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ÉTUDES SUR LA RÉPARTITION DES ESSENCES FORESTIÈRES EN FRANCE INTRODUCTION Par Ph. GUINIER CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DIRECTEUR DE L'ÉCOLE NATIONALE DES EAUX ET FORETS

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ÉTUDES SUR LA RÉPARTITION

DES ESSENCES FORESTIÈRES EN FRANCE

INTRODUCTION

Par Ph. GUINIER CORRESPONDANT DE L'INSTITUT

DIRECTEUR DE L'ÉCOLE NATIONALE DES EAUX ET FORETS

ÉTUDES SUR LA RÉPARTITION DES ESSENCES FORESTIÈRES EN FRANCE

INTRODUCTION

En 1913, à l'occasion du Congrès forestier international, un rapport était présenté sur la Répartition des végétaux ligneux en France (i). Après avoir constaté que la connaissance précise de la répartition géographique des végétaux ligneux était une nécessité et une condition du progrès de la sylviculture et de l'art du reboisement, la pauvreté de la documentation alors existante était dénoncée. Parfois, il était impossible de pré-ciser la répartition même des grandes essences et des erreurs manifestes se trouvaient constamment répétées. Le rapport concluait :

« Le moment est venu de se mettre à l'ceuvre. Pour les progrès de la sylviculture, pour la réussite complète de l'oeuvre du reboi-sement, il est nécessaire de remplacer les documents imparfaits que nous possédons sur la répartition de nos végétaux ligneux par des documents plus précis répondant mieux aux exigences modernes. Le travail à entreprendre est de longue haleine. C'est par une collaboration aussi large que possible des botanistes, des forestiers, de tous ceux, de plus en plus nombreux, qui s'in-téressent à la forêt, que l'on pourra atteindre le but. L'attention étant tournée de ce côté, on rassemblera des données, on provo-quera dans certains cas des enquêtes locales. Ces résultats épars pourront être ensuite réunis en un travail d'ensemble, d'abord pour les essences les plus importantes ensuite pour les essences secondaires, les arbustes et arbrisseaux. Ce travail de synthèse est du ressort d'une Station de recherches forestières; il est dési-rable de voir la Station de recherches annexée à l'École des Eaux et Forêts, en prendre l'initiative.

(r) Ph. GUINIER : Répartition des végétaux ligneux en France. (Touring - Club de France. Congrès forestier international, 16-zo juin 1913, pp. 74-80.)

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Le Congrès émettait un vœu formulant le desideratum que « l'attention des botanistes et des forestiers soit attirée sur l'étude des végétaux ligneux de la flore française en particulier, au point de vue de leur répartition géographique et de leurs relations avec les conditions de milieu; que des études d'ensem-ble soient organisées par la Station de recherches de l'École des Eaux et Forêts avec le concours de tous les agents des Eaux et Forêts. »

Vingt-cinq années bientôt se sont écoulées. Les événements survenus et les conséquences de tous ordres qu'ils ont entraînées expliquent le retard apporté à la réalisation d'études qui, alors, s'annonçaient délicates. Les circonstances ont changé. Avec plus de facilité on peut maintenant se proposer d'établir la répar-tition géographique des essences forestières françaises; avec plus de sûreté, on peut prétendre en dégager les causes et définir l'écologie de ces essences. On en comprendra les raisons en pré-cisant la situation au moment où la proposition était émise et en examinant les modifications survenues depuis dans les idées et les faits.

En 1913, la difficulté des études indiquées était expliquée dans les termes suivants :

« L'étude des arbres est à la fois du domaine de la botanique et de la sylviculture et il semblerait que de deux côtés on devrait s'y intéresser. En fait, il n'en est rien.

« Les botanistes considèrent volontiers que l'étude des arbres constitue une branche spéciale, la dendrologie, qu'ils négligent. Les arbres offrent, il est vrai, plus d'une particularité qui en rend l'étude un peu compliquée, au moins matériellement; leurs rameaux sont souvent peu accessibles et il est difficile de s'en procurer des échantillons complets, avec fleurs et fruits, d'au-tant plus que la floraison a lieu chez beaucoup d'espèces, à une époque très précoce, avant le développement des feuilles, ce qui exige la récolte de rameaux à plusieurs moments de l'année sur le même arbre. Les botanistes collectionneurs, qui sont en majorité, reprochent aux végétaux ligneux d'être encombrants et de mal se prêter au classement en herbier. Si on consulte des herbiers même très complets, on est frappé de voir combien la flore ligneuse y est mal représentée. Dans les flores, les cata-

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logues régionaux de plantes, on relève couramment des inexac-titudes et des lacunes en ce qui concerne la répartition des arbres et arbustes. Dans des récits d'herborisations, il est courant de ne trouver aucune mention des arbres rencontrés et on peut citer des comptes rendus d'excursions botaniques en forêt où on ne dit pas de quelles essences se composent les forêts visitées. Des botanistes expérimentés, qui rougiraient de confon-dre deux espèces herbacées très voisines, avouent sans fausse honte qu'ils ne connaissent pas des arbres très répandus. Il y a des botanistes spécialistes, des dendrologues, mais le nombre en est restreint et de plus leur attention, attirée par les innom-brables espèces de végétaux ligneux exotiques cultivés dans les parcs, se concentre rarement sur les essences indigènes.

« Le concours des botanistes se trouvant ainsi faire défaut, en vertu d'un état d'esprit fâcheux, mais indéniable, il semble que l'on puisse compter sur les forestiers. Diverses raisons font que l'on ne trouve pas non plus de ce côté toutes les res-sources que l'on pourrait attendre. Il y a bien des manières d'en-visager la forêt

... Les forestiers, régisseurs du domaine boisé, se préoccupent avant tout de l'administrer et de le faire produire; l'administra-tion, l'aménagement, la sylviculture purement pratique les absorbent et les empêchent de s'intéresser à d'autres questions, dont peut-être, jusqu'à présent, on n'a pas fait ressortir assez l'importance et les applications directes à la sylviculture. Assez nombreuses sont les études surtout historiques et économiques publiées par des forestiers sur les forêts qu'ils ont eu à gérer, infiniment plus rares sont les études où on se préoccupe aussi de la description même de la forêt, de l'étude des essences qui la composent, des conditions de leur développement

« Il y a aussi une raison pour laquelle, malgré tout, les fores-tiers ne peuvent apporter qu'une contribution partielle à la connaissance de la répartition des végétaux ligneux : c'est qu'étant seulement chargés de la gestion des forêts soumises au régime forestier, ils sont très inégalement répartis en France. Ceux dont la circonscription, restreinte, comprend des forêts bien groupées ont l'occasion de parcourir presque tout le pays et peuvent le connaître parfaitement. On ne peut demander les

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mêmes renseignements à ceux dont l'activité est appelée à s'exercer dans des forêts réparties sur un ou plusieurs dépar-tements. s

A l'époque dont il s'agit les documents dont on pouvait dis-poser étaient bien peu nombreux. Ainsi qu'il a été dit, on ne pouvait compter assez sur les travaux purement botaniques, flores locales, catalogues de plantes, récits d'herborisations : trop de lacunes, voire d'erreurs, diminuaient leur valeur. Du côté forestier on disposait de ce magnifique ouvrage qu'est la Flore forestière de MATHIEU, dont la première édition date de 1858; l'auteur s'est efforcé d'y caractériser chaque essence du point de vue écologique et d'en décrire la répartition géographi-que; mais les indications données sont encore succinctes ou incom-plètes. La Statistique forestière publiée par l'Administration des Forêts en 1878 constitue un document plus complet et plus détaillé. MATHIEU, qui dirigeait le travail, a rassemblé les ren-seignements fournis par les agents forestiers sur la répartition en France de 36 espèces et a tracé pour 12 d'entre elles des cartes de distribution. Ce travail, très consciencieux, est pourtant complètement insuffisant. Son défaut fondamental vient de la conception purement administrative qui y a présidé : on a pris comme base la circonscription administrative, le département ou, plus fréquemment, le cantonnement forestier, et l'on n'a considéré que les forêts soumises au régime forestier. D'une façon générale, c'est une méthode inacceptable que de s'appuyer, pour l'étude de faits naturels, sur des divisions administratives purement arbitraires. En particulier, le cantonnement est d'é-tendue très variable et ne peut être considéré comme homogène; or, on donne pour la fréquence d'une essence dans un cantonne-ment un résultat moyen, en généralisant à toute la circonscrip-tion les faits consignés pour une ou deux localités. On ne tient aucun compte de la localisation des essences en fonction de l'al-titude, du sol, des circonstances topographiques. La grande inégalité de surface des cantonnements augmente encore l'im-précision de la documentation : la généralisation d'un fait dans les conditions précédentes a plus d'inconvénients pour un dépar-tement que pour un seul canton. La considération exclusive des forêts soumises au régime forestier est une autre cause d'inexac-

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titude; dans certains cas on a admis, pour établir la statis-tique, que les forêts particulières d'une région sont analogues aux forêts soumises au régime forestier, composées des mêmes essences, associées dans les mêmes proportions; cette hypothèse, admissible dans les pays où les forêts particulières sont peu éten-dues et englobées dans les forêts domaniales ou communales, conduit à de fortes erreurs dans les pays où les circonstances sont différentes. Enfin, il est inévitable que, dans un travail de la nature du précédent, dû à la collaboration d'un grand nom-bre de personnes, se glissent des erreurs provenant de malen-tendus ou d'oublis.

La conclusion, formulée en 1913, était que « ni les données consignées par MATHIEU et les auteurs qui l'ont suivi, ni les indi-cations plus détaillées de la statistique forestière, ne suffisent à nos besoins actuels. Elles constituent une première approxi-mation, mais sont incomplètes, même pour nos grandes essences ».

La situation est actuellement modifiée et la tâche assignée est plus aisée : une évolution profonde dans les idées, des progrès marqués dans les connaissances sont intervenus du côté des botanistes comme parmi les forestiers.

Du côté botanique, la circonstance essentielle à considérer est le développement de la phytogéographie en général et plus spécialement de l'écologie et de la phytosociologie. A l'herbo-risation, qui n'avait pour but que la recherche de plantes que l'on étudiait individuellement du point de vue de leurs carac-tères systématiques, a été substituée l'étude synthétique de la végétation, l'étude des groupements végétaux, conduite avec la préoccupation de discerner les causes de la localisation des espèces et de l'équilibre qui s'établit entre elles. Par la place qu'ils tiennent dans la végétation, les arbres, jusque-là négligés, se sont imposés à l'attention des botanistes, qui ont été amenés non seulement à signaler leur présence, mais à les prendre sou-vent comme caractéristiques de groupements végétaux et à rechercher les causes de leur répartition.

Les forestiers ont évolué aussi. Concentrant jadis leur atten-tion sur quelques essences principales dont ils cherchaient à déterminer les conditions de croissance et de régénération, ne voulant considérer que des peuplements, les forestiers ont été

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amenés à comprendre que la forêt n'était pas qu'un ensemble d'arbres, mais un groupement plus complexe, une association dans laquelle tous les végétaux constituants ont un rôle. Cette association est en perpétuelle évolution, l'équilibre entre les espèces rassemblées se modifie sans cesse et on ne peut parvenir à rendre la forêt plus belle et plus productive qu'en prêtant attention à tous les détails de sa constitution et en connaissant mieux le comportement des arbres vis-à-vis du milieu. La géo-graphie botanique est devenue une base de la sylviculture. Cette évolution, qui s'est produite durant le dernier quart de siècle, est partie de France sous l'impulsion notamment de cet ardent propagandiste de la phytogéographie que fut Charles FLAHAULT; elle s'est propagée dans tous les pays.

Botanistes et forestiers, ainsi rapprochés par des préoccupa-tions communes vis-à-vis des arbres et de la forêt, peuvent fournir maintenant des indications qu'on ne pouvait attendre d'eux antérieurement. Les travaux phytogéographiques, les monographies floristiques régionales, apportent des documents de plus en plus nombreux. Il devient plus aisé de rassembler une documentation écrite ou orale émanant de forestiers. L'orien-tation actuelle de la sylviculture les incite a. l'observation de faits autrefois considérés comme négligeables. De plus la concep-tion actuelle du rôle du forestier, certaines nécessités même du service, font que leur attention ne se concentre plus si exclusi-vement sur les forêts soumises au régime forestier. Il est néces-saire de mentionner aussi les renseignements qu'a apportés la Statistique forestière établie en 1912 par la Direction générale des Eaux et Forêts, mais publiée seulement à une date posté-rieure. Plus précise que la Statistique de 1878, elle donne des descriptions succinctes de tous les massifs forestiers ayant une contenance supérieure à 500 hectares, et, pour les massifs de moindre étendue, des renseignements sur la composition des peuplements par canton. Ce cadre est encore trop administra-tif; d'autre part il n'est tenu compte que des essences occupant une place relativement importante dans le peuplement (i/io au moins) : quelques arbres d'une essence, isolés au milieu d'un peu-plement, peuvent, cependant, avoir un intérêt botanique, his-torique et forestier considérable, lorsque l'on étudie la réparti-

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tion d'une essence. Étudiée avec soin, cette statistique de 1912

peut néanmoins fournir des renseignements utiles. C'est ainsi que le projet autrefois formulé et dont l'intérêt

n'a aucunement diminué, peut être repris avec moins de diffi-cultés pour la documentation et plus de sûreté pour l'interpré-tation des faits. Réorganisée en 192o, mieux dotée en personnel et en moyens d'action, la Station de recherches et expériences de l'École Nationale des Eaux et Forêts peut, en cette circons-tance, remplir le rôle de coordination que lui attribuait le voeu émis par le Congrès forestier de 1913.

ANN. FOREST. - T. VI. - FASC. 2. I5

I

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA RÉPARTITION

DU SAPIN (Ables alba Mill.)

Par R. ROL

INSPECTEUR DES EAUX ET FORÉTS

CHEF DE LA je SECTION DE LA STATION DE RECHERCHES ET EXPÉRIENCES FORESTIHRES

DE L'ÉCOLE NATIONALE DES EAUX ET FORÊTS

PLANCHE I

Forêt domaniale de la Joux (jura), Canton des Petits Cherards. — 76o. Haute futaie régulière de sapins, âgée de rxo ans.

PLANCHE II

Forêt domaniale de la Joux (Jura).

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA RÉPARTITION

DU SAPIN (Abies alba Mill.)

I. — LA DOCUMENTATION

Dans notre littérature botanique et forestière, un seul ouvrage a été consacré à la répartition du Sapin en France. C'est une véritable monographie de cette essence qui a été publiée par Cl. Roux en 1905 (i). L'auteur y étudie avec beaucoup de détails la répartition actuelle du Sapin dans le Massif Central et prin-cipalement dans la région lyonnaise qu'il connaît admirable-ment. Pour les autres régions de la France, les renseignements, d'ailleurs assez succincts, qu'il donne, paraissent provenir d'un certain nombre d'ouvrages forestiers et en particulier de la Statistique forestière de 1878. Et si les cartes de répartition qui accompagnent cette étude paraissent très exactes pour le Massif Central, nous sommes obligé de faire de grandes réserves en ce qui concerne les autres régions.

De précieux renseignements peuvent être trouvés dans des monographies régionales, forestières ou phytogéographiques, voire même géographiques; parfois, trop rarement d'ailleurs, des cartes détaillées accompagnent ces études et précisent les limites de l'aire du Sapin dans la région étudiée. L'énumération de tous les travaux que nous avons utilisés serait fastidieuse, nous les signalerons au fur et à mesure, dans le cours de notre étude.

Malgré tout, il restait (et il reste encore) bien des lacunes dans notre documentation, lacunes que nous avons comblées en par-tie grâce aux renseignements inédits qu'ont bien voulu nous

(i) Cl. Roux : Le domaine et la vie du sapin autrejois et aujourd'hui et principale-ment dans la région lyonnaise. Essai de monographie dendrécologique. Lyon, 1905.

238 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

fournir de nombreux officiers forestiers, qu'il nous est agréable de remercier ici.

II. — L'AIRE DU SAPIN

Le Sapin a, en France, une aire très morcelée. On le trouve, en proportion très variable d'ailleurs, suivant les conditions locales, dans tous nos grands massifs montagneux, exception-nellement en plaine. On peut ainsi distinguer sept régions dis-tinctes : Vosges, Jura, Alpes, Pyrénées, Massif Central, Corse, collines de la Haute Normandie.

I 0 Les Vosges. -- Le Sapin est l'arbre vosgien par excellence, la chose est même si évidente que personne ne paraît s'être jamais occupé de déterminer de façon précise ses limites dans les Vosges. MATHIEU lui assigne comme altitudes extrêmes : 300 mètres et 1.200 mètres. Ces chiffres, exacts en certains points, présentent des variations considérables selon les circonstances locales et il semble que les chiffres de 400 mètres et de 1.100 mètres soient applicables plus généralement.

Grâce aux renseignements qui nous ont été fournis par M. E. WALTER, pharmacien et botaniste de Saverne, et par M. DEUTSCH, garde général à Saverne (I), nous avons pu préciser assez exacte-ment la limite nord de la sapinière vosgienne. Dans la vallée de la Zorn la sapinière s'arrête aux environs de Schaeferhoff, entre 25o et 300 mètres d'altitude environ, mais on trouve encore quelques sapins disséminés ou par bouquets jusqu'à Hofmühle, sur le canal de la Marne au Rhin; un peu plus à l'est, à la faveur de l'étroite vallée du Baerenbach, de caractère plus montagnard, le Sapin atteint presque Stambach au confluent du Baerenbach et de la Zorn. On en trouve également quelques pieds dans certains vallons frais, ouverts au nord et débouchant sur la vallée de la Zorn. Plus au nord, le Sapin existe dans l'étroite vallée de Stutsbach et au delà du col de Saverne, il est large-ment disséminé dans le bassin de la Zentzel du sud, sur près

(i) WALTER (E.) : La limite septentrionale du sapin dans les Vosges. Note inédite

936.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 239

de 7 kilomètres de long, garnissant les abords de la vallée prin-cipale et se réfugiant, le long des ruisselets dans les vallons frais. Il se trouve là à une altitude de 200 à 250 mètres environ. D'après WALTER, la spontanéité du Sapin dans la région n'est pas douteuse, sa présence est déjà mentionnée dans des documents datant de 1753. Mais si les arbres les plus anciens sont peut-être spontanés, des plantations nom-breuses ont dû être faites dans la région, même antérieure-ment à 1870 (1). Tous les peuplements de sapin existant plus au nord, jusqu'à la frontière du Palatinat, proviennent certai-nement de plantations.

Vers l'ouest, à partir de la vallée de la Zorn, la limite du Sapin est relativement facile à tracer. Elle est d'abord de direc-tion nord-est—sud-ouest, passe un peu à l'est d'Abreschwiller et de Saint-Quirin, pénètre en Meurthe-et-Moselle quelque peu au sud de la route de Saint-Quirin à Cirey, s'infléchit vers Val-et-Châtillon, laisse Badonviller à l'ouest et arrive à la Meurthe immédiatement à l'est de Raon-l'Étape. Elle forme alors un crochet le long de cette rivière jusqu'à proximité de Saint-Dié, le fond de la vallée de la Meurthe, dans la région d'Étival et de Saint-Dié, étant complètement dépourvu de sapin. Cependant, sur la rive gauche, il arrive presque jusqu'au bord de la rivière dans la partie resserrée de la vallée qui se trouve immédiatement à l'amont de Raon-l'Étape, sous La Pierre d'Appel.

La limite passe ensuite à peu près exactement au Col de la Chipotte, puis le Sapin occupe la tête des vallons de tous les petits affluents de droite de la Mortagne. Dans la vallée prin-cipale il descend jusqu'à 3 kilomètres environ au nord de Brou-velieures; toutefois, à l'état spontané, il est peu abondant sur la rive gauche. A l'ouest de Bruyères, on le trouve également à l'état disséminé dans la forêt de Faîte jusqu'aux environs de Charmois.

La limite s'infléchit alors franchement vers le sud, en se maintenant à mi-pente des hauteurs qui dominent la rive droite de la Moselle. Elle coupe cette dernière immédiatement à l'aval de Remiremont, contourne la forêt d'Hérival, qui paraît cons-

(r) Renseignements fournis par le Service forestier de la Moselle.

240

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

tituer actuellement la sapinière des Vosges la plus avancée vers l'ouest, puis continue en direction de l'est. Il semble cepen-dant qu'autrefois dans cette région le Sapin s'étendait beaucoup plus loin vers l'ouest, et d'après les renseignements qui nous ont été fournis par M. TISSERAND, inspecteur adjoint à Épinal, il existerait encore quelques vieux sapins dans certaines forêts des Faucilles, en particulier dans la forêt communale de Hadol, située au sud du village de ce nom.

Dans la Vôge, sur le territoire de Fontenoy-le-Château, on trouve, à 300 mètres d'altitude environ, la sapinière de la Fresse, de 360 hectares, issue de plantations faites vers 1780, sur grès bigarré. La régénération naturelle s'y fait admirablement (i).

En amont de Remiremont, le Sapin ne paraît pas exister sur la rive gauche de la Moselle dans le région comprise entre Maxon-champ et Le Thillot (2), et il ne pénètre en Haute-Saône que sur les contreforts du ballon de Servance; la limite passe par le col de Château-Lambert, Miellin, Plancher-les-Mines. Sa sta-tion la plus avancée vers le sud-ouest paraît être le canton du Sapoz (3) entre Fresse et Belféhy.

Sur les contreforts du ballon d'Alsace, la limite du Sapin se maintient à une altitude moyenne de 6O0 mètres environ.

En Alsace, en raison du climat nettement plus chaud et plus sec, le Sapin ne descend qu'exceptionnellement au-dessous de 500 mètres. La limite de son aire suit donc approximativement la courbe de niveau de 500 mètres depuis la région de Masse-vaux, où le Sapin est relativement peu abondant, jusqu'aux environs de Wangenbourg, avec des variations locales, générale-ment de faible amplitude, dues soit à des questions d'exposi-tion, soit à l'action de l'homme. Sur les versants chauds et secs, la sapinière ne descend pas au-dessous de 6O0 mètres. Au con-traire, dans les vallées étroites et sur les versants nord, on trouve le Sapin jusqu'à 300 mètres.

Des renseignements précis sur l'extension actuelle du Sapin

(r) Rapports sur les excursions du Congrès de 1908. (Bull. Soc. For. Franche-Comté, t. 9, 1907-1908, p. 605.)

(2) Renseignements fournis par M. RENAUD, inspecteur adjoint à Remiremont. (3) E. WALTER : A propos de la limite sud occidentale du Sapin dans les Vosges.

Note inédite. 1936.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 241

dans les Vosges alsaciennes sont donnés pour le Haut-Rhin par ISSLER (I).

La limite supérieure de la sapinière vosgienne oscille entre Loo() et I.I0o mètres, la rigueur du climat et en particulier la violence des vents ne lui permettent pas de coloniser les hautes chaumes. Il y cède la place au Hêtre, mieux adapté, parfois à l'Épicéa. Cependant, dans les circonstances les plus favorables, on en trouve des pieds isolés jusqu'à 1.250 mètres environ.

La limite actuelle du Sapin dans les Vosges est assez nette et soulève peu de difficultés. En réalité, il s'agit là d'une limite artificielle, due à l'action de l'homme qui, autrefois, a favorisé les feuillus : Hêtre et surtout Chêne, aux dépens du Sapin. En raison des circonstances économiques, le phénomène inverse se produit actuellement et le Sapin, aidé par le forestier, tend à regagner le terrain perdu.

Signalons enfin qu'il existe, dans les contreforts les plus méri-dionaux des Vosges, au sud de la route de Lure à Belfort, à une altitude de 450 mètres environ, une petite forêt dite forêt de la Perchelle (constituant le quart en réserve de la forêt commu-nale de Chenebier) qui est actuellement en voie de se transfor-mer en sapinière par enrésinement naturel et artificiel. Les porte-graines sont des sapins de forte dimension, sur l'ori-gine desquels un doute subsiste. Il est cependant probable qu'ils ont été introduits là à une époque déjà éloignée. Quoiqu'il en soit, cette petite sapinière forme la transition entre les sapinières des Vosges et celles du Jura.

2° Le Jura. — Le Sapin est également l'essence dominante d'une grande partie de la chaîne du Jura. Il y forme de magni-fiques sapinières, principalement sur les pentes du deuxième plateau, de 600 à 900 mètres en moyenne. Au-dessous, il cède la place aux essences feuillues, plus haut, l'Épicéa devient domi-nant.

On trouve peu de renseignements sur sa répartition dans le Jura dans notre littérature botanique ou forestière, et nous avons dû recourir à l'amabilité des forestiers locaux pour obtenir les

(i) E. ISSLER : Les Associations végétales des Vosges méridionales. Colmar, 1923.

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précisions nécessaires; MM. MARTIN, inspecteur à Montbéliard, LACHAUSSÉE, inspecteur à Arbois, MOURRAL, inspecteur à Nan-tua, COCHET, inspecteur à Bourg, nous ont fourni des rensei-gnements détaillés.

Signalons tout d'abord que le Sapin forme quelques forêts dans le Jura alsacien, sur une bande assez étroite le long de la frontière suisse, au sud de Ferrette, entre Levoncourt et Bieder-thal.

Pour le Jura proprement dit, des renseignements très précis qui nous ont été fournis par M. LACHAUSSÉE (i), nous extrayons ce qui suit :

Nord du ,dura. -- Le Sapin n'atteint nulle part la chaîne du Lomont qui limite le Jura au nord, de Clerval à Pont-de-Roide. Bien que cette chaîne, orientée ouest-est, ait un versant nord très arrosé, atteigne 837 mètres d'altitude, et ne présente aucune flore thermophile ou méditerranéo-montagnarde, l'aire natu-relle du Sapin ne l'atteint pas en France; le Lomont français est tout entier couvert de forêts de Hêtre sans enrésinement naturel, mais l'enrésinement artificiel en sapin y est développé avec le plus grand succès.

La sapinière naturelle n'apparaît qu'au sud de la boucle du Doubs, de Saint-Hippolyte à Sainte-Ursanne (dite Clos du Doubs) ; il y a cependant une sapinière à Montancy au nord de Brémoncourt, et les taillis sous futaie situés immédiatement au nord de cette région sont actuellement en voie d'enrésinement naturel.

La limite inférieure du Sapin s'infléchit vers le sud en remon-tant assez haut dans la vallée du Dessoubre. Cette vallée, ou-verte vers le nord-ouest, est également exempte de flore ther-mophile, elle est fraîche et humide, mais sa partie inférieure est tout entière occupée par le Hêtre. D'ailleurs, le Sapin descend et envahit ces hêtraies (enrésinement naturel).

La sapinière suit ensuite, sur la rive gauche du Dessoubre et de la Reverotte, les hauteurs de Droitfontaine (867 mètres),

(i) E. LACHAUSSÉE : Observations sur l'aire naturelle du Sapin dans le Jura français. Note inédite. 1936.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 243

Belleherbe, Pierrefontaine (914 mètres) ; s'avance vers l'ouest jusqu'aux portes de Vercel et du Valdahon (sapinières d'Épe-noy et d'Adam-les-Vercel). (Cette avancée vers l'ouest date de moins d'un siècle.) Tout le plateau à l'ouest de cette ligne : Laviron, Landresse, est en dehors de l'aire du Sapin. L'enrésine-ment naturel des taillis y est peu développé, sauf au contact immédiat de la sapinière.

La limite descend ensuite vers le sud pour laisser en dehors de son aire toute la vallée supérieure de la Loue largement ouverte aux influences subméditerranéennes (gorges de Noailles en particulier). L'enrésinement naturel des taillis atteint tou-tefois la source même de la Loue (forêt d'Ouhans).

Elle se dirige ensuite en direction ouest en suivant le bord de l'a Ondulation transversale » (plissement d'âge alpin ainsi dé-nommé par M. le professeur FOURNIER) et qui, partant du Poupet, se dirige vers l'est et le nord-ouest, sur Hautepierre (880 mètres), Crêt Moniot (1.144 mètres), Mont-Chaumont (1.102 mètres).

Par suite de la coupure profonde de la vallée du Lison à Nans-sous-Sainte-Anne, la limite de la sapinière s'éloigne un peu de l'ondulation transversale, les flancs sud du signal de Montma-haux étant tout entiers couverts de forêts feuillues thermo-philes. A l'ouest du Lison, la sapinière s'étale en une boucle dans les plis de l'ondulation transversale, à l'exposition nord. Elle descend là en massif complet à 400 mètres d'altitude, un peu à l'ouest de Nans, mais elle n'atteint pas le massif du Pou-pet dont elle reste distante, à vol d'oiseau, de 5 kilomètres envi-ron. Dans cette région l'enrésinement naturel se développe faci-lement et rapidement en direction ouest et les sapinières de Fertans et de Boyard datent à peine d'un siècle. C'est très pro-bablement le point le plus bas atteint par la sapinière dans tout le Jura. Le Sapin arrive là au contact du vignoble et dans la reculée de Salins, le versant sud de Blégny est couvert de vignes et de forêts subméditerranéennes (Quercus pubescens, Aynélan-chier, Acer opulifolium), tandis que le versant nord de Veley est couvert de taillis à Cvtisus alpinus où existent quelques vieux sapins. Grâce à ces porte-graines l'enrésinement naturel y est abondant à partir de 500 mètres d'altitude.

244 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

yura central. — Depuis Nans-sous-Sainte-Anne, la limite du sapin suit le bord oriental du premier plateau (forêts de Levier, La Joux, La Fresse, Champagnole). L'enrésinement naturel se développe toutefois dans le nord du premier plateau, jusqu'à 8' à Io kilomètres à l'ouest des sapinières : forêts de Cernans, Géraise, Aresches. Dans la forêt d'Andelot, existe un bouquet de vieux sapins spontanés qui se régénèrent abondamment.

Au sud de Champagnole, le Sapin déborde à peine sur le pla-teau de Loulle, Pillemoine, Chatelneuf, et sa limite suit le rebord occidental de la chaîne du Grand Bec au-dessus des lacs de Narlay, Maclus, Bonlieu.

Il faut signaler ici une station isolée du Sapin : la sapinière de Marigny, située au-dessus du lac de Châlain, à l'extrémité ouest du plateau de Mont-sur-Monnet, Saffloz, et séparée des sapi-nières plus à l'est par un intervalle de w kilomètres à vol d'oi-seau où l'on ne rencontre que des taillis où l'enrésinement natu-rel est à peine commencé. Cette sapinière, à 600 mètres d'alti-tude, est une très ancienne forêt seigneuriale, protégée depuis plusieurs siècles, où le Sapin a pu se maintenir ou se propager avec facilité.

Après Bonlieu, la sapinière jalonne le bas des versants des monts de Saint-Maurice, Hautecour, Meussia (forêts de La Joux, de Clairvaux), puis de Moirans et Saint-Lupicin. La limite inférieure du Sapin remonte ensuite rapidement en altitude en approchant de la vallée de la Bienne, chaude, sèche, et très largement ouverte aux influences méditerranéennes. Notons ici la présence du Buis qui pénètre dans la sapinière depuis Moirans, et constitue d'ailleurs, plus au sud, un élément cons-tant du sous-bois des sapinières. Toute la vallée de la Bienne, de Morez à Saint-Claude, est en dehors de l'aire naturelle de la sapinière et couverte de taillis thermophiles, surtout sur le ver-sant sud-est. L'enrésinement naturel est sporadique sur le ver-sant nord-ouest.

Au sud de Saint-Claude, la sapinière, mélangée d'ailleurs d'Épicéa, n'occupe que les plateaux élevés (900-1.000 mètres) de Ranchette, Choux-Viry, Sièges, et la limite s'infléchit ensuite vers le sud jusqu'aux portes d'Oyonnax, à assez basse altitude.

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PLANCHE III

PLANCHE IV

Le Rocharey. — Défilé de Pontamafrey (Savoie). • Sapinière localisée sur le versant Nord et descendant jusqu'au thalweg

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Le Ventoux (Vaucluse). — Sapinière du versant Nord en voie de reconstitution.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 245

dura méridional. — Au sud d'Oyonnax, la sapinière suit le versant est de la vallée de l'Ange, les derniers sapins vers l'ouest se trouvant sur la crête qui sépare cette vallée de celle de l'Oi-gnin, puis la limite s'infléchit vers l'est dans la cluse de Nantua, revient vers l'ouest jusqu'aux abords de Labalme, Lantenay, et descend au sud d'Hauteville jusqu'aux sommets dominant la cluse de l'Albarine (1.068 à 1.055 mètres), mais la sapinière ne franchit pas la cluse de l'Albarine emprunté par le chemin de fer d'Ambérieu à Culoz. On voit seulement quelques pieds isolés de sapin dans les maigres taillis couvrant le versant rapide qui domine le hameau des Hôpitaux. Les monts du Bugey, situés au sud de cette cluse, sont tout entiers couverts de feuillus, bien que s'élevant jusqu'à 1.219 mètres.

Le Valromey, très largement ouvert au midi, détermine le recul du sapin très loin vers le nord. On le retrouve sur le versant occidental du Grand Colombier de Culoz (forêt domaniale d'Ar-vières), mais il franchit à peine la crête nord-sud. Le versant est, au-dessus du Rhône, plus sec, est entièrement couvert de très maigres taillis. Il paraît manquer complètement dans la région du Crêt du Nu. Par contre, on le retrouve à l'exposition est, face au Crêt d'Eau au dessus d'Ochiaz et de Chatillon-de-Michaille.

Dans la partie est de la cluse de Nantua, il faut remonter jus-qu'à Saint-Germain de Joux pour retrouver la sapinière. Dans la vallée de la Valserine, vallée sèche et ouverte au Midi, sa limite inférieure remonte également très loin vers le nord, en amont de Lelex.

Enfin, elle couvre les flancs ouest et est de la chaîne qui s'étend de la Dôle au Crêt d'Eau, remontant en altitude au sud et descendant jusqu'au pied même du Jura dans les forêts de Gex et de Divonne qui se sont d'ailleurs récemment enrésinées.

3 0 Les Alpes. — En raison de l'étendue et de la puissance du massif alpin, les facteurs écologiques y varient considérablement d'un point à un autre et quand on aborde l'étude de faits rela-tifs à la végétation dans les Alpes, des distinctions s'imposent immédiatement.

On s'accorde actuellement pour séparer les Alpes septentrio-

Échelle 1173.000.000e. d'après R. Blanchard,

ED Préalpes

Sillon alpin et vallées mésoalpines

r////] Mussifs centraux

Ligne séparant les Alpes septentrionales et méri-dionales

Grandes régions natu relies des Alpes

246 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

nales ou Alpes vertes des Alpes méridionales ou Alpes sèches. On peut ensuite les subdiviser, en fonction de l'altitude, en

chaînes subalpines ou Préalpes et en chaînes alpines ou Massifs centraux (I).

(r) Les termes subalpins et alpins étant malheureusement employés par les géo-graphes et les géologues d'une part et par les botanistes et les forestiers d'autre part dans deux sens différents (pour les premiers ils désignent u e région, pour les seconds une zone altitudinale); nous emploierons de préférence les termes de Préalpes et de Massifs centraux.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 247

Dans les Alpes septentrionales, Préalpes et Massifs centraux sont nettement séparés par le sillon alpin. Au contraire dans les Alpes méridionales, la distinction entre Préalpes et massifs centraux est moins marquée et les géographes ont été amenés à distinguer une large zone intermédiaire dite des vallées méso- alpines (I).

Il n'existe aucun travail d'ensemble sur la répartition du Sapin dans les Alpes, mais on trouve quelques renseignements épars dans diverses publications, géographiques, botaniques ou forestières.

Alpes septentrionales. — Dans le jura savoisien, le Sapin est peu abondant. Vers le nord, sur les flancs du Salève, il existe une sapinière spontanée entre 800 et. 1.000 mètres d'altitude, sur le territoire de Cruseilles, et les forêts de la Muraz et de Collonges s'enrésinent spontanément en sapin; un peu plus au sud, sur le Vuache, on trouve quelques très vieux sapins, de spontanéité douteuse, mais qui actuellement donnent naissance à des taches de semis naturels (2). Une petite sapinière subsiste également sur le Gros Foug, entre 900 et 1.000 mètres d'alti-tude et à l'ouest du lac du Bourget, on trouve encore des sapins par bouquets ou disséminés dans les taillis qui couvrent la mon-tagne de l'Épine et le mont du Chat, en particulier dans la forêt communale d'Yenne. Dans toute cette région, l'enrésinement naturel des taillis est d'ailleurs en cours. Ces vestiges de sapi-nières, qui furent sans doute autrefois beaucoup plus impor-tantes, relient les sapinières du Jura proprement dit avec celles des Préalpes. La liaison s'effectue d'ailleurs par les stations basses du sapin situées sur le plateau des Bornes, dans la région d'Évires, Groisy, Argonnex. Il descend même presque jusqu'au bord du Fier, aux environs d'Annecy-le-Vieux.

Dans les Préalpes, le Sapin peut être considéré comme l'es-

(r) R. BLANCHARD : Les Alpes françaises. Paris, 1 9 2 5, p. 18. En réalité, guidé par des considérations géographiques et géologiques, R. BLAN-

CHARD distingue deux régions dans les chaînes alpines : les massifs centraux et la zone intra-alpine. Mais cette distinction n'ayant aucune importance dans l'étude qui suit, nous avons cru pouvo r la négliger.

(2) Renseignements communiqué par M. VILLAUME, inspecteur des Eaux et Forets, à Thonon

248 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

sence caractéristique. Il y forme des massifs étendus, mais il s'y trouve toujours, même aux altitudes inférieures, en mélange avec l'Épicéa qui a d'ailleurs été favorisé pendant longtemps par les exploitations fréquentes et par coupes rases. Ceci dis-tingue nettement nos forêts des Alpes des forêts de nos autres massifs montagneux.

Dans le Chablais, à partir de 500 à 600 mètres d'altitude, le Sapin est très répandu, tantôt constituant à lui seul la majeure partie du peuplement, tantôt plus ou moins disséminé; il ne dépasse guére 1.800 mètres d'altitude et manque ainsi dans les forêts les plus élevées. A partir de la frontière suisse, la limite inférieure de la sapinière suit de loin la rive du lac Léman à 500 mètres d'altitude environ, s'infléchit dans la vallée de la Dranse, puis passant au-dessous de Lyaud, Orcier, Cervens, gagne le massif des Voirons où se trouvent de belles sapinières. De là, la limite s'incurve vers l'est et contourne le Môle. Sur les flancs nord de cette montagne, on rencontre le Sapin disséminé au milieu des épicéas. Dans la vallée même de l'Arve, il faut remonter jusqu'au défilé de Cluses pour voir les sapins arriver jusqu'au thalweg.

Dans le Genevois, le Sapin est également abondant, mais le plus souvent assez disséminé; la limite de la sapinière est jalon-née par Mont-Saxonnex, Saint-Laurent, Thorens. Il existe, mélangé à l'Épicéa, sur les contreforts accidentés du massif de la Tournette au-dessus de 700 mètres d'altitude, mais il manque sur le versant sud des montagnes de Veyrier et de Verthier où se trouvent des taillis de type thermophile.

Dans les Bauges, le Sapin est disséminé mais il existe à peu près partout, principalement là où les exploitations n'ont pas été trop fréquentes, Semnoz, montagne du Charbon, vallée du Chéran (forêt de Bellevaux), Revard, etc... Il ne manque que sur les versants les plus chauds dans la partie sud du massif (bord de la combe de Savoie). Dans les Bauges, comme dans le Genevois, il semble bien qu'à la périphérie du massif, du côté de l'ouest, le Sapin est plus abondant dans les taillis que l'Épi-céa et qu'il a tendance à envahir, comme cela se produit dans le Jura, à la limite de la sapinière. Au contraire, vers l'intérieur du massif, le rôle de l'Épicéa est prépondérant.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 249

Dans le massif de la Grande-Chartreuse, sapin et épicéa sont les essences dominantes. Les limites de la sapinière sont sensi-blement celles du massif, compte tenu de l'altitude. Elle descend jusque vers 600 mètres aux expositions fraîches, et sa limite inférieure s'élève à 800-goo mètres aux expositions chaudes.

Au sud de la vallée de l'Isère, dans le Vercors (I), le Sapin est l'essence dominante dans la région située à l'ouest de la vallée de la Vernaison. A l'est de cette vallée, il se mélange à l'Épicéa et disparaît presque complètement quand l'altitude dépasse 1.500 mètres. Sa limite inférieure est très variable, il peut des-cendre jusqu'à 450 mètres ou 500 mètres dans les taillis de chêne aux expositions fraîches et dans la région nord du massif, le plus souvent il n'apparaît que vers 800 mètres et ne forme de peuplements purs qu'à partir de 1.000 mètres d'altitude. A l'ouest de la vallée de la Lyonne, dans les monts du Matin, le Sapin est très rare, cependant il existe à l'état spontané de Léoncel au Pas de Bouvante (2). Il descend jusqu'à 800 mètres sur les deux versants et n'y forme d'ailleurs pas de peuplements purs.

Vers le sud, dans la région du col du Rousset, la sapinière s'arrête brusquement au bord du plateau, au sommet du versant, à exposition générale sud, qui descend sur la vallée de la Drôme. Sur ce versant cependant, au milieu de pins sylvestres rabougris, on voit de-ci de-là, quelques jeunes sapins.

A l'est du sillon alpin, dans les massifs centraux, le Sapin n'est plus que sporadique au milieu des pessières et des melezeins. Il recherche les versants escarpés, rocheux, et les expositions nord ouest, « les ubacs raides », suivant l'heureuse expression de TESSIER, il semble rechercher la fraîcheur du sol et fuir la lumière trop vive du climat subalpin. Il existe cependant dans toutes les grandes vallées.

Quelques sapinières sont particulièrement typiques à cet

(1) TESSIER : Note sur la distribution des essences forestières dans les Alpes occiden-tales au voisinage du cours de l'Isère (Soc. For. de Franche-Comté, t. 9, pp. 2 53-260, 1907-1908).

TESSIER et OFFNER : Aperçu sommaire de la géographie botanique du massif du Vercors (Bull. Soc. Bot. de France, t. 59, pp. VI-XIx, 1912).

OFFNER : Les étages de végétation du massif du Vercors (Rev. Géo :,r. alpine, t. VIII,

PP. 125 -14o, 1920).

(2) LENOBLE : La végétation des monts du Matin (Rev. Géogr. alpine, t. XVII, PP. 55-154, 1929).

ANN. FOREST. - T. VI. - FASC. 2. x6

250 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

égard. Dans la forêt de Malgovert, non loin de Bourg-Saint-Maurice, exactement au coude de la vallée de l'Isère, le Sapin est abondant depuis le thalweg, situé à 850 mètres environ, jusqu'à 1.800 mètres d'altitude, sur le versant nord-est. Il manque complètement sur le versant nord-ouest et ne franchit pour ainsi dire pas la ligne de crête secondaire qui sépare les deux versants. La sapinière de Pontamafrey (dite bois de Sapey), dans la vallée de l'Arc, est également très caractéristique. Elle occupe le versant nord du Rocharay et le Sapin descend là jusqu'au bord de l'Arc, à 500 mètres d'altitude, en face d'un adret occupé par le Chêne pubescent, l'Érable de Montpellier, des vignobles et des cultures d'amandiers.

Dans la vallée de l'Arve, il ne dépasse pas Les Houches. Dans le bassin de l'Isère, il est relativement abondant dans la vallée de Beaufort. En Tarentaise, où existent quelques sapinières, les derniers sapins se trouvent en amont de Sainte-Foy. En Mau-rienne, vallée plus sèche et plus chaude, il est beaucoup moins répandu et se réfugie sur les flancs de vallées étroites et escar-pées.

Il est toujours disséminé dans le massif de Belledone, où il paraît avoir été en grande partie détruit par l'homme. Pour l'Oisans, une carte dressée par M. le conservateur HULIN et publiée par ALLIx (I) indique ses principales stations. Dans la vallée de la Romanche, il ne dépasse pas la gorge de l'Infernet, mais il en existe une station isolée dans la vallée du Vénéon. Plus au sud, une petite sapinière est indiquée aux environs de Valjouffrey. Il est assez abondant dans le Valgaudemar et plus rare dans le Champsaur.

Alpes méridionales. — Dans toutes les Alpes méridionales le Sapin ne rencontre que moins fréquemment les conditions favo-rables à son existence et il a très rarement tendance à devenir envahissant. Le climat est nettement plus chaud, la saison sèche est beaucoup plus marquée, la forêt est très sensible et pendant de nombreux siècles elle a subi l'influence destructive de l'homme, le Sapin ne s'est maintenu en massif que dans des conditions

(i) ALLix : L'Oisans. Etudes géographiques. Paris, 1928, p. 256.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 251

exceptionnelles, grâce à des circonstances topographiques par-ticulières amenant un climat local favorable et aussi des diffi-cultés d'exploitation et de vidange, parfois grâce à la volonté du propriétaire (forêts d'origine ecclésiastique). Partout ailleurs on ne trouve que des bouquets épars au milieu des autres essen-ces, ou même des pieds isolés.

Dans les Préalpes du Sud, contrairement à ce qui se passe dans les Préalpes du Nord, le Sapin est une rareté.

Dans les montagnes du Diois, il est signalé dans la région du Roc Coupeau et de Roche Courbe, et sur le versant nord du bassin du Saou (I). Plus à l'ouest, il a même été mentionné dans la forêt de Saudon, mais cette station nous paraît douteuse. Peut-être s'agit-il de sapins introduits. Vers le sud, il existe en petites quantités dans les montagnes de Mialandre et d'Angèle. Toujours, dans le Diois, mais plus à l'est, il existe, au-dessus de 1.000 métres, le long de la ligne de crête qui sépare le Diois du Trièves et forme là des peuplements d'une certaine étendue. Dans la gorge des Gâs, il descend jusqu'à 60o mètres grâce à l'étroitesse de la vallée, de même il franchit le col de Cabre et pénètre, par pieds isolés, dans la haute vallée de la Drôme.

On le trouve aussi disséminé dans les rares forêts du Devoluy et à la tête des vallées du Grand et du Petit Buech où il forme quelques belles sapinières (forêt de Durbon, bois du Chapitre, Combe-Noire de Manteyer).

Plus au sud, il fait complètement défaut, sauf en deux points, d'abord sur le versant nord du mont Ventoux (2) où la sapinière s'étage de Loo() à 1.600 mètres d'altitude, puis sur les flancs de la montagne de Lure. Sur le versant nord, il occupe, sur plu-sieurs kilomètres de longueur, une étroite bande, vers 1.500

mètres, un peu au-dessous de la crête; on l'y trouve soit par bou-quets, soit disséminé parmi les hêtres. Sur le versant sud, il est très localisé, disséminé dans la combe de Morteron (forêt com-munale de Saint-Étienne-les-Orgues), vers 1.200 à 1.300 mètres

(1) DE BANNES PUYGIRON : Le Valentinois méridional. Étude phytosociologique. In titut de Botanique de l'Universit: de Montpellier, 1 933.

(2) DE MONCnY : Monograph'e forestière du département du Vaucluse (Le Chêne, no 4. PP. 1 93 -20 7, 1932).

U

252 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

d'altitude. Le canton porte d'ailleurs le nom caractéristique de Lanton de la Sapée.

Pour retrouver le Sapin clans les Préalpes méridionales, il faut aller jusque dans les Préalpes de Grasse où existent quelques sapinières sur les versants nord des montagnes : bois de La Faye, montagne de Brouis, montagne de la Chens, montagne de Malay, dans le Var; versant nord de la vallée de la Lane et de la vallée de l'Esteron, de Roquesteron à Saint-Auban, montagne de Tho-renc, dans les Alpes-Maritimes. Quelques pieds isolés se trouvent également sur le versant nord de la montagne de Miolans et dans la forêt domaniale d'Entrevaux, à Chantebranne. Il manque complètement dans les Préalpes de Nice.

Par contre, dans la région géographique très complexe que BLANCHARD appelle les vallées méso-alpines, le Sapin, s'il n'est jamais abondant, est relativement constant.

Il est très rare dans le Gapençais, trop largement ouvert aux influences méridionales. On peut citer sa présence dans un ubac au bois de « Sapet », situé au nord-est de la Batie Neuve, et dans les gorges de la Luye, à quelques kilomètres au sud de Gap.

Mais, au sud de la Durance, dans la haute vallée de la Blanche, il est assez abondant et peut même constituer de véritables peuplements, en particulier dans la région Selonnet, Seyne. On le retrouve également mais très disséminé, toujours entre 1.200 et 1.500 mètres, dans la vallée du Grand Vallon, en parti-culier au bois de l'Hubac, et des semis naturels ont été cons-tatés dans un certain nombre de forêts voisines, dans le bassin de la Clapouse et sur le versant nord du Montsérieux. Dans la haute vallée de la Sasse, il en existe aussi quelques bouquets, et à Reynier il y a un canton dit de la « Sapée ». Dans les hautes vallées du Bès et de la Bléone, on retrouve de petites sapinières qui relient les sapinières de la région de Seyne à celles de la haute vallée du Verdon. Celles-ci sont particulièrement nombreuses dans la région située au sud-est de Colmars (bois de Monier), le Sapin s'y trouve de 1.40o à 2.000 mètres en mélange avec le Mélèze et l'Épicéa. Dans la haute vallée du Verdon, on trouve quelques sapins disséminés jusqu'en amont d'Allos (Bois Noir). Vers l'aval, les derniers sapins de cette vallée paraissent se trou-

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 253

ver dans la forêt communale d'Argens, vers 1300 mètres, en mélange avec le Pin sylvestre.

Un groupe relativement important de sapinières existe aussi dans la vallée de l'Issole, affluent du Verdon; la plus connue est la sapinière de Lambruisse. Le Sapin descend là, à l'état disséminé jusqu'à 1.000 mètres environ, en mélange avec le Pin sylvestre et le Chêne pubescent. Il a franchi la crête qui sépare la vallée de l'Issole de la vallée de l'Asse de Clumanc et y forme une petite sapinière vers 1.700 mètres (forêt domaniale de Tartonne, can-ton de la Sappée). On trouve également de jeunes sapins dissé-minés dans la forêt communale de Clumanc. Enfin, la station la plus au sud pour cette région se trouve dans la vallée de l'Asse de Blieux, à 1.500 mètres où, sur un versant nord, au pied d'une barre rocheuse, il existe un groupe de jeunes sapins au milieu de pins sylvestres et de hêtres (I).

Plus à l'est, dans le bassin du Var, le Sapin est relativement fréquent au-dessus de goo mètres. Sa répartition dans cette région a été étudiée en détail par SALVADOR (2). De cet article nous extrayons ce qui suit :

« Si sa zone de plein développement peut être considérée comme comprise entre 1.000 et 1.700 mètres, on le voit souvent monter jusqu'à 1.800 et 1.900 mètres (Haute Vésubie, Haute Tinée) et même, parfois, jusqu'à 2.000 mètres (forêt domaniale de Clans notamment)... On le trouve en proportion variable, dans beaucoup de forêts de la Vésubie et de la Tinée, on le ren-contre également, quoique bien plus rarement, dans le bassin du Var supérieur (forêt de Villeneuve-d'Entraunes : canton de la Pinée; forêt d'Entraunes : canton de la Morière) sur la rive gau-che du torrent du Bourdoux...

Si le Sapin est assez commun dans les Alpes-Maritimes, les forêts de quelque étendue où on le voit prédominer ne sont pas très nombreuses. Quand on étudie la répartition des sapinières

(r) Tous les renseignements concernant la répartition d.: sapin dans le départe-ment des Basses-Alpes, â l'exception de la vallée de l'Ubaye, nous ont été fournis par M. CLAUDOT, garde général, à Digne.

(2) J. SALVADOR : Introduction â une étude sur la distribution des principales essences forestières dans les Alpes-Maritimes (Rev. des Eaux et Forêts, t. XLIX, pp. 97-113; 1 3 2-1 47, 1910).

254 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

dans le département, deux massifs montagneux attirent surtout l'attention : le premier, se détachant de l'Authion, se ramifie entre le bassin de la Vésubie à l'ouest, celui de la Roya-Bevera à l'est; le second se dresse entre la Vésubie et la Tinée et a le Tournairet comme sommet principal. »

Dans le massif de l'Authion, l'auteur cite les sapinières de Breuil, du Moulinet et de la Makis. Dans le massif du Tournai-ret les plus connues sont celles de Valdeblore et de Clans.

Pour terminer l'étude de la répartition du Sapin dans les Alpes méridionales, il nous reste à examiner la zone dite des massifs centraux.

Dans la haute vallée de la Durance, le Sapin est peu abondant. Dans l'Embrunais il y a cependant quelques sapinières dont la plus connue est celle de Boscodon, exemple classique de forêt d'origine ecclésiastique où le Sapin a été conservé. On le trouve également dans le forêt de Saluces, dans celle de Saint-Clément, etc.,

Vers l'amont, il ne semble pas dépasser la forêt de Saint-Mar-tin-de-Queyrières. Il manque complètement dans la vallée de la Guisanne mais nous en connaissons deux stations en amont de Briançon, l'une au-dessus du confluent de la Durance et de la Clarée, l'autre non loin de Nevache, au canton du «Bois Noir ».

Dans le bassin du Guil, il est aussi très disséminé. Une petite sapinière existe au « canton du Sapet » non loin de Panacelle. On en trouve également quelques-uns disséminés dans la vallée d'Escreins, et dans la forêt de Combe-Chauve, au canton de Roche Rousse.

Dans le Queyras, il existe quelques Sapins dans les forêts du Riou Vert et d'Aiguilles (I).

Dans la vallée de l'Ubaye, la répartition est analogue; on trouve quelques sapinières reléguées dans les vallées fraîches, peu ensoleillées, ou sur des versants rocheux à l'ubac, d'exploitation difficile. La forêt de Gimette est un excellent exemple de forêt d'exploitation difficile. Il est intéressant de noter que dans cette région il y a fréquemment inversion apparente des niveaux alti-tudinaux du Sapin et du Mélèze, par exemple dans les forêts

(r) Renseignements fournis par M. le garde général BOUVEROT.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 2 55

de Tournoux et de Saint-Paul-sur-Ubaye. Cette inversion est due à la destruction de la forêt aux altitudes inférieures, destruc-tion qui a été suivie de l'envahissement par le Mélèze, occupa-teur de place vide. Aux altitudes plus élevées, il n'y a pas eu d'exploitations abusives, et le Sapin a pu se maintenir. Dans la forêt de Saint-Vincent-les-Forts, le Sapin est actuellement en voie de réinstallation sous le Mélèze et l'Épicéa. En montant vers le col d'Alios on trouve une petite sapinière vers 1.700

mètres d'altitude, dite bois des Gâches. Le Sapin existe aussi disséminé dans un certain nombre de forêts de la région, en com-pagnie du Mélèze et ne formant jamais plus de 2 à 3 % du peu-plement (i).

En résumé, dans les Alpes, le Sapin est une des essences domi-nantes dans les Préalpes septentrionales. Dans les Préalpes méridionales, il est toujours localisé, rarement abondant, et sur de grandes surfaces il manque complètement. Dans les vallées méso-alpines, il est constant mais généralement peu abondant sauf dans le bassin des affluents du Var (Tinée et Vésubie) où existent quelques belles sapinières, d'ailleurs assez peu étendues. Dans les massifs centraux, aussi bien dans le Nord que dans le Sud, il est également constant et peu abondant, formant parfois des petites sapinières sur des ubacs raides, le plus souvent disséminé dans les pessières ou les melezeins, entre 800 et 1.800 mètres d'altitude. Il ne pénètre d'ailleurs que rare-ment jusqu'à la tête des grandes vallées alpines et s'y trouve alors seulement par pieds isolés ou par petits bouquets.

4° Les Pyrénées. — Le Sapin est une des essences forestières les plus importantes de la chaîne des Pyrénées. Dans certaines régions existent des sapinières comparables aux plus belles sapinières des Vosges et du Jura. Le développement de cette essence s'explique d'ailleurs aisément par l'absence totale, à l'état spontané, de ses deux concurrents des Alpes : Épicéa et Mélèze. Par contre, le Hêtre, qui ne remonte pas très loin dans les vallées alpines, est largement répandu dans les Pyrénées. Mais là intervient l'action de l'homme, s'exerçant directement ou

I) Renseignements fournis par M. le garde général TINCHANT.

256 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

indirectement par l'intermédiaire du bétail, et suivant le sens de cette intervention l'une ou l'autre essence prédomine. D'au-tre part, la chaîne des Pyrénées s'étend sur une grande longueur, plus de 400 kilomètres, de la Méditerranée à l'Atlantique, et il y a des différences de climat considérables d'une extrémité à l'autre de la chaîne. De l'action combinée de ces différents facteurs, auxquels s'ajoute encore, par places, l'influence du sol, il résulte une répartition très inégale du Sapin tout le long de la chaîne.

Les Pyrénées peuvent être divisées en trois grandes régions (I) : les Pyrénées méditerranéennes, les Pyrénées centrales, les Pyré-nées atlantiques. Ces divisions peuvent servir de base à l'étude du sapin dans la chaîne.

Différents auteurs, botanistes ou forestiers, ont étudié le Sapin dans les Pyrénées et donnent des renseignements précieux. Nous avons largement puisé dans les nombreux travaux de GAUSSEN et en particulier dans sa Thèse (2). De plus, il a bien voulu nous donner de nombreux renseignements complémen-taires. DE COINCY a publié également quelques articles bien documentés sur les forêts pyrénéennes (3).

Pyrénées méditerranéennes. — Dans cette région le Sapin a une répartition très inégale. Tout d'abord le climat, à affinités méditerranéennes, l'exclut des versants les plus chauds, des « soulanes », il recherche l'exposition nord a le bac », plutôt d'ail-leurs en raison de la fraîcheur relative du sol que par crainte d'une insolation trop vive, le Sapin des Pyrénées paraissant constituer une race physiologique supportant beaucoup mieux la lumière que le Sapin des Vosges ou du Jura. Mais l'influence destructrice de l'homme et du bétail s'est exercée ici intensivement, comme toujours en pays méditerranéen et GAUSSEN a montré que « l'absence ou la rareté du Sapin coïncide avec des centres de développements humains à agriculture très développée ou à industrie très prospère ».

(r) M. SORRE : Les Pyrénées. Paris, 1923. (2) H. GAUSSEN : Végétation de la moitié orientale des Pyrénées. Paris, 192C. (3) H. DE COINCY : Les foréts pyrénéennes. Toulouse, 1932. H. DE COINCY : Les sapinières pyrénéennes et leur traitement. Toulouse, 09 4.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 257

Cependant il reste encore actuellement des indices suffisants pour tracer sur la carte, avec assez de précision, les limites de l'aire du Sapin dans la région.

Au point de vue altitudinal, nous admettrons, avec GAUSSEN, les chiffres de 800 et 1.750 mètres comme chiffres moyens, mais il y a de nombreuses exceptions dues à des circonstances locales.

Dans le Vallespir, le Sapin est actuellement très rare, mais des pieds isolés ou de petits bouquets épars au milieu des hêtres indiquent son ancienne extension. On en trouve encore quelques pieds à l'est du col du Perthus, dans la forêt de Céret (il y a, dans la région une serre de l'Abeta), dans la forêt de Montalba — près d'Amélie-les-Bains — et au Mont Nègre, au sud de Prats de Mollo.

Dans le Conflent, le Sapin est encore très bien représenté et il forme une bande à peu près continue sur le flanc nord du Cani-gou, descendant parfois beaucoup plus qu'on ne s'y attendrait à la faveur d'accidents topographiques.

Plus au nord, nous arrivons dans ce qu'on a appelé le Pays du Sapin : le Pays de Sault auquel il faut joindre le Donezan vers l'ouest, les Hautes Corbières et le Haut Fenouillet au nord et à l'est. Les belles sapinières du Pays de Sault sont bien connues des forestiers et ont été étudiées en détail, en particulier par DE FALVELLY (I).

Il importe de noter ici que, dans les gorges de l'Aude, en amont de Ouillan, le Sapin descend jusqu'au bord de la rivière, à 450 mètres d'altitude environ (GAUSSEN). Un certain nombre de stations isolées du Sapin se trouvent aux alentours de cet impor-tant massif de sapinières, stations qui méritent d'être signalées, car elles sont souvent à des altitudes assez faibles, parfois en plein domaine du Chêne vert, et, somme toute, un peu inatten-dues.

Au sud-est, le Sapin envahit la forêt de Rabouillet, dans la haute vallée de l'Agly (DE FALVELLY). Dans les Hautes Cor-bières, le Sapin est très rare. GAUSSEN signale en plus de l'Abe-touse d'Arques, actuellement comprise dans le périmètre de

(1) DE FALVELLY : Les forêts de 'Aude (Le Chêne, 1 933, n° 6).

258 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

reboisement du Rialsesse, l'Abetouse de Camps, d'ailleurs ruinée, et un sapin isolé au-dessus de Soulatgé.

Au nord du Pays du Sapin, on retrouve le Sapin avec une certaine abondance aux expositions favorables, sur les « Bacs » de tous les coteaux du Haut Razés et du Limouxin et en parti-culier à Montjardin (45o mètres d'altitude).

Au sud, le Capcir est par excellence le domaine du Pin à cro-chets, mais le Sapin s'y trouve de-ci de-là, dans les endroits les moins accessibles, toujours peu abondant, il ne manque qu'aux altitudes élevées (au-dessus de 1.800 mètres) alors que le Pin à crochets atteint 2.000 mètres et même par endroits 2.400 mètres.

En Cerdagne, région largement ouverte aux influences méri-dionales, le Sapin est beaucoup plus localisé, il n'existe qu'aux ubacs des vallées cerdanes et toujours en très petite quantité (Bac de Llivia, Osséja, etc...). Il fait défaut dans le reste du pays.

Pyrénées centrales. — Dans les Pyrénées ariégeoises, le Sapin est relativement rare. Il est cependant assez fréquent dans la vallée de la Haute Ariège et dans le Vicdessos, surtout aux par-ties élevées, loin des villages, mais dans le Couserans le Hêtre règne en maître, on ne retrouve le Sapin qu'aux confins du Castillonnais et du Val d'Aran où existent quelques belles sapi-nières.

Il existe au nord de Saint-Girons, à 400 mètres d'altitude environ, en plein étage du Chêne rouvre, dans la région des col-lines situées en avant des Pyrénées, une station fort curieuse du sapin, les forêts de Sainte-Croix Volvestre, Lasserre et Mont-brun. La forêt de Sainte-Croix doit évidemment à son origine ecclésiastique d'avoir pu subsister au cours des siècles. Elle est située sur un versant en pente rapide, à l'exposition nord, le sol est constitué par des marnes argileuses assez fraîches. La régé-nération paraît facile mais il y a peu de gros arbres dans la forêt, la longévité du Sapin y paraît légèrement réduite.

Non loin de là, TESSIER a signalé également une grande abon-dance de semis de jeunes sapins, à Castelbiague (35o mètres).

Dans le Luchonnais, les vallées de la Neste du Louron et de la Neste d'Aure, le Hêtre et le Sapin dominent. Celui-ci est généra-lement localisé à l'ombrée et apparaît vers 800 mètres. Il est

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 2 59

alors fortement mélangé de Hêtre, puis ce dernier disparaît peu à peu, la sapinière pure monte jusqu'à 1.700 mètres en moyenne. A la soulane, le Sapin manque le plus souvent; la forêt y est d'ailleurs en très mauvais état.

Plus à l'ouest, le Sapin joue un rôle peu important dans les vallées du Gave de Pau et de ses affluents, où dominent le Hêtre aux altitudes moyennes, le Pin sylvestre aux versants chauds, le Pin à crochets aux altitudes élevées. Cette région est d'ailleurs particulièrement déboisée.

Pyrénées atlantiques. — Pour le botaniste et pour le forestier, il semble bien que les Pyrénées centrales se terminent à la crête « Balaitous — pic de Gabizo », alors que les géologues les prolongent jusqu'au pic d'Anie. Le Sapin joue d'ailleurs un rôle secondaire dans cette région des Pyrénées et son importance décroît de plus en plus au fur et à mesure qu'on s'avance vers l'ouest.

Cependant, il est encore dominant dans la vallée d'Ossau, en amont de Laruns, au-dessus de 900 mètres. Mais dans la vallée d'Aspe, il n'entre plus que pour un quart dans la composi-tion des peuplements (I). Il existe cependant quelques sapinières dans la région de Lescun et Accous, en particulier la forêt de Léés Athas.

Une carte de GAUSSEN permet de tracer avec assez d'exacti-tude la limite du Sapin dans la région (2). Vers le nord, les der-niers Sapins se trouvent dans le bois d' Ichère et à partir du pic d'Anie le Sapin reste cantonné à la tête des vallées entre 1.200 et 1.400 mètres d'altitude. Il est le plus souvent disséminé parmi les hêtres, cependant il forme encore quelques massifs à l'est de Saint-Engrace dans les forêts d'Arette, de Lanne et de Saint-Engrace (3). Enfin, les derniers Sapins spontanés se trouvent en forêt d'Iraty, grand massif qui a été fort peu exploité jusqu'ici

(s) HARLE : La forêt montagnarde dans les Basses-Pyrénées. Toulouse, 1 933. (2) GAUSSEN : Les forêts de la vallée d'Aspe. Toulouse, 1931. (Rev. Géogr. des

Pyrénées et du Sud-Ouest, t. III, pp. 5-17, 1932.) GAUSSEN : Les forêts . u pays d'Ossau (Rev. Géogr. des Pyr;nées et du Sud-Ouest

t. II, pP 43 1-447, 1 93 1 0 (3) Th. LEFEVRE : Les modes de vie dans les Pyrénées atla;:tiques orientales Paris,

1933.

260 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

et où existent encore de très vieux sapins de dimensions impres-sionnantes.

5° Le Massif Central. -- Sous le nom de Massif Central, on désigne une vaste région montagneuse constituant, sans doute, une unité géographique mais présentant, du nord au sud et de l'est à l'ouest, des différences climatiques et topographiques considérables.

Un fait domine la répartition du Sapin dans le Massif Central : le déboisement s'y est exercé d'une façon particulièrement intense et les quelques sapinières qui s'y trouvent encore cons-tituent de véritables reliques. En bien des endroits, il ne subsiste que quelques hectares de forêt, ou seulement quelques arbres, vestiges d'anciennes forêts. Parfois même, il semble bien que la sapinière ait existé autrefois dans des régions où on n'en trouve plus aucune trace actuellement, par exemple dans le massif de l'Aigoual ou dans la Montagne Noire.

Pour délimiter l'aire du Sapin, nous avons été bien souvent obligé de nous contenter de stations isolées, ce qui laisse une large part à l'interprétation. La bibliographie botanique et forestière du Sapin nous a cependant fourni de précieux rensei-gnements. En dehors de la Monographie de Cl. Roux, déjà citée, et qui est très précise principalement pour le Beaujolais, il existe d'excellents articles de P. BUFFAULT, J. SORNAY, M. NÈGRE, FLAUGÈRE, etc... (I).

Il semble qu'on puisse distinguer dans le Massif Central quatre centres principaux de répartition du Sapin :

I° Les monts du Beaujolais; 2 0 Massif du Pilat—Vivarais—Mont Lozère—Margeride; 3 0 Le Forez et le Livradois auxquels il faut joindre la partie

nord du Velay; 40 Monts-Dores et Cantal.

(i) P. BUFFAULT : Notes sur les essences forestières et de boisement d ia partie sud-ouest du Massif Central. (Ann. du Minist de l'Agric., fasc. t 3, PP• 2 35-281 . Paris, 1923.)

J. SORNAY : Les forêts du département du Rhône (Les Études•Rhodaniena s, v.)1. X,

1934, PP. 113 -161). M. NÈGRE : Les forêts de la Lozère (Le Chêne, ° II, 1 934, PP. 3 - 33). FLAUGÈRE : Les forêts du Gard (Le Chêne, n° 5, 1 9337 PP. 3-51).

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 261

Le Beaujolais. -- Dans le Beaujolais proprement dit, le cen-tre actuel de dispersion du Sapin est le mont Saint-Rigaud, où les sapinières pures couvrent une étendue importante, la sapi-nière la plus connue étant la forêt d'Ajoux (2.000 hectares envi-ron)..

Au nord de cette région, le Sapin remonte par bouquets ou pieds isolés dans le Mâconnais et le Charolais jusqu'à Pierreclos, Germolles, et la montagne de Dun, au sud-est de la Clayette. La station la plus septentrionale est, d'après Roux, à Beaubery-en-Charolais, entre 50o et 600 mètres d'altitude.

Au sud du massif du Saint-Rigaud, le Sapin couvre au moins en partie la crête des monts du Beaujolais, formant par places des massifs assez étendus : bois de Favret, bois des Mollières, etc., Vers l'ouest, la limite du Sapin coïncide à peu de chose près avec celle des départements du Rhône et de la Loire. Vers l'est, elle est un peu moins nette, mais les nombreuses stations indiquées par Roux permettent de la jalonner assez exactement.

Dans le Tararais, faisant suite aux précédentes, on trouve encore un millier d'hectares de sapinières dans la région située à l'est de Tarare, dans la région de Valsonne, Joux, Mont Bous-sivre. Plus au sud, le Sapin est beaucoup moins important et disparaît aux environs de Saint-Laurent de Chamousset. Il n'existe pas à l'état spontané dans les monts du Lyonnais.

L'altitude de ces sapinières varie entre zoo et 1.000 mètres en moyenne. Exceptionnellement, Roux cite quelques sapins existant à Saint-Cyr-les-Vignes dans le canton de Feurs, et situés à 400-500 mètres. De même le Sapin spontané a existé dans les gorges de la Coise, à 45o mètres d'altitude, mais cette station est aujourd'hui disparue.

Massif du Pilat — Monts du Vivarais. — Dans le Massif du Pilat, le Sapin joue un rôle important : ces sapinières, dévastées par des exploitations abusives, ont été restaurées par le service forestier (1).

Elles couvrent près de 3.000 hectares entre 800 et 1.400 mètres.

(1) A. ROY : Un bel exemple de restauration forestière : La forêt de Pelussin (Rev. des Eaux et Forêts, t. 69, 1 93 1 , pp. 15-27, 108-122).

262 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

A l'ouest du mont Pilat il existe un petit massif de Sapin en Haute Loire, près de Saint-Didier-en-Velay, entre 800 et 900 mètres : la forêt de Bramard.

Plus au sud (r), le Sapin est encore relativement abondant sur la chaîne des Boutières dans la région comprise entre Bourg Argentai au nord, Riotord, Saint-Bonnet le-Froid, Tence à l'ouest, Saint-Agrève au sud, Lalouvesc, Villevocance à l'est.

Dans le massif du Mezenc et du Gerbier-des-Yoncs, le Sapin paraît plus rare mais il constitue à nouveau de beaux massifs dans les monts du Vivarais proprement dits (forêts de Mazan, de Beauzon, des Chambiers).

Il faut signaler ici, parce qu'elles se rattachent aux sapinières du Vivarais, deux stations isolées sur le territoire du départe-ment de la Haute-Loire, qui nous ont été signalées par M. DONZEL, garde général au Puy, l'une située entre le mont Meygal et Saint-Julien-Chapteuil, vers 1.200 mètres d'altitude, et s'é-tendant vers le sud jusque sur les versants de la vallée de la Gagne, l'autre dans la forêt sectionale du Fau, commune de Mézères, au nord-ouest d'Yssingeaux, entre 700 et 900 mètres environ. Une autre station du Sapin située dans les monts du Velay est plus connue, le bois de l'Hôpital, près de Cayres.

Mont Lozère. — Il n'y a plus actuellement de sapinière au mont Lozère, mais NÈGRE signale un certain nombre de stations isolées du Sapin disséminées sur tout le pourtour du massif. Dans la série domaniale de Pourcharesses, au bois de Fau des Armes, il existe de vieux sapins disséminés jusqu'à 1.500 mètres environ. Non loin de là, mais sur le territoire du département du Gard, on trouve également quelques vieux sapins disséminés parmi les hêtres du bois de Longuefeuille (commune de Ponteils). C'est, semble-t-il, la seule station de sapin spontané dans ce département. Un peu plus au sud, WEYD signale deux vieux sapins dans la forêt de Gourdouze (2).

Au nord du massif on trouve aussi quelques témoins d'an-ciennes sapinières dans la forêt de Champ (commune d'Aaltier),

(r) Renseignements fournis par M. BELIN, inspecteur des Eaux et Forêts, à Au-benas.

(2) WEYD : Les foras de la Lozère. Paris, 191r.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 263

dans la forêt domaniale de La Loubière (commune de Bagnols-sur-Lot). A Saint-Etienne-du-Valdonnez, la forêt particulière du « Sapey » a été exploitée entièrement depuis peu.

Enfin, la station du Sapin la plus méridionale dans cette région se trouve dans la forêt sectionale de Pierrefort (commune de Bédouès), à 1.15o mètres d'altitude, sur le versant nord du Mont-Bougès, au milieu d'un taillis de hêtre. Il est à noter que les semis naturels y sont abondants

Monts de la Margeride. — Dans les Monts de la Margeride, le Sapin est également très rare. Quelques sujets isolés sont signalés dans la haute vallée de l'Allier à Auroux, à Grandrieu et à Saint-Privat-du-Fau, tous entre 1.000 et 1.200 mètres d'al-titude. Un peu plus au nord, dans les départements du Cantal et de la Haute-Loire, le Sapin est plus abondant et BUFFAULT en signale de beaux peuplements sur le versant oriental, près du Mont Mouchet : forêt de la Tenezeyre, forêt de la Saguette (commune de Pinols) et sur la partie supérieure de la montagne (forêt de la Margeride et du Gué).

Forez — Livradois — Nord du Velay. — Il semble bien que le Sapin manque dans la plus grande partie du Velay, région qui est, à cause de son climat lumineux et relativement chaud, le pays d'élection du Pin sylvestre, et il faut aller dans le nord du Velay, jusque dans la région de la Chaise-Dieu pour retrouver le Sapin au milieu des pineraies. Il apparaît à partir de 800 mè-tres environ (770 mètres à Champagnac-le-Vieux) et l'emporte sur le Pin sylvestre quand les circonstances locales lui sont favo-rables. D'après BUFFAULT, il semble dans cette région indiffé-rent à l'exposition et se régénère avec la plus grande facilité. Sa limite sud paraît être aux environs de Fix-Saint-Geneys.

A ces sapinières du Velay septentrional font suite, vers le nord sans interruption, d'une part les sapinières du Livradois, d'autre part les sapinières du Forez. Là encore le Sapin est en lutte avec le Pin sylvestre et l'un ou l'autre l'emporte suivant la prédominance de tel ou tel facteur écologique ou économique.

Dans le Livradois, il y a de belles sapinières dans la région de Saint-Germain-l'Herm. Abondant dans la partie sud du Forez,

264 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

le Sapin est plus disséminé dans la région de Pierre-sur-Haute, mais constitue de nouveau, en mélange avec le Pin sylvestre ou le Hêtre, de beaux massifs aux environs de Noirétable : forêt de l'Ermitage, forêt des Bois Noirs.

Sa limite inférieure, dans la région, suit à peu de chose près la cote de 1.000 mètres. Sa limite supérieure coïncide générale-ment avec la limite supérieure du versant, les croupes de la montagne étant couvertes de chaumes. Le plus souvent le Sapin disparaît vers 1.300 ou 1.400 mètres, rarement plus (I).

Enfin, les peuplements de Sapin les plus au nord se trouvent dans la partie méridionale des Monts-de-la-Madeleine, sur le territoire du département de l'Allier, dans la forêt de l'Assise, à une altitude moyenne de i.00O mètres.

Monts-Dores et Cantal. — A l'ouest de Clermont-Ferrand, on retrouve le Sapin dans les Monts-Dores, mais en consultant la carte phytogéographique établie par LUQUET (2), on constate que dans cette région le déboisement a été intense et que, du manteau primitif de forêt il ne subsiste que bien peu de choses. Ici, comme d'ailleurs dans le massif du Cantal, le Sapin paraît actuellement localisé dans les vallées ouvertes vers le nord ou le nord-ouest. Sur le versant nord du Sancy, on trouve quelques belles sapinières, dans la région de la Bourboule et du Mont-Dore. En partant de là, le Sapin a colonisé les rives escarpées des gorges de la Dordogne; il subsiste une sapinière relativement importante dans les gorges d'Avèze (3), et on trouve des Sapins, isolés ou en bouquets parmi les Hêtres et les Chênes, le long de la Dordogne, jusqu'en aval de Bort, et vers le nord, dans les gorges de Chavanon.

Vers l'est, il s'arrête avant les cols séparant les affluents de la Dordogne des cours d'eau tributaires de la Couze et manque complètement sur tout le versant oriental des Monts-Dores. Il a disparu aussi complètement des Monts-Dômes, cependant,

(I) D'ALVERNY : Géographie botanique des Monts-du-Forez (Ann. de la Soc. Bot. de Lyon, 1910, t. XXXV, pp. 153-178).

(2) A. LuQuET : Essai sur la géographie botanique de l'Auvergne. Les Associations végétales du Massif du Mont-Dore, Saint-Dizier, 1926.

(3) Peut-être faut-il rapprocher Avéze de Abies? Le Sapin ayant vraisemblablement existé de tous temps dans ces gorges, le rapprochement paraît justifié.

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Forêt de Cisai Saint-Aubin-Orne. Perchis de Sapin.

PLANCHE VI

ci. Joubert.

Forêt domaniale de Ponteils (Gard), canton de Rabuzat. Vieux sapin étêté au milieu d'une hêtraie.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 265

d'après Roux, il en subsiste un pied à la Chartreuse de Pontgi-baud dans les étroites gorges de la Sioule à 650 mètres d'altitude environ.

Vers le sud, il n'atteint pas la Tour d'Auvergne. Mais, il existe quelques Sapins dans le cirque de la Biche, au nord-est de Vassivière, sur le flanc sud du massif (i).

La présence de troncs de sapins dans la tourbe près du lac de Bourdouze (2), jointe à cette station relique, indique nette-ment que le Sapin a joué autrefois, dans la région, un rôle beau-coup plus important.

Beaucoup plus au sud, on trouve un nouveau massif de sapi-nières de part et d'autre de la vallée de la Rhue : forêt de Gra-vières, Bois des Gardes, forêt de Maubert, forêt d'Algères-en-Feniers, etc... Vers l'est, il existe également quelques Sapins au Mont-Luguet.

Dans le massif du Cantal proprement dit, le Sapin est domi-nant dans la forêt de Falgoux et dans celle du Bois Noir (com-mune du Fau), on le trouve dans la forêt de Chabraire (commune de Claux). Mais il manque dans les forêts voisines du Puy-Mary. Dans le cirque de Mandailles, il en existe de rares pieds isolés. Il constitue la belle forêt du Lioran mais ne descend pas dans la vallée de la Cère. Dans les vallées secondaires descendant du Plomb du Cantal on ne trouve le plus souvent que du Hêtre, cependant dans la vallée de l'Épie, il existe un petit bois où Hêtre et Sapin sont mélangés.

Formant à l'état pur, ou presque, une grande partie de la forêt de Murat, il descend la vallée de l'Alagnon jusque vers Ferrières, à 700 mètres environ.

Beaucoup plus au sud, à l'extrémité nord des Monts d'Au-brac, à 1.050 mètres d'altitude, se trouve une petite sapinière spontanée de 32 hectares : la forêt de Guirande (commune de Lacalm). Cette forêt est un reste de l'ancienne forêt royale de Guirande qui fut aliénée en 1865. C'est la seule station connue du Sapin dans cette région.

Mais très loin au sud, presque à égale distance du Mont-

(I) M. et Mme F. MoREAU : Une relique forestière dans les Monts-Dores et le cirque d_ la Biche (Bull. mens. Soc. Linnéenne de Lyon, n° 4, 1934, p• 0-4).

(2) Ph. GUINIER : Renseignement inédit.

ANN. FOREST. -- T. VI. -- FASC. 2. i7

266 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

Lozère et des Hautes-Corbières, aux confins du Rouergue et du Languedoc, on trouve la petite sapinière de la Tenelle. D'une superficie de 12 hectares, appartenant à la commune d'Arnac, cette sapinière, très vigoureuse, est située dans la partie haute du bassin du Dourdou entre 600 et 8O0 mètres d'altitude, sur un versant nord à pente rapide (I).

Dans la Montagne Noire, actuellement, il n'y a pas de sapins spontanés. A. DAVID (2) signale que « il (le Sapin) y prospère si bien, le climat de l'ouest de la montagne lui convient à tel point qu'on peut se demander s'il n'a pas autrefois occupé ce domaine. Les inventaires de la première moitié du xixe siècle signalent quelques gros sapins, d'origine inconnue; récemment encore, il s'en dressait un, très vieux, à Nid-del-Gorp; quelques noms de lieux comme Lacabarède, semblent en rappeler la pré-sence; enfin, le nom de Montagne Noire aurait été tout à fait exacte, s'il avait correspondu à une végétation de sapins ».

Et il ajoute en note : « cependant rien, dans les documents que nous avons consultés, et dont quelques-uns datent du xIe siècle, n'indique l'existence du Sapin. Il est vrai que rien non plus n'y implique son absence ».

La question reste donc ouverte, mais il est bien probable que le Sapin a existé là comme il a existé au Mont-Aigoual ou comme il existe encore sur le Lozère. Des analyses polliniques permet-traient peut-être d'élucider la question.

60 La Corse. — Le Sapin existe en Corse, dans un assez grand nombre de forêts des zones montagnardes ou subalpines. Il y est très disséminé et n'y constitue généralement pas de peuple-ments importants susceptibles d'exploitations régulières et de ce fait a toujours été très négligé par les forestiers, d'autant plus que son bois est actuellement peu apprécié dans l'île (3).

J. BRIQUET a réuni tous les renseignements connus à ce sujet (4).

(r) PRIOTON : Une sapinière de Rouergue, Montpellier, 1927.

(2) A. DAVID : La Montagne Noire. Essai de monographie géographique, Car-cassonne, 1925.

(3) A. Rov : La Corse forestière (Bull. du Comité des Forêts, t. 9, mars-juin 1936,

PP. 30 6 - 3 1 4, 393 - 400). (4) J. BRIQUET : Prodrome de la flore corse, Genève, 1910, p. 3 8 . Un grand nombre des stations indiquées par BRIQUET lui ont été fournies par

ROTGES, alors inspecteur des Eaux et Forêts, a Sartène.

DL LA RÉPARTITION DU SAPIN 267

Pointées sur la carte, ces indications peuvent su i_re à délimiter, au moins approximativement, l'aire actuellement occupée par le sapin en Corse.

Son maximum d'extension est compris entre 1.200 mètres et 1.500 mètres environ, mais il peut, quand les circonstances lui sont favorables, descendre jusque vers 1.000 mètres et monter jusqu'à 1.750 ou même 1.800 mètres. A. Roy en signale une station exceptionnelle à 600 mètres d'altitude (forêt domaniale de la Pineta près de Bastelica).

Dans la partie nord de l'île, le sapin manque complètement. Il apparaît dans le massif du Cinto, où il n'est représenté que par des pieds isolés dans le haut de la forêt d'Asco et dans le haut vallon de Spasimata.

Mais au sud-ouest du Cinto, dans la forêt d'Aïtone, il envahit les peuplements de Laricios jusqu'à 1.000 mètres d'altitude. A l'est du col de Vergio, il est assez rare dans la forêt du Valdo-niello, disséminé sur les flancs nord et ouest du Monte Ro-tondo (I) dans le haut de la forêt de la Restonica et sur les pentes nord du Capo alla Moneta.

Dans la haute vallée du Liamone, on trouve des cantons entiers de Sapin pur (Roy), il est moins abondant dans la forêt de Guagno. Il existe au Monte-d'Oro, dans les hautes forêts de la vallée de Cruzzini. Il a été signalé dans la forêt de Vizzavona mais seulement par pieds isolés (2). Il paraît être beaucoup plus répandu dans le Massif du Renoso, en particulier dans la région du Fium'Orbo où il devient une des essences dominantes dans les forêts de Rospa Sorba et de Ghisoni (R(n). On le trouve également en peuplements purs sur les flancs du Renoso : à l'ouest, dans le haut vallon de Cappiajola, et à l'est dans la forêt de Marmano. Au sud de Monte-Grosso, on le trouve dans la forêt du Puntaniella, autour de Bastelica, et il a même descendu la vallée du torrent d'Est pour envahir, à 600 mètres d'altitude, les peuplements de Pin maritime de la forêt de la Pineta.

A l'est du Taravo, il est relativement abondant sur les deux

(r) BURN9UF : Rapport sa', l'heroorisation laite aaa l'orale Rotondo U 7 join 1877 Bull. de la Soc. bot. de _'rance, t. 24. Session extraordinaire, p. t,sxxv).

2) R. MAIRE : Rena:aroues sar la dors de la Corse (Ber. de Bot. cyst. II. 1904).

268 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

versants de la chaîne qui s'étend du Kyrie Eleison au Monte-Occhiato.

Il semble moins répandu dans le massif de l' Incudine où il paraît rechercher davantage les gorges resserrées et froides qui existent au-dessous du Monte Malo, des pointes de Mufra-reccia, de Fornello et de Pargolo, et entre le col de Bavella et le col Velaco.

Sa station la plus méridionale se trouve dans le petit massif de Cagna où on le trouve par pieds isolés ou par groupes sur les versants nord, entre 1.100 et 1.300 mètres.

7° Normandie. —. Enfin le Sapin existe encore en Normandie et cette aire disjointe du Sapin en plaine n'est pas la moins curieuse.

Pendant longtemps la spontanéité du Sapin en Normandie fut mise en doute et MATHIEU et FLICHE, dans leur Flore fores-tière notent que « le Sapin est fréquemment planté en Norman-die, sans y être cependant indigène ». Mais les sapinières nor-mandes existaient déjà bien avant la Révolution car AUBRY les signale dans sa Flore de Bretagne, en 1801; DELAMARRE (I) les a visitées en 1818 et le général marquis DE CHAMBRAY, pro-priétaire normand, écrit en 1838 dans le `Journal d'Agriculture pratique : «Le Sapin argenté est fort commun dans les environs de l'Aigle (2) (Orne), il serait possible qu'il y fut indigène. Cet arbre atteint en Normandie, dans les terrains qui lui convien-nent, de très fortes dimensions. » Et il cite dans une futaie de Hêtres, près de Bagnols, un sapin de 36 mètres de haut et de 4 mètres de circonférence. Il a fallu des travaux récents pour que sa spontanéité soit démontrée indiscutablement. Déjà, E. MAIRE, en 1904 (3), écrivait : « Si l'Abies pectinata n'est pas une essence indigène en Normandie, comme le prétendent cer-tains botanistes, il y existe en tous cas, depuis une époque pres-que immémoriale. » Mais, c'est grâce aux recherches de HICKEL,

(I) DELAMARRE : Traité pratique de la culture des Pins à grandes dimensions. 2 e édit. Paris, 1826, P• 359.

(2) Ancienne orthographe, rappelant l'étymologie : aquila. L'orthographe actuelle est Laigle.

(3) E. MAIRE : Le sapin de Normandie (Rev. des Eaux et Forêts, t.43, 1904, p. 513).

ORNE t.

Stations normandes du Sapin pectiné, d'après J. Sainte-Claire Deville.

D'après la Carte de France au 1/80.000 0 — Bernay — Mortagne.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 269

de l'abbé LETACQ et de AUBERT que la question fut élucidée (i). Des recherches plus récentes de J. SAINTE-CLAIRE DEVILLE sur la faune, et en particulier sur les coléoptères de la région, sont venues confirmer l'indigénat du Sapin de Normandie (2).

D'après cet auteur, qu'il nous paraît utile de citer littérale-ment « la zone de croissance actuelle du Sapin ne coïncide nulle-ment avec les régions de plus haute altitude des collines de Nor-mandie. Elle n'empiète nulle part sur le terrain silurien et déborde

(I) Abbé LETACQ : L'If et le Sapin sont-ils indigènes en Normandie. Comptes ren-dus du Congrès des Sociétés Savantes en 1911. Paris, 1912.

G. AUBERT : Le Sapin de Normandie (Bull. de l'Office for. du Centre et de l'Ouest, no 17, 1912, pp. I -20.

G. AUBERT : Le Sapin de Normandie (Rev. Eaux et Forets, t. 67, déc. 1929, pp. 81'-

826). (2) J. SAINTE-CLAIRE DEVILLE : Le Sapin et les reliques subalpines en Normandie.

Société entomologique de France. Livre du Centenaire. Paris, 1932.

270 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

à peine sur le bassin de la Loire. Les massifs de Sapin sont assez étroitement localisés dans la moitié est de l'arrondissement d'Argentan, sur un espace jalonné par les petites villes de Vimou-tiers, Exmes, Gacé et Laigle (Orne) avec prolongement sur Rugles (Eure). Dans cette région, les plateaux cretacés recouverts pres-que partout d'une couche assez épaisse d'argile à silex, ont une altitude qui varie de 25o à 320 mètres, le fond des vallées, dont les versants laissent à nu la craie blanche, s'échelonne de 160 à 200 mètres ».

HICKEL, dans des notes manuscrites, indique la présence du Sapin dans la région de basses collines située entre Laigle et Argentan au sud, Bernay et Mezidon au nord. AUBERT parle des peuplements naturels qui ont persisté dans le Haut-Perche et les vallées supérieures de la Risle et de la Touques entre les localités de Laigle, le Merlerault, Vimoutiers et Conches, et ajoute que, si le Sapin n'est pas spontané actuellement dans les environs d'Alençon (I), depuis quelques soixante ans, on y a tenté son introduction avec beaucoup de succès, en particulier dans la forêt d'Écouves. Les jeunes peuplements ainsi consti-tués ont commencé à fructifier vers 40 ans et actuellement le sapin se régénère et se propage aux alentours avec autant de vigueur que dans son aire naturelle. Et AUBERT cite un gros sapin à proximité de la forêt d'Écouves, dans les taillis de La Haye du Froust, bel arbre situé en plein bois, d'origine inconnue. Au point de vue de sa localisation topographique dans la région, il convient de noter que le Sapin forme de petits bois, dissé-minés à flanc de côteau, mais s'étendant au total sur plusieurs centaines d'hectares.

AUBERT précise qu' « il se plaît dans les terrains en pente où l'inclinaison du sol assure la circulation facile de l'eau et de l'air » et que l'exposition lui importe peu mais qu' « il ne vient qu'ex-ceptionnellement sur les plateaux et là seulement où la couche d'argile à silex est peu épaisse ». C'est la raison pour laquelle il manque dans la plupart des grandes forêts qui occupent précisé-ment les nappes d'argile à silex impropres aux cultures agricoles.

(i) G. AUBERT : Note sur l'introduction du Sapin pectiné dans la forêt d'Écoures (Orne) (Bull. de la Soc. des Amis des Sciences naturelles de Rouen, Rouen, 1912, pp. 117-13o).

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 271

Et ceci explique également pourquoi étant absent des grandes forêts, qui seules dans la région sont soumises au régime fores-tier, il a été ignoré pendant longtemps par les officiers fores-tiers.

Il est bon de noter ici que, sous ce climat humide et doux de l'Ouest, débourrant de très bonne heure, il est très sensible aux gelées printanières. Enfin, pour la curiosité du fait, signalons que les forêts où on le trouve sont le plus souvent traitées en taillis sous futaie. A priori cette méthode devrait lui être peu favorable, cependant il se maintient fort bien, grâce aux nom-breux arbres isolés, disséminés dans les haies, et grâce également à sa puissance de propagation dans les taillis, où le couvert le protège contre les gelées printanières. AUBERT a signalé et étu-dié l'espèce d'assolement cyclique du Sapin dans les taillis sous futaie (I).

Parmi les forêts les plus connues où le Sapin est abondant, il convient de citer la forêt de Saint-Evroult, la forêt de Gouffern, la sapaie de Raveton, au nord de Laigle, la forêt de Chaumont, les forêts de Conches et de Cisai, etc...

III. — LES RELATIONS

ENTRE LA RÉPARTITION DU SAPIN ET LES PRINCIPAUX FACTEURS ÉCOLOGIQUES

Ayant terminé l'étude de la répartition du Sapin en France, il convient maintenant de chercher à comprendre les raisons de cette répartition.

Le problème paraît possible à résoudre malgré la complexité des facteurs, quand on constate combien il est difficile de cultiver le Sapin en dehors de son aire. Il est curieux de constater combien cette essence, si vigoureuse, si prolifique dans ses stations naturelles, prospère mal sous des climats diffé-rents, même fort peu, du climat montagnard; aussi est-il toujours très mal représenté dans les Arboretums. On peut en déduire que le Sapin est étroitement lié à des conditions écologiques

(t) G. AUBERT : Le Sapin de Normandie (Rev. Eaux et Forêts, t. 67, 1 9 2 9, p. 813)

272 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

données, qu'il doit être relativement facile de préciser, au moins d'une façon approchée.

Les documents paléontologiques nous indiquent que le genre Abies existait déjà à l'infra-crétacé. Les Sapins deviennent nom-breux au Miocène et les espèces actuelles, en particulier l' Ables alba, existaient déjà au Pliocène. Il semble bien qu'à l'époque glaciaire le Sapin a dû occuper la majeure partie de notre terri-toire, exception faite de certaines grandes plaines où régnait encore un climat relativement doux. A l'époque postglaciaire, il s'est réfugié dans les montagnes, partout où il a trouvé des conditions écologiques favorables. Dans un pays d'étendue rela-tivement restreinte comme la France et pour une essence qui possède un pouvoir migrateur élevé, il ne semble pas que les facteurs géographiques aient joué un bien grand rôle dans la répartition de l'espèce, rôle subordonné en tous cas à celui des facteurs écologiques que nous allons étudier avec un peu plus de détail.

Les facteurs écologiques peuvent être classés en trois groupes : les facteurs climatiques, édaphiques et biotiques.

i ° Facteurs édaphiques. — Si on considère l'ensemble des sapinières françaises, le Sapin paraît à peu près indifférent aux questions de sol. On trouve des sapinières également belles sur des granites et des grès (Vosges, Massif Central, Corse, Pyré-nées), sur des schistes (Alpes, Pyrénées), sur des calcaires juras-siques ou crétacés (Jura, Alpes, Normandie) ou enfin sur des roches volcaniques (Massif Central).

Il n'en est pas de même en ce qui concerne les propriétés physiques des sols et quand on parcourt les sapinières des diffé-rentes régions, on constate que le Sapin exige un sol bien ali-menté en eau, mais cependant convenablement drainé. Il faut d'ailleurs tenir compte de ce fait qu'il peut y avoir compensation entre la perméabilité plus ou moins grande du sol et les condi-tions climatiques locales. Il est d'ailleurs inutile d'insister sur ce point qui a une grande influence sur la répartition du Sapin à l'intérieur de son aire, mais non sur le tracé même de cette aire.

2° Facteurs climatiques. —• Il est évident que c'est l'action combinée des différents facteurs climatiques qui conditionne les

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 273

possibilités d'existence du Sapin en un endroit donné. Mais il importe de savoir dans quelles mesures agit tel ou tel de ces facteurs. On rencontre d'ailleurs là des difficultés considérables, tout d'abord parce qu'il est impossible de séparer rigoureuse-ment les différents facteurs climatiques, ensuite parce que l'étude de ces différents facteurs est basée sur l'observation météo-rologique et que les documents météorologiques que nous possé-dons présentent encore de nombreuses lacunes, lacunes d'ail-leurs difficiles à combler. Cependant, un effort sérieux a été fait ces dernières années pour tirer parti des chiffres accumulés, en particulier en dressant des cartes de répartition des facteurs essentiels et de ces documents il paraît possible de tirer des con-clusions, au moins d'ordre général.

a) La lumière. — Dans l'étude de ce facteur, il ne faut pas perdre de vue que lumière et chaleur arrivent ensemble et qu'il est pratiquement impossible de les séparer. Nous ne possédons d'ailleurs pas encore de résultats d'ensemble pour la mesure de l'intensité lumineuse.

Le Sapin a passé pendant fort longtemps pour l'essence d'om-bre typique, mais un examen plus approfondi des faits a montré qu'il fallait faire des réserves à ce sujet. Pour ne citer que des exemples classiques, il est certain que le Sapin de l'Aude reçoit annuellement une quantité de lumière bien supérieure à celle que reçoit le Sapin des Vosges et du Jura et cependant la méthode de traitement des sapinières de l'Aude, loin d'atténuer la diffé-rence, l'exagère. On est ainsi amené à penser qu'il existe deux races physiologiques différentes quant à leur besoin de lumière. Quoiqu'il en soit, il est certain que le Sapin vient admirable-ment sous des climats de luminosité très différente et qu'il tolère l'ombre, surtout dans sa jeunesse, plutôt qu'il ne la réclame, à condition toutefois que ses exigences en eau dans le sol soient satisfaites. Et si, dans les parties méridionales de son aire, le Sapin a une préférence marquée pour les ubacs raides, il semble bien que ce ne soit pas uniquement dans un excès de luminosité du climat qu'il faille en rechercher la cause. Comme le facteur sol, le facteur lumière agira donc sur la localisation topogra-phique du sapin plutôt que sur la forme même de son aire.

274 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

b) La chaleur. — Les renseignements météorologiques concer-nant l'étude de la température, quoique encore très incomplets, donnent cependant des indications générales suffisamment pré-cises pour qu'il soit possible de tracer des courbes donnant une idée d'ensemble de la répartition de la température. Tout der-nièrement BFNÉVENT (i) a publié, dans l'Atlas de France, des cartes donnant les moyennes annuelles et les moyennes de jan-vier et de juillet des températures vraies. En comparant la pre-mière de ces cartes avec la carte de répartition du Sapin, on s'aper-çoit que l'aire du Sapin en France est entièrement comprise entre les isothermes annuelles de + 8° et de 0°, sauf en deux ou trois points, dont le plus important est l'îlot de sapins de Nor-mandie. Il est certain qu'il ne saurait y avoir là une simple coïncidence.

Dans sa Flore forestière, MATHIEU ne parle pas des tempéra-tures moyennes annuelles. Par contre, Roux estime que la tem-pérature moyenne qu'il semble préférer est comprise entre 7° et I1 0. L'aire du Sapin indiquée par Roux étant notablement plus grande que celle que nous avons délimitée, il est compréhensible qu'il ait été amené à indiquer une température moyenne sensi-blement plus élevée. Il semble bien d'ailleurs que le tracé de son isotherme de i i° doive être quelque peu modifié d'après les données météorologiques récentes.

Il faudrait aussi considérer les températures extrêmes, qui sont des facteurs limitants importants de l'extension d'un végétal, mais dans l'étendue de notre territoire, il n'y a jamais de tempé-rature hivernale suffisamment basse (sauf peut-être en haute montagne) pour éliminer le Sapin. En ce qui concerne les tempé-ratures estivales, il paraît en être de même et, comme cela se produit le plus souvent, les fortes chaleurs ne paraissent lui nuire que dans la mesure où elles sont accompagnées par une période de sécheresse.

Mais si le Sapin supporte bien les basses températures hiver-nales, il est beaucoup plus sensible aux basses températures qui se produisent durant la période de végétation, et souffre beau-

(r) BÉNéWENT : Atlas de France, publié par le Comité national de Géographie. Planche no 13. Températures vraies. Paris, 1933.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 275

coup des gelées printanières. Leur action est une des raisons pour lesquelles il est difficile de cultiver le Sapin sous des climats relativement doux. Les gelées printanières y sont en effet beau-coup plus fréquentes qu'en montagne. Et on peut se demander si cette sensibilité ne joue pas un grand rôle dans la répartition du Sapin. Malheureusement on possède peu d'observations précises à ce sujet.

c) La pluviosité. — Le Sapin a toujours été considéré comme l'arbre des climats pluvieux et les auteurs sont en général d'ac-cord pour indiquer qu'il ne peut prospérer que dans des régions où la pluviosité annuelle ne descend pas au-dessous de 800 milli-mètres et qu'il se trouve dans son optimum lorsqu'il tombe au moins i mètre d'eau.

D'autre part, la pluviosité est sans doute le facteur climatique le mieux connu, celui pour lequel on possède le plus de chiffres. GAUSSEN vient de publier une carte des moyennes annuelles de pluviosité (I) accompagnée d'une petite carte indiquant les sta-tions utilisées.

Si l'on compare la carte de répartition du Sapin avec cette carte de pluviosité annuelle, on constate qu'en effet l'aire du Sapin telle que nous l'avons délimitée est entièrement enveloppée par la courbe d'égale pluviosité de 800 millimètres, on constate de plus que les régions où le Sapin constitue des massifs impor-tants (Vosges, Jura, Préalpes du Nord, Vivarais, Monts du Cantal, Pays de Sault, Luchonnais, Corse) sont toutes des régions où la pluviosité atteint ou dépasse 1.200 millimètres. Mais on remar-que également que sur près de la moitié de notre territoire, la pluviosité annuelle est supérieure à 800 millimètres et que même des régions étendues où la lame d'eau atteint 1.200 millimètres sont manifestement en dehors de l'aire du Sapin.

Nous pouvons en conclure que le Sapin ne peut exister que lorsque la pluviosité annuelle est supérieure à 800 millimètres, qu'il trouve son optimum au - dessus de 1.200 millimètres, mais que si cette condition est nécessaire, elle n'est cependant pas suffisante.

(I) H. GaussEN : Atlas de France, planche no 14. Paris, 1934.

276 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

Mais la pluviosité annuelle ne suffit pas à caractériser un cli-mat, il est indispensable d'examiner sa répartition au cours de l'année. Cependant, pas plus de l'examen de la carte du nom-bre de jours de précipitation dressée par GAUSSEN que de l'exa-men des cartes de précipitations mensuelles établies par E. BÉNÉ-VENT et Mme R. FAYOL (I) nous n'avons pu tirer de conclusions intéressantes.

d) L'état hygrométrique. — L'état hygrométrique joue certai-nement un rôle de premier ordre dans la répartition des végé-taux ligneux en général et du Sapin en particulier; il peut sans doute y avoir compensation entre une pluviosité un peu faible et un état hygrométrique élevé; de même, une température moyenne un peu trop élevée doit être supportée plus aisément si l'air est constamment saturé. Mais nous sommes là dans le domaine des hypothèses. Il n'existe, en effet, que peu de chiffres relatifs à l'état hygrométrique, et cela sans doute parce que les hygromètres enregistreurs sont des instruments bien décevants.

Il en est de même en ce qui concerne les brouillards, la rosée, etc., l'action de ces différents facteurs paraît d'ailleurs être plutôt locale que générale.

e) Le vent. — Le vent est un facteur très complexe; il agit surtout indirectement en modifiant l'action des autres facteurs : température, pluviosité, état hygrométrique, etc... Dans cer-tains cas il peut devenir le facteur limitant mais son action est purement locale.

f) L'indice d'aridité. — Comme conclusion à cette revue rapide de l'action des différents facteurs climatiques sur l'aire du Sapin, il faut retenir que, comme on pouvait d'ailleurs le prévoir, les deux facteurs principaux sont d'une part la température moyenne annuelle, d'autre part la pluviosité, et ceci nous amène tout naturellement à serrer de plus près la question en nous adressant à l'indice d'aridité. On sait que cette notion d'indice d'aridité

(i) E. BÉNÉVENT et Mme R. FAYOL : Atlas de France, planche no 15, Paris, 1984.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 277

est due à DE MARTONNE (I). Cet indice, exprimé par la formule P

I T+ Io (dans laquelle P et T représentent respectivement les

moyennes annuelles de hauteur de pluie en millimètres et de température en degrés centigrades), représente par un chiffre simple le rapport qui existe entre la pluviosité et la température et peut servir à caractériser les climats. PERRIN a constaté qu'il existait un rapport évident entre cet indice d'aridité et les types de végétation forestière (2).

Poussant plus à fond son étude, il a montré qu'il y a une rela-tion entre la valeur de l'indice d'aridité (indice annuel et indices mensuels) et la présence d'une essence forestière donnée (3). Il était donc tout indiqué que nous cherchions à nous rendre compte des relations qui existent entre l'indice d'aridité et l'aire du Sapin en France.

Dans le travail cité précédemment, PERRIN conclut, en ce qui concerne le Sapin, en ces termes : « Le Sapin prédomine sponta-nément dans les endroits d'indices annuels compris entre 50 et 6o; il paraît pouvoir croître convenablement et se reproduire partout où l'indice annuel ne descend pas au-dessous de 40 et où six mois au moins dépassent ce nombre.

D'autre part, dans la planche n° 15 de l'Atlas de France déjà cité, E. BÉNÉVENT et Mme FAYOL ont établi pour la France entière une carte d'indice d'aridité annuel. Il est donc facile de comparer cette carte à la carte de répartition du Sapin. On cons-tate que la courbe correspondant à un indice d'aridité de 50 enve-loppe la majeure partie de l'aire du Sapin. Il en est ainsi pour les Vosges, le Jura, la partie nord des Alpes, la Corse et une grande partie des Pyrénées. On ne constate de différences sensibles que pour les Alpes méridionales, les Pyrénées orientales, la partie est du Massif Central et la Normandie. Et si, au lieu de considérer la courbe correspondant à un indice de 50, on trace par interpo-lation une courbe représentant l'indice de 45, compte tenu de

(i) DE MARTONNE : L'indice d'aridité (Bull. de l'Assoc. des Géographes français, mai 1926).

(2) H. PERRIN : Indices d'aridité et types de végétation forestièee (Congrès intern. du Bois et de la Sylvie. Paris, 1 93 1 , pp. 1 5 -2 5).

(3) H. PERRIN : Indices d'aridité et répartition des essences forestières (Congrès de l'A. F. A. S., Nancy, juillet 1931).

278 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

quelques différences tenant sans doute à des erreurs d'interpré-tation, les courbes étant tracées au moyen d'un petit nombre de points, l'aire du Sapin s'y trouve complètement incluse, sauf en ce qui concerne la Normandie.

Il ne nous a malheureusement pas été possible de tenir compte des indices mensuels comme le faisait PERRIN; les renseignements météorologiques trop incomplets ne le permettant pas.

Synthèse graphique de l'aire du Sapin. — Si maintenant, sur une même carte, on reporte d'une part les isothermes annuelles de 8° et o° (i), d'autre part la courbe d'indice d'aridité de 45 et que l'on considère uniquement la zone commune située à l'inté-rieur de ces courbes, on constate que la figure ainsi obtenue reproduit très fidèlement l'aire du Sapin telle que nous l'avons délimitée. On obtient ainsi une synthèse graphique de l'aire du Sapin (2), ou plus brièvement aire synthétique. Évidemment la coïncidence des tracés n'est pas absolue mais si l'on tient compte, soit des erreurs graphiques, soit de la part relativement grande laissée à l'interprétation dans le tracé des courbes aussi bien quand il s'agit de délimiter l'aire du Sapin que quand on trace des courbes relatives à un facteur météorologique quelconque, on peut penser qu'il y a là autre chose qu'un simple jeu du hasard.

La Normandie mise à part (nous verrons un peu plus loin ce qu'il faut en penser), il n'y a d'ailleurs que des différences fort peu importantes. Quelques stations isolées du Sapin, le Salève, le Vuache, les Hautes Corbières, une partie du Haut Limouxin, la forêt de Sainte-Croix, sont en dehors des limites obtenues. Il s'agit là de stations isolées du Sapin qui ont persisté grâce à des conditions locales favorables et il est probable que des observa-tions météorologiques plus précises permettraient d'obtenir des résultats concordants. Cependant, pour certaines régions, comme les Hautes Corbières, le déboisement intense qui a sévi dans la région peut avoir suffisamment modifié le climat local pour que

(r) Exception faite de la Corse, pour laquelle BÉNÉVENT n'a pas tracé les isot er• mes sans doute faute d'observations suffisantes.

(2) Ce terme de synthèse graphique, avec le sens que nous lui donnons, a déjà été employé par GAUSSEN, 1. e., p. 595.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 279

les conditions nécessaires à la vie du Sapin ne soient plus exacte-ment réalisées. Dans ce cas il s'agirait véritablement de stations reliques.

L'examen détaillé de la carte des éléments climatiques appelle quelques remarques intéressantes.

Dans les Vosges, la spontanéité du Sapin dans la vallée de la Zentzel du Sud peut être discutée, or cette station se trouve légèrement en dehors de la zone délimitée. Par contre, les Sapins signalés dans les Faucilles, région de Hadol, se trouvent en plein dans « l'aire synthétique ».

Dans le Jura savoisien, à la sapinière du Gros Foug corres-pond une petite aire isolée, et, fait plus curieux, il en est de même pour la sapinière de la Tenelle dans le Rouergue. On voit également que les conditions sont favorables au Sapin dans la Montagne Noire, où cette essence a probablement existé autre-fois, dans tout le massif de 1'Aigoual, sur le plateau de Mille-vaches et sur les parties les plus élevées du Morvan, toutes régions où effectivement les introductions artificielles de Sapin donnent des résultats très encourageants.

Une autre constatation s'impose, d'une part toutes les régions de grandes sapinières correspondent à un indice d'aridité égal ou même souvent supérieur à 60; d'autre part, dans toutes les régions où le Sapin existe mais où l'indice d'aridité est compris entre 45 et 5o, il ne constitue jamais l'essence dominante, mais est toujours très localisé; l'essence dominante est alors une essence moins hygrophile, Mélèze ou Pin à crochets dans le Briançonnais, la vallée de l'Ubaye, Mélèze ou Pin sylvestre dans les Basses Alpes, Hêtre ou surtout Pin sylvestre dans le Beaujolais, le Forez, le Velay, etc...

Le Sapin en Normandie. --- Il reste maintenant à examiner ce qui se passe en Haute Normandie. Le Sapin se trouve là dans une région de basses collines d'altitude comprise entre 250 et 320 mètres; d'après les documents que nous avons consultés, la température moyenne annuelle est comprise entre 8 0 et 90

et la pluviosité annuelle est comprise entre 800 et 1.000 mètres; ces chiffres correspondent à un indice d'aridité pouvant varier de 42 à 55, qui permettrait donc bien la vie du Sapin, et si la

280 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

courbe correspond à l'indice d'aridité de 50 n'a pas été indiquée par le météorologiste dans la région, on peut supposer que c'est dû uniquement au manque d'observations locales. D'autre part, la température moyenne annuelle est un peu trop élevée, mais compte tenu du manque d'observations concernant la région exacte, de surface réduite, où existent les sapins spontanés, on peut admettre que le Sapin se trouve en Haute Normandie à peu près exactement à. la limite de ses possibilités d'existence.

Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue que le climat normand est réputé pour son humidité : si les pluies ne sont pas particu-lièrement abondantes elles sont fréquentes, près de Zoo jours par an, et grâce à la proximité de la mer, l'état hygrométrique est toujours élevé. Comme nous l'avons déjà dit, on ne possède aucun renseignement précis à ce sujet mais il est raisonnable d'admettre qu'il peut y avoir compensation entre les différents facteurs.

Nous sommes donc amenés à considérer, d'accord d'ailleurs avec René MAIRE (I) que le Sapin de Normandie est une relique glaciaire. Sans doute abondant dans la région lors de l'époque glaciaire, le Sapin est entré en regression par suite du réchauffe-ment qui a suivi, et s'est réfugié aux endroits où le climat et le sol lui étaient favorables, mais, se trouvant presque exactement à la limite de ses conditions d'existence, il aurait peut-être dis-paru à la longue devant l'envahissement du Hêtre, mieux adapté que lui au climat normand, si l'homme n'était intervenu pour le protéger. Et on peut admettre que c'est le traitement en taillis sous futaie qui a sauvé le Sapin, parce que ce traitement a limité l'extension du Hêtre. Il a principalement résisté, soit dans les nombreux petits bois particuliers d'une étendue insuffisante pour faire l'objet d'exploitations régulières de taillis sous futaie à courte révolution, comme le fait remarquer très justement J. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, soit dans de grands massifs où la révo-lution adoptée était relativement longue, et aussi, pour des raisons d'esthétique, dans les bois avoisinant les châteaux et aménagés en parcs.

(i) R. MAIRE : Remarque sur l'indigénat du Sapin en Normandie. Comptes rendus du Congrès des Sociétés savantes en 1911.

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 281

Facteurs biotiques. — Il reste à examiner les relations entre l'aire du Sapin spontané et les facteurs biotiques. Parmi ceux-ci deux seulement paraissent avoir exercé une action importante sur sa répartition : la concurrence vitale des autres grandes essences forestières et l'action de l'homme.

a) Concurrence vitale. — Les principaux concurrents du Sapin sont nos grandes essences forestières montagnardes ou subal-pines : Hêtre, Épicéa, Mélèze, Pin sylvestre, accessoirement Pin à crochets. Il semble bien que partout où ses conditions optima d'existence sont réalisées, le Sapin lutte victorieusement, grâce à son tempérament qui lui permet de supporter l'ombre durant de longues années dans la jeunesse, grâce aussi à la facilité avec laquelle il se régénère à l'abri d'une autre essence. Il en est ainsi dans les Vosges et dans le Jura, dans les Préalpes du Nord et dans une grande partie de la chaîne des Pyrénées.

Mais, comme nous l'avons déjà signalé, si les conditions sont moins favorables, une autre essence prend facilement le dessus. Vers la limite supérieure de la végétation forestière dans les Vosges, le Hêtre devient dominant, dans les hautes chaînes du Jura, l'Épicéa est souvent l'essence principale. Dans les massifs centraux des Alpes, le Sapin est généralement relégué sur les ubacs raides, sur les versants rocheux, et le Mélèze et l'Épicéa, plus rarement le Pin sylvestre, constituent la majeure partie des peuplements.

Dans les Pyrénées, en particulier en Cerdagne et dans le Capcir, le Pin à crochets domine; partout ailleurs la lutte est vive entre Sapin, Hêtre et Pin sylvestre, et c'est l'homme qui décide, volontairement ou non, de l'avenir de la forêt.

b) Action de l'homme. — Il y a d'ailleurs si longtemps que l'ac-tion de l'homme s'exerce sur la forêt, dans un sens ou dans un autre, qu'il est toujours difficile, souvent impossible, de présumer ce qui se passerait si la forêt était livrée à elle-même. Il semble bien que pendant des siècles, d'une manière générale, le Sapin a reculé devant l'action consciente ou inconsciente de l'homme qui, pour des nécessités vitales, a favorisé le feuillu aux dépens du résineux. Mais, depuis un siècle environ, la forêt est mieux

ANN. FOREST. - T. VI. - FASC. 2. x8

282 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

protégée, les conditions économiques ont évolué, le Sapin est maintenant favorisé par l'homme, et quand on visite nos forêts de montagne, on a l'impression très nette que l'aire du Sapin s'étend rapidement.

Conclusion. — De l'étude, faite d'une façon aussi détaillée que possible, de l'aire de répartition du Sapin à l'état spontané en France, et de l'étude des facteurs écologiques qui condition-nent cette aire, il semble que nous pouvons déduire les règles suivantes : dans une région donnée le Sapin est spontané et forme généralement l'essence dominante quand l'indice d'ari-dité annuel est supérieur à 50 et quand la température moyenne annuelle est inférieure à 8°. Il vient encore bien quand l'indice annuel est compris entre 45 et 5o, mais est alors subordonné à d'autres essences moins hygrophiles ou plus plastiques que lui. Enfin, on ne le trouve qu'exceptionnellement sous un climat dont l'indice d'aridité est inférieur à 45.

Dans l'état actuel des choses, le manque de précision suffi-santes concernant les facteurs météorologiques ne nous permet pas de préciser davantage.

Ces conclusions peuvent recevoir une application forestière immédiate, l'examen de la carte de « l'aire synthétique » permet de prévoir à priori les régions dans lesquelles l'enrésinement en Sapin peut se faire avec quelques chances de réussite. C'est ainsi que, comme nous l'avons déjà signalé plus haut, l'introduction de cette essence, dans le Haut Morvan, à l'Aigoual, dans la Montagne Noire, est pleinement justifiée. Sur le plateau de Millevaches également, il semble qu'on puisse le planter avec toute sécurité. Dans les Ardennes, les conditions favorables paraissent être réalisées de part et d'autre de la vallée de la Meuse, le long de la frontière belge, mais pour plus de sûreté, il faudrait pouvoir tracer les courbes en territoire belge. L'indice d'aridité, dans cette région, restant d'ailleurs compris entre 45 et 50, il semble que le Sapin ne sera jamais là qu'une essence secondaire. Pour la majeure partie de l'Est de la France, où l'in-troduction du Sapin est tentante en vue d'accroître le revenu des taillis, il faudra certainement procéder avec prudence si l'on ne veut pas aboutir à des échecs. On constate, en effet, que

DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 283

l'indice d'aridité est généralement compris entre 40 et 45 et que la température moyenne est le plus souvent supérieure à 8 0 . Les conditions générales ne sont donc pas favorables et on sera obligé de tenir compte des conditions locales qui modifient ces conditions générales.

STUDIES ON THE DISTRIBUTION OF THE FOREST SPECIES IN FRANCE

INTRODUCTION by Ph. GUINIER, Directeur de l'École Nationale des Eaux et Forets.

At the International Forestry Congress of Paris, in 1913, a report was presented on „The Woody Plants Distribution in France" and the author, Ph. Guinier, showed the lack of docu-ments, according to this point of view, and the need to study this question in detail. The congress proposed that the Forest Research Institut take charge of this work.

The events have delayed the realisation of this proposition. Under favour of the remarkable progress did since in the domain of ecology and phytosociology, the documents which it may be disposed of are now much more numerous : botanists and foresters are able to give more easily accurate informations.

The scheme, appointed in 1913, is carried out by the Forest Research Institut and a set of studies will be published on the distribution of the chief forest species in France.

CONTRIBUTION TO THE STUDY OF SILVER FIR

(Abies Alba Mill.) DISTRIBUTION

Until now, in the botanical or forest litterature, there was no complete work on the distribution of Silver Fir in France. The author has attempted to meet with this want. He has drawn, on a map on the scale of 12.500.000, with the highest stretch of precision according to the scale of the map, the pre-sent area of Silver Fir in France.

Silver Fir is the dominant species in the Vosges and in the middle high country of the Jura. It is mixed with spruce in the High Jura and in the Northern Prealps, it is disseminated in the remainder of the chain of the Alps. In the Pyrenees, it is specially abundant in the Aude High Valley (Country of Sault) and in "Luchonnais"; less abundant elsewhere, it fails in the western end of the chain. It is not scarce in the middle high country of Corsica. "Massif Central" has been deforested very much and it remains there relatively few Fir Woods wich are found specially in "Beaujolais", "Massif du Pilat", "High Vivarais", "Forez" and "Livradois" : Lastly there is also Silver Fir, in a spontaneous state, in the hills of High Normandy.

The author asked himself which are the factors settling the existence of this area. Silver Fir is difficult to grow without its natural area. That seems to prove that it requires plainly definite and varying only between narrow limits ecological conditions.

The edaphic factors play an entirely secondary part. The climatic ones, on the contrary, hold the first place. Amongst these factors, the most important seem to be the height of rainfall and the mean temperature. These ascertainments have brought the author to examine the relation there is between the

286 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA RÉPARTITION DU SAPIN

distribution of Silver Fir and the aridity index as it has been P

appointed by « de Martonne » : I = q, + IO (I = Index,

P = Height of rainfall in millimeter, T = Temperature in centi-grade degrees.) By the comparison between a map of the annual aridity index and the map of the Silver Fir distribution settled by the author, it is verified the curve corresponding with the aridity index 50 involves the greater part of the Silver Fir area and the curve corresponding with the aridity index 45 involves it entirely. Further, by repeating, on the same map, the annual isotherms of + 8°C and 0°C and by taking into consideration only the common zone placed within the different curves, the author proves that the so obtained figure reproduces, rather exactly, the Silver Fir area as he has fixed the boundaries of. He gets so the "Graphic Synthesis" of the Silver Fir area. However, the coincidence between the two outlines is not abso-lute, but this can be explained, in the one hand for the lack of precision of the floristic or meteorological informations, in the other hand by the action of the biotic factors and specially by the action of men. Concerning Silver Fir this action seems to have been a destructive one. It remains sometimes some witnesses of that old extension but Silver Fir has completely disappeared from some regions (Mont Aigoual, Montagne Noire). Now the forest is better protected, the economical conditions have been altered, Silver Fir tends to win back the lost ground. From the comparison between the two maps, it may be concluded that, the conditions of temperature being realized (annual mean temperature included between + 8°C and 0°C).

1 0 The best zone of Silver Fir (Country of the Wide Fir Woods) corresponds with an aridity index equal or superior to 50;

2° When the aridity index is included between 45 and 50 Sil-ver Fir can exist but never constitutes the dominant species;

3° When the aridity index falls under 45 the existence of Silver Fir becomes precarious.

(Trad. G. RABOUILLE).

STUDIUM ÜBER DIE VERTEILUNG DER HOLZARTEN IN FRANKREICH

EINFÜHRUNG v. Ph. GUINIER, Directeur de l'École Nationale des Eaux et Forets.

Auf dem 1913 in Paris abgehaltenen internationalen Forst-kongress legte H. Ph. Guinier einen Bericht über die Verteilung der Holzpflanzen in Frankreich vor; der Autor wies dabei auf die Unzulänglichkeit der in Betracht kommenden Dokumente hin und betonte, dass es notwendig sei, diese Frage bis ins Einzelne zu studieren. Der Kongress sprach den Wunsch aus, dass die forstliche Versuchsstation mit dieser Arbeit beauf-tragt werde.

Besondere Ereignisse haben die Ausführung dieses Wunsches verzögert. Seither sind bemerkenswerte Fortschritte auf dem gebiete der OEkologie und Phytosoziologie gemacht worden, sodass die Unterlagen, über die man jetzt verfügt, viel zahl-reicher sind : Botaniker und Forstleute können viel leichter genaue Auskünfte erteilen.

Der im Jahre 1913 gefasste Plan wird von der Versuchssta-tion zur Ausführung gebracht und eine Reihe verschiedener Studien über die Verteilung der wichtigsten Holzarten in Frank-reich werden veröffentlicht werden.

BEITRAG ZUM STUDIUM ÜBER DIE VERBREITUNG DER TANNE

(Abies alba Mill.).

Bis heute gibt es in der botanischen Literatur oder der Forst-literatur noch keine zusammenhängende Arbeit über die Ver-breitung der Tanne in Frankreich. Der Verfasser hat es versucht, diesen Mangel zu beheben und hat auf einer Karte, die im Masstab I zu 2.500.000 gehalten ist, das heutige Verbreitungsgebiet der Tanne möglichst genau, soweit es eben der Masstab der Karte erlaubte, eingezeichnet.

Die Tanne tritt als vorherrschende Holzart in den Vogesen und in der mittleren Region des Juragebirges auf. Sie ist der Fichte beigemischt in den höheren Lagen des Jura und in dem nördlichen Teil der Voralpen und kommt eingesprengt im übrigen Teil der Alpenkette vor. In den Pyrenäen ist sie im oberen Tale der Aude (Pays de Sault) und im Luchonnais über-aus zahlreich. Sonst weniger vorkommend, fehlt sie ganz im aüssersten Westen der Kette. Nicht selten ist sie in der mittleren Region von Korsika. Da das Massiv Central sehr entwaldet worden ist, finden sich hier verhältnissmässig wenig Tannen-wälder vor, so insbesondere im Beaujolais, im Massiv des Pilat, im oberen Vivarais, im Forezgebirge und im Livradois. Zuletzt kommt die Tanne auf den Hügeln der Haute Normandie natür-lich vor.

Der Verfasser stellt sich dann die Frage, welche Faktoren das Vorhandensein dieses Verbreitungsgebietes bedingen. Die Tanne lässt sich ausserhalb ihres natürlichen Verbreitungsgebietes nur schwierig einbringen. Dies scheint zu beweisen, dass diese Holzart genau definierte und nur in engen Grenzen sich verän-dernde ekologische Bedingungen verlangt.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA RÉPARTITION DU SAPIN 289

Die Bodenfaktoren spielen eine ganz sekundäre Rolle, die Klimafaktoren stehen im Gegenteil an erster Stelle. Unter diesen Faktoren scheinen Regenmenge und mittlere Temperatur am bedeutesten zu sein. Diese Feststellungen haben den Ver-fasser dazu geführt, das Verhältniss zu suchen, das zwischen der Verteilung der Tanne und dem Index der Aridität besteht, wie

letzterer von de Martonne definiert worden ist : I = T Io

I = Index, P = Niederschlagsmenge in Millimetern, T = Tem-peratur in hundertstel Graden. Beim Vergleich der Karte, die den Index der jährlichen Aridität enthält, mit der von dem Ver-fasser aufgestellten Karte über die Verbreitung der Tanne, stellt sich heraus, dass die dem Ariditätsindex 50 entsprechende Kurve den grössten Teil des Verbreitungsgebietes der Tanne umgibt, und dass die Kurve des Index 45 letzeres vollständig umfasst.

Uberträgt man zudem auf dieselbe Karte die jährlichen Isothermen von + 8 und Null Grad, und zieht man einzig und allein die innerhalb der verschiedenen Kurven gelegene gemein-same Zone in Betracht, dann ergibt sich, wie der Verfasser feststellt, eine Figur, die ziemlich genau dem von ihm begrenz-ten Verbreitungsgebiet der Tanne entspricht. Auf diese Weise erhält der Verfasser die « graphische Synthese » des Verbrei-tungsgebietes der Tanne. Beide Linien fallen übrigens nicht ganz vollständig zusammen; eine Erklärung hierzu bieten einerseits die Ungenauigkeit der Angaben über Flora und Meteorologie, andererseits die biotischen Faktoren, und hauptsächlich der Eingriff des Menschen. Bei der Tanne scheint sich dieser Ein-griff besonders im Sinne der Zerstörung ausgewirkt zu haben. Mitunter finden sich noch Zeugen der ehemaligen Ausdehnung der Tanne vor; aus bestimmten Gegenden (Mont Aigoual, Mon-tagne Noire) ist die Tanne jedoch ganz verschwunden. Heute ist der Wald besser geschützt, die ökonomischen Verhältnisse haben sich geändert, und die Tanne hat die Tendenz, das ver-lorene Gebiet wieder zu gewinnen. Aus dem Vergleich der beiden Karten kann, sobald die Ansprüche an die Temperatur erfüllt sind (mittlere Jahrestemperatur zwischen Null und + 8 Grad), folgender Schluss gezogen werden.

JO die Zone des Optimums der Tanne (Gegend der ausge-

P

290 DE LA RÉPARTITION DU SAPIN

dehnten Tannenwaldungen) entspricht einem Ariditätsindex, der gleich 50 oder grösser ist;

2 0 liegt dieser Index zwischen 45 und 50, dann tritt die Tanne noch auf, ist aber nie die vorherrschende Holzart;

30 fällt der Index unter 45, dann wird das Fortkommen der Tanne schwierig.

(Trad. G MULLER)

25 30 73 100k.a

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