1848 y el partido democrático español

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Revoluciones europeas

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  • HWOH3DUWLGPRFUDWLTXHHVSDJQROFlorencia Peyrou

    Le mouvement social, Number 234, janvier-mars 2011, pp. 17-32 (Article)

    Published by Association Le Mouvement SocialDOI: 10.1353/lms.2011.0002

    For additional information about this article

    Access provided by Centro de Investigacin y Docencia Econmicas, A.C. (4 Jun 2014 17:57 GMT)

    http://muse.jhu.edu/journals/lms/summary/v234/234.peyrou.html

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    Florencia Peyrou, 1848 et le Parti dmocratique espagnol, Le Mouvement Social, janvier-mars 2011.

    1848 et le Parti dmocratique espagnolpar Florencia Peyrou *

    La rvolution franaise de 1848, qui a donn naissance la IIe Rpublique, a eu un fort impact dans plusieurs pays europens par une sorte de raction en chane 1. Or la majorit de lhistoriographie spcialise a longtemps considr que lEspagne tait reste lcart de ce mouvement gnral ; comme le formulait il y a quelques annes Jean Sigmann, la rvolution ny aurait pas modifi le cours dune volution qui obissait ses propres lois 2. Rcemment pourtant, certains historiens ont commenc souligner que, si les rgions les plus affectes ont t lAllemagne, lItalie et lEmpire des Habsbourg, tout le continent a t entran, diffrents niveaux dintensit 3. Ils ont aussi point la ncessit dtablir des connexions et com-paraisons entre expriences rvolutionnaires, en tenant compte, pour chaque tat, de la rponse aux vnements parisiens des gouvernements, des lites dopposition et des mouvements populaires, ainsi que des objectifs politiques des protagonistes, des formes daction et dorganisation. Il convient ds lors galement de sinterroger sur le transfert de modles politiques, sur la circulation des personnes et sur la propagation des angoisses et des rumeurs travers les frontires 4.

    Dans cette perspective, limage dune Espagne isole doit tre remise en cause. Certes la rvolution na pas triomph, mais les vnements europens y ont eu une influence considrable. Lclatement de deux meutes Madrid a inaugur une priode de grande agitation et dinstabilit, faite aussi de conspirations de rvolu-tionnaires migrs dans dautres provinces espagnoles et dans des rgions frontali-res de la France (notamment Bayonne et Perpignan). LEspagne est reste jusquen janvier 1849 soumise des lois dexception. Tout ceci dans un contexte turbulent, o libralisme progressiste et dmocratie tentaient de gagner du terrain ; en lutte continuelle contre le libralisme conservateur et autoritaire au pouvoir, ils taient soutenus par une fraction de larme et par les couches populaires urbaines 5. Les

    * Chercheuse lUniversit de Valence (Espagne).1. Je tiens remercier pour leur aide et leurs commentaires les professeurs Jean-Philippe Luis,

    Franois Godicheau et Joany Reboton.2. J. Sigmann, 1848, les rvolutions romantiques et dmocratiques en Europe, Paris, Calmann-Lvy,

    1970. Une ide similaire est avance dans R. Gildea, Barricades and Borders. Europe, 1800-1914, Oxford, Oxford University Press, 1987, p. 171.

    3. R. J. W. Evans et H. P. Von Strandmann (eds.), The Revolutions in Europe, 1848-1849, Oxford, Oxford University Press, 2000 ; J. Sperber, The European Revolutions, 1848-1851, Cambridge, Cambridge University Press, 1994 ; S. Aprile, R. Huard et alii, La Rvolution de 1848 en France et en Europe, Paris, ditions Sociales, 1998.

    4. J. Breuilly, 1848: Connected or Comparable Revolutions? , in A. Krner (ed.), 1848: A European Revolution? International Ideas and National Memories of 1848, New York, Palgrave-MacMillan, 2004 p. 31-50 ; H.-G. Haupt, 1848 en Allemagne : une perspective comparative , in J.-L. Mayaud (dir.), 1848. Actes du Colloque international du cent cinquantenaire, Paris, Craphis, 2002, p. 464.

    5. J. Milln, M. C. Romeo, Por qu es importante la revolucin liberal en Espaa? Culturas pol-ticas y ciudadana en la historia espaola , in M. Burguera, C. Schmidt-Novara (coord.), Historias de Espaa contempornea, Valence, PUV, 2008, p. 17-45.

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    vnements qui ont eu lieu tant en Espagne qu ltranger ont influenc les partis libraux et, par consquent, le droulement de la vie politique espagnole. Ils ont notamment acclr le processus de formation du Parti dmocratique espagnol, cr en avril 1849 avec le concours des libraux dmocrates et des rpublicains. Cette cration nest pas uniquement due la circulation de lidologie dmoc-soc, elle lest aussi aux fractures produites chez les libraux progressistes dans la rponse la crise ouverte par les journes de fvrier. Le propos de cet article est donc double : dabord, il sagira dexpliquer, avec la documentation et la bibliographie disponibles, le droulement des tentatives rvolutionnaires en Espagne ; ensuite, danalyser la rupture du libralisme progressiste et la naissance du Parti dmocratique espagnol. Mais il apparat dabord ncessaire de sintresser, brivement, au surgissement du mouvement dmocratique et rpublicain en Espagne.

    Lmergence de la dmocratieLes premiers groupes dmocratiques apparaissent en Espagne vers 1840, dfendant le suffrage universel masculin, une large dcentralisation administrative et les liberts de presse, de runion et dassociation. Ils se dclarent hritiers de lesprit de la Constitution de 1812, labore aprs linvasion napolonienne durant la guerre de lIndpendance (1808-1814), la chute de la monarchie et ltablissement dun pouvoir alternatif (les Cortes de Cadix). Cette constitution, qui marque le dbut de la rvolution librale en Espagne, proclame la souverainet nationale, lgalit devant la loi, la libert de presse et, surtout, un trs large droit au suffrage, bien quindirect. Parmi les groupes dmocratiques, on compte alors les rpublicains, qui considrent la Rpublique comme lunique moyen de garantir un rgime libre et galitaire, et les dmocrates, pour qui la forme du gouvernement nest pas une ques-tion fondamentale si le trne reste soumis la souverainet nationale et que sa fonc-tion est uniquement de garantir lapplication de la loi. Les dmocrates suivent sur ce point la Constitution de 1812, qui conoit le roi comme chef suprieur de la nation mais soumis la volont de celle-ci (une commission spciale de rforme avait mme la capacit de supprimer la monarchie) et dot dattributions rduites ; sa fonction lgislative reste limite au veto suspensif, qui peut retarder la promulgation dune loi mais non lempcher ; tandis que lexcutif doit sadapter aux normes approuves par les Cortes. Les constituants de 1812 auraient ainsi dtruit, selon Joaqun Varela, lide mme de monarchie en crant une monarchie rpublicaine ; il est en tout cas certain que cette vision permet des passages vers la Rpublique, surtout si lexprience politique montre limpossibilit de mettre en place un tel rgime 6.

    Les groupes dmocratiques commencent surtout se former partir de 1837, quand les deux branches majoritaires du libralisme espagnol, les conservateurs (ou modrs) et les progressistes, saccordent pour laborer une nouvelle constitution. Ds le dbut des annes 1830, tous deux avaient abandonn les principes du pre-mier libralisme (celui de 1812) et adopt ceux du doctrinarisme, notamment le suffrage censitaire et la notion de souverainet partage entre trne et Parlement 7.

    6. J. Varela, La teora del Estado en los orgenes del constitucionalismo hispnico (las Cortes de Cdiz), Madrid, Centro de Estudios Constitucionales, 1983. Sur la Constitution de Cadix, voir aussi J. M. Portillo, Revolucin de nacin, Madrid, CEPC, 2000.

    7. J. Varela, El pensamiento constitucional espaol en el exilio: el abandono del modelo docea-ista (1823-1833) , Revista de Estudios Polticos, n 88, 1995, p. 63-90.

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    Les modrs dfendent un modle de monarchie constitutionnelle base sociale trs restreinte, permettant de concilier ordre et libert ; ils substituent au dogme de la souverainet nationale celui du gouvernement des meilleurs et adoptent le bicamrisme. Les progressistes soutiennent, eux, une forme alternative dintgration non limite, comme dans le cas du modrantisme, au citoyen propritaire, mais qui rejette aussi le droit naturel la participation politique de tous les citoyens. Le pro-gressisme dfend une participation ordonne travers un droit au suffrage (indirect) largi, lintgration dans la Garde nationale et une large libert de presse ; en mme temps, il espre que les progrs de lducation et le dveloppement conomique accrotront progressivement le corps lectoral, transformant dune faon ordonne les masses en citoyens. Il existe donc un horizon politique de libert o le dogme de la souverainet nationale deviendrait ralit, rapprochant les progressistes des groupes dmocratiques. Les progressistes sen sparent toutefois indfectiblement en accordant la couronne une mission active dans la vie politique, surtout par le biais du veto et de la capacit dissoudre les Cortes ; le progressisme est par ailleurs un univers extrmement htrogne o coexistent des positions diverses concernant, entre autres, lextension du droit au suffrage ou la rgulation de la presse ; enfin, les frontires entre les milieux les plus avancs et les dmocrates apparaissent assez fluides 8.

    La Constitution de 1837, combinant des principes modrs et progressistes, dune part renforce les pouvoirs de la monarchie, institue le bicamrisme et tablit un suffrage censitaire limit 2,2 % de la population ; dautre part, elle maintient la libert de presse sans censure pralable, le Jury, la Garde nationale et llection populaire des pouvoirs municipaux et provinciaux. Les libraux radicaux, qui res-tent fidles au premier libralisme, peroivent ce nouveau code comme un dange-reux retour en arrire et voluent vers des positions dmocratiques et rpublicaines, largement influencs par les discours rvolutionnaires europens. Cette volution saccentue avec le soutien prt par la couronne espagnole aux gouvernements modrs qui, au pouvoir partir de 1838, tentent de limiter la libert de presse et le droit au suffrage et de centraliser ladministration, dans le cadre dun projet clairement ractionnaire. La couronne finit ainsi par tre associe au monde du pri-vilge 9. Les modrs conservent le pouvoir de faon quasi ininterrompue jusquen 1868, exerant une politique rpressive et exclusiviste qui ne laisse gure dautre option pour les groupes dopposition, notamment progressistes, que de recourir des mouvements rvolutionnaires.

    Lun de ces mouvements, celui de 1840, donne lieu la formation dun gouver-nement progressiste de droite. Les milieux dmocrates-rpublicains commencent alors sorganiser, principalement autour de journaux comme El Huracn ou La

    8. M. C. Romeo, Los mundos posibles del liberalismo progresista , in E. La Parra, G. Ramrez (coord.), El primer liberalismo: Espaa y Europa, una perspectiva comparada, Valence, Biblioteca Valenciana, 2003, p. 287-314, et Lenguaje y poltica del nuevo liberalismo: moderados y progresis-tas , Ayer, n 29, 1998, p. 37-62 ; F. Gmez Ochoa, Pero, hubo alguna vez once mil vrgenes? El partido moderado y la conciliacin liberal, 1833-1868 , in M. Surez Cortina (coord.), Las mscaras de la libertad. El liberalismo espaol 1808-1950, Madrid, Marcial Pons, 2003, p. 135-168 ; I. Burdiel, La tradicin poltica progresista. Historia de un desencuentro , in C. Dard (coord.), Sagasta y el liberalismo espaol, Madrid, Fundacin Argentaria-BBVA, 2000, p. 113-118.

    9. A. M. Garcia Rovira, La revoluci liberal a Espanya i les classes populars, Vic, Eumo, 1989 et Radicalismo liberal, republicanismo y revolucin (1835-1837) , Ayer, n 29, 1998, p. 63-90.

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    Revolucin. Or, en dpit de la vhmence avec laquelle ils y dfendent leurs prin-cipes, dans la pratique politique et dans les espaces de sociabilit ils se mlent aux groupes du progressisme avanc sans crer dorganisation indpendante 10. Fin 1843, les conservateurs reprennent le pouvoir et, deux ans aprs, promulguent une nou-velle constitution qui renforce encore davantage les pouvoirs de la couronne, rduit le nombre dlecteurs 0,8 % de la population et restreint dans une large mesure la libert de presse. Ils suppriment paralllement la Garde nationale et mettent en place une structure administrative pyramidale garantissant un contrle par le pou-voir central, charg, entre autres, de dsigner et destituer les autorits locales 11. Ce contexte est aussi caractris par une forte rpression, qui favorise une convergence des dmocrates et des progressistes dans lopposition, et pas seulement pour des raisons stratgiques. Nombre de dmocrates pensent en effet alors que la dfense commune, au moins en thorie, du dogme de la souverainet nationale et de ses consquences, quels que soient sa forme et son calendrier dexcution, constitue le socle de cration dun parti rellement libral oppos au modrantisme, quil appa-rat ncessaire de runifier et de renforcer. Progressistes et dmocrates sont pourtant trs dsorganiss jusquen 1846, quand une fraction plus librale du modrantisme accde au pouvoir et opre une certaine ouverture du systme. Cest alors quils prennent part aux lections, obtenant 53 siges aux Cortes (sur un total de 349, les 296 siges restants revenant aux modrs). Ils parviennent aussi mettre en place divers types des socits (littraires, ducatives, de dbat intellectuel) intgrant toutes les nuances et constituant des espaces de runion et concertation, ainsi que de politisation, dencadrement populaire et de mobilisation. De fait, toutes ces socits simpliquent, diffrents degrs, dans les tentatives insurrectionnelles qui ont lieu Madrid en mars et mai de 1848.

    Les dissensions entre progressistes et dmocrates apparaissent pourtant impossi-bles cacher, ni pour les premiers, qui aspirent rorganiser le parti afin daccder au pouvoir, ni pour les seconds, qui esprent que certains de leurs principes seront inclus dans le programme de la formation alors quils nen constituent quune mino-rit (aux Cortes, six dputs seulement). Fin 1847, une runion est organise pour laborer un programme politique. Le progressisme est notamment reprsent par Juan A. Mendizbal, Manuel Cortina et Salustiano Olzaga ; la fraction dmo-cratique par Jos Mara Orense, Nicols Rivero et Jos Ordax Avecilla. Cortina y affirme que le parti doit tre monarchique constitutionnel et rejette limplantation immdiate du suffrage universel ; les progressistes considrent le vote comme une fonction sociale ne pouvant tre exerce que par ceux qui peuvent comprendre sa valeur, ainsi que celles dordre et de libert ; dans les mains dignorants pouvant tre manipuls, le rgime risque de driver vers le socialisme ou la dmagogie. La position des dmocrates est bien perceptible dans une brochure rdige alors par Orense, plaidant entre autres pour la rforme fiscale, le droit dassociation, la libert de la presse et, bien sr, le suffrage universel ; pour eux, lexclusion du droit de vote est le principal facteur de conflit et de dsordre social, tandis que la participation

    10. F. Peyrou, Tribunos del pueblo. Demcratas y republicanos en el perodo isabelino, Madrid, CEPC, 2008.

    11. J. Cruz, The moderate ascendancy, 1843-1868 , in J. Alvarez Junco, A. Shubert (eds.), Spanish History since 1808, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 32-47 ; A. Bahamonde, J. Martnez, Historia de Espaa. Siglo XIX, Madrid, Ctedra, 1994.

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    politique est la plus importante garantie de leurs principes les plus chers : la sou-verainet nationale, la libert conue comme autonomie individuelle et lgalit (juridique, de conditions). Personne ne dfend lpoque la Rpublique comme forme de gouvernement, point sans doute le plus problmatique, surtout d la rpression et la volont de conciliation. Mais la runion se solde par un chec 12.

    Les choses se compliquent quand le gnral modr Narvez, devenu Premier ministre en octobre 1847 avec un projet de libert et tolrance, dclare admettre laccs au pouvoir de tous les partis soutenant la monarchie dIsabel II, ce qui peut ds lors mener ltablissement dun rgime fond sur la coexistence de deux partis. Ceci confirme les dirigeants progressistes dans leur rejet des principes dmocrati-ques et de tout ce qui peut sidentifier lanarchie ou au dsordre. La rvolution franaise de fvrier 1848 ne fait quaccrotre leur prudence, et ils se convainquent de la ncessit davancer graduellement vers lextension des droits, en accord avec le degr de dveloppement conomique et social et en tenant compte de la capacit de ltat garantir lordre et la libert. Mme si le progressisme a organis des tentatives rvolutionnaires, avec ou sans succs, en 1836, 1840, 1844 et 1846, le droulement des vnements en France, et surtout la proclamation de la Rpublique et le dbordement populaire, aggravs par lirruption du socialisme, ont transform la prudence en peur et en un ferme rejet de toute vellit rvolutionnaire 13.

    1848 en Espagne

    Les esprits sont exclusivement proccups des nouvelles de France, lmotion est trs grande et se produit sous des formes diverses mais toujours trs vives.

    Archives du ministre des Affaires trangres (AMAE), Correspondance politique, 834, 4 mars 1848

    Les vnements qui ont lieu en France partir du 24 fvrier produisent une vive impression en Espagne. Les conservateurs les interprtent immdiatement comme un danger de subversion de lordre social et de destruction de la civilisation, de violence irrationnelle et de barbarie face la raison et la tradition. La Rpublique sidentifie lanarchie et la tyrannie des masses. La France est perue comme une nation instable et problmatique, quil convient disoler pour viter tout risque de contagion 14. Lensemble du modrantisme se rallie alors au projet de loi que le Premier ministre, Narvez, prsente le 27 fvrier, incluant une suspension des garanties individuelles consignes dans la Constitution de 1845 et le lancement dun emprunt de 200 millions de raux pour faire face aux possibles dpenses extra-ordinaires pouvant surgir en cas de menace contre lordre public.

    Les progressistes, de leur ct, se divisent en deux camps. Les plus modrs se dclarent prts appuyer un gouvernement dordre ; comme Cortina, ils considrent la chute de Louis-Philippe comme la consquence de sa prtention en finir avec

    12. J. Vilches, Progreso y libertad, Madrid, Alianza, 2001 ; J. M. Orense, Lo que har en el poder el partido democrtico y lo que har en el poder el partido progresista, Madrid, 1858.

    13. M. Artola, La burguesa revolucionaria, Madrid, Alianza, 1991, p. 202 ; J. Vilches, Progreso y libertad, op. cit. ; A. Borrego, De la organizacin de los partidos en Espaa (1855), Madrid, CEPC, 2007, p. 109-110.

    14. R. Snchez Garca, Reflexiones sobre la revolucin en torno a 1848 , in E. Nicols et C. Gonzlez (coord.), Ayeres en discusin. Temas clave de Historia Contempornea hoy, Murcie, Universidad, 2008.

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    les ides librales triomphantes depuis 1830 : la France navait voulu que changer de systme pour progresser dans lordre, mais ne voulait certainement pas dune rvolution et moins encore dune Rpublique qui sassocie au dsordre social 15. Les plus avancs considrent positivement la rvolution franaise ; le journal El Clamor Pblico, par exemple, affirme que le peuple parisien voulait uniquement faire respecter ses droits ; le ministre immoral et ractionnaire de Guizot a dnatur les conditions du gouvernement reprsentatif, insultant et avilissant la France ; le sang qui a pu couler dans la capitale franaise est, par consquent, de sa seule responsabilit 16.

    Les dmocrates analysent eux aussi les vnements parisiens. Ils invoquent les erreurs dun rgime de Juillet ayant tourn le dos lopinion publique et perverti le gouvernement constitutionnel. Rivero, par exemple, se rfre l hroque peuple de Paris qui, suite aux erreurs du gouvernement (parmi lesquelles il cite la corrup-tion lectorale et la centralisation administrative), se lve comme un seul homme et vainc sans faire couler une goutte de sang ; par sa magnanimit, sa clmence et ses vertus, ce peuple vaillant slve alors au plus haut rang parmi tous les rangs de lunivers 17.

    Les plus radicaux dcident de demander la protection du nouveau gouverne-ment rpublicain franais pour mener un mouvement similaire en Espagne. Ils envoient comme dlgus Jos Segundo Flrez, dfinitivement tabli en France, et le rpublicain catalan Abdn Terradas, qui rside Paris jusquen 1851. Tous deux sont accueillis avec considration par le gouvernement provisoire. Ledru-Rollin aurait mme manifest initialement sa disposition aider les rvolutionnaires espa-gnols, mais Lamartine sest montr plus rticent et la commission na finalement pas abouti 18. Les membres dun Comit dmocratique espagnol organis Paris viennent galement, le 26 mars, voir Lamartine lHtel de Ville, en qute dune aide pour tablir en Espagne un gouvernement du peuple par le peuple ; aprs quelques paroles vagues en faveur de la fraternit des peuples, Lamartine aurait affirm que la France nimpose personne ni ses dsirs ni ses intrts ; elle laisse se dvelopper librement les germes quelle a sems. Cest aux nations raliser en leur sein ce quelles peuvent porter 19.

    Ceci ne laisse pas beaucoup despoir. Les membres du Comit dmocratique avaient envoy, dbut mars, des instructions aux rvolutionnaires de plusieurs villes espagnoles pour prendre le pouvoir ; leur objectif tait linstallation dun gouverne-ment provisoire pouvant rallier le plus grand nombre de sensibilits politiques. Il est probable quils avaient promis, dans ces instructions, le soutien du gouvernement franais ; cest pourquoi ils reoivent le message de Lamartine avec irritation, et cri-vent finalement leurs contacts en Espagne quon ne peut compter sur le soutien de la Rpublique. Il semble assez clair, malgr tout, que les relations et la coordina-tion entre les dmocrates espagnols de Paris et les rvolutionnaires dEspagne ont

    15. La Nacin, 1er mai 1849.16. El Clamor Pblico, 27 fvrier 1848.17. Diario de Sesiones de las Cortes, n 77, 4 mars 1848, p. 1636-1640.18. V. Blasco Ibez, Historia de la revolucin espaola, 1808-1874, Barcelone, La Enciclopedia

    Democratica, 1890, t. III, p. 123. 19. LEspagne dmocratique. Comptes rendus des manifestations du 26 mars et du 11 avril 1848, Paris,

    1848, p. 15-17.

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    t importantes ; vers le 20 mars, lambassadeur espagnol Paris, Antonio Luis de Arnau, signale dans un rapport que le Comit a reu nombre de lettres informant de prparatifs insurrectionnels Alicante, Cartagena et dans lAmpurdan ; il affirme aussi que lon projette des soulvements Barcelone, Valence et Saragosse partir de juin 20.

    Il est vrai quen Espagne rgne alors une profonde agitation, en particulier partir du 13 mars, quand le projet de loi dexception de Narvez est ratifi et quand, quelques jours aprs, les sances des Cortes sont suspendues. Les milieux dmocratiques et beaucoup de libraux avancs se convainquent que la rvolution est la seule manire de freiner la drive illgale et violente du gouvernement modr 21. Le journal dmocrate El Siglo, par exemple, affirme quil est ncessaire de lutter de toutes ses forces contre la disparition complte de toutes les garan-ties constitutionnelles , combattue dj sans succs avec tous les moyens lgaux 22. On commence alors prparer les tentatives rvolutionnaires de Madrid. Il faut toutefois prciser ici que linformation dont on dispose est loin dtre abondante, pratiquement limite aux rcits des journaux officiels et des ambassadeurs franais et anglais ; il est donc difficile de contraster les donnes et quasiment impossible de donner des renseignements plus dtaills concernant la prparation des meutes, les objectifs des meutiers, les formes dorganisation, les plans des dirigeants et, en gnral, lidentit des participants. Apparemment, deux centres de conspiration sont dabord crs : lun prsid par le colonel Joaqun de Gndara, qui a pay de sa poche des armes, de la poudre et des balles ; lautre par Jos Mara Orense. Tous les deux comptent sur des lments civils et militaires, surtout parmi des soldats du Rgiment dEspagne. Les deux groupes se runissent le 22 mars, dcident dunifier leurs forces et de lancer lmeute le 26 mars trois heures de laprs midi, le jour mme o le Comit dmocratique de Paris rend visite Lamartine lHtel de Ville 23.

    Mais le mouvement ne se droule pas comme prvu. Les autorits, rendues mfiantes par les bruits continuels de soulvement, ont mobilis les troupes, arrt les lments subversifs qui pouvaient exister dans leurs rangs et renforc les gardes ; Narvez avait runi ses gnraux et le ministre de la Guerre vers la fin fvrier pour les avertir dun possible mouvement rvolutionnaire Madrid. Vers deux heures de laprs-midi le 26 mars, il devient clair pour les meutiers quil faut se passer de la force militaire. Ils dbattent alors de lopportunit de poursuivre les plans prvus, et finalement dcident de stopper linsurrection. Les secteurs les plus audacieux , qui daprs The Times se trouvent dans un tat de grande excitation suite aux pr-paratifs et aux nouvelles de Berlin et Vienne, nacceptent toutefois pas lordre et se prcipitent dans les rues 24. Lambassadeur franais Madrid dcrit les vnements de la faon suivante :

    20. S. Snchez Pardo, La revolucin de 1848 en Espaa, t. II, Madrid, Universidad Complutense, 1985, p. 601 ; S. Cabeza Snchez-Albornoz, Los sucesos de 1848 en Espaa, Madrid, Fundacin Universitaria Espaola, 1981, p. 207 et 210.

    21. Public Record Office (PRO), FO72, 741, 28 mars 1848.22. El Siglo, 7 mars1848.23. M. Morayta, Historia general de Espaa, Madrid, 1886, t. VII, p. 1236 ; La Europa, 14 octobre

    1854.24. S. Snchez Pardo, La revolucin de 1848 en Espaa, op. cit., p. 919 ; El Espectador, 29 mars

    1848 ; The Times, 4 avril 1848.

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    Lordre a t assez gravement troubl Madrid dans la nuit de dimanche lundi. Vers sept heures du soir, quelques groupes se prsentaient la Puerta del Sol et dans les rues avoisinantes, des coups de feu isols se faisaient enten-dre sur diffrents points et presquaussitt plusieurs barricades se formaient dans les rues []. Il a fallu quelques heures pour amener des troupes sur les lieux de dsordre. [] La rsistance fut plus violente quon ne sy attendait et le feu a t trs meurtrier. onze heures du soir cependant tout tait termin, et un grand nombre dmeutiers cerns dans les rues de San Geronimo et del Prncipe taient arrts et conduits dans les dpts. Pendant toute la journe dhier, la ville a t occupe militairement par les troupes. On remarquait quelque agitation dans une certaine partie de la population. Aujourdhui tout parat tranquille 25.

    Daprs les comptes rendus accessibles, peu dmeutiers ont des armes feu ; The Times les estime moins de 300 pour un total denviron 1 000 hommes. Quelques-uns ont seulement des poignards ; dautres, totalement dsarms, se tiennent derrire les barricades pour animer les combattants. Ceux-ci appartiennent surtout aux clas-ses moyennes et populaires ; lambassadeur anglais, par exemple, voque la prsence de lower classes et de gentlemen , mais on ne dispose malheureusement pas de renseignements supplmentaires sur la composition sociale des participants. Ce qui semble vident, cest quil ny a pas daccord sur les objectifs en jeu 26. Si les cris les plus frquents sont, selon les informations disponibles, Vive la libert, vive Isabelle II, vive le peuple souverain, bas les tyrans , on entend aussi des bas le gou-vernement, vive la Rpublique, vive la Constitution de 1837 , ce qui montre bien lhtrognit des projets politiques. Parmi les dirigeants, quelques-uns souhaitent, linstar des instructions envoyes de Paris, tablir un gouvernement provisoire qui remette le sort du pays entre les mains de la souverainet nationale, ouvrant les portes, au moins thoriquement, la Rpublique ; dautres se contentent du rtablissement de la Constitution de 1837 ; certains souhaitent mme simplement la nomination dun ministre jouissant de la sympathie du peuple , capable de garantir les liberts constitutionnelles et de rorganiser la Garde nationale 27. Dans les milieux populaires, il sagit probablement dun mouvement pour la restitution de la souverainet, de la libert et des droits civiques, qui constituent pour beaucoup la clef dune promesse dmancipation sociale, sans prter beaucoup dattention au dbat sur les formes de gouvernement les plus appropries. Daprs un tmoin de lpoque, Camilo A. Valdespino, un meutier aurait affirm quil ny avait plus dautorit que le peuple, tandis quun autre aurait cri quimporte ma mort, si demain ceux qui ensevelissent mon corps sont libres . Il sagit clairement de propos invents, qui illustrent nanmoins limportance de la notion de libert politique pour les couches populaires 28.

    Le bilan de lmeute, touffe dfinitivement vers trois heures du matin le jour mme de son commencement, est denviron 200 morts et de plus de 100 arresta-tions chiffres qui confirment lampleur de la tentative. Le 27 mars, ltat de sige est dcrt ; les associations ducatives et de dbat, ainsi que quelques journaux

    25. AMAE, Correspondance politique, 834, 28 mars 1848.26. PRO, FO72, 742, 10 mars 1848.27. El Siglo, 28 mars 1848 ; PRO, FO72, 741, 28 mars 1848. The Times, 5 avril 1848.28. C. A. Valdespino, Historia contempornea, Madrid, 1848, p. 428.

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    dopposition, sont ferms. Nombre de progressistes et de dmocrates sont arrts, tandis que dautres parviennent fuir. Le 10 avril, lambassadeur anglais, Bulwer, informe son gouvernement que Orense et Olzaga, partis vers une destination inconnue, font de leur mieux pour promouvoir une seconde insurrection popu-laire 29. Quelques jours aprs, le ministre dtat indique que ctait prcisment dans la maison de Bulwer que se cachaient quelques conspirateurs il cite spcifiquement Orense et que slaboraient les instructions qui devaient arriver aux rvolution-naires de la capitale et des provinces. Bulwer finit par tre expuls du territoire espagnol le 17 mai, Palmerston rejetant les demandes du gouvernement espagnol de le relever ; dans les sphres officielles on souponna toujours limplication du gouvernement anglais dans les tentatives insurrectionnelles de lanne. Sonsoles Cabeza, auteur dun des ouvrages les plus importants sur le 1848 espagnol, consi-dre comme prouv lappui de lambassade britannique aux insurgs et affirme que les gouvernants britanniques ont soutenu les milieux progressistes, en particulier partir de 1846, quand la question du mariage des princesses espagnoles la future reine Isabel et sa sur Luisa Fernanda a provoqu une crise internationale ; leur objectif aurait t de contrecarrer linfluence de la France sur les hommes politi-ques modrs, et dviter ainsi le mariage dIsabel avec le duc dAumale. Sils sont parvenus viter cette alliance, ils nont pas pu pour autant imposer les pousailles dIsabel avec Lopold de Saxe-Cobourg, ni empcher celles de Luisa Fernanda avec le duc de Montpensier 30.

    Paris, le 6 avril, le citoyen Perreymond publie un article dans La Dmocratie Pacifique, honorant les dmocrates espagnols qui se sont soulevs pour abattre la dictature de Narvez et relever le drapeau des droits du peuple . Le 11 du mme mois, le Comit dmocratique organise un service funbre en lglise de la Madeleine en lhonneur des citoyens morts en Espagne pour la cause de la libert. Un de ses membres affirme alors dans son allocution quil y aura prochainement de nouveaux martyrs de la cause populaire 31.

    Le mouvement se reproduit en effet Madrid le 7 mai. On peut nouveau recourir la vision des faits de lambassadeur franais, Lesseps :

    Depuis 4 jours peine, ltat de sige qui pesait sur la ville de Madrid tait lev, lorsque de nouvelles tentatives sont venues obliger le gouvernement recourir encore une fois des mesures extraordinaires. Hier, trois heures du matin, deux bataillons du rgiment dEspagne, commands par les ser-gents et prcds par une centaine de bourgeois, se sont empars de la Plaza Mayor et des rues adjacentes []. Attaqus avec une excessive nergie par les troupes commandes par les gnraux Narvaez, Pezuela, Cordova, ils ont rsist quelques instants mais bientt 200 dentre eux sont venus rejoindre leurs drapeaux. 6 h du matin lordre tait dj rtabli. La population est reste trangre ce mouvement, peine 300 bourgeois ont pris part cette tentative. De part et dautre cependant les pertes ont t cruelles 32.

    Selon The Times, aucun cri en faveur de la Rpublique nest cette fois profr, mais ceci est contest par dautres sources. En tout cas, les cris les plus frquents sont

    29. PRO, FO 72, 742, 10 avril 1848.30. S. Cabeza Snchez-Albornoz, Los sucesos de 1848 en Espaa, op. cit., p. 248 et 250.31. LEspagne dmocratique, op. cit., p. 42 et 33.32. AMAE, Correspondance politique, 834, 8 mai 1848.

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    en faveur de la Constitution, de la reine, du peuple et de la libert. Lambassadeur anglais, pour sa part, affirme aussi que le mouvement est touff en deux heures et signale la prsence duniquement some armed civilians . Le rsultat de cette meute est certainement plus modeste que celui de lexplosion de mars : 35 40 morts et lexcution, suite un conseil de guerre, de huit militaires et cinq civils. Dans lensemble, les deux pisodes rvolutionnaires de Madrid ont de graves consquences pour les individus prsums impliqus : en juin, Lesseps signale que les deux tentatives se sont soldes par environ 1 500 arrestations et quelque 800 dportations, principalement aux Philippines ; il ajoute quenviron 1 000 personnes sont alors en fuite ou parties pour des destinations inconnues 33.

    Ces vnements ont aussi des rpercussions importantes dans dautres rgions espagnoles, inaugurant une priode de conspirations particulirement agite. Le 13 mai, une insurrection a ainsi lieu Sville, dirige par les officiers Portal et Moriones avec la participation de forces de plusieurs rgiments dinfanterie et cavalerie ; lob-jectif des meutiers est de rtablir la libert de la reine et de la nation, squestres selon eux par la dictature de Narvez. Le 14, ils partent en direction de Huelva et se rfugient le 17 au Portugal. Tout au long du mois de mai, quelques tentatives sans succs se produisent aussi Valence, Alicante, Murcie, Carthagne, Saragosse et Galice 34. Aprs ces checs, les foyers dagitation se dplacent vers quelques villes franaises des rgions frontalires accueillant nombre dexils ; les principaux centres de conspiration sont Perpignan et Bayonne. Les autorits espagnoles ne cessent de demander linternement des conspirateurs, surveills et parfois perscuts. Les mi-grs sollicitent plusieurs reprises la protection des autorits franaises : fin juillet par exemple, le colonel dmocrate Victoriano de Ameller envoie aux membres de lAssemble nationale une lettre demandant lhospitalit pour tous les libraux de lunivers 35 ; en octobre, Orense dnonce les poursuites, les tracasseries que le gouvernement de la Rpublique franaise exerce contre les libraux espagnols , coupables uniquement du crime de combattre la tyrannie odieuse qui pse sur la malheureuse Espagne 36.

    En gnral, les conspirateurs peuvent toutefois dployer leur activit avec une relative facilit 37. Les objectifs sont toujours htrognes, allant de ltablissement de la Rpublique au changement de ministre, bien que la majorit dentre eux semble dfendre linstauration dune monarchie limite incarne par la figure dun roi citoyen , Enrique de Borbn, cousin de la reine Isabel. Celui-ci prne des ides rvolutionnaires, en particulier depuis le rejet en 1846 de sa demande de

    33. The Times, 13 mai 1848 ; El Espectador, 9 mai 1848 ; PRO, FO72, 742, 8 mai 1848 ; AMAE, Correspondance politique, 834, 2 juin 1848.

    34. S. Cabeza Snchez-Albornoz, Los sucesos de 1848 en Espaa, op. cit., p. 98-100.35. V. de Ameller, Aux citoyens membres de lAssemble nationale, Perpignan, Imprimerie de J.-B. Alzine,

    juillet 1848.36. AMAE, Correspondance politique, 834, 22 octobre 1848.37. Un rapport de lambassade espagnole Paris signalait, fin aot, que plusieurs chefs, officiers

    et autres individus espagnols migrs avaient t loigns de Perpignan vers lintrieur ; mais que, peu de temps aprs, et contrairement ces dterminations en vigueur, un grand nombre dentre eux et notamment les meneurs principaux sont apparus de nouveau Perpignan sans tre nullement inquits par lautorit locale . En dcembre on rappelait que les rfugis agissaient avec une libert complte et quils sorganisaient militairement. AMAE, Affaires diverses politiques, n 5, 24 septembre 1848 et 27 dcembre 1848.

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    lpouser ; le 29 fvrier, il publie Perpignan un manifeste qualifiant la rvolution franaise d vnement grand et glorieux , se proclamant dmocrate et affirmant ne vouloir rien de plus que le titre de citoyen . En avril, lambassadeur espagnol en France informe de prparatifs dans cette mme ville en vue de raliser une incursion arme en Catalogne enrlements, commande duniformes, darmes et de chevaux. Enrique de Borbn est ml toutes ces activits diriges par les officiers dmocrates Ballera, Martell et de Ameller ; le 13 mai, il est dchu par ordonnance royale de tous ses honneurs, considrations, grades et emplois 38.

    Les conspirateurs maintiennent des contacts avec les troupes carlistes, en lutte dans ces mmes rgions frontalires pour rtablir labsolutisme en Espagne. Des runions ont lieu Bayonne, Pau et Oloron. Il sagit dune sorte de pacte de non-agression devant durer pendant la lutte contre lennemi commun et impliquant des collaborations ponctuelles pour obtenir des armes, protger les rvolutionnaires en cas de ncessit et garantir la concordance des expditions. Les projets de soul-vement forgs dans les rgions frontalires franaises ont pour rsultat lorganisation dune srie dexpditions militaires lAmpurdan, touffes sans grandes difficul-ts 39. Lagitation se poursuit, divers degrs dintensit, jusquen 1854 ; mais toutes les tentatives chouent.

    Les effets des vnements de 1848 dans la vie politique espagnole sont ind-niables : ils accroissent notamment les facteurs de division au sein de lunivers progressiste, surtout parmi les partisans de lordre et les dfenseurs de laction rvo-lutionnaire, o se trouvaient, comme on la vu, des sensibilits politiques diffrentes. Ces divergences se sont ajoutes, une fois le calme rtabli, aux problmes doctrinaux existants qui constituaient tous en taient conscients un obstacle important la rorganisation et la consolidation du progressisme comme opposant srieux au gouvernement conservateur. Ceci a fini par prcipiter la sparation dfinitive du camp dmocrate de lensemble progressiste, mme si cela nentrait pas dans les plans initiaux de nombre de ses adeptes.

    La formation du Parti dmocratique espagnol

    La proclamation de la Rpublique franaise a t pour le progressisme espa-gnol la vritable pomme de discorde, qui a fini par le diviser dfinitivement.

    M. Morayta, Historia general de Espaa, op. cit., t. VII, p. 1233.

    Quand arrivent des nouvelles de la rvolution de fvrier 1848, la plupart des progressistes dfendent la ralisation de rformes urgentes afin dviter la mme explosion rvolutionnaire. Les progressistes critiquent galement unanimement la loi dexception projete par Narvez. Tous considrent quil sagit dune mesure superflue, prcipite et illgale, dont lobjectif est essentiellement de maintenir le modrantisme au pouvoir dune faon artificielle. Or, aux Cortes, seuls les dpu-ts dits d extrme gauche (les six dmocrates et quelques progressistes avancs) ragissent nergiquement, prsentant sept amendements qui concernent surtout la garantie de la scurit individuelle. Ces amendements ne sont pas soutenus par la

    38. El Siglo, 8 mars 1848 ; AMAE, Diverses affaires politiques, n 5, 25 avril 1848.39. F. Peyrou, Tribunos del Pueblo. Demcratas y republicanos durante el reinado de Isabel II, op. cit.,

    p. 202-207 ; AMAE, Diverses affaires politiques, n 5, 25 avril 1848.

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    majorit des dputs progressistes alors domins, daprs Morayta, par un senti-ment de raction similaire celui de Narvez 40. De fait, beaucoup dentre eux se montrent conciliants avec le gouvernement modr afin de garantir lordre public. Pascual Madoz propose mme lunion de tous les dputs progressistes et modrs pour dfendre le trne.

    Les projets des diffrentes fractions du progressisme varient en outre norm-ment. Olzaga et Cortina affichent ainsi leur respect de la Constitution de 1845, tandis que Mendizbal propose une simple rvision de celle-ci. El Clamor Pblico, de son ct, dfend le rgime de 1837 et les dmocrates, pour leur part, exigent depuis longtemps une srie de lois fondamentales et organiques beaucoup plus amples et dmocratiques que celles tablies par les deux Codes cits, et mme par celui de 1812 41. Les choses se compliquent quand, au moment de la ratification du projet de loi de Narvez, les groupes avancs dcident de recourir un mouvement rvolutionnaire : ceci creuse un abme dfinitif avec les partisans de la lgalit. Or, parmi les dfenseurs des voies de fait, les objectifs on la dj vu divergent aussi : certains limitent leurs aspirations au changement de ministre ou, comme dans le cas de El Clamor Pblico, au rtablissement du Code de 1837 ; tandis que dautres se convainquent de la ncessit dun changement de rgime, soit par le remplacement dIsabel II par Enrique, soit par linstauration de la Rpublique. La dynamique suivie par le trne depuis plusieurs annes, et qui culmine avec son ferme appui la dictature lgale de Narvez, est dans ce dernier cas cruciale. Car la Couronne sest troitement lie au rgime modr mis en place depuis 1844 et caractris, outre la rpression et la restriction des droits, par une pratique parlementaire privi-lgiant le pouvoir excutif, qui abuse des dcrets et des dissolutions des Cortes, au dtriment du lgislatif ; tout ceci contribue asseoir lide que le trne dIsabel II (ou la monarchie de faon gnrale) est incapable de se situer au-dessus des partis politiques et de constituer un vritable pouvoir modrateur, et/ou quil ne peut constituer le cadre dun systme fond sur la souverainet nationale et respectueux des liberts civiques.

    La diversit dobjectifs des partisans de la rvolution est sans doute perue comme problmatique, et les relations entre les conspirateurs des diffrentes tendances ne sont ds lors pas aises. Orense, par exemple, fait porter la responsabilit de lchec des tentatives rvolutionnaires tous ceux qui se contentent de rclamer un chan-gement de gouvernement. Quelques annes aprs, il se rfre aux vnements de 1848 pour signaler son extrme rpugnance envers la possibilit dune alliance tactique de la dmocratie avec le progressisme : la conduite des progressistes dans cette conjoncture critique, tant de ceux qui ont particip aux conspirations que des autres, montre leur flagrant manque de dcision et de valeur 42. Il est vrai que jusqu la fin de lanne personne ne songe lventualit dune scission, bien que celle-ci soit dj luvre.

    40. M. Morayta, Historia general de Espaa, op. cit., p. 1233.41. J. Vilches, Progreso y libertad, op. cit., p. 42-45 ; S. Cabeza Snchez-Albornoz, Los sucesos

    de 1848 en Espaa, op. cit., p. 69 ; El Clamor Pblico, 22 avril 1849 ; El Eco del Comercio, 14 janvier 1845.

    42. V. Alvarez Villamil et R. Llopis, Cartas de conspiradores. La revolucin de septiembre, Madrid, Espasa-Calpe, 1929, p. 206 ; Diario de Sesiones de las Cortes Constituyentes, n 68, 7 mai 1869, p. 1673.

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    En aot 1848, quand les affaires semblent stre un peu calmes, Cortina entame la publication dun nouveau journal, La Nacin. Il y explique que, face aux turbulences qui viennent de perturber lEurope, certains en ont profit pour tenter d avancer dans lvolution politique plus quil ne faut. Il est au contraire convaincu de la ncessit imprieuse de fuir tout genre dexagrations et de sui-vre sans altrations la marche constante qui doit conduire les peuples la libert . Il signale aussi que, en cas daccession au pouvoir, le parti progressiste, dont il assume videmment la reprsentation, sera guid par la dfense du trne dIsabel. Mais cest la combinaison de la libert et de lordre public qui permet dloigner du parti le fantasme de lanarchie, objectif ultime de son programme. Ainsi, par exemple, il proclame une politique de tolrance accompagne de toute lnergie ncessaire pour rprimer lgalement [] les attaques contre le trne, la Constitution et lordre , lorganisation de la Garde nationale en tant qulment dordre et de libert et ltablissement dun systme lectoral distanci tant du suffrage universel que du monopole de certaines personnes . Cortina souhaite scarter tant des principes dfendus par les dmocrates que des tentatives rvolutionnaires passes et des projets forgs la frontire franaise 43. El Clamor Pblico, publication dune fraction progressiste plus avance, commence la mme poque insister sur son refus du suffrage universel et signale que tout systme excdant les limites fixes par la Constitution de 1837 serait cause de graves dangers et de dceptions amres . Ce journal dfend quand mme une plus grande extension de la loi lectorale, une Garde nationale plus inclusive et la rforme des pouvoirs locaux 44.

    Peu de temps aprs commence la publication du journal dmocratique La Reforma, qui rclame des rformes politiques et administratives immdiates visant ltablissement dune vraie libert et galit en Espagne. Un de ses premiers numros aborde la comparaison des partis progressiste et modr : selon lui, tous deux soc-cupent uniquement des intrts particuliers et font preuve dune grande passivit au moment deffectuer ou de projeter des rformes. On commence donc penser que, si le progressisme arrive au pouvoir, il se limitera nommer et rvoquer des employs sans soccuper de promulguer des dcrets bnfiques et protecteurs ; il sagira de la continuation des mmes maux, avec les mmes remdes ineffica-ces . Le journal affirme aussi que son objectif nest pas de fractionner le parti mais de lunifier par une opinion bnfique qui nest autre que la dmocratie. Peu de temps aprs cependant, il devient clair que les exposs dmocratiques de La Reforma ne sont pas pris en compte par le reste des progressistes. Le journal finit par accuser El Clamor Pblico d intolrance et exclusivisme 45. Le silence ou le refus de la majorit des progressistes lgard des principes dmocratiques ont jou un rle trs important dans la formation du nouveau parti.

    la fin de lanne, les chos sur la profonde discorde rgnant au sein du progressisme se multiplient, notamment dans El Clamor Pblico, La Reforma et El Siglo. Ce dernier affirme mme quune possible rupture ne serait pas dramatique, et signale, en faisant clairement allusion ses rivaux, que ne peut tre progressiste

    43. Prospectus de La Nacin, reproduit dans M. Artola, Partidos y programas polticos. Manifiestos y programas polticos, Madrid, Alianza, 1991, p. 32-36.

    44. El Clamor Pblico, 17 novembre 1848 et 22 avril 1849.45. El Pueblo, 1er mai 1848 ; La Reforma, 6 octobre 1848, 9 novembre 1848, 17 novembre 1848,

    6 janvier 1849.

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    celui qui renonce au progrs 46. Au mme moment, Orense envoie de France un Manifeste dans lequel il condamne lvolution politique du parti progressiste, en particulier les critiques que les progressistes les plus modrs ont exprimes envers des projets de conspiration des migrs et leur rejet des rformes dmocratiques 47. Un autre dmocrate, Miguel A. Prncipe, accuse au mme moment les dirigeants progressistes davoir agi seulement en faveur de leur cause personnelle, de leur unique et exclusif gosme . Et il ajoute que la diversit dopinions au sein du parti lui te les conditions de vie ncessaires pour pouvoir se dvelopper correctement. La division du parti alimente en effet lide, diffuse par les journaux conservateurs, que ceux qui narrivent pas saccorder entre eux ne sont a fortiori pas capables de rgir les destines du pays. Les progressistes eux-mmes sont de plus en plus srs que sans unit et sans discipline ils ne pourront jamais arriver au pouvoir 48.

    Llaboration dun programme commun est finalement entame par une com-mission de cinq membres : quatre progressistes et un dmocrate, Ordax Avecilla. Mais cette commission ne parvient se mettre daccord et finalement deux manifes-tes diffrents sont rdigs. Tous les deux prcisent les principes devant rgir le parti. Lun est sign par les quatre membres dont nous avons parl, et lautre par Avecilla. Ce dernier programme, avec quelques modifications de Rivero et dautres dputs dmocrates, devient le Manifeste dmocratique du 23 avril 1849, qui marque le dbut dune nouvelle formation politique. Le Manifeste inclut une dclaration de droits civiques, politiques et sociaux (le droit linstruction et lgalit devant lim-pt) et consacre les principes de la souverainet nationale et de la dmocratie avec le suffrage universel masculin, le monocamrisme, la dcentralisation et llection populaire des pouvoirs locaux. Le programme dclare soutenir la monarchie dIsabel II, mais avec des attributions svrement limites, ce qui peut tre accept comme point de dpart par de nombreux rpublicains 49 la frontire entre dmocrates et rpublicains est alors en effet tnue, et lune des premires actions du nouveau parti est la mise en place dune campagne de soutien la Rpublique de Rome et dopposition lexpdition organise par le gouvernement espagnol pour porter assistance au Pape.

    Roger Price crivait en 1988 que lEspagne aurait t un bon candidat pour la rvolution cause de son systme politique restrictif, de lexistence dune opposition populaire, de sa tradition insurrectionnelle et de pronunciamientos militaires et de sa situation conomique prcaire. Reinhart Koselleck remarquait plus rcemment que lEspagne avait subi une situation quasi permanente de guerre civile ds linvasion napolonienne de 1808, ce qui aurait pu faciliter son clatement. Il y avait donc des conditions favorables, mais les tentatives dinsurrection ont chou. Lune des principales causes de cet chec, outre la diversit des projets politiques et sociaux des rvolutionnaires, a sans doute t la division des libraux opposs au rgime modr, principalement en raison du fantasme de rvolution sociale suscit par les

    46. El Clamor Pblico, 17 novembre 1848 et La Reforma, 17 novembre 1848. El Siglo, 27 janvier 1849. El Siglo, 3 janvier 1849.

    47. A. Eiras, El Partido Demcrata espaol, Madrid, Rialp, 1961, p. 157.48. R. Snchez, Alcal Galiano y el liberalismo espaol, Madrid, CEPC, 2005, p. 336 ; El Siglo, 16

    mars 1849.49. Pour une copie du manifeste, voir M. Artola, Partidos y programas polticos. Manifiestos y pro-

    gramas polticos, op. cit., p. 37-45.

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    vnements de France. Les mesures rpressives prises par le gouvernement modr ont donc t tacitement soutenues par une grande partie des progressistes, ainsi que par limmense majorit des troupes. La rvolution a en revanche triomph en 1854, lorsque la totalit des progressistes et une partie des modrs se sont unis contre la fraction la plus autoritaire du conservatisme alors au pouvoir. Dans tous les cas, il semble vident que lEspagne a particip, malgr les checs, l ensemble connect dvnements qui, selon Koselleck, pourrait tre appel rvolution europenne . Celle-ci sest gnralement caractrise, l o elle a eu lieu, par la lutte pour la rforme constitutionnelle et par les dfis conomiques et sociaux affronts par les rvolutionnaires 50.

    Il faut galement noter que les milieux dmocratiques espagnols faisaient partie de ce que M. Ridolfi a appel l univers dmocratique europen , et J. Sperber le radicalisme europen de 1848, domin par lhritage de la Rvolution franaise et soutenu essentiellement par des membres des professions librales, des intellec-tuels, des artisans et des journaliers des milieux urbains, bien que dans certaines zones comme la Hongrie et la Pologne le poids de la noblesse ait t plus important. Ces milieux, daprs Ridolfi, dfendaient une rvolution galitaire et une com-munaut de citoyens souverains . Sperber, pour sa part, affirme quils soutenaient de faon gnrale la souverainet populaire et les liberts civiques, mais pouvaient diverger en ce qui concerne la forme de gouvernement la plus approprie et les questions conomiques et sociales. Les groupes dmocratiques espagnols se rap-prochaient surtout des rpublicains franais, dont linfluence est indniable le contexte tait en outre similaire : dans les deux pays lobjectif tait de dmocratiser un rgime constitutionnel dj en place ; mais il existait aussi de clairs paralllismes avec les rvolutionnaires italiens et allemands, tant sur quelques objectifs politiques que dans les principales plates-formes organisationnelles (rdactions des journaux, associations ducatives ou de secours mutuels, socits secrtes) 51.

    Les vnements de 1848 ont du reste eu dimportants effets sur la vie politique espagnole. En se sparant des dmocrates, le progressisme sest raffirm comme parti monarchiste constitutionnel, dfenseur de la dynastie et dune voie rformiste lgale. La scission lui a cependant t moyen terme une partie de son soutien populaire. Les vnements de 1848 ont aussi eu des consquences pour le parti modr, qui a vu apparatre des voix critiques et des dissidences internes. Dun ct est apparue une tendance trs autoritaire et pratiquement anti-librale, repr-sente notamment par Bravo Murillo qui, en 1851, suite au coup dtat de Louis-Napolon Bonaparte, a essay de restreindre encore le systme politique. Dautre part, sest forme une fraction rejetant les mesures autoritaires du gouvernement et demandant une certaine ouverture politique dans les limites de la monarchie constitutionnelle ; cette fraction finira par donner naissance une Union Librale avec la droite du progressisme, qui arrivera au pouvoir aprs la rvolution de 1854.

    50. R. Price, The Revolutions of 1848, Londres, MacMillan, 1988, p. 41 ; R. Koselleck, How European Was the Revolution of 1848/49 ? , in A. Krner (ed.), 1848: A European Revolution?, op. cit., p. 209 et 219.

    51. M. Ridolfi, Alle origini della democrazia europea. Introduzione , in M. Ridolfi (a cura di), La democrazia radicale nellottocento europeo, Milan, Feltrinelli, 2005, p. XI et XIV ; J. Sperber, The European Revolutions, op. cit., p. 77-86.

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    Ces divisions et fractures ont constitu, pour les deux partis, un facteur de faiblesse qui a fini par miner leur futur politique.

    Le Parti dmocratique a t une formation htrogne compose de rpubli-cains, dmocrates et libraux radicaliss. Le premier manifeste lanc par sa Junte organisatrice, cre en septembre 1849, faisait allusion la commotion presque universelle produite par les journes parisiennes de fvrier de lanne prcdente, qui avait promu lmergence dune force nouvelle , la dmocratie, signifiant droit, justice et galit. Or cette ide forte et vigoureuse avait en Espagne, daprs eux, des raisons spcifiques pour exister : les coutumes et traditions essentielle-ment dmocratiques du peuple espagnol, comme le montrait le prcdent de la Constitution de 1812, et les notable discrdit et flagrante dsorganisation des partis anciens 52. Le Parti dmocratique a eu une importance considrable dans la dynamique politique espagnole du XIXe sicle, notamment due sa grande capacit de mobilisation populaire, sa large implantation gographique et son influence vidente dans la progressive ouverture du systme vers un processus qui aboutit la rvolution de 1868 et linstauration de la Ire Rpublique en 1873.

    52. R. Snchez, Alcal Galiano y el liberalismo espaol, op. cit., p. 343 ; S. Snchez Pardo, La revolucin de 1848 en Espaa, op. cit., p. 963 ; El Clamor Pblico, 20 septembre 1849.