détection portale des nutriments et contrôle de l'homéostasie
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Dtection portale des nutriments et contrle delhomostasie nergtique par laxe nerveux
intestin-cerveauFilipe De Vadder
To cite this version:Filipe De Vadder. Dtection portale des nutriments et contrle de lhomostasie nergtique par laxenerveux intestin-cerveau. Endocrinologie et mtabolisme. Universit Claude Bernard - Lyon I, 2014.Franais. .
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01058661https://hal.archives-ouvertes.fr
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N dordre 113-2014 Anne 2014
THESE DE LUNIVERSITE DE LYON
Dlivre par
LUNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1
ECOLE DOCTORALE BMIC
DIPLOME DE DOCTORAT
(arrt du 7 aot 2006)
soutenue publiquement le 30 juin 2014
par
M. DE VADDER Filipe
TITRE :
Dtection portale des nutriments et contrle de lhomostasie nergtique par laxe nerveux intestin-cerveau
Directeur de thse : M. Gilles MITHIEUX
JURY : Mme Agns BERNET, prsidente du jury
M. Christophe MAGNAN, rapporteur M. Herv BLOTTIRE, rapporteur M. Patrice CANI, examinateur M. Franois LEULIER, examinateur M. Gilles MITHIEUX, directeur de thse
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UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1
Prsident de lUniversit
Vice-prsident du Conseil dAdministration
Vice-prsident du Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire
Vice-prsident du Conseil Scientifique
Directeur Gnral des Services
M. Franois-Nol GILLY
M. le Professeur Hamda BEN HADID
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COMPOSANTES SANTE
Facult de Mdecine Lyon Est Claude Bernard
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Directeur : M. le Professeur J. ETIENNE
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COMPOSANTES ET DEPARTEMENTS DE SCIENCES ET TECHNOLOGIE
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Dpartement Biologie
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UFR Sciences et Techniques des Activits Physiques et Sportives
Observatoire des Sciences de lUnivers de Lyon
Polytech Lyon
Ecole Suprieure de Chimie Physique Electronique
Institut Universitaire de Technologie de Lyon 1
Institut Universitaire de Formation des Matres
Institut de Science Financire et d'Assurances
Directeur : M. le Professeur F. DE MARCHI
Directeur : M. le Professeur F. FLEURY
Directeur : Mme le Professeur H. PARROT
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Directeur : Mme S. FLECK
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Directeur : M. C. COLLIGNON
Directeur : M. B. GUIDERDONI
Directeur : M. P. FOURNIER
Directeur : M. G. PIGNAULT
Directeur : M. C. VITON
Directeur : M. A. MOUGNIOTTE
Administrateur provisoire : M. N. LEBOISNE
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1
La science, mon garon, est faite d'erreurs, mais d'erreurs qu'il est bon de commettre, car
elles mnent peu peu la vrit.
Jules Verne, Voyage au centre de la Terre
Le gras, cest la vie !
Karadoc de Vannes
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Remerciements
Tout dabord, je souhaite remercier Gilles Mithieux, qui ma accueilli dans son unit, ce qui a dmarr
une trs belle histoire scientifique et humaine. Je garderai toujours le souvenir des entretiens interminables dans
le bureau, des discussions parfois animes (vive les souris axniques !), mais galement des moments partags
autour dune mousse, qui nous ont fait rigoler plus dune fois (cher congrs de Heidelberg).
Ma gratitude va galement Agns Bernet, Herv Blottire, Christophe Magnan, Patrice Cani et
Franois Leulier, pour avoir accept de juger cette thse. En particulier, je remercie Patrice Cani et Agns Bernet
pour avoir suivi mon travail lors des comits de suivi de thse. Je remercie de mme Gabriel Lepousez et Ccile
Viollet, qui mont offert ma premire opportunit de me confronter la science dans un laboratoire et mont
form dans les techniques de neurosciences, ainsi qu Hans-Rudi Berthoud, chez qui jai fait un stage
scientifiquement trs enrichissant.
Je voudrais galement remercier Fredrik Bckhed et Petia Kovatcheva, dont le travail en collaboration a
permis la publication de mon deuxime article. Tack Fredrik de maccueillir dsormais dans son laboratoire en
Sude pour poursuivre ma carrire scientifique.
Merci galement Chantal Watrin, Jrme Honnorat, Armelle Paquet et Nicolas Gadot, qui ont
toujours mis ma disposition le matriel ncessaire mes expriences.
Je souhaite galement remercier les membres de lunit 855, pour leur accueil, aide, rires, discussions
scientifiques et bons moments lors de ces annes. Merci Carine chirurgien du tonnerre et Adeline
toujours dispo pour aider , avec qui jai partag mon bureau et qui mont aid acqurir mes (quasi-
inexistantes) capacits de chirurgien. Merci mes co-thsardes Jennifer je ne sais pas contenir mon rire ,
Daisy il est fou ce type , Aude plus fort que moi tu meurs , Julie brune mais blonde , Sylvie la
poisse , et Flore oh le pauvre , ainsi qu mon seul co-thsard Julien bande de PQ pour les moments
passs avec vous dans la rigolade ; moments partags avec Blandine je ris presque aussi fort quAude , Anne
Titanne , Fanny jai une thorie diffrente sur ce film , Nicolas 86 , dont les post-it immortels ornent
dsormais nos bureaux. Merci aussi Amandine je rle mais sans me fcher , qui a t bien plus quune
collgue, Fabienne chocolate lover et Maud je ne peux arrter de courir . Enfin, merci tous ceux que
jai cotoys ces annes : Marie-Ange, Anne Delorme et Anne Stefanutti, Armelle, Jean-Andr, Marta, Monika,
Aya La liste est longue !
Merci tous les amis qui sont venus me voir Lyon pendant la thse : Diego, Pol, Agathe, Julien, Imen
et Florent, Vincent. Merci galement tous ceux qui se sont dplacs pour la soutenance. Votre prsence des
moments parfois difficiles a t prcieuse. Et merci Pinouz pour mavoir montr quune vie de doctorant nest
pas une vie monacale, mais bien des annes de moments lgendaires (et de bars introuvables !).
Je voudrais tmoigner tout mon amour et ma reconnaissance ma famille : Maman, je te dois tout, plus
que je ne pourrais crire. De todo corazn, muchas gracias por haber sido y seguir siendo la mejor. Shonke,
merci dtre un frre exceptionnel et les mots me manquent pour le dire. Votre prsence (malgr la distance) et
votre ducation mont permis datteindre ce point. Je vous suis reconnaissant jamais.
Enfin, je ne peux conclure sans remercier Amandine, qui a t mes cts pendant cette thse. Merci de
me soutenir sans faille, mme dans les dcisions difficiles impliquant ma carrire et notre futur. Il est difficile de
dire en quelques lignes toute ma gratitude. Merci tout simplement davoir toujours t l pour moi.
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Abrviations
ACTH : Adrenocorticotropic hormone, hormone corticotrope
AGCC : Acide gras chane courte
AgRP : Agouti-related peptide
AMPK : AMP-activated protein kinase, kinase active par lAMP
Angplt4 : Angiopoietin-like protein 4
AP : Area postrema
ARC : Arcuate nucleus, noyau arqu
CART : Cocaine- and amphetamine-regulated transcript, transcrit rgul par la cocane et les
amphtamines
CCK : Cholcystokinine
DMN : Dorsal medial nucleus, noyau dorso-mdian
dmnX : Noyau moteur du nerf vague
DVC : Dorsal vagal complex, complexe dorsal vagal
FFAR : Free fatty acid receptor, rcepteur des acides gras libres
FXR : Farnesoid X Receptor
F-1,6-BPase : Fructose-1,6-bisphosphatase
GIP : Glucose-dependent insulinotropic peptide, peptide insulinotrope dpendant du glucose
GLP-1 : Glucagon-like peptide 1
GLP-2 : Glucagon-like peptide 2
GHS-R : Growth-hormone-secretagogue receptor, rcepteur au scrtagogue de lhormone de
croissance
G6Pase : Glucose-6-phosphatase
IMC : Indice de masse corporelle
LPL : Lipoprotine lipase
MOR : Mu-opioid receptor, rcepteur -opiode
MSH : Melanocyte-stimulating hormone, hormone mlanotrope
mTOR : Mammalian target of rapamycin
LHA : Lateral hypothalamic area, hypothalamus latral
NAcc : Noyau accumbens
NGI : Noglucogense intestinale
NO : Monoxyde dazote
NPY : Neuropeptide Y
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4
NTS : Nucleus of the solitary tract, noyau du tractus solitaire
OLETF : Otsuka Long-Evans Tokushima Fatty
OMS : Organisation Mondiale de la Sant
PBN : Parabrachial nucleus, noyau parabrachial
PEG : Production endogne de glucose
PEPCK : Phosphonolpyurvate carboxykinase
Pi : Phosphate inorganique
PIG : Production intestinale de glucose
POMC : Pro-opiomlanocortine
PVN : Paraventricular nucleus, noyau paraventriculaire
PYY : Peptide YY
SGLT3 : Sodium/glucose transporter 3, transporteur de glucose et de sodium 3
SNP : Systme nerveux priphrique
TMA : Trimthylamine
TMAO : Trimthylamine-N-oxyde
VIP : Vasoactive intestinal peptide, peptide vasoactif intestinal
VLDL : Very low-density lipoprotein, lipoprotine trs faible densit
VMN : Ventral medial nucleus, noyau ventro-mdian
VTA : Ventral tegmental area, aire tegmentaire ventrale
5-HT : 5-hydroxytryptamine (srotonine)
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5
Table des matires
AVANT-PROPOS .................................................................................................................... 7
DONNES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................... 10 1. LA PRODUCTION ENDOGNE DE GLUCOSE ...............................................................11
1.1 Les voies mtaboliques de production ............................................................................................... 11 1.1.1. La glycognolyse ....................................................................................................................... 11 1.1.2. La noglucogense ..................................................................................................................... 12
1.2 Rles complmentaires des organes producteurs de glucose dans lhomostasie glucidique ........... 13 1.2.1. Le foie ........................................................................................................................................ 13 1.2.2. Le rein ........................................................................................................................................ 13 1.2.3. Lintestin .................................................................................................................................... 14
2. LAXE INTESTIN-CERVEAU ET LE CONTRLE DE LA PRISE ALIMENTAIRE ..15 2.1 Innervation de lintestin par le systme nerveux priphrique (SNP) ............................................... 15
2.1.1. Linnervation vagale .................................................................................................................. 15 2.1.2. Linnervation sympathique ........................................................................................................ 16 2.1.3. Le systme nerveux entrique .................................................................................................... 16
2.2 Les hormones gastro-intestinales et la rgulation de lhomostasie nergtique ............................... 17 2.2.1. La ghrline ................................................................................................................................. 18 2.2.2. La cholcystokinine ................................................................................................................... 18 2.2.3. Le peptide YY ............................................................................................................................ 19 2.2.4. Le glucagon-like peptide-1 (GLP-1) .......................................................................................... 20 2.2.5. Le glucose-dependent insulinotropic peptide (GIP) .................................................................. 21 2.2.6. La srotonine .............................................................................................................................. 21
2.3 La dtection des nutriments et le contrle de la prise alimentaire par le systme nerveux hpato-portal ........................................................................................................................................................... 22
2.3.1. La dtection des nutriments ....................................................................................................... 22 2.3.2. Le glucose portal et la sensation de satit ................................................................................ 23 2.3.3. Mcanismes molculaires de dtection du glucose portal ......................................................... 23
2.4 Contrle central de la prise alimentaire ............................................................................................. 24 2.4.1. Intgration des signaux par lhypothalamus et le tronc crbral ............................................... 24 2.4.2. Lhypothalamus ......................................................................................................................... 25
2.4.2.1. Les noyaux impliqus dans la prise alimentaire ................................................................. 25 2.4.2.2. Les neurotransmetteurs associs ........................................................................................ 26
2.4.3. Le tronc crbral ........................................................................................................................ 27 2.4.3.1. Le complexe dorsal vagal ................................................................................................... 27 2.4.3.2. Le noyau parabrachial ........................................................................................................ 28
2.4.4. Le choix alimentaire : la rcompense et laversion .................................................................... 28 2.4.4.1. La rcompense .................................................................................................................... 29 2.4.4.2. Laversion ........................................................................................................................... 30
3. LES RGIMES RICHES EN PROTINES ET LE RLE DES RCEPTEURS -OPIODES DANS LA SATIT ...................................................................................................31
3.1 Les effets mtaboliques des rgimes riches en protines ................................................................... 31 3.1.1. Satit et induction de la thermogense ..................................................................................... 31 3.1.2. Contrle de lhomostasie glucidique ........................................................................................ 32 3.1.3. Mcanismes centraux activs par les rgimes hyperprotiques ................................................. 33
3.2 La rgulation de la balance nergtique par les rcepteurs -opiodes (MOR) ................................. 33 3.2.1. Les rcepteurs -opiodes centraux ............................................................................................ 33 3.2.2. Les rcepteurs -opiodes priphriques .................................................................................... 34
3.3 Les peptides opiodes ......................................................................................................................... 34 3.3.1. Les opiodes endognes ............................................................................................................. 34 3.3.2. Les opiodes provenant de la protolyse : une connexion entre la digestion protique et les MOR ?... ................................................................................................................................................... 35
3.4 La noglucogense intestinale, lien entre digestion protique et satit ............................................ 36 4. INTERACTIONS FONCTIONNELLES ENTRE LE MICROBIOTE INTESTINAL ET LE MTABOLISME DE LHTE LORS DES RGIMES RICHES EN FIBRES SOLUBLES .......................................................................................................................................37
4.1 Microbiote intestinal et nutrition ........................................................................................................ 37 4.1.1. Dveloppement et composition du microbiote intestinal ........................................................... 37
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6
4.1.2. Modulation de la composition du microbiote par lalimentation ............................................... 38 4.2 Mtabolisme bactrien dans lintestin ................................................................................................ 39
4.2.1. Contrle microbien du mtabolisme des acides biliaires ........................................................... 39 4.2.2. Mtabolisme microbien de la choline ........................................................................................ 40 4.2.3. Mtabolisme microbien des polysaccharides ............................................................................. 41
4.2.3.1. Les polysaccharides non solubles ...................................................................................... 41 4.2.3.2. Lutilisation de substrats provenant de lhte .................................................................... 41 4.2.3.3. Le mtabolisme des acides gras chane courte (AGCC) ................................................. 42
4.3 Le microbiote intestinal et le mtabolisme de lhte ......................................................................... 44 4.3.1. Microbiote et obsit .................................................................................................................. 44 4.3.2. Le microbiote intestinal et la rcolte dnergie .......................................................................... 45 4.3.3. Microbiote intestinal et lipogense de novo .............................................................................. 46
4.4 Les AGCC et leurs effets bnfiques lors des rgimes riches en fibres ............................................. 46 4.4.1. Les rgimes riches en fibres ....................................................................................................... 46 4.4.2. Les AGCC et leur rle sur le mtabolisme ................................................................................ 47 4.4.3. Les rcepteurs des AGCC et leur rle dans le mtabolisme ...................................................... 49
RSULTATS .......................................................................................................................... 51 Duraffourd, C., De Vadder, F., et al. (2012) Cell 150, 377-388. .......................................................52 De Vadder, F., et al. (2014) Cell 156, 84-96. .....................................................................................74 De Vadder, F., et al. En prparation ..................................................................................................96
DISCUSSION GNRALE ................................................................................................ 109
TRAVAUX PERSONNELS ................................................................................................ 115
RFRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................... 118
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7
AVANT-PROPOS
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8
Lobsit correspond, selon la dfinition de lOrganisation Mondiale de la Sant
(OMS), une accumulation excessive de graisses prsentant un risque potentiel pour la
sant . Une personne ayant un indice de masse corporelle (IMC) suprieur ou gal 30 est
considre comme obse, alors que le surpoids est dfini par un IMC suprieur 25.
Considre comme un phnomne pidmique par lOMS depuis 1997, on estimait en 2008
quil existait plus d'1,4 milliard dadultes en surpoids, parmi lesquels 500 millions taient
obses. Lobsit rsulte dune drgulation entre dpenses et apports nergtiques, avec la
balance penchant nettement vers ces derniers.
Chaque anne, 2,8 millions de personnes au moins meurent des consquences du
surpoids ou de lobsit, avec une prvalence presque double entre 1980 et 2008. Problme
autrefois rserv aux pays revenu lev, lobsit existe aussi dsormais dans les pays
revenu faible ou intermdiaire. lchelle mondiale, 44% du diabte, 23% des cardiopathies
ischmiques et 7 41% de certains cancers peuvent tre imputs au surpoids et lobsit. La
complication majoritaire associe lobsit est le diabte de type 2, dfini par une glycmie
jeun suprieure ou gale 126 mg/dL (soit 7,0 mmol/L) et/ou une hmoglobine glyque
(HbA1c) suprieure 6,5%. Cette maladie sinstaure par le dveloppement dune rsistance
laction hypoglycmique de linsuline, compense dans un premier temps par une hyper-
insulinmie permettant le maintien dune glycmie normale (Martin et al., 1992; Warram et
al., 1990). Le passage ltat diabtique est caractris par une diminution de la scrtion
dinsuline par le pancras et une augmentation de la production hpatique de glucose (Clore et
al., 2000; Magnusson et al., 1992).
Parmi les recommandations pour combattre lpidmie, il a t convenu que la
promotion dune alimentation saine et de lexercice physique reste la priorit pour les tats
membres de lOMS (Plan daction 2008-2013 pour la Stratgie mondiale de lutte contre les
maladies non transmissibles). Dans ce contexte particulier, la relation lenvironnement
alimentaire constitue une question dtude essentielle. Chez lHomme, cette relation implique
des facteurs aussi bien externes (culturels, socio-conomiques) quinternes (physiologiques et
psychologiques). Ceci multiplie les stratgies de recherche et daction visant rduire la
prvalence de lobsit, en particulier par lducation alimentaire. Le risque de devenir obse
est considrablement amoindri en diminuant les apports en lipides, en limitant la
consommation de sucres rapides et en rduisant la teneur en sel des aliments. Il est
-
9
particulirement recommand de consommer davantage de fruits et lgumes, ainsi que de
lgumineuses, de crales compltes et de fruits secs.
Une amlioration de la qualit de lalimentation constitue donc un moyen efficace de
prvention et lutte contre lobsit et les maladies mtaboliques associes. Parmi les divers
rgimes reconnus pour leurs effets bnfiques, nos tudes ont particulirement port sur les
rgimes riches en protines et les rgimes riches en fibres solubles. Ces rgimes sont connus
pour leurs effets bnfiques chez lHomme (Larsen et al., 2010; Mendeloff, 1977), mais les
mcanismes associs ces amliorations restaient jusqualors mal connus.
Dans la premire partie de ce manuscrit figure une introduction bibliographique qui
dcrit tout dabord la rgulation de la production endogne de glucose dans les organes
producteurs (foie, rein et intestin) ; ensuite sont prsents les mcanismes connus de
communication entre lintestin et le cerveau contrlant la prise alimentaire. Les effets des
rgimes voqus prcdemment sont dcrits par la suite partir de donnes bibliographiques.
Dans la deuxime partie sont prsents les deux articles publis pendant mon doctorat,
qui proposent des mcanismes physiologiques rendant compte des amliorations
mtaboliques lors des rgimes riches en protines et en fibres solubles (Duraffourd et al.,
2012; De Vadder et al., 2014). Ces tudes portent particulirement sur le rle cl de la
production intestinale de glucose dans les amliorations observes. Un troisime article
(soumis ce jour) propose un mcanisme dactivation de la NGI par les neurones entriques
lors des rgimes prcdemments voqus.
Enfin, dans une troisime partie, une discussion gnrale analyse les rsultats de ces
articles en rapport avec dautres donnes publies et ouvre sur les possibilits de poursuite de
ces tudes.
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10
DONNES BIBLIOGRAPHIQUES
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Figure 1. Lquilibre glycmique dans lorganisme.
La glycmie est maintenue stable une valeur autour de 1 g/L. Lors dun dsquilibre (hypo- ou hyperglycmique),
lorganisme adapte sa rponse, ramenant la glycmie vers lquilibre.
(Illustration ralise avec laide de Servier Medical Art)
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11
1. LA PRODUCTION ENDOGNE DE GLUCOSE
La concentration plasmatique de glucose est finement rgule par lorganisme autour
dune valeur de 1 g/L (soit 5,56 mmol/L). Le glucose est la source principale dnergie pour
les cellules de lorganisme, permettant notamment le fonctionnement des hmaties, du
cerveau et des muscles contraction rapide. Lquilibre glycmique (Figure 1) est notamment
le rsultat dune balance entre :
la consommation de glucose par les organes et le stockage nergtique sous forme de
glycogne (glycognogense) et de triglycrides (lipogense),
les apports alimentaires de glucose et la production endogne de glucose dautre part.
La production endogne de glucose (PEG) permet lapport de glucose lors dpisodes
hypoglycmiques non compenss par un apport exogne. Elle est possible par deux voies
mtaboliques : la glycognolyse dans le foie et la noglucogense dans le foie, le rein et
lintestin (Croset et al., 2001; Rajas et al., 1999).
1.1 Les voies mtaboliques de production
1.1.1. La glycognolyse
La glycognolyse (Figure 2) est le processus permettant la libration de glucose
partir des stocks de glycogne endogne. Alors que le muscle utilise son stock de glycogne
pour un apport dnergie in situ, le foie fournit le glucose ncessaire au fonctionnement de
lorganisme.
La glycogne phosphorylase clive le glycogne par addition dun phosphate (Pi) pour
former du glucose-1-phosphate selon lquation :
Glycognen+1 + Pi -> glycognen + glucose-1-phosphate
Le glucose-1-phosphate libr par cette dgradation peut tre converti en glucose-6-
phosphate par la phosphoglucomutase. Le clivage phosphorolytique du glycogne est
nergtiquement avantageux car le sucre libr est dj phosphoryl. La phosphorylase ne
peut cliver les branchements du glycogne : une enzyme dbranchante double activit
(glucosyltransfrase et -1,6 glucosidase) remodle le glycogne pour la dgradation par la
phosphorylase (Figure 2).
-
Figure 2. La glycognolyse.
La dgradation du glycogne est le rsultat de 3 ractions catalyses, chez les Mammifres, par deux enzymes : une
glycogne phosphorylase et une enzyme dbranchante double activit (en vert dans la figure).
-
12
La glycognolyse hpatique est majoritairement dclenche lorsque lorganisme a
besoin de produire du glucose court terme. En effet, les rserves de glycogne hpatique
spuisent aprs environ 24 h de jene chez lHomme et 12 h chez la souris (Nilsson, 1973).
1.1.2. La noglucogense
La noglucogense correspond la production de novo de glucose partir de
prcurseurs endognes non glucidiques (Figure 3). Bien que cette voie soit prsente dans trois
organes diffrents, il existe une slectivit des organes pour les substrats.
Dans le foie, les substrats principaux sont le lactate et lalanine (Benoy et Elliott,
1937). Ces deux molcules sont converties en pyruvate par respectivement la lactate
dshydrognase et lalanine transaminase. Le pyruvate est par la suite converti en
oxaloactate par la pyruvate carboxylase.
Dans le rein et lintestin, le prcurseur principal identifi est la glutamine (Croset et
al., 2001; Stumvoll et al., 1998, 1999), qui est dabord transforme en glutamate puis
en -ctoglutarate par la glutamate dshydrognase (dans le rein) ou lalanine
transaminase (dans lintestin). Cette dernire molcule est transforme lors du cycle
du Krebs, fournissant in fine de loxaloactate, utilisable lors de la noglucogense.
Le glycrol provenant de lhydrolyse des triglycrides peut tre, en moindre mesure,
galement utilis dans les trois organes (Bowman, 1970; Cochrane et Ottaway, 1970;
Croset et al., 2001). Il est converti en glycrol-3-phosphate puis en dihydroxyactone
phosphate lors de la noglucogense.
Chez la plupart des ruminants, le substrat principal de la noglucogense est le
propionate, produit lors de la fermentation des fibres solubles par les bactries
commensales intestinales (Aschenbach et al., 2010; Landau et al., 1993). Le
propionate est dabord converti en propionyl-coA puis en mthylmalonyl-coA dans la
mitochondrie. Cette dernire molcule est convertie en succinyl-coA par la
mthylmalonyl-coA mutase.
La plupart des tapes de la noglucogense sont les ractions inverses de celles de la
glycolyse. Cependant, dans la glycolyse, trois ractions sont fortement exergoniques et donc
irrversibles. Elles sont remplaces dans la noglucogense par des ractions
thermodynamiquement plus favorables. Ces ractions font intervenir des enzymes spcifiques
de la PEG, donc des cibles cls de sa rgulation. Il sagit de la phosphonolpyruvate
-
Figure 3. Les voies de la noglucogense chez les Mammifres.
Les substrats noglucogniques sont indiqus en rouge, les enzymes spcifiques de la voie en vert. Les ractions couples
des coenzymes redox/ATP sont indiques avec des flches bleues. Les flches vertes indiquent la navette malate/aspartate,
permettant lexport de loxaloactate dans le cytosol.
-
13
carboxykinase (PEPCK), qui transforme loxaloactate en phosphonolpyruvate, la fructose-
1,6-bisphosphatase (F1,6BPase), qui transforme le fructose-1,6-bisphosphate en fructose-6-
phosphate, et la glucose-6-phosphatase (G6Pase), qui transforme le glucose-6-phosphate en
glucose. Ce systme de contrle permet une inhibition rciproque de la glycolyse et la
noglucogense, et donc vite la formation de cycles futiles.
Contrairement la PEPCK et la F1,6BPase, exprimes dans un grand nombre de
tissus, lexpression de la G6Pase est restreinte trois organes : le foie, le rein et lintestin
(Rajas et al., 1999). Cette spcificit confre ces trois organes la capacit de produire du
glucose par la noglucogense.
Ces organes nont cependant pas la mme importance ni le mme rle dans le
maintien de lhomostasie glucidique.
1.2 Rles complmentaires des organes producteurs de glucose dans lhomostasie
glucidique
1.2.1. Le foie
Le foie est le seul organe pouvant mobiliser la fois la glycognolyse et la
noglucogense. Il est gnralement considr comme le principal producteur de glucose
jeun. Lors dun jene court, le foie utilise principalement ses rserves de glycogne et, si le
jene se prolonge, la noglucogense devient majoritaire partir principalement de lactate et
dalanine (Nordlie et al., 1999). A ltat post-absorptif (5 6h aprs la fin dun repas), le foie
est responsable de prs de 80% de la PEG (Figure 4).
Une trop forte induction de la production hpatique de glucose prsente des effets
dltres sur lorganisme. En effet, lors du diabte de type 2, la noglucogense hpatique est
fortement induite (Clore et al., 2000; Magnusson et al., 1992). De mme, la surexpression de
la G6Pase hpatique chez le rat est responsable dun dsquilibre de lhomostasie glucidique
(Trinh et al., 1998).
1.2.2. Le rein
A ltat post-absorptif, le rein est responsable de 15 20% de la PEG chez le rat
(Mithieux et al., 2006) et de 5 20% chez lHomme (Cersosimo et al., 1999; Ekberg et al.,
1999).
-
Figure 4. Les parts respectives de chaque organe producteur de glucose lors de ltat post-absorptif et le jene
prolong.
(Illustration ralise avec laide de Servier Medical Art)
-
14
Cependant, lors du jene prolong, la part de la production rnale de glucose est
drastiquement augmente chez le rat et lHomme (Ekberg et al., 1999; Mithieux et al., 2006)
(Figure 4). De faon intressante, le rein est galement lorgane majeur de la PEG ltat
post-absorptif lors des rgimes riches en protines (Pillot et al., 2009). Dans ces conditions,
une redistribution de la PEG est observe, avec une diminution de la part hpatique au profit
des parts rnale et intestinale (pour le rein : 15-20% en rgime standard contre environ 45%
en rgime riche en protines).
1.2.3. Lintestin
Depuis environ 15 ans, lintestin a t identifi comme un organe producteur de
glucose (Croset et al., 2001). Il exprime en effet la PEPCK et la G6Pase, localises dans la
partie suprieure des villosits intestinales (Rajas et al., 1999, 2000). La G6Pase est
galement localise dans les cryptes, o le nouvel pithlium est form (Rajas et al., 2007).
La part de lintestin dans la PEG est faible lors des priodes post-absorptives (Figure
4), mais monte 20%, voire 35% lors du jene prolong chez le rat (Croset et al., 2001;
Mithieux et al., 2004a, 2006). Une induction similaire de la production intestinale de glucose
(PIG) a galement t dmontre dans deux autres conditions : lors dun rgime enrichi en
protines (Mithieux et al., 2005) et aprs une chirurgie bariatrique de type by-pass gastrique
(Troy et al., 2008). Chez le rat nourri avec un rgime riche en protines, la PIG reprsente
environ 20% de la PEG post-absorptive. Dautre part, aprs un by-pass gastrique, une
augmentation de lexpression de la G6Pase et de la PEPCK a t observe dans le jjunum et
lilon.
Linduction de la PIG se traduit par une libration de glucose dans la veine porte, qui
collecte le sang provenant de lintestin. A ltat nourri post-absorptif, le glucose libr par la
PIG est dtect par un capteur portal qui transmet le signal au cerveau (Delaere et al., 2012,
2013), activant en retour un arc rflexe central responsable dune augmentation de la
sensibilit priphrique linsuline et de la sensation de satit. Ces amliorations sont
particulirement observes lors des rgimes riches en protines (Mithieux et al., 2005; Pillot
et al., 2009). Le rle jou par la PIG dans la satit initie par les rgimes enrichis en
protines a t confirm rcemment. En effet, les souris invalides spcifiquement pour la
sous-unit catalytique de la G6Pase (G6pc) dans lintestin sont insensibles aux amliorations
observes lors de ces rgimes (Penhoat et al. 2011). De mme, le signal glucose portal induit
-
15
par une augmentation de la PIG est responsable de lamlioration du profil glycmique de
souris ayant subi une intervention de type by-pass gastrique (Troy et al., 2008).
2. LAXE INTESTIN-CERVEAU ET LE CONTRLE DE LA PRISE
ALIMENTAIRE
2.1 Innervation de lintestin par le systme nerveux priphrique (SNP)
Du point de vue anatomique, le SNP peut tre divis en trois rseaux interconnects :
le rseau parasympathique port par les nerfs vagues
le rseau sympathique port en particulier par le nerf splanchnique
le rseau entrique situ dans la paroi gastro-intestinale.
Chacun des rseaux comporte des composantes effrentes (motrices) et affrentes
(sensorielles). Par convention, les appellations systme sympathique et systme
parasympathique sont rserves aux fibres effrentes, tandis que les affrences sont
dsignes par le nerf qui les porte (ex : affrences vagales).
2.1.1. Linnervation vagale
Les nerfs vagues (nerfs crniens X) sont des nerfs mixtes; presque toutes les
neurofibres motrices sont des effrences parasympathiques. Les neurofibres motrices
parasympathiques desservent le cur, les poumons et les viscres abdominaux, et elles
contribuent la rgulation de la frquence cardiaque, de la respiration et de lactivit du
systme digestif. Les nerfs vagues transmettent aussi des influx sensitifs provenant des
viscres thoraciques et abdominaux, des barorcepteurs de la crosse de laorte, des
chmorcepteurs de la crosse de laorte et des glomus carotidiens (chmorcepteurs pour la
respiration) et des calicules gustatifs de la partie postrieure de la langue.
Les deux nerfs vagues (ventral et dorsal) fournissent des neurofibres au cou et aux
plexus nerveux, qui desservent pratiquement tous les organes des cavits thoracique et
abdominale (Berthoud, 2004; Furness, 2012). Les axones pr ganglionnaires des nerfs vagues
mergent principalement des noyaux dorsaux et ambigus du bulbe rachidien et font synapse
avec des ganglions terminaux situs dans les parois de lorgane cible. Lorsque les principaux
troncs des nerfs vagues atteignent lsophage, leurs neurofibres sentremlent et forment les
-
Figure 5. Linnervation du tractus gastro-intestinal par le systme nerveux autonome.
Le systme nerveux sympathique est indiqu en vert, le parasympathique en rouge.
(Illustration ralise avec laide de Servier Medical Art)
-
16
troncs vagaux antrieur et postrieur, qui contiennent chacune des neurofibres provenant des
nerfs vagues. Ces troncs descendent ensuite le long de lsophage jusque dans la cavit
abdominale, et ils mettent des neurofibres par lintermdiaire du plexus aortique abdominal
(form par un certain nombre de petits plexus - par exemple cliaque, msentrique suprieur
et hypogastrique - attachs laorte abdominale) avant de donner des ramifications aux
viscres abdominaux (Figure 5). Les nerfs vagues innervent le foie, la vsicule biliaire,
lestomac, lintestin grle, les reins, le pancras et la moiti proximale du gros intestin (le
rectum tant innerv par les nerfs splanchniques pelviens).
2.1.2. Linnervation sympathique
Linnervation sympathique de labdomen est assure par des neurofibres pr
ganglionnaires provenant de T5 (5me nerf thoracique) L2 (2me nerf lombaire), qui
empruntent certains nerfs splanchniques et font synapse principalement dans le ganglion
cliaque et msentrique suprieur (Furness, 2012). La plupart des neurofibres pr-
ganglionnaires partir de T5 vers le bas font synapse dans des ganglions prvertbraux. Ces
neurones pntrent dans les troncs sympathiques, en sortent sans faire synapse et forment les
nerfs splanchniques. Comme tous les nerfs spinaux, les nerfs splanchniques sont mixtes (i.e.
contiennent des fibres motrices sympathiques et des fibres sensitives). Les nerfs
splanchniques se joignent un certain nombre de plexus enchevtrs qui forment lensemble
du plexus aortique abdominal. Ce plexus nerveux complexe contient plusieurs ganglions:
cliaque, msentrique suprieur et msentrique infrieur, appels suivant les artres
auxquels ils sont associs. Les neurofibres issues de ces ganglions atteignent habituellement
leurs organes cibles en compagnie des artres qui les desservent. Elles desservent lestomac,
les intestins (sauf la moiti distale du gros intestin), le foie, la rate et les reins (Figure 5).
2.1.3. Le systme nerveux entrique
Le tube digestif possde son propre rseau nerveux interne form par les neurones
entriques. Ces neurones sont troitement interconnects et entretiennent dintenses
communications grce auxquelles ils assurent ainsi la rgulation de lactivit du systme
digestif. Les deux principaux plexus nerveux intrinsques (ganglions relis par des voies
nerveuses non mylinises) des parois du tube digestif, soit le plexus sous-muqueux et le
plexus myentrique, sont composs en grande partie de neurones entriques semi-autonomes
-
Figure 6. Anatomie du systme nerveux entrique.
A. Localisation du systme nerveux entrique (reprsent par les plexus dAuerbach, myenteric plexus, et de Meissner ou
sous-muqueux, SMP), (Furness, 2012).
B. Relation du systme nerveux entrique avec les affrences autonomes, (Furness et al., 1998). La plupart des affrences
intrinsques et extrinsques qui innervent lintestin projettent vers la lamina propria de la muqueuse. Celles-ci incluent des
fibres affrentes vagales provenant du ganglion infrieur du nerf vague, des affrences spinales des ganglions spinaux
dorsaux, et des neurones intrinsques (AH, after-hyperpolarizing) localiss dans les plexus entriques. Il existe galement
une classe S de neurones mcanosenseurs dans le plexus myentrique qui ne projette pas vers la muqueuse.
-
17
(Furness, 2012) (Figure 6).
Le plexus sous-muqueux, ou plexus de Meissner, fait partie de la sous-muqueuse. Il
est compos de neurones sensoriels et de neurones moteurs. Ce plexus contient
uniquement des fibres parasympathiques et rgit lactivit des glandes et des muscles
lisses de la muqueuse.
Le plexus myentrique, ou plexus dAuerbach, plus dvelopp, se trouve entre les
couches circulaire et longitudinale de la musculeuse. Les neurones de ce plexus
constituent le principal rseau nerveux de la paroi du tube digestif et en rgissent la
motilit.
Le systme nerveux entrique est reli au systme nerveux central par des neurofibres
viscrales affrentes et par des branches sympathiques et parasympathiques du systme
nerveux autonome, qui pntrent dans la paroi de lintestin et forment des synapses avec les
neurones des plexus intrinsques. Ainsi, les neurofibres du systme nerveux autonome
exercent galement une rgulation extrinsque sur la digestion par lintermdiaire darcs
rflexes longs. De faon gnrale, laction du systme parasympathique accrot la motilit et
la scrtion deau, dlectrolytes et de protines, alors que celle du systme sympathique
inhibe lactivit digestive.
Les ganglions entriques, qui sont largement indpendants, sont bien plus que de
simples relais du systme nerveux autonome, comme cest le cas dans les autres systmes. En
effet, le systme nerveux entrique contient plus de 100 millions de neurones, soit davantage
que la moelle pinire.
2.2 Les hormones gastro-intestinales et la rgulation de lhomostasie nergtique
Le tractus gastro-intestinal est lorgane endocrine le plus grand de lorganisme. Il
libre plus de 20 hormones diffrentes qui influencent un nombre de processus
physiologiques et agissent sur les tissus tels que les glandes exocrines, le muscle lisse et le
systme nerveux priphrique (Figure 7). La plupart de ces peptides sont sensibles au contenu
nutritif du tube digestif. Les sensations court terme de faim et satit sont en grande partie
rgules par des changements coordonns dans les concentrations dhormones gastro-
intestinales circulantes (Berthoud, 2008; Murphy et Bloom, 2006). Le message est alors
transmis par la circulation sanguine ou les affrences vagales en fonction de la localisation
dans lorgane (Figure 8).
-
Figure 7. Localisation des lieux de scrtion des hormones gastro-intestinales et leurs fonctions putatives majeures.
Ces hormones signalent la priphrie et au systme nerveux central, permettant la rgulation dun certain nombre de
processus physiologiques.
(Illustration ralise avec laide de Servier Medical Art)
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18
2.2.1. La ghrline
La ghrline est une hormone peptidique libre dans la circulation par lestomac,
dcouverte en tant que ligand endogne du rcepteur scrtagogue de lhormone de
croissance (growth-hormone-secretagogue receptor, GHS-R). La ghrline est compose de 28
acides amins et est modifie de faon post traductionnelle par laddition dun groupe
octanoyl la srine localise en position trois. Cette acylation est ncessaire pour la liaison au
GHS-R et pour traverser la barrire hmato-encphalique (Kojima et Kangawa, 2005). A ce
jour, la ghrline est le seul facteur gastro-intestinal dcrit qui est capable daugmenter
lapptit. La concentration de ghrline circulante est augmente par le jene, et dcrot aprs
un repas (Janssen et al., 2011b; Kamegai et al., 2000). Ladministration centrale ou
priphrique de ghrline acyle augmente fortement la prise alimentaire. Ces effets valent
souvent lappellation de la ghrline comme hormone de la faim (Kojima et Kangawa,
2005).
Les modles de signalisation anormale par la ghrline montrent des phnotypes
complexes lis lhomostasie nergtique. Les souris dficientes pour le gne de la ghrline
ou pour son rcepteur sont rsistantes lobsit induite par un rgime riche en graisses et en
sucres. Les souris dficientes en ghrline ont galement une prfrence alimentaire modifie,
favorisant la graisse comme source dnergie par rapport aux souris sauvages (Cummings,
2006). Ladministration dantagonistes GHS-R a pour effet de rduire la prise alimentaire
chez des souris (Cummings, 2006). Dautres tudes ont montr que les souris diabtiques
invalides pour la ghrline ont une hyperphagie attnue (Dong et al., 2006), et que la perte
de ghrline rduit le diabte chez les souris ob/ob (Sun et al., 2006).
Le gne qui code pour la ghrline code galement pour un autre peptide appel
obestatine. Des tudes ont montr que ladministration centrale ou priphrique du peptide
rduisait la prise alimentaire et la prise de poids (Zhang et al., 2005). Cependant, des tudes
postrieures ne soutiennent pas lide dun rle de lobestatine dans le contrle de la prise
alimentaire (Gourcerol et al., 2006; Nogueiras et al., 2007).
2.2.2. La cholcystokinine
Dans lintestin proximal, lipides et protines induisent la scrtion de cholcystokinine
(CCK) par les cellules I. La CCK est libre en postprandial depuis le duodnum et le
jjunum. Cette scrtion active les affrences vagales via le rcepteur CCK1 (Moriarty et al.,
-
Figure 8. Dtection des nutriments dans lintestin grle et le clon et scrtion dhormones gastro-intestinales (adapt
de Berthoud, 2008).
(Illustration ralise avec laide de Servier Medical Art)
-
19
1997; Smith et al., 1985). Les antagonistes CCK1 augmentent la prise alimentaire chez le rat
et lHomme, et le rat Otsuka Long-Evans Tokushima Fatty (OLETF), dficient en rcepteur
CCK1, est hyperphagique et obse, suggrant un rle physiologique de la CCK dans le
contrle de la prise alimentaire (Bi et Moran, 2002). Cependant, la perfusion continue de
CCK na pas dinfluence sur la prise alimentaire aprs 24 h, et bien que ladministration
intermittente rduise la prise alimentaire de faon aigu, cet effet est compens par une
augmentation de la prise alimentaire entre les injections (Crawley et Beinfeld, 1983; West et
al., 1984, 1987). Certaines tudes montrent que la CCK ne peut pas activer les circuits vagaux
aux concentrations physiologiques circulantes, suggrant que les actions de la CCK sur la
prise alimentaire rsultent dune action plutt paracrine ou neurocrine quendocrine (Moran,
2000).
2.2.3. Le peptide YY
Le peptide YY (PYY) est une hormone intestinale proche du neuropeptide Y (NPY).
Les deux peptides prsentent un motif structural PP et exercent leurs effets travers la famille
de rcepteurs Y. Le PYY entier se lie avec la mme affinit tous les rcepteurs Y.
Cependant, la plupart du PYY circulant est la forme tronque du ct N-terminal, PYY3-36,
qui se lie prfrentiellement au rcepteur Y2R.
Le PYY est scrt par les cellules L de lintestin distal (ilon et surtout clon). Sa
scrtion est augmente suite un repas et est rduite par le jene. Une administration aigu
de PYY3-36 rduit la prise alimentaire chez les rongeurs et les humains (Batterham et al.,
2002). Cependant, le stress peut rduire la prise alimentaire de base, ce qui peut limiter leffet
des agents anorexignes. Ladministration priphrique de PYY3-36 ne rduit pas la prise
alimentaire chez les rongeurs qui ne sont pas acclimats aux conditions exprimentales, ou
lors dun changement denvironnement (Abbott et al., 2006; Halatchev et al., 2004). Le
rcepteur Y2R sert probablement dintermdiaire des effets anorexignes du PYY3-36, car ils
sont attnus par les antagonistes Y2R (Abbott et al., 2005a) et abolis chez les souris
invalides pour le gne Y2r (Batterham et al., 2002).
Les individus obses ont une sensibilit normale aux effets anorexignes du PYY3-36,
et les taux circulants de PYY ne sont pas augments chez les obses, contrairement aux taux
de leptine (Batterham et al., 2003), ce qui suggre que la libration de PYY nest
probablement pas implique dans ltiologie de lobsit.
-
20
2.2.4. Le glucagon-like peptide-1 (GLP-1)
Le mme type cellulaire qui produit le PYY produit galement un grand prcurseur
protique appel proglucagon. Celui-ci subit un nombre de modifications post-
traductionnelles, dont plusieurs clivages aboutissant des peptides dactivit biologique, tels
que le glucagon, le glucagon-like peptide-1 (GLP-1), le glucagon-like peptide-2 (GLP-2) et
loxyntomoduline.
Le GLP-1 existe sous plusieurs formes, mais la forme circulante la plus commune est
la forme GLP-17-36. Le GLP-1 est libr dans la circulation aprs un repas et est une puissante
incrtine : son administration centrale ou priphrique stimule fortement la scrtion
dinsuline. Ladministration intracrbroventriculaire de GLP-1 rduit drastiquement la prise
alimentaire chez les rongeurs, et ladministration priphrique inhibe lapptit chez les
rongeurs et lHomme (Drucker, 2006).
La salive du monstre de Gila, Heloderma suspectum, un lzard venimeux, contient un
peptide appel exendine-4, qui est un puissant agoniste du rcepteur du GLP-1. Une forme
tronque du peptide, lexendine 9-39, agit comme antagoniste comptitif sur le mme
rcepteur. Une administration intracrbroventriculaire aigu dexendine 9-39 augmente la
prise alimentaire, et une administration chronique augmente la prise de poids. Il semble donc
que la signalisation priphrique par le GLP-1 intervienne dans les mcanismes
physiologiques qui rduisent lapptit et la prise alimentaire suite un repas. Cependant, la
prise alimentaire et le poids des souris invalides pour le rcepteur du GLP-1 ne sont pas
modifis (Drucker, 2006).
Le GLP-1 et le PYY ont la particularit dtre clivs rapidement dans la circulation
par la dipeptidyl peptidase IV (Eberlein et al., 1989; Mentlein et al., 1993), ce qui participe
la complexit des mcanismes associs ces facteurs. Dans le cas du GLP-1, son clivage
provoque son inactivation, ce qui suggre que la fixation du peptide intestinal aux affrences
vagales abdominales (Kakei et al., 2002; Nakagawa et al., 2004) est le support majeur de ses
effets physiologiques.
Dans le cadre dun by-pass gastrique, une augmentation de la scrtion du GLP-1 est
observe (Shah et al., 2014). Cependant, il ne semble pas que cette scrtion soit responsable
de la perte de poids, mais serait associe une amlioration de la scrtion dinsuline (Troy et
al., 2008).
-
21
2.2.5. Le glucose-dependent insulinotropic peptide (GIP)
Le GIP est un peptide 42 acides amins libr par les cellules K du duodnum aprs
lingestion des aliments (Buchan et al., 1978; Carr et al., 2008). Les souris invalides pour le
rcepteur du GIP sont rsistantes lobsit lorsquelles sont nourries avec un rgime riche en
graisses (Miyawaki et al., 2002). Les explications de ce phnotype sont peu claires. Il est
probable que la rsistance lobsit soit le fait dun effet du GIP sur le mtabolisme des
adipocytes, via des effets sur la lipolyse notamment (Timper et al., 2013).
Contrairement aux hormones prcdentes, le GIP ne semble pas impliqu dans la
modulation de la prise alimentaire.
2.2.6. La srotonine
La majorit (environ 90%) de la srotonine (5-HT) de lorganisme est synthtise,
stocke et libre partir dune population de cellules entroendocrines appeles cellules
entrochromaffines (Mawe et Hoffman, 2013). Les premires tentatives pour enregistrer
lactivit des affrences extrinsques de lintestin se sont rvles infructueuses jusquaux
annes 1950. Une tude a alors dmontr que les fibres sensorielles quiescentes innervant
lestomac et lintestin pouvaient tre actives par une infusion vasculaire de phnyldiguanide
(Paintal, 1954). Cet agent a t par la suite identifi comme un puissant agoniste du rcepteur
de la srotonine 5-HT3.
Les affrences vagales du tractus gastro-intestinal suprieur sont actives par la
scrtion de 5-HT dans lintestin. Des tudes pharmacologiques et immunohistochimiques ont
dmontr que les affrences vagales dans la muqueuse intestinale expriment le rcepteur 5-
HT3 (Glatzle et al., 2002; Hillsley et Grundy, 1998). De plus, linfusion de solutions
hyperosmotiques ou de produits de dgradation des glucides dans le lumen du duodnum
induit la libration de 5-HT par les cellules entrochromaffines, agissant sur les rcepteurs 5-
HT3 et stimulant ainsi les affrences vagales (Zhu et al., 2001). La prsence de glucose dans
le lumen stimule galement la libration de 5-HT, et active un rflexe vago-vagal qui inhibe la
vidange gastrique (Raybould et al., 2003). Ces stimuli rsultent aussi en une scrtion
pancratique. La rponse inhibitrice gastrique et la scrtion pancratique sont sensibles aux
antagonistes des rcepteurs 5-HT3 (Li et al., 2000). Les signaux de satit en provenance de
lintestin impliquent de mme la libration de 5-HT : la suppression de la prise alimentaire
par les lipides fait appel une action conjointe des rcepteurs 5-HT3 et CCK1 (Savastano et
-
Nature des affrences :
Vagale ventrale
Vagale dorsale
Spinales
Figure 9. Innervation affrente de la zone hpato-portale (Berthoud, 2004).
Les affrences spinales sont relies aux ganglions dorsaux des vertbres thoraciques T7 T13 (seuls les extrmes sont
reprsents par souci de clart).
Lpaisseur des traits (axones) et le diamtre des points (extrmits sensorielles) reprsentent labondance relative de
linnervation.
La reprsentation centrale na pas t dtermine par rapport la zone hpato-portale mais illustre les zones associes des
informations viscrales en gnral.
-
22
Covasa, 2007). Chez lHomme, linhibition des rcepteurs 5-HT3 augmente le volume
dingestion dun repas liquide (Janssen et al., 2011a), suggrant un rle des rcepteurs 5-HT3
et de la signalisation par les affrences vagales dans le contrle des sensations de faim et de
satit.
Bien que peu dtudes aient t faites sur lactivation des fibres affrentes spinales par
la 5-HT, des tudes in vivo et ex vivo montrent que les affrences spinales expriment le
rcepteur 5-HT3 dans les terminaisons priphriques. Des tudes sur la distension colorectale
chez le rat ont montr que lalostron, un antagoniste 5-HT3, inhibe les rponses rflexes et
limmunoractivit c-Fos dans la corne dorsale de la moelle pinire (Kozlowski et al., 2000).
2.3 La dtection des nutriments et le contrle de la prise alimentaire par le systme
nerveux hpato-portal
2.3.1. La dtection des nutriments
La zone hpato-portale possde une triple innervation priphrique assure par les
deux branches du nerf vague et le nerf splanchnique (Berthoud, 2004) (Figure 9). La branche
hpatique commune est par ailleurs la voie de circulation des neurofibres vagales ventrales
qui innervent galement une partie de lestomac, le pancras et le duodnum. La veine porte
est donc en position idale pour dtecter une grande partie des informations nutritionnelles
issues des repas, avant que les nutriments ne soient mtaboliss par le foie.
Bien que les nutriments soient capables dinduire des rponses post-absorptives
influenant la prise alimentaire et le mtabolisme aprs le passage dans le foie (Lutz et al.,
2001; Trayhurn et Wood, 2005), seule la rgion hpato-portale est expose lensemble des
signaux issus de lalimentation, et tous les autres organes reoivent ces informations aprs
une utilisation partielle des nutriments dans le foie, cur et poumons.
De plus, les effets mtaboliques des hormones gastro-intestinales sont abolis par
lablation chirurgicale du nerf vague abdominal. Laugmentation de la prise alimentaire et de
la scrtion dhormone de croissance, dont la ghrline est le mdiateur, sont abolis par une
vagotomie (Date et al., 2002). Cest galement le cas des effets de satit initis par la CCK
(Smith et al., 1985), le GLP-1 et le PYY (Abbott et al., 2005b). De plus, les effets
hypoglycmiants du GLP-1 font intervenir les rcepteurs localiss dans le systme nerveux
priportal. Ainsi, lors dune inhibition de la signalisation du GLP-1 dans la veine porte, les
amliorations de lhomostasie glycmique sont attnues (Vahl et al., 2007).
-
23
Une augmentation des taux de lipides, protines et glucose, peu de temps aprs
lingestion dun repas, active les neurones localiss dans la paroi de la veine porte (Breen et
al., 2011; Delaere et al., 2012; Rasmussen et al., 2012), altrant ainsi lapptit et le flux de
glucose produit par le foie. Ces mcanismes pourraient tre lorigine des effets rapides sur la
faim et la rgulation de la glycmie observs aprs un by-pass gastrique chez les rongeurs
(Breen et al., 2012; Troy et al., 2008).
2.3.2. Le glucose portal et la sensation de satit
Le flux dapparition du glucose dans la veine porte lors de la digestion dun repas
riche en glucides (environ 50% des apports caloriques) est lev. Il reprsenterait une deux
fois lquivalent de la PEG totale (Delaere et al., 2012).
Les tudes initiales sur leffet de la perfusion de glucose en veine porte ont t
effectues avec des flux gaux la PEG (Tordoff et al., 1989). Dans ces conditions, la
perfusion de glucose induit des rponses physiologiques et comportementales complexes
telles quune diminution de la prise alimentaire, une modification de la prfrence alimentaire
et une modification de lactivit lectrique des affrences hpato-portales vagales et spinales
associe un changement de lactivit des neurones hypothalamiques impliqus dans le
contrle de la faim (Delaere et al., 2010). Cependant, la perfusion des flux nettement
infrieurs (environ un sixime un tiers de la PEG) est suffisante pour initier la fois une
diminution de la prise alimentaire et une activation des rgions centrales contrlant
lhomostasie nergtique (Delaere et al., 2013; Mithieux et al., 2005). Bien que les deux flux
de glucose portal puissent reprsenter ce qui a lieu en priode post prandiale, plusieurs tudes
ont dmontr que larrive de glucose en veine porte ne dtermine pas la fin dun repas en
cours mais conditionne plutt la taille du repas suivant (Baird et al., 1997). Ceci suggre
fortement une relation entre dtection du glucose portal et satit. En accord avec cette
hypothse, la rgion portale est un lieu crucial de la dtection dune hypoglycmie transitoire
(Saberi et al., 2008), semblable la transition entre un tat nourri et un tat post-absorptif.
2.3.3. Mcanismes molculaires de dtection du glucose portal
Si lon considre le glucose comme une molcule porteuse dun signal, le mcanisme
le plus simple de dtection est celui de la fixation un rcepteur cellulaire. Rcemment, une
tude a permis de discriminer parmi trois mcanismes distincts (Figure 10):
-
Figure 10. Trois modles de dtection du glucose par les neurones de la veine porte.
A. Le modle classique de dtection par Glut 2 et la glucokinase (d'aprs Thorens et Larsen, 2004).
B. Modle de dtection par les rcepteurs du got (d'aprs Depoortere, 2014).
La fixation dun compos au got sucr sur le dimre T1R2/T1R3 active la protine G couple (gustducine), et active la
phospholipase C 2 (PLC2). Celle-ci dissocie le phosphatidylinositol-4,5-biphosphate (PIP2) en diacylglycrol et inositol-
1,4,5-triphosphate (IP3). La fixation de celui-ci sur son rcepteur induit la libration de calcium par le rticulum
endoplasmique, activant le canal cations transient receptor potential member 5 (TRPM5), conduisant la dpolarisation de
la cellule.
C. Modle de dtection dans la cellule entrochromaffine intestinale (d'aprs Freeman et al., 2006).
La fixation de glucose SGLT3 induit lentre de 2 Na+, conduisant la scrtion de srotonine (5-HT) via lentre de Ca
2+.
(Illustration ralise avec laide de Servier Medical Art)
-
24
la dtection via le transporteur faible affinit Glut 2, coupl la phosphorylation du
glucose par la glucokinase et possiblement responsable de la scrtion de glucose
stimule par linsuline dans les cellules pancratiques (Thorens et Larsen, 2004) ;
les rcepteurs intestinaux du got, qui rpondent aux mmes stimuli que ceux de la
langue (sucr, sal, acide, amer et umami) et qui peuvent coordonner la libration
dhormones impliques dans lhomostasie nergtique (Depoortere, 2014) ;
et le cotransporteur glucose/sodium 3 (SGLT3), un rcepteur (et non transporteur) de
glucose, responsable des scrtions stimules par le glucose dans les cellules
entrochromaffines (Freeman et al., 2006).
Un grand nombre darguments suggre un rle cl de SGLT3 par rapport Glut2 et les
rcepteurs du got dans la dtection de lapparition du glucose portal de faibles flux
physiologiques. En effet, la dtection de glucose portal est inhibe par la phlorizine (un
inhibiteur spcifique des protines de la famille des SGLT), alors que la perfusion de 3-O-
mthylglucose (un analogue du glucose non phosphorylable), qui est capable de se lier
SGLT3 active le systme de dtection du glucose portal (Delaere et al., 2012). Il semblerait
donc que SGLT3 soit la molcule implique dans la dtection du signal glucose portal.
Alors que la rgion portale est innerve par les voies vagale et spinale (Berthoud,
2004), la dtection de glucose portale nest pas altre par une ablation chirurgicale du nerf
vague (Delaere et al., 2012). Ceci suggre que le signal port par le glucose portal peut tre
relay par les fibres affrentes des voies vagale et spinale.
2.4 Contrle central de la prise alimentaire
Le contrle physiologique de la prise alimentaire implique un grand nombre de
rgions crbrales et de neurotransmetteurs. En particulier, lhypothalamus, le tronc crbral
et les rgions cortico-limbiques (impliques dans les circuits de rcompense) occupent une
place centrale (Berthoud, 2002).
2.4.1. Intgration des signaux par lhypothalamus et le tronc crbral
Lhypothalamus et le tronc crbral sont les rgions historiquement les plus tudies
par rapport au contrle de la prise alimentaire et du mtabolisme nergtique. Ces deux
rgions contiennent des organes circumventriculaires (minence mdiane et area postrema
-
Figure 11. Schma des voies affrentes relatives au contrle de la prise alimentaire (Berthoud, 2002).
Le long du canal alimentaire, les affrences nerveuses transmettent au tronc crbral des informations de diffrentes natures :
M = mcaniques (Ms = tension ; Mf = toucher), T = gustatives, Temp = thermiques, C = chimiques.
Abrviations : BST, noyau du lit de la strie terminale; CeA, noyau central de lamygdale ; Hyp, hypothalamus ; IML, noyau
intermdiolatral (neurones pr-ganglionnaires sympathiques) ; Mot, noyau oral moteur du tronc ; NTS, noyau du tractus
solitaire ; PBN, noyau parabrachial ; S5, noyau sensoriel principal du nerf trijumeau ; RVLM, bulbe rachidien ventrolatral
rostral.
-
25
AP) qui possdent des capillaires fnestrs et une permabilit plus grande que les autres
structures isoles de la circulation par la barrire hmato-encphalique (Duvernoy et Risold,
2007; Ganong, 2000). A proximit de ces zones, les neurones sont susceptibles de dtecter les
hormones et les nutriments dans la circulation des concentrations suprieures celles
mesures dans le cerveau. Le tronc crbral, quant lui, est le sige de lintgration des
informations nerveuses issues du SNP, notamment les affrences gustatives (via le nerf
glosso-pharyngien, ou nerf crnien IX) et les affrences vagales (Figure 11). Il constitue un
centre intgrateur des informations, relayes par la suite au reste du cerveau, et
particulirement lhypothalamus.
2.4.2. Lhypothalamus
Dans les annes 1940 et 1950, des expriences de lsion avaient suggr un rle
globalement anorexigne et catabolique de certaines aires hypothalamiques (Anand et
Brobeck, 1951; Brobeck et al., 1943). Depuis ces travaux, lidentification des
neurotransmetteurs dans ces noyaux a confirm le rle central de lhypothalamus, mais a
surtout rvl une grande diversit neuronale.
2.4.2.1.Les noyaux impliqus dans la prise alimentaire
Lhypothalamus des Mammifres est constitu de plus de 40 noyaux histologiquement
distincts, sous-diviss en sous-noyaux (Figure 12). La zone pri-ventriculaire est
principalement implique dans la dtection des signaux sanguins et lorganisation et le
contrle des rponses endocrines. La zone mdiane est essentiellement compose de grands
noyaux (noyau dorso-mdian DMN, noyau ventro-mdian VMN) qui reoivent des
informations sensorielles et sont fortement interconnects avec le reste de lhypothalamus.
Cette zone est implique dans lorganisation des comportements adaptatifs. La zone latrale
(LHA) possde un systme de communication intra- et extra-hypothalamique et peut tre
dfinie comme linterface entre les rgions plus mdianes et les rgions cortico-limbiques
dune part, et entre les systmes moteurs somatique et autonome dautre part. Le noyau
paraventriculaire (PVN) de lhypothalamus reprsente un microcosme lintrieur de
lhypothalamus, dans le sens o plusieurs sous-noyaux sont connects aux trois systmes
effecteurs : le systme endocrine (groupes magnocellulaires), le systme autonome et le
systme comportemental (groupes parvocellulaires) (Berthoud, 2002).
-
Figure 12. Organisation anatomique et fonctionnelle de lhypothalamus et du complexe dorsal vagal (DVC) (d'aprs
Berthoud, 2002).
Carte fonctionnelle de lhypothalamus et du DVC avec les lments de dtection humorale et nerveuse.
Abrviations : AP, area postrema ; ARC, noyau arqu de lhypothalamus ; dmnX : noyau moteur dorsal du nerf vague ;
DMN/VMN, noyaux dorso-mdian/ventro-mdian de lhypothalamus ; LHA, hypothalamus latral ; NTS, noyau du tractus
solitaire ; PVN, noyau paraventriculaire de lhypothalamus.
Les rcepteurs la ghrline (GHS-R), au GLP-1 (GLP1-R), la leptine (LepR), la CCK (CCK1), linsuline (InsR) et aux
NPY/PYY (Y1R/Y2R/Y5R) sont indiqus.
-
26
De nombreuses tudes depuis une vingtaine dannes ont vis identifier les
populations neuronales hypothalamiques qui contiennent des neurotransmetteurs et rcepteurs
spcifiques dimportance cruciale dans le comportement alimentaire et le dveloppement de
lobsit. Parmi les noyaux hypothalamiques, le noyau arqu (ARC) occupe un rle
intgrateur, avec des connections la zone latrale, le tronc crbral et le systme cortico-
limbique entre autres (Guan et al., 2001; Li et al., 1999) (Figure 12).
2.4.2.2.Les neurotransmetteurs associs
Plusieurs populations neuronales ont t identifies dans lhypothalamus, sur la base
de leur contenu en neurotransmetteurs. Dans lARC, deux populations neuronales principales
rpondent rapidement aux informations nutritionnelles. Lune exprime le gne de la pro-
opiomlanocortine (POMC) et le transcrit rgul par la cocane et les amphtamines (CART),
et induit un effet anorexigne (Boston et al., 1997). La forme active de POMC est le rsultat
de son clivage en plusieurs neuropeptides, parmi lesquels la -endorphine, la corticotropine
(ACTH) et les hormones mlanotropes et (- et -MSH) (Cone, 2005). - et -MSH
exercent leur effet anorexigne par la liaison aux rcepteurs MC4R et MC3R (Adan et al.,
1994). Contrairement aux neurones POMC/CART, lautre population de neurones de lARC
co-exprime le neuropeptide Y (NPY) et lAgouti-related peptide (AgRP) et induit un effet
orexigne (Ollmann et al., 1997). Tout comme PYY, NPY se fixe aux rcepteurs Y1R, Y2R
et Y5R (Bouali et al., 1995; Gerald et al., 1996; Lopez-Valpuesta et al., 1996). Ces neurones
sopposent laction des neurones POMC/CART notamment par leffet antagoniste de
lAgRP sur les rcepteurs MC3/4R (Ollmann et al., 1997). Les neurones NPY/AgRP et
POMC/CART de lARC expriment de multiples rcepteurs aux hormones. La leptine (Glaum
et al., 1996; Hkansson et al., 1996), les glucocorticodes (Hisano et al., 1988) , linsuline et
les mtabolites tels que le glucose (Lynch et al., 2000; Muroya et al., 1999) ont directement
accs lARC par leurs rcepteurs spcifiques.
Lhypothalamus est par ailleurs fortement impliqu dans dautres fonctions
physiologiques que la prise alimentaire. Les comportements sexuels, la soif, la temprature
corporelle et la dfense immunitaire sont par exemple rguls dans diverses parties de
lhypothalamus.
Lhypothalamus joue un rle crucial dans le contrle de la prise alimentaire et la
rgulation de la balance nergtique, mais lexplication actuelle nest plus compatible avec
une hypothse simple de deux centres, lun responsable de la faim et lautre de la satit. Il est
-
27
aujourdhui clair que des signaux internes ont accs aux noyaux hypothalamiques par diverses
routes : les rcepteurs dhormones, les senseurs de mtabolites et les voies nerveuses
affrentes. Cette information sur ltat interne est traite lintrieur de lhypothalamus et est
lorigine deffecteurs autonomes et endocrines-hypophysaires par des voies bien dcrites.
Ce qui reste incompris est la faon dont une telle information interagit avec
linformation externe et cognitive au niveau de structures tlencphaliques comme le cortex.
En particulier, chez lHomme, linitiation dun repas dmarre souvent sans un signal clair de
dpltion nergtique, comme un ordre excutif dmarrant dans le cortex (Berthoud, 2002).
Ainsi, mme en prsence de signaux de satit et de rserves nergtiques remplies, il est
possible que le cortex et le systme limbique puissent se superposer au contrle exerc par
lhypothalamus.
2.4.3. Le tronc crbral
Le tronc crbral contient de nombreuses voies sensitives et motrices en provenance et
destination des viscres. Lintgration des signaux sur ltat nergtique de lorganisme a
galement lieu dans cette rgion de lencphale. Le complexe dorsal vagal (DVC) et le noyau
parabrachial (PBN) sont les deux structures les plus tudies relativement au contrle de la
prise alimentaire et la rgulation de lhomostasie nergtique.
2.4.3.1.Le complexe dorsal vagal
Le complexe dorsal vagal est compos du noyau du tractus solitaire (NTS), de larea
postrema (AP) et du noyau dorsal moteur du nerf vague (dmnX). Depuis le dbut des annes
1990, des tudes ont montr que le tronc crbral caudal est capable dorganiser certains
aspects du comportement alimentaire en absence dinformations hypothalamiques (Flynn et
al., 1991; Grill et al., 1998; Williams et al., 2000). Hormis lARC, le NTS est une des seules
rgions du cerveau possder une population de neurones POMC, et le NTS et dmnX ont la
concentration la plus leve de MC4R dans lencphale (Mountjoy et al., 1994). Linjection
de ligands MC3/4R dans le NTS et le 4me ventricule est aussi efficace pour moduler la prise
alimentaire que linjection dans lhypothalamus et le 3me ventricule (Williams et al., 2000).
Le DVC exprime galement fortement le rcepteur la leptine (Buyse et al., 2001). Une autre
similarit avec lhypothalamus est la possibilit de lAP (et certaines parties trs vascularises
du NTS) de dtecter des hormones circulantes et dautres facteurs. Ainsi, linformation des
-
Figure 13. Schma simplifi des communications nerveuses autonomes impliques dans la balance nergtique (d'aprs
Berthoud, 2002).
A. Communications vagales-parasympathiques vers les principales cibles impliques dans la balance nergtique. Les
neurones pr-ganglionnaires sont localiss dans les noyaux moteur dorsal (dmnX) et ambigu (AMB) du nerf vague, et dans le
noyau salivaire (SAL).
B. Communications spinales-sympathiques vers les principales cibles impliques dans la balance nergtique. Les neurones
pr-ganglionnaires sont localiss dans la colonne intermdio-latrale le long de la moelle pinire.
Abrviations : AP, area postrema ; ARC, noyau arqu de lhypothalamus ; AV3V, aire antro-ventrale du troisime
ventricule ; DMN, noyau dorso-mdian de lhypothalamus ; DVC, complexe dorsal vagal ; LC, locus cruleus ; LHA,
hypothalamus latral ; NTS, noyau du tractus solitaire ; PAG, matire grise pri-aqueductale ; PBN, noyau parabrachial ;
PVN, noyau paraventriculaire de lhypothalamus ; VLM, bulbe rachidien ventrolatral ; VMN, noyau ventro-mdian de
lhypothalamus.
Les neurotransmetteurs impliqus dans la transmission du signal sont indiqus en vert : A, adrnaline ; Ach, actylcholine ;
NA : noradrnaline ; NO, monoxyde dazote ; VIP, peptide intestinal vasoactif ; 5-HT, srotonine.
-
28
hormones gastro-intestinales a accs directement au NTS (Figure 12) par lintermdiaire de
rcepteurs dans lAP et les nombreuses projections de lAP au NTS. De plus, tout comme
dans lhypothalamus, le NTS possde des neurones sensibles au glucose (Ritter et al., 2000).
Enfin, le NTS est connect avec dautres acteurs importants du contrle de la prise
alimentaire et la rgulation de la balance nergtique (Figure 13). Bien quil ny ait pas de
projections directes du NTS au cortex, il existe de nombreuses connections poly-synaptiques
via le PBN, le thalamus et lamygdale. Le cortex reoit galement les informations du NTS
via les systmes dexcitation du tronc crbral tels que le noyau du raph et le locus cruleus
(Berthoud, 2002).
2.4.3.2.Le noyau parabrachial
Le PBN, localis dans le pont dorsal, intgre plusieurs informations sensorielles telles
que le got (Spector, 1995) , les informations mcano- et chimio-viscrales (Baird et al.,
2001) et la douleur (Gauriau et Bernard, 2002) via des connections rciproques avec le tronc
crbral, le diencphale et le cerveau antrieur. Les parties mdiane et latrale du PBN
reoivent des affrences viscrales des parties caudale et rostrale du NTS respectivement
(Figure 11). Ces rgions du PBN ont leur tour des projections vers de nombreux noyaux
hypothalamiques tels que le PVN, lARC, le VMN et le LHA (Li et al., 1999).
Les projections descendantes du PBN ont leur origine dans la partie la plus latrale et
sont diriges vers le NTS latral et la moelle pinire (Figure 13).
Daprs la localisation stratgique et les connections anatomiques du NTS et du PBN,
ces structures font partie du circuit processeur central qui contrle la prise alimentaire et
lhomostasie nergtique.
2.4.4. Le choix alimentaire : la rcompense et laversion
Hormis un contrle purement homostatique bas sur ltat nergtique de
lorganisme, les prfrences alimentaires sont galement influences par des facteurs
dpendant notamment de deux processus physiologiques, rcompense et aversion, dont le
support neuro-anatomique est le systme cortico-limbique (cf. discussion la fin du
paragraphe 2.4.2).
-
Figure 14. Composantes centrales de la notion de rcompense (Berthoud et Morrison, 2008).
Sont indiques les rgions impliques ainsi que les grandes fonctions et les neurotransmetteurs utiliss.
Abrviations : ARC, noyau arqu de lhypothalamus ; BNST, noyau du lit de la strie terminale ; DA, dopamine ; GABA,
acide -aminobutyrique ; GLU, glutamate ; LH, aire hypothalamique latrale ; MCH, hormone concentratrice de mlanine ;
NA, noradrnaline ; NTS, noyau du tractus solitaire ; PVN, noyau paraventriculaire de lhypothalamus ; VLM, bulbe
rachidien ventrolatral ; VTA, aire tegmentaire ventrale.
-
29
2.4.4.1.La rcompense
Depuis de nombreuses annes, des tudes montrent que la transition entre la faim
prcdant un repas et la sensation de rassasiement est altre chez les sujets obses,
notamment par rapport la nourriture riche en lipides (Covasa, 2010; Little et Feinle-Bisset,
2011). Une composante cl de ces dfauts pourrait venir daltrations dans le systme de
rcompense (Berridge, 2009; Berthoud et Morrison, 2008). En effet, la nourriture est lune
des rcompenses ncessaires et intenses. Trois diffrentes composantes ont pu tre isoles de
cette notion de rcompense tire dune consommation daliments : le plaisir hdonique
(liking), la motivation manger (wanting) et lapprentissage (learning) (Berridge, 2009). Ces
composantes font intervenir un rseau complexe qui permet lassociation entre les trois
(Figure 14).
Le plaisir hdonique et la motivation ont des substrats neuro-anatomiques diffrents.
Dune part, le plaisir fait intervenir des systmes tels que les systmes opiodes et
GABAergiques, et des structures anatomiques telles que les relais gustatifs du PBN comme le
suggrent des tudes sur des rats dcrbrs ayant got une solution sucre (Grill et Norgren,
1978). Dautre part, la motivation consommer de la nourriture repose sur les systmes
dopaminergiques mso- et tlencphaliques, ainsi que sur des structures prosencphaliques
comme le noyau accumbens (NAcc), le pallidum ventral et lamygdale (Berridge et al., 2010).
Le rcepteur -opiode (MOR) joue un rle crucial dans ces systmes de plaisir.
Linjection locale de lagoniste DAMGO dans le NAcc induit une prise alimentaire vorace,
particulirement de nourriture palatable riche en sucres et en graisses (Kelley et al., 2002;
Will et al., 2003). Cette augmentation de la prise alimentaire semble tre due une
augmentation du plaisir hdonique, puisque les injections de morphine dans cette mme
rgion augmentent le nombre de ractions affectives positives (Pecia et Berridge, 2005),
alors que linjection dantagonistes rduit la consommation dune boisson sucre (Kelley et
al., 1996). Contrairement ce qui est couramment admis, le systme mso-limbique
dopaminergique naffecte pas le plaisir des stimuli mais est crucial pour la mobilisation du
comportement moteur pour obtenir des stimuli plaisants, ce qui constitue un systme
diffrent, celui de la motivation manger (Berridge et Robinson, 2003).
La motivation manger, bien que gnralement consquence du plaisir, constitue un
lment distinct de la valeur hdonique. Cette distinction des substrats repose principalement
sur des recherches concernant la dpendance aux drogues, o les stimuli noffrent souvent pas
de plaisir mais sont pourtant trs dsirs. La motivation repose sur un aspect conscient
-
30
explicite et un aspect inconscient implicite. La motivation na pas de composante affective de
rcompense. Son attribution transforme des informations sensorielles (vue, odeurs, sons) en
des rcompenses dsires et attirantes (Berridge et Robinson, 2003). Des projections
dopaminergiques de laire tegmentaire ventrale (VTA) vers le NAcc (le systme mso-
limbique) sont la composante cruciale du systme de motivation inconsciente (Dayan et
Balleine, 2002; Kaczmarek et Kiefer, 2000; Wyvell et Berridge, 2000). Le systme mso-
limbique est intimement connect des lments du systme de rgulation mtabolique
(Figure 14). La leptine et linsuline peuvent agir directement sur des neurones
dopaminergiques mso-limbiques pour moduler la motivation manger (Fulton et al., 2006;
Hommel et al., 2006). La leptine peut galement indirectement moduler les neurones
dopaminergiques mso-limbiques travers son action sur le LHA, dont les neurones orexine
ont des projections vers la VTA (Harris et al., 2005).
2.4.4.2.Laversion
La premire tape face la nourriture dans un environnement donn est le processus
dapprentissage qui permettra la distinction entre ce qui est bnfique et ce qui ne lest pas.
Laversion gustative conditionne (conditioned taste aversion) est le processus de mmoire et
dapprentissage gustatif le mieux caractris. De nombreuses tudes ont lucid les structures
participant dans ce processus, les neurotransmetteurs et rcepteurs associs ainsi que les voies
de signalisation intracellulaires (Berman et Dudai, 2001; Desmedt et al., 2003).
Laversion gustative conditionne fait intervenir des structures nombreuses et
intgratives. Tout comme les voies de perception viscrale et post-absorptive, elle fait
intervenir le PBN, le NTS, le LHA et le cortex insulaire (Berthoud et Morrison, 2008).
Linteraction entre alimentation, mtabolisme et aversion est vidente en ce qui concerne la
perception sensorielle. Cependant, le contenu nutritif du repas peut tre source daversion
indpendamment des proprits gustatives (gnralement plus agrables pour les sucres et les
graisses). Un exemple bien tudi est celui de laversion un rgime carenc en un acide
amin, o la dtection du dsquilibre plasmatique par le cortex piriforme antrieur induit un
dtournement du rgime en question et la prfrence envers une autre source compensatoire
quand elle est disponible (Gietzen, 1993).
Quil sagisse daversion ou de rcompense, il existe des systmes inns et acquis qui
peuvent se renforcer ou sopposer dans le contrle de la prise alimentaire. De faon
-
31
intressante, la perfusion de glucose dans la veine porte active les rgions responsables des
circuits de rcompense. Tout comme le glucose portal, les rgimes riches en protines
semblent activer les mmes cibles centrales (Delaere et al., 2013; Mithieux et al., 2005).
Contrairement aux rgimes riches en protines, les rgimes riches en graisses et en sucres
rapides nactivent pas lexpression de la protine c-Fos (un marqueur reconnu dactivation
neuronale) dans les rgions corticales (Delaere et al., 2013).
3. LES RGIMES RICHES EN PROTINES ET LE RLE DES
RCEPTEURS -OPIODES DANS LA SATIT
3.1 Les effets mtaboliques des rgimes riches en protines
3.1.1. Satit et induction de la thermogense
Lorsque lon considre les diffrents effets inducteurs de satit des macronutriments,
les protines sont les nutriments qui coupent le plus la faim, alors que les lipides sont ceux qui
la coupent le moins (Eisenstein et al., 2002; Latner et Schwartz, 1999; Pullar et Webster,
1977; Raben et al., 2003). Une relation possible entre la perception de la satit et les effets
mtaboliques lis labsorption des macronutriments a t tablie dans une situation
contrle de 24h dans une chambre mtabolique. Des volontaires ont t nourris avec des
rgimes diffrents rgimes isocaloriques isovolumiques de compositions variables : un rgime
riche en protines et riche en glucides (30% des calories provenant des protines, 60% des
glucides, 10% des lipides) et un rgime riche en lipides (60% des calories provenant des
lipides, 30% des glucides, 10% des protines). La satit tait alors plus leve chez les
individus ayant reu le rgime riche en protines et en glucides. De plus, une augmentation de
la dpense nergtique a t observe chez le groupe nourri avec le rgime riche en protines
(Westerterp-Plantenga et al., 1999).
Ces observations sont cependant dpendantes de la source de protines. Lapport de
protines animales induit, par exemple, une augmentation de 2% de la dpense nergtique
par rapport aux protines vgtales (Mikkelsen et al., 2000). De mme, une diffrence dans la
satit induite par les protines a pu tre observe entre les protines de lactosrum et la
casine. Le lactosrum induit une plus forte satit que la casine, associe une
augmentation de la scrtion de CCK et GLP-1 (Boirie et al., 1997; Hall et al., 2003).
-
32
Chez le rat, les protines sont galement plus efficaces que les glucides pour rduire
lapptit (Bensad et al., 2002, 2003). Un autre effet des rgimes riches en protines concerne
le choix des macronutriments. Ainsi, des rats Wistar ayant le choix des macronutriments du
sevrage la maturit choisissent spontanment une nourriture riche en protines et en lipides
(Jean et al., 2002).
3.1.2. Contrle de lhomostasie glucidique
Les effets bnfiques des protines sur lhomostasie glucidique sont connus depuis
bientt un sicle. En 1922, le Dr. MacLean a remarqu que lorsquun homme diabtique,
ayant une glycmie jeun de 280 mg/dL, tait nourri avec 250 g de viande (soit environ 50 g
de protines), ceci ne produisait pas daugmentation de la glycmie, contrairement lide
rpandue lpoque que les protines taient hyperglycmiques par leurs effets sur la
noglucogense (MacLean, 1922).
Les effets insulinotropes des acides amins et des protines ont t dcrits pour la
premire fois dans les annes 1960 (Pallotta et Kennedy, 1968), et ont depuis t confims
chez des sujets sains (Nuttall et al., 1985) ou diabtiques de type 2 (Nuttall et al., 1984). La
perfusion combine de glucose et des acides amins chane branche leucine et argini
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