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La Gazette n° 270 - Du 1er au 28 mars 2012

23Réactions à chaud

La Gazette Selon la commission Énergie 2050mandatée par le gouvernement, il faut prolongerla durée de vie des centrales nucléaires de 40à 60 ans…Thierry SalomonC’est la politique de l’autruche,un déni de réalité. EDF va devoir investir plusde 50 milliards d’euros pour mettre à niveaules réacteurs, sans aucune assurance que

l’Autorité de sûreté nucléaire lui donne l’au-torisation d’exploiter. Prolonger à 60 ans est extrêmement risqué: les aciers spéciaux dela cuve des réacteurs sont irradiés en perma-nence et, selon des experts indépendants, peu-

 vent devenir plus cassants. En cas de problème,ça peut créer des fissures, avec fuite du circuit primaire, impossibilité de refroidir et fontedu cœur en quelques heures. Comme àFukushima. Le risque du nucléaire est faible,mais les conséquences sont immenses et impli-quent les générations futures.

Pour faire baisser le prix du pétrole, selon le PDGde Total, il suffirait d’extraire le gaz de schistedans le Sud-Est…Oui, bien sûr, oui, on peut faire n’importequoi, pas de problème. On peut foutre en l’airl’ensemble du système hydro-géologique vital,depuis le plateau du Larzac jusqu’à Sète. C’est 

assez effrayant, cette fuite en avant qui privi-légie le profit à court terme au mépris desconséquences, sans regarder les alternatives.C’est paresseux et irresponsable!

Cette stratégie risque de coûter cher, non ?Il faut comparer un tel scénario à celui de l’inac-tion… qui va elle aussi nous coûter très cher!La transition énergétique n’est pas un gadget ou un simple embellissement, c’est fondamen-tal. Et très souvent, la réduction d’un gaspillagepeut se faire à coût nul. Exemple: à la gare deLyon à Paris, 10 écrans vidéo de pub le longdes escalators utilisent 200000 kWh d’énergieprimaire. Avec la même énergie, dans des bâ-timents très basse consommation, on peut chauffer 120 familles! Or 5 à 6millions de per-sonnes vivent dans la précarité énergétique,les gamins ont froid. Préfère-t-on allumer despanneaux publicitaires ou assurer les usagesessentiels de façon intelligente? C’est l’heuredes choix.

Si on n’entame pas de transition énergétique,quels sont les risques?C’est assez difficile de faire sentir l’urgence: lesproblèmes énergétiques sont lents et diffus,

mais on en arrive à être étranglés. Le prix dupétrole va doubler ou tripler dans quelques an-nées, le gaz grimpe. Le risque est de tomber enpénurie très importante, assortie d’une criseéconomique majeure. On risque de ne plus pou-

 voir se chauffer, ni se nourrir: sans énergiepour les transports, notre autonomie alimen-taire se compte en jours… Ce qui est intéressant dans le scénario négaWatt, c’est la sécurité qu’ilapporte vis-à-vis de toutes les futures crises del’énergie.

Vous semblez pessimiste…Au contraire! Il faut simplement avoir l’intelli-gence de penser la catastrophe pour qu’ellen’arrive pas. Au lieu de faire abstraction descoûts à venir, d’évacuer le problème du risqueet de s’aveugler en disant “on ne peut pas faireautrement”… Comme actuellement le gouver-nement et la commission Énergie 2050 (voir encadré).

Mais pourquoi ne pas rester sur le nucléaire fran-çais, bon marché, sans gaz à effet de serre… ?Parce que c’est une énergie risquée, chère et fondée sur des mythes. Ça fait 40 ans que laFrance essaie de justifier son programme nu-cléaire à tout prix. La Cour des comptes vient de montrer que le nucléaire coûte bien pluscher que ce qu’on nous a fait croire. Si on intègrecorrectement les charges futurs, il est déjà aumême prix que l’éolien terrestre, plus cher quela biomasse*… Et aucune compagnie d’assu-rances ne veut assurer contre les risques nu-cléaires, regardez les clauses de vos contrats!Le CO2? Le nucléaire en émet à travers son ex-traction, le béton des centrales, c’est loin d’êtrenégligeable. Indépendance énergétique? Onl’enrichit en France, mais on importe 100 %de notre uranium, la matière première. C’est comme si on disait que le pétrole était françaisparce qu’on le raffine à Fos-sur-Mer! Impossiblede faire autrement? Dans notre scénario, nousavons modélisé l’arrêt progressif de toute pro-

duction nucléaire en 2033…Vos idées sont-elles reprises pour la présiden-tielle?Depuis Fukushima, nous sommes de plus enplus écoutés. La perception a changé, les genss’aperçoivent que l’énergie est une question desociété. Le scénario négaWatt est désormaiscité sur un spectre politique très large, deCorinne Lepage à Jean-Luc Mélenchon. Peu àpeu, nos idées infusent. Mais le PS est totalement tiraillé sur ces questions. L’UMP, lui, continuede s’enfermer dans le dogme du nucléaire.

* Gaz issu de sous-produits agricoles ou agroali- mentaires (la “biomasse”).

!REPÈRES1954: Naissance de

Thierry Salomon1988: Création del’association Gefosat(Mèze et Montpellier)

1999: La Maison desnégaWatts, avecStéphane Bedel

2001 : Création d’Izubaénergies, bureaud’études et coopérative,sur l’Écosite de Mèze.

2003: Président del’association négaWatt.

2007 : Prix Eurosolar

Sept. 2011 : ScénarionégaWatt 2011-2050.

Fév. 2012 : Parution duManifeste négaWatt ,éd. Actes Sud.

propos recueillis par Raquel Hadida /

photo Raquel Hadida /

La démarche négaWatt

CBasée à Mèze, et de dimensionnationale, l’association négaWatt

regroupe 25 experts en énergie et un millierde citoyens. Leur idée: explorer tous lesgisements de non-consommation d’énergie,les “négaWatts” (formule en contrepoint desmégawatts) qui sont à notre portée. Nouspourrions ainsi réduire nos besoins de 65 % enmoins de 40 ans, tout en maintenant un “hautniveau de services énergétiques” pour sechauffer, se déplacer, s’éclairer, fairefonctionner nos appareils… Et faire face ainsi àtrois défis majeurs : la raréfaction des énergiesfossiles (pétrole, gaz, charbon…), lechangement climatique et les risquesnucléaires.NégaWatt a élaboré un scénario énergétique2011-2050 basé sur trois piliers:• La sobriété consiste à hiérarchiser nosbesoins individuels et collectifs, pour éliminerinutile et superflu.• L’efficacité permet de réduire les pertesd’énergie de la ressource “primaire” àl’utilisateur final, en privilégiant le matériel etles dispositifs les plus judicieux parmi lestechniques existantes.• Le recours prioritaire aux énergiesrenouvelables, par la combinaison d’unedizaine de filières, comme l’éolien, lephotovoltaïque, mais surtout le gaz issu debiomasse, des produits végétaux non-

concurrents avec l’alimentation.

La méthode du scénario négaWattPendant un an, 12 experts indépendants ontanalysé plus de 2500 paramètres. Ils ontintégré plus d’un million de données pour lessecteurs du bâtiment, du transport, del’industrie et de l’agriculture. Ils ont simulél’équilibre entre l’offre et la demanded’énergie entre 2011 et 2050, année par annéeet heure par heure! Puis ils ont comparé lesrésultats à un scénario “tendanciel”, dans lacontinuité des choix actuels. Résultat : un outilsérieux d’aide à la décision. Préfacé parStéphane Hessel, l’ouvrage ManifestenégaWatt, Réussir la transition énergétique,éd. Actes Sud, présente ce scénario de façonvivante et accessible, assorti de dixpropositions concrètes pour agir. Plus d’infossur www.negawatt.org

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