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DEPT DE MEDECINE GENERALE / UNIVERSITE PARIS DIDEROT TRACE D’APPRENTISSAGE Le présent modèle doit être utilisé pour UNE TRACE D’APPRENTISSAGE AU FORMAT WORD. Les données du formulaire ci-dessous doivent être remplies, puis la trace sera collée à la suite du formulaire Nom et prénom de l’étudiant auteur de la présente trace : Pierrick Le Borgne Nom et prénom du tuteur :Aubert Jean-Pierre Numéro du semestre du DES au cours duquel cette trace a été produite : 3 Date de réalisation de la trace: 18/04/11 Le maître de stage du stage concerné par cette trace a-t-il évalué cette trace ? : Oui COMPETENCES VISEES PAR CETTE TRACE (effacer les compétences sans rapport avec ce document) Compétence 1 : Prendre en charge un problème de santé en soins de premier recours Compétence 2 : Communiquer de façon efficiente avec le patient et/ou son entourage Compétence 4 : Eduquer le sujet à la gestion de sa santé et de sa maladie Compétence 6 : Assurer la continuité des soins pour tous les sujets Compétence 9 : Se préparer à l'exercice professionnel 1

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DEPT DE MEDECINE GENERALE / UNIVERSITE PARIS DIDEROT

TRACE D’APPRENTISSAGE

Le présent modèle doit être utilisé pour UNE TRACE D’APPRENTISSAGE AU FORMAT WORD. Les données du formulaire ci-dessous doivent être remplies, puis la trace sera collée à la suite du formulaire

Nom et prénom de l’étudiant auteur de la présente trace : Pierrick Le Borgne

Nom et prénom du tuteur :Aubert Jean-Pierre

Numéro du semestre du DES au cours duquel cette trace a été produite : 3

Date de réalisation de la trace: 18/04/11

Le maître de stage du stage concerné par cette trace a-t-il évalué cette trace ? : Oui

COMPETENCES VISEES PAR CETTE TRACE (effacer les compétences sans rapport avec ce document)

· Compétence 1 : Prendre en charge un problème de santé en soins de premier recours

· Compétence 2 : Communiquer de façon efficiente avec le patient et/ou son entourage

· Compétence 4 : Eduquer le sujet à la gestion de sa santé et de sa maladie

· Compétence 6 : Assurer la continuité des soins pour tous les sujets

· Compétence 9 : Se préparer à l'exercice professionnel

Si votre tuteur estime que cette trace mérite d’être publiée sur le site en tant que trace remarquable, acceptez vous qu’elle le soit :

· Oui

Rsca n°8

Stage chez le praticien niveau 1

Novembre 2010 – mai 2011

Madame H. vient consulter au cabinet ou je termine mon stage de niveau 1, ce jour pour nous montrer des résultats biologiques d’une prise de sang qu’elle a faite il y a 2 jours. Dans ces antécédents de cette patiente d’origine magrébine de 63 ans, nous pouvons noter : un syndrome dépressif, une fracture ouverte de la cheville gauche, une épilepsie, un diabète type 2 depuis 1996.

Son traitement habituel : omeprazole 20mg, paracétamol 1g, simvastatine 40mg, phénobarbital 100mg, glibenclamide 5mg x 1/jour, metformine 1g x 2/jour.

Concernant l’histoire de son diabète : glibenclamide 5 mg + metformine mais intolérance digestive à la metformine ; En 2004, lors d’hospitalisation, l’insulinothérapie lui a été proposée devant un HbA1c à 11% mais madame F. a toujours refusé.

Lors de cette consultation, où je suis avec mon praticien, elle nous montre les résultats de sa prise de sang :

· HbA1c : 9,9%

· Cholestérol total : 1,5g/l

· HDL : 0,49g/l

· LDL : 0,75g/l

· Triglycérides : 1,3g/l

· Micro albuminurie : 12mg/24h

Nous lui indiquons que son bilan lipidique est bon, que les reins « fonctionnent bien » néanmoins son hémoglobine glyquée reste trop élevée. Madame F. ne comprends pas ce que signifie « hémoglobine glyquée ». Nous lui expliquons qu’il s’agit « du reflet du taux de sucre dans la sang durant les 3 derniers mois ». Nous lui faisons comprendre qu’il devient indispensable de débuter l’insuline et de reprendre l’éducation. Nous convenons donc avec elle d’une consultation d’une heure que je ferai seul, elle sera alors accompagnée par sa fille pour que le message soit correctement compris.

Après 4 jours, madame F. revient comme prévu consulter avec sa fille. Ses premiers mots en entrant dans le cabinet sont : « jamais je ne ferai d’insuline ». Cette phrase est dite avec le sourire, sachant très bien quel est le but de ce rendez-vous. Durant cette consultation d’une heure je reprends l’éducation, je lui explique pourquoi elle a besoin d’insuline, comment se faire l’insuline et nous allons faire le point sur son diabète.

Poids : 67Kg stable IMC : 28 Périmètre abdominale : 107cm

TA : 130/75

HGT :3,23g/lBU : glucosurie + ; pas de cétonurie

Examen cardio-vasculaire sans anomalie, examen des pieds normal, pas de neuropathie au microfilament, pouls périphériques distaux perçus.

Concernant l’éducation :

Après une rapide enquête diététique, je constate que madame F. ne fait pas d’erreur majeure. Elle a juste tendance à sauter le repas du déjeuner. Elle ne grignote pas entre les repas, fait attention à la quantité de sucres et de graisses ingérées. Il s’agit ici de respecter des conseils simples sans entrer dans une prise en charge diététique complexe qui ne serait pas comprise par la patiente. Elle fait également attention à ses pieds, même s’il n’existe pas de neuropathie (grade0) je constate que le message de surveillance des pieds a bien été intégré.

Pendant cette période elle me demande « pourquoi je dois avoir de l’insuline, si je fais les choses correctement ? ». Je lui explique que le diabète est une maladie qui évolue silencieusement, que même si elle fait très attention, son corps ne produit plus assez d’insuline et que c’est pour cette raison qu’il devient indispensable qu’elle accepte l’insulinothérapie. Je précise qu’il faut continuer de prêter attention à son alimentation ; même avec l’insuline elle doit poursuivre ses efforts. Je lui demande d’essayer de marcher régulièrement, que c’est aussi important que la nourriture. Evidemment je lui demande de faire attention à ses pieds en portant des chaussures adaptées, de les examiner quotidiennement, de les graisser si besoin. Elle peut également voir un podologue pour traiter d’éventuels durillons, cors et ampoules.

Pourquoi l’insuline :

Avec l’aide de plaquettes d’information je lui explique que le diabète évolue lentement, qu’il s’agit d’une maladie caractérisée par une évolution conduisant à la nécessité d’insulinothérapie car l’organisme n’en produit plus assez. Que cette maladie touche plusieurs organes : les pieds, les yeux, le cœur, les reins, les nerfs. Il est donc indispensable de faire des bilans réguliers pour surveiller les complications possibles mais que la principale prise en charge reste de maintenir un équilibre glycémique acceptable. A la vue des derniers examens l’insuline est pour madame F. devenue indispensable.

Comment se fait l’insulinothérapie :

Pour commencer je vérifie que madame F. sait faire ses HGT. Je lui avais demandé de venir avec son lecteur glycémique. Je lui précise que dès qu’elle sera sous insuline, il faudra faire une HGT tous les matins à jeun et reporter les valeurs sur un carnet que je lui donne. Il s’agit du seul moyen pour surveiller l’efficacité de l’insuline et permettant d’adapter les doses.

Je lui explique quels sont les signes d’hypoglycémie (sueurs, fringales, vertiges, malaise…), il faut impérativement faire une HGT si elle présente ses signes. Si l’HGT est inférieure à 0,7g/l il faut tout de suite manger 2 morceaux de sucre (qu’elle doit toujours avoir sur elle) et un morceau de pain si elle est à distance d’un repas. Le soir même elle doit diminuer son insuline de 2UI si 0,56g/l

L’injection d’insuline se fera le soir, il s’agit d’une seule injection quotidienne d’insuline lente. Je lui explique que cette insuline agit 24h. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une seule injection car cette patiente a refusé l’insulinothérapie pendant des années.

Je lui précise également que nous allons diminuer le glibenclamide 5mg à 1 demi comprimé 2 fois par jour lorsque l’insuline sera débutée.

J’explique à sa fille qu’il faudra augmenter progressivement les doses d’insuline, que les premières semaines je les reverrai régulièrement en consultation pour reprendre les points importants, faire le point avec le carnet de surveillance et adapter l’insuline.

Je prescrits donc à madame F. un stylo injectable d’insuline lente (levemir flexpen®), des bandelettes pour lecteur, des aiguilles pour les HGT et lui demande de revenir avec le tout dans la semaine.

Je lui prescrits également un bilan ophtalmologique avec fond d’œil et un bilan cardiologique à faire dès que possible.

2 jours après madame F. reconsulte avec sa fille. Elle a amené son stylo. Avec l’aide d’un schéma je lui explique qu’il faut changer quotidiennement le site d’injection pour éviter les lipodystrophies qui limiterait l’efficacité de l’insuline et serait disgracieuse. Je lui précise que pour éviter une intolérance digestive il est préférable de prendre la metformine à la fin du repas. Si le cachet est trop difficile à avaler, il existe maintenant une forme dispersible de metformine plus facile à prendre. J’insiste une nouvelle fois sur quoi faire devant des signes d’hypoglycémie.

Nous débutons donc doucement la levemir® à 10UI, sachant qu’il faudra régulièrement augmenter par palier de 2UI à 8UI en fonction des glycémies à jeun. J’explique à sa fille qu’elle peut appeler quotidiennement pour me communiquer les chiffres de la glycémie, que je lui indiquerai s’il faut augmenter l’insuline du soir. Je lui précise qu’une diminution d’insuline en cas d’hypoglycémie se fait le jour même, mais qu’une augmentation ne se fait qu’après 3 HGT à jeun trop élevées. Je lui confie un tableau permettant l’adaptation des doses, mais pour débuter il est préférable qu’elle appelle et je reverrai madame F. dans une semaine.

Après une semaine, madame F. revient. Elle a consulté l’ophtalmo qui après FO a diagnostiqué une rétinopathie non proliférante sans hémorragie ainsi qu’une cataracte. Elle a également vu le cardiologue qui lui a demandé de faire une épreuve d’effort.

Concernant l’insuline : madame F. se fait correctement son injection d’insuline 22UI, ce matin son HGT est de 1,61g/l. Elle est contente de l’amélioration et me demande combien de temps va-t-elle devoir faire ses injections. Je lui réponds que l’insuline devra être poursuivie à vie, qu’il est possible qu’elle ait besoin de plus d’injections dans quelques années, pour l’instant l’association insuline lente et metformine suffit à équilibrer son diabète qu’il est possible que cela reste en état mais comme je lui ai déjà dit : le diabète est une maladie silencieuse qui évolue et qui va continuer d’évoluer, c’est pour ça qu’elle doit continuer le respect des règles hygiéno-diététiques associées au traitement médicamenteux pour repousser au maximum le moment où elle devra avoir plusieurs injections d’insuline. L’objectif que nous fixons est une HbA1c inférieure à 8% (voire 9%) vu l’âge et le contexte. En effet il n’y a pas intérêt dans cette situation d’obtenir une HbA1c < 7% (recommandations).

2 semaines après, je revois madame F. avant son départ pour 3 mois en Algérie. Elle a fait son épreuve d’effort qui ne montre rien d’anormal. Je m’assure qu’elle et sa fille ont bien tout compris concernant le risque d’hypoglycémie, les modifications de doses. Ce jour elle a 28UI de levemir®, une HGT le matin à jeun à 1,01g/l. Je lui prescrits un bilan biologique à faire dès son retour (HbA1c) et lui demande de venir en consultation dès qu’elle aura les résultats avec son carnet de surveillance. Elle me rappelle qu’elle est musulmane, qu’elle pratique le ramadan (cette année en septembre) qu’elle ne sait pas comment faire. Je lui explique que dans certains cas comme le diabète il est possible de ne pas faire le ramadan ou de l’adapter, que sa religion et les autorités religieuses le permettent. Elle me dit que dans sa culture la maladie est une épreuve imposée par dieu et que c’est pour cette raison qu’elle pensait faire le jeune.

Points importants :

· Femme de 64 ans

· Mise en place d’un protocole ALD exonérante

· Suivi d’un patient DNID

· Débuter l’insulinothérapie

· Compréhension de l’insulinothérapie

· Intrications culture religion et diabète

· Etablissement d’une relation médecin-malade

Problèmes posés :

Mise en place d’un protocole 100%.

Le diabète non insulinodépendant est un ALD liste, prise en charge à 100% par l’assurance maladie. Il est donc nécessaire dès que le diagnostic est fait de remplir un formulaire à envoyer à la CPAM pour que les soins, examens, médicaments soient pris en charge à 100% selon les recommandations.

Tout d’abord pour informer le patient il existe des plaquettes renseignant sur cette prise en charge : « guide pratique ALD » sur le site ameli.fr (http://www.ameli.fr/assures/soins-et-remboursements/combien-serez-vous-rembourse/en-cas-d-affection-de-longue-duree/les-a.l.d.-avec-protocole-de-soins/l-8217-etablissement-du-protocole-de-soins.php).

Sur la feuille du protocole de soins remplie par le médecin traitant nous pouvons détailler les médicaments, examens, professionnels impliqués qui seront pris en charge à 100% ou nous pouvons simplement inscrire « ALD 8 diabète de type 2 » pour que tout acte, prescriptions suivant les recommandations soient pris en charge (information qui m’a été donnée lors d’une vacation chez le médecin conseil de la sécurité sociale).

Professionnels impliqués :

Le suivi du patient diabétique de type 2 est du domaine du médecin traitant et/ou de l’endocrinologue spécialisé en diabétologie. Le recours au diabétologue est recommandé dans le cas de déséquilibre persistant, de survenue de complications, de mise sous insuline, d’éducation thérapeutique.

Une consultation ophtalmologique annuelle est systématique.

Un examen dentaire annuel est systématique.

Le recours à des avis spécialisés peut être nécessaire :

- cardiologue (ECG de repos annuel ; survenue de complications) ;

- médecin vasculaire (aide au diagnostic de complications) ;

- radiologue, échographiste (aide au diagnostic de complications) ;

- néphrologue (aide au diagnostic de complications) ;

- neurologue (aide au diagnostic de complications) ;

- psychiatre, psychologue (prise en charge des troubles du comportement alimentaire, conduites addictives) ;

- diététicien (éducation thérapeutique, déséquilibre, surpoids ou obésité, troubles alimentaires) ;

- tabacologue (forte dépendance, coaddictions multiples, terrain anxio-dépressif) ;

- infirmier (éducation thérapeutique, suivi, injections d’insuline).

Examens complémentaires :

Actes techniques :

- Fond d’oeil annuel avec dilatation systématique

- ECG de repos annuel, systématique

- Bilan cardiologique approfondi pour dépister l’ischémie myocardique asymptomatique chez le sujet à risque cardio-vasculaire élevé ;

- Écho-Doppler des membres inférieurs avec mesure de l’index de pression systolique (IPS) pour dépister l’artériopathie des membres inférieurs : chez les patients âgés de plus de 40 ans ou ayant un diabète évoluant depuis 20 ans, à répéter tous les 5 ans, ou moins dans le cas de facteurs de risque associés.

Suivi biologique :

- HbA1c suivi systématique (4 fois par an)

- Glycémie veineuse à jeun (contrôle de l’autosurveillance glycémique, chez les patients en autosurveillance glycémique, une fois par an)

- Bilan lipidique (CT, HDL-C, TG, calcul du LDL-C) une fois par an

- Microalbuminurie, une fois par an

- Créatininémie à jeun, une fois par an

- Calcul de la clairance de la créatinine (formule de Cockroft), une fois par an

- TSH (en présence de signes cliniques).

HAS, Guide ALD 8 diabète de type 2.

Ameli.fr

Pour un diabète nous devons noter dans la case « argumentation », 2 glycémies à jeun supérieures à 1,26g/l ou une glycémie supérieure à 2g/l. L’hémoglobine glyquée ne sert qu’au suivi et ne permet pas encore de faire le diagnostic de diabète.

Ce qui m’amène à une réflexion :

Comment suspecter une hémoglobinopathie et comment faire le suivi du diabète dans un tel cas ?

Quand suspecter une pathologie de l’hémoglobine chez un patient diabétique :

· Absence de corrélation entre les HGT et les résultats de l’HbA1c.

Glycémies moyennes (g/l)

HbA1c (%)

3,10

11

2,75

10

2,40

9

2,05

8

1,70

7

1,35

6

1,00

5

· HbA1c > 15%.

· Lorsque les résultats de l’HbA1c sont radicalement différents lors d’un changement de laboratoire ou de méthode.

La plupart des pathologies de l’hémoglobine sont HbS, HbC, HbE touchant essentiellement des patients originaires d’Afrique, d’Asie du sud est.

Comment faire le suivi du diabète si nous ne pouvons nous fier à l’hémoglobine glyquée ?

Il existe un test à la fructosamine qui permet éventuellement un suivi mais nous ne possédons pas encore de donnée standardisée.

Sickle cell trait and other hemoglobinopathies and diabetes :important information for physicians ; National institute of diabetes and digestive and kidney disease. NIH publication No. 08-6287. Novembre 2007.

Comment débuter l’insulinothérapie ?

Chez cette patiente en particulier mais comme beaucoup de diabétiques non insulinodépendants la peur de l’injection d’insuline est présente. Pour madame F. il s’agit du stade ultime qu’il ne faut surtout pas atteindre. Dans son expérience personnelle elle a été confrontée à une amie qui se faisait ses injections d’insuline rapide ce qui l’a effrayé. « Jamais je ne me ferai d’injections ! » c’est par ses paroles qu’elle débutait la consultation qui devait nous amener à prescrire l’insulinothérapie. Il a donc été nécessaire de pendre le temps (consultation de 1h) de lui expliquer ce qu’était un diabète. Pour ce faire je me suis aidé de plaquettes illustrées, détaillant avec de simple image les organes atteints par cette pathologie, les causes de la hausse de la glycémie (« trop de sucre »), pourquoi les médicaments et les règles hygiéno-diététiques ne suffisent plus à contrôler la maladie, quels sont les risques de « laisser trainer » et donc pourquoi il devient indispensable de débuter l’insuline. Mon discours s’est appuyer sur sa fille qui m’a beaucoup aidé pour convaincre sa mère et aussi pour que l’information passe mieux aux vus des difficultés de langage.

A partir du moment où madame F. a commencé à émettre la possibilité de débuter l’insuline j’ai eu un discours rassurant. Je lui ai expliqué qu’il s’agissait pour commencer que d’une seule injection par jour, qu’il était possible que l’on soit obligé par la suite d’augmenter le nombre d’injections mais qu’il se pouvait qu’elle reste équilibrée avec une seule pendant plusieurs années. Pour continuer dans la réassurance, je lui ai montré une aiguille de stylo à insuline, qu’il s’agissait d’aiguille très fine et donc peu douloureuse.

A la 2ième consultation, elle venue avec son matériel. Je lui ai montré, ainsi qu’à sa fille, comment faire son injection d’insuline. Je lui ai précisé de changer de zone d’injection tous les jours pour éviter les lipodystrophies. Je me suis aidé d’un schéma pour lui montrer les zones possibles d’injection.

Il m’a paru nécessaire de préciser à chaque consultation quels étaient les signes d’hypoglycémie et ce qu’il fallait impérativement faire si cela arrivait. Même s’il est certain qu’avec une injection d’insuline « lente » le risque d’hypoglycémie est mineur voire inexistant.

Nous avons donc débuté son insulinothérapie par une 10UI d’insuline lente le soir avec contrôle HGT tous les matins à jeun. Il est recommandé de débuter habituellement par 0,2 unité/kg/jour, mais devant la peur de la patiente, il m’a semblé préférable de commencer par 10 unités et d’augmenter assez rapidement par la suite. J’ai laissé un peu de temps à madame F. pour qu’elle s’habitue aux injections sans angoisse. J’avais expliqué à madame F. ainsi qu’à sa fille comment modifier les doses mais il m’a semblé utile de lui demander de m’appeler tous les 3 jours au début pour augmenter progressivement son insuline. De plus elle était angoissée par la peur de faire une hypoglycémie, pour la tranquilliser j’ai préféré augmenter par pallier de 4UI tous les 3 jours et donc de ne pas faire l’escalade prévue (2 à 8UI en fonction de l’HGT à jeun des 3 derniers jours).

Je lui ai demandé de continuer les règles hygiéno-diététiques.

J’ouvre une parenthèse sur : par quelle insuline (rapide ; mixe ; lente) faut-il débuter une insulinothérapie chez un patient diabétique de type 2 ?

Une étude multicentrique randomisée ouverte intitulée « Treating to Target in Type 2 Diabetes - 4 T » débutée il y a 1 an commence à apporter quelques résultats.

Cette étude illustre les difficultés à maintenir l'HbA1c en dessous du seuil de 6,5 % dans le diabète de type 2 sous traitement mixte associant anti-diabétiques oraux et insuline. L'utilisation d'insuline biphasique ou prandiale permet de meilleurs résultats glycémiques que l'utilisation d'une insuline basale au prix d'une augmentation du risque d'hypoglycémie et du poids. L'éditorial recommande donc de continuer à associer la metformine à une insuline basale en cas d'échec du traitement oral. La seconde phase de l'étude permettra de mieux définir la conduite à tenir lorsque cette option thérapeutique ne permet pas d'avoir une HbA1c à l'objectif.

C’est à la fin de la consultation qu’elle me précise que prendre la metformine lui avait été très difficile, lui provoquant des douleurs abdominales et des diarrhées.

HAS ; Traitement médicamenteux du diabète de type 2 ; Recommandation de bonne pratique ; Novembre 2006

Holman RR et coll : Addition of biphasic, prandial, or basal insulin to oral therapy in type 2 diabetes. N Engl J Med., 2007 ; 357 : 1716-30. GT McMahon & RG Dluhy : Intention to treat - Iniiating insulin and the 4-T study. N Engl J Med., 2007 ; 357 : 1759-61.

Metformine et troubles digestifs

J’avais déjà évoqué le sujet lors d’un groupe de pairs, j’avais donc les documents utiles pour répondre à cette question.

Dans les recommandations HAS traitement DNID, il est précisé que les troubles digestifs sont assez fréquents en début de traitement par metformine. Il est précisé dans la monographie du produit que ses troubles touchent 1 patient sur 10, qu’ils peuvent être diminués par une posologie progressivement croissante et une prise au milieu du repas.

Les effets secondaires les plus fréquents sont digestifs : anorexie, nausée, inconfort abdominal et diarrhée principalement. Ces effets sont moins fréquents si le médicament est pris en cours ou fin de repas et si les posologies sont majorées lentement ou limitées chez certains patients.

Appareil digestif : Très courants (> 1/10). Les symptômes gastro-intestinaux (diarrhée, nausées, vomissements, ballonnements, flatulence et anorexie) sont les effets indésirables les plus souvent liés à l’emploi de GLUCOPHAGE® et sont près de 30 % plus fréquents chez les patients qui reçoivent cet agent seul que chez ceux qui prennent un placebo, surtout au début du traitement.

Ils sont généralement transitoires et disparaissent spontanément avec le temps. Il peut parfois se révéler utile de réduire temporairement la dose administrée pour les atténuer.

Comme les symptômes gastro-intestinaux survenant au début du traitement semblent liés à la dose administrée, on peut les atténuer en augmentant progressivement la dose et en conseillant au patient de prendre GLUCOPHAGE® (chlorhydrate de metformine) à l’heure des repas (voir la section POSOLOGIE ET ADMINISTRATION).

HAS Novembre2006

TRAITEMENT MEDICAMENTEUX DU DIABETE DE TYPE 2 (Actualisation)

Recommandation de Bonne Pratique

MONOGRAPHIE DE PRODUIT

GLUCOPHAGE® (chlorhydrate de metformine)

Antihyperglycémiant oral

sanofi-aventis Canada Inc. Date de révision : 20 juin 2006

No de contrôle de la présentation : 101051 Version s-a 2.0 datée le 20 juin 2006

Culture, religion et diabète

Devant cette situation de prise en charge d’une maladie chronique la dimension culturelle et religieuse doit être évoquée chez cette patiente maghrébine pratiquant la religion musulmane.

Tout d’abord ma recherche m’a mené sur un article publié en janvier 2006 dans le journal du DELF (Diabète Education de Langue Française) abordant la thématique de l’éducation des patients diabétiques nord-africains à Marseille. Pour les auteurs les obstacles qui surviennent généralement lorsque l’on prend en charge ce genre de patient se divisent en 3 groupes :

· Linguistique et éducatif

L’illettrisme touche 75% des patients et le niveau scolaire ne dépasse que très rarement le niveau « école primaire » ce qui aboutit à un retard de prise en charge, une adhésion difficile au suivi, des difficultés à verbaliser les symptômes et responsable d’une souffrance psychologique.

· Economique et social

Une plus grande précarité touche cette population ainsi qu’une mauvaise connaissance du système de santé et des droits sociaux responsables d’un moindre recours aux soins ainsi que des difficultés à observer les conseils diététiques. C’est pour cette raison qu’il m’a paru important d’apporter des précisions sur le protocole de prise en charge ALD en début de réflexion.

· Résistance culturelle et religieux en rapport avec la représentation subjective de la maladie

Le diabète est perçu comme facteur de dévalorisation et d’isolement social, une crainte d’inaptitude au travail peut alors être à l’origine d’une volonté de cacher la maladie et donc de limiter le recours aux soins. L’aptitude au travail manuel à une importance capitale, le patient doit être fort et robuste et doit donc se nourrir avec une alimentation riche et consistante ce qui s’oppose aux règles hygiéno-diététiques proposées. L’expérience migratoire ou le statut d’immigré sont fréquemment perçus comme les facteurs déclenchant la maladie. En effet des difficultés d’intégrations, la situation sociale difficile et le racisme peuvent être perçus comme stress déclenchant la maladie. Il existe également parfois une ambivalence vis-à-vis de la prise en charge de la maladie proposée par la médecine occidentale et parfois un rejet du patient responsable d’une faible adhésion. Les patients maghrébins sont très attachés à leur mode d’alimentation traditionnelle qui a une forte valeur symbolique, le projet diététique devient alors une atteinte à un fondement culturel.

Enfin il m’était essentiel d’expliquer à madame F. que les autorités religieuses musulmanes autorisaient les patients diabétiques à ne pas effectuer le jeûne du ramadan ou à l’adapter. J’ai insisté sur ce sujet lors de notre consultation en informant la patiente du risque de faire un jeûne lors d’une insulinothérapie.

Education des patients diabétiques nord-africains à Marseille : quels obstacles ? F. Dadoun ; journal du DELF – janvier 2006.

Recommendations for management of diabetes during ramadan ; diabetes care, volume 28, numéro 9, septembre 2005.

Des médicaments et des hommes. Congrès du DELF – février 2006. Sylvie Fainzang.

Relation médecin malade

Il me paraît important d’aborder ce sujet pour terminer, élément essentiel d’une prise en charge lors d’une pathologie chronique. Cette patiente, qui a toujours refusé le traitement par insuline qui lui avait été proposé en hospitalisation de semaine et ensuite à plusieurs reprises lors des consultations avec son médecin traitant, clamant haut et fort qu’elle ne se fera jamais d’injection, accepte finalement le traitement après une seule consultation. Pourquoi un tel changement de comportement ?

Tout d’abord je pense que le temps (1 heure) accordé à expliquer calmement les choses sans imposer, sans discours moralisateur et avec le soutien de sa fille a joué un rôle important.

Ensuite d’avoir abordé le sujet de la culture, de la religion m’a permis d’avoir une relation privilégiée avec cette patiente.

La relation médecin-malade s’est progressivement installé sur un mode de confiance « mère-fils » chez cette patiente qui a dès le début été très chaleureuse avec moi et qui n’a jamais eu de fils. Il m’a donc paru essentiel d’aborder cette notion de relation lors de l’ED « relation médecin-malade » le 03/09/2008 devant les questions qui c’étaient posée à moi : ne suis-je pas allé trop loin dans cette relation ? Ai-je déontologiquement le droit de me servir d’une relation privilégiée pour le bien d’un patient ?

Effectivement ce qui explique la compliance soudaine de ma patiente est en grande partie dû à cette relation de confiance. J’en ai rapidement eu conscience et m’a permis de me fixer des limites à ne pas dépasser (ce qui est primordiale), me permettant d’utiliser cette confiance pour le bien de ma patiente.

Synthèse :

Cette situation m’a permis de comprendre comment mettre en place un protocole ALD de prise en charge à 100%. Ce qui permet à la patiente d’être exonérée du ticket modérateur pour tous les actes, soins, consultations de spécialistes si cela suit les recommandations HAS.

J’ai pu refaire le point sur le suivi d’un patient diabétique de type 2.

J’ai pu entrevoir les problèmes et les blocages qu’avaient certains patients devant la mise en place d’une insulinothérapie. Comment convaincre une patiente d’accepter un traitement pour lequel la crainte exprimée est importante. J’ai compris qu’il était très important de prendre le temps, d’expliquer simplement les choses, de s’aider de plaquettes d’informations et de s’appuyer sur un membre de la famille pour que le message soit correctement compris.

J’ai pu m’informer sur la limite de l’hémoglobine glyquée dans le suivi chez des patients ayant une hémoglobinopathie.

J’ai également fait une recherche sur l’image qu’a le patient d’avoir une maladie chronique, comment cette perception pouvait être influencée par la culture, l’origine ethnique et la religion. Nous devons tenir compte d’avoir en face de nous des patients ayant une approche différente de la notre, qu’il est nécessaire de composer avec pour éviter un refus de soins. Pour les populations migrantes il convient donc de prendre en considération la diversité sociale et culturelle pour comprendre leur comportement de santé.

Je me suis aperçu comment une relation médecin-malade pouvait s’installer, que cette relation de confiance permet une meilleure acceptation de la prise en charge mais que nous devons nous imposer des limites et une certaine distance pour rester dans notre rôle de soignant.

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