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international Mexico Correspondance C rimes entre narcotrafi- quants, meurtres intrafami- liaux, assassinats de voisina- ge, rixes mortelles… Jusqu’où ira la vague de violences qui sévit au Mexique ? En 2011, 27 199 Mexi- cains ont été assassinés, selon un rapport publié, lundi 20 août, par l’Institut national de statistiques et de géographie (Inegi). En cinq ans, la hausse des homicides atteint 306 % ! Cette explosion macabre des chiffres correspond à l’offensive lancée, fin 2006, par le président Felipe Calderon contre les cartels de la drogue. La stratégie frontale du gouvernement semble avoir entraînéune contagion de la violen- ce au sein de la société. Après des décennies de baisse du nombre de meurtres, le taux d’homicides est remonté en flèche au cours des der- nières années : 24 pour 100 000 habitants en 2011, contre 8 en 2007. Le Mexique est au cinquiè- me rang des pays les plus meur- triers du continent américain, der- rière le Honduras (82,1 homicides pour 100 000 habitants), le Salva- dor (66), le Guatemala (41,4) et la Colombie (33,4). Au vertige des chiffres s’ajoute l’étendue géographique des violen- ces. Avec un taux d’homicides de 131 pour 100 000 habitants, l’Etat de Chihuahua (Nord) est le plus vio- lent, suivi par Guerrero (Ouest) et Sinaloa (Nord-Ouest). « Le phéno- mène s’explique par la présence dans ces régions des narcotrafi- quants, qui luttent entre eux et contre le gouvernement pour le contrôle des routes de la drogue vers les Etats-Unis », explique Edgardo Buscaglia, spécialistedu crime orga- nisé à l’université de Columbia et président de l’Institut mexicain d’action citoyenne. Pourtant, les Etats de Jalisco (Ouest), d’Oaxaca (Sud-Ouest) ou de Mexico (Centre), qui ne comp- tent pas une forte implantation des cartels, ne sont plus épargnés. « Sous la pression de l’offensive du gouvernement, les cartels se sont déplacés, entraînant une généralisa- tion de la violence à tout le pays », précise M. Buscaglia. Cette hausse des crimes est contestée par les autorités. « Notre Etat affiche une baisse de plus de 70 % des homicides entre juillet 2010 et juillet 2012 », a décla- ré, mardi, le gouverneur de Chihua- hua, César Duarte. L’hécatombe relevée par l’Inegi – 95 632 meur- tres de 2007 à 2011 – est aussi contre- dite par le gouvernement fédéral. Selon le décompte des autorités, arrêté en septembre 2011, la guerre des cartels a tué 47 515 personnes en près de cinq ans. « L’Inegi ne précise pas le type de meurtres, liés ou non aux narcotrafiquants, alors que les autorités ne comptabilisent que les crimes des cartels, souligne Luis de la Barrera, spécialiste de la sécurité publique à l’Université nationale autonome de Mexico (Unam). Nous assistons à une guerre des chif- fres, dans laquelle le gouvernement minimise les morts pour justifier sa stratégiefrontale contre le narcotra- fic. » Le 2 août, M. Calderon avait même annoncé une baisse de 15 % des meurtres de la délinquance organisée au premier semestre. Si le gouvernement affiche des saisies et des arrestations record, le sang ne cesse de couler sans que les cartels semblent faiblir. « La lutte du gouvernement a entraîné une perte d’autorité de l’Etat et une contamination de la violence des narcotrafiquants sur les autres conflits ; familiaux, amoureux ou de travail, qui autrefois ne débou- chaient pas sur un crime », analyse Luis de la Barrera. Les cartels ont infiltré les admi- nistrations publiques, police en tête. « Cette situation diffuse une culture de la violence et de l’impuni- té au sein de la société, telle une épi- démie sociale », explique M. Busca- glia. Seuls 1 % des 12 millions de délits commis chaque année sont jugés, selon la Commission natio- nale des droits de l’homme.Et le tra- fic d’armes aggrave la situation : 142 000 armes ont été saisies depuis cinq ans et demi, dont 80 % proviennent des Etats-Unis, où leur vente est libre. Mais, pour Ernesto Lopez Por- tillo, directeur de l’Institut pour la sécuritéet la démocratie, « le phéno- mène est enraciné dans une décom- position du tissu social, liée notam- ment à la hausse de la pauvreté ». Entre 2008 et 2010, 3,2 millions de Mexicains sont venus rejoindre les rangs des pauvres, portant leur nombre à 52 millions sur 114 mil- lions de Mexicains, selon le Conseil national pour l’évaluation des poli- tiques de développement social. Sans compter les déficiences de l’éducation nationale, avec 7,3 mil- lions de mineurs analphabètes qui n’ont pas terminé l’école primaire. Pis, le Mexique compte 7,8 millions de « ni-ni », ces jeunes de 15 à 29 ans sans emploi et qui ne suivent pas d’études. « Le manque d’opportunités et la perte de confiance de la population envers les institutions constituent un scénario propice à la hausse de la violence », assure M. Lopez Portillo. Il précise que seuls 10 % des délits sont dénoncés à la police. Recrues faciles pour le crime organisé, les jeunes sont les premières victimes des narcotrafiquants. Au point que les homicides sont devenus la pre- mière cause de mortalité des Mexi- cains de moins de 30 ans. A qui la faute ? « Le gouverne- ment Calderon s’est trop focalisé sur la répression et pas assez sur la pré- vention des délits pour mieux insé- rer les jeunes dans la société », déplo- re M. Buscaglia. Le Parti d’action nationale (PAN, droite) du prési- dent Calderon l’a payé dans les urnes. Lors des élections présiden- tielle et législatives du 1 er juillet, le PAN a été relégué au troisième rang des forces politiques. Quant au pré- sident élu, Enrique Peña Nieto, du Parti révolutionnaire institution- nel (PRI, centre), qui entrera en fonc- tions le 1 er décembre, il a promis la baisse des violences. Y parvien- dra-t-il ? p Frédéric Saliba « Nous assistons à une guerre des chiffres dans laquelle le gouvernement minimise les morts » Luis de la Barrera Spécialiste de la sécurité publique En 2011, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNO- DC) avait diffusé sa première « Etu- de globale sur l’homicide ». En 2010, 468 000 homicides ont été enregistrés dans le monde. Pres- que un homicide sur dix a été com- mis au Brésil : 43 909 selon le chif- fre de 2009. En volume, aucun pays ne dépasse le Brésil, talonné par l’Inde (40 752). Les experts préfèrent comparer le nombre des victimes à la population. Avec un taux de 82 homicides pour 100 000 habitants, le Hondu- ras reste le pays le plus meurtrier de la planète, suivi par le Salvador (66), la Côte d’Ivoire (56), la Jamaïque (52), le Venezuela (49), Belize et le Guatemala (41). A titre de comparaison, plus loin on trouve l’Afrique du Sud (33,8), la Colombie (33,4), le Bré- sil (22,7), la Russie (11,2), les Etats-Unis (5), l’Inde (3,4), la Chine (1,1), la France (1,4). Le Mexique submergé par une vague de violence Des statistiques officielles montrent une dissémination des homicides, au-delà des activités du crime organisé La Cour suprême du Mexique s’attaque à l’impunité des militaires Les chiffres de l’Office des Nations unies contre le crime 500 km ÉTATS-UNIS MEXIQUE SINALOA JALISCO DURANGO GUERRERO CHIHUAHUA MEXICO NUEVO LEON VERACRUZ TAMAULIPAS OCÉAN PACIFIQUE Golfe du Mexique GUAT. BELIZE HOND. SALV. Les Etats les plus touchés NOMBRE D’HOMICIDES SUPÉRIEUR À 1 000 EN 2011 Mexico SOURCE : INEGI Le corps d’un homme tué par balles, entouré par la police fédérale, sur l’avenue touristique La Costera, qui longe la baie d’Acapulco, le 17 août. VIOLETA SCHMIDT/REUTERS Mexico Correspondance Les soldats mexicains ne seront plus jugés uniquement par les tri- bunaux militaires. Mardi 21 août, la Cour suprême, qui examine une vingtaine de cas d’exactions perpétrées par l’armée, a décidé que les soldats accusés de crime ou de délits contre des civils devront comparaître devant la jus- tice ordinaire. Un verdict applau- di par les défenseurs des droits de l’homme qui dénoncent l’impuni- té des militaires engagés dans la lutte contre le narcotrafic. Les magistrats de la plus haute instance judiciaire du Mexique ont déclaré inconstitutionnel l’ar- ticle 57 du Code de justice militai- re. Celui-ci imposait que tous les abus commis par des soldats soient exclusivement de la compé- tence des tribunaux des armées. Cette décision est intervenue dans le cadre du verdict sur le cas de Bonifilio Rubio, Indien nahua assassiné par un militaire, le 20 juin 2009, à bord d’un bus arrê- té à un barrage dans l’Etat de Guer- rero (ouest). Avec d’autres soldats, Alejo Hilario a ouvert le feu sur le véhicule, tuant la victime. La jus- tice militaire l’a condamné pour homicide. Mais le frère de Bonifi- lio Rubio a déposé plainte contre cette procédure. La Cour suprême a imposé que le coupable soit jugé par un tribunal civil. Même verdict, douze jours plus tôt, sur le cas de Jethro Ramses Sanchez, disparu en mai 2011 dans l’Etat de Morelos (centre). Arrêté sans preuve après une bagarre, cet ingénieur de 27 ans a été conduit par la police dans une caserne de l’armée pour y être interrogé et torturé. « Inconscient, il a été trans- porté dans l’Etat [voisin] de Puebla pour être enterré vivant, situation qui a entraîné la mort », selon un rapport de la Commission natio- nale des droits de l’homme. La Cour suprême a exigé que l’enquê- te, menée par l’armée, soit transfé- rée à un juge fédéral. « C’est une avancée historique car la justice militaire favorisait l’impunité des soldats », se félicite Nik Steinberg, spécialiste du Mexi- que à Human Rights Watch. En novembre, l’organisation non gou- vernementale avait publié un rap- port alarmant sur les dérives de la stratégie du président Felipe Cal- deron qui a déployé, depuis fin 2006, 50 000 militaires sur le ter- ritoire pour combattre le crime organisé. Liens entre armée et juges « Juge et partie à la fois, la jus- tice militaire manque d’impartiali- té, protégeant souvent les abus commis par ses soldats », souligne M. Steinberg. Sur les 5 000 enquê- tes menées depuis cinq ans par les procureurs militaires sur des vio- lations des droits de l’homme, seu- les 38 ont débouché sur des sen- tences. La Cour suprême doit encore juger trois autres cas identiques pour instaurer un corps de juris- prudence élargissant le principe, adopté en juillet 2011, de limita- tion de la justice de l’armée. « On est sur la bonne voie mais il restera ensuite à faire appliquer cette déci- sion sur le terrain », tempère Juan Carlos Gutierrez, directeur de la Commission mexicaine de défen- se et promotion des droits de l’homme, chargée du dossier de Jethro Ramsès Sanchez. Et c’est là que le bât blesse : la plupart des 5 176 plaintes dépo- sées contre des militaires ou des policiers auprès de la Commis- sion nationale des droits de l’hom- me ont seulement fait l’objet de recommandations envers les auto- rités. Pis, jamais un auteur de dis- parition forcée n’a été condamné. « Les ministères publics locaux doi- vent à leur tour se déclarer compé- tents et mener les enquêtes requi- ses alors que la justice civile fait aussi preuve de lacunes en matière de violations des droits de l’hom- me», s’inquiète M. Gutierrez qui pointe du doigt les complicités entre armée, police et justice. Parmi la vingtaine de dossiers que la Cour suprême doit analy- ser, certains concernent des mili- taires accusés de liens avec le cri- me organisé. Quatre généraux ont été accusés, le 31 juillet, de délits liés au trafic de drogue. L’un d’en- tre eux, Tomas Angeles Dauahare, passé au cadre de réserve, fut sous- secrétaire d’Etat à la défense entre de 2006 à 2008. p F. S. 3 0123 Vendredi 24 août 2012

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international

MexicoCorrespondance

C rimes entre narcotrafi-quants,meurtres intrafami-liaux,assassinatsdevoisina-

ge, rixesmortelles… Jusqu’où ira lavague de violences qui sévit auMexique? En 2011, 27 199Mexi-cains ont été assassinés, selon unrapport publié, lundi 20août, parl’Institut national de statistiqueset de géographie (Inegi). En cinqans, la hausse des homicidesatteint 306%!

Cette explosion macabre deschiffres correspond à l’offensivelancée, fin 2006, par le présidentFelipe Calderon contre les cartelsde la drogue. La stratégie frontaledu gouvernement semble avoirentraînéunecontagiondelaviolen-ce au sein de la société. Après desdécennies de baisse du nombre demeurtres, le taux d’homicides estremontéenflècheaucoursdesder-nières années : 24 pour100000habitantsen2011,contre8

en2007.LeMexiqueestaucinquiè-me rang des pays les plus meur-triers du continent américain, der-rière le Honduras (82,1homicidespour 100000habitants), le Salva-dor (66), le Guatemala (41,4) et laColombie (33,4).

Au vertige des chiffres s’ajoutel’étenduegéographiquedesviolen-ces. Avec un taux d’homicides de131 pour 100000habitants, l’EtatdeChihuahua(Nord)estleplusvio-lent, suivi par Guerrero (Ouest) etSinaloa (Nord-Ouest). «Le phéno-mène s’explique par la présencedans ces régions des narcotrafi-quants, qui luttent entre eux etcontre le gouvernement pour lecontrôledesroutesdeladrogueversles Etats-Unis», explique EdgardoBuscaglia,spécialisteducrimeorga-nisé à l’université de Columbia etprésident de l’Institut mexicaind’actioncitoyenne.

Pourtant, les Etats de Jalisco(Ouest), d’Oaxaca (Sud-Ouest) oude Mexico (Centre), qui ne comp-tent pas une forte implantationdes cartels, ne sont plus épargnés.«Sous la pression de l’offensive dugouvernement, les cartels se sontdéplacés,entraînantunegénéralisa-tion de la violence à tout le pays»,préciseM.Buscaglia.

Cette hausse des crimes estcontestée par les autorités. «NotreEtat affiche une baisse de plus de70 % des homicides entrejuillet2010 et juillet2012», a décla-ré,mardi,legouverneurdeChihua-

hua, César Duarte. L’hécatomberelevée par l’Inegi – 95632meur-tresde2007à2011–estaussicontre-dite par le gouvernement fédéral.Selon le décompte des autorités,arrêté en septembre2011, la guerredescartelsatué47515personnesenprèsdecinqans.«L’Inegineprécisepas le type demeurtres, liés ou nonaux narcotrafiquants, alors que lesautorités ne comptabilisent que lescrimes des cartels, souligne Luis dela Barrera, spécialiste de la sécuritépublique à l’Université nationaleautonome de Mexico (Unam).

Nousassistonsàuneguerredeschif-fres, dans laquelle le gouvernementminimise lesmorts pour justifier sastratégiefrontalecontrelenarcotra-fic.» Le 2août, M. Calderon avaitmême annoncé une baisse de 15%des meurtres de la délinquanceorganiséeaupremier semestre.

Si le gouvernement affiche dessaisieset desarrestations record, lesangnecessedecoulersansque lescartels semblent faiblir. «La luttedu gouvernement a entraîné uneperte d’autorité de l’Etat et unecontamination de la violence des

narcotrafiquants sur les autresconflits ; familiaux, amoureux oude travail, qui autrefois ne débou-chaient pas sur un crime», analyseLuisde laBarrera.

Les cartels ont infiltré les admi-nistrations publiques, police entête. «Cette situation diffuse uneculturedelaviolenceetde l’impuni-téau seinde la société, telleune épi-démie sociale», expliqueM.Busca-glia. Seuls 1% des 12millions dedélits commis chaque année sontjugés, selon la Commission natio-naledesdroitsdel’homme.Etletra-fic d’armes aggrave la situation:142000armes ont été saisiesdepuis cinq ans et demi, dont 80%proviennentdesEtats-Unis,oùleurventeest libre.

Mais, pour Ernesto Lopez Por-tillo, directeur de l’Institut pour lasécuritéetladémocratie,«lephéno-mèneest enracinédansunedécom-positiondu tissu social, liée notam-ment à la hausse de la pauvreté».Entre2008 et 2010, 3,2millions deMexicains sontvenus rejoindre lesrangs des pauvres, portant leurnombre à 52millions sur 114mil-lionsdeMexicains, selon leConseilnationalpourl’évaluationdespoli-tiques de développement social.Sans compter les déficiences del’éducation nationale, avec 7,3mil-

lions demineurs analphabètes quin’ont pas terminé l’école primaire.Pis, leMexiquecompte7,8millionsde«ni-ni», ces jeunesde 15à29anssans emploi et qui ne suivent pasd’études.

«Lemanqued’opportunitéset lapertede confiancede la populationenvers les institutions constituentunscénariopropiceàlahaussedelaviolence», assureM.Lopez Portillo.Il précise que seuls 10% des délitssont dénoncés à la police. Recruesfaciles pour le crime organisé, lesjeunes sont les premières victimesdesnarcotrafiquants.Aupointqueles homicides sont devenus la pre-mièrecausedemortalitédesMexi-cainsdemoinsde30ans.

A qui la faute ? «Le gouverne-mentCalderons’esttropfocalisésurla répression et pas assez sur la pré-vention des délits pourmieux insé-rerlesjeunesdanslasociété»,déplo-re M.Buscaglia. Le Parti d’actionnationale (PAN, droite) du prési-dent Calderon l’a payé dans lesurnes. Lors des élections présiden-tielle et législatives du 1er juillet, lePANaétéreléguéautroisièmerangdesforcespolitiques.Quantaupré-sident élu, Enrique Peña Nieto, duParti révolutionnaire institution-nel(PRI,centre),quientreraenfonc-tions le 1erdécembre, il a promis labaisse des violences. Y parvien-dra-t-il?p

Frédéric Saliba

«Nousassistonsàuneguerredeschiffres

danslaquellelegouvernement

minimiselesmorts»Luis de la Barrera

Spécialiste de la sécuritépublique

En2011, l’OfficedesNationsuniescontre la drogueet le crime (UNO-DC)avait diffusésapremière«Etu-deglobale sur l’homicide». En2010,468000homicidesont étéenregistrésdans lemonde.Pres-queunhomicide surdix aétécom-misauBrésil : 43909selon le chif-frede2009.En volume, aucunpaysnedépasse leBrésil, talonnépar l’Inde (40752). Lesexpertspréfèrent comparer lenombredesvictimesà lapopulation.

Avecun tauxde82homicidespour 100000habitants, leHondu-ras reste le pays le plusmeurtrierde laplanète, suivi par leSalvador(66), laCôte d’Ivoire (56), laJamaïque (52), leVenezuela(49),Belize et leGuatemala (41).A titre decomparaison, plus loinon trouve l’Afrique duSud(33,8), laColombie (33,4), leBré-sil (22,7), laRussie (11,2), lesEtats-Unis (5), l’Inde (3,4), laChine (1,1), laFrance (1,4).

LeMexiquesubmergéparunevaguedeviolenceDesstatistiquesofficiellesmontrentunedisséminationdeshomicides,au-delàdesactivitésducrimeorganisé

LaCoursuprêmeduMexiques’attaqueàl’impunitédesmilitaires

Les chiffres de l’Office desNations unies contre le crime

500 km

ÉTATS-UNIS

MEXIQUE

SINALOA

JALISCO

DURANGO

GUERRERO

CHIHUAHUA

MEXICO

NUEVOLEON

VERACRUZ

TAMAULIPAS

OCÉANPACIFIQUE

Golfedu Mexique

GUAT.

BEL IZE

HOND.

SALV.

Les Etats les plus touchésNOMBRE D’HOMICIDES SUPÉRIEUR À 1 000 EN 2011

Mexico

SOURCE : INEGI

Le corps d’un homme tué par balles, entouré par la police fédérale, sur l’avenue touristiqueLa Costera, qui longe la baie d’Acapulco, le 17août. VIOLETA SCHMIDT/REUTERS

MexicoCorrespondance

Les soldatsmexicainsne serontplus jugésuniquementpar les tri-bunauxmilitaires.Mardi 21août,laCour suprême, qui examineunevingtainede casd’exactionsperpétréespar l’armée, a décidéque les soldats accusésde crimeoudedélits contre des civilsdevront comparaîtredevant la jus-tice ordinaire.Un verdict applau-di par les défenseursdesdroits del’hommequi dénoncent l’impuni-té desmilitaires engagésdans lalutte contre le narcotrafic.

Lesmagistrats de la plushauteinstance judiciaire duMexiqueont déclaré inconstitutionnel l’ar-ticle57duCodede justicemilitai-

re. Celui-ci imposait que tous lesabus commispardes soldatssoientexclusivementde la compé-tencedes tribunauxdes armées.

Cettedécisionest intervenuedans le cadreduverdict sur le casdeBonifilioRubio, Indiennahuaassassinéparunmilitaire, le20juin 2009, à bordd’unbus arrê-té àunbarragedans l’Etat deGuer-rero (ouest). Avecd’autres soldats,AlejoHilario a ouvert le feu sur levéhicule, tuant la victime. La jus-ticemilitaire l’a condamnépourhomicide.Mais le frèrede Bonifi-lioRubio a déposéplainte contrecetteprocédure. LaCour suprêmea imposé que le coupable soit jugéparun tribunal civil.

Mêmeverdict, douze joursplustôt, sur le cas de JethroRamses

Sanchez, disparuenmai2011 dansl’Etat deMorelos (centre). Arrêtésanspreuve aprèsunebagarre, cetingénieurde 27ans a été conduitpar la police dansune casernedel’arméepour y être interrogéettorturé.«Inconscient, il a été trans-porté dans l’Etat [voisin]de Pueblapour être enterré vivant, situationqui a entraîné lamort», selonunrapportde la Commissionnatio-naledesdroits de l’homme.LaCour suprêmea exigéque l’enquê-te,menéepar l’armée, soit transfé-rée àun juge fédéral.

«C’estune avancéehistoriquecar la justicemilitaire favorisaitl’impunitédes soldats», se féliciteNikSteinberg, spécialisteduMexi-queàHumanRightsWatch. Ennovembre, l’organisationnongou-

vernementaleavait publié un rap-port alarmant sur les dérivesde lastratégieduprésidentFelipeCal-deronqui a déployé, depuis fin2006, 50000militaires sur le ter-ritoirepour combattre le crimeorganisé.

Liens entre armée et juges«Jugeet partie à la fois, la jus-

ticemilitairemanqued’impartiali-té, protégeant souvent les abuscommispar ses soldats», souligneM.Steinberg. Sur les 5000enquê-tesmenées depuis cinq anspar lesprocureursmilitaires surdes vio-lationsdes droitsde l’homme, seu-les 38 ont débouché surdes sen-tences.

LaCour suprêmedoit encorejuger trois autres cas identiques

pour instaurerun corps de juris-prudenceélargissant le principe,adoptéen juillet2011, de limita-tionde la justice de l’armée. «Onest sur la bonnevoiemais il resteraensuite à faire appliquer cette déci-sion sur le terrain», tempère JuanCarlosGutierrez, directeurde laCommissionmexicainededéfen-se et promotiondesdroits del’homme, chargéedudossier deJethroRamsès Sanchez.

Et c’est là que le bât blesse: laplupart des 5176plaintesdépo-sées contre desmilitairesoudespoliciers auprès de la Commis-sionnationaledesdroitsde l’hom-meont seulement fait l’objet derecommandationsenvers les auto-rités. Pis, jamaisun auteurde dis-parition forcéen’a été condamné.

«Lesministèrespublics locauxdoi-ventà leur tour se déclarer compé-tents etmener les enquêtes requi-ses alors que la justice civile faitaussi preuvede lacunes enmatièredeviolationsdes droits de l’hom-me», s’inquièteM.Gutierrezquipointedudoigt les complicitésentre armée, police et justice.

Parmi la vingtainede dossiersque la Cour suprêmedoit analy-ser, certains concernentdesmili-taires accusésde liens avec le cri-meorganisé. Quatregénérauxontété accusés, le 31juillet, dedélitsliés au trafic dedrogue. L’und’en-tre eux, TomasAngelesDauahare,passéau cadrede réserve, fut sous-secrétaired’Etat à la défenseentrede 2006à 2008. p

F.S.

30123Vendredi 24 août 2012