niveau inférieur, et sont secondairement transportés dans le centre de
traumatologiedansles48heures(transfertsecondaire).Surl’ensembledel’échantillonanalysé,la
répartitiondestypesd’admissionétaitlasuivante:
- Transportdirect:n=7348(85,9%)
- ViaSAU:n=307(3,6%)
- Transfertsecondaire:n=896(10,5%)
Larépartitiondecestypesd’admissionenfonctiondesSAMUprenantenchargelespatientsest
représentéesurlaFigure9.
ISSmédian13ISS12[5, 22]
46
Figure9.ModalitésdetriagedespatientsarrivantencentredetraumatologieenfonctiondesSAMUdelarégion(Analyse2015-2017)
BSPP:BrigadedesSapeurs-PompiersdeParis(couverturepetitecouronne75,93,94,92)Secondaire:Transfertsecondaire
Lagrandemajoritédespatientsétaienttransportésdirectementaucentredetraumatologie,quels
que soient les SAMU.Cependant, les SAMUde grande couronneavaientdes tauxde transferts
secondairesparaissantplusélevésquelesSAMUdepetitecouronne(saufpour leSAMU78).La
BSPP,quicouvreParisetlesdépartementsdepetitecouronne,avaitletauxleplusélevédepatients
déposésauSAUpuissecondairementtransférésenréanimationdecentredetraumatologie(9%).
Ledélaidemédicalisationcorrespondaudélaientrel’arrivéesurleslieuxd’interventiondel’équipe
médicale préhospitalière et l’admission à l’hôpital. Ils sont représentés pour chaque centre et
chaque SAMUen Figure10. Cedélai était enmédianede70min [52-95] cependant le tauxde
donnéesmanquantes pour cette variable était élevé (20%). En effet, les feuilles de SMUR sont
parfoisincomplètespourpermettredecomplétercesdonnéestemporellesdefaçonexhaustive.
77
91
78
95
93
94
7592
SAMU95
Transport direct 803(80%)
ViaSAU 64(1%)
Secondaire 61(19%)
SAMU78
Transport direct 859 (92%)
ViaSAU 4(0%)
Secondaire 72(8%)
SAMU92
Transport direct 593(85%)
ViaSAU 22(3%)
Secondaire 84(12%)
SAMU91
Transport direct 719(87%)
ViaSAU 1(0%)
Secondaire 36(13%)
SAMU94
Transport direct 803(87%)
ViaSAU 64(7%)
Secondaire 61(6%)
SAMU75
Transport direct 1090(91%)
ViaSAU 42(4%)
Secondaire 64(5%)
SAMU93
Transport direct 619(87%)
ViaSAU 5(1%)
Secondaire 90(12%)
BSPP
Transport direct 1053(88%)
ViaSAU 112(9.5%)
Secondaire 29(2.5%)
SAMU77
Transport direct 937(88%)
ViaSAU 5(1%)
Secondaire 118(11%)
47
Figure10.Durées(enminutes)demédicalisationparSAMUs/BSPPenfonctiondel’acheminementdanschaquecentre,expriméesenmédiane[IQR]
Plus les centresde traumatologie sont loindudépartementdu SAMUconcerné, plus les temps
étaientlongs.Orlanotionqueledélaidepriseenchargedespatientstraumatisésconditionneleur
pronosticestunedoctrinedominanteentraumatologie.Leconceptde«GoldenHour»,cheraux
«traumasurgeons»américains,suggèrequ'unpatienttraumatiséa60minàpartirdumomentde
l’accidentpourrecevoirdessoinsdéfinitifs,aprèsquoilamorbiditéetlamortalitéaugmententde
façonsignificative.
3.3.Priseenchargehospitalière
Seulslespatientsadmisàl’hôpitalpeuventêtreanalyséssurleurcausededécès.Surles3années
étudiées,751décèsontétécolligés(8,7%desadmissions).Lestraumatismescrânienset lechoc
hémorragique (et soncorollairededéfaillancemulti-viscéraleposthémorragique)enétaient les
principalescauses.CesrésultatssontprésentésenFigure11.
48
Figure11.Causesdedécèsaucoursduséjourenréanimation
(n=751décès,8594patients)
Ledécèsdespatientssurvenaitdansundélaimédiande3jours[2;8].Enfonctiondescausesde
décès,cedélaivariait:
-1jour[1;1,5]pourlespatientsenchochémorragique
-2jours[1;6]pourlesdéfaillancesmulti-viscérales
- 3 jours [2; 5] pour les traumatismes crâniens (hors procédures de limitation et arrêt des
thérapeutiquesactives)
Lechochémorragiqueétaitdoncleprocessusphysiopathologiquequituaitleplusrapidementles
patients traumatisés sévères. Dans leur circuit hospitalier, ces patients arrivent initialement au
déchocage (paragraphe 1.4.4) au cours duquel sont initiées les manœuvres de réanimation
immédiates,latransfusionetlerapidebilandiagnostiquepourdéfinirl’orientation.
Lesdélaisdepriseenchargeaudéchocageetdélaisd’accèsàl’hémostasedanslasous-population
depatientsenhémorragiesévère(définiepar laprésenced’aumoins l’undescritèressuivants:
transfusésde4concentrésdeglobulesrouges-CGR-en6h,transfusésaudéchocage,prisencharge
immédiatement au bloc opératoire, présentant des lactates > 5mmol/L ou décédés de choc
hémorragique)ontétéreprésentéssurdesdiagrammesenradarenfonctiondescentres(Figure12
et13)
0,0
10,0
20,0
30,0
40,0
50,0
60,0
70,0
%
49
Figure12.Diagrammeenradarreprésentantlesdélaisdepriseenchargeaudéchocagepourunesouspopulationdepatientstransportésdirectementaucentredetraumatologieetprésentantunehémorragiesévère
(n=1272;75(6%)dedonnéesmanquantes)Lamédianesurtouslescentresétaitde33minutes[20;45]
Figure 13. Diagramme en radar représentant les délais de prise en charge hémostatiqueinterventionnelle pour une sous population de patients transportés directement au centre detraumatologieetprésentantunehémorragiesévère
(n=284patientsayantuneintervention;Beaujonn=48,Bicêtren=54,HEGPn=47,HenriMondorn=35,PitiéSalpétrièren=83,Percyn=17).Lamédianesurtouslescentresétaitde96minutes[50;135].
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Beaujon
Bicêtre
PitiéSalpétrière
HenriMondor
HEGP
Percy
0
20
40
60
80
100
120
140Beaujon
Bicêtre
PitiéSalpétrière
HenriMondor
HEGP
Percy
50
Lesrecommandationsdessociétéssavantessurlapriseenchargetransfusionnelleetdesproduits
dérivésdusangsesontassezpeumodifiéesentrelesannées2015et2017.LeTableau1présente
unevisualisationdestendancestransfusionnellesaucoursdelapériodepourlasous-population
despatientsenhémorragiesévère.
Tableau1.Tendancestransfusionnelles2015-2107danslasouspopulationdepatientsprésentantunehémorragiesévère
CGR:concentrésdeglobulesrouges,PFC:plasmafraiscongelé,CUP:concentréd’unitésplaquettaires
Audéchocage 2015(n=465) 2016(n=409) 2017(n=475)
CGR 2[0;3] 0[0;2] 0[0;2]
PFC 0[0;2] 0[0;0] 0[0;0]
AcideTranexamique 261(61%) 198(52%) 231(52%)
Fibrinogène 119(28%) 72(19%) 93(21%)
Dansles6premièresheures 2015(n=230) 2016(n=182) 2017(n=180)
CGR 6[4;8] 6[4;8] 6[4;8]
PFC 5[3;7] 4[3;7] 4[3;7]
RatioPFC/CGR 0,76[0,5;1] 0,67[0,5;1] 0,80[0,5;1]
CUP 0[0;1] 0[0;1] 0[0;1]
AcideTranexamique 194(85%) 152(85%) 153(88%)
Fibrinogène 3[0;3] 3[0;3] 3[0;3]
Dansles24premièresheures 2015(n=230) 2016(n=182) 2017(n=180)
CGR 7[5,5;11] 7[5;10] 7[5;10]
PFC 6[4;10] 4,5[3;8] 5[3;9]
RatioPFC/CGR 0,81[0,59;1] 0,69[0,5;1] 0,75[0,5;1]
CUP 1[0;1] 1[0;1] 1[0;2]
Fibrinogène 3[0;4,5] 3[0;4,5] 3[0;4,5]
3.4.Discussionetouverturesurles3projetsderecherche
Ainsi, au cours de cette partie d’exploration de la cohorte de patients d’Ile de France se sont
préciséeslesquestionsauxquellesnousallonstenterderépondreaucoursdecettethèse.Ils’agit
d’une population de jeunes patients, présentant essentiellement des traumatismes fermés, et
51
accidentels.Pour leurpriseencharge, laproblématiquedutriageestcentraledans leréseaude
soin.Lestempsdetransportsapparaissaientlongs,alorsqu’ilestconnuquelesretardsdepriseen
charge affectent le pronostic des patients (37). Le transfert secondaire d’un patient mal trié
initialementpourraitdoncimpactersonpronostic,saufsilesystèmedesoinestassezperformant
pourcompenserl’effetdeceretard.Cespointsserontabordésdansleprojetn°1.
Auniveaudescentresdetraumatologie,lespatientsdécédaientessentiellementdetraumatisme
crânien et de choc hémorragique (ou défaillance multiviscérale post-hémorragique). Or il est
reconnuqueleretarddepriseencharged’unchochémorragiqueestleprincipalprocessusmenant
àdesdécèsétiquetés«évitablesoupotentiellementévitables».Dansladescriptiondelacohorte
de patients en hémorragie sévère, les temps de prise en charge pouvaient varier du simple au
doublepour lapriseenchargeaudéchocageetdusimpleauquadruplepour lapriseencharge
hémostatiqueinterventionnelle(blocouartériographie-embolisation).
Unedesproblématiquesdescentresdetraumatologiequireçoiventcespatientsestque lesoin
urgententreenconcurrencedirecteaveclachirurgierégléeetlesprogramme«froids».Or,pour
cespatients,l'optimisationdel’organisationducircuitdupatientestessentielle(77–79).Unedes
réponses à cette problématique est proposée dans le projet de recherche n°2 avec le
développement d’une «alerte» qui permet de catégoriser de façon binaire la sévérité
hémorragique des patients avant leur admission, pour permettre une activation de la structure
hospitalièreenconséquence.
Quantauxthérapeutiquesspécifiquesdelacoagulopathieaiguedupatienttraumatisé,lespratiques
ontassezpeuévoluéaucoursdesannéesanalysées.Onobservequelapratiqueestdetransfuser
àratioCGR/PFC(plasmafraiscongelé)élevéencombinaisonavecdesconcentrésdefibrinogène,
commerecommandéparlessociétéssavantes.Cependant,comptetenudelafaiblessedespreuves
existantes dans la littérature concernant l’administration de concentrés de fibrinogène, le 3ème
projetderecherches’estintéresséàessayerd’évaluerl’effetdecemédicamentdérivédusangsur
ledevenirdespatients,enutilisantuneméthodologiestatistiquemoderned’approchecausaleau
traversd’unscoredepropension.
52
4. Triageetfilièredesoin
HAMADA S, DELHAYE N, DEGOUL S, GAUSS T, RAUX M, DEVAUD ML, AMANI J, COOK F, HEGO C, TheTraumabaseGroup;DURANTEAUJ,ROUQUETTEA.DirecttransportvssecondarytransfertolevelItraumacentersinaFrenchexclusivetraumasystem:impactonmortalityanddeterminantsoftriageonroad-trafficvictims.PlosOne,inpress(October2019)
4.1.Introduction
Lestraumatismesgravesgénérésparlesaccidentsdelacirculationroutièredemeurentunecause
importante de décès et d'invalidité à l’échellemondiale, surtout chez les jeunes adultes et les
adulteséconomiquementactifs(79,80).Unepartiedelaréponsesetrouvedansl'organisationdes
soins,auseinderéseauxrégionauxdetraumatologiestructurés,intégrantdesrecommandationset
suivantlecadred'unepolitiquenationale.LeseffortsetlesexpériencesprovenantdesÉtats-Unis
(11,81), du Royaume-Uni (82,83), de l'Allemagne (84), de la Norvège (85) ou des Pays-Bas ont
montréuneaméliorationdudevenirdespatientsaucoursdes20dernièresannées.Ladispensation
de soins structurés et coordonnés, du lieu de l’accident à l'unité de réadaptation, a un impact
beaucoupplusimportantsurledevenirdespatientsquen’importequelmédicament(11).
Un système exclusif repose sur une offre de soins dispensés par un nombre limité d'hôpitaux
hautementspécialisés,désignéssouslenomdecentresdetraumatologiedeniveau1(CT).Ilest
aujourd’hui reconnuque les soinsdispensésau seindeCTpermettentde sauverdesviesetde
diminuerlesséquellesd’invaliditéàlongterme.Ainsi,letransportdirectdestraumatiséssévères
vers des CT, shuntant les établissements non spécialisés plus proches du lieu de l’accident, est
considérécommeoptimal.Néanmoins,peud'étudesontanalysélarelationentrelamortalitéetle
transportdirectousecondaireversunCT.Cesétudessontquasi-exclusivementNord-Américaines,
etellesontproduitdes résultatscontradictoires (86–89).Elles sont réaliséesdansdessystèmes
médicaux pré-hospitaliers d’urgence dotés de personnel paramédical, sansmédecins (90,91). A
l’opposé,enFrance,commedansd'autrespayseuropéens, l'organisationdessystèmesdesoins
pré-hospitaliersestsystématiquementassuréeetcoordonnéepardesmédecinsspécialisés(28).
Objectifdel’étude
L’objectifprincipaldecetteétudeétaitdecomparerlamortalitéintra-hospitalièreajustéeentreles
patientsvictimesd’accidentsdelavoiepubliquedirectementtransportésverslesCTdeniveau1et
lespatientstransféréssecondairementdepuisunétablissementdeniveauinférieur.Lesobjectifs
secondairesétaient:
53
1/d’identifierlesfacteursassociésautransfertsecondaire(considérécommesous-triage)et2/
d’évaluerlaproportiondepatientsdécédésdansdesétablissementsdeniveauinférieuravantleur
admissiondansunCT(considérécommesous-triage).
4.2.Sourcesdedonnées
Lesdonnéesde laTraumabase®(cf.paragraphe2)ontétéutiliséesdansceprojetetchaînéesà
d’autressourcesdedonnéesdécritesci-dessous.
4.2.1.LefichierBAAC
Historique
LefichierdesBulletinsd’AnalysedesAccidentsCorporelsdelacirculation(BAAC)estunebasede
donnéesduMinistèredel’Intérieur,administréeparl’ObservatoireInterministérieldelaSécurité
Routière(ONISR).LesdonnéesissuesdesBAACrépertorientl’intégralitédesaccidentscorporelsde
lacirculationenFrancemétropolitainedepuislesannées1960,etdelaGuadeloupe,laGuyane,la
Martinique,laRéunion,etMayottedepuis2012.
LapremièreficheBAAC,manuelle,aenréalitéétéémiseen1938.L'informatisationdudispositif
remontequantàluiauxannées70.Ladernièreversiondesfichiersdataitde2006.Unenouvelle
versionaétéémisele18avril2017parunecirculaireportantsurl'évolutionducontenuduBAAC
(version dite BAAC 2017). Cette évolution s'inscrit dans un processus de refonte du système
d'informationdel'accidentalité.Lesobjectifsdunouveausystèmed’informationsontd’optimiser
les processus de recueil et de contrôle des données, d’unifier le système de remontée et
d’exploitationdesdonnées,depermettreetfaciliterl’interconnexionavecdesbasesdedonnées
exogènesetdemettreàdispositiondupublicgénéralistededonnéesd’accidentologiegéolocalisées.
Objectifs
LefichierBAACestutilisépourconnaîtrel’étatetl’évolutiondel’insécuritéroutière,comprendre
lesmécanismesetlesfacteursexplicatifsdesaccidentsàtraversdesanalysesthématiques.L’ONISR
gère l’analyse de ces données et diffuse des statistiques d’accidentalité (décret 15 mai 1975)
labellisées par l’autorité de la statistiques publiques (depuis 2013).Des bilans de l’accidentalité
routièresontpubliéstouslesans,avecdesanalysesdescriptivestrèscomplètesgénéralistes,par
thématiques multiples (par mécanisme, par tranche d’âge, par saisons…), ou par facteurs
comportementaux(vitesse,toxiques,équipements…)(Figure14).
54
Figure14.ÉvolutiondelamortalitéroutièreenFrancemétropolitaineetlesmesuresprisesenmatièredesécurité1970–2017(moyenneglissantesur12mois)
Inclusiondespatients
Toutaccidentcorporeldelacirculationroutièreconnudesforcesdel’ordredoitfairel’objetd’une
fiche BAAC remplie par le service de police ou de gendarmerie territorialement compétent.Un
accidentcorporelestunaccidentsurvenusurunevoieouverteàlacirculationpublique,impliquant
aumoinsunvéhiculeetayantfaitaumoinsunevictimeayantnécessitédessoins.Cesfichessont
ensuitetransmisesauCerema(Centred'étudesetd'expertisesurlesrisques,l'environnement,la
mobilité et l'aménagement) qui assure leur traitement. Le Cerema est un établissement public
tourné vers l’appui aux politiques publiques, placé sous la double tutelle du ministère de la
transitionécologiqueetsolidaireetduministèredelacohésiondesterritoires.
Lecircuitrésumédesfichesestlesuivant:
1-Lesforcesdel'ordresaisissentdansleurslogicielslesBAACetlesenvoientauCerema
2-LeCeremacentraliselabase,vérifielesformatsetleremplissagedesrubriquesidentifiantchaque
accidentparcommune,organisme,etdated'accident.
3-Lesobservatoiresdépartementauxdelasécuritéroutièretraitentlesanomaliesetconsolidentla
base en lien avec des gestionnaires de voirie et les forces de l'ordre (via les procès-verbaux
d'accidents).
4-L'ONISRencadreletraitementdescasparticuliersetvérifieaussilacohérencedesdonnéesavec
55
d'autresservicesetsourcesnotammentlesremontéesrapides.
Données
LesdonnéescontenuesdanslaficheBAACsontrépartiesenquatrerubriques(73variables):
- Larubrique«caractéristiques»quidécritlescirconstancesgénéralesdel’accident,
- Larubrique«lieux»quidécritlelieuprincipaldel’accidentmêmesicelui-cis’estdéroulé́à
uneintersection,
- Larubrique«véhicules»impliquésquidécritlescaractéristiquesdesvéhiculesimpliquéset
descirconstancesdel’accident,
- La rubrique «usagers» impliqués qui décrit les caractéristiques des usagers, quelques
donnéesdémographiquesetcertainsélémentscontextuels(intoxication,manœuvres,type
detrajet,etc.)
LaficheBAACeststrictementanonyme(pasd'identifiantnominatif).Ellecomportedesitemstardifs
indisponiblesdanslespremiersjoursousemainesaprèsl'accident,notammentsonbilandéfinitif
(décèsà30jours,selonlanormestatistiqueeuropéenne,récupéréeauprèsdeshôpitaux)etlecas
échéantlesrésultatsdestestsauxstupéfiants.
Éthiqueetconsentement
Aucunconsentementn’estdemandéauxusagersetauxvictimespourlasaisiedecesfichesBAAC.
Lagrandemajoritédesusagersneconnaissentmêmepasleurexistence.LesBAAContunedatede
création antérieure à la CNIL, cependant des autorisations ont été obtenues à posteriori et le
traitementdecesdonnéesestautoriséparlaCNIL.Rappelonsqu’uncertainnombred’indicateurs
issusdecettebasefontl’objetd’unelabellisation,parl’autoritédelastatistiquepublique.
4.2.2.LesdossierscliniquesdesSAMU
Lescentresd’appeldesSAMU(Serviced’AideMédicaleUrgente)desdifférentsdépartementsdu
territoireetplusspécifiquementd’ÎledeFrance,sontinformatisésavecdessystèmestousdifférents
(ex:SAMUSCRIPTpourlesSAMU77et91).Lesappelssonttouscolligésetconservésdansdesbases
dedonnéesinstitutionnelles.
Objectifs
L’objectifprincipaldusystèmed’informationdesSAMUestdeconstituerunebasededonnéesde
dossierderégulationmédicale.Ilestalorstrèssimpledeconsulterlesdossiersencasdeproblème
56
médical,pourlesréunionsinterprofessionnellesdediscussions,pourlesrevuesmorbi-mortalitéou
poureffectuerdesstatistiquesdescriptivessurlespratiquesd’unSAMUdonné(nombred’appels,
déclenchementdevecteursmédicalisés,filières,etc.).
Inclusiondespatients
Sont inclus dans le système d’information tous les appels SAMU nécessitant une action de
«régulation»: simple conseil, envoi d’ambulance, de SMUR, de véhicules pompiers, etc.… Un
dossierderégulationmédicalepeutconcernerplusieurspatients(e.g,accidentdelavoiepublique
impliquantplusieursvictimes).Chaquedossierderégulationmédicaleaunnumérod’inclusion.
Fonctionnement
Cedossierestinitialementconstituéparl’assistantderégulationmédicalequirépondauxappels.Il
est ensuite complété par le médecin régulateur qui s’occupe du cas (libéral ou hospitalier en
fonctiondelagravité),permettantd’avoirnonseulementdesélémentscliniques,thérapeutiques,
maisaussidesélémentstemporelsetdedestination.
N’ontaccèsàcesystèmequelespersonnelsducentred’appeld’unSAMUdépartementaldonné,
qui sonthabilités à l’utiliser (assistantde régulationmédicale,médecins, secrétaires). Il n’existe
aucunedonnéecroiséeentrelesSAMU(saufcaspartagéexistantdansles2bases).Pouraccéderà
desdonnéesciblées,ilestnécessaired’utiliserunlogicield’extractionquilàaussiestdifférentpour
chaqueSAMU(exSiorampourle77,et4Dpourle91).
Données
Un dossier de régulation médicale contient toutes les données démographiques nominatives,
cliniques,thérapeutiquesetd’orientationd’undossiermédicalclassique,saufquelastructurede
soinspourcespatientsestfonctionducontexte,etparfoismobile(SMUR).
Éthiqueetréglementation
Les bases de données des SAMU sont gérées comme des dossiers médicaux, avec les mêmes
obligationsordinalesetéthiques.
57
4.3.Populationetméthodes
4.3.1.Populationsetsourcesdedonnées
Cetteétudeainclustouslespatientsvictimesd’unaccidentdelacirculationenrégionÎledeFrance
entrele1erjanvier2015etle31décembre2017.
CespatientsontétéidentifiésvialaTraumabase®(touslespatientsadmisdansl'undessixCTde
niveau1delarégion)etvialefichierBAAC(touslespatientsvictimesd’unaccidentdelacirculation
etcolligésdanslesfichesBAAC).
Lesdeuxsourcesdedonnéesontétéchaînéesafind'évaluerlafréquencedespatientsdécédéshors
CT, soit la différenceentre la totalitédespatientsdécédés suite àun accidentde la circulation
(donnéesBAAC)etlespatientsdécédéssuiteàunaccidentdelacirculationdécédésenCT(données
Traumabase®).Cespatientsétaientconsidéréscommeuntriagenonapproprié.
4.3.2.Définitionsdesvariablesetcritèresdejugement
Lecritèredejugementprincipalétaitlamortalitéhospitalièreà30jours,toutescausesconfondues,
despatientsvictimesd'unaccidentdelacirculationquiétaientenvielorsdeleuradmissionauCT.
Les causesdedécèsont étédéterminéespar lesmédecins en chargedespatients. Lamodalité
d’admissionaétédéfiniecommeétantuntransportdirectsilepatientétaitdirectementtransporté
dulieudel’accidentversunCTdeniveau1etuntransfertsecondairesilepatientavaitététransféré
dansunCTdeniveau1dansles48heuressuivantl’accidentdelacirculation,aprèsavoirétéadmis
antérieurementdansunestructuredeniveauinférieur.
Les variables pré-hospitalières disponibles incluaient le mécanisme de l'accident et la distance
jusqu’auCT(catégorisésen«petitecouronne»ou«grandecouronne»commedanslaFigure5),
lesvariablesdémographiques(âgeetsexe)etlessignesvitauxlesplusgravesobservésdurantla
phasepré-hospitalièreparmi lesquels : le scoredeGlasgow initial (GCS), la fréquencecardiaque
maximum(FC),pressionartériellesystolique(PAS)minimale,lasaturationpériphériqueenoxygène
minimale(SpO2)(92),laconcentrationenhémoglobinecapillaireàl’arrivéesurleslieux(93),lescore
MGAP (34), l’intubation trachéaleet l’administrationd’aminesvasopressives. L'évaluationde la
vitesse élevée a été rapportée selon le critère de Vittel (94). L’échelle abrégée des lésions
corporellesAISetlescoredegravitélésionnelISSontétéutiliséscommemesuresdesubstitution
de la gravité des blessures initiales. En effet ces codes de gravité lésionnelle ne peuvent être
attribuésqu’aprèslebilancompletdeslésionsàl’imagerieet/ouenchirurgie.Lescomorbiditésont
été codifiées selon la classification sur l'état physique de l'American Society of
58
Anesthesiologists(ASA) ainsi que sur la prise de traitement pouvant aggraver le saignement
(antiplaquettaireouanticoagulant).
Les variables disponibles à l’admission étaient l’état hémodynamique, les résultats des
prélèvementssanguinsinitiaux,lachirurgieaucoursdupremierjouretl’IndexdeGravitéSimplifié
(IGS2)ainsiqueladuréeduséjourdansl’unitédesoinsintensifsetl’hôpitalàlasortie.Laprobabilité
desurvieattendueaétécalculéeàl'aideduTraumaRelatedInjurySeverityScore(TRISS)àl’aide
descoefficientslesplusrécents(95)etenutilisantunefréquencerespiratoirede20min–1cheztous
lespatients(92).
Lesméthodesdecalculdutriagesontdécritesdanslapartiestatistique.
Leprocessusdechainagedesdonnéesfigureendétaildansleparagraphe4.3.3etestsynthétisé
danslediagrammedeflux(Figure15).Pourlespersonnesenregistréescommedécédéesdansles
fiches BAAC,mais ne pouvant être associées à aucun patient enregistré dans Traumabase®, les
archivesdes8SAMUde larégion ÎledeFranceontétéconsultéesafindedéterminer le lieudu
décès:soitsurleslieuxdel’accident,soitdansunhôpitalidentifié.Lorsquelespatientsn’étaient
pasretrouvés,ilsontétéconsidéréscommedécédésencentrenonspécialisé(doncsous-triés)pour
approcherlerisquemaximal.
4.3.3.ChaînagedesdonnéesTraumabase®etBAAC
Leprocessusdechainagedesdeuxbasesdedonnées(Traumabase®etBAAC)aétéréalisésurle
logiciel R (R Development Core Team (2008). R Foundation for Statistical Computing, Vienna,
Austria).Cetteprocédureestbaséesuruneapprocheprobabilistesemi-automatisée.Leprocessus
asuivipasàpasplusieursétapes:
59
1/Identificationdevariablecontenantuneinformationpartagéeentrelesdeuxbasesdedonnées
(variablespartagées):
Fichier BAAC Traumabase® Fonction de la
variable
Date de l’accident Date d’admission à l’hôpital Fusion
Mois/ Année de naissance Jour/ Mois/ Année de naissance Fusion
Sexe Sexe Fusion
Type de véhicule et type d’usager Mécanisme de l’accident Fusion
Département de l’accident Département du SAMU intervenant Fusion
Activité socio-professionnelle Activité socio-professionnelle Complémentaire
Mortalité au 30ème jour Mortalité au 30ème jour Complémentaire
Commel’objectifprincipalduchainagedesbasesétaitl’identificationdesvictimesdécédéeshors-
CT, la mortalité à J30 n’a pas été retenue dans l’algorithme de fusion mais comme variables
complémentairesàdispositionpourlaprocéduredecorrespondancemanuelle(voirétape3/).
2/Calculd’unedistance entre chaquepatientTraumabase®et lespotentielles correspondances
avec les patients issus du BAAC, pour lesquels l’accident arrivait dans les 2 jours précédents
l’admission à l’hôpital (critère d’inclusion dans la Traumabase®). La distance entre un patient
Traumabase®etunpatientBAACcorrespondaità laprobabilitéquecespatientsn'aientpasété
retenus pour l'appariement. Cetteprobabilité était calculée à l’aide d’unmodèle logarithmique
impliquantlesdifférencesentrelesvariablespartagées.Lescoefficientsdepondérationdechaque
différencedevariablesontétédéfinisàplusieurstemps:
➱ Au début du processus, selon l’expérience partagée avec les utilisateurs aguerris des
fichiersBAAC(97):
§ Poidsplusfaiblepourleserreursfréquentesconnues(p.ex.différentsdépartements,
différenced'unjourentreladatedel'accidentetladated'admission)
§ Poidsplusélevépour leserreursmoinsplausibles (p.ex.sexeopposé,différences
dansladatedenaissance)
60
➱ Par la suite, les coefficients de pondération ont étémis à jour grâce à un algorithme
d'apprentissage automatique constitué d'un modèle logistique prédictif basé sur les
décisionsantérieuresd'appariementounon(lorsdel’appariementmanuel).
La stabilité des valeurs des coefficients au cours du processus en cours a été évaluée
graphiquement.
3/AppariemententrelespatientsTraumabase®etBAAC:
- Appariementautomatique: lorsqu'iln'yavaitqu'unseulcandidatpotentieldansleBAAC,
définiparunedistancenulleaupatientindexTraumabase®.
- Appariementmanuel:propositiondespatientséligiblesduBAAC,définisparunedistance
inférieureà0.6,etpermettantunappariementmanuelsiledatamanagerconsidèrequeles
patientssontidentiques.
4/Répétitionduprocessuscompletdeuxfoisetcomparaisondesrésultats
Laqualitédeceprocessusd'appariementaétéévaluéeglobalementparlaconfrontationdevaleurs
devariablescommunes,deuxàdeux.
4.3.4.Lesanalysesstatistiques
LerapportsuitlesrecommandationsSTROBE(STrengtheningtheReportingofOBservationalstudies
in Epidemiology) (98). Les variables quantitatives continues ont été décrites par desmoyennes
(écart type) ou médianes [1er - 3ème quartile] en fonction de leur distribution ; les variables
catégorielles sous forme de comptes (pourcentages). Des analyses bivariées ont été réalisées à
l’aidedestestsduChi2etdeStudent(oudeMann-Whitneysinécessaire)enfonctiondutypede
variable,afind'identifier lescovariablesassociéesà lamortalitéà30 joursetcellesassociéesau
transfertsecondaire.
Lesous-triageaétéévaluéselontroisapprochesquisontdécritesdanslapartiestatistique.
1/Sous-triagebasésurlesdonnéesduCT:
𝑆𝑇_𝐶𝑇 =𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒𝑑𝑒𝑝𝑎𝑡𝑖𝑒𝑛𝑡𝑠𝑡𝑟𝑎𝑛𝑠𝑓é𝑟é𝑠𝑠𝑒𝑐𝑜𝑛𝑑𝑎𝑖𝑟𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡
𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒𝑑7𝑎𝑑𝑚𝑖𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛𝑠𝑑𝑎𝑛𝑠𝑙𝑒𝑠𝐶𝑇
61
2/Sous-triageenpopulationconduisantaudécès,selonlaméthodedelamatriceCribari(96):
𝑆𝑇_𝑝𝑜𝑝 =𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒𝑑𝑒𝑑é𝑐è𝑠𝑝𝑎𝑟𝑚𝑖𝑙𝑒𝑠𝑝𝑎𝑡𝑖𝑒𝑛𝑡𝑠𝑎𝑑𝑚𝑖𝑠𝑖𝑛𝑖𝑡𝑖𝑎𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑒𝑛𝑁𝑜𝑛_𝐶𝑇
𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒𝑑′𝑎𝑑𝑚𝑖𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛𝑠𝑑𝑎𝑛𝑠𝑑𝑒𝑠é𝑡𝑎𝑏𝑙𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠𝑁𝑜𝑛_𝐶𝑇
3/ Considérant les limites de l'intervalle de confiance à 95% de lamortalité observée chez les
patients admis directement au CT, nous avons calculé (avec une approche Chi2) la plage
hypothétiquedutauxdesous-triagesystémique,endehorsduquellamortalitébrutedespatients
malévalués(mortsaprèstransportinitialennon-CT)seraitsensiblementdifférentedecelledes
patientsadmisenCTdirectement:
Soit𝑁;< le nombre de patient avec une admission primaire𝑖 ∈ {CT, Non_CT}et lamortalité𝑗 ∈
{Pasdécès, Décès};𝑁;,⋅lasommedechaqueligne;𝑁⋅< lasommedechaquecolonne;etnlasomme
totale.L’hypothèsetestéeest:
𝐻O:lesvariables“Admissionprimaire”and“mortalité”sontindépendantes;
𝐻P:lesvariables“Admissionprimaire”and“mortalité”nesontpasindépendantes.
Enfait,sicesvariablessontindépendantes,l’hypothèseH0peutêtreformuléecommesuit:
𝐻O:𝑁;,<𝑛 =
𝑁;,⋅𝑁⋅,<𝑛R pourtousles𝑖, 𝑗
Doncletestproposéestlesuivant:
𝑆 = 𝑛×Z[,\] ^
Z⋅,\Z[,]_
_
Z⋅,\Z[,⋅]_
;∈{`a,bcd_`a}, <f{ghijékèi,jékèi}
Nousrejetons𝐻Oquand𝑆 ≥ 𝑠pourunevaleurde𝛼 = 0,05:quand𝑆 ≥ 𝜒P;O,rsR = 3,841459
Au terme de cette approche, nous pourrons conclure que pour un sous-triage supérieur à la
fourchette identifiée,alors lespatientsmalorientés initialementauraientuntauxdedécèsplus
élevésqueceuxconduitsdirectementauCT.
Lesur-triage,définicommeletransportverslecentredetraumatologiedespatientsayantàterme
unISS<16,aétécalculéselonlaméthodedelamatriceCribari:
62
𝑆𝑢𝑟_𝑡𝑟𝑖𝑎𝑔𝑒 =𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒𝑑𝑒𝑝𝑎𝑡𝑖𝑒𝑛𝑡𝑠𝑎𝑑𝑚𝑖𝑠𝑒𝑛𝐶𝑇𝑎𝑣𝑒𝑐𝑢𝑛𝐼𝑆𝑆 < 16
𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒𝑑𝑒𝑝𝑎𝑡𝑖𝑒𝑛𝑡𝑠𝑎𝑑𝑚𝑖𝑠𝑒𝑛𝐶𝑇
Deuxmodèleslogistiquesmultivariésontensuiteétéutilisés:
1/pouridentifierlesfacteursdéterminantsdutransfertsecondaireparmilescaractéristiquespré-
hospitalièresdisponibles,
2/afind’évaluerlerapportentreletransfertsecondaireetlamortalitéà30joursajustéenfonction
desfacteursdeconfusion.
Toutes lesvariablesassociéesaux résultats (valeurp<0,05)dans lesanalysesbivariéesontété
sélectionnéespour lesanalysesmultivariées,saufencasdevariablescolinéaires(coefficientsde
corrélation de Spearman > 0,8), où la variable la plus pertinente sur le plan clinique a été
sélectionnée(99).L’imputationmultiplevia l’analysefactoriellededonnéesmixtesaétéutilisée
pourtraiterlesdonnéesmanquantes(Rpackage“FactoMineR”,V1.41).Letauxmoyendedonnées
manquantes étant de 5,5% (maximum 15,7%) pour les variables candidates aux analyses
multivariées.Ensuite, lesvariablesontété introduitesensemblesdansunmodèlede régression
logistiquemultivariéetlasélectionaétéeffectuéeenutilisantuneméthode«pasàpas»sebasant
sur l’optimisation du critère d’Akaike et de l’aire sous la courbe (AUC) ROC (receiver operating
characteristic). Les interactions entre variables cliniquement pertinentes ont été évaluées. La
calibrationdumodèleaétéévaluéeàl’aidedutestdeHosmeretLemeshow(100),sadiscrimination
à l’aide de l’AUC et par bootstrap (1 000 échantillons) pour quantifier l’optimisme (différence
moyenne entre l’AUC apparente du modèle développé pour chaque échantillon et l’AUC sur
l’échantillond’origine)danslemodèledeprédictionfinal(101).
Enfaisantleshypothèsesd’uneprévalencedestransfertssecondairesde10%etd’unemortalité
globale de 6%, la taille de notre échantillon était suffisante pour montrer une différence de
mortalité de 4%entre les deux groupes avec unepuissancede 80%et une erreur depremière
espèce de 5 % (102). Tous les tests étaient bilatéraux et un p ≤ 0,05 était considéré comme
significatif.LelogicielR3.5.1(RFoundationforStatisticalComputing,Autriche)aétéutilisépourles
analyses.
63
4.4.Résultats
Aucoursdelapérioded’étude,121955accidentsdelacirculationontétéenregistrésparlaPolice
(BAAC)et4412patientsontétéadmisdanslesCTdelarégionsuiteàunaccidentdelacirculation
enÎle-de-France(Traumabase®).Parmieux,4031(91%)ontététransportésdirectementauCT,
tandisque381patients(9%)ontététransféréssecondairement(Figure15).Dansl'ensemble,278
(6%)décèsàl'hôpitalontétéenregistrésdansles30jourssuivantl'admissionauCT.Lescausesde
décèssontdétailléesdansleTableau2.Iln'yavaitpasdedifférencesignificativeentrelescausesde
décèsentrelesgroupesdetransfertdirectetsecondaire(p=0,07).
LescaractéristiquesdespatientsdirectementetindirectementtransférésauxCTsontprésentées
danslesTableaux3(caractéristiquespréhospitalières)et4(gravitéetévolutionhospitalière).
L'analysemultivariéeaidentifié10variablespréhospitalièresindépendammentassociéesautype
detransport(Tableau5).Ainsi,lesfacteursderisqueidentifiéspourletransfertsecondaireétaient:
l'âge(OddsRatio(OR)de1,4,IC95[1,1;1,9]et1,9,IC95[1,3;2,8]pourles45à64anset65à100
ansrespectivement),lesaccidentsdevélooudepiéton(OR:2.2,IC95[1,4;3,4]et1,5,IC95[1,0;2,1]
respectivement),scoreGCSélevé(OR:1,4,IC95[1,3;1,5])etprised’anti-aggrégantsplaquettaires
oud’anticoagulants(OR:2,0,IC95[1,3;3,1]).Enrevanche,l’incarcération(OR:0,6,IC95[0,4;0,9]),
lesmécanismesàhautecinétique(OR:0,6,IC95[0,5;0,8])etleslésionspelviennes(OR:0,5,IC95
[0,3;0,6])étaientassociésautransportdirect.Laseuleinteractionconservéedanslemodèleétait
entrelagravitédeslésionsàlatêteetàl'abdomen(AIS≥3)(OR:0,1,IC95[0,02;0,3]).Letestde
Hosmer et Lemeshow amontré une bonne calibration dumodèle (p = 0,69). La discrimination
évaluéeparl'AUCétaitde0,76,IC95[0,73;0,78]etl'AUCajustéeenfonctiondel'optimismeétait
de0,75,IC95[0,72;0,77].
Lesanalysesunivariéesselonlestatutvitalà30jourssontprésentéesdanslesTableaux6et7.Alors
que lamortalité brute était significativement plus faible lorsque les patients étaient transférés
secondairement(2%vs7%,p<0,001),iln'yavaitpasd'associationsignificativeentrelamortalité
à 30 jours et le type de transport (OR: 0,80, IC95 [0,30; 1,91] lorsqu’ajusté sur les facteurs de
confusiondansl’analysemultivariée.
64
Figure15.Diagrammedefluxdel’étudetriageetfilièredesoins
2015-2017
n=3954
•Chute
:n=2179
•Arm
eàfeu:n
=340
•Arm
eblanche:n=779
•Autre:n
=656
AVP
n=4650
2015-2017
CentreTraumatologie(31%)
Transportinitial
Décès
n=947
Chaina
ge
Transfertsecondaire
n=38
1(9%)
Transportdirect
n=40
31(91%
)
Provenantdel’extérieur
delarégion:n
=238
«B.A.A.C»
SécuritéRoutière
n=121955
AdmissionsenCT
n=8584
matched
Totaldécès
n=278
Survivants
n=372(98%)
Survivants
n=3762(93%)
Décédés
n=269(7%)
Décédés
n=9(2%)
Pasdem
atch
Traumabase
SAMU
archives
Nonblessés
n=53592
Admisàl’hôp
ital
n=53222(<24heures)
n=14194(>24heures)
n=696
VivantshorsCT
n=63654
n=251
HorsCentreTraumatologie(4.5%)
n=569
n=43
n=40
Nonidentifié(4.5%)
n=44
Décès
n=947
Mortssurplace(60%)
65
Tableau2.Caractéristiquesdespatientsdécédésdansles30premiersjoursenfonctiondelacausedudécès
SNC CH Hypoxie/ Anoxie DMV Choc
Septique ACR traumatique Inconnu
Direct TS Direct Direct Direct Direct Direct TS Direct TS n 172 5 34 4 39 2 10 1 8 3
Démographie et devenir
Âge (années) 40 [26;60] 82 [66;87] 46 [33 ;64] 64 [45;76] 46 [29;65] 72 [69;74] 43 [32;52] 56 65 [51;70] 85 [85;88]
Masculin (%) 123 (72) 3 (60) 24 (71) 3 (75) 31 (80) 1 (50) 8 (80) 0 7 (88) 2 (67)
Durée séjour réanimation 3 [2;6] 4 [3;113] 1 [1;1] 8 [1;17] 2 [1;6] 5 [4;6] 1 [0;1] 0 8 [6;9] 11 [10;18]
Mécanisme des blessures (%)
VL-PL 49 (28) 1 (20) 9 (27) 2 (50) 12 (31) 0 4 (40) 1 (100) 1 (13) 1 (33)
2RM 45 (26) 0 9 (27) 2 (50) 15 (39) 1 (50) 4 (40) 0 1 (13) 0
Bicyclette 12 (7) 1 (20) 2 (6) 0 0 0 1 (10) 0 0 0
Piéton 60 (35) 3 (60) 11 (32) 0 11 (28) 1 (50) 1 (10) 0 6 (74) 2 (67)
Autre 6 (4) 0 3 (9) 0 1 (3) 0 0 0 0 0 Sévérité du traumatisme crânien
AIS Tête 5 [4;5] 5 [5;5] 0 [0;4] 5 [5;5] 3 [0;4] 3 [3;3] 3 [3;5] 0 1 [0;3] 0 [0 ;1]
Lesdonnéessontexpriméesenmédiane[quartile1;3]etn(%)AIS:AbbreviatedInjuryScale,SNC:systèmenerveuxcentral,CH:chocHémorragique,DMV:défaillancemultipleviscérale,TS:TransferSecondaire,ACR:Arrêtcardio-respiratoire,VL-PL:véhiculeslégersetpoidslourds,2RM:2rouesmotorisésUntotalde278desdécèsàl’hôpitalsontsurvenusdansles30jours(6%)
(Pagesuivante)
Tableau3.Caractéristiquesdémographiques,physiologiques,etlésionnellesdespatientsenfonctiondumodedetransportàl’hôpital
†:donnéesmanquantes22-26%(manquantesnonaléatoirement)PAS:Pressionartériellesystolique(22.8%manquant),FC:fréquencecardiaque)22.6%manquant,SpO2
(saturationpériphériqueenoxygène):25.7%manquant.BMI:indexdemassecorporelle,ASA:Americansocietyofanesthesiologists,AC/APthérapie:anticoagulantet/ouantiagrégantplaquettaire,VL-PL:accidentvéhiculeslégers-poidslourds,min:minimale,max:maximale.
66
Direct(n=4031)
Transfert(n=381) p
Démographieetdevenir
Age(année) 37(17) 43(20) <0,001#
Homme(%) 3118(78%) 293(77%) 0,89
BMI(kg/m2) 25(6) 25(5) 0,82
ASA- 1- 2- ≥3- Inconnu
2888(72%)869(22%)90(2%)184(5%)
248(65%)106(28%)18(5%)9(2%)
<0,001#
AC/AP 146(4%) 40(11%) <0,001#
SituationProfessionnelle- Enactivité- Etudiant- Sansactivité- Autre
1936(63%)420(14%)595(19%)118(4%)
193(59%)44(13%)74(23%)18(6%)
<0,001#
Caractéristiquesdel’Accident
Mécanismeslésionnels
<0,001#- VL-PL- 2RM- Bicyclette- Piéton- Autre
1343(33%)1753(44%)171(4%)668(17%)96(2%)
98(26%)147(37%)41(11%)83(22%)12(3%)
Zonedel’accident- Petitecouronne- Grandecouronne
2159(54%)1872(46%)
214(56%)167(44%)
0,36
Périodedegarde 2818(70%) 268(70%) 0,75
Éjectionduvéhicule 1319(42%) 96(38%) 0,23
Évaluationglobalelavitesse 2630(76%) 187(58%) <0,001#
Décèsdanslemêmevéhicule 105(3%) 2(0.8%) 0,04
Incarcération 572(14%) 26(7%) <0,001#
Traumatismedubassininstable 195(5%) 21(6%) 0,47
Arrêtcardiaque 99(36%) 27(0.7%) <0,001#
Variablespréhospitalières
PASmin(mmHg) 115(25) 122(23)† <0,001
FCmax(battements/min) 94(23) 90(19)† 0,01
SpO2min*(%) 98[95;100] 98[96;100]† 0,85
ScoredeGlasgow* 15[14;15] 15[15;15] <0,001#
Intubationpréadmission(%) 896(22%) 22(6%) <0,001
67
Tableau4.Sévérité,caractéristiquescliniquesetparcourshospitalierselonletransport
SOFA:Sepsisorganfailureassessment,IGS2:indicedegravitésimplifié,ISS:injuryseverityscore,AIS:abbreviatedinjuryscale,PAS:Pressionartiériellesystolique,TRISS:traumarelatedinjuryseverityscore.Chochémorragique:transfusion≥4CGRdansles6premièresheures.Traumacrâniengrave:scoredeGlasgow≤8AIStête>1.
Direct(n=4031)
Transfert(n=381) p
Sévéritédeslésions
SOFA*(Jour1) 1[0;4] 0[0;2] 0,02
IGSII*(Jour1) 17[10;31] 15[10;25] 0,03
ISS* 11[5;22] 14[9;22] <0,001
ISS≥16(%) 1557(39%) 147(48%) 0,001
TêteetcouAIS≥3 900(22%) 103(27%) 0,04
FaceAIS≥2 468(12%) 29(8%) 0,02
ThoraxAIS≥3 1148(29%) 120(32%) 0,23
AbdomenAIS≥3 408(10%) 76(20%) <0,001
BassinetmembresAIS≥3 1115(29%) 58(15%) <0,001
Àl’admission
PAS(mmHg) 129(27) 128(24) 0,63
Hémoglobine(g/dL) 13,3(2,1) 13,0(2,0) 0,04
Lactate(mmol/L) 2,5(2,2) 2,1(1,5) 0,01
Tauxdeprothrombine(%) 82(18) 83(15) 0,12
Chirurgiedansles24h 1941(48%) 152(40%) 0,01
Caractéristiquesspécifiques
ChocHémorragique 266(7%) 14(4%) 0,03
Traumatismecrâniengrave 405(10%) 4(1%) <0,001
Traumatismedurachis 451(11%) 85(22%) <0,001
Traumatismemédullaire 116(3%) 22(6%) 1
Evolutionetdevenir
Infection 176(23%) 16(14%) 0,03
Duréeséjourréa 2[2;5] 3[2;7] <0,001
Duréeséjourhôpital 7[2;17] 9[5;16] <0,001
Sortiedelaréanimation:- Servicehospitalier- Domicile- Autreréanimation- Rééducation
2938(79%)697(19%)7(0%)82(2%)
326(88%)34(9%)4(1%)7(2%)
<0,001
MortalitéàJ30n(%) 269(7%) 9(2%) 0,001
Mortalitéàl’hôpital(%) 289(7%) 9(2%) 0,001
MortalitéPréditeTRISS(%) 8,8% 4,7% 0,001
68
Tableau 5. Résultats des analyses multivariées pour identifier les variables associées avec untransfertsecondaire
OR,CI95%:Oddsratioetintervalledeconfiance95%VL:Accidentdevéhiculeslégers,GCS:ScoredeGlasgow,AC/AP:anticoagulantouantiagrégantplaquettaire,AIS:AbbreviatedInjuryScaleTraumacrâniensévèreougrave:AIStête≥3Traumaabdominalsévère:AIS≥3*VariablescontinuesCritèreAkaike:2290HosmerLemeshow:p=0,70AUCRoccurve:0,76[0,73;0,78]Optimisme:0,0095
Variable OR,IC95% pTest
GlobalFIntercept <0,001 Age 0,01
[0,17] 1,5[0,9;2,3] 0,07 ]17,44] 1 - ]44,64] 1,4[1,1;1,9] 0,01 ]64,100] 1,9[1,3;2,8] 0,01
Mécanisme 0,01VL 1 - Bicyclette 2,2[1,4;3,4] <0,001 Piéton 1,5[1,0;2,1] 0,03 Moto 1,1[0,8;1,5] 0,44 Autre 2,0[1,0;4,0] 0,04
Incarcération 0,6[0,4;0,9] 0,03 Vitesse 0,6[0,5;0,8] <0,001 GCSinitial* 1,4[1,3;1,5] <0,001 AC/APthérapie 2,0[1,3;3,1] 0,01 AIStête≥3 3,2[2,4;4,3] <0,001 AISface* 0,7[0,6;0,9] <0,001 AISabdomen≥3 3,6[2,6;4,9] <0,001 AISpelvis≥3 0,5[0,3;0,6] <0,001 AIStête≥3*AISabdomen≥3 0,1[0,02;0,3] <0,001
69
Tableau6.Comparaisonunivariéedespatientsdécédésà30joursetdessurvivants
IMC:indicedemassecorporelle,ASA:Americansocietyofanesthesiologists,ASA:Americansocietyofanesthesiologists, AC/AP thérapie: anticoagulant et/ou antiagrégant plaquettaire, VL-PL: accidentvéhicules légers-poids lourds,min:minimale,max:maximale.PAS :Pressionartériellesystolique,FC:fréquencecardiaque,SpO2:saturationpériphériqueenoxygène
Décédé(n=278)
SurvivantàJ30(n=4134)
Démographieetdevenir
Age(années) 48(23) 37(17) <0,001
Homme(%) 202(73%) 3209(78%) 0,05
IMC(kg/m2) 25(6) 25(5) 0,89
ASA- 1- 2- ≥3
147(61%)69(29%)24(10%)
2989(75%)906(23%)84(2%)
<0,001
AC/AP 25(9%) 161(4%) <0,001
Situationprofessionnelle- Actif- Étudiant- Pasd’activité- Autre
68(39%)22(13%)74(43%)8(5%)
2061(64%)442(14%)595(18%)128(4%)
<0,001
Caractéristiquesdel’accident
Mécanismelésionnel(fermé)
<0,001
- VL-PL- 2RM- Bicyclette- Piéton- Autre
80(29%)77(28%)16(6%)95(34%)10(4%)
1361(33%)1823(44%)196(5%)656(16%)98(2%)
Régiondel’accident- Petitecouronne- Grandecouronne
140(50%)138(50%)
2233(54%)1901(46%)
0,26
Éjection 75(46%) 1340(42%) 0,39
Vitesse 177(75%) 2640(72%) 0,27
Décèsdanslemêmevéhicule 6(4%) 101(3%) 0,93
Arrêtcardiaque 99(36%) 27(0,7%) <0,001
Variablespréhospitalières
PASmin(mmHg) 107(45) 130(24) <0,001
FCmax(battements/min) 87(36) 88(19) 0,22
GlasgowComaScale 3[3;10] 15[14;15] <0,001
SpO2min(%) 94[80;98] 98[96;100] <0,001
70
Tableau7.Sévérité,caractéristiquescliniquesetparcourshospitalierselonletypedetransport
SOFA:Sepsisorganfailureassessment,IGS2:indicedegravitésimplifié,ISS:injuryseverityscore,AIS:abbreviatedinjuryscale,PAS:Pressionartiériellesystolique,TRISS:traumarelatedinjuryseverityscore.Chochémorragique:transfusion≥4CGRdansles6premièresheures.Traumacrâniengrave:scoredeGlasgow≤8AIStête>1.
Untotalde3538(80%)des4412patientsdelaTraumabase®ontpuêtreappariésauxfichiers
BAAC.Parmiles278patientsdécédésaucoursdes30premiersjoursencentredetraumatologie,
251 (90 %) ont pu être appariés, laissant 696 patients à explorer (Figure 15). Les recherches
effectuéesdanslesdossiersmédicauxdes8SAMUdelarégionÎle-de-France(SAMU)ontpermis
Décédés(n=278)
SurvivantsàJ30(n=4134) p
Sévéritédeslésions
SOFA*(day1) 11[8;14] 0[0;2] <0,001
IGSII*(day1) 65[52;76] 15[9;26] <0,001
ISS* 35[26;45] 10[5;19] <0,001
TêteetcouAIS≥3 209(76%) 794(19%) <0,001
FaceAIS≥2 69(25%) 428(10%) <0,001
ThoraxAIS≥3 153(55%) 1115(27%) <0,001
AbdomenAIS≥3 58(21%) 426(10%) <0,001
ExtrémitéspelvisAIS≥3 94(34%) 1079(26%) 0,01
Àl’admission
Tempstotalpréhospitalier*(min) 80[56;100] 70[53;100] 0,038
PAS(mmHg) 106(45) 130(24) <0,001
Hémoglobine(g/dL) 10,9(2,4) 13,4(1,9) <0,001
Lactate(mmol/L) 5,7(4,7) 2,2(1,5) <0,001
Tauxdeprothrombine(%) 51(25) 84(16) <0,001
Chirurgiedansles24h 93(34%) 2000(48%) <0,001
Caractéristiquesspécifiques
Chochémorragique 96(35%) 184(5%) <0,001
Traumatismecrâniensévère 158(57%) 251(6%) <0,001
Traumatismedurachis 50(21%) 477(12%) <0,001
Traumatismemédullaire 26(9%) 112(3%) <0,001
Évolutionetdevenir
Infection 27(41%) 165(20%) <0,001
Duréeséjourréanimation 3[1;7] 2[2;5] <0,001
Duréedeséjourhôpital 3[1;6] 8[3;18] <0,001
71
d'identifier43(4,5%desdécès)décédésdanslescentrespériphériquesnonspécialisés.Lesautres
patientsétaientdécédéssurplace(n=569,60%)ouenCT(n=40,4%,manquantsounonappariés
avec lesdossiersde laTraumabase®)et44(4,5%)n'ontpuêtreretrouvésdans lesdossiersdes
SAMU(Figure16).Commeprécisédanslaméthode,cesderniersontétéconsidéréscommedécédés
encentrenonspécialisé(doncsous-triés)pourapprocherlerisquemaximal.Ainsi,letauxdesous-
triagedelapopulationayantmenéaudécèsétaitde0,15%,IC95[0,12;0,18],etletauxdesurtriage
étaitestiméà60%,IC95[59;61].
LacomparaisondelamortalitéentrelespatientstransportésdirectementauCTetceuxadmisen
non-CT n'a pu être effectuée parce qu'aucun ajustement n'était possible compte tenu des
informationsdisponiblesdanslesdossiersBAACetSAMU.Néanmoins,comptetenudelamortalité
observéechezlespatientsadmisdirectementenCT(7,6%,IC95[6,8;8,4]),lafourchettedesous-
triagecalculéepermettantd’affirmerqu’iln’yauraitpasdedifférencedemortalitébruteentreles
patientsadmisdirectementenCTetlesautresétait[1,5;2,8%],IC95[1,4;2,9].
Figure16.Lieudedécèsdespatientsdécédéssuiteàunaccidentdecirculation
?:4,5%(n=44)n'ontpuêtreretrouvésdanslesdossiersdesSAMU;cesderniersontétéconsidéréscommedécédésencentrenonspécialisé(doncsous-triés)pourapprocherlerisquemaximal.
72
4.5.Discussion
Lesrésultatsdecetteétudesuggèrentquedanslarégionfrançaiselaplusdensémentpeupléeetau
seind'unréseaudetraumatologieexclusif,lespatientstransféréssecondairementauCTn'étaient
pasexposésàunrisqueaccrudemortalitéaprèsajustementsurlesfacteursdeconfusionidentifiés.
Ces résultats sontenaccordavec les résultatsdedeuxméta-analysesquiont récemment tenté
d'évaluerl'effetdutransfertsecondairesurledeveniretn'onttrouvéaucunrisquesupplémentaire
surlamortalité(ORpoolé:1,06,IC95[0,90;1,25])(90,91).Néanmoins,lesétudesprisesencompte
danslaméta-analyseprovenaientessentiellementdepaysanglo-saxonsetlesrésultatsétaienttrès
hétérogènesd'uneétudeàl'autre(I2=71%).Lescaractéristiquesdenotreétudeetdesoncontexte
doiventdoncêtreexaminées.
4.5.1.Performanceduréseaudetraumatologieétudié
Nosrésultatss'expliquentenpartieparlastructuredusystèmedetraumatologieenFrancedontle
serviced'urgencepréhospitalierestmédicalisé(SMUR).Leseffetsdelapriseenchargemédicale
préhospitalière ont été évalués dans l'étude FIRST (French Intensive Care Recorded in Severe
Trauma)menée en 2011 auprès de 2700 patients ayant subi un traumatisme fermé grave (par
opposition au traumatisme pénétrant)(28). La prise en charge préhospitalière avec des unités
mobilesdesoinsintensifsdotéesdepersonnelmédicalétaitassociéeàuneréductionsignificative
delamortalitéà30joursparrapportauxtransportsnonmédicalisés.Danslacohorteactuelle,la
mortalitéà30jourstoutes-causes-confonduesétait inférieureà lamortalitépréditepar leTRISS
danslesgroupesdetransportdirectetdetransfertsecondaire(Tableau4).Celapeutêtreexpliqué
parplusieurshypothèses:1/lapriseenchargepréhospitalièredispenséepardesmédecinspeut
limiterlesous-triage,2/l'ensembledusystèmepermetdelimiterlamortalitédespatients.
AuniveauduCT,letauxobservédetransfertsecondaire(9%)étaitinférieuràceluidécritdansles
étudesexistantes(variantentre28%et37%(102–105)).Celapeuts’expliquerparunemeilleure
orientationinitialedespatientsmaisaussiparlenombredeCTdanslarégionÎle-de-France.Dans
l'étudedeGarweetal(30%detransfertsecondaire),l'Etatdel'Oklahoman'étaitdotéquede3CT
pourunemoyennede3,5millionsd'habitantssur181.195km2(103).EnÎle-de-France,unCTcouvre
enmoyenne2millionsd'habitantssurunesuperficiemoyennede2.000km2.CeratiodeCTpar
rapportàlagéographierégionaleapupermettredefairefaceàunsur-triageplusélevé(60%),et
demaintenirunfaibletauxdesous-triage.
Letauxdetransfertsecondaireobservéestrestésupérieurautauxrecommandéde"moinsde5%"
(30).Néanmoins,lespatientsquibénéficientdessoinslesplusurgents,c'est-à-direlespatientsen
73
chochémorragiqueoutraumatiséscrâniensgraves,ontététransportésdirectementdans95%et
99%descasrespectivement.Laplupartdutemps,cespatientssont identifiésettriésenmilieu
préhospitalier,selon lesvariablesphysiologiques (pour lechochémorragique)et leGCS(pour le
traumatismecrâniengrave),sauflorsqueleurétatcliniquesedétérioredefaçonsecondaire.
4.5.2.Déterminantsdutransfertsecondaire
Leprincipaldéfidansl'interprétationdesdéterminantsdutransfertsecondaireestladiscrimination
entretroistypesdecas:
1/Casoùlagravitéinitialeaétésous-estimée(sous-triageréel)(61).
2/ Cas qui ont bénéficié d'une stabilisation initiale choisie dans des hôpitaux non-CT avant le
transfert(89).
3/Casdesaturationdusystèmequiontconduità ladécisionde transporter lepatientdansun
hôpitalnon-CTpour lebilan lésionnel, lequelconfirme laprésenced’untraumatismemajeuret
motiveuntransfertsecondaireversunCT.
Cestroissituationsn'ontpuêtreélucidéesaveclesdonnéesdisponiblesdansnotreétude.Malgré
cela,lesvariablesassociéesautransfertsecondaireetl'orientationdecesassociationsétaienten
accordaveclesétudespubliéesprécédemment(88,106).
Paradoxalement,lesusagersdelarouteconsidéréscommeplusvulnérables,soitparmanquede
protectionphysiquecommelespiétonsou lescyclistes,soitenraisond'unefragilité liéeà l'âge,
étaient plus susceptibles d'être transférés de manière secondaire. Le défi est en fait la
reconnaissancecliniquedestraumatismescrâniens,enparticulierchezlespatientsâgéset/ouaprès
desmécanismesdefaibletransfert(piétonouvélo)(102,107).Eneffet,lestraumatismesliésàune
cinétique élevée, comme les accidents causés par des véhicules à haute vélocité, sont
habituellement la prérogative des patients plus jeunes et entraînent aussi des blessures
cliniquementplusévidentesetplusfacilesàtrier,commelestraumatismesfaciaux,lesfracturesdu
bassincliniquementévidentesoulesblessuresgravescombinéesquisontdesfacteursdiminuantle
risquedetransfertsecondaire.
Dansnotreétude,lespatientstransféréssecondairementprésentaientdesscoreslésionnelsplus
élevés(48%ISS≥16vs39%)maisavaientunemortaliténonajustéeplusfaible.Celamontreque,
bienqueconsidéréscomme"sous-triés",cespatientsontétécorrectementprisenchargeparle
système. Mais de toute évidence, leur identification doit être améliorée dans la région pour
rationaliserleprocessusdetriageetréduireletauxdetransfertsecondaire.
74
4.5.3.Analysesenpopulation
Lelienentrelesbasesdedonnéesadministrativesetlesregistresmédicauxs'estdéveloppédans
lesétudesépidémiologiquesaucoursdeladernièredécennie(108).Lesregistresdetraumatologie
onttoujoursconstituélaprincipalesourcededonnées(109),ciblantlespatientslesplusgravement
blesséstransportésàunCTetseconcentrantsurlesrésultatsaxéssurl'hôpital.L'établissementde
liensavecdesbasesdedonnéesnonliéesàlarecherche(p.ex.administratives)permetmaintenant
decréerdesbasesdedonnéesenpopulation,couvranttouteslesphasesdessoinsetrecueillant
desdonnéessurlespatientsgravesetnongraves.
Ils'agitdelapremièreétudedecetypeàanalyserunréseaudetraumatologierégionalfrançais.Il
apermisd'établirleprofildetriagerégionaletd'estimerletauxdemortalitésurplacedansleréseau
detraumatologieétudié.
Premièrement, le taux de sous-triage entraînant lamort était faible (0,15%, IC95 [0,12; 0,19]).
Ensuite,sinousadmettonsquelesous-triagesystémiqueétaitsupérieurà1,5%,lamortalitébrute
chez les patients admis en non-CT (transférés ou non de façon secondaire) n'était pas
significativement différente de celle des patients admis directement. Et si nous admettions
logiquementquelespatientsnemourraientpasdavantagelorsqu'ilssonttransportésdirectement,
lalimitesupérieuredenotresous-triagerégionalseraitalorsde2,8%,IC95[2,7;2,9].
Enfin,60%despatientssontdécédéssurplace.Cetteobservationestenaccordaveclesdonnées
desÉtats-Unis(110).Bonnombredecespatientsontsubidesblessurestropgravespoursurvivreà
untransportversunhôpital,maiscertainsd'entreeuxpeuventêtreclassésparmilesdécèsévitables.
En effet, le délaimédian avant le décès chez les patients ayant subi un traumatisme grave est
inférieuràdeuxheures (111). Le temps totalmoyenavant l'hospitalisationdansnotreétude se
situaitentre70et80minutes,cequiestbeaucouppluslongquelestempsdécritsrécemmentdans
lesétudesPamPer(40minutes)(112)ouCOMBAT(16minutes)(76).Donc,untransportplusrapide
versunCTauraitpeut-êtrepuévitercertainsdécès.
A cette préoccupation, il convient de noter que dans le système français, les patients sont
transportésdansl’unitémobiledesoinsintensifsaprèsuneinterventionimmédiatedesauvetage,
etlaréanimationsepoursuitencoursderoute,mêmedanslescaslesplusfutiles.Ainsi,les43décès
observésdansleshôpitauxhorsCTpourraientêtreunesourcedesurestimationdusous-triagepar
rapportàd'autrespayspuisqueledécèsn'estjamaisprononcépendantletransfert.
75
4.5.4.Limitesdenotreétude
Notreétudeprésentecertaineslimites.
Premièrement, sa conception rétrospective ne permet pas la mesure et l'ajustement sur des
facteursconfondantstelsquel'expériencedupraticien,laqualité,lemomentoulapertinencedes
soinsàl'établissementinitial,quin'étaientpasdisponiblesdanslesbasesdedonnées.
Deuxièmement, l'imputationmultipleaétéutiliséepourtraiter lesdonnéesmanquantespour la
plupartdes variables, saufpour les variablesphysiologiquespréhospitalièrespour lesquelles les
donnéesn’étaientpasmanquantesauhasard(«notmissingatrandom».)Néanmoins,commele
tauxdedonnéesmanquantesétaitfaible(maximum5,5%)pourcesvariables,lebiaispotentielen
résultantétaitprobablementlimité.
Troisièmement, il est possiblequ'unbiais de sélection (biais de survie) ait été introduit pardes
patientsgravementblessésdécédésdansdeshôpitauxlocauxavantleurtransfertauCT.Cependant,
des efforts ont été faits pour l'évaluer en utilisant le lien entre Traumabase® et BAAC, et pour
retournerdanslesarchivesdes8SAMUsrégionaux,maisaucunajustementn'apuêtreeffectuésur
cesdonnéescarlesvariablesconfondantesn'étaientpasdisponibles.
Quatrièmement,ilafalluétablirunlienprobabilisteentrelaTraumabase®etlesBAAC,carlesdeux
basesdedonnéesn'avaientpasd’identifiantcommununique.Lesperformancesde l'algorithme
d'appariementquenousavonsconçun’ontpaspuêtreévaluéesavantlamiseenœuvre.Cependant,
cette méthode a déjà été utilisée pour faire correspondre les données des services de soins
préhospitaliersàcellesdesregistreshospitaliersauxÉtats-Unis(113,114)etaétévalidéechezles
patientstraumatisés(115).
Cinquièmement,lavaliditéexternedecetyped'étuderégionaleestunequestioncomplexe,mais
lesdonnéesprésentéesdanscetteétudemettentenlumièreleprocessusdetriagedansunréseau
detraumatologieexclusiffrançais,possédantunsystèmedesoinpréhospitaliermédicalisé.
Enfin,au-delàdelapartd'incertitudeinhérenteàcetypederechercheépidémiologique,nousavons
tentédetraiterlesdifférentspiègespotentielsd'untelprocessus(108)ettouslescalculsontété
effectuéspourévaluer le risquemaximum(incluant lespatientsnon identifiéscommemortsen
non-CT).
4.6.Conclusion
Cettepremièrepartiesuggèreque,danslecontexted'unsystèmedetraumatologieexclusifavec
unservicedesoinspréhospitaliersmédicalisés, lespatientstraumatiséssuiteàunaccidentdela
circulationettransférésdefaçonsecondaireaucentredetraumatologien'ontpasunemortalité
76
accrueparrapportauxpatientstransportésdirectement.Iln’yadoncpasdepertedechancepour
cespatientsquiontunparcoursendeuxétapes.
Quantausous-triagerégionalconduisantaudécès,pourlesaccidentsdelacirculation,ilétaitévalué
à0,15%,IC95[0,12;0,18],cequiestfaible.Lespatientsidentifiéscommedécédésdanslescentres
non spécialisés avant le transfert représentaient 4,5 % (en intégrant les non identifiés, 9%) de
l’ensembledesdécès.
Ainsi le triage préhospitalier et l’organisation des filières de soins semblent relativement
fonctionnels,pourl’échantillonanalysé,danslarégionétudiée.Pourlespatientslesplusgraves,et
notammentceuxprésentantunehémorragiesévère,ilestimportantquelacommunicationpuisse
sefaireavantl’arrivéedespatients,pourlastructured’accueilpuisseactiverlesdifférentsacteurs
etdéclencherlesprocéduresad-hoc.Cetteperspectivenousamèneàlasecondepartiedelathèse.
77
5. Activationdel’équipehospitalièreavantl’arrivéedupatient
HAMADAS,ROSAA,GAUSST,DESCLEFSJP,RAUXM,HARROISA,FOLLINA,COOKF,BOUTONNETM,TheTraumabaseGroup,ROUQUETTEA,andDURANTEAUJ.Developmentandvalidationofapre-hospital“RedFlag”alertforactivationofintra-hospitalhaemorrhagecontrolresponseinblunttrauma.CriticalCare2018May5;22(1):113
5.1.Introduction
Leshémorragiesdemeurentlaprincipalecausedemortalitéprécoceévitableencasdetraumatisme
sévère(47,77).Uneanalysemultidisciplinaireamontréqu'environ2,5%desdécèsdansuncentre
detraumatologiesontévitablesoupotentiellementévitables.Parmilesprincipalescausesfigurent
les hémorragies (39%) et les défaillances multiviscérales (28%), ces dernières étant souvent la
conséquence d'un choc hémorragique. Les principales causes identifiées de décès évitables
secondaires àunehémorragieétaientles retardsdediagnostic etdepriseen charge (48). Pour
contrôler le saignement le plus rapidement possible et réduire la mortalité des patients,
l'optimisationdel’organisationducircuitdupatientestessentielle(78,79,116).Ilestdonccapital
d'identifier, au cours de la phase pré-hospitalière, les patients présentant un risque élevé
d'hémorragiesévère(HS)afind'activerrapidementuneréponsespécifiqueetstandardiséedela
prise en charge de l’hémorragie en intra-hospitalier. Cette réponse associe l’équipe de
traumatologiemultidisciplinaire,l’établissementfrançaisdusang,desprotocolesdetransfusion,la
radiologieinterventionnelleetlachirurgie(117).
Ainsi,pourreleverefficacementledéfidel’HSetfaçonnerlaréponse,laconceptiond’unealerte
spécifiqueauxhémorragiesestnécessaire. Lesalgorithmesde triage standard sontconçuspour
guider les patients traumatisés graves vers les centres de traumatologie appropriés (118) et
déclencher l'activation de l'équipe de traumatologie (119). Le score MGAP pré-hospitalier
(mécanisme,échelledecomadeGlasgow,âgeetpressionartérielle)(34)aétémisaupointpour
prédirelamortalité,maisaaussimontréunecertainecapacitéàprévoiruneHS(AUC0,7,IC95[0,66;
0,73]) (120). Les scores d'hémorragie établis prévoient la nécessité d'une transfusion massive
(41,42,121).Cependant,latransfusionmassive(≥10concentrésdeglobulesrougesen24heures)
neconcernequ'uneminoritédepatients,alorsqu'unestratégiehémostatiqueintégrativeetrapide
pourrait réduire les besoins totaux de transfusion. Les scores de transfusion massive sus-
mentionnésnesontvalidésqu'avecdesdonnées intra-hospitalières,cequirend leurapplication
discutablependantlaphasepré-hospitalière.Unepolitiquede«CodeRouge»aétémiseenplace
danslescentresdetraumatologieduRoyaume-Uni(122,123),l'organisationavantl'arrivéeétant
78
considéréecommefaisantpartieintégranteduprocessusderéponseàl’hémorragiesévère(124).
Ce code d'activation comprend trois critères (suspicion d'hémorragie active, pression artérielle
systolique< 90mmHg, et absencede réponse au remplissage vasculaire),mais saperformance
prédictiven'apasencoreétéévaluée.D'unpointdevuepragmatique,cetyped'alerteestdelaplus
hauteimportancepourlescentresdetraumatologie,carl’anticipationpermetdefluidifierlecircuit
patient et de diminuer les délais d’obtention des ressources transfusionnelles, humaines ou
logistiques.Eneffet,commeexplicitédans lechapitre3.1.,dans lescentresspécialisés, lessoins
d'urgencepeuvententrerenconcurrenceaveclessoinsnonurgentsenraisond’installationsetde
personnelscommunsetpartagés.
Objectif
Lebutdenotreétudeétaitdedévelopperetdevaliderunoutilsimpled’utilisation,àusagepré-
hospitalier,pourprédire l’hémorragiesévèrechez lespatientsvictimesdetraumatismesfermés.
Cetoutil viseàêtreutilisé commeunealertebinaire,un«RedFlag»,pouractiverune réponse
spécifique intra-hospitalière aux hémorragies sévères. Les recommandations du TRIPOD
(TransparentReportingofamultivariablepredictionmodelforIndividualPrognosisOrDiagnosis)
ontétésuiviespourlaconstructiondecetravail(125).
5.2.Populationetméthodes
5.2.1.Population
Cette étude observationnellemulticentrique a utilisé les données recueillies prospectivement à
partirdelaTraumabase®(Chapitre2)partagéentrelessixcentresdetraumatologiedelarégion
parisienneenFrance.Cessixcentresontprogressivementadhéréàceregistreentrejanvier2011
et juin2015.Depuis lors, lacollectededonnéesestexhaustiveetcouvre l'ensemblede la zone
administrativeautourdeParis,enÎle-de-France.
Tous lespatients traumatisésenregistrésdans labaseTraumabase®depuis janvier2011ontété
inclusdansl'étude.Lespatientsétaientexcluss’ilsavaientétéadmisaprèsuntransfertsecondaire,
aprèsuntraumatismepénétrant,aprèsunarrêtcardiaquetraumatiqueprréhospitalierousiaucune
donnéepré-hospitalièren'étaitdisponible.Deuxsous-échantillonsontétéconstitués(Figure17):
-lacohortededérivationcomprenanttouslespatientsadmisdanslescentresparticipant
dejanvier2011àmai2015
-lacohortedevalidationcomprenanttouslespatientsadmisdanslescentresparticipant
dejuin2015ànovembre2016
79
5.2.2.Définitiond’unehémorragiesévère(HS)
LespatientsontétéconsidérésrétrospectivementcommeprésentantuneHSlorsdeleuradmission
danslecentredetraumatologiesin’importelequeldescritèressuivantsétaitprésent:
ü Nécessitédetoutetransfusiondeconcentrésdeglobulesrouges(CGR)àl’arrivéedansla
sallededéchocage
ü Transfusionde4CGRouplusdanslessixpremièresheuresdelapriseencharge(126,127)
ü Concentrationdelactate≥5mmol/Làl'arrivée(128–130)
ü Nécessitéd'unechirurgiehémostatiqueimmédiateouderadiologieinterventionnelleavant
réalisationdubilanlésionnelcompletpartomodensitométriecorpsentier(131)
ü Mortparchochémorragique
Pourchaquepatient,laprésenceoul'absenced’HSàl'admissionaétéévaluéeparundesauteurs
(SRH),initialementenaveugledesvariablespré-hospitalières.
5.2.3.Variablespré-hospitalières
Treizeprédicteursd’HSontété sélectionnésou calculésenutilisantexclusivementdesdonnées
issuesdelapriseenchargepré-hospitalières(surleslieuxetpendantletransport).Cescritèresont
étésélectionnésenfonctiondeleurpertinencecliniqueetdeleursimplicitéd’utilisationdansun
contextepré-hospitaliercritique:âge,sexe,pressionartériellesystolique,diastoliqueetmoyenne
minimales(PAS,PADetPAM),fréquencecardiaquemaximale(FC),saturationenoxygèneminimale
(SpO2),échelledeGlasgowminimale(GCS),bassincliniquementinstable,concentrationprécoceen
hémoglobine(93),intubationtrachéaleetadministrationdevasopresseurs.Leshockindexmaximal
aétécalculéselonlaformulesuivante:FC/PAS(132).
Lesdonnéesdémographiques,lescaractéristiquesdestraumatismesetlesrésultatsontégalement
étécolligés.Pourl’indicedegravitésimplifié(IGS2),lavaleurlaplusdéfavorabledechaquevariable
aucoursdes24premièresheuresaétépriseencompte.L'échelleabrégéedelésion(Abbreviated
InjuryScale-AIS)etlescoredegravitédeslésionnel(InjurySeverityScore-ISS)ontétécalculésau
termedesbilanslésionnelscompletsàlatomodensitométriecorpsentier.Laprobabilitédesurvie
attendueaétécalculéeàl'aideduTRISS(TraumaandInjurySeverityScore)(133).LescoreMGAPa
étécalculécommebasedecomparaisonpourlaprédictiondel’HS.
80
5.2.4.Tailledel’échantillon
Notreméthodologieautiliséuneapprocheentroisétapes:
1/Développementd'unmodèle
2/Dérivationd'unscore
3/Transformationduscoreenunealertebinaireenchoisissantleseuil
Nous avons utilisé la totalité de la cohorte (7945 patients) car il n’existait pas de méthode
consensuellereconnuepourestimerlatailledel’échantillonnécessaireauxétudesdedérivationet
de validation des modèles de prédiction des risques. Le nombre d'événements dans notre
échantillondépassede loin lenombrerequisétabli selon les règlesprécédemmentpubliées (10
événementsparvariablecandidatepourlesétudesdedérivationetaumoins100événementspour
lesétudesdevalidation)etdevraitdoncfournirdesestimationsrobustes(99).
5.2.5.Analysestatistique
Les variables quantitatives continues ont été décrites à l’aide de la moyenne (écart-type) ou
médiane [quartile 1; 3] en fonction de leur distribution, et les variables catégorielles à l’aide
d’effectifs(pourcentages).
La cohorte de dérivation a été utilisée pour déterminer lemodèle de prédiction. Des analyses
univariées ont été effectuées pour évaluer les associations brutes entre les données pré-
hospitalières et la présence d’HS à l'aide des tests de Chi2 et de Student (ou du test deMann-
Whitneysinécessaire)enfonctiondutypedevariable.Chaquevariableavecunevaleurdep<0,2a
été retenue comme variable candidate et les coefficients de corrélation de Spearman ont été
calculéspourévaluerlacolinéarité(r>0,8).
Lesvariablescontinuescandidatesontétédichotomiséesàl'aidedecourbesROCetdel'indicede
Youden(134)afind'identifierlavaleurseuil,àl'exceptiondelaSpO2pourlaquellelavaleurseuil
cliniquementpertinentede≤90%aétéchoisie.
Ensuite, les variables binaires candidates ont été introduites dans un modèle de régression
logistique multivariée et la sélection a été effectuée à l’aide d’une procédure de régression
descendante«pasàpas»pouroptimiserlecritèred’Akaike.Touteslesvariablesontététestées
pourlesinteractionsunivariéesparpaires.
L'imputationmultipleparéquationchaînéeaétéutiliséepourtraiterlesdonnéesmanquantes(R
package«mice»V2.3(135)).Unmaximumde5%dedonnéesmanquantesaétéobservépourles
variablesintégréesdanslemodèle.
Lacalibrationdumodèleaétéévaluéeàl'aidedutestdeHosmeretLemeshow.Ladiscrimination
81
dumodèleaétéévaluéeenutilisantl’airesouslacourbe(AUC)ROC(ReceiverOperatingCurve)et
une méthode de rééchantillonage (bootstrap, sur 1000 échantillons) (136) a été utilisée pour
quantifier l’optimisme (différence moyenne entre l’AUC apparente du modèle développé sur
chaqueéchantillondubootstrapetl’AUCsurl'échantillond'origine)danslemodèledeprédiction
final.
Pourobtenirl'alertebinaire«RedFlag»àpartirdecemodèle,unscoreaétécalculépourchaque
patientdelacohortededérivationenutilisantdiversescombinaisonsdenombredepointsattribués
àchaquevariablerestéedanslemodèledeprédictionfinal(unpointpourchaquevariableoudeux
pointspour lesvariablesavecuncoefficientBetaplusélevéque lesautres).Leursperformances
prédictivesontétéévaluéesàl'aidedel'AUCetl'indicedeYoudenaétéutilisépouridentifierle
seuild'alertebinaireavec lemeilleuréquilibreentre la simplicitéd'utilisationet laperformance
prédictive évaluée à l'aidede la sensibilité, de la spécificité, des valeurs prédictivespositives et
négativesetlerapportdevraisemblancepositif.Desmosaïquesdecontingenceontétéélaborées
pourdifférentesvaleursduseuil.
Enfin,laperformanceprédictivedumodèlefinaletlaperformanceprédictivedel'alertebinairequi
enrésulte«RedFlag»ontétéévaluéesindépendammentsurlacohortedevalidation.Lacalibration
dumodèleaétévérifiéegraphiquementenutilisantungraphiquedecalibrationreprésentant la
concordanceentre les risquesdeHSpréditspar lemodèleet lesproportionsobservéesdans la
cohortedevalidation.
La discrimination a été évaluée à l'aide de l’AUC de la courbe ROC. Uneméthodologie par ré-
échantillonnage(bootstrap)aétéutiliséepourcalculerl'intervalledeconfiancedesAUC(package
R«pROC»V1.10(137)).L'AUCdel’alerte«RedFlag»aétécomparéeàl'AUCduscoreMGAP.Tous
lestestsstatistiquesréalisésétaientbilatérauxetunp≤0,05aétéconsidérécommesignificatif.Le
logicielR3.3.3(RFoundationforStatisticalComputing,Vienne,Autriche)aétéutilisépourl'analyse.
5.3.Principauxrésultats
5.3.1.Lescohortes
Les diagrammes de flux des cohortes de dérivation (n = 4339) et de validation (n = 3606) sont
présentés à la Figure 17. Les patients présentant un arrêt cardiaque initial, un traumatisme
pénétrantouaucunedonnéepré-hospitalièredisponiblesontétéexclus,laissant3675(85%)casà
analyserdanslacohortededérivationet2999(83%)danslacohortedevalidation.Larépartition
despatientsentrelescentresestdécriteetillustréedanslaFigure18.
Les principales caractéristiques des deux cohortes sont présentées au Tableau 8. La mortalité
82
observéeétait inférieuredans lesdeuxgroupesà lamortalitéattendueselon leTRISS.Lesdeux
cohortesdifféraientdemanièresignificativeprincipalemententermesdestratégieshémostatiques
avecmoinsdechirurgie (58vs51%),plusd'angio-embolisation (3%contre6%)etuneduréede
séjourenunitédesoinsintensifspluscourtedanslacohortedevalidation.
Figure17.Diagrammedefluxdel’étudeRedFlag
z
Cohortedevalidationn=3606
Cohortededérivationn=4339
time
- 1/2011
- 6/2015
- 12/2016
Admissionprimairen=7945
Cohortededérivationn=4339
HSn=672
Inclus:n=3675
NonHSn=3003
ExclusPrehospital cardiac arrest n=196Penetrating trauman=466Noprehospital datan=2
Cohortedevalidationn=3606
HSn=415
Inclus:n=2999
NonHSn=2584
ExclusPrehospital cardiac arrest n=114Penetrating trauman=491Noprehospital datan=2
83
Figure18.Distributiondel’originedespatientsdanslescohortesdedérivationetdevalidation
5.3.2.Développementduscore
Le Tableau 9montre les résultats de l'analyse univariée réalisée dans la cohorte de dérivation.
Toutes les variables préhospitalières étaient associées significativement à uneHS. Les variables
colinéairesétaient:laFC/PAS/ShockIndex(ShockIndexaétéconservé)etPAS/PAD/PAM(PAM
aété retenuecarnoncolinéaireavecShock Index).Comme indiquédans lapartie inférieuredu
Tableau9en l’absencedevaleurseuilcliniquementsignificative, l’indicedeYoudenaétéutilisé
pourdichotomiserlesvariablescontinues.
Dixvariablesontdoncétéinclusesdanslemodèlemultivariéetseptontétésélectionnéesdansle
modèledeprédictionfinal,àsavoirtoutessauflesexe,leGCSetl'administrationdevasopresseurs
(Tableau10).Laqualitéd'ajustementdumodèle(goodness-of-fit)étaitbonneselonlastatistique
deHosmeretLemeshow(p=0,60).Ladiscriminationévaluéeparl'AUCétaitde0,84,IC95[0,82;
0,86].Enguisedevalidationinterne, l'optimismeaétéévaluéà0,001à l'aidede laméthodede
rééchantillonage,desortequel'AUCcorrigéeparl'optimismeétaitde0,84,IC95[0,82;0,85].
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600
Centre1
Centre2
Centre3
Centre4
Centre5
Centre6 Cohortedevalidation
Cohortededérivation
Centre Cohorte dedérivation(n=3675)
Cohorte devalidation(n=2999)
Centre 1 1403(38%) 723(24%)
Centre 2 1036(28%) 509(17%)
Centre 3 948(26%) 563(19%)
Centre 4 104 (3%) 416(14%)
Centre 5 128(3.5%) 540 (18%)
Centre 6 56(1.5%) 248(8%)
Nombre de patients inclus
84
Tableau8.Caractéristiquesdescohortesdedérivationetdevalidation
Résultatsexprimésenmoyenne±deviationstandardou*médiane[1erquartile–3
èmequartile].
HS:hémorragiesévère,IMC:IncdicedeMasseCorporelle,IGS2=indicedegravitésimplifié2,TRISS:TraumaInjurySeverityScore,VL-PL=véhiculeslégers-poidslourds,ISS=InjurySeverityScore,AIS=AbbreviatedInjuryScale,PAS:pressionartériellesystolique,PAD:Pressionartériellediastolique,PAM:pressionartériellemoyenne,CGR:concentrésdeglobulesrouges
Dérivation Validation Comparaison
HS(n=672)
NonHS(n=3003)
HS(n=415)
NonHS(n=2584)
HSp
NonHSp
Démographie&devenir
Age(années) 42±19 37±16 44±19 38±17 ns ns
Homme(%) 465(69%) 2340(78%) 312(75%) 2017(78%) 0,040 ns
IMC(kg/m2) 25,3±5 24,7±4,3 25,2±4,4 24,8±4,7 ns ns
IGS2 45±22 21±15 46±23 21±15 ns ns
Séjourréa 18±23 8±15 14±19 7±15 0,001 0,001
Mortalitéàl’hôpitaln(%)MortalitépréditeparleTRISS(%)
163(25%)27%
137(5%)6%
93(23%)27%
110(4%)6% ns ns
Mécanismelésionnel(fermé)
VL-PL2RMPiétonetbicycletteChutesDivers
133(20%)151(23%)109(16%)243(36%)36(5%)
765(26%)905(30%)381(13%)792(26%)150(5%)
97(23%)95(23%)47(11%)144(35%)32(8%)
617(24%)861(33%)343(13%)621(24%)142(6%)
ns ns
Sévéritédeslésions
ISS* 30[18;38] 12[5;20] 27[14;41] 12[5;21] ns ns
TêteetcouAIS* 2[0;4] 0[0;3] 1[0; 3] 0[0;2] ns ns
ThoraxAIS* 3[0;3] 0[0;3] 3[0;4] 0[0;3] ns ns
AbdomenAIS* 2[0;3] 0[0;2] 2[0;3] 0[0;2] ns ns
ExtrémitéspelvisAIS* 3[2;3] 2[0;2] 3[1;4] 0[0;3] ns 0,001
Al’admission
Tempspréhospitalier(min) 85±39 80±37 80±37 77±34 0,010 ns
PAS(mmHg) 102±34 129±23 107±35 130±24 ns ns
PAD(mmHg) 62±23 76±16 65±24 79±17 ns 0,001
Hémoglobine(g/dL) 10,2±2,6 13,4±1,7 10,7±2,7 13,5±1,7 0,010 ns
Lactate(mmol/L) 4,8±3,4 1,9±0,9 4,9±3,4 2±0,9 ns 0,002
TP(%) 57±22 83±15 61±23 84±15 0,010 ns
ChirurgieàJ0 562(84%) 1867(62%) 305(74%) 1235(48%) 0,001 0,001
Angio-embolisationJ1 111(17%) 67(2%) 88(21%) 86(3%) 0,001 0,001
HScaractéristiques:-Chirurgieimmédiate-Transfusionaudéchocage-Lactates>5mmol/L-≥4CGRen6heures
123(16%)425(63%)323(51%)385(57%)
----
88(21%)245(59%)194(52%)204(49%)
----
nsnsns
0,010
----
85
Tableau9.Analyseunivariéedesvariablespréhospitalièresselonlaprésentationenhémorragiesévère
Résultatsexprimésenmoyenne±déviationstandardou*Médiané[1
erquartile-3
èmequartile].PAS:pression
artériellesystolique,PAD:pressionartériellediastolique,PAM:pressionartériellemoyenne,SpO2:saturationpériphériqueenoxygène,Min:Minimal,Max:Maximal. #:seuilnonbinarisésparleYouden
HS
(n=672)NonHS(n=3003)
Donnéesmanquantes
n(%)p
Hommes,n(%) 465(69%) 2258(78%) 7(0%) <0,001
Age(années) 42±19 37±16 7(0%) <0,001
PASmin(mmHg) 93±30 118±22 50(1%) <0,001
PADmin(mmHg) 55±18 70±15 65(2%) <0,001
PAMmin(mmHg) 68±21 86±16 50(1%) <0,001
FCmax(/min) 108±27 93±20 73(2%) <0,001
ShockIndex(FC/PAS) 1,3±0,8 0,8±0,4 77(2%) <0,001
Hémoglobinecapillaire(g/dl) 12,8±2,2 14,2±1,7 183(5%) <0,001
SpO2min*(%) 97[92;100] 98[96;100] 99(3%) <0,001
GlasgowComaScale* 14[7;15] 15[14;15] 17(0%) <0,001
Traumatismebassin,n(%) 115(18%) 106(4%) 141(5%) <0,001
Catécholamine,n(%) 216(33%) 140(5%) 37(1%) <0,001
Intubationpréhospitalière,n(%) 385(57%) 692(23%) 6(0%) <0,001
Variablesbinarisées(Youden)
-PASmin≤100,n(%) 421(64%) 569(19%) <0,001
-PAM≤70mmHg,n(%) 382(58%) 448(15%) <0,001
-FCmax≥100,n(%) 418(64%) 1050(36%) <0,001
-ShockIndex(FC/PAS)≥1(%) 394(60%) 419(14%) <0,001
-HémoglobineCapillaire≤13g/dL,n(%) 382(59%) 812(29%) <0,001
-SpO2min≤90%,n(%)# 142(22%) 189(6%) <0,001
-GlasgowComaScale≤13,n(%)# 321(48%) 712(24%) <0,001
86
Tableau10.Résultatsdel’analysemultivariée
L’interceptdumodèleétait-3,33(p<0,0001)OR=OddsRatio,IC95=Intervalledeconfianceà95%,PAM=PressionArtérielleMoyenne,SpO2:SaturationpériphériqueenO2,Min=Minimal,Max=Maximal
LeTableau11montrelesperformancesprédictivesdeplusieurscombinaisonsdepointsattribuésà
chaquevariablegardéedanslemodèlefinal.Lacombinaisonassociéeaucompromisoptimalentre
performanceprédictive(AUC:0,83,IC95[0,81;0,84])etfacilitéd'utilisation(moinsdevariablesà
retenir)correspondaitàlasommedes5critèressuivants:
§ ShockIndex≥1
§ Hémoglobinecapillaire≤13g/dL
§ Pressionsartériellemoyenne≤70mmHg
§ Signescliniquesdefractureinstabledubassin
§ Intubationoro-trachéalepré-hospitalière
Cescritèrespouvaientêtreprésentsàtoutmomentdelapriseenchargepré-hospitalière.L’alerte
binaire«RedFlag»étaitconsidéréecommeactivéesicescore,comprisentre0et5,étaitsupérieur
ouégalà2points.SesperformancesprédictivessontprésentéesdansleTableau11.
Critèrepréhospitalier Coefficient OR IC95 p
ShockIndex>1 1,32 3,76 2,96;4,78 <0,001
Traumatismebassin 1,32 3,76 2,68;5,28 <0,001
Intubation 0,98 2,67 2,17;3,28 <0,001
Hbcapillaire≤13g/dL 0,92 2,51 2,05;3,08 <0,001
PAM≤70mmHg 0,87 2,38 1,88;3,02 <0,001
Sp02min≤90% 0,59 1,79 1,35;2,39 <0,001
Age>50ans 0,42 1,52 1,21;1,92 <0,001
87
Tableau11.Propriétésprédictivesdesdifférentescombinaisonsdevariablesétudiéespourdéfinirl’alerteRedFlag
SI:ShockIndex,Bassin:bassininstableàl’examen,OTI:Oro-trachealintubation,Hb:hemoglobincapillaire,PAM:Pressionartériellemoyenne,SpO2:SaturationpériphériqueenO2. Se:Sensibilité,Sp:Spécificité,VPP:Valeurpredictivepositive,VPN:Valeurprédictivenégative,+LR:Ratiodevraisemblancepositif,-LR:Ratiodevraisemblancenégatif,AUC:AiresouslacourbeROC Gris:Combinaisonchoisie
VariablesduScore Seuil Se Sp VPP VPN +LR -LR AUC
Scorecalculéavec1pointparvariable
SI+Bassin+IOT+Hb+PAM+SpO2+Age 3 64[61;68] 88[87;89] 54[52;57] 92[91;92] 5,3[4,7;5,9] 0,41[0,37;0,45] 0,83[0,81–0,85]
SI+Bassin+IOT+Hb+PAM+SpO2(-Age) 2 78[75;81] 77[75;78] 43[41;47] 94[93;94] 3,3[3,1;3,6] 0,29[0,25;0,33] 0,83[0,81–0,85]
SI+Bassin+IOT+Hb+PAM+Age(-SpO2) 2 81[78;84] 71[70;73] 39[37;44] 94[93;95] 2,8[2,6;3] 0,27[0,23;0,31] 0,83[0,81;0,84]
SI+Bassin+IOT+Hb+SpO2+Age(-PAM) 2 78[74;81] 74[72;76] 40[38;45] 94[92;94] 3[2,8;3,2] 0,3[0,26;0,35] 0,81[0,80;0,83]
SI+Bassin+Hb+PAM+SpO2+Age(-IOT) 2 74[71;78] 77[75;78] 42[40;46] 93[92;94] 3,2[3;3,5] 0,33[0,29;0,38] 0,81[0,79;0,83]
SI+Bassin+IOT+Hb+PAM(-Age-SpO2) 2 75[72;79] 79[77;80] 44[42;49] 93[92;94] 3,5[3,2;3,8] 0,31[0,27;0,36] 0,83[0,81;0,84]
SI+Bassin+Hb+PAM(-Age-SpO2-IOT) 2 64[60;67] 86[85;87] 50[48;54] 91[90;92] 4,5[4,1;5] 0,42[0,38;0,47] 0.80[0,78;0,82]
Scorecalculéavec1pointparvariablesaufpourleSIetlebassin,2pointslorsquementionné
2(SI)+2(Bassin)+IOT+Hb+PAM(-Age-SpO2) 3 65[62;69] 86[85;88] 52[49;56] 92[90;93] 4,8[4,3-5,4] 0,40[0,36;0,44] 0,82[0,81;0,84]
2(SI)+Bassin++IOT+Hb+PAM(-Age-SpO2) 2 77[73;80] 76[74;77] 41[39;46] 94[92;94] 3,2[2,9-3,4] 0,31[0,27;0,35] 0,83[0,81;0,84]
SI+2(Bassin)+IOT+Hb+PAM(-Age-SpO2) 2 75[72;79] 77[75;78] 42[40;47] 93[92;94] 3,3[3-3,5] 0,32[0,28;0,37] 0,82[0,80;0,84]
88
5.3.3.Validationexterne
LaFigure19montrelegraphedecalibrationdumodèledeprédictionfinalchezles2999patients
de la cohorte de validation. La concordance entre les probabilités prédites et les proportions
observéesétaitadéquate,saufdanslegroupeavecunrisquedeHSprévude40%à50%danslequel
laproportionobservéedepatientsatteintsd’HSétaitde32%.L'AUCdumodèledeprédictionfinal
danscettepopulationétaitde0,80,IC95 [0,78;0,83].Elleétaitsimilaireàl'AUCcalculéedansla
cohortededérivation(p=0,19)etsignificativementsupérieureàl'AUCduscoreMGAPégaleà0,72
IC95[0,69;0,73](p<0,001).
Lesperformancesprédictivesdel'alertebinaire«RedFlag»évaluéesdanscettepopulationétaient
lessuivantes:sensibilité=70%[66;75],spécificité=80%[78;81],valeurprédictivepositive=36%
[34;38],valeurprédictivenégative=94%[94;95].Lesmosaïquesdecontingenceenfonctiondu
nombredecritèreprésentspourdéclencherl’alertesontreprésentéesenFigure20.
Figure19.Calibrationdumodèledelacohortededérivation:agrémententrelesproportionsdepatientsprésentantunehémorragiesévère(HS)observéesetprédites
-100%
-80%
-60%
-40%
-20%
0%
20%
40%
60%
80%
100% NoSH SH
Probabilitésprédites (%)
[0-10]% ]10-20]% ]20-30]% ]30-40]% ]40-50]% ]50-60]% ]60-70]% ]70-80]% ]80-90]% ]90-100]%
Proportionsobservées (%)
4.6 11.0 16.8 28.7 32.4 54.7 63.6 71.4 84.6 87.5
Non HS (n) 1756 398 208 62 71 34 28 20 6 1
HS(n) 85 49 42 25 34 41 49 50 33 7
Proportio
ndepatientsa
vec(Ro
uge)etsans(No
ir)hém
orragiesévère
NonHS HS
89
Figure20.Mosaïquesdecontingencecalculéespourlesseuilsde2et3points
TP:truepositive(vraipositif),FP:falsepositive(fauxpositif),FN:falsenegative(fauxnégatif)etTN:truenegative(vrainégatif)
5.4.Discussion
Danscetteétude,unealertebinaire«RedFlag»dérivéed'unecombinaisonefficacedecritèrespré-
hospitaliersaétéélaboréeavecdesperformancesprédictivesélevéespourdétecter lespatients
présentantunrisqued’hémorragiesévère.Sesperformancesprédictivesélevéesontétéconfirmées
parlesvalidationsinternesetexternes.Ànotreconnaissance,ils'agitdupremierrapportd’unepré-
alerted'hémorragiedéclenchéedèslepréhospitaliervalidée.
Enpratique,toutecombinaisond'aumoins2critèresaucoursdelaphasedesoinspré-hospitaliers
parmiShockIndex(FC/PAS)≥1,fracturepelvienneinstable,intubation,hémoglobinecapillaire≤
13 g/dL ou PAM ≤ 70mmHg active l’alerte Red Flag (Figure 21) et fournit un signal fort pour
déclencher une réponse intra-hospitalière appropriée pour la gestion de l’hémorragie aigue
(activationd’équipes,protocoledetransfusionmassive,procédureshémostatiquesimmédiates).
Foractivation cut-off=2 Foractivation cut-off=3
TP=354 FP=1265
TN=1319FN=61
TP=281 FP=488
TN=2096
FN=134
RedFla
gAlert
RedFla
gAlert
90
Figure21.AlerteRedFlag(versiondiffusion)
SI:ShockIndex,IOT:intubationoro-trachéale,Hb:hémoglobinecapillairepréhospitalière,PAM:pressionartériellemoyenne
5.4.1.Lescritèresdel’alerte
Les critères identifiés dans cette étude comme étant associés aux HS partagent certaines
caractéristiquesdeceuxidentifiésdanslesscoresdetransfusionmassive.LescoreTASH(Trauma
AssociatedSevereHemorrhage)estprobablementl'undesscoreslespluscitéspourprédireune
transfusionmassive (41). Les fracturespelviennes instables fontpartiedecettedernièreet font
partiedesnombreuxscoresexistantspourprédireunehémorragieencours(137).C'estunesource
desaignementinternedifficileàcontrôlersurtoutencasdesaignementartériel(20%)maisaussi
encasdesaignementveineux,malgrélamiseenplacedeceinturepelvienne.DanslescoreTASH,il
représenteenviron20%duscoretotal(6pointssur28),commedansnotreétude(1sur5).
LeShockIndexaétéidentifiécommeunsignalphysiologiquefortpourdiagnostiquerl'hypovolémie
aiguëetcommeunbonmarqueurduchochémorragique(139).Leseuilutilisédansnotreanalyse
est 1, alors que dans les études publiées, la valeur limite du Shock Index la plus fréquemment
recommandéepourprévoirunetransfusionmassiveest0,9(140).
Deplus, leseuildeconcentrationenhémoglobine identifiéparnotreétudeétaitsupérieurd'un
pointauseuilutilisédanslescoreTASH(13g/dLversus12g/dL).Ledélaidemesureainsiquela
Pelvis instable
SI ≥ 1 IOT Hb ≤ 13 PAM ≤ 70
≥ 2 critères = Red Flag
0
Activation de la réponse hospitalière à l’hémorragie
91
technique de mesure dans notre étude peuvent expliquer cette différence. En effet, dans la
présenteétude,laconcentrationenhémoglobineaétéévaluéeparundispositifdélocalisésurles
lieux de l’accident, donc très précocement après l’accident, alors que le score TASH utilise la
concentrationenhémoglobinemesuréeaulaboratoireaprèsadmissionàl’hôpital.
Lapressionartérielleestégalementunevariableclédanspresquetouslesscoresprédictifsexistants
pour les hémorragies sévères. Néanmoins, seule la PAS est utilisée, alors que le tensiomètre
oscillométrique,utilisédansdenombreuxservicesdesoinspréhospitaliers,mesureunePAMet
extrapoleunePASetPADviaunalgorithme(141).Pourcetteraison,unePAMaétéchoisiedansle
«RedFlag»etl’informationtransmiseparcettevariablesontindépendantesdecellestransmise
parleShockIndex.
L'intubationparl'équipepréhospitalière,cependant,n'ajamaisétésuggéréecommeétantassociée
àunehémorragie sévèredansdesétudesprécédentes.Dansnotre systèmepré-hospitalier,des
médecinssontimpliquésdanscecontextepréhospitalier,cequipeutexpliquercetteassociation,
carcesontgénéralementlespatientsvictimesdesplusgraveshémorragiesquel’onintubeaucours
delaphasepréhospitalière(28),cequin’estpaslecasdansd’autressystèmesdesoins.
5.4.2.Unealertepragmatique
L’avantage majeur de cette alerte «Red Flag» est sa simplicité d’utilisation et son caractère
pragmatiquecarelleestcalculéeàl’aidedecritèressystématiquementévaluésetdoncdirectement
disponiblespar l’équipedesoinspréhospitaliers.Ellepermetd'identifierrapidementlespatients
nécessitantunemobilisationderessourceshumainesetmatériellesimportantespourcontrôlerles
hémorragies(procéduresderéanimationimmédiateet/ouhémostatiquesavancées,transfusions
précoceset/ouprolongées,etc.). Lesperformancesprédictivesdu«RedCode»,décritparune
équipe du Royaume-Uni, n'ont pas encore été évaluées scientifiquement (122,123). Les autres
scores simples existants ne sont pas basés sur des variables préhospitalières (138), ou ont été
construitspourprédireledevenir,telquelamortalité(34,35).
Laprésenteétudeestdonclapremièreàentreprendreuneévaluationrigoureusedelaperformance
prédictivedesdonnéesde routinepréhospitalièreset à inclureunprocessusdevalidation.Une
alerte doit être facile à retenir et ses critères d’activation doivent être systématiquement
disponibles:lesdeuxs'appliquentàl’alerte«RedFlag».Eneffet,toutoutildeprédictionnécessite
uneévaluationetunevalidationdanslecadretrèsspécifiquedanslequelilseramisenœuvre.En
casd'activationinappropriée,l'ensemblecompletdel'infrastructureengagéedanslaprocédurede
92
contrôledeshémorragiespeutêtreactivéetdefaitdésorganiserlessoinsprogramméspendantun
certaintemps.C’estpourquoi,toutealerteexigeunéquilibresubtilentresensibilitéetspécificité,
c'est-à-direentrelerisquedenepasactiverleprocessusdecontrôledeshémorragieslorsqu'ilest
nécessaire (faux négatifs - potentiellement préjudiciable pour le patient) et la suractivation
(augmentationdesfauxpositifs).D'unepart,ilestfondamentaldenelaisserpasseraucunpatient
enchochémorragiqueetdeseprépareràintervenirdèssonarrivée,maisd'autrepart,unniveau
de préparation excessif peut générer un gaspillage de ressources précieuses et provoquer une
fatigue excessive de l'équipe, conduisant à unmanque d’adhésion progressif des équipes. Une
activation injustifiée peut même réduire les chances d'autres patients, qui ne pourront pas
bénéficierdesressourcesalorsmisesenattentedemanièreinappropriée.Unnombreapproprié
d'activationsmaintient toutefois lapréparationet l'entraînementde l'équipe. Les conséquences
cliniquesdecettealertedevrontêtreévaluées(délais,processus,résultats,outcome…).
5.4.3.Limites
Notreétudeprésentequelqueslimites.
Lapremièreétant sa conception rétrospectivequi nepermetpas le choix apriori des variables
étudiées.Ilauraitpeut-êtreétéintéressantd'étudierl'apportd'autrescritèresnonrecueillisdans
notre étude : l'échographie pré-hospitalière, décrite comme un critère de caractérisation du
saignementdans lescoreABC(AssessmentofBloodConsumption)(42),ou laposologie lactique
sanguinepré-hospitalièredécritecommeunfacteurprédictifdelagravitédutraumatisme(142).
Cependant, il s’agit en réalité d’une des forces de notre étude, car elle a permis d’analyser les
donnéespré-hospitalièresrecueilliesdemanièreroutinièreparleSMUR,cequirenforcel’intérêt
de l’alerte«RedFlag»entantqu’outilpragmatiqueet facileàutiliser.Deplus,au-delàducôté
rétrospectifdel’analyse,lerecueildesdonnéessefaitprospectivementdanslaTraumabase®,ce
qui garantit une perte d’informations limitée et des biais inhérents à la collecte de données
rétrospectivescontrôlés.
Ce travail évalue la question de l’anticipation de l’HS dans un système d'urgence pourvus de
médecins,alorsquedestravauxexistantsontétéconçusdansdessystèmesd'urgencedotésde
paramedics(secouristes).Latranspositionàpartird'expériencesetdedonnéesd'unsystèmeàun
autrepeutêtredifficile.Lavaliditéexternedenotreétuden'apuêtreévaluéequ'enlavalidanten
dehorsdescentresd'origine.Or,lescaractéristiquesdecescentressonttrèsdifférentesentermes
d'équipement,d'organisationinterneetdecas,lescaractéristiquesdémographiquesduterritoire
couvertparchaquecentreàl’intérieurdedelarégionvariantconsidérablement.Lesrésultatsde
93
cetteétudesontdoncsusceptiblesd'êtretransposablesàd'autrescentres.
Deplus,lescaractéristiquesdémographiquesetcliniquesdenotrecohorte,ainsiquelamortalité,
étaientsimilairesàcellesdesétudespubliéessurlestraumatismes(11).Ilconvientdenoterque
cettealertenes'appliquepasauxtraumatismespénétrantsetn'apasétévalidéepourlesenfants.
Enfin,l'impactdecettealerte«RedFlag»surlessoinsdélivrésauxpatientsetsurleurdevenirn'a
pasétéévaluéetnécessiteuneétudeprospectiveséparée.
5.5.Conclusion
Dans cette deuxième partie, nous avons construit et validé une alerte binaire, «Red Flag»,
permettantd'identifierlespatientsvictimesdetraumatismesfermésàrisqued’hémorragiesévère
dèslaphasedesoinspréhospitaliers.Cettealertepermetd'activeruneréponsetactiquespécifique
anticipéepourlapriseenchargeintrahospitalièredel’hémorragiesévère.
L'impactdesonutilisationsurledevenircestraumatiséssévèresetsurl'utilisationdesressources
resteàdéterminer.ElledoitêtreévaluéeprospectivementparuncollectifdeSAMUetdecentres
detraumatologie.
Unefoislepatientadmisdanslecentreadéquat,lequelapuanticipersonarrivéepourfluidifierau
maximumsapriseencharge,unedesquestionsquipeutseposerestl’utilisationdethérapeutiques
spécifiqueset cibléesduchochémorragique. La réponseà cettequestionaétéévaluéedans la
troisième partie de cette thèse, en utilisant des outils statistiques permettant d’approcher
l’inférencecausale.
94
6. Thérapeutiquespécifiqueduchochémorragiquetraumatique
HAMADAS,PIRRACCHIOP,BEAUCHESNEJ,BENLALDJMN,MEAUDREE,LEONEM,POTTECHERJ,ABBACKPS,GAUSST,BOUTONNETM,COOKF,GARRIGUED,LESACHEF,JOSSEJ,ROUQUETTEA,DURANTEAUJandtheTraumabaseGroupEffect of Fibrinogen concentrate administration on early mortality in traumatic haemorrhagic shock: apropensityscoreanalysis.SubmittedtoJournalofTrauma(sept2019)
6.1.Introduction
Lefibrinogèneestlargementutilisédanslecontexteduchochémorragiquetraumatiquemalgréla
faiblessedespreuvesdesonefficacitédanslalittérature.Aveclesplaquettes,ilestindispensableà
la formationd’un caillot solide. Certaines études expérimentales basées sur des tests thrombo-
élastographiques (143) et sur un modèle mathématique (144) avancent l’idée qu'un taux de
fibrinogènede l’ordrede 1,5-2 g/L est nécessaire pourmaintenir des propriétés hémostatiques
satisfaisantes.Unechutedesconcentrationsplasmatiquesau-dessousdecesvaleursestfréquente
pendantlechochémorragique,enparticulierencasdecoagulopathietraumatique.
Lacoagulopathietraumatiquereflètelagravitédutraumatismeetestcorréléeaveclamortalité.Sa
physiopathologieestmultifactoriellecombinant laconsommationdesfacteursdecoagulation, la
dilution, l’activation du système fibrinolytique, l’hypothermie, l’acidose, le dysfonctionnement
plaquettaireetl’altérationduglycocalyx.Touscesfacteursaffectentdirectementetprincipalement
la polymérisation du fibrinogène, entraînant une diminution précoce de sa concentration. Des
faiblestauxdefibrinogèneplasmatiquesontprédictifsdurisquedesaignementetdubesoinde
transfusion de produits sanguins (145,146). Néanmoins, le bénéfice de l’administration de
fibrinogènen’est pas établi et des études observationnelles de bas niveaux de preuves ont été
menéesconcluantàdesrésultatscontradictoires(147).
Trois essais cliniques randomisés ont évalué la faisabilité de l'administration de concentrés de
fibrinogène chez les patients traumatisés et son efficacité sur la coagulopathie,mais aucun n'a
formellementdémontrésil'administrationdefibrinogènepouvaitaméliorerledevenirdespatients
(47,148–150).
Les recommandations françaises (151) et européennes (152) préconisent néanmoins
l'administrationdeconcentrésdefibrinogèneoudecryoprécipitéslorsqueletauxdefibrinogène
plasmatiquechuteendessousde1,5-2g/L(recommandationsdegrades2+et1Crespectivement).
Cesrecommandationssefondentsurdespreuvesfaiblesetdesavisd’experts.Ilestreconnuquele
plasmathérapeutiqueaunefaibleaptitudeàaugmenterlestauxdefibrinogène(moyennede2g/L)
95
(153,154).Enrevanche,leconcentrédefibrinogèneprésentel’avantaged’être:1)immédiatement
disponible, 2) rapidement reconstitué, sans adaptation de compatibilité ABO nécessaire, 3)
apportantpeudevolumeenévitantunedilutionsupplémentaire,et4)restaurantrapidementles
concentrations cibles de fibrinogène (3 g en moyenne doivent permettre d’augmenter la
concentration en fibrinogène de 1 g/L) (155). Néanmoins, le concentré de fibrinogène reste un
médicament hémostatique coûteux (environ 500€ pour 1 gramme), ce qui soulève certaines
préoccupationséthiquesetpragmatiques,cariln’apasencoreétéprouvéqu’ilaitunquelconque
impactsurledevenir.
Objectifdel’étude
Lebutdelaprésenteétudeétaitd'évaluerl'impactdel'administrationdeconcentrédefibrinogène
dansles6premièresheuressuivantl’admissionàl'hôpitalsurlamortalitétoutescausesconfondues
danslespremières24heuresaucoursduchochémorragiquetraumatique.
Lesobjectifs secondaires concernaient l’évaluationde soneffet s’il était administréplus tôt (au
déchocage), puis son impact sur les besoins transfusionnels des premières 24 heures, sur la
mortalité,laduréedeséjourréanimationetladéfaillanced’organeévaluéeparleSOFA(Sequential
OrganFailureAssessment).
6.2.Populationetméthodes
6.2.1.Lescentresetlapopulation
Cetteétuded'observationmulticentriqueautilisélesdonnéescollectéesdemanièreprospectiveà
partirdelaTraumabase®(cf.chapitre2),enincluantlescentresparticipantdepuisplusd’unanau
registre,répartissurl’ensembleduterritoirenational.Ainsilespatientsadmisdansl’undesonze
centressuivantsétaientéligibles:Toulon,Lille,Caen,Strasbourg,Marseilleetles6centresd’Ilede
France(cf.chapitre3).
Au sein de la Traumabase®, le choc hémorragique a été défini comme un état nécessitant la
transfusiond'aumoins4concentrésdeglobulesrougesdansles6heuressuivantl'admission.En
l'absencededéfinitionconsensuelledanslalittérature,lecomitéscientifiquedelaTraumabase®a
choisiceseuilpourprendreencompteàlafoisdel'intensitéetduvolumedessaignements(43,127).
Ainsi, pour les patients présentant un choc hémorragique, un module spécial comprenant 35
variablesetcouvrantlasourcedusaignement,lesstratégiesdetransfusionnelles,lesinterventions
thérapeutiquesetlesparamètresphysiologiqueslesplusdéfavorablesaucoursdes24premières
heuresaétérenseigné.Touslespatientsadmisdanslescentresdetraumatologieparticipantsentre
96
janvier2012etmars2018etquiremplissaientlescritèresdechochémorragiqueontdoncétéinclus.
Lespatientsn'étaientpas inclus s'ils avaientmoinsde16ansou si les informations concernant
l'administrationdefibrinogèneoulamortalitémanquaient.
6.2.2.Modalitéd’administrationdesconcentrésdefibrinogène
Touslescentresparticipantssontcensésseconformerauxmêmesrecommandations,validéespar
les sociétés françaises et européennes, préconisant d'administrer du fibrinogène lorsque les
concentrations plasmatiques chutent au-dessous de 1,5-2 g/L. Néanmoins, tout au long de la
réanimation, lapriseenchargecliniqueétait laisséeà ladiscrétiondumédecin responsable.En
France,seulleconcentrédefibrinogèneestdisponible(etnonlecryoprécipité).Unflaconcontient
1,5gdefibrinogène.Lesrecommandationsfrançaisespréconisentunepremièredosede3g(156).
Lesdonnéessur l'administrationdefibrinogèneontétérecueillies lorsde laréanimation initiale
danslasallededéchocage,puisà6heuresetà24heures.
Pour l’objectif principal, le traitement était défini comme toute administrationde concentréde
fibrinogène dans les 6 heures suivant l’admission hospitalière («CF H6», variable binaire).
L’administration « précoce » de concentré de fibrinogène (c’est-à-dire toute administration de
concentrédefibrinogèneaucoursdelaréanimationinitialedanslasallededéchocage)aégalement
étéétudiéecommeobjectifsecondaire(«CFprécoce»).Lestestsviscoélastiques,permettantune
analysedélocaliséedeladynamiquedeformationducaillotenconservantlesinteractionsentreles
éléments cellulaires et les facteurs de la coagulation, étaient disponibles dans 3 des centres
participants(Lille,ToulonetBicêtre).Cependant,leurutilisationdanslemonitorageetlagestionde
lacoagulopathieaiguedespatientsétaitlaisséeàladiscrétiondespraticiensencharge,enl’absence
deprocéduresystématiséeexistante.Aucunedonnéedesrésultatsdecestestsn’étaitdisponible
danslaTraumabase®.
6.2.3.Critèresdejugement
Lecritèredejugementprincipalétaitlamortalitétoutescausesconfonduessurlespremières24
heures. Compte tenu du biais d’indication potentiel de l’administration de concentrés de
fibrinogène (étant laissé à la discrétion des médecins en charge), une approche par score de
propensionaétéemployée.Lecritèred’efficacitéchoisipourquantifierl’effetétaitl'effetmoyen
dutraitement(averagetreatmenteffect-ATE)(157)quiévaluel’effetmoyendanslapopulationet
decomparerl’effetdespatientstraitésvsnontraités(l’ATEestl’effetestimédansunessaiclinique
randomiséoùtouslesparticipantsontlamêmeprobabilitéderecevoirletraitement).
97
Pour les objectifs secondaires, l’ATE était aussi le critère choisi pour évaluer l’effet de
l’administrationde«CFprécoce».Lesbesoinstransfusionnelsà6heuresétaientquantifiésparle
nombredeCGRtransfusésdansles6premièresheuresetlesdéfaillancesmultiplesd’organespar
lescoredeSOFA(SequentialOrganFailureAssessment).
6.3.Analysesstatistiques
6.3.1.Calculdel’échantillonettestsutilisés
SelonlaformuledeHsieh(101)étayéepardesdonnéesd’étudesantérieures(62),unéchantillon
de1024patients(ratiotraité/nontraitéde2,8)étaitnécessairepourdétecterunedifférencede8%
demortalitésurlespremières24heures(25%vs17%)avecunepuissancede80%(calculpost-
hoc). Les données quantitatives continues ont été présentées à l’aide demoyennes (déviation
standard)oumédianes[quartiles1;3],selonladistribution,etlesvariablescatégoriellessousforme
d’effectifs (pourcentages). Pour traiter les données manquantes, nous avons procédé à une
imputation à l'aide de la méthode d’analyse factorielle pour données multivariées (logiciel R
«FactoMineR»,V1.41).
6.3.2.ChoixdescovariablesetméthodeDelphi
Toutes lesvariablespotentiellementfacteursdeconfusion(liéesautraitementetaudevenir)et
toutes les variables pronostiques (liées au devenir) disponibles ont été sélectionnées pour être
introduitesdanslemodèleduscoredepropension(158).Pourcela,uneméthodeDelphiregroupant
16expertseuropéensde6paysdifférentsaétéutilisée(Figure22).Lesexpertsontétésélectionnés
sur la base de leurs dernières publications sur cinq ans, traitant des thématiques liées aux
traumatismesetàlacoagulopathie.Unprocessusendeuxétapesaétéutilisé:
1/lesexpertsontréponduàunquestionnaireparcourrielpouridentifierlescritèresdefacteurs
déclenchant la prescription de fibrinogène dans les 6 heures suivant l’admission et les facteurs
prédictifsdemortalitéprécoced'unpatienttraumatiségrave.
2/lesauteurs(SH,TG)onttranscritlesréponsesdupremiertourpourqu’ellescorrespondentaux
variablesdisponiblesdansl’extractiondelasourcededonnéesTraumabase®.Àtraversunsecond
questionnaire,lesexpertsontapprouvéoudésapprouvécettecorrespondance.Ilétaitnécessaire
d’obteniruneconcordanced'aumoins30%entrelesexpertspourconserverunevariable.Simoins
de 30% des experts étaient d'accord ou si plus de 30% n'étaient pas d'accord, la variable était
écartée(Tableau12).Lesvariablesretenuesontétéutiliséescommecovariablespourl'estimation
duscoredepropension.
98
EXPERTS PROPOSITIONS VARIABLES AVAILABLE IN THE TRAUMABASE® Fibrinogen level Laboratory Clauss method measure of blood fibrinogen on admission Hemorrhagic intra-cerebral injury
Surrogate AIS head ≥ 4
Acute hemorrhage/ active bleeding
Hemoglobin levels, hemoglobin loss during transport, FAST hemoperitoneum, transfusion RBC during initial resuscitation
Hemorrhagic shock Active bleeding and SAP < 100/90/80 ABC score Mechanism (penetrating vs blunt), HR, SAP INR Prothrombin index (TP %) Pelvic trauma Unstable pelvic fracture (clinical) or AIS pelvis 4/5 Violent trauma Variable “kinetic” gathering: ejection from vehicle, death in the same
vehicle, speed, entrapement, fall > 6m, traumatic amputation Hemoperitoneum Positive abdominal FAST Hemoglobin loss Difference between capillary hemoglobin on hospital admission and initial
capillary hemoglobin on scene. Vasopressor Any norepinephrine/ epinephrine administration during initial trauma care Hypoxia/ acidosis Lactate and base-excess were proposed but lactate was retained (Raux M et
al. Anesthesiology.2017 Mar;126(3):522-533) Severity of brain injury Glasgow Coma Scale, and surrogate AIS head Severity Global ISS score as surrogate Fluid load Initial amount of fluid (before admission) Delays/ times Prehospital time, resuscitation time Transfusion ratio RBC/ FFP at 6 hours Treatment Anti-platelets or anticoagulants Age No consensus on age limit kept as a continuous variable SAP no consensus on lower cut-off, kept as a continuous variable HR no consensus on higher cut-off, kept as a continuous variable Temperature no consensus on lower cut-off, kept as a continuous variable Experience of teams Centre Secondary transfer Only primary analyzed Comorbidities ASA score Pupils Normal reactive/ anisocoria or mydriasis any time during initial care Cardiac arrest Cardiac arrest any time during prehospital care and in the trauma room
Figure22.ScreenshotofinternationalDelphiprocess(inEnglishforinternationalsharing)
DELPHIROUND1-FIPSSTUDY
QUESTION1
Whatarethekeyelementsleadingacliniciantoprescribefibrinogen*withinthefirst6hoursofadmissiontoaseveretraumapatient?(*cryoprecipitateorfibrinogenconcentrate)
QUESTION2
Whatarethepredictivefactorsofearlymortalityinaseveretraumapatient?
DELPHIROUND2-FIPSSTUDY
Wetranslatedtheexperts’propositionsintovariablesavailableinourdatabase(abbreviationsbelowthetable).
99
Tableau12.CorrespondancedesvariablesTraumabase®liéesàl’exposition(administrationdeconcentrésdefibrinogèneetliésaudevenir(mortalitédes24heures)ettauxd’agrémententrelesexpertsduDelphi
VariableTraumabase® Newvariables/labels Fibrinogène Mortalité Agrément
CentreavecTVE X X 31%Age X X 54%Sexe X 8%Mecanisme X X 31%EjectionDécèsdanslemêmevéhicule
Cinétique X X 23%
Vitesse Incarcération Chute>6m Amputationtraumatique Fracturebassininstable X X 38%ASAscore X 31%Antiagrégants Antiagrégantsou
Anticoagulants X 15%Anticoagulants X
X15%62%GlasgowComaScale X
Mydriase X 23%Arrêtcardio-respiratoire X X 31%PASminimale X X 92%FCmaximale X X 23%Remplissage X X 31%DeltaHbpendanttransport X X 8%Catécholamines X X 15%Spo2préhospitalière X 15%Tempsmédicalisationpréhospitalier X 23%Températureàl’admission X X 31%FASThémopéritoine X X 54%Lactate/Baseexcess X X 92%Hémoglobine X X 92%TP X X 77%Fibrinogène X X 100%Plaquettes X 8%ChirurgieouAngiographieimmédiate X X 15%Tempspasséaudéchocage X 15%CGRaudéchocage X X 77%RatioCGRH6/PFCH6 X 38%Acidetranexamique X X 31%ISS X X 77%AIStête X X 77%TVE: Visco-elastic test available in the centre, ASA: American society of anesthesiologist status, PAS:PressionsArtérielleSystolique,FC : fréquencecardiaque,Hb:hémoglobine,FAST: focusedassessmentsonography for trauma, CGR: Concentrés deGlobules Rouges, PFC: Plasma Frais Congelés, ISS: InjurySeverityScore,AIS:AbbreviatedInjuryScale.Touslesprélèvementssanguinsétaientréalisésàl’arrivéedupatient.
6.3.3.Estimationduscoredepropension(PS)
Le scoredepropension (PS) aétéestiméparunmodèlede régression logistique (159).Afinde
vérifierunedeshypothèses fondamentalesde l’utilisationdu scoredepropension, la régionde
100
supportcommun(chevauchementduscorePSentrelestraitésetlesnontraités)aétévérifiéeà
l'aidedegraphesdedensitédeKernel.
6.3.4.Calculdespondérationsetpropriétéséquilibrantes
Lespoidscorrespondantàl’inversedelaprobabilitéd’êtretraité(IPTW)ontétédéfinisauniveau
individuelcommel’inverseduscorePSdanslegroupetraitéetl’inversede(1-scorePS)dansle
groupenontraité.
Le déséquilibre dans la distributiondes covariables a été évalué avant et après pondération en
utilisant ladifférencemoyennestandardisée(équilibreconsidéréatteintsicomprisentre[-10%;
10%])[24].
6.3.5.Estimationdel’effetdutraitement
Laméthoded'estimationutiliséepour le calcul de l’ATE (expriméendifférencede risque) était
l’AIPW pour “Augmented inverse propensity weighting”, méthode d’estimation doublement
robustedespoidsIPTW.L’erreurstandardaétéapprochéeencross-fittingvialepackage“grf”du
logiciel R (V0.10.0). Lamêmeméthodologie a été appliquée pour évaluer le critère d’efficacité
secondaireconcernantl'administrationdutraitement“CFprécoce”.
Desanalysesdesensibilitéontétéeffectuéespourcalculerl'ATEaveclesméthodessuivantes:
-AIPWavecestimationduPSparforêtaléatoire
-TMLEpour«Targetedmaximumlikelihoodestimates»avecestimationduPSparforêtaléatoire.
LaméthodeTMLEestaussiuneméthoded’estimationdoublerobustefondéesurlemaximumde
vraisemblancequicomprenduneétapesecondairede"ciblage"quioptimiselecompromisentre
lavariancedubiaisetleparamètrecible.Ellesedifférencieàcetitredel’AIPWquineciblepasla
variance.
-AppariementsurlePSestiméparrégressionlogistique(ciblésurl’ATE)
-AjustementsurlePSestiméparrégressionlogistique.
Concernantlesobjectifssecondaires,desmodèlesderégressionlinéairemultivariésontétéutilisés
pourévaluer l’effetde l’administrationdeCF (H6) sur lesbesoins transfusionnels (ajusté sur les
scoresdetransfusionmassiveTraumaAssociatedSevereHemorrhagescore(TASH)etABCscore
(42),l’administrationd’acidetranexamiqueetleratioconcentrésdeglobulesrouges/plasmafrais
congelé),leSOFAà24h,laduréedeséjourenréanimation(ajustéenfonctiondel'âge,dusexe,de
l'AIS principal, des ISS, de l'arrêt cardiaque, des transfusions et de la coagulopathie) et une
régression logistiquemultivariée pour lamortalité en réanimation (ajustée sur le score Revised
101
InjurySeverityClassificationRISCII(160),l'acidetranexamiqueetleratioconcentrésdeglobules
rouges/plasmafraiscongelé).Lesajustementsontétéréaliséssurlesvariablesinternationalement
reconnuescommeassociéesauxvariablesàexpliqueretdontlesassociationsontétéconfirmées
enunivariédansnotrecohorte.
Tous les tests étaient bilatéraux et une p-value ≤ 0,05 était considérée comme seuil pour la
significativité.Le logicielR3.5.1 (RFoundation forStatisticalComputing,Vienne,Autriche)aété
utilisépourl'analyse.
6.4.Principauxrésultats
6.4.1.Populationsdel’étude
Parmiles14336patientsadmisdanslescentresdetraumatologieparticipantsaucoursdelapériode
del'étude,1088(8%)étaientvictimesdeHSet1027ontétéincluspourl'analyse(Figure23).Les
caractéristiquesglobalesdespatientssontprésentéesdansleTableau13.
Figure23.Diagrammedefluxdel’étude
*Donnéesmanquantessurl’exposition(n=49),ledevenir(n=6)oules2(n=2)
01.2012� 03.2018
n=57,Données manquantes*(5%)n=4,Age<16ans
n=14336Admissiondans lescentres
participants
n=1088Chochémorragique
n=1027Entrés dans l’analyse
n=758FCH6+
n=269NoFCH6
n=177Décès à 24h
n=53Décès à 24h
n=74Décès en réa
n=285Décès en réa
102
Tableau13.Caractéristiquesdelapopulationdepatientsenchochémorragiquetraumatique
Dataareexpressedinmean(standarddeviation),median[quartile1-3]accordingtothevariablesdistribution;orcounts(%).ASA:Sociétéaméricained’anesthésie,PAS:Pressionartériellesystolique,FC:Fréquencecardiaque,Sp02:Saturationpériphériqueenoxygène,CGR:Concentrédeglobulesrouges,PFC:Plasmafraiscongelés,FAST:FocusedassessmentSonographyfortrauma,AIS:abbreviatedinjuryseverity,ISS:InjurySeverityScore
Parmiles1027patientsanalysés,758(74%)ontreçuunCFdansles6premièresheureset269n’en
ontpasreçu.Lesdifférencesdecaractéristiquesinitialesentrelesdeuxgroupessontprésentées
Caractéristiques Tous les patients (n=1027)
Données manquantes
n (%) Age (année) 41 (19) 0 (0%) Sexe (féminin) 303 (30%) 0 (0%) Mécanisme: traumatisme fermé 884 (86%) 0 (0%) Mécanisme: traumaisme pénétrant 143 (14%) 0 (0%) ASA (≥ 2) 347 (37%) 93 (9,1%) Anticoagulants ou antiagrégants 59 (5,7%) 0 (0%)
Prise en charge Pré hospitalière PAS min (mmHg) 64 (34) 3 (0,3%) FC max (battements .min-1) 115 (32) 5 (0,5%) SpO2 min (%) 95 [80, 99] 12 (1,2%) Glasgow Initial 14 [5 ; 15] 15 (1,5%) ACR 240 (23%) 0 (0%) Remplissage (mL) 1416 (802) 49 (4,8%) Temps pré hospitalier total (min) 81 (38) 165 (16,1%) Trauma centre avec TVE 223 (22%) 0 (0%)
Prise en charge hospitalière initiale et biologie Température corporelle (°Celsius) 3,4 (1,5) 164 (16%) Transfusion CGR au déchocage 2 [1 ; 4] 6 (0,6%) Transfusion PFC au déchocage 0 [0 ; 3] 6 (0,6%) Administration de la Noradrénaline 958 (94%) 2 (0,2%) Hémoglobine (g/dL) 8,7 (2,3) 4 (0,4%) TP (%) 48 (20) 57 (5,6%) Plaquettes (103/mm3) 177 (84) 41 (4%) Lactate (mmol/L) 6,7 (5,0) 45 (4,4%) Fibrinogène (g/L) 1,4 (0,8) 53 (5,2%)
Scores et gravité Hémoperitoine à la FAST échographie 306 (33%) 105 (10,2%) Fracture instable du bassin 287 (28%) 9 (0,9%) AIS tête 2 [0 ; 4] 3 (0,3%) ISS 33 [21 ; 43] 2 (0,2%) Transfusion CGR dans les premières 6h 6 [4 ; 9] 6 (0,6%) Transfusion PFC dans les premières 6h 4 [3 ; 8] 6 (0,6%) *Ratio PFC / CGR ≥ 0.7 (dans les 6h) (%) 648 (63%) 6 (0,6%) *Administration acide Tranexamique (%) 878 (87%) 18 (1,8%)
Concentrés de fibrinogène (g) 3 [0 ; 3] 0 (0%) Décès dans les 24 heures 230 (22%) 0 (0%) Décès Durant la période d’hospitalisation 359 (35%) 0 (0%)
103
dansleTableau14.
Ilexisteunclairdéséquilibreentrelespatientsdesgroupestraitésetnontraités.Lespatientstraités
parCFétaientplusgravementblessés,saignaientplusabondammentetprésentaientuneinstabilité
hémodynamiqueetunecoagulopathieplusgrave.Cependant,lespatientsnerecevantpasdeCF
étaientplusâgés,présentaientdavantagedecomorbidités(selonlestatutdel'AmericanSocietyof
Anesthesiologists) et recevaient davantage de traitements anticoagulants ou antiplaquettaires
(Tableau14).Lamortalitéaucoursdes24premièresheuresreprésentait64%desdécèsobservés
(230/359),mais90%(106/118)desdécèsétaientconsécutifsàuneexsanguination.
6.4.2.Pondérationparscoredepropension(PS)etpropriétéséquilibrantes
LaméthodeDelphiaidentifiéuntotalde34variablesetuneconcordanceaétéobtenuepour20
variables.Ces20variablesontétéutiliséespourcalculerlePS.
Lapondérationparprobabilitéinversedutraitementapermisuneéquilibrationsatisfaisantedes
principales caractéristiques entre les deux groupes (Figure 24). En effet, après pondération, les
différencesstandardiséesmoyennesétaient<10%pourtouslesfacteursdeconfusion(Tableau14).
104
Figure24.Supportcommunduscoredepropensionetéquilibredescovariables
A,B:Supportcommunduscoredepropension(Kernelplots)avantetaprèspondérationparlaprobabilitéinversedutraitement(IPTW)C.DéséquilibredescaractéristiquesdespatientsavantetaprèsIPTW.LescarrésnoirsreprésententledéséquilibreavantIPTWetlestrianglesbleusreprésententlel’équilibreaprèsIPTW.
A B
Treatment Treatment
FCH6+NoFCH6
FCH6+
NoFCH6
C
105
Tableau14.Déséquilibreentrelescaractéristiquesdespatientsavantetaprèspondérationparlescoredepropension
*Variablesutiliséespourlecalculduscoredepropension(atteignant30%agrémentparmilesexpertsduDelphi)Lesdonnéessontexpriméesenmoyennes(standarddeviation),médianes[quartile1-3]selonleurdistribution;oucompte(%).MSD:DifférencemoyennestandardiséeASA:AmericanSocietyofAnesthesiology,PAS:Pressionartériellesystolique,FC:Fréquencecardiaque,Sp02:Saturationpériphériqueenoxygène,CGR:Concentrédeglobulesrouges,PFC:Plasmafraiscongelé,AIS:abbreviatedinjuryscale,ISS:injuryseverityscore
Caractéristiques des patients FC H6- (n=269)
FC H6+ (n=758)
Non ajusté DMS
Après pondération
DMS *Age (années) 44 (20) 40 (18) -23,7 1,2 Sexe (féminin) 78 (29%) 225 (29%) -0,7 2,1 Trauma non pénétrant 225 (84%) 659 (87%) 3,3 1,3 ASA statut (≥ 2) 106 (43%) 241 (35%) 8,5 -0,9 Anticoagulant ou antiagrégants 27 (10%) 32 (4,2%) 5,8 0,8
Prise en charge pré hospitalière *PAS min (mmHg) 70 (34) 62 (34) 54,0 3,6 FC max (battements.min-1) 109 (33) 117 (31) 24,8 -15,1 SpO2 (%) min 96 [88 ; 99] 94 [79 ; 99] -19,6 -2,7 Glasgow Coma Scale Initial 15 [8 ; 15] 12 [4 ; 15] -30,5 -4,2 *ACR 52 (19%) 188 (25%) -5,4 3,1 *Remplissage (mL) 1275 (773) 1467 (807) 24,8 0,0 Temps pré hospitalier total (min) 79 (38) 82 (38) 12,1 -0,8
*TVE disponible 43 (16%) 180 (24%) -7,8 0,6
Prise en charge hospitalière initiale et biologie initiale * Température corporelle (°Celsius) 34,9 (1,3) 34,3 (1,6) -29,6 3,3 * Transfusion CGR au déchocage 2 [0 ; 4] 3 [2 ; 4] 24,1 2,2 * Transfusion PFC au déchocage 0 [0 ; 3] 0 [0 ; 3] 86,0 4,3 Administration de Noradrenaline 233 (87%) 725 (96%) -9,3 -3,8 * Hémoglobine (g/dL) 9,3 (2,2) 8,4 (2,3) -39,6 0,2 * TP (%) 56 (20) 46 (20) -47,7 -2,2 Plaquettes (103/mm3) 200 (86) 170 (82) -32,1 -12,1 * Lactate sanguin (mmol/L) 5,3 (4,4) 7,1 (5,1) 32,4 -6,4 * Fibrinogéne (g/L) 1,7 (0,8) 1,3 (0,7) -47,1 -2,0
Scores et gravité * Hémoperitoine à la FAST 65 (27%) 241 (35%) -8,5 -2,3 * Fracture instable du bassin 54 (20%) 233 (31%) -10,2 -3,7 * AIS tête 0 [0 ; 3] 2 [0 ; 4] 28,2 -1,8 * ISS 25 [16 ; 36] 34 [24 ; 45] 46,3 -2,4 Transfusion CGR dans les premières 6h 5 [4 ; 6] 7 [5 ; 10] 75,5 -2,9 Transfusion PFC dans les premières 6h 3 [2 ; 4] 6 [4 ; 8] 86,0 1,5 * Ratio PFC / CGR ≥ 0.7 (dans les 6h) (%) 135 (50%) 513 (68%) -18,0 -1,7 * Acide Tranexamique (%) 198 (75%) 680 (91%) -16,4 -0,0
Décès dans les 24 heures 53 (20%) 177 (23%) -3,6 -5,7 Décès en réanimation 74 (28%) 285 (38%) Mortalité prédice par le score TRISS 28% 41%
106
Tableau15.Besoinstransfusionnelsdespremières24heures,scoresdesévérité,etdevenirdespatientsrecevantoupasdesconcentrésdefibrinogène
Variables CFH6-(n=269)
CFH6+(n=758) p
Dansles6premièresheures
FibATscore≥5 4,5 5,1 <0,001
CGRH6 5[4;6] 7[5;10] <0,001
PFCH6 3[2;4] 6[4;8] <0,001
RatioPFC/CGR≥1:1.5 135(50%) 513(68%) <0,001
RatioPFC/CGR≥1:2 202(75%) 670(89%) <0,001
CUPH6 0[0;0] 1[0;1] <0,001
ConcentréenFibrinogéneH6(g/L) - 3[3;4.5] <0,001
RatioFibrinogéne(g/L)/CGR 0,33[0,25;0,50] 0,86[0,70;1,1] <0,001
Danslespremières24h
RemplissagecristalloidesH24(mL) 3000[1500;5250] 4000[2500;6500] <0,001
RemplissageColloïdesH24(mL) 250[0;1000] 500[0;1500] <0,001
CGRH24 5[4;7] 8[6;13] <0,001
PFCH24 4[2;6] 7[4;11] <0,001
CUPH24 0[0;1] 1[0;2] <0,001
FibrinogèneH24 0[0;0] 3[3;6] <0,001
rFVIIa 0(0%) 22(3%) 0,01
AcideTranexamique 198(75%) 680(91%) <0,001
Hémoglobinemin(g/dL) 8,5[7,4;9,7] 7,7[6,5;8,8] <0,001
Lactatemax(mmol/L) 4[3;7] 6[4;10] <0,001
Fibrinogénémiemin(g/L) 1,5[1,2;1,9] 1,1[0,7;1,5] <0,001
TPmin(%) 51[42;62] 20[27;52] <0,001
SOFAH24 8[5;11] 11[8;13] <0,001
IGS2H24 44[34;66] 55[40;70] <0,001
Devenir
Duréedeséjourenréanimation 5[1;16] 7[1;20] 0,04
Duréedeséjouràhôpital 19[4;41] 19[2;50] 0,69
Mortalitédansles24hn(%)
-SNC-Exsanguination-DMV-Divers
53(20%)
13(25%)27(51%)7(13%)6(11%)
177(23%)
40(23%)79(45%)51(29%)5(3%)
0,21
0,06
Mortalitéaprès24-heuresn(%)
-SNC-Exsanguination-DMV-Divers
21(8%)
16(76%)1(5%)1(5%)3(14%)
108(15%)
62(57%)11(10%)31(29%)4(4%)
<0,01
<0,01
Mortalitéenréanimationn(%) 74(28%) 285(38%) <0,01
107
CF:ConcentédeFibrinogène,FibATscore:,CGR:concentrésdeglobulesrouges,PFC:plasmafraiscongelés,CUP:concentrésenunitésplaquettaires,rFVIIa:recombinantactivatedfactorVII,SOFA:Scorededéfaillanced’organes,IGS2:indicedegravitésimplifié,SNC:systèmenerveuxcentral,DMV:Défaillancemulti-viscéraleRatioFibrinogen(g/L)/RBC:ratioentreletotaldefibrinogèneadministré(+0.5gdefibrinogènedansunPFC)surlenombredeCGRadministrés
Dans lacohorte initiale, l'analyseunivariéen'amontréaucunedifférencedemortalitésur les24
premièresheuresentrelespatientsrecevantounondesCFaucoursdes6premièresheures(177
(23%) par rapport à 53 (20%) décès, p = 0,25). Après pondération et ajustement par score de
propension,ladifférencedemortalitésur24heuresrestaitnonsignificativeavecunATE,exprimé
sous formededifférencede risquedemortalité,de -0,031, IC95 [-0,082;0,020]. Lesdifférentes
méthodes utilisées pour calculer l’ATE dans les analyses de sensibilité ontmontré des résultats
cohérents(Tableau16).
6.4.3.Objectifssecondaires
Lorsque l'on envisageait une administration précoce de CF, pendant la réanimation initiale au
déchocage,442patients(43%)ontreçuduCF,dansundélaimédiande40minutes[30-54]après
l'admission.Aucunedifférencen'aététrouvéeentrelespatientsrecevantounonduCFprécoce
(ATE: -0,006, IC95 [-0,057;0,045]).Lesanalysesdesensibilitéontmontrédesrésultatscohérents
(Tableau16).
LesexigencesenmatièredetransfusionsontprésentéesdansleTableau15.Aprèsajustementsur
les facteurs de confusion potentiels, l'administration de CF n’était pas associée aux éléments
suivants : besoins en transfusion de CGR et de PFC au bout de 6 heures (p = 0,2 et p = 0,16
respectivement),duréedeséjourenréanimation(p=0,97),scoreSOFAà24h(p=0,96),età la
mortalitéenréanimation(p=0,77).
108
Tableau16.Analysesdesensibilité:averagetreatmenteffect(ATE)enutilisantdifférentesméthodesd’estimationduscoredepropension
ImputationavecFactoranalysisformixeddata(Methodssection).MéthodederéférenceenencadréIPTW:InverseprobabilityoftreatmentweightingAIPW:Augmentedinversepropensityweighting(IPTWetajustementviarandomforrest)TMLE:TargetedmaximumlikelihoodestimatesLR:LogisticregressionPS:Scoredepropension#Appariementsurleplusprochevoisin(ratiod’appariement1/1).Unindividudugroupedecontrôleestsélectionnésisadistanceàl’individutraitéestinférieureaucaliper(calibre)choisiicià0,15
Méthodestatistique MéthodestatistiquepourcalculPS OddsRatio ATE MeanSE
Concentrédefibrinogèneadministrédansles6premièresheures(objectifprincipal)
DoublerobusteAIPW LR - -0,031[-0,084;0,021] 0,027
DoublerobusteAIPW Randomforest - -0,021[-0,058;0,013] 0,020
DoublerobusteTMLE Randomforest -0,022[-0,066;0,026] 0,023
MatchingciblantATE(n=450)Nearestneighbor,caliper0.15# LR - -0,024[-0,076;0,027] 0,026
AjustementsurlePS LR 0,84[0,58;1,23] 0,465
Concentrédefibrinogèneadministréaudéchocage(objectifsecondaire)
DoublerobusteAIPW LR -0,006[-0,057;0,045] 0,026
DoublerobusteAIPW Randomforest -0,019[-0,056;0,018] 0,019
DoublerobusteTMLE Randomforest -0,020[-0,061;0,020] 0,020
ATEtargetedMatching(n=638)Nearestneighbor,caliper0.15 LR -0,039[-0,084;0,006] 0,023
AjustmentsurlePS LR 0,89[0,63;1,24] 0,495
109
6.5.Discussion
L’administrationdeconcentrésdefibrinogène(CF)estrecommandéeparlessociétésfrançaiseet
européennepourlaréanimationduchochémorragiquetraumatique,bienquesonimpactsurle
devenirdespatients resteencore incertain.Cetteétudeest lapremièreàutiliseruneapproche
d'inférencecausalepourtraitercettequestion.
L’analysedecettecohortemulticentriquefrançaiseamontréquel'administrationdeCFn’étaitpas
significativementassociéeàunediminutiondelamortalitédespremières24heures,aprèscontrôle
desfacteursconfondantspotentiels.Desétudesantérieuresontmontréuneassociationentreles
tauxde fibrinogèneet lamortalité (146,161,162),d'autresontmontréqu'unapportprécocede
fibrinogènepermettaitdemaintenirdestauxplusélevés(148,150),etuneméta-analyserécente
surl'efficacitéetlasécuritédufibrinogènechezdespatientsayantsubiuneinterventionchirurgicale
hémorragiqueamontréuneréductionde lamortalité toutescausesconfonduesdans legroupe
traité(163).
Néanmoins, les résultats de la présente étude n'ont pas permis de confirmer un impact
potentiellementbénéfiquesurlamortalitéchezlespatientstraumatisésenphasehémorragique.
6.5.1.Délaid’administration
Ledélaid’administrationdeCFpeutêtrel’undesfacteursclésdelaréussitedutraitement.Eneffet,
lefibrinogènefaitpartiedespremièresprotéinesdelacoagulationàchuterencasd'hémorragie
majeure (164) et les brins de fibrine qui se forment dans un environnement à faible taux de
fibrinogènesontplussujetsàlafibrinolyse(165).Unscoreexistant(scoreFibAT(166))permetde
prédireavecprécisiondestauxplasmatiquesdefibrinogèneinférieursà1,5g/Làl'admissionchez
lespatientstraumatisés(combinantl'âge,lafréquencecardiaque,lapressionartérielle,lelactate,
l'hémoglobinecapillaireetlaprésenced’unépanchementliquidienàl’échographie).Cescoreest
destinéàdéclencheruneadministrationprécocedefibrinogènedanslescentresoùaucundispositif
délocalisédetestviscoélastiquen’estdisponible.Néanmoins,dansnotrecohorte,lespatientsayant
reçuduCFprécocement,danslaphaseinitialedelaréanimation,c’est-à-diredansles40premières
minutes,nemontraientpasundevenirplusfavorable(analysedesensibilitéréalisée,donnéesnon
présentées).L’absenced’impactstatistiquementsignificatifduCFsurlamortalitédansnotreétude
pourrait éventuellement être expliquée par un manque de puissance ou par une confusion
résiduelle qui ne serait pas prise en compte malgré l’utilisation du score de propension. Cela
soulignelanécessitédemettreenplacedesétudesrandomisésévaluantl’effetdufibrinogènedans
110
cette indicationcar ladifférencederisqueretrouvéedansnotreétude, -0,031,signifieraitqu'un
décèspourraitêtreévitétousles32patientstraitésparCFsielleétaitsignificative.
6.5.2.Associationdufibrinogèneauplasma
Ilconvientdenoterque,danslacohorteanalysée,etdufaitdelapratiquefrançaise,lesCFn'ont
pasétéadministrésàlaplaceduplasmafraiscongelé(Tableau15)commecelaétaitlecasdans
d'autres études (149). La pratique chez les autrichiens par exemple vise à exclure le plasmade
l’arsenalthérapeutiquedelaréanimationhémostatiqueetd’administrerdesCFetdesconcentrés
de facteursprothrombiniquesguidéspar les testsviscoélastiques.EnFrance, leplasmaresteau
premier plan de la réanimation. En effet, même si le processus de fabrication du plasma
thérapeutiqueentraîneunediminutiondesconcentrationsdesubstancespro-etanticoagulantes
(enparticulierlefibrinogène(167)),celles-cirestentéquilibréesetleplasmasecomportecomme
letamponphysiologiquedelafibrinolyseetdelacoagulationviatouteunegammedeprotéines.
Deplus,certainsargumentsexistentpourcroirequeleplasmaauneffetprotecteursurleglycocalyx,
lamincemonocouchesituéeàlasurfaceinternedel'endothélium,dontl’altérationestassociéeà
une augmentation de la perméabilité vasculaire et à la libération de substances analogues à
l'héparine,agissantcommeanticoagulants(168).
6.5.3.Justificationduchoixducritèredejugement
Dans l'échantillon initial, les patients qui ont reçu du CF étaient plus gravement malades et
présentaientunrisquededécèsplusélevéselonlamortalitépréditeparTRISS.Lechoixducritère
d'évaluation approprié pour une étude sur les hémorragies traumatiques est d'une importance
primordiale.L’analysed’étudesprospectivesrécentesdehautniveaudepreuvesurdespatients
traumatisésprésentantunehémorragiesévèreapportedenouveauxargumentspourl’utilisation
des critères de jugement précoces (169): parmi 1245 patients inscrits dans le PRospective
Observational Multicenter Major Trauma Transfusion (PROMMTT) (62), et 680 dans le groupe
PROPPR: Pragmatic Randomized Optimal Platelet and Plasma Ratios (111), 94% des décès par
hémorragie étaient survenus dans les 24 heures suivant l’hospitalisation (89/95 et 81/86
respectivement). Dans notre étude, 90% (106/118) des décès hémorragiques sont également
survenus dans les 24 premières heures. Le fibrinogène étant un médicament ciblant certains
processusdecoagulopathieinduiteparuntraumatisme,sonimpactprincipalestattenduchezces
patients,setraduisantparunediminutiondelamortalitéprécoce.Nousavonschoisid'étudierla
mortalité toutes causes confondues, car le traitement de la coagulopathie peut également être
111
bénéfiquepourlespatientsprésentantunelésioncérébralehémorragiquepost-traumatiquegrave
etlecontrôleprécocedeshémorragiespourraitaussiréduirelerisquededéfaillancemulti-viscérale
secondaire(47).Choisiruniquementlamortalitéparexsanguinationauraitréduitdeprèsde50%
l’effectif des décès à 24 heures et aurait exclu, donc, les décès secondaires à des processus
consécutifsàl’hémorragie(saignementintracrânien,défaillancemulti-viscéralepost-hémorragique)
entrainantunepertedepuissance.
6.5.4.Limitesdel’étude
Cetteétudeprésentequelqueslimitesinhérentesàsondesign.
Premièrement, l'utilisationd'unestimateur causaldouble robusteapermisde contrôler lebiais
d'allocation,maisnousnepouvonspasexcluredéfinitivementl'existenced'unbiaisrésidueldûà
des facteurs de confusion non mesurés. En effet, l’approche statistique dérivée du score de
propension a été utilisée dans cette étude pour prendre en compte l’existence d’un biais
d’indication probable pour l’administration du CF. Cette approche repose sur un ensemble
d’hypothèses,laplusforteétantl’absencedefacteursimportantsdeconfusionnonmesurésetdonc
impossiblesàprendreencompte.Parailleurs,ellesupposeuneattentionparticulièretoutaulong
des différentes étapes du processus: une identification précise des facteurs de confusion, une
estimationrigoureuseduPSetdel'effetdutraitement(170).Dansnotreétude,unprocessusDelphi
aétérigoureusementconduitpouridentifierlesfacteursdeconfusionàprendreencompteetleur
correspondancedanslaTraumabase®.Aussi,unéquilibreadéquatdesprincipalesdifférencesentre
lesdeux groupes apuêtreobtenuenutilisant lapondérationpar l’inversede laprobabilitéde
traitement,et l’utilisationd’unestimateuràdoublerobustesseapermisderéduire l’impactdes
erreursdespécificationpotentiellesdesmodèlesdePS(171,172).Ilconvientdenoterquedansle
processusDelphi, lavariable,«résultatsdestestsviscoélastiques»était laseuleatteignantune
concordancede30%quinepouvaitpasêtreintégréedanslemodèlePS.Eneffet,seuls3centres
participantsétaientéquipésdedispositifsdemesuremaisenavaientuneutilisationtrèsmarginale.
Letauxreportéd’utilisationdanslalittératureestdel’ordrede7-35%(173–175).Lavariable«Test
visco-élastique»aétéintroduitecommesubstitutpourlescentresquipossédaientdesdispositifs
demesure.Uneapprocheconservatrice,utilisantchaquefacteurdeconfusionpotentielrépertorié
parlesexperts(n=34),mêmesansaccordentreeux,aconduitàdesrésultatssimilaires(données
nonprésentées).
Deuxièmement,uncertaindegrédebiaisdesurvienepeutêtreexclulorsquel’administrationde
CFestenvisagéedansles6heuressuivantl’hospitalisation.Cependant,pourajouteruneanalysede
112
sensibilité,nousavonségalementévalué l’impactde l’administrationdeCFaudéchocage (délai
médianmaximald’administrationde40minutes)etnousavonsobtenudesrésultatssimilaires.
Troisièmement, l'administration de CF était à la discrétion dumédecin responsable du patient.
Cependant, la conception de l'étude n'était pas enmesure de prouver que le fibrinogène avait
atteintlaconcentrationciblelorsqu’ilétaitadministré.L’absencederésultatsignificatifdansnotre
étudepourraitéventuellementêtresecondaireàuneproportion importantedepatientsn’ayant
pas atteint la concentration cible. Cependant les doses utilisées étaient considérées comme
permettantdecorrigerlesconcentrationsselonlesconnaissancespharmacologiques(155).
Enfin, l’étude s’est déroulée dans des centres de traumatologie français, où les patients sont
initialementtransportéspardesambulancesmédicaliséesduSAMUetlaréanimationhospitalière
initiale est effectuée par des anesthésistes-réanimateurs. Ces résultats pourraient ne pas être
transposablesàunsystèmedifférent.Néanmoins, lesonzecentresparticipantssontrépartissur
l’ensemble du territoire national ce qui permet de représenter un large spectre de cas et de
pratiques.
6.6.Conclusion
Laprésenteétudenepermettaitpasdedécelerdediminutiondelamortalitédes24heurestoutes
causesconfondueslorsdel'administrationdeconcentrédefibrinogènedansles6heuressuivant
unchochémorragiquetraumatique.
Lesrésultatscontradictoiresretrouvésdanslalittératureconcernantl’efficacitédufibrinogènedans
cetteindicationsoulèventdesquestionssurlabonnefaçond'utiliserlesconcentrésdefibrinogène.
Lalogiquedesonmécanismed’actionphysiologiqueesttrèsconvaincantemaisaucuneétuden’a
encore démontré son efficacité en pratique clinique de manière probante. Le coût de ce
médicamentétantimportantetsonutilisationfréquentedanscetteindication,lesauteursdecette
étudepréconisentànouveaulebesoinurgentd'unessaicliniqueprospectifsurl'administrationde
fibrinogènedanslechochémorragiqueliéàuntraumatisme.
113
7. Discussiongénéraleetperspectives
Nousreprenonsdanscettepartielespointsfortsetlimitesdestroisprécédentschapitresafind’en
réaliserlasynthèseetélargirladiscussion.
7.1.Avancéedesconnaissancessurlesaxesciblésparceprojet
Laréalisationdecetravaildethèseapermisdedonnerdesréponsesàcertainesdesquestionsqui
seposaientsurleparcourscomplexedupatienttraumatisé.
Toutd’abord, sur l’analysedes filièresde soinsd’urgences au seinde la région Îlede France, il
apparaîtquelesous-triageobjectivéparlestransfertssecondairesdepatientsverslescentresde
traumatologieneconduisaitpasàunepertedechancepourlespatients.Eneffet,unefoisintégrés
lespré-requissurlesystèmedesoinsmédicalisé,surl’organisationdelarégulationmédicale,etsur
la carte sanitaire de la région, l’analyse du devenir des patients dans cet environnement est
sécurisante.Notre travail ne permet pas de donner les réponses sur lesmécanismes précis qui
sécurisentleparcoursdupatient(triage,soinspréhospitaliers,soinshospitaliers,sécurisationdes
transferts,délaisdestransferts,etc.),maisdefaçonglobale,lesystèmepermetdesécuriserlaprise
encharged’unpatientmalorientéinitialement.L’approchedusoustriageenpopulation,autravers
desdécèsrécupérésgrâceauchainagedessourcesdedonnées,esttoutaussirassurantavecun
tauxdel’ordrede0,15%,IC95[0,12;0,19].Cependant,ilnefautpasperdredevuequecesrésultats
nepeuvents’appliquerqu’àl’ÎledeFranceetnesontenaucuncasextrapolablesàd’autresrégions.
114
Eneffetlasituationdel’ÎledeFranceestassezparticulière,comptetenudesadensitédepopulation,
et de sa caractéristique très urbaine. L’extension de la Traumabase® à demultiples centres de
traumatologiehorsÎledeFrancepourrapermettreàtermecetyped’explorationdansdifférentes
régions.Uneaméliorationcertainepourquelesrésultatssoientlesplusfiablespossibles,seraitque
tous les centres, y compris les hôpitaux non spécialisés et les cliniques puissent renseigner les
informationsdespatientstraumatiséssévèresqu’ilsréceptionnentdansunebasededonnéestelle
que laTraumabase®.Ce futurestmalheureusementencoretrès incertaindu faitdumanquede
moyens pour professionnaliser la saisie de ce type de travail «administrativo-scientifique».
L’ajouterauxtâchesdéjàmultiplesd’urgentistesensouffrancen’auraitaucunsens.
Concernant la deuxième cible du projet de thèse, une alerte de gradation de la sévérité de
l’hémorragieaété crééepour lespatients traumatisésdès laphasepréhospitalière. Eneffet, la
constatation,auseindenosstructures,quelesoindupatienttraumatisésévèreestenpermanence
enconcurrencevoireenconflitaveclesoinrégléagrandementmotivécettedémarche.Cettealerte,
«RedFlag»,estencoursd’évaluationprospectivedans2des6centresdetraumatologiedel’Îlede
France.Cetteinitiativeestportéesimultanémentparlespartenairespréhospitaliers(desSAMUdes
HautsdeSeineetdel’Essonne),ainsiqueparlescentresreceveurs(HôpitauxBeaujonetBicêtre)
pourpouvoirévaluerprospectivementlesperformancesdel’alerte,ainsiquesonimpactsurleplan
1/organisationnel(commandesdeproduitssanguinslabilesanticipées,duréedemiseenattente
delastructure),2/pragmatique(adéquationdel’étatcliniqueattenduaveclaréalité),3/clinique
(durée au déchocage, volume transfusionnel, score de défaillance d’organes et de gravité
physiologiqueà24h,duréedeséjourenréanimationetnombrede joursvivantendehorsde la
réanimation à J28). Cette étude est très importante pour valider l’intérêt d’un tel outil et
nécessiterait aussi une évaluation en dehors de la région dont il a été issu. Nous évaluons la
possibilitéd’unetelleévaluationdanslesbouchesduRhône(HôpitalNorddeMarseille).
Ladernièrepartiedelathèseatentéderépondreàunequestionbeaucoupplusciblée,surl’effet
del’administrationdesconcentrésdefibrinogènedanslechochémorragiquetraumatique.Notre
approcheparinférencecausalen’apaspermisdedécelerd’effetsurlamortalité,mêmesileseffets
(hors intervallesdeconfiances)sonttousenfaveurd’uneffetfavorable.L’étudemanquaitpeut-
être de puissance, on ne peut l’écarter. Cependant, du fait de l’accumulation de l’absence de
preuvespouruntraitementcoûteux,avecunlobbyingpharmaceutiquetrèsimportant,ellevient
renforcer l’argumentairede l’impérativenécessitédeconduireuneétude randomiséecontrôlée
pourrépondreàlaquestion.
115
Laréponseàcestroisquestionsagénérébeaucoupdequestionsintermédiairesauxquellesnous
avonstentéderépondredurantlapérioded’étude.Ellesservirontdeperspectivesd’avenir.Eneffet
comme exposé dans l’introduction, la traumatologie est un réel problème de santé publique,
multidimensionnel, et les moyens pour l’explorer restent encore modestes. Les paragraphes
suivantspermettentd’envisageruneméta-dimensionàcetravaildethèse.
7.2. Chainagedes bases, parcours patient et règlement général pour la protectiondes
données(RGPD)
Au niveau de l’ObservatoireNational Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR), les fiches
BAAC servent à estimer des volumes (de blessés-tués), des fréquences (le pourcentage de
conducteursalcoolisés),dequantifierlessur-risquesliésàcertainsfacteurs(comportementauxpar
exemple,commelaconsommationd’alcooloudecannabis),oul’impactd’uneexpositionspécifique
(nombredevictimesliéesàunexcèsdevitesse).Cependantilexistetrèspeudedonnéesconcernant
lesblessés,enparticulierlesplusgraves.
Orcesblessésontunréelimpactsurlasociété:volumeetcoûtdessoinsaigus,delarééducation,
de l’absenceautravail,présencedeséquellesvoiredehandicap irréparable.L’articulationentre
«lesgendarmes»et les«médecins»s’envisagepar lamédiationde«l’épidémiologie»ausens
large,oucommentdisposerdemesuresfiablespourestimerunphénomènedesociétéciblé.Tel
était l’undesobjectifsdecettethèse,dontl’axe1quirépondaitàunequestionsimpledesanté
publique, a nécessité un travail colossal de chainage d’informations entre les données
préhospitalièresdesSAMU, lesdonnéespréhospitalièresde laTraumabase® et lesdonnéesdes
fichiersBAAC.
Jusque-là, il n’existait que des analyses partielles du territoire national, basées sur l’analyse du
département du Rhône qui était alors le seul à disposer d’un registremédico-épidémiologique
(Registre du Rhône- chapitre 1.5). Lesméthodes utilisées étaient la quantification des biais de
sélectiondesdonnées(parlesforcesdel’ordre),puislacorrectiondesdonnéesnonenregistrées
parcapture/recapture,etl’obtentiondecoefficientsdecorrectionsquisontutilisésdanslesautres
départementsparstandardisationindirectesurlesfacteursdebiaisdesélection.C’estainsiqu’apu
êtreobtenuelapremièreestimationcrédibledunombredeblessésdelarouteenFrance(2007):
514 332 blessés enmoyenne annuelle (contre 150 400 selon l’ONISR), dont 60 843 gravement
atteints(NewISS9ouplus,contre27998blessés«hospitalisésplusde6jours»,assimilésalorsaux
blessésgravesparl’ONISR)(67).
116
Lesdifficultésrencontréeslorsdecechainagepermettentd’envisagerlamodificationdecertaines
caractéristiquesdechacundecesfichierspourqu’ilspuissents’articulerdefaçonfiableetsécurisée
danslefutur.Lesystèmed’informationdel’ONISRestenpleinrefonteetl’undesesobjectifsest
de faciliter l’interconnexion avec des bases de données exogènes. Il est évident qu’un numéro
uniquepourlavictimeaccidentéedesBAAC,etpourlesbasesdedonnéesexistantesparailleurs
seraitidéal.Cependantlesloiseuropéennes(etfrançaises)nepermettentpascetteoption.
Depuislaloieuropéennesurlerèglementgénéralsurlaprotectiondesdonnéespersonnelles(RGPD,
25mai2018),denouveauxchallengessontimposésauxdiversregistresetobservatoiresdesanté.
Eneffet, lesorganisationsquidétiennentdesdonnéespersonnellesdoiventpouvoir justifierde
finalités «spécifiques», et répondre à des injonctions de «limitation des finalités» et de
«minimisationdesdonnées»(176).Touteslesdonnéesidentifiantes(datecomplètedenaissance,
depriseencharge,poids,taille,etc.)doiventêtrejustifiéespardesfinsspécifiquescirconscrites.
Cetteloiestimportantesurleplandelasécurisationdesdonnéespersonnelles,cependant,dansle
cadredelarechercheensanté,elleestdevenueunfreinauxpotentialitésdechainagesélargisqui
sont leterreaude larechercheen intelligenceartificielle.Eneffet, la justification«globale»de
l’intérêtgénéral,voirede l’intérêtpublicn’entrepasdans lesclausesde la loi.Parcontre, sion
documentelaréalitédel’anonymatdesdonnées,alorslerèglementnes’appliquepas.Àcepropos,
ilestpréciséque«l’appréciationducaractèreirréversibledel’anonymisationdépenddesmoyens
susceptiblesd’êtreraisonnablementmisenœuvrepouridentifierlespersonnes»(extraitdel’Article
26RGPD).L’adverberaisonnablementintroduitdanscetalinéaestdépendantdefacteursobjectifs,
du coût de l’identification, des techniques disponibles ou à venir, et doit guider vers des
réévaluations régulières (177). Cependant, si l’objectif est de chainer les individus pour pouvoir
analyserlesparcoursdesoinsausenslarge,alorsilfautavoirlapossibilitédelesidentifier.
Lors d’une rencontre organisée à l’occasion des 25 ans du registre de traumatologie allemand
(InternationalTraumaRegistrymeeting-Munich2019),l’ensembledesparticipantsvenusdeplus
de 15 pays ont échangé sur les difficultés à combiner les contraintes légales et les nécessités
techniquespourassurer lacouverturedesparcourspatients. Leshomologuesnorvégiens,qui,à
titrepolitique,nefontpaspartiedel’UnionEuropéenne,maiss’attachentàenrespecterleslois,
ont réussicette transformationavec l’aidedugouvernement. Ilspossèdentdans l’ensembledes
registresnationaux,desidentifiantspatientsuniquesquipermettentdechainerlesdonnées.Des
échangesinternationauxsontactuellementencourspourprofiterdeleurexpérience.
Ainsi,lesresponsablesdetraitementdesregistresdetraumatologie(desbasesdedonnéesensanté
ausenslarge)doiventàl’heureactuellesuivredesrèglesquisontbiensouventincompatiblesavec
117
lesobjectifsdeleursregistres.D’uncôtélimiterlesfinalités,minimiserlesdonnéesetcirconscrire
lesduréesdetraitementdesdonnées,etd’unautrecôté,assureruneplasticitéd’interfaçageetde
chainagepourpouvoirassurerdesexplorationsenpopulationet la reconstructiondesparcours
patients.Untravailcolossalresteàfairepourquel’ensembledecesobjectifsetrèglementspuissent
êtrerespectésetquelarecherchepuisseenbénéficier,entoutesécuritépourlecitoyentouten
assurantlasécuritédesesdonnées.
7.3.Cohortesobservationnelleset«MachineLearning»
Aucoursdesdernièresannées,enraisondesprogrèstechnologiquescroissants,deladisponibilité
des données, et de la nécessité d’analyser des bases de données toujours plus grandes,
l’apprentissage automatisé (Machine Learning) s’est développé pour élaborer des modèles
prédictifsdeplusenplusprécis(178–180).L’apprentissageautomatiséestunchampdessciences
informatiquesetunepartiedel’intelligenceartificielle,définissantàlafoislascienceetl’ingénierie
pour laquelle les systèmes informatiques peuvent analyser les données et «apprendre» de
l’informationdecesdonnées.L’informationappriseestensuiteutiliséepourenrichirleprocessus
et gagner plus de connaissance sur les données. Si l’apprentissage automatisé s'est beaucoup
développé à partir de la théorie et de l'applicationdes réseauxneuronaux artificiels, il englobe
désormaisunensemblebeaucoupplusdiversifiéd'algorithmesetdetechniquestelsquemachines
vectorielles de support, algorithmes de k-voisinage les plus proches, arbres de décision,
classificateursnaïfsdeBayesetlesréseauxdecroyancesbayésiennes(BBN),pourn'ennommerque
quelques-uns.
Aucoursdecettethèsenousavonsapprochécesméthodesenpartenariatavecdesétudiantsde
polytechnique(dirigésparlePrJulieJosse)danslecadredelatroisièmepartieduprojet.L’approche
d’uneproblématiqueparl’inférencecausalen’apasencorelavaleurd’unessairandomisécontrôlé
qui vise à essayer de contrôler les facteurs confondants nonmesurés (via la randomisation) et
s’approcherlepluspossibledel’inaccessiblecontre-factuelpourtenterderépondreàlaquestion
surl’effetd’untraitement.L’utilisationd’unscoredepropensiondevientcependantdeplusenplus
utilisé et lesméthodes statistiquespour le calculerutilisent lesméthodesdeMachine learning.
Nousavonsaucoursdecettephaseexploratoireutilisédifférentsalgorithmes(Gradientboosting,
Random forest, lasso) pour comparer les performances du score de propension à prédire non
seulementl’administrationdutraitement,maisaussidescompétencesàéquilibrercorrectementla
populationd’étude.Cestravauxdoiventencorefairel’objetderecherche(surtoutstatistique)avant
118
depouvoirfairel’objetd’unepublicationscientifique.
Dans la littérature,uneméta-analyses’est intéresséeaupotentielde l’apprentissageautomatisé
pourprédireledevenirdespatientstraumatisés(181).Detrèsnombreuxaspectsdessoinsetde
l’évaluation des patients en traumatologie sont basés sur des tâches de «reconnaissance de
profils», et peuvent donc bénéficier des modèles de prédiction basés sur l’apprentissage
automatisé.Ilsontplusieursavantages:ilssontbaséssurdesmesuresdephysiologiestandardisées,
ils sont plus objectifs que les autres méthodes (moins de variabilité inter-individuelle), et ils
capturentlanonlinéaritéquiexistedanslesvariablestellesquel’âge,lesscoresdesévérité,oules
signesvitauxdont lesmesuresencontinupermettentuneapprocheviadesanalysesde formes
d’onde.
LeprogrammeglobaldugroupeTraumabase®appelé«TrauMatrix»reposesurl'hypothèsequ'un
outild'aideàladécisionintégratifetinteractifreposantsurunapprentissagemachineavancébasé
surdesdonnéescliniquesdétailléesethétérogènespeutconsidérablementaméliorerlessoinsaux
patientset leursurvieencasdetraumatismemajeur.L'objectifduprojetestdedévelopperune
plateforme de gestion adaptative de l'information (la TraumaMatrix) qui offrira une aide à la
décision ergonomique et en temps réel à un large éventail de cliniciens pour la gestion des
traumatismespendantlespremières24heures.Elleutiliseradesoutilsstatistiquesavancésetdes
algorithmes d'apprentissage automatique et les articulera avec les recommandations cliniques
existantesafind'améliorerlaprisededécisionparlescliniciens.Laplateformeviseraàrationaliser
leprocessusdesoinsafinqu'ilsoitcentrésurlepatientetàfaciliterl'échanged'informationentre
touslesprofessionnelsconcernés(répartiteurs,infirmières,anesthésistes,radiologistes,chirurgiens,
spécialistesdesbanquesdesang,etc).Unteloutiln'estpasdestinéàdevenirunsubstitutàlaprise
dedécisionhumaine,maisàaccompagnerlescliniciensetlesprofessionnelspourcréerunesynergie
dansl'analogieaveclesinstrumentsdebordquiaidentunpiloteàpiloterl'avion.Ceprojetadébuté
etuneconventionapuêtresignéeentretouslespartenaires(GroupeTraumabase®,Polytechnique,
EcoledesHautesEtudesenScienceetSociales,CNRS,APHP,etCapGémini)le21juin2019.
7.4.Lesaxesdeprévention
7.4.1.Préventionprimaireetsecondaire
Lorsquel’accidentestl’épicentredelaproblématiqueciblée,alorslesystèmedesoinsévaluédans
leprojetn°1correspondàunoutildepréventionsecondaire.Ilnepermetpasd’éviterl’accident,
maispermetdeproposeraupatientlessoinslesplusadaptés,leplusrapidementpossible.Larégion
urbaine et suburbaine évaluée dispose d’un système de soins pré hospitalier et de structures
119
d’accueilhospitalièressuffisammentperformantspourquelespatientsinitialementtransportésen
centre non spécialisés puissent avoir un devenir équivalent à ceux transportés en centre de
traumatologieaprèsuntraumatismesuspectésévère.Cesrésultatspermettentdecommuniquer
avec les acteurs médicaux du pré-hospitalier pour les rassurer sur le fait qu’en cas de sous-
évaluationinitiale(dontlesraisonspeuventêtremultiples),letransfertsecondairedespatientsvers
lescentresspécialisésnesemblepasêtregrevéd’unesurmortalité.Cerésultatestimportantcar
unedériverécenteaconsistéàtransporter lemaximumdepatientsencentredetraumatologie
pourlimiteraumaximumlesoustriage(etdoncleséventuellesconséquencesdommageablesau
patient)maisayantpoureffetunecertainesaturationdusystème.Eneffet,lestauxdesurtriage
sontpassésde42%,IC95[39;46](31)en2011-2012à57%,IC95[54;60]surles2mêmescentres
d’Ile de Franceen2018 (donnéesnonprésentées). Les chiffres de surtriage recommandés sont
plutôtdel’ordrede50%(30).
Unautremessageimportantàfairepasserauxacteursdesoinspréhospitalierconsisteàproposer
uneattentionparticulièreauxusagersdelarouteconsidéréscommelesplusvulnérables(piétons,
cyclistes, personnes âgées). En effet le défi identifié est celui de la reconnaissance clinique des
traumatismescrâniens,enparticulierchezlespatientsâgéset/ouaprèsdesmécanismesdefaible
transfert. De plus, un questionnement plus approfondi a eu lieu avec les partenaires du
préhospitalier sur les patients «décédés sur place». Nous nous sommes demandés combien
avaienteuuneréanimation,dequelledurée,combienétaientdécédésenrouteetcombienavaient
ététransportésàl’hôpitalleplusprochecarconsidérésau-delàdetouteressourcethérapeutique.
Lapropositiond’uneétudeexploratoiresurlaréanimationdespatientstraumatisésdécédésavant
l’arrivéeà l’hôpital aété faite. Le collectif scientifiquedugroupepréhospitalieresten coursde
réflexion.
Parailleurs,l’identificationdespatientsdécédéssurplaceaprèsunaccidentdelacirculationpermet
d’unecertainefaçonuneapprochedepréventionprimaire(modificationdelavoirie,gestiondes
vitessessurlesroutesbidirectionnelles...)voiredepréventionsecondaire(positiondesusagersdans
levéhiculeetingénierieautomobile,protectiondesusagersvulnérables...).Eneffet,larecherche
descaractéristiquesparticulièresdecespatientsquidécèdentimmédiatementsurleslieuxdevrait
permettred’identifiercertainsaxesd’actionpossiblesselonlamatricedeHaddon(paragraphe1.1).
UneétudedugroupeTraumabase®estencoursàcesujetenpartenariatavecl’institutmédico-
légalquis’occupedesautopsiesdespatientstraumatisés(décédéssurplaceouàl’hôpital).
120
7.4.2Facteurhumain
Dansleprojetn°2,lavolontédecréerunoutilpermettantd’anticiperdefaçonformaliséel’accueil
despatientsenhémorragiesévères’intègredansunecertaineformede«préventionprimairedu
facteurhumain».
Lefacteurhumain(oufonctionnementhumain)sedéfinitcommeunensemblecombinantàlafois
unedimensioncognitiveindividuelle,unedimensioncollectivecommunicationnelle,unedimension
technologique et environnementale, et une dimension organisationnelle institutionnelle
(182).Cettedéfinition intègre l’observation suivante, constatéequotidiennementenmédecine :
l’acteur et plus généralement l’organisation humaine, en soi et dans son interaction avec
l'environnement,influenceleprocessusdesoins,pourlemeilleurcommepourlepire.
Le travaild’uneéquipede traumatologieaccueillantunpatientenhémorragie sévère se faiten
conditions«extrêmes»,enassocianttouteuneséried’élémentsquipeuventl’humainàlafaute.Il
s’agitdesituationscomplexes,dynamiques,contraintespar letemps,engageantdenombreuses
données,delatechnologie,nécessitantdesactivitésmultitâchesavecinterruptionsfréquentes,et
associantunechargeémotionnellepotentiellementnonnégligeableletoutdansunniveauélevé
d’incertitudes.Cesélémentspeuventjouerunrôlenonnégligeablesurledevenirdespatients.C’est
ainsiquetoute lapréparationenamontde l’arrivéed’unpatienttraumatisépotentiellementen
hémorragiesévèretrouvesonsens.
Ladimensionindividuelleetcognitive
Unegrandepartiedutravailmédicalquotidienconcerneletraitementd’informations.Différents
travaux en neurosciences et en psychologie cognitive ont détrôné avec succès une
autoreprésentationducorpsmédicalattachéeàuneillusiondeperformancecognitive.Eneffet,le
débitcognitifmaximalsembleêtreauxalentoursde110bits/secondealorsqu’uneconversation
classiqueentredeuxadultesoccupeenviron60bits/seconde...Ainsi, intégreruncertainnombre
d’informations sur le patient à admettre avant son arrivée permet de diminuer le stress lié à
l’incertitudedesacteursetàproposerunplandesoinpartagé,adaptéetrassurant.
Ladimensioncollective
Leplandesoinproposéparletraumaleaderdoitêtreprésentéàl’équipe.Lesdifférentesétapes
peuventêtrerépétéesengroupe,ou individuellement (mentalmovie).Laconnexionde l’équipe
commenceàpartirdecemoment-là,doncbienavantl’arrivéedupatient.Lesrôlessontidentifiés,
partagésetlapréparationutilisedesprocédureslocalesexistanteset/oudesaidescognitivespour
121
n’oublieraucunélément.
Ladimensionenvironnementaleettechnologique
Lesaidescognitivesetlescheck-listsparticipentaucontrôledel’environnement.Toutlematériel
doitêtredisponibleetfonctionnel,lestraitementsdoiventêtrepréparésàl’avance,lescommandes
de sang anticipées. Ces aides-cognitives doivent être intégrées au procédures locales pour une
meilleureutilisation.
Ladimensionorganisationnelle
Lavérificationdeladisponibilitédesdifférentesunitésdelieudanslaquellepourrapotentiellement
évoluerlepatient,pourdesprocéduresplusoumoinsurgentes,doitfairepartiedecettephasede
préparation. Cependant la dimension organisationnelle s’envisage plutôt au long terme, avec
l’interactiondesacteursmultidiciplinaires, lastandardisationdesprocessus,desdispositifs,dela
communication,destransmissions...
Lapréventiontertiaires’évaluesurlafréquencedes«rechutes»ausenslarge.Pourdespatients
traumatisés,uneapprocheseraitd’évaluerlaprévalencedesétatsdestressposttraumatiquesou
l’absencederetouràlavienormaleà1an,oubiend’autres«patient-reportedoutcomes».
7.4.3.L’aprèstraumatisme
Lapriseenchargedespatientstraumatiséssévèresnes’arrêtepasàlasortiedelaréanimation,ni
àlasortiedel’hôpital.Eneffetlaphasedereconstructionestlongueetdifficile.Lespatientsdoivent
passerparunephasederééducation(plusoumoinsexcentréedudomicileenfonctiondelagravité)
et par une phase de réhabilitation. De plus la diminution de la mortalité secondaire à un
traumatismeaentraînéuneaugmentationdunombredepersonneshandicapéesetunediminution
deleurqualitédevie.Ainsilamortalitéestuncritère«fort»pourévaluerlesperformancesd’un
système,maisestinsuffisantpourdécrirecorrectementledevenirdespatientstraumatisés.Ilest
doncimportantdepouvoirregarderau-delàetd’évalueràlafoislesaspectsmentauxetphysique
du devenir fonctionnel (183). Les survivants d’un épisode traumatique sévère ont souvent des
séquelles qui persistent dans le temps et qui affectent à peu près tous les aspects de leur vie
quotidienne(184).
Pourcomprendrecommentlaqualitédeviedespatientsestaffectéeàlasuited’untraumatisme
etleseffetsrémanentssurleursantéetleurbien-être,ilestimportantdesaisirlaperspectivedes
122
patientssurleurpropresanté.Les«patient-reportedoutcomes»(PRO)(résultatsdéclarésparles
patients)sontdesévaluationsspécifiquementrenseignéesparlespatients,permettantdemesurer
lepoidsdessymptômesliésautraumatismeetàsontraitement,etsonimpactsurlaqualitédevie
(185).Dansuncontextederecherche,lesPROspeuventêtreutiliséspourévaluerl'efficacitédes
traitements et le fardeau de la maladie résiduelle. Dans un contexte clinique, les PROs ont le
potentield'informeretdeguiderlessoinscentréssurlepatientainsiquelaprisededécisionclinique.
Lorsqu’ilssontrecueillisdanslecadredesregistresdetraumatologie,lesPROspeuventêtreutilisés
à un niveau global, pour documenter les améliorations et maintenir la qualité des soins de
traumatologie.
LaTraumabase®nepermetpasàl’heureactuelledesuivrelespatientsaprèsleursortiedel’hôpital.
Unregistredetraumatologieexigebeaucoupderessourcesetgénèreuncoûtélevédetempset
d'argent pour la collecte et le contrôle qualité des données (186). La collecte associée de PRO
rajoutedescontraintesimportantesaveclanécessitéd’avoirdupersonnelformépourréaliserdes
entretiensspécialisés.LesurcoûtestimésparleVictorianstateregistryseraitdel’ordrede40$par
patient(187).
Cependant,malgrélesdifficultésliéesàlacollectedesPROdanslesregistresdetraumatologie,il
apparaîtévidentqu’ils’agitdereleverrapidementcesdéfislogistiquescarl'expériencedespatients
estnécessairepouraméliorerlaqualitédessoinsentraumatologie(188).
123
8. Conclusion
Latraumatologiesévèreetsesretentissementssontuneproblématiquedesantépublique,étudiée
actuellement principalement via le prisme des cliniciens, les données étant essentiellement
cliniques, lésionnelles et de devenir à relativement court terme. Les données de devenir
spécifiquementrenseignéesparlespatientsnesontpasencoresuffisammentétudiéespourune
approcheplushumanistedesconséquencesdutraumatismeetdestraitements,par-delàlecritère
durcliniquedemortalité.L’identificationdessourcesdedonnéesutilesetlacombinaisondecelles-
cipermetd’envisagerdesapprochesenpopulationpourrépondreàdesquestionsspécifiquesmais
ellessontencoresous-utilisées.
Aucoursdesonparcours,lepatienttraumatisésévèretraverseplusieursphasesstratégiquesqui
peuventdéterminersondevenir.Les3projetsderecherchedecetravaildethèseontpermisde
répondreàdesproblématiquesbiencibléessurcertainesphasesdeceparcoursetainsidegénérer
denouvellesperspectivespourmieuxcirconscrireetadapter lesréponsesdeterrain.Cependant
cesanalysesrestentcontextuelles,danslesrégionsdanslesquellesontétécolligéeslesdonnées,et
ilestgrandtempsqu’unregistrenationalpuisserépondreàcesquestionsavecuneapprocheplus
générale.
Les outils d’intelligence artificielle mis à disposition des sources de données ouvrent aussi de
nouvelles perspectives pour aborder les questions de prédiction et proposer des nouveaux
algorithmesdetriage,oud’anticipationdel’hémorragiesévère.
Ainsi,lesprojetsderecherchesontintarissables,cependantlesdéfisrestantssonttrèsnombreux.
Les financements, lapérennitédes cohortesobservationnelles et le tempsdédié à la recherche
restentuneproblématiquecentralepourvaliderlesobjectifsetpoursuivrel’explorationdecette
thématiquederecherche.
124
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Annexe1:InjurySeverityScore(ISS)–Scoredegravitédeslésions
Lescoredegravitédeslésions(InjurySeverityScore-ISS)estunscoremédicalétablipourévaluerlagravitéd'un traumatisme (BAKERSP). Il est corréléà lamortalité,à lamorbiditéetau tempsd'hospitalisationsecondaireàuntraumatisme.LecomitéAIS(«AbbreviatedInjuryScale»)del'AssociationfortheAdvancementofAutomotiveMedicineaconçuetafaitévoluercetteéchelle.L'Échelle abrégéedes lésions (AIS) est un systèmed'évaluationde la gravité global basé sur unconsensus anatomiquequi classe chaque lésiondans chaque régiondu corpsen fonctionde sagravitérelativesuruneéchelleordinaleàsixpoints:
1.Mineur2.Modéré3.Sérieux4.Sévère5.Critique6.Maximal(actuellementnontraitable)
Ilyaneufchapitresdel'AIScorrespondantàneufrégionsducorps:
-Tête-Visage-Cou-Thorax-Abdomen-Colonnevertébrale-Extrémitésupérieure-Extrémitéinférieure-Externeetautre
L'ISSestbaséesurl'AIS(«AbbreviatedInjuryScale»).Pourcalculerl'ISSd'unblessée,lecorpsestdiviséensixrégions:
1.Têteetcou-ycomprislacolonnecervicale2.Visage-ycomprislesquelettefacial,nez,bouche,yeuxetoreilles3.Thorax-colonnethoraciqueetdiaphragme4.Abdomenoucontenupelvien-organesabdominauxetcolonnelombaire5.Extrémitésouceinturepelvienne-squelettepelvien6.Externe–peau
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PourcalculerunISS,ilfautprendrelecodedegravitéAISleplusélevédanschacunedestroisrégionscorporellesdel’ISSlesplusgravementatteintes,éleveraucarréchaquecodeAISetadditionnerlestroisnombrescarrés:
ISS = A2 + B2 + C2oùA,B,CsontlesscoresAISdestroisrégionscorporelleslesplusatteintesLesscoresdel'ISSvarientde1à75(i.e.desscoresAISde5pourchaquecatégorie).Sil'undestroisscoresestun6,lescoreestautomatiquementfixéà75.Étantdonnéqu'unscorede6("nonsurvivable")indiquel'inutilitédesoinsmédicauxsupplémentairespourpréserverlavie,celapeutsignifierl'arrêtdessoinssupplémentairesdansletriagepourunpatientayantunscorede6dansunecatégoriequelconque.L’ISSestutilisédanslalittératurepourdéfinirleterme«traumatismesévère»(majortrauma).Untraumatismesévère(anciennementpolytraumatisme)sedéfinitcommeunISS>15.
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Titre : Analyse de la prise en charge des patients traumatisés sévères dans le contexte français : processus de triage et processus de soin
Mots clés : traumatologie, parcours patient, mortalité, organisation
Résumé : La traumatologie est un problème de santé publique au troisième rang des années de vie perdues ajustées sur l’incapacité en France. L’investissement sanitaire et le volume de recherche qu’elle génère sont en deçà de ce que représente son impact sociétal. L’objet de ce travail de recherche était de plonger au cœur du parcours du patient traumatisé sévère pour en cibler trois problématiques clefs et tenter de répondre aux interrogations qu’elles génèrent. Les données utilisées provenaient essentiellement d’un observatoire de traumatologie lourde hospitalier (Traumabase®), régional et national, qui collige un ensemble de variables épidémiologiques, cliniques, paracliniques, et thérapeutiques des patients traumatisés sévères admis en centre de traumatologie. Le premier projet a ciblé l’orientation initiale (triage) des patients traumatisés sévères suite à un accident de la circulation au sein de la région Île de France et son effet sur la mortalité. Les patients initialement mal triés, transférés secondairement dans les centres de traumatologie régionaux, ne présentaient pas un pronostic plus sombre que les patients qui étaient transportés directement. Le système de soin dans son ensemble permettait de leur assurer un devenir équivalent. Une analyse en population réalisée par un chainage probabiliste des données avec les fiches d’accident de l’observatoire national de la sécurité routière a permis d’approcher le taux de sous triage conduisant au décès dans la région (0,15%) et d’objectiver que 60% des décès survenaient avant toute admission hospitalière. Le second projet visait l’optimisation de la jonction entre l’équipe médicalisée préhospitalière et l’équipe intrahospitalière.
Il s’est attelé à développer un outil de prédiction de la sévérité des patients hémorragiques pour permettre l’anticipation de l’admission des patients les plus graves. Cet outil, le Red Flag, avait pour cahier des charges d’être simple et pragmatique, et de ne pas nécessiter de dispositif externe pour l’utiliser. Il a identifié cinq caractéristiques (shock index>1, pression artérielle moyenne <70mmHg, hémoglobine capillaire < 13g/dL, bassin instable et intubation), dont la présence de deux ou plus d’entre-elles permettait d’activer l’alerte pour l’hôpital receveur. Cet outil devra être évalué en prospectif pour confirmer ses performances et évaluer son impact sur l’organisation et le devenir des patients. Le troisième projet de recherche ciblait plus spécifiquement une des thérapeutiques de la coagulopathie aigue du traumatisé sévère en choc hémorragique. Il a tenté de quantifier l’impact de l’administration de concentré de fibrinogène à la phase précoce du choc hémorragique traumatique (6 premières heures) sur la mortalité toutes causes confondues des 24 premières heures par une approche d’inférence causale (score de propension et méthode d’estimation double robuste). Il n’a pas été retrouvé d’effet significatif sur la mortalité, un manque de puissance pouvant être responsable de ce résultat (différence de risque observée : -0,031, intervalle de confiance 95% [-0,084 ; 0,021]). Ainsi l’ensemble de ces 3 projets de recherche ont permis de répondre à des problématiques ciblées du parcours du patient traumatisé sévère, générant par la même de nouvelles perspectives d’analyse pour mieux circonscrire les réponses de terrain.
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Title : Prehospital management of severe trauma patients in France : triage and care process
Keywords : traumatology, patient pathway, mortality, organization
Abstract : In France, the third most frequent cause of disability adjusted life years lost is trauma, an observation that makes trauma a public health challenge. However, investment in trauma care and specific research fails to meet this challenge and to acknowledge the associated societal and economic impact. The purpose of this research was to explore the core of the pathway of a major trauma patient and bring to light key issues and question and to find answers. The data used in this research were mainly extracted from a regional and national trauma registry, the Traumabase®. The registry collects epidemiological, clinical, paraclinical and therapeutic variables for patients with severe trauma admitted to participating trauma centres. The first project focused on the effects of triage on patients with severe trauma following a road traffic accident in the Ile de France region. Patients who were initially under triaged and then transferred to regional trauma centres did not have a worse prognosis than patients who were transported directly. The emergency medical system as a whole ensured that they would have an equivalent outcome. A population analysis carried out by a probabilistic data chainage using the accident records of the National Road Safety Observatory made it possible to approach
the undertriage rate leading to death in the region (0.15%) and to reveal that 60% of deaths occurred before any hospital admission. The second project developed a pragmatic pre-alert tool based on simple, clinical prehospital criteria to predict acute hemorrhage in trauma patients. This tool is meant to increase the performance of the receiving hospital trauma team of these critically sick patients and activate a specific hemorrhage pathway. The study identified five variables (shock index>1, mean blood pressure <70mmHg, capillary hemoglobin <13g/dL, unstable pelvis and intubation). If two or more variables were present, the tool identified patient with acute hemorrhage and the corresponding pathway should be activated. This tool requires prospective validation and assessment of its impact on care provision and patient outcome. The third research project focused on a therapeutic component of trauma induced coagulopathy. The study attempted to quantify the effect of fibrinogen concentrate administration at the early phase of traumatic hemorrhagic shock (first 6 hours) on 24 hours all-cause mortality using a causal inference approach (propensity score and double robust estimator). The research did not demonstrate any impact on mortality (observed risk difference: -0.031, 95% confidence interval [-0.084; 0.021]); a lack of power might be responsible for this result.