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A adresser selon le cas :A L’AUTORITE INVESTIE DU POUVOIR DE NOMINATION (« AIPN »), si fonctionnaire
ouA L’AUTORITE HABILITEE A CONCLURE LES CONTRATS (« AHCC »), si agent
Réclamationsur pied de l’article 90, paragraphe 2
du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (le « statut »)
Je soussigné/ée [Nom, Prénom] (ci-après le/la « réclamant /e»), fonctionnaire/agent au/à
[Institution], de grade [….], introduis par la présente une réclamation à l’encontre des décisions
aboutissant à une adaptation pour mes rémunération et pension de 0% pour l’année 2011
(décision n°1) et de 0,8% pour l’année 2012 (décision n°2), ces deux décisions ayant été révélées
pour la première fois par mon bulletin de salaire de […. ] 2014 notifié en date du [….] 2014
(annexe 1) .
A. CADRE JURIDIQUE
Le règlement (UE, EURATOM) 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre
20131, entré en vigueur le 1er novembre 2013 et applicable à partir du 1er janvier 2014 (ci-après le
« statut modifié »), a modifié le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars
2004 2 et le règlement (UE, Euratom) n° 1080/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24
novembre 2010 3, lesquels avaient modifié le règlement (CEE, Euratom, CECA) n°259/68 du
Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes
ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures
particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission4 .
1 JO L 287, p.15.2 JO L 124, p. 1.3 JO L 311, p. 1.4 JO L 56, p. 1.
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Le cadre juridique applicable à la présente réclamation est celui fixé par le règlement (CE,
Euratom) n°723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 et par le règlement (UE, Euratom)
n° 1080/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010 (ci-après le
« statut »).
L’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié dispose à cet égard que :
« Nonobstant les dispositions du règlement (UE) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, les articles 63, 64, 65, 82 et 83 bis du statut, ses annexes XI et XII ainsi que l'article 20, paragraphe 1, et les articles 64, 92 et 132 du régime applicable aux autres agents en vigueur avant 1.11.2013 restent en vigueur exclusivement aux fins de toute adaptation nécessaire pour se conformer à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, au titre de l'article 266 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif à l'application desdits articles. ».
En vertu de l’article 65 du statut :
«1. Le Conseil procède annuellement à un examen du niveau des rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union. Cet examen aura lieu en septembre sur base d’un rapport commun présenté par la Commission et fondé sur la situation, au 1er juillet et dans chaque pays de l’Union, d’un indice commun établi par l’Office statistique de l’Union européenne en accord avec les services nationaux de statistiques des États membres.
Au cours de cet examen, le Conseil étudie s’il est approprié, dans le cadre de la politique économique et sociale de l’Union, de procéder à une adaptation des rémunérations. Sont notamment prises en considération l’augmentation éventuelle des traitements publics et les nécessités du recrutement.
2. En cas de variation sensible du coût de la vie, le Conseil décide, dans un délai maximum de deux mois, des mesures d’adaptation des coefficients correcteurs et, le cas échéant, de leur effet rétroactif.
3. Pour l’application du présent article, le Conseil statue, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue à l’article 16, paragraphes 4 et 5, [du traité sur l’Union européenne, ci-après « TUE »].»
L’article 65 bis énonce quant à lui que : « Les modalités d'application des articles 64 et 65 sont définies à l'annexe XI ».
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Aux termes de l’article 82, paragraphe 2, du statut, lorsque le Conseil décide une adaptation
des rémunérations en application de l’article 65, paragraphe 1, du statut, la même adaptation
s’applique aux pensions acquises.
En vertu de l’article 65 bis du statut, les modalités d’application des articles 64 et 65 de celui-ci
sont définies à l’annexe XI dudit statut.
Cette annexe XI, intitulée «Modalités d’application des articles 64 et 65 du statut», comprend
plusieurs chapitres, dont le premier, composé des articles 1er à 3, intitulé «Examen annuel du
niveau des rémunérations prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut ».
L’article 1er de l’annexe XI du statut, prévoit que, aux fins de l’examen prévu à l’article 65,
paragraphe 1, du statut, Eurostat établit chaque année avant la fin du mois d’octobre un rapport
portant sur l’évolution du coût de la vie à Bruxelles (Belgique) (indice international de
Bruxelles), sur l’évolution du coût de la vie en dehors de Bruxelles (parités économiques et
indices implicites) ainsi que sur l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires nationaux des
administrations centrales de huit États membres (indicateurs spécifiques). Ledit article 1er
contient également des précisions concernant le procédé à suivre par Eurostat, en collaboration
avec les États membres, afin de calculer ces évolutions.
L’article 3 de l’annexe XI du statut dispose :
«1. Conformément à l’article 65, paragraphe 3, du statut, le Conseil décide avant la fin de chaque année de l’adaptation des rémunérations et pensions proposée par la Commission et fondée sur les éléments prévus à la section 1 de la présente annexe, avec effet au 1er juillet.
2. La valeur de l’adaptation est égale au produit de l’indicateur spécifique par l’indice international de Bruxelles. L’adaptation est fixée en termes nets en pourcentage égal pour tous.
3. La valeur de l’adaptation ainsi fixée est incorporée, selon la méthode indiquée ci-après, dans la grille des traitements de base figurant à l’article 66 du statut, [...] ».
L’article 8 de l’annexe XI du statut fixe les dates de prise d’effet des adaptations annuelle et
intermédiaire du coefficient correcteur pour les lieux à forte augmentation du coût de la vie.
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Le chapitre 5 de cette annexe est intitulé «Clause d’exception». Il est composé du seul article
10 qui dispose:
«En cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale constatée à l’intérieur de l’Union, évaluée à la lumière des données objectives fournies à cet égard par la Commission, celle-ci présente des propositions appropriées au Parlement européen et au Conseil, qui statuent selon la procédure prévue à l’article 336 [du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ci-après « TFUE »].».
A noter que le chapitre 5 de l’annexe XI du statut, a été amendé dans le statut modifié. Ce
chapitre comporte désormais deux articles (articles 10 et 11) remplaçant l’ancienne « clause
d’exception » par une “clause de modération “ et une « clause d’exception ».
Selon l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut, les dispositions prévues à celle-ci
sont applicables pour la période allant du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2012.
B. EN FAIT
L’article 65 du statut prévoit que le Parlement européen (ci-après le « Parlement ») et le Conseil
de l'Union européenne (ci-après «Conseil») procèdent annuellement à un examen du niveau des
rémunérations des fonctionnaires et agents afin de décider, sur proposition de la Commission, si
une adaptation des rémunérations est appropriée.
Ces adaptations se font soit dans le cadre d'un calcul « mathématique » des rémunérations selon
la méthode prévue à l'article 3 de l'annexe XI du statut, soit en procédant à une adaptation sur
base de la clause d’exception prévue à l'article 10 de l’annexe XI en cas de détérioration grave et
soudaine de la situation. La clause d’exception ne prévoit pas un calcul « mathématique » mais
se fonde sur des données économiques objectives que la Commission fournit au Conseil et au
Parlement, ces derniers décidant finalement du pourcentage d’adaptation à appliquer. En d’autres
termes, la clause d’exception s’applique sans avoir recours à des règles de calcul préalablement
définies.
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Les adaptations annuelles des années 2011 et 2012 ont fait l’objet de discussions entre le Conseil
et la Commission au sujet précisément du choix entre une adaptation mathématique ou bien une
adaptation sur le fondement de l’article 10 de l’annexe XI du statut (ci-après la «clause
d’exception»). Ces discussions peuvent être rappelées comme suit.
Au mois de décembre 2010, le Conseil avait déclaré que « la récente crise économique et
financière qui est survenue dans [l’Union] et qui entraîne d’importants ajustements budgétaires
ainsi qu’une insécurité accrue en termes d’emploi dans plusieurs États membres provoque une
détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union ».
Il avait alors demandé à la Commission de présenter, sur le fondement de la clause d’exception,
ainsi qu’à la lumière des données objectives fournies à cet égard par la Commission, des
propositions appropriées en temps voulu pour que le Parlement européen et le Conseil puissent
les examiner et les adopter avant la fin de l’année 20115.
Le 13 juillet 2011, la Commission a présenté un rapport au Conseil sur la clause d’exception6.
Afin d’apprécier la nécessité de recourir pour l’année 2011 à la clause d’exception, la
Commission avait retenu plusieurs indicateurs7 et s’était fondée sur les prévisions économiques
européennes publiées par la direction générale Affaires économiques et financières le 13 mai
2011.
Selon le rapport du 13 juillet 2011, les indicateurs montraient que la reprise économique se
poursuivait progressivement dans l’Union. Ce rapport concluait donc qu’il n’y avait pas de
détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale au sein de l’Union au cours
de la période de référence allant du 1er juillet 2010, date de la prise d’effet de la dernière
adaptation annuelle des rémunérations, à la mi-mai 2011, date à laquelle les données les plus
5 Voir document du Conseil n° 17946/10 ADD 1, du 17 décembre 2010.6 Voir COM(2011) 440 final.7 A savoir, la croissance du produit intérieur brut (PIB), la demande intérieure, les stocks, les exportations nettes, la consommation des ménages, la consommation publique, l’investissement total et l’inflation au sein de l’Union, le solde du compte des administrations publiques et la dette publique au sein de l’Union, le taux d’emploi total, le taux de chômage et la rémunération des salariés au sein de l’Union, l’indicateur de sentiment économique et les attentes en matière d’emploi au sein de l’Union.
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récentes ont été mises à disposition, et qu’il n’y avait pas lieu de présenter une proposition en
vertu de l’article 10 de l’annexe XI du statut.
L’examen du rapport du 13 juillet 2011 a cependant donné lieu à des discussions subséquentes
au sein du Conseil, qui ont débouché sur une nouvelle demande de celui-ci adressée à la
Commission afin que soit mis en œuvre ladite clause d’exception et que soit présentée une
proposition appropriée d’adaptation des rémunérations en temps utile pour permettre au
Parlement et au Conseil de l’examiner et de l’adopter avant la fin de l’année 2011 8.
Le 24 novembre 2011, en réponse à cette demande, la Commission a présenté un complément
d’information au rapport du 13 juillet 2011 qui était notamment fondée sur les prévisions
économiques européennes communiquées par la direction générale Affaires économiques et
financières de la Commission le 10 novembre 20119.
Dans ce complément d’information, la Commission exposait que ces prévisions laissaient
« apparaître une dégradation des tendances pour 2011 par rapport aux prévisions publiées au
printemps, tant pour les indicateurs économiques que pour les indicateurs sociaux, et
[montraient] que l’économie européenne [était] en proie à la tourmente ». Néanmoins, la
Commission considérait que, compte tenu de plusieurs éléments, l’Union n’était pas confrontée à
une situation extraordinaire au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut justifiant de prendre
des mesures sur base de cet article.
Le même jour, le 24 novembre 2011, la Commission a présenté une proposition de règlement du
Conseil adaptant, avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des
fonctionnaires et autres agents de l’Union ainsi que les coefficients correcteurs dont sont
affectées ces rémunérations et pensions10. L’adaptation des rémunérations était proposée sur la
base de la méthode de calcul prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut et était de 1,7 % .
8 Voir document du Conseil n° 16281/11, du 31 octobre 2011.9 Voir communication COM(2011) 829 final.10 Voir communication COM(2011) 820 final.
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Le Conseil a décidé de ne pas adopter cette proposition de règlement. Des actions contentieuses
ont alors été engagées tant par la Commission que par le Conseil qui ont donné lieu aux affaires
C-63/12, C-66/12 et C-196/12.
Par la suite, le 31 août 2012, la Commission a présenté à nouveau au Conseil un rapport sur la
l’applicabilité de la clause d’exception11. Bien que faisant référence à une stagnation et à une
crise en cours ainsi qu’à un taux de chômage élevé et à une dette et un déficit publics importants
de l’Union européenne, le rapport ne concluait cependant pas dans le sens d’une adaptation sur
base de la clause d’exception, estimant que les critères de l’article 10 de l’annexe XI du statut
n’étaient pas remplis.
Le 25 octobre 2012, le Conseil a déclaré que l'évaluation de la Commission contenue dans son
rapport sur la clause d'exception ne reflétait pas la détérioration grave et soudaine de la situation
économique et sociale dans l'Union en 2012, telle qu'elle ressortait des données économiques
objectives publiquement disponibles. Le Conseil a dès lors demandé à la Commission de
présenter, conformément à l'article 10 de l'annexe XI du statut, une proposition appropriée
d'adaptation des rémunérations pour l'année 2012.
Le 5 décembre 2012 la Commission a présenté au Conseil un document de travail de ses
services sur la clause d’exception12 et le même jour, elle a présenté une proposition de règlement
du Conseil adaptant, avec effet au 1er juillet 2012, les rémunérations et les pensions des
fonctionnaires et autres agents de l’Union ainsi que les coefficients correcteurs dont sont
affectées ces rémunérations et pensions13. L’adaptation des rémunérations était proposée là
encore, tout comme en 2011, sur la base de la méthode « normale » prévue à l’article 3 de
l’annexe XI du statut et était également de 1,7 % .
Parallèlement à ces discussions qui ont eu lieu entre le Conseil et la Commission sur l’adaptation
des rémunérations pour les années 2011 et 2012, plusieurs autres éléments sont venus s’ajouter.
11 Voir communication COM(2012) 476.12 Voir SWD (2012) 428.13 Voir communication COM(2012) 754 final.
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Le Parlement européen et le Conseil ont adopté une réforme du statut aboutissant à l’adoption du
règlement 1023/2013 du 22 octobre 2013, entrant en vigueur le 1er novembre 2013 et applicable
à partir du 1er janvier 2014. La réforme du statut inclut notamment une suspension de
l’adaptation des rémunérations, des allocations et des pensions en 2013 et 2014, entraînant un gel
de deux ans et diverses modifications importantes des conditions de travail du personnel des
institutions de l’Union européenne, notamment des mesures relatives à la durée hebdomadaire du
travail, aux carrières, aux pensions et aux jours de congé, donnant lieu à des économies notables.
Le 19 novembre 2013, l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-63/12 Commission/Conseil, est
intervenu. Le même jour, la Cour s’est également prononcée dans les affaires 66/12 et 196/12.
Plus spécifiquement, dans l’affaire 63/12, la Cour a jugé que :
« Eu égard audit rôle accordé au Conseil par l’article 65, paragraphe 1, du statut, l’économie de l’article 10 de l’annexe XI du statut appelle une interprétation selon laquelle la constatation de l’existence d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale au sens de cet article 10, aux fins du déclenchement de la procédure prévue audit article, appartient, à ce stade de la procédure, au Conseil.
[…]
Ainsi, il appartient au Conseil d’évaluer les données objectives fournies par la Commission, afin de constater s’il existe ou non une telle détérioration grave et soudaine permettant d’écarter la méthode «normale» d’adaptation annuelle des rémunérations et des pensions prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut et de déclencher la procédure prévue à l’article 10 de cette annexe, afin que le Conseil puisse statuer ensemble avec le Parlement sur les mesures appropriées proposées par la Commission dans une telle situation de crise.
[…]
[…] il importe de souligner que, lorsque le Conseil constate, sur la base des données objectives fournies par la Commission, qu’il existe une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union au sens de cet article 10, la Commission est tenue de soumettre au Parlement et au Conseil des propositions appropriées sur le fondement dudit article. Dans cette situation, elle dispose, toutefois, d’une marge d’appréciation propre quant au contenu de ces propositions, c’est-à-dire à la question de savoir quelles mesures lui apparaissent appropriées, compte tenu de la situation économique et sociale donnée ainsi que, le cas échéant, d’autres facteurs à prendre en considération, tels que ceux relevant de la gestion des ressources humaines et, en particulier, des nécessités du recrutement.
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En l’espèce, le Conseil a invité la Commission à lui fournir des données objectives afin de procéder à l’évaluation prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut et la Commission a fourni de telles données au Conseil, accompagnées de sa propre évaluation.
Or, l’appréciation opérée respectivement par les deux institutions a abouti à des conclusions contraires, sans que la Commission ait présenté des propositions sur le fondement de l’appréciation du Conseil permettant au Parlement et au Conseil de statuer, en vertu de l’article 10 de l’annexe XI du statut selon la procédure prévue à l’article 294 TFUE, sur les mesures appropriées eu égard à la situation économique et sociale existante à l’intérieur de l’Union.
Dans cette situation, le Conseil n’était pas obligé d’adopter la proposition de règlement présentée sur le fondement de l’article 3 de l’annexe XI du statut, c’est-à-dire de la méthode «normale» d’adaptation des rémunérations, étant donné qu’il lui appartient, à ce stade de la procédure, de constater l’existence d’une détérioration grave et soudaine au sens de l’article 10 de cette annexe, permettant de déclencher la procédure prévue à cet article. » (paragraphes 68, 72 75 à 77 de l’arrêt).
Dès lors, le 10 décembre 2013, afin de se conformer à l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire C-
63/12, selon lequel, lorsque le Conseil constate qu'il existe une détérioration grave et soudaine de
la situation économique et sociale à l'intérieur de l'Union, la Commission doit présenter une
proposition selon la procédure prévue à l'article 336 du TFUE, la Commission a présenté les
propositions suivantes.
Il s’agit des propositions de règlement adaptant respectivement avec effet au 1er juillet 2011 et au
1er juillet 2012, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union
ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions14.
L’adaptation des rémunérations est proposée cette fois sur base de la clause d’exception prévue à
l’article 10 de l’annexe XI du statut et est de 0, 9 % .
Pour faire sa nouvelle proposition, la Commission rappelle que sa proposition d’adaptation en
2012 de 1,7% était basée sur le rapport d’Eurostat transmis au Conseil le 5 décembre 201215. Or,
la Commission indique dans sa nouvelle proposition qu’ « il convient de corriger la valeur de
l’adaptation de manière à tenir compte des éléments précités ». Par « éléments précités », on
peut entendre notamment l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire 63/12.
14 Voir communication COM(2013) 895 final et communication COM(2013) 896 final.15 Voir SWD (2012) 427.
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Dès lors, la Commission indique qu’il est approprié de réduire l’adaptation proposée et de
l’établir à 0,9% au lieu de 1,7%. Ce faisant, elle ne donne cependant aucune indication
permettant d’établir comment elle obtient 0,9%.
A l’issue de la procédure législative, les règlements du Parlement et du Conseil n°422/2014 et n°
423/2014 adaptant avec effet respectivement au 1er juillet 2011 et au 1er juillet 2012 les
rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi
que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions ont été adoptés
le 16 avril 2014 et publiés au JOUE n° L 129 du 30/04/2014, pp. 5 à 18.
Contrairement aux propositions de la Commission, ces règlements ont entériné une adaptation de
0% pour l’année 2011, et de 0,8% pour l’année 2012.
Ainsi, au considérant 5 de ces règlements on peut lire « En 2011 et 2012, dans le cadre d'une
approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et
des pensions pour les années 2011 et 2012, les adaptations sont de 0 % et de 0,8 %
respectivement.».
Le …/05/2014, [le/la réclamant/e] a reçu son bulletin de rémunération pour le mois de mai 2014.
Celui-ci a été établi en tenant compte des dispositions des règlements 422/2014 et 423/2014.
Il ressort donc du bulletin de rémunération que la rémunération [du réclamant/de la réclamante]
n’a pas été adaptée en ce qui concerne l’année 2011 et a eu une adaptation de 0,8% en ce qui
concerne l’année 2012.
Les décisions ainsi révélées par ce bulletin constituent des actes lui faisant grief.
EN DROIT
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 10
Dans le cadre de la présente réclamation, [le réclamant/la réclamante] soulève au titre de l’article
277 du TFUE une exception d’illégalité à l’encontre des règlements n°422/2014 et n° 423/2014
en ce qu’ils établissent respectivement 0% d’adaptation pour l’année 2011 et 0,8% pour l’année
2012.
A l’appui de cette exception d’illégalité, [le réclamant/la réclamante] soulève les moyens de droit
suivants :
- Violation des formes substantielles ;
- Violation de l’obligation de motivation et de l’article 10 de l’annexe XI du statut ainsi
que des articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié;
- Violation du principe de respect des droits acquis ;
- Violation du principe de proportionnalité;
- Violation du principe de confiance légitime ;
- Violation des règles relatives au dialogue social.
1. Violation des formes substantielles
La Cour a dit pour droit, dans une jurisprudence constante, que les règles relatives à la formation
de la volonté des institutions de l’Union sont établies par le traité et ne sont à la disposition ni
des États membres ni des institutions elles-mêmes 16.
Selon la Cour encore : « Seul le traité peut, dans des cas particuliers tels que celui prévu à
l’article 67, paragraphe 2, second tiret, CE, habiliter une institution à modifier une procédure
décisionnelle qu’il établit.
Reconnaître à une institution la possibilité d’établir des bases juridiques dérivées, que ce soit
dans le sens d’un renforcement ou dans celui d’un allégement des modalités d’adoption d’un
acte, reviendrait à lui attribuer un pouvoir législatif qui excède ce qui est prévu par le traité.
16 Voir arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, 68/86, point 38.
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 11
Cela conduirait également à lui permettre de porter atteinte au principe de l’équilibre
institutionnel, qui implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect
de celles des autres. »17.
En l’espèce, [le réclamant/la réclamante] estime que l’adoption des règlements est entachée
d’une violation des formes substantielles en ce qu’ils ont été adoptés sur une base juridique qui
est issue d’un acte dérivé, à savoir le statut, et non pas sur la base du TFUE lui-même.
Plus exactement, les visas des règlements sont libellés de la façon suivante :
« Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
[…]
Vu le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après dénommé le « statut ») et le
régime applicable aux autres agents de l’Union (ci-après dénommé « régime applicable aux
autres agents »), fixés par le règlement (CEE Euratom, CECA) n°259/68 * et notamment
l’article 10 de l’annexe XI du statut,
[…] .
* :Règlement (CEE, Euratom, CECA) n°256/68 du Conseil du 29 février 1968 fixant le
statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux
autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement
applicables aux fonctionnaires de la Commission (JO L 56 du 4.3.1968, p. 1). » (C’est nous
qui soulignons).
En d’autres termes, il ressort des visas des règlements que leur base juridique est issue du statut,
et en particulier de l’article 10 de l’annexe XI auquel il est fait spécifiquement référence et non
pas du TFUE qui ne fait référence à aucune disposition particulière, et donc qui n’apporte aucune
clarification ni précision sur la base juridique choisie.
Autrement dit, la base juridique des règlements est issue d’un autre acte de droit dérivé, en
l’espèce du règlement ayant abouti à l’adoption du statut. Il s’agit donc d’un cas où le législateur
se donne lui-même sa base juridique par le biais d’un autre acte législatif qu’il a adopté, ce qui 17 Voir arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil, C-133/06, points 55 et 56 et arrêt du 22 mai 1990, Parlement/Conseil, C-70/88, point 22.
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aboutit à une situation où, comme indiqué ci-avant, il s’« [attribue] un pouvoir législatif qui
excède ce qui est prévu par le traité. »18.
[Le réclamant/la réclamante] estime, qu’en aucune circonstance, un acte législatif ne peut fournir
la base juridique d’un autre acte législatif, la base juridique d’un acte législatif doit être fournie
par le Traité lui-même.
Admettre qu’un acte législatif puisse fournir la base juridique d’un autre acte législatif aboutirait
à une situation où l’on porterait atteinte au principe de l’équilibre institutionnel.
Cela reviendrait également à conférer à des dispositions de droit dérivé la primauté sur des
dispositions de droit primaire.
De plus, comme la Cour l’a précisé dans l’affaire Parlement/Conseil :
« L’adoption de bases juridiques dérivées ne saurait non plus être justifiée sur le fondement
de considérations liées au caractère politiquement sensible de la matière concernée ou à un
souci d’assurer l’efficacité d’une action communautaire.
Par ailleurs, l’existence d’une pratique antérieure consistant à établir des bases juridiques
dérivées ne saurait être utilement invoquée. En effet, même à la supposer établie, une telle
pratique n’est pas susceptible de déroger à des règles du traité et ne peut, dès lors, créer un
précédent liant les institutions (voir, en ce sens, arrêts Royaume-Uni/Conseil, précité, point
24, et du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, C-426/93, Rec. p. I-3723, point 21). ».19
Sur base de ces éléments, [le réclamant/la réclamante] soutient que les règlements précités sont
entachés d’une violation des formes substantielles entraînant leur illégalité.
18 Voir arrêt précité , Parlement/Conseil, point 56.19 Voir arrêt précité , Parlement/Conseil, points 59 et 60.
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2. Violation de l’obligation de motivation et de l’article 10 de l’annexe XI du statut
ainsi que des articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié
Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l'obligation de motivation prévue à l'article
296, deuxième alinéa du TFUE et consacrée par l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux
constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la
motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l'acte litigieux. Dans cette perspective, la
motivation exigée par l'article 296 du TFUE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit
faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte,
de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la
juridiction compétente d'exercer son contrôle.
L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce,
notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les
destinataires de l'acte ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par
celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie
tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la
motivation d'un acte satisfait aux exigences dudit article 296 du TFUE doit être appréciée au
regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des
règles juridiques régissant la matière concernée20.
En l’espèce, [le réclamant/la réclamante] estime que les règlements 422/2014 et 423/2014
méconnaissent cette obligation de motivation pour les raisons suivantes.
Le considérant 4 de chacun des règlements précités indique que « Sur base des données
économiques et sociales pour la période allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2012, telles
que les retombées de la crise économique de l’automne 2011, qui a provoqué une récession
économique dans l’Union et une détérioration de la situation sociale, ainsi que des niveaux
toujours élevés du chômage, du déficit public et de la dette publique dans l’Union, il est
20 Voir notamment l’arrêt de la Cour du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom / Commission, C-280/08 P, paragraphes 130 à 131.
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 14
approprié de fixer l’adaptation des rémunérations et des pensions en Belgique et au Luxembourg
à 0,8% pour l’année 2012. Cette approche s’inscrit dans le cadre d ‘une approche globale visant
à régler les différents concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les
années 2011 et 2012, laquelle comporte également une adaptation de 0% pour l’année 2011 ».
(C’est nous qui soulignons).
Ce faisant, les règlements n’expliquent pas en quoi les pourcentages retenus en 2011 et 2012
pour procéder aux adaptations, à savoir respectivement 0% et 0,8%, sont ceux les mieux à
mêmes de répondre au contexte de crise économique.
Même si, au titre de la clause d’exception, le Parlement et le Conseil disposent d’une large marge
d’appréciation pour décider des adaptations nécessaires, une telle marge d’appréciation ne saurait
supprimer l’obligation d’expliquer en quoi les pourcentages retenus sont ceux appropriés.
[Le réclamant/la réclamante] rappelle que la clause d’exception prévue à l’article 10 de l’annexe
XI du statut a été modifiée par le règlement 1023/2013. Elle est remplacée désormais par une
clause de modération et une clause d’exception. (articles 10 et 11 du statut modifié). Or, l’annexe
modifiée prévoit désormais des paramètres précis pour mettre en œuvre la clause d’exception.
La version de la clause d’exception de l’annexe XI du statut, applicable au cas d’espèce, ne
prévoit pas de tels paramètres. Le Conseil et le Parlement décident en dernier lieu du
pourcentage d’adaptation à appliquer dans le cadre de la clause d’exception, sans que des règles
de calcul aient été préalablement définies. En d’autres termes, leur base de calcul manque
totalement de transparence. Il revenait alors d’autant plus aux règlements d’expliquer plus en
détail en quoi les pourcentages d’adaptation retenus étaient ceux les plus appropriés pour faire
face à la situation de crise économique.
Et ce d’autant plus qu’il résulte d’une comparaison d’avec l’adaptation salariale mise en œuvre
par d’autres institutions internationales à vocation européenne pourtant similaires aux institutions
de l’Union en termes de règles du personnel, que l’appréciation de la situation économique et
sociale à l’intérieur de l’Union n’a manifestement pas été la même. C’est ainsi, à titre d’exemple
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 15
significatif, que l’organisation Eurocontrol, qui regroupe parmi ses membres les vingt-huit pays
de l’Union, a procédé, sur la base des mêmes données et calculs que ceux fournis par la
Commission au Conseil, à une adaptation salariale de l’ordre de 1.7% pour les années 2011 et
2012. Comment expliquer une telle différence d’appréciation sur la base des mêmes informations
disponibles, indépendamment de l’autonomie respective des organisations et institutions
concernées ?
En outre, le Conseil et le Parlement européen sont en défaut d’avoir expliqué en quoi la situation
économique constatée pour l’année 2011 devait être considérée comme identique à celle
constatée pour l’année 2012, alors qu’il s’agit de deux années pour lesquelles les données
économiques et sociales sont par définition différentes et pour lesquelles les conséquences de la
crise n’ont pas pu avoir le même impact.
Enfin, outre le défaut de motivation ainsi constaté, force est de noter que le législateur de l’Union
a violé le texte même de l’article 10 de l’Annexe XI du Statut qui requiert, pour faire application
de la clause d’exception, de se fonder sur un cas de « détérioration grave et soudaine de la
situation économique et sociale constatée à l’intérieur de l’Union » (nous soulignons). Il en
ressort deux conditions cumulatives devant caractériser la détérioration de la situation : d’une
part, sa gravité et, d’autre part, sa soudaineté. Or, force est de constater que les règlements (UE)
n°422 et 423/2014 ne respectent aucune de ces deux conditions.
S’agissant de la première condition, aucune donnée statistique mise à la disposition du Conseil et
du Parlement européen ne leur permettait constater une détérioration « grave » de la situation
économique et sociale à l’intérieur de l’Union. A cet égard, un parallèle utile peut être fait avec
la procédure dite de déficit excessif découlant de l’article 126 du TFUE qui impose aux États
membres d’éviter des déficits excessifs dans les budgets nationaux. Or, pour mettre en œuvre
cette procédure, la Commission évalue et le Conseil décide s'il existe un déficit excessif ou non,
en prenant en considération tous les facteurs pertinents pour l'existence d'un déficit excessif, dont
notamment l’éventuelle situation de crise à laquelle fait face un Etat membre. Or, pour les années
2011 et 2012, aucun Etat membre n’a fait l’objet d’une décision du Conseil pour déficit excessif
Comment dès lors la même institution (le Conseil) a pu considérer, dans le cadre des règlements
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 16
(UE) n°422 et 423/2014 que la situation à l’intérieur de l’Union, donc au sein des différents Etats
membres, se caractérisait par une détérioration « grave » ? Cela est manifestement révélateur
d’un problème de cohérence qui ne peut s’expliquer que par le fait que la condition de gravité,
précitée, n’était pas rencontrée en l’espèce et ne pouvait dès lors fonder l’adoption desdits
règlements.
Il en est de même de la deuxième condition requise par l’article 10 de l’annexe XI du statut : la
condition de soudaineté dans la détérioration la situation économique et sociale à l’intérieur de
l’Union. En effet, dans la mesure où la crise remonte à l’année 2009 et que le législateur a déjà
fait jouer la clause d’exception dans le cadre de l’adaptation salariale pour l’année 2010 en fixant
un taux d’augmentation de 0.1%21, on est en droit de se demander en quoi la détérioration de la
situation économique et sociale dans l’Union pouvait être considérée comme « soudaine » en
2011 et, a fortiori, en 2012, alors qu’elle l’avait déjà été caractérisée en ce sens en 2010.
Ce faisant, les règlements (UE) n°422/2014 et 423/2014 sont entachés d’illégalité en ce sens
qu’ils ont violé l’article 10 de l’Annexe XI du statut en ne respectant pas les conditions de
gravité et de soudaineté requises pour constater la détérioration de la situation économique et
sociale au sein de l’Union, préalable nécessaire pour faire jouer la clause d’exception.
A titre surabondant, [le réclamant/la réclamante] fait valoir plus spécifiquement en ce qui
concerne le règlement 423/2014 portant adaptation des rémunérations avec effet au 1er juillet
2012, que celui-ci ne porte pas exécution d’un arrêt de la Cour. En effet, à sa connaissance, le
règlement 423/2014 n’a pas donné lieu à un arrêt de la Cour.
Il apparaît alors que l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié disposant que notamment les
articles 64 et 65 et l’annexe XI, en vigueur avant le 1er novembre 2013, « restent en vigueur
exclusivement aux fins de toute adaptation nécessaire pour se conformer à un arrêt de la Cour
de Justice de l’Union européenne … » n’est pas applicable au règlement 423/2014 puisqu’il n’y
a pas eu d’arrêt de la Cour de Justice.
21 Voir le règlement UE n° 1239/2010 du Conseil du 20 décembre 2010, JO L 338 du 22.12.2010.
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 17
Dès lors, ce sont les dispositions en vigueur au moment de l’adoption le 14 avril 2014 du
règlement 423/2014 qui sont applicables. Or les dispositions en vigueur applicables comprennent
entre autre les nouveaux articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié.
Comme indiqué ci-avant les articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié prévoient des
paramètres précis pour mettre en œuvre la clause d’exception.
Ces paramètres précis n’ont pas été respectés lors de l’adoption du règlement 423/2014. Ce
dernier est donc entaché d’illégalité aussi en ce qu’il viole les articles 10 et 11 de l’annexe XI du
statut modifié.
3. Violation du principe de respect des droits acquis
[Le réclamant/la réclamante] rappelle que le principe des droits acquis est un principe général du
droit de l’UE, qui est étroitement lié au droit fondamental qu’est le droit de propriété. En d’autres
termes, lorsque des dispositions juridiques ont déjà fait naître des droits ou des avantages, leur
retrait à titre rétroactif est contraire à ce principe général du droit22.
Il est par ailleurs de jurisprudence constante que :
« Le pouvoir réglementaire est libre d’apporter à tout moment les modifications qu’il estime
conformes à l’intérêt du service et ceci même lorsque les dispositions introduites sont moins
favorables aux fonctionnaires, à condition toutefois que soient sauvegardés les droits
régulièrement acquis par les fonctionnaires ou agents et que les personnes spécifiquement
concernées par la réglementation nouvelle soient traitées de manière identique. » 23 (c’est nous
qui soulignons).
[Le réclamant/la réclamante] estime que le droit des fonctionnaires de bénéficier d’une évolution
d’un pouvoir d’achat parallèle à celui des fonctionnaires nationaux est un droit acquis et un
22 Voir l’arrêt du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, paragraphe 34 et l’arrêt de la Cour du 22 septembre 1983, Verli-Wallace/Commission, 159/82, paragraphe 8.23 Arrêt du Tribunal 10 septembre 2009, F-47/07, Behmer / Parlement européen, F-47/07, point 52.
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 18
élément essentiel de leur rémunération de même qu’une condition essentielle de leur relation
avec leur employeur. La rationae de ce droit acquis est que la rémunération des fonctionnaires
des Institutions européennes doit évoluer parallèlement à celle des fonctionnaires nationaux et
doit être adaptée en fonction de l’évolution des coûts de la vie.
Cette règle du parallélisme inspire non seulement la mise en œuvre de la méthode normale en
application de l’article 3 de l’annexe XI du Statut mais également la mise en œuvre de la
méthode exceptionnelle en application de l’article 10 de la même annexe (ou clause d’exception,
précitée) dont le législateur a fait usage en adoptant les règlements (UE) n°422 et 423/2014.
Or, en appliquant des adaptations de 0% en 2011 et de 0,8% en 2012, adaptations cumulées par
ailleurs à un gel des rémunérations en 2013 et 2014 (en vertu des dispositions introduites par le
statut modifié, voir article 65.4 du statut modifié), alors qu’en même temps pour l’année 2014,
un prélèvement de solidarité est imposé (voir article 66 bis du statut modifié), les rémunérations
ne vont pas évoluer de façon parallèle à celles des fonctionnaires nationaux et qui plus est, elles
vont être en baisse puisque le bénéfice de l’adaptation aura été supprimé.
En d’autres termes, à la fin de l’année 2014, les rémunérations seront plus basses que celles qui
auraient dû être versées si les adaptations contestées avaient été plus élevées, et n’avaient pas été
cumulées à d’autres mesures, telles que le gel des rémunérations en 2013 et 2014 et l’imposition
d’un prélèvement de solidarité en plus en 2014.
A cela s’ajoute le fait que le statut modifié impose d’autres restrictions, notamment en termes
d’heures de travail prestées qui sont plus importantes. Le nombre d’heures prestées passe
désormais de 37,5 heures à 40 heures, voire 42 heures (v. article 55 du statut modifié). On en
arrive donc à une situation où, les rémunérations seront moins importantes pour un nombre
d’heures prestées équivalent. On peut évaluer ainsi une baisse de 6,60% de l’heure prestée24.
[Le réclamant/la réclamante] estime qu’une telle situation aboutit au total à une baisse de pouvoir
d’achat sur la période de 2010 à 2014 qui sera de l’ordre de 21,49% 25.
24 Cf. annexe 2.25 Cf. annexe 2. Ces chiffres prennent en compte l’imposition d’un prélèvement de solidarité de 6%.
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 19
Une telle baisse des rémunérations, entraînant une baisse de pouvoir d’achat, emporte une remise
en cause de l’équilibre de la relation d’emploi et constitue, par là même, un retrait illégal de
droits acquis.
4. Violation du principe de proportionnalité
[Le réclamant/la réclamante] estime que les règlements 422/2014 et 423/2014 sont illégaux en ce
qu’ils violent le principe général de proportionnalité.
Il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui
fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de
l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des
objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix
s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et
que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés26.
- Quant à la légitimité de l’objectif poursuivi
L’objectif poursuivi en l’espèce, tel qu’il ressort du considérant 4 des règlements 422/2014 et
423/2014 est de prendre des mesures qui tiennent compte des « retombées de la crise
économique de l’automne 2011, qui a provoqué une récession économique dans l’Union et
une détérioration de la situation sociale, ainsi que des niveaux toujours élevés du chômage,
du déficit public et de la dette publique dans l’Union ».
En énonçant un tel objectif, les institutions de l’Union ne tiennent cependant pas compte d’un
autre objectif, tout aussi légitime, rappelé d’ailleurs dans les conclusions du Conseil européen
des 7 et 8 février 2013 et repris dans le règlement 1023/2013, qui est celui de préserver la
capacité des institutions européennes à assurer et à maintenir, au sein de l'administration, un
niveau élevé de professionnalisme et un équilibre géographique, dans le respect notamment
26 Arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C-189/01 et la jurisprudence citée. Voir également l’arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Royaume d’Espagne/Conseil, C-310/04 ou encore l’arrêt du Tribunal de l’UE du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T-439/09.
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 20
de l’article 298 du TFUE qui assigne à l’administration européenne un triple objectif
d’ouverture, d’efficacité et d’indépendance.
Ainsi donc, l’objectif visé par les règlements 422/2014 et 423/2014, en ce qu’il ne tend qu’à
répondre à une situation de crise économique, sans prendre en compte également l’objectif de
préserver au sein de l’administration européenne un niveau de professionnalisme élevé, n’est
pas suffisamment légitime en tant que tel ou n’a pour le moins qu’une légitimité relative.
- Quant au caractère disproportionné des adaptations retenues
Si un tel objectif devait être considéré suffisamment légitime, quod non, alors [le
réclamant/la réclamante] estime qu’il convient, dans l’appréciation du principe de
proportionnalité, de prendre en compte les adaptations contestées non seulement de façon
individuelle mais également rajoutées à d’autres mesures résultant du statut modifié et qui
ont une incidence sur la situation juridique des fonctionnaires (et en particulier [du
réclamant/ de la réclamante]) en modifiant l’équilibre de leurs conditions de travail. A cet
égard, il convient de noter que la plupart si non la grande majorité des mesures résultant du
statut modifié visent une réduction des coûts du personnel des institutions.
[Le réclamant/la réclamante] est, plus particulièrement touché[e] par [le futur blocage de
carrière (Attention : ici seuls sont visés les AST 9 échelon 1 et AD 12)], la réduction du délai
de route (5 jours auparavant), la diminution des frais de voyage (changement de calcul km de
la distance géographique équivalent à une perte de 27% voire 30% de sa rémunération).
L’effet cumulatif de ces mesures, qui s’ajoutent donc aux mesures spécifiquement critiquées
par la présente réclamation, confère un caractère disproportionné à ces dernières.
5. Violation du principe de confiance légitime
Il est de jurisprudence constante que : « […] le législateur communautaire est libre d’apporter à
tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 21
et d’adopter, pour l’avenir, des dispositions statutaires plus défavorables pour les fonctionnaires
concernés, à condition de fixer une période transitoire d’une durée suffisante pour éviter que les
modalités […] soient modifiées de manière inattendue » 27.
En d’autres termes, le principe de confiance légitime protège les fonctionnaires en service contre
des modifications apportées à des dispositions du statut qui ont revêtu un caractère fondamental
dans leur décision de devenir fonctionnaire de l’UE, décision qui a impliqué, entre autres, de
quitter dans la plupart des cas, leur pays d’origine ainsi que leur système de sécurité sociale.
Outre la protection des conditions d’emploi essentielles, le principe de la confiance légitime
impose au législateur d’éviter de modifier brutalement la situation juridique et économique des
fonctionnaires en service et de prévoir des mesures transitoires adéquates pour leur permettre de
s’adapter à la situation nouvelle, mesures qui devraient avoir une durée suffisante et être
progressives et appropriées, compte tenu des régimes juridiques en vigueur et des préoccupations
légitimes des fonctionnaires à propos des mesures concrètes qui les affecte.
En l’espèce, [le réclamant/la réclamante] relève qu’aucune mesure transitoire n’a été prévue
s’agissant de l’application des adaptations contestées, alors qu’elles sont cumulées avec d’autres
mesures qui visent elles aussi une réduction des coûts de personnel des institutions, (telles que le
gel des rémunérations, l’imposition d’un prélèvement de solidarité, ou encore l’augmentation des
heures de travail) et qui impactent donc également les rémunérations des fonctionnaires.
Par ailleurs, il ressort des propositions de règlements transmises par la Commission en 2013 que
les adaptations proposées étaient de l’ordre de 0.9 % (voir de 1,7% en 2011 et 2012). Or, au
cours de la procédure législative, ces propositions ont été revues à la baisse pour finalement
aboutir à des adaptations s’élevant à 0% pour l’année 2011 et 0,8% pour l’année 2012.
Le législateur est libre de modifier les propositions de la Commission. Cependant, eu égard au
fait que les adaptations finalement arrêtées aboutissent à des pourcentages qui vont bien en-deçà
de ceux initialement proposés, il aurait été nécessaire de prévoir des mesures de transition, et ce,
27 Arrêt du Tribunal de l’UE du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes, T-121/97, points 98 et 104.
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 22
d’autant plus que les adaptations contestées s’appliquent en cumul avec d’autres mesures
impactant également le pouvoir d’achat des fonctionnaires.
6. Violation des règles relatives au dialogue social.
[Le réclamant/la réclamante] estime que les règlements 422/2014 et 423/2014 sont illégaux en ce
qu’ils ont été adoptés en violation des droits à la consultation et à la négociation collective,
consacrés par les articles 27 et 28 de la Charte des droits fondamentaux tels que mis en œuvre
par l’article 10, paragraphe 2 du statut, l’article 10 ter, paragraphe 2 du statut, ainsi qu’en
violation de la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation
tripartite en matière de relations avec le personnel (ci-après, « Décision du Conseil du 23 juin
1981 »).
L’article 27 de la Charte dispose que « Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir
garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les
cas et conditions prévus par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales »
Selon l’article 28 de la Charte « Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations
respectives, ont, conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques
nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux
appropriés et de recourir, en cas de conflits d'intérêts, à des actions collectives pour la défense
de leurs intérêts, y compris la grève ».
L’article 10 du statut prévoit que : « Le comité du statut est consulté par la Commission sur toute
proposition de révision du statut; il fait parvenir son avis dans le délai fixé par la Commission.».
L’article 10 ter, paragraphe 2 du statut prévoit quant à lui que : « Les propositions de la
Commission visées à l'article 10 peuvent faire l'objet de consultations des organisations
syndicales ou professionnelles représentatives».
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 23
La décision du Conseil du 23 juin 1981 prévoit une procédure de concertation où un certain
nombre d’étapes doivent être respectées en cas de propositions de modifications du statut
soumises au Conseil par la Commission.
En l’espèce, les règlements 422/2014 et 423/2014 ont été votés sur base de l’article 336 du
TFUE, à savoir selon la procédure législative ordinaire, c’est-à-dire d’un commun accord entre le
Conseil et le Parlement, sur proposition de la Commission.
Or, il apparaît que durant la procédure ayant conduit à l’adoption des règlements 422/2014 et
423/2014, les procédures de consultation et de concertation prévues par les dispositions précitées
n’ont pas été respectées. Plus précisément, il apparaît que les organisations syndicales
professionnelles (ci-après les « OSP ») n’ont pas été consultées et qu’il n’y a pas eu de
concertation avec elles, et ce, en violation des dispositions précitées.
Ainsi, au moment de la transmission le 10 décembre 2013 au Parlement et au Conseil de ses
propositions d’adaptation salariale, la Commission a invité les OSP à une simple réunion
d’information qui ne peut être assimilée à une consultation.
Par la suite, tout au long du processus il n’y a même plus eu de la part de la Commission
d’information transmise aux OSP.
La concertation à laquelle avaient droit les OSP sur base, d'une part, de la décision du Conseil
du 23 juin 1981, et de l'accord-cadre en vigueur d'autre part, suite à la transmission le 10
décembre 2013 au Parlement et au Conseil des propositions d’adaptation salariale de la
Commission, n'a pas eu lieu. Il n’y a pas eu non plus de réunion du GTR (Groupe de Travail
Rémunérations), au cours de laquelle les OSP auraient dû, au minimum, être informées des
données techniques.
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Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 24
Eu égard à tout ce qui précède, les règlements (UE) 422/2014 et 423/2014 doivent être
considérés comme entachées d’illégalité. Il en est de même dès lors des décisions n°1 et n°2 ici
attaquées en ce que ces dernières ont été adoptées sur le fondement desdits règlements et qui
doivent dès lors être annulées, la Commission étant alors invitée à en tirer toutes les
conséquences dans le respect des droits du réclamant / de la réclamante.
C. DOMMAGES
[Le réclamant/la réclamante] estime avoir subi un préjudice matériel du fait de l’application des
adaptations de 0% pour l’année 2011 et de 0,8% pour l’année 2012.
Ce préjudice peut être évalué par les arriérés de rémunérations qu’il/elle aurait perçus au 1er
janvier 2014, si les propositions de la Commission de 2013 avaient été appliquées, augmentés
des intérêts de retard, le taux des intérêts de retard étant calculé par rapport à celui fixé par la
Banque centrale européenne, augmenté de 2 points.
AU VU DE CE QUI PRECEDE,
[Le réclamant/la réclamante] sollicite :
- l’annulation des décisions n° 1 et 2 telles que contenues et révélées pour la première fois
dans son bulletin de salaire de mai 2014;
- la réparation du préjudice matériel qu’il/elle a subi et qui peut être évalué par les arriérés
de rémunérations qu’il/elle aurait perçus au 1er janvier 2014, si les propositions de la
Commission de 2013 avaient été appliquées, augmentés des intérêts de retard, le taux des
intérêts de retard étant calculé par rapport à celui fixé par la Banque centrale européenne,
augmenté de 2 points.
Fait à Bruxelles, le .. .. 2014
SIGNATURE
Réclamation Adaptation salariale 2011-2012 Page 25
Liste des annexes
1. Bulletin de salaire de Monsieur / Madame ….. du ….. 2014.2. Tableau reprenant les données démontrant la perte du pouvoir d’achat des
fonctionnaires et autres agents de l’UE.
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