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Comment Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft

ont pris le contrôle de l’internetet qu’est ce qu’ils en font ?

Nikos Smyrnaios, Université de Toulouse

Paru en mai 2017

Le point de départ

L’internet (Web 2.0) serait un moyen de diffusion égalitaire, décentralisé, neutre, d’un pluralisme « naturel »

Il s’opposerait notamment aux médias audiovisuels, centralisés, linéaires, sous l’emprise d’intérêts

économiques et politiques

Il renforcerait l’autonomie des citoyens face à la puissance des organisations (médias, Etats, institutions)

L’impératif participatif serait à l’origine d’un processus d’empowerment aux conséquences positives

Le point de depart.

Puis il y a eu ça en 2013…

Et ça en 2014…

Puis il y a eu ça …

Objectif de ce livre: offrir un cadre théorique cohérent pour cette critique radicale de l’économie politique de l’internet

Lier superstructure / base matérielleVision globale sur la structure oligopolistique des GAFAM

Montrer en quoi ces acteurs sont représentatifs d’un nouvel ordre capitaliste, dérégulé, financiarisé à outrance et mondialisé dont

les réseaux numériques constituent le système nerveux

In fine : « dévoiler les ressorts de la domination, les rendre intelligibles, mais aussi irrecevables, c’est-à-dire dénoncer un

certain ordre social pour s’en émanciper », F. Granjon

Le propos

1. Principalement que l’internet contemporain est dominé par un oligopole constitué d’un petit nombre de multinationales, bénéficiant des conditions favorables et caractérisés par des logiques et stratégies communes

2. Secondairement que la fonction stratégique contrôlée par cet oligopole est celle de l’intermédiation informationnelle (infomédiation), définie comme la capacité à organiser les marchés et les usages de l’information numérique

3. Enfin, que la question dépasse la simple question de la concentration oligopolistique et porte sur des enjeux politiques plus large

Un peu d’histoireL’internet n’a pas été conçu pour un usage commercial mais

comme un bien public (paradigme keynésien) qui a couté $400Mds au contribuable US

A la fin des années 70 la jonction entre néolibéralisme et déterminisme technologique a légitimé le marché comme seul

vecteur d’innovation

école de Chicago = l’innovation ne peut venir que par le marchéDépassement technologique de la critique du capitalisme

Début de la vague de privatisation de British Telecom et démontage de AT&T (Thatcher & Reagan)

Dans les années 80 marchandisation croissante de l’informatique connectée (Compuserve, Prodigy, Genie)

« J’ai commencé à réaliser que je m’étais marchandisée(commodified) moi même (…) Je créais mes pensées intérieures

comme un moyen de production pour l’entreprise qui était propriétaire du support sur lequel je postais, et cette marchandise était vendue à d’autres consommateurs/marchandises comme du divertissement. Ca veut dire que j’ai vendu mon âme comme une chaussure de tennis et je n’ai jamais tiré aucun bénéfice de cette

vente »,

Carmen Hermosillo, The WELL, 1994

Un peu d’histoire

Dans les 90s traduction politique en processus massif de dérèglementation et de privatisation

Privatisation des opérateurs publics de télécoms en Europe

Le 30 avril 1995: décision de l’administration Clinton pour privatiser l’infrastructure de l’internet et permettre les usages

commerciaux .

Une décision jamais débattue (McChesney), prise dans l’ombre sous la pression des lobbys et dans l’indifférence des geeks

Financiarisation (capital risque, hedge funds) + culture startup

Un peu d’histoireL’internet dominé par un oligopole : un projet explicite encensé

par Wall Street à la fin des années 90.

Mais il ne s’est pas réalisé comme le prévoyait la « théorie de la convergence »: contenus + réseaux

L’oligopole des GAFAM en chiffres

L’oligopole des GAFAM en chiffres

Les conditions de l’oligopoleUne économie financiarisée

Afflux de capitaux à la Silicon Valley. L’attrait des investisseurs fournit à ces acteurs des ressources exorbitantes

Les conditions de l’oligopole

Une économie favorisant la concentration

Non rivalité des biens numériques, économie à coûts fixes=> rendements croissants

Externalités positives => marchandisation des biens communs

Abaissement des coûts de transaction

Performance absolue/performance relative

Effet de réseau

Les conditions de l’oligopole

L’absence de régulation

Les conditions de l’oligopole

Une économie mondialisée

Stratégies et produits indifférenciés à l’échelle mondiale

Des acteurs oligopolistiques concentrés sur un territoire réduit (Côte Ouest des US)

Conception de produits et décisions stratégiques centralisées

Organisation matricielle qui permet de diriger des divisions locales avec très peu de marge de manœuvre (commerciale) ou

d’initiative sauf exception (p.e. YouTube)

Les conditions de l’oligopoleL’intensification de l’exploitation du travail

Les conditions de l’oligopoleL’intensification de l’exploitation du travail

Les conditions de l’oligopoleEt le travail gratuit des internautes (Digital Labor)

Un nombre d’employés « officiel » faible

Les conditions de l’oligopoleUne rentabilité exceptionnelle

Taux de profit deux fois supérieur à la moyenne de Wall Street(10,6% moyenne du S&P 500®)

Les stratégies de l’oligopole

La publicité ciblée au cœur des modèles économiques

Les stratégies de l’oligopole

La publicité ciblée au cœur des modèles économiques

La collecte des données est centrale pour qualifier les cibles et les vendre efficacement aux annonceurs

Les stratégies de l’oligopole

L’infomédiation une fonction centrale de l’internet

« l’ensemble de segments d’activité et de dispositifs numériques qui permettent la mise en contact des internautes avec tout type

d’informations en ligne mais aussi avec d’autres internautes »

1. une position d’intermédiaire informationnel

2. la production d’assemblages d’informations via des plateformes

3. des modèles d’affaires dépendant essentiellement des commissions sur les transactions et de l’exploitation des données

collectées sur les utilisateurs

Les stratégies de l’oligopole

Infomédiation algorithmique et « sociale »

Des algorithmes qui exploitent de manière industrielle « l’agrégation automatique des jugements incertains, dispersés et

aléatoires de la foule des internautes » D. Cardon

Classer et hiérarchiser à partir de « métriques destinées à décrire les formes relationnelles du social » D. Cardon

« architecture organisationnelle de la visibilité » qui définit ce qui est possible de percevoir, ou pas, parmi l’immensité des

possibilités, T. Bucher

Les stratégies de l’oligopole

Les stratégies de l’oligopole

Concentration verticale

la réunion sous un même pouvoir de décision de tout un ensemble d’activités complémentaires qui constituent une chaine de production (soit par propriété, soit par accords exclusifs)

Equipements informatiques

Systèmes d’exploitation

Data Centers

Réseaux de télécommunication

Les stratégies de l’oligopole

Concentration horizontale

la réunion sous un même pouvoir de décision de sociétés qui produisent des biens ou des services substituables, c’est à dire

assurant une fonction comparable pour l’utilisateur final

1. communication interpersonnelle et intergroupe (courrier électronique, la messagerie instantanée et le réseautage social)

1. accès à des contenus et des informations (search, téléchargement, streaming etc.)

Les stratégies de l’oligopole

Infomédiation algorithmique et « sociale »

Des algorithmes qui exploitent de manière industrielle « l’agrégation automatique des jugements incertains, dispersés et

aléatoires de la foule des internautes » D. Cardon

Classer et hiérarchiser à partir de « métriques destinées à décrire les formes relationnelles du social » D. Cardon

« architecture organisationnelle de la visibilité » qui définit ce qui est possible de percevoir, ou pas, parmi l’immensité des

possibilités, T. Bucher

contenus

Bases de données +

algorithmes d’infomédiation

internautes

L’enjeu pour les producteurs de contenus/éditeurs est de s’adapter aux critères des algorithmes

Le mieux ils s’adaptent, le plus ils gagnent en visibilité sur les plateformes d’infomédiation

Ce qui leur permet de gagner de l’audience et/ou de ressources (publicitaires, téléchargements d’applications, actes d’achats etc.)

Processus de collecte (objet de négociation)

Hiérarchisation, édition (automatiques)

Les plateformes d’infomédiation

Google et Facebook: pourvoyeurs majeurs de trafic pour les sites d’information à l’échelle mondiale

Des éditeurs sous emprise Relations entre éditeurs et infomédiaires sont à la fois

faites de coopération et de concurrence

Coopération: dépendance mutuelle, les éditeurs ont besoin du trafic, les infomédiaires du contenu

Concurrence sur le marché publicitaire

Opposition de paradigmes (idéologie californienne vs. logiques médiatiques)

Adaptation réciproque mais rapport de force largement favorable aux infomédiaires

La carotte et le bâton2012: Facebook fait payer la visibilité des « Pages »

2013: Google verse 60M aux éditeurs français

2014: Google « punit » Axel Springer (-40% de trafic)

2014: fermeture de Google News Espagne

2014: Facebook lance Public Content Solutions pour « aider » les éditeurs à mieux exploiter sa force

2016: Instant Articles et AMP pour smartphones

2017: financement de €150M des médias européens par Google

Formations gratuites et bourses pour des journalistes (Google News Lab, Facebook Journalism Project), financement de projets comme CrossCheck

Les éditeurs se concurrencent dans un cadre imposé

Le cas Google 2 sources de trafic via Google:

Le portail Google News Le moteur généraliste

Actu“chaude”

Info“froide”

Journalisme pour GooglePropension à traiter le + de sujets =>

logique productiviste (utilisation de matériaux de seconde main, journalisme assis )

Production en fonction des mots-clés les plus recherchés => ligne éditorial basée sur la demande (ex. Melty.fr)

Impact sur l’écriture journalistique => p.e. prolifération de titres du type

Double titrage : 1 pour Google, 1 pour les lecteurs

Publication la plus rapide possible, quitte à mettre à jour

Emprise du SEO (formatage, site maps, microdata etc.)

La cas FacebookLa visibilité des contenus sur Facebook dépend d’un

algorithme complexe qui combine 100 000 « signaux »

Circulation circulaire: taux de partage des contenus individuels impacte la visibilité global du site

Journalisme pour FacebookLes journalistes sont incités à:

Diffuser des contenus générant de l’interaction (articles à forte charge émotionnelle ou décalés)

Utiliser le ciblage sociodémographique

Changer la structure de la page en fonction de la provenance, publier à des moments précis

Payer Facebook pour acquérir de l’audience

Phénomène d’accroissement circulaire de clics (mise en avant sur la page d’accueil de « plus partagés »)

Enjeux politiquesFragmentation et déstructuration de l’espace public

Faux trafic, faux amis, fake news

propagande (Russie, Trump)

censure morale/politique

Intelligence artificielle

Conclusion

« La centralisation croissante de l’internet contemporain entre les mains d’un petit nombre d’entreprises oligopolistiques contraire aux principes fondateurs de l’internet », Tim Berners-Lee, 2016

Que faire ?

logiciel libre ; production collaborative et financement participatif ; infrastructures pair à pair ; cryptage systématique des

communications ; blockchain; gouvernance décentralisée

Est-ce possible de résister à cette concentration uniquement par des alternatives sans mettre en cause le capitalisme (néolibéral) ?

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